Convertie en aide humanitaire destinée aux personnes vulnérables au Cameroun, cette somme sera allouée cette année par l’Union européenne (UE). Selon un communiqué que cette institution a publié le 23 juillet 2020, ladite aide se décline en soutien à 16 projets menés par des organisations humanitaires en vue de fournir de la nourriture, un abri, des moyens de subsistance, de protection et d’éducation et de garantir l’accès à l’eau potable, à l’assainissement et aux soins de santé primaires.« Cette aide cible les réfugiés les plus vulnérables dans le pays, les personnes déplacées et les communautés locales touchées, surtout dans un contexte où la pandémie de coronavirus accroît les défis humanitaires », précise le document.
UE
Lutte contre la Covid-19 : L’UE décaisse 6 milliards FCFA pour le Cameroun
La somme est octroyée sous forme d’appui budgétaire en faveur du pays.
L’annonce a fait l’objet d’un point de presse conjoint de l’ambassadeur, chef de délégation de l’Union européenne au Cameroun, Hans-Peter Schadek, du ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire et du ministre des Finances, Louis Paul Motaze, le 7 juillet à Yaoundé. Le décaissement par l’UE de la somme de 6 milliards FCFA vise à renforcer la mobilisation gouvernementale face aux conséquences sanitaires et socioéconomiques de la pandémie de Covid-19, en accord avec le plan de riposte socioéconomique et sanitaire 2020-2023. Ces ressources, destinées à la trésorerie de l’État du Cameroun, marquent l’importance pour l’Union européenne d’une gestion transparente, efficace et efficiente des fonds publics. Elles traduisent également la volonté d’apporter une réponse rapide et concrète à la crise sanitaire qui n’épargne pas le Cameroun.
Décaissement anticipé
La crise du coronavirus a déjoué les pronostics de croissance des pays du monde entier, et le Cameroun en fait lui aussi les frais. Initialement programmé pour la fin d’année, ce financement constitue un décaissement anticipé d’une partie de l’appui budgétaire de l’Union européenne prévu cette année 2020. Il s’agit, en fait, d’une partie de l’enveloppe globale de 18 milliards FCFA mobilisés par l’UE et ses États membres, agissant ensemble dans le cadre de l’opération #TeamEurope. L’option de l’anticipation de ce don permet donc au gouvernement de disposer de fonds complémentaires pour booster sa riposte nationale contre le coronavirus.
Un geste de solidarité
L’UE n’est pas restée impassible face à l’accélération de l’épidémie dans les pays les plus vulnérables et les plus touchés par le coronavirus. Elle a dû arrimer ses priorités au contexte sanitaire ambiant, à travers la réorientation de plusieurs programmes et projets déployés dans des pays partenaires. La mobilisation de cette aide d’urgence de six milliards FCFA s’inscrit dans la solidarité européenne pour sauver des vies, prévenir et atténuer la souffrance humaine et aussi, atténuer l’impact économique de la crise sur les populations les plus vulnérables.
APF
Cameroun-UE
La Covid-19 reconfigure les décaissements
Avec l’irruption inattendue de la pandémie du Covid-19 au Cameroun, l’aide de l’Union européenne au Cameroun revêt une coloration nouvelle. Pour marquer sa volonté d’accompagner le Cameroun dans la lutte contre cette pandémie, le partenaire européen fait preuve de flexibilité. À la suite des échanges entre les deux parties, plusieurs décisions ont été prises concernant les conditionnalités des décaissements en faveur du Cameroun.
L’une d’elles concerne la première phase de mise en œuvre du Contrat de réforme sectoriel (CRS1) ayant couvert la période 2017-2019. À ce sujet, le dossier de presse de l’évènement nous apprend que «le million d’euros perdu en 2018 lors du décaissement des tranches prévues au contrat de réforme sectoriel de la première phase sera payé». En effet, en 2018, le Cameroun présentait d’énormes défaillances concernant une cible d’un indicateur comptant pour 1 million d’euros. Puisque l’État camerounais ne remplissait pas lesdites conditions, l’argent n’a pas été versé dans les caisses du trésor public, donc «perdu».
L’autre mesure concerne les conditionnalités des décaissements de ce groupe d’institutions et de pays au trésor camerounais. Jusqu’au troisième trimestre de l’année 2020, l’UE ne tiendra plus compte du respect des conditions générales d’éligibilité pour décaisser une enveloppe en direction du Cameroun.
Transparence
C’est d’ailleurs le cas du paiement anticipé (juin 2020 pour un versement effectif au trésor public en juillet 2020) dont la convention a été signée le 8 juillet en Alamine Ousmane Mey, ministre de l’Économie et Hans Peter Schadek, ambassadeur, chef de la délégation de l’Union européenne. Initialement prévus pour être payés à la fin de cette année, les 6 milliards FCFA qui viennent d’être décaissés en direction du Trésor public camerounais constituent un versement par anticipation, dû à la crise sanitaire actuelle. C’est la raison pour laquelle, l’ambassadeur de l’UE a insisté sur l’importance d’une gestion transparente de ce don.
En réponse à cette interpellation, le Minepat s’est voulu rassurant. «Ces ressources-là entrent dans le cadre bien entendu du code de la transparence et de la bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques, ces ressources seront allouées aux activités liées à la riposte feront l’objet d’audit conformément à l’ordonnance du chef de l’État qui a permis de modifier la loi des finances initiales de l’année 2020 en créant un compte d’affectation spécial. Et ce compte d’affectation spécial à travers des ressources qui sont mobilisées autour de ce compte fera l’objet d’une évaluation, d’un audit, de l’appréciation de ce qui a été fait pour obtenir les résultats voulus par le chef de l’État autour de ces ressources», a-t-il indiqué.
Joseph Julien Ondoua Owona, stagiaire
L’Afrique et l’Europe sont à la croisée des chemins. Le prochain sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine (UA) et de l’Union européenne (UE) va devoir plancher sur deux principaux problèmes: l’orientation de la relation entre les deux entités. La coopération de continent à continent sous l’égide des deux organisations continentales et le partenariat entre les 48 pays d’Afrique subsaharienne membres du groupe Afrique, Caraïbes et Pacifiques (ACP) et l’UE. Pour le moment, plusieurs divergences doivent être traitées entre les parties.
L’Accord de Cotonou est arrivé à échéance en février 2020. L’application des mesures transitoires a permis un prolongement dudit accord au 31 décembre 2020. L’Europe et l’Afrique veulent adapter leur relation à la nouvelle configuration mondiale et aux réalités économiques actuelles. L’Afrique est désormais un acteur géoéconomique différent de celui qu’il a été des décennies antérieures et compte bien le faire intégrer dans les accords.
La réunion ministérielle UA-UE, devant se tenir les 4 et 5 mai à Kigali (Rwanda), a été reportée du fait de la crise sanitaire liée à la pandémie du coronavirus. Le sommet Union africaine-Union européenne d’octobre 2020 demeure d’actualité, quoiqu’hypothétique.
Le journal Intégration vous présente la première livraison d’une série de focus qui ambitionnent de vous présenter les enjeux d’une relation d’égal à égal.
Le pilier régional Afrique-UE fait encore l’objet de plusieurs réserves des pays africains qui trouvent que la partie européenne veut en faire un fourretout.
L’Union européenne veut faire de son accord régional avec le compact Afrique un partenariat de continent à continent. En d’autres termes, l’accord ACP de l’Afrique deviendra également un accord Union africaine-Union européenne. Une suggestion immédiatement retoquée par plusieurs pays africains dont l’Afrique du Sud, le Maroc et l’Égypte. En fait, l’Union européenne a un accord spécial avec l’Afrique du Sud qui offre bien plus d’intérêts au pays de Cyril Ramaphosa.
Le Maroc, ancien candidat à l’adhésion au sein de l’UE, est lié au vieux continent par un accord de libre-échange, une indication du niveau de son partenariat avec Bruxelles. Tous ces pays ne veulent pas entendre parler de cette confusion de genre, car il n’est pas question que le nouvel accord commun diminue les intérêts déjà acquis.
Pour les autres 48 pays d’Afrique subsaharienne, le socle commun et le pilier régional africain demeurent en négociations. Plusieurs réserves ont d’ailleurs déjà été renvoyées au niveau ministériel et politique des négociations.
Données
Les pays d’Afrique subsaharienne ont besoin d’améliorer leurs capacités de production, notamment qualitatives et quantitatives. Malgré les préférences commerciales de l’Accord de Cotonou, le commerce entre l’Afrique et l’UE a baissé en 20 ans. Les mesures sanitaires et phytosanitaires (barrières non tarifaires) sont principalement la cause.
Plusieurs produits des pays d’Afrique ont la peine à se hisser aux normes du marché européen. Voilà pourquoi les marchandises africaines sont refoulées hors du marché européen. Lorsqu’elles sont détruites, elles le sont d’ailleurs aux frais des exportateurs. Pendant ce temps, le marché africain reste ouvert aux produits européens qui ont très peu de difficulté. Un démantèlement qui fait mal à ces économies qui perdent leur fiscalité de porte (douanes).
Vu que l’accord de partenariat économique ne saurait être dénoncé ou revu, la solution ultime peut s’étaler sur plusieurs points: la mise à niveau de l’infrastructure de l’ensemble de la chaine de valeur, des activités de formation aux activités d’exportation; la maitrise de l’usage des pesticides; la réfrigération à l’échelle industrielle de certains produits à l’export (entrepôts frigorifiés aux frontières aériennes, maritimes et terrestres); le respect des tailles et textures des produits tels qu’exigés sur le marché européen.
Voilà quelques mesures nécessaires pour l’optimisation des exportations africaines sur le marché européen.
L’Afrique du Sud et le Maroc qui ont déjà franchi ce palier ne voudraient pour aucune raison au monde se voir confondre à certains pays d’Afrique subsaharienne. De toute évidence, les négociations se feront autour des trois piliers stratégiques recommandés par le comité des ambassadeurs afin de guider les travaux du groupe après 2020: commerce, investissements, industrialisation et services; coopération au développement, technologie, science et recherche/innovation; et dialogue politique et sensibilisation.
Format
Côté européen, «une refonte en profondeur des structures actuelles du partenariat ACP-UE s’impose pour assurer la primauté des dynamiques régionales». À en croire l’UE, la coopération deviendrait plus régionale du fait «de la différenciation des tendances économiques, politiques et sociales entre les pays à revenus intermédiaires en plein essor et les États fragiles et moins développés». «Il n’y a plus de Sud homogène partageant les mêmes intérêts communs, et les alliances au niveau mondial ne sont plus basées sur les mêmes considérations qu’en période de guerre froide», affirme la direction générale de la coopération internationale et du développement de la Commission européenne (DG Devco) et le service européen pour l’action extérieure (SEAE).
Structure de l’accord
Dans cette nouvelle configuration, les relations ACP-UE vont prendre la forme d’un accord global juridiquement contraignant entre les pays concernés. À ce cadre qui fixera quelques grands axes de la coopération seront annexés trois partenariats régionaux distincts (Afrique-UE, Caraïbes-UE, Pacifique-UE).
Avec cette approche, estime-t-on à la DG Devco, il est davantage question de l’approfondissement de la régionalisation, consistant à «aligner l’action extérieure de l’UE sur les dynamiques de terrain en Afrique et ainsi améliorer sa cohérence et son efficacité globales».
Jeunesse
Le ciment de la nouvelle alliance
L’enracinement de la relation UA-UE va s’étendre à l’investissement sur la jeunesse et la collaboration entre les jeunes des deux blocs continentaux.
Dans une récente prise de parole, Ursula Von Der Leyen, actuelle patronne de l’exécutif européen, a affirmé que «si nous voulons bâtir une relation réciproque basée sur la compréhension mutuelle, nous devons connecter les futures générations des deux continents». Cette assertion qui va dans le sens d’établir une relation horizontale entre les deux partenaires va s’illustrer dans l’implication des générations futures à la gestion des préoccupations communes.
Youth Hub Cooperation
La coopération entre la jeunesse africaine et européenne, issue des résolutions du sommet d’Abidjan, a officiellement vu le jour au travers d’un hub de coopération des leaders de la société des deux continents. 42 jeunes des deux continents, âgés de 20 à 35 ans, représentant 28 nationalités des deux continents et de la diaspora, composent ce hub. Ils contribueront à définir la portée des projets pilotes à mettre en œuvre par les organisations de la société civile. Ils en assureront également le suivi.
Le hub est doté d’un fonds de 10 millions d’euros (6,5 milliards FCFA) pour le soutien aux projets de la société civile jeune en Afrique. Ces projets devront s’inscrire dans 6 domaines thématiques: culture, sports et arts, éducation, environnement, affaires, gouvernance, paix et sécurité.
Investissements
Doté d’un budget de 4,1 milliards d’euros (près de 2700 milliards FCFA), le plan d’investissement extérieur (PIE) aspire à encourager l’investissement en Afrique et dans les pays voisins de l’UE. L’objectif est de mobiliser 44 milliards d’euros (près de 29 000 milliards FCFA) d’investissement entre 2018 et 2020. Le but ultime est de créer de nouvelles possibilités d’emploi pour les jeunes sur l’ensemble du continent africain.
En stimulant l’investissement public et privé, l’UE espère «créer de nouvelles possibilités d’emploi pour les jeunes sur l’ensemble du continent africain» et partant, lutter contre le chômage, l’une des causes profondes de la migration irrégulière. En effet, 60% de la population africaine a moins de 25 ans. D’ici à 2050, la population des jeunes du continent africain devrait doubler.
Cependant, pour les 10 à 12 millions de personnes qui, selon les estimations, intègrent le marché du travail chaque année, seuls 3 millions d’emplois dans l’économie formelle seront créés. Le PIE de l’UE fait partie des grandes annonces du 5e sommet UA – UE du 29 au 30 novembre dernier à Abidjan en Côte d’Ivoire.
UA-UE
La nouvelle alliance en question
Les négociations en vue d’une nouvelle stratégie entre les continents africain et européen achoppent encore sur le périmètre et la structure même.
Si l’on devait caricaturer les propositions de la Commission européenne pour une nouvelle relation avec le continent africain, on dirait certainement que l’Union européenne entraine l’Afrique à s’adapter aux enjeux du 21e siècle (voir tableau): changement climatique, transformation numérique, etc. Elle lui offre aussi ses capacités technique, technologique et financière. L’Afrique, avec ses mutations économiques, stratégiques et démographiques, garantit moins d’immigration irrégulière, plus de sécurité des investissements européens, davantage de sécurité en Europe…
Or, en Afrique, on indique que «la relation entre l’Afrique et l’UE a souvent été considérée comme étant asymétrique et caractérisée par la dépendance entre les bailleurs de fonds et les bénéficiaires. Dans le but d’assurer la viabilité du futur partenariat, cette représentation ne peut être poursuivie. Les négociations en vue d’une nouvelle stratégie doivent se fonder sur le respect mutuel, l’égalité et l’acceptation du droit souverain des pays de définir la base et la configuration selon laquelle ils souhaitent nouer le dialogue avec l’UE ainsi qu’avec d’autres parties». La place des communautés économiques régionales africaines semble ambigüe dans la nouvelle relation. Il faudra de ce fait que la conférence des chefs d’État de l’Union africaine fixe le cap.
Contexte
L’Afrique connait des mutations positives qui font des envieux. En 2018, six pays africains figuraient parmi les dix premiers pays du classement mondial des pays affichant la croissance la plus rapide. L’expansion économique du continent est susceptible de s’accélérer et de stimuler le développement social et humain au sens large. Le continent africain détient désormais une des forces de production les plus importantes dans le monde, avec 60% de sa population qui a moins de 25 ans, soit plus de 780 millions d’habitants. C’est près d’une fois et demie la démographie totale de l’Union européenne. Elle peut se prévaloir de la classe moyenne la plus jeune et la croissance la plus rapide au monde.
Nonobstant cette belle photographie, l’Afrique demeure un continent de fragilités. Au classement des pays les plus fragiles au monde, l’Afrique en compte 36, souvent affaiblis par des conflits. On recense sur le continent 390 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. La croissance n’a pas toujours été inclusive, notamment en raison de problèmes de gouvernance.
Réaliser ce potentiel passe par la mutualisation et la coopération internationales. Ce terrain, les deux partenaires se proposent de mieux l’investir pour en tirer profit.
Géopolitique
Face au repli nord-américain et brésilien, au regard de la montée des politiques protectionnistes et nationalistes dans certains États membres de l’UE affectant le commerce international, la lutte contre le changement climatique et l’octroi de ressources de développement aux pays du Sud dont l’Afrique, l’UE et l’UA entendent coopérer pour renforcer le poids de l’Afrique. L’UE s’engage à s’efforcer de mettre en place une coopération trilatérale plus structurée entre l’Union africaine, l’Union européenne et les Nations unies, dans l’ensemble des domaines d’intérêt commun.
Elle devrait également soutenir les réformes nécessaires et la modernisation des institutions multilatérales existantes afin de veiller à ce qu’elles soient adaptées à leur finalité. En vue de soutenir les efforts visant à donner plus de poids à l’Afrique au sein des Nations unies, des institutions financières internationales et d’autres organisations multilatérales, l’UE soutient la demande de l’Union africaine visant à obtenir le statut d’observateur renforcé au sein de l’OMC.
Zacharie Roger Mbarga
Afrique-Europe
On coopère d’égal à égal
Ursula Von Der Leyen, présidente de la Commission européenne (2020 )
«J’appelle à bâtir un partenariat entre égaux avec l’Afrique. L’Europe et l’Afrique sont des partenaires naturels. Nous avons un lien historique et nous partageons bon nombre des défis d’aujourd’hui. L’un de nos principaux objectifs est de transformer la transformation verte et numérique de nos économies en opportunités pour nos jeunes».
Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne (2014-2019)
«Ce qui se passe en Afrique est important pour l’Europe et ce qui se passe en Europe est important pour l’Afrique. Notre partenariat constitue un investissement dans notre avenir commun. Il s’agit d’un partenariat d’égal à égal, dans lequel nous nous soutenons mutuellement pour créer de la prospérité et faire en sorte que la planète soit un espace de vie plus sûr, plus stable et plus durable».
Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de UA (2017)
«Pour s’épanouir et porter ses fruits, le partenariat entre l’Union européenne et l’Union africaine doit reposer sur des principes solides et dessiner tous les champs à la mesure de son envergure multidimensionnelle, de ses ambitions visionnaires et de ses enjeux globaux, en constante extension. Le respect mutuel, l’égalité, la liberté et la solidarité sont les repères et les jalons inaltérables d’une relation solide, durable, mutuellement avantageuse».
Carlos Lopes, haut représentant de l’Union africaine pour les négociations avec l’Europe dans le cadre de l’après-Cotonou
«Nous entrons maintenant dans une phase de relations, particulièrement entre l’Afrique et l’Europe, qui ne ressemble guère plus à la métaphore du diner. Beaucoup de choses ont évolué sur les deux continents et, si ces changements sont reconnus de part et d’autre, on pourrait comparer ces nouvelles relations à celles d’un couple marié qui a décidé de reformuler ses vœux avec des engagements forts et constructifs l’un à l’égard de l’autre».
Migration
Le défi
Sujet sensible dans la nouvelle relation entre les deux blocs, l’Afrique invite à décomplexer le sujet.
Une migration et une mobilité bien gérées peuvent avoir une incidence positive sur les pays d’origine, de transit et de destination. Depuis le sommet UE-UA d’Abidjan (Côte d’Ivoire) en 2017, l’Afrique martèle que les flux migratoires des fils du continent sont plus importants à l’intérieur de son continent.
L’Union européenne ne l’a toujours pas intégré. Depuis la crise migratoire de 2018, l’Europe a, de manière unilatérale, rompu certains accords nés de la stratégie du sommet d’Abidjan en 2017, de celui de La Valette en 2015 et même de l’accord de Cotonou en 2000.
Aujourd’hui, la Commission européenne évolue vers une immigration choisie qui postule que chaque année des quotas seront fixés pour les immigrés africains (médecins, infirmiers, chercheurs…).
Instrumentali-sation
En Afrique, on estime que la montée des convictions nationalistes et protectionnistes en Europe et le glissement vers ces idées par certains politiques européens en quête de suffrages continuent d’animer une information tronquée sur ce sujet.
Contrairement à certaines idées reçues, le chômage et les problèmes structurels rencontrés en Europe sont le résultat de changements économiques et d’évolutions technologiques, bien plus que de la présence de migrants. Pourtant, les vues déformées — et les perceptions parfois délirantes — des événements tragiques qui surviennent en Méditerranée continuent d’entraver les relations entre les deux continents.
En tout état de cause, il y a proportionnellement en Europe plus de migrants en provenance de Chine ou de Russie que d’Afrique. Les migrants africains sont aujourd’hui des contributeurs nets à la plupart des économies européennes qui les intègrent.
BO
Le Sommet virtuel intersessions des Chefs d’Etat et de Gouvernement ACP sur la covid-19 : un temps fort dans le processus de transformation structurelle du Groupe des Etats ACP
Par KENHAGO TAZO Olivier, Ministre Plénipotentiaire, Institut des Relations Internationales du Cameroun – Institute for European Studies – ULB.
En convoquant un sommet extraordinaire intersession des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Organisation des Etats ACP sur le thème « transcender la pandémie de COVID – 19 : renforcer la résilience par le biais de la solidarité internationale », le Président de la république du Kenya UHURU KENYATTA, Président en exercice de l’OEACP, a saisi le contexte de la crise liée au Covid-19 pour positionner cette organisation au centre du jeu multilatéral mondial. Il faut dire que la covid-19 est un véritable game changer, en ceci qu’elle laisse apparaitre, non pas des lignes de fracture ou des changements de paradigme en tant que tels, mais des réelles transformations dans la façon dont les acteurs de la scène internationale se restructurent et se repositionnent, et donc interagissent.
Non pas que ce repositionnement de l’OACP dans le jeu multilatéral soit une conséquence de la crise pandémique en elle-même. En fait, le contexte s’est avéré propice pour enclencher un processus pensé de longue date, et dont les événements marquants ont pris corps dans un passé récent.
En effet, au lendemain de la signature de l’Accord de Cotonou en 2000, au regard des problématiques qui s’étaient déjà dégagées et de l’évidence que la relation entre l’UE et le groupe des Etats ACP entrait dans une phase nouvelle, il est apparu nécessaire pour le Groupe ACP de se réinventer pour rester pertinent dans un environnement international en pleine mutation. Il faut dire que de manière générale, le temps de l’après-guerre froide a été soumis à une intensification de changements internationaux, qui ont reflété à la fois les transformations structurelles de l’économie internationale liées à la globalisation, l’érosion de la souveraineté des États, la prolifération de dynamiques transnationales, l’intensification des regroupements internationaux et l’avènement de normes de gouvernance post-westphaliennes.[1] Face à ces changements protéiformes, le Groupe des ACP a réagi en adoptant un train de réformes structurelles qui donnent aujourd’hui des résultats probants.
Dans un processus commencé dès le Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement ACP de Sipopo en 2012, les leaders ACP se sont engagés, dans leur déclaration intitulée à juste titre “l’avenir du groupe ACP dans un monde en mutations : défis et opportunités”, à rester unis en tant que groupe et à développer les relations sud-sud. Les leaders ACP prenaient ainsi conscience de la nécessité d’une transformation et d’un renouvellement profond de l’organisation, par le renforcement de la coopération avec le partenaire stratégique et traditionnel européen, tout en développant et en diversifiant les partenariats avec les pays du Sud et d’autres nations. Ceci implique également la nécessité de garantir sa pérennité́ financière, de l’adapter avec efficacité́ à un environnement mondial agité par des turbulences, et de mieux le positionner sur la scène internationale.[2] Ces orientations, les Chefs d’Etat et de Gouvernement ACP les confirmeront lors du sommet de Fort Moresby le 1er juin 2016.
Entretemps, un Groupe d’Eminentes Personnalités présidé par l’ancien chef d’Etat OBASSANJO sera mis en place en mars 2013, avec pour mandat d’analyser le statut du Groupe ACP en tant qu’organisation internationale, et de recommander des réformes visant à le transformer en une institution plus efficace, plus pertinente et plus dynamique, apte à améliorer les conditions de vie des populations ACP à travers la réduction de la pauvreté et le développement durable. Ses recommandations seront d’ailleurs traduites en programme d’action dans la vision du Groupe ACP telle que reflétée dans le document-cadre d’orientation intitulé « Vers le Groupe ACP que nous voulons ».
A partir de là, les Etats membres ACP assument leur volonté clairement établie de « devenir une organisation transcontinentale de premier plan, travaillant de manière solidaire afin d’améliorer les niveaux de vie de ses communautés grâce à la coopération Sud-Sud et Nord-Sud.[3]
Le Groupe ACP va s’engager sur trois chantiers majeurs :
- la négociation de l’accord appelé à remplacer l’accord de Cotonou, qui aurait dû arriver à expiration le 28 février 2020 ;
- la réforme institutionnelle du Groupe, par la révision de l’Accord de Georgetown ;
- la poursuite du chantier visant à l’autonomisation financière du Groupe.
N’oublions pas que tout ce processus se tient dans un contexte marqué par les consultations en vue de la négociation de l’Accord post-Cotonou. Le débat intellectuel est alors marqué par les réflexions sur l’opportunité de maintenir ou non la coopération entre les ACP et l’UE. S’il est vrai que la révision du cadre juridique du partenariat a toujours donné lieu à de tels débats, il n’en demeure pas moins que le contexte est nouveau, marqué, entre autre, par le débat sur les APE, et donc d’un changement de paradigme à travers le passage de l’aide au développement à la coopération commerciale multilatérale, la budgétisation annoncée du FED, ce qui fait craindre une diminution des ressources et surtout la fin de la subvention traditionnellement attribuée au Secrétariat ACP, et surtout le débat sur l’importance et la place à accorder aux organisation régionales dans le futur partenariat post 2020.
En clair, c’est la survie des ACP en tant qu’organisation qui est en jeu, tant les lobbies sont nombreux qui essaient de démontrer son caractère suranné et appellent à une mutation fondamentale qui verrait la conclusion d’un Accord avec les régions séparément, sonnant ainsi le glas pour le Groupe ACP. Une solution de compromis sera finalement trouvée, avec la décision des partenaires, à l’ouverture des négociations, de conclure un accord juridiquement contraignant comprenant un socle commun et des protocoles régionaux. Pour le Secrétariat Général, c’est une sorte de sursis.
Le 9ème Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement ACP, qui s’est tenu à Nairobi en décembre 2019, a donc permis aux chefs d’Etat ACP de valider l’ensemble de ces réformes structurelles. Même si l’Accord de Cotonou n’a pas, à ce moment, connu le niveau de négociation souhaité, tous les autres chantiers étaient à un degré de maturité tel que les plus hauts décideurs ont pu valider les différents processus.
Premièrement, le Sommet a permis l’adoption de L’Accord de Georgetown révisé. Cet accord, adopté en 1975, est l’Acte constitutif du Groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique qui vise à assurer le développement durable et la réduction de la pauvreté dans les États membres des ACP. Conformément à son article 42, l’Accord de Georgetown révisé est entré en vigueur le 05 avril 2020, soit trente jours après avoir été signé ou ratifié par 1/3 des Etats membres de l’organisation. Ceci a impliqué le changement de nom de l’organisation, devenue, à compter de cette date, l’Organisation des Etats ACP. Elle devient ainsi une organisation intergouvernementale sui generis.
Désormais, l’Organisation du groupe des Etats ACP (OEACP) entend renforcer la cohésion de ses membres – notamment par la mise en place d’un mécanisme de résolution des conflits – et assurer son autonomie financière vis à vis de l’UE grâce notamment à la création d’un fonds fiduciaire et de dotation, le paiement régulier des contributions statutaires et d’autres formes de financement du développement.
Pour ce qui est de l’autonomie financière, le Groupe de travail sur les perspectives d’avenir des ACP, créé sur la base des décisions des Chefs d’Etat à Sipopo et fort Moresby, avait déjà dénoncé la dure réalité suivant laquelle pour financer la moitié de ses dépenses de fonctionnement effectives au cours d’un exercice donné, le Secretariat ACP reste régulièrement tributaire de l’accord de contribution qu’il a conclu avec le FED, qui varie annuellement sans toutefois dépasser le plafond de 50% du montant des dépenses en question. Cela signifie qu’en l’absence d’une enveloppe intra-ACP ou d’un mécanisme similaire après 2020, une grande incertitude planera sur la viabilité financière du Groupe ACP.[4] C’est pour diminuer cette dépendance que nait l’idée de la création du fonds fiduciaire, dont le principal avantage est d’assurer une stabilité et de permettre aux Etat membres de se préoccuper moins de savoir si les contributions attendues au titre du budget approuvé sont versées.
L’adoption et le lancement en décembre 2019 par les Chefs d’Etat et de Gouvernement ACP du Fonds Fiduciaire et de Dotation ACP est donc l’aboutissement d’un long processus piloté dans le cadre d’un Groupe de travail sur les perspectives d’avenir des ACP. Plusieurs Etats membres ont déjà annoncé leur contribution à ce fonds, notamment la guinée Equatoriale, la Papouasie Nouvelle Guinée, le Ghana et le Kenya. Le succès de l’initiative dépendra de la taille de la dotation initiale et de la pertinence des investissements que ce fonds de dotation permettra de financer.
Le fonds, établi dans la juridiction luxembourgeoise, a comme entité fondatrice et responsable légal la structure juridique de base, appelée le « General Partner », ou Associé commandité, association à but non-lucratif enregistrée auprès de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) de Luxembourg. Elle est composée du Secrétaire général du Groupe ACP et de deux Ambassadeurs occupant respectivement les fonctions de Président du Comité des Ambassadeurs ACP et Président du Groupe de travail des Ambassadeurs sur la mise en œuvre des recommandations sur les perspectives futures du groupe ACP.
Le Fonds est ainsi créé fonctionnera indépendamment du Secrétariat ACP dans la mesure où il sera doté de son propre Conseil d’Administration, soutenu par une unité technique de planification financière et des investissements. Il a la vocation d’être la seule et unique structure suffisante pour répondre aux besoins des diverses catégories de mobilisation des fonds et des investissements au service du développement des pays et régions ACP.[5]
La mise en place du Fonds fiduciaire se poursuit à travers un plan de travail adopté pour 2020, qui prévoit, entre autres, la désignation des membres de son conseil d’administration, la mobilisation des contributions des Etats membres et la définition des modalités de soutien du Secrétariat de l’OEACP.[6]
La réforme institutionnelle a également eu pour résultat la création du Centre d’information ACP pour la coopération Sud-Sud et triangulaire, dont le siège est établi à Malabo. Un Accord de siège a déjà été signé entre l’organisation et le pays hôte, et le responsable du centre prendra ses fonctions dans quelques mois, en principe en septembre 2020.
Dans ce contexte, le Sommet virtuel du 03 juin dernier apparait comme une des manifestations du processus de transformation de ce qui est désormais l’Organisation des Etats ACP. Il restera comme un temps fort, en raison, d’une part, de la qualité des participants, et de l’autre, de la nature des engagements pris. Dans son format novateur en effet, il a vu une participation active de 11 Chefs d’Etat et de Gouvernement ACP[7], de quatre Chefs d’Etat et de Gouvernement de pays partenaires[8], du Secrétaire Général des Nations Unies, du Président du Conseil Européen, du Directeur Général de l’OMS et du Secrétaire Général de l’Organisation des Etats ACP.
Si la situation sanitaire reste préoccupante dans les Etats et Régions ACP, les Chefs d’Etat s’inquiètent des conséquences économiques de la crise et, par conséquent, insistent sur la nécessité d’une réponse globale qui prenne en compte leur situation de fragilité. On comprend dès lors que la crise leur permettra de remettre sur la table de négociation les nombreux sujets qui fâchent, notamment les sanctions internationales contre certains Etats membres, la publication par le partenaire européen des listes des juridictions fiscales non coopératives, l’incertitude sur le financement de la coopération au développement dans le cadre de l’Accord post-Cotonou… Si l’UE s’est jusque-là montrée réservée à engager un véritable dialogue sur certaines de ces questions, il y a lieu de croire que la pression qui va s’exercer va la pousser à revisiter ses méthodes et approches. De même, l’OEACP entend plaider, en tant que groupe, en faveur de la poursuite et de l’approfondissement de l’initiative du G20 en faveur de la dette, en prenant en compte les PIED et les PRI, mais aussi en envisageant une annulation pure et simple de la dette.
L’heure étant à la convergence des vues, les leaders invités ont tenu à réaffirmer le sens du partenariat avec l’OEAP ; le Président de la République Française est allé plus loin, en proposant des initiatives et axes d’intervention concrets susceptibles de renforcer le partenariat.
Il s’est dégagé une claire convergence sur des questions politiques majeures notamment :
- La nécessité de privilégier une réponse multilatérale, coordonnée, à la pandémie du Covid-19 ;
- l’élargissement de la décision du G20 de suspendre la dette à tous les Etats ACP au sujet de la dette des PMA, en vue de prendre également en compte les PRI et les PEID, tout aussi impactés par la pandémie ;
- l’annulation de la dette ou, à tout le moins, l’activation du mécanisme de gel de la dette prévu à l’article VIII 2 de l’Accord sur le FMI,
- l’appel à plus de coopération avec l’UE, partenaire traditionnel de l’OEACP, surtout en ce qui concerne la publication unilatérale de la liste des juridictions non coopératives en matière fiscale et des pays tiers à haut risque en matière de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme ;
- l’accent mis sur la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique, qui reste la plus grande menace à laquelle fait face l’humanité…
A l’égard de leurs partenaires au développement, les pays ACP ont salué la tenue en mai 2020 de la réunion de haut niveau sur le financement du développement à l’ère du covid-19 et au-delà et appelé à un accès accru aux Droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI pour traiter les répercussions financières.
Le Sommet virtuel a donc été, par la qualité des participants et le contenu et la portée des déclarations, un Sommet inédit qui intervient opportunément au moment où l’OEACP a entrepris un train de réformes structurelles visant à mieux se positionner sur l’échiquier international. Ces avancées sont à inscrire, d’une part, au crédit de la Présidence en exercice qui, depuis le Sommet de Nairobi de décembre 2019, multiplie des initiatives visant à faire entendre la voix de l’OEACP dans le concert des nations et à assurer sa prise de position sur des questions globales majeures ; d’autre part, elles découlent du bilan déjà positif du nouvel exécutif de l’organisation, 100 jours seulement après la prise de service du nouveau Secrétaire Général qui mobilise sa riche expérience internationale au service de l’organisation. Sous son impulsion, la pandémie du Covid-19 a permis à l’OEACP de mettre en place un leadership et des solutions novateurs pour faire face aux nombreux défis auxquels les Etats membres sont confrontés.
Bien plus, l’analyse de la réponse ACP à la crise liée au COVID-19 renseigne sur la volonté de l’organisation de redéfinir son champ d’action. Elle comprend très bien que son expertise dans le champ de la coopération au développement et de la coopération commerciale multilatérale va, à la faveur de l’Accord post-Cotonou, subir une forte concurrence des organisations régionales. Le Champ politique, duquel elle a été relativement absente jusque-là, va donc être pour elle un champ d’expérimentation.
Avant le sommet virtuel, le Président Kenyan avait déjà saisi ses pairs au sujet de la pandémie et de ses conséquences, en exprimant la vision de l’OEACP sur les solutions à mettre en œuvre pour en limiter l’expansion. Entretemps, les chefs des exécutifs de l’Organisation des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, de la Communauté des Caraïbes et du Secrétariat du forum des Iles du Pacifique ont signé une Déclaration commune sur la pandémie de covid-19.
Ces trois leaders rappellent les effets néfastes de la pandémie sur les économies des Etats membres et appellent à une réponse coordonnée. Ils insistent toutefois sur le fait que même si la pandémie de covid-19 constitue la menace la plus urgente qui pèse aujourd’hui sur l’humanité, le changement climatique reste la plus grave menace à long terme. Pour eux, par conséquent, la réponse doit être formulée dans un cadre multilatéral et les mesures de relèvement post-covid doivent être conformes aux objectifs de l’Accord de Paris.
En s’associant à ces autres organisations, l’OEACP veut ainsi maintenir sa posture politique et apparaitre comme le liant. Force est de constater que l’UA ne s’est pas associée à cette initiative, préférant développer une approche propre dans sa réponse à la crise. La référence à l’Accord de Paris vise à valoriser les acquis de cette période féconde, au cours de laquelle la collaboration entre le Groupe et l’Ue avait permis des avancées considérables sur l’Accord de Paris, rendant possible son adoption. D’ailleurs, le souvenir de ce succès fut invoqué par les partisans du maintien des ACP dans le partenariat avec l’UE, au moment où des voix s’élevaient pour prôner un changement radical.
Avec le recul, force est de constater que l’OEACP est la seule organisation intergouvernementale actuelle dans le monde qui dispose de quarante-cinq années d’expérience historique en matière de négociations commerciales, de financement du développement et de relations politiques au niveau national et entre ses Etats membres, et entre ceux-ci et l’Union européenne. Cependant, le capital social, les compétences et mécanismes organisationnels qui découlent de cette expérience ne lui ont pas procuré un avantage comparatif dans des domaines tels que la production de connaissances, l’analyse des politiques de développement, le renforcement des capacités, ainsi que le commerce et l’investissements au niveau intra-ACP. Entre temps, l’évolution des dynamiques régionales aussi bien à l’intérieur du Groupe ACP qu’au sein de l’UE, avec l’adhésion de nouveaux Etats membres, a complexifié la donne en rendant impératif un nouvel élan, sous peine de voir le Groupe devenir définitivement obsolète.
Toutefois, ces ressources humaines et institutionnelles ne sont pas suffisamment exploitées pour permettre aux Etats ACP d’en tirer un profit maximum, bien que la situation mondiale actuelle offre des possibilités pour déployer des idées, des connaissances et des outils nouveaux en vue de promouvoir une profonde restructuration des économies ACP. Cette situation ouvre au Groupe ACP des perspectives pour participer efficacement, de façon complémentaire et subsidiaire, à des actions aux plans mondial, régional et national. Le Groupe peut ainsi accroitre sa visibilité.
Il est vrai que depuis l’accord de Cotonou, de nombreux piliers de la coopération UE ACP ont été progressivement externalisés, à l’instar de la coopération commerciale et des questions de paix et de sécurité. La budgétisation du FED, qui sera probablement actée dans le prochain cadre financier pluriannuel de l’UE, viendra une fois encore mettre fin à un pilier important de ce partenariat historique. De même, le déplacement du centre de gravité vers les régions, avec comme corolaire un affaiblissement du Secrétariat ACP, est une contrainte supplémentaire.
L’option définitivement choisie pour le multilatéralisme et les démarches visant à assurer au Secrétariat ACP une autonomie financière, à travers la création du Fonds Fiduciaire et de dotation et la mobilisation des contributions nationales, sont les seules à même de garantir à l’Organisation rénovée une survie dans un monde qui change. C’est dans ce contexte que le récent Sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement peut être considéré comme un fait marquant, malgré la portée relative de ses décisions. La Présidence Kenyane, à cet égard, apparait comme une présidence dynamique et innovante, qui tient à relever le pari de faire tenir son rang à l’organisation.
La prise de fonction du nouvel exécutif, dans cette période charnière, laisse également présager une transition pertinente. La figure du nouveau Secrétaire Général, dont la grande expérience politique internationale est un atout, va être déterminante. Son élection en décembre 2019 à Nairobi au Kenya, lors du 9ème Sommet ordinaire des Chefs d’Etat et de Gouvernement, a été très positivement accueillie par la critique, tant son profil correspond aux défis à relever. Ce profil va sans doute déteindre sur l’orientation des activités du Secrétariat, qui deviendra plus politique, comme le démontre le bilan des cents jours de son mandat.
Le Secrétariat ACP, dont la taille est appelée à être réduite, réussira-t-il à valoriser au sein de ses Etats membres et des organisations régionales l’expérience acquise dans le domaine de la coopération au développement et des négociations commerciales ?
Les démarches récentes portées par le Secrétariat ACP et la Présidence en exercice donnent du contenu à l’affirmation sans cesse répétée suivant laquelle le multilatéralisme est, pour les 79 Etats ACP, le moyen le plus adapté pour se faire entendre dans le concert des Nations. Les valeurs que sont la solidarité et l’unité doivent guider les actions du Groupe pour faire face aux défis communs et apporter une réponse commune. Cette dynamique est à l’œuvre dans la réponse du Groupe à la pandémie liée à la Covid-19. Si l’OEACP veut rester pertinente dans l’environnement institutionnel actuel, elle a intérêt à maintenir cette tendance, à régler l’équation de son financement pérenne, et à assurer la transition qu’impliquera la mise en œuvre de l’Accord post-Cotonou, alors que les régions vont désormais jouer un rôle prépondérant dans sa mise en œuvre.
Avec le recul, l’évaluation de ces vingt années de changement au sein des ACP laisse apparaitre trois tendances fortes en termes de changements survenus au sein des ACP.
Premièrement, le choix des ACP a été porté sur les changements liés aux réformes institutionnelles, qui ont permis de remplacer les règles existantes par de nouvelles règles et à ajouter celles-ci à celles-là, dans une double dialectique de « substitution » et « d’empilement ».[9] En effet, l’on remarquera que l’Accord de Georgetown, texte fondateur du Groupe ACP, n’a pas été remplacé par un texte nouveau, mais simplement modifié et révisé. Pourtant, le débat fut vif au sein du Comité des Ambassadeurs et du Groupe de travail chargé de la conduite de ce processus. Pour certains, afin de marquer le renouveau du Groupe, il était important de conclure un traité nouveau, qui assurerait alors une renaissance totale et une rupture avec le passé. Cette position a été mise en minorité, face aux tenants de l’approche de la continuité, qui ont mis en exergue l’héritage politique, culturel et technique du groupe. Il faut dire que cet état d’esprit, l’innovation dans la continuité en préservant les acquis, est le courant dominant au sein des ACP, qui influence les politiques qui y sont adoptées. A cet égard, l’Accord de Georgetown révisé va ainsi modifier certaines missions des ACP, sa nature juridique, le processus de désignation du Secrétaire Général et les modalités de sa révision.
En fait, la réforme institutionnelle par substitution est quasi permanente dans cette organisation, qui évalue et révise régulièrement le traité de coopération qui le lie à son partenaire historique européen ainsi que les bases juridiques de ses politiques, crée de nouveaux organes, amende les procédures de décision et donne l’impulsion à son grand projet qui est de réduire la pauvreté au sein de ses Etats membres et d’assurer leur intégration progressive dans le commerce multilatéral.
La deuxième forme de changement observable au sein du Groupe ACP est d’ordre cognitif et normatif. En fait, ce changement est intervenu en dehors et avant même la réforme institutionnelle et l’a accompagné. C’est lui qui a conduit l’organisation à réévaluer son rapport à son environnement et à changer les modalités de mise en œuvre de ses règles.
Le changement cognitif et normatif apparait à travers les différents documents d’évaluation et de plan d’action mentionnés plus haut, qui ont conduit les États membres de l’organisation à réinterpréter son mandat originel. C’est ainsi que la perception internationale du rôle joué par l’organisation a été modifiée. Quel que soit le jugement que l’on porte sur le bilan de la coopération pour le financement du développement, de la coopération commerciale ou des programmes pour la lutte contre la pauvreté dans le cadre de la relation UE/ACP, l’évolution de ceux-ci et du système classique des préférences commerciales aux APE en passant par les conditionnalités politiques et environnementales qui ont été progressivement introduites dans la relation, témoigne largement de la capacité de l’Organisation à réinventer, sous des impulsions normatives successives, les modalités de la coopération pour le développement et de la lutte contre la pauvreté.[10]
Dans d’autres registres, nombre d’activités et de programmes dans la relation UE-ACP ont été menés ces dernières années sur la base de nouvelles normes d’action collective générées au sein de l’Organisation (le développement humain, la sécurité humaine, le développement durable, l’égalité entre les sexes), assez différente des normes qui étaient les siennes au moment de sa création en 1975. Ces changements normatifs et institutionnels doivent se comprendre également dans le contexte de la relation avec l’UE qui, à cet égard, constitue un facteur majeur de changement. Certains observateurs se demandent d’ailleurs si ces changements ne résultent pas tout simplement d’une mise en conformité des ACP face aux pressions subies des européens.
Troisièmement, l’on remarquera que le processus de changement au sein des ACP n’a pas donné lieu à une reconfiguration de pouvoir au sein des structures institutionnelles de l’organisation. Les rapports de force restent donc globalement les mêmes.
En définitive, la crise liée à la Covid-19 apparait comme une opportunité pour l’OEACP pour tester les résultats de son long processus de transformation. Si l’objet de ce papier n’était pas d’en évaluer l’impact et la portée, les éléments d’analyse invoqués renseignent que comme toutes les autres organisations intergouvernementales, le Groupe ACP, loin de constituer un « ordre institué » marqué par l’inertie, est un univers institutionnel ouvert et évolutif, soumis à des dynamiques de changement qui résultent de facteurs multiples endogènes et exogènes et suivent des temporalités variées. Dans le contexte actuel, la concurrence institutionnelle et politique forte qu’il subit des autres organisations régionales à l’instar de l’UA lui a fait prendre conscience du fait que son changement institutionnel est une condition importante de sa résilience dans le système international. Le futur Accord post-Cotonou, en ce qui concerne notamment ses dimensions institutionnelles et financement du développement, va nous renseigner davantage sur la portée des ajustements nécessaires à sa pérennisation dans le système international/-
Bruxelles, le 08 juin 2020
[1] Olivier Nay et Franck Petiteville offrent une analyse de ces mutations qui affectent en fait toutes les organisations intergouvernementales. Lire Éléments pour une sociologie du changement dans les organisations internationales, Presses de Sciences Po « Critique internationale » 2011/4 n° 53 | pages 9 à 20
[2] 7ème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement ACP Sipopo, Guinee Equatoriale, 13 – 14 décembre 2012 déclaration de Sipopo : “l’avenir du groupe ACP dans un monde en mutation : défis et opportunités” ACP/28/065/12 [Final]
[3] Vers le groupe ACP que nous souhaitons, référence ACP/1/1/11/(vol.1) 17 rev.3, 1er mai 2017.
4] En l’état actuel des négociations, l’incertitude règne sur le financement du partenariat après expiration de l’Accord de Cotonou. L’UE a quant à elle déjà annoncé la budgétisation du Fonds Européen de développement, instrument financier dédié à l’Accord de Cotonou. Les décisions restent cependant tributaires des négociations en cours au sein des institutions européennes, qui concernent le Cadre Financier Pluriannuel 2021-2027.
[5] Pour une gouvernance détaillée du fonds, voir ACP : le Groupe ACP transformé : une autorité et une voix au service de ses populations. Financement du développement des pays ACP : Historique, Impact et perspective à long terme. www.acp.int.
[6] Ce processus est actuellement piloté dans le cadre du Groupe de travail chargé de la mise en œuvre des recommandations du Groupe de travail des Ambassadeurs sur les perspectives d’avenir du Groupe ACP, présidé par l’Ambassadeur du Cameroun en Belgique, S.E. Daniel Evina Abe’e.
[7] Les Chefs d’Etat ACP qui y ont pris part sont : les Présidents du Kenya, de la République Sud-Africaine, de la Gambie, de la République du Congo, de la Zambie, de Guinée Bissau et du Rwanda, invité spécial, les Premiers Ministres de Barbade, de Tuvalu, de Papouasie Nouvelle-Guinée, de Fidji et de Jamaïque. Il s’agit là des Chefs d’Etat et de Gouvernement dont les pays occupent une responsabilité au sein des instances décisionnels de l’OEACP, entre autres, le Comité des Ambassadeurs, les Groupes régionaux… il convient de signaler que le processus préparatoire du Sommet a été marqué par des tractations suivant lesquelles plusieurs Ambassadeurs souhaitaient que leurs plus hautes autorités prennent également une part active au Sommet. Le choix de ce format, finalement réaliste, semble s’être imposé pour des raisons pratiques et logistiques.
[8] Le Président de la République Française, le Premier Ministre de Norvège, le Premier Ministre du Canada, le Premier Ministre d’Australie.
[9] Sur l’impact des changements institutionnels, on peut lire Philippe Bezes, Patrick Le Lidec, « Ce que les réformes font aux institutions », dans Jacques Lagroye, Michel Offerlé (dir.), Sociologie de l’institution, Paris, Belin, 2011.
[10] Olivier Nay offre une excellente lecture des changements cognitifs et normatifs au sein des organisations intergouvernementales, dans on article, « What Drives Reforms in International Organizations? External Pressure and Bureaucratic Entrepreneurs in the UN Response to AIDS », Governance: An International Journal of Policy, Administration, and Institutions, 24 (4) 2011, p. 689-712.
C’est le coût des travaux de construction d’un pont reliant Bongor (Tchad) à Yagoua, dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun.
Il est financé par un prêt de la Banque africaine de développement (BAD) et par l’Union européenne (UE). Il sera supporté par les États du Cameroun (58 %) et du Tchad (42 %). Les travaux, étalés sur trente-six mois, sont confiés au consortium Razel Cameroun-Razel Fayat-Sotcocog. Long de 620 km, cette infrastructure permettra de booster les échanges entre le Cameroun et le Tchad. Construit sur le fleuve Logone, le pont Yagoua-Bongor est la deuxième infrastructure de ce type qui sera construite entre les deux pays, après le pont Nguéli, qui relie les villes de Kousseri au Cameroun à Ndjamena, la capitale tchadienne.
Appui budgétaire : Deux bailleurs de fonds filent du bon coton camerounais
L’Union européenne (UE) et la Banque européenne d’investissement (BEI) dessinent les contours
de relance de la filière de l’or blanc.
Trouver un langage commun face aux défis auxquels est confronté le secteur du coton au Cameroun, tel est le socle de la 3e édition d’échanges des experts sur ladite filière tenue le 8 mai 2019 à Yaoundé. Inscrit dans le cadre de la Journée de l’Europe, l’exercice se décline en un élan pour enclencher de nouvelles dynamiques. C’est la raison du déploiement de deux partenaires au développement du Cameroun (UE, BEI et CAON-FED). À leurs côtés, les partenaires techniques et financiers, les banques locales, les acteurs du secteur (association des producteurs, Sodecoton, Cicam…) et le gouvernement camerounais. Tous sont venus pour traiter un thème central : «Vers une stratégie intégrée de l’appui au secteur cotonnier camerounais».
Au travers de discussions ouvertes, les participants se sont essentiellement penchés sur la question des ressources financières d’une part, et la mise en œuvre d’un plan d’action, sur la base du principe de la participation nationale et d’une coordination efficace avec l’UE et la BEI d’autre part. Ces deux institutions ont déclaré avoir identifié les moyens d’intervention. «Avec une approche intégrée, cela doit permettre d’apporter des réponses qui soient les plus proches possible des besoins des populations et des stratégies de lutte contre la pauvreté élaborées par l’État camerounais », a expliqué Hans-PeterSchadek, l’ambassadeur-chef de délégation de l’UE au Cameroun.
«Nous sommes déterminés, à partir de la restitution des études qui ont été menées, à faire avancer cette filière», a ajouté Andrea Pinna, le chef de bureau de la BEI pour l’Afrique centrale»
Pour y parvenir, il a été entendu que, comptant sur ses ressources propres, la BEI va continuer de gérer la facilité d’investissement de la Sodecoton (Société de développement du coton), financée au titre du FED. De son côté, entre 2020 et 2021, l’UE appuiera les organisations de producteurs, les investissements dans les infrastructures, la facilitation de l’accès aux intrants. Elle apportera aussi son soutien à la recherche et au développement (lutte intégrée, expérimentation de nouvelles biotechnologies), et à l’appui aux réformes.
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Un tel intérêt s’explique. Selon Alamine Ousmane Mey, ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat) « le secteur du coton revêt une importance particulière pour le Cameroun et notamment pour ses zones septentrionales, caractérisées par des taux de pauvreté élevés, et souffrant des instabilités sécuritaires. La zone cotonnière camerounaise couvre 85 000 km2 et compte environ 200 000 producteurs, pour une production aux alentours de 250 000 tonnes par an. Plus de deux millions de personnes au Cameroun dépendent d’une manière ou d’une autre de la chaîne de valeur du coton. Le secteur pèse 2,5% du PIB et 5% du PIB agricole. Il représente 4% des exportations nationales et 15% de celles de produits agricoles. Son impact fiscal se situe entre 30 et 40 milliards de FCFA par an ».
Jean-René Meva’aAmougou
Droits de l’Homme : comment Yaoundé essaie de sortir de l’étau
Le Cameroun ouvre finalement ses portes au Haut-Commissariat aux droits de l’Homme des Nations unies. Paul Biya invite la patronne de cet organe intergouvernemental à effectuer une visite de travail dans le pays, au mois de mai.
Lors de la 40e session du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies (du 25 février au 22 mars), le conseiller des affaires étrangères à la Mission permanente du Cameroun auprès de l’office des Nations unies à Genève, Côme Damien Georges Awoumou, a «confirmé» cette «invitation officielle» du président camerounais. Un revirement !
En effet, toute l’année dernière, Yaoundé a refusé au Haut-Commissariat aux droits de l’Homme l’accès à son territoire. L’organisme onusien souhaitait enquêter sur les accusations de torture et d’exécutions extrajudiciaires, visant les forces de défense et de sécurité dans les régions anglophones et de l’Extrême-Nord. «Vous savez, même si vous ne nous laissez pas entrer, on va enquêter. Et on va continuer à faire pression jusqu’à ce que vous nous laissiez entrer, et là on rendra compte», prévenait, en fin juillet, Zeid al-Hussein, le prédécesseur de Michelle Bachelet à la tête du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme.
Manœuvres diplomatiques
«Le Cameroun n’a rien à cacher et est malicieusement accablé pour des desseins que nous soupçonnons tous. Yaoundé se doit donc de rester prudent, tout en évitant toute situation de rupture et de mise au ban. Il s’agit d’une approche conforme au style diplomatique du Cameroun : coopération et prudence», décrypte un géostratège, proche du pouvoir de Yaoundé. L’invitation de Paul Biya est donc clairement une manœuvre diplomatique, pour se sortir de l’étau qui se resserre autour de lui.
Le changement de posture vis-à-vis du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme intervient au moment où semble se former contre le régime quarantenaire, une coalition internationale avec pour levain la crise politique et sécuritaire que traverse le pays. «Avant de commencer ce voyage, j’ai eu l’occasion d’être à Paris et de rencontrer les directeurs Afrique des pays du G7. Et je suis absolument ravi que nous ayons vraiment des points communs sur le Cameroun», apprend Tibor Nagy, qui milite désormais en faveur d’un «Forum international» pour tabler sur le dossier Cameroun. Pour illustrer cette convergence de vue, le sous secrétaire d’État aux Affaires africaines des États-Unis cite la déclaration de l’Union européenne (UE), publiée le 5 mars dernier.
Dans ce communiqué, Bruxelles estime que «l’arrestation et la détention prolongée de plusieurs dirigeants d’un parti de l’opposition, dont son leader Maurice Kamto, et d’un nombre important de manifestants et de sympathisants, ainsi que l’ouverture de procédures disproportionnées à leur encontre devant la justice militaire, accroissent le malaise politique au Cameroun». Les 28 regrettent par ailleurs un «nombre inacceptable de victimes et un impact lourd en termes humanitaire et économique», et appellent à «un dialogue inclusif» pour régler la crise dans les régions anglophones du pays.
Front local
Cette position de l’UE est contraire à celle exprimée jusqu’ici par Paris, fervent soutien de Yaoundé, notamment au sujet de la crise anglophone. «La France, qui a toujours été favorable au gouvernement, est embarrassée», affirme une source citée par le journal français Le Monde. Raison : Après avoir notamment pris l’engagement de créer une commission indépendante pour entamer des négociations avec les anglophones, Paul Biya n’a toujours pas tenu parole.
Alors que les soutiens se font rares à l’international, le pouvoir de Yaoundé essaie de construire un front intérieur. Depuis les sorties américaines et européennes, le gouvernement, le parlement, certains partis politiques et une partie de la presse sont vent debout contre « l’ingérence des puissances étrangères dans les affaires intérieures du Cameroun ». Feront-ils le poids face à la « communauté internationale » ? Il est souhaitable que le conflit ne s’ouvre jamais.
Aboudi Ottou
Cette somme est l’équivalent de 20 millions d’euros. Il s’agit de l’argent mis à la disposition du Cameroun, via la Banque allemande de développement (KFW), par l’Union européenne (UE). Ce pactole est destiné au financement du Programme de développement économique et social des villes secondaires exposées à des facteurs d’instabilité (PRODESV). Celui-ci est inscrit dans le Programme indicatif national (PIN) du 11e Fonds européen de développement (FED) en faveur du Cameroun et piloté sur le terrain par le Fonds spécial d’équipement et d’intervention intercommunale (FEICOM). Le 13 novembre 2018 à Yaoundé, trois conventions ont été signées entre toutes ces parties.
Selon Alamine Ousmane Mey, ce dispositif, d’une durée de six ans, vise les villes du Sud (Campo, Mintom), l’Est (Kentzou, Kette, Bétaré-Oya, Garoua – Boulaï), l’Adamaoua (Djohong, Meiganga, Ngaoui), le Nord (Baschéo, Madingring, Touboro) et l’Extrême Nord (Mogodé, Mozogo, Kai-Kai).
En visite en République centrafricaine (RCA) le 18 septembre 2018, le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a conforté « l’Initiative africaine pour la paix et la réconciliation en RCA, en tant que cadre le plus viable pour instaurer un dialogue constructif en faveur de la réconciliation nationale, de la paix et de la stabilité ».
Moussa Faki et le président Ange Faustin Touadera de RCA ont convenu qu’« en réaction au rapport du Panel de facilitation de l’Initiative, la transmission rapide des propositions du gouvernement centrafricain faciliterait davantage la réalisation durable de la paix, de la sécurité et de la réconciliation dans le pays », selon le communiqué de l’UA.
Échanges
Après des discussions nourries avec le G5+ (France, États-Unis, UE, Banque mondiale, Minusca, UA, CEEAC), Moussa Faki a échangé pendant 7 heures d’horloge avec le groupe des ambassadeurs africains accrédités à Bangui. Pour Moussa Niebé, représentant spécial du président de la Commission de l’UA et chef de la mission de l’UA pour la Centrafrique et l’Afrique centrale (Misac), « l’Union africaine devait interpeller tous les acteurs sur leur responsabilité directe ou indirecte au retour à la quiétude sociale. Nous pensons d’ailleurs que tous les acteurs présents à ces différentes causeries franches ont un gain immense au retour rapide à la stabilité. Et croyez-moi, il y aura une accélération ».
ZRM
Partenariat post 2020 : L’UE propose une zone de libre-échange à l’Afrique
En pleine retraite sur l’adoption du nouveau format de sa coopération avec l’Union européenne, l’Afrique reçoit un coup de pression de Bruxelles.
L’Afrique semble désormais le théâtre de l’affrontement des grandes puissances. Après l’Inde, l’Allemagne, la Grande Bretagne et le grand festival chinois à Pékin, l’Union européenne (UE) apprête ses biscuits. L’accord de Cotonou expirant en 2020, les ministres africains des Affaires étrangères sont réunis en conseil exécutif à Addis-Abeba pour adopter la position commune africaine sur le partenariat futur UE-ACP. Au même moment, l’UE, à travers le président de la Commission, Jean Claude Juncker, propose un accord de libre-échange de continent à continent pour renforcer la relation commerciale et financière.
Africa First
Alors que l’obsession européenne de l’immigration irrégulière semble se dessiner comme le principal point de blocage des négociations, l’Afrique paraît vouloir imposer ses priorités. Celles-ci ont davantage trait à la création d’emplois, à l’industrialisation, à l’investissement et au réinvestissement. Au lendemain du sommet de Beijing, l’Afrique détient son élément de comparaison pour mettre la pression sur ses autres partenaires. Au moment où les négociations sur le nouvel accord UE-ACP pointent à l’horizon, le timing est parfait pour tenter d’obtenir bien plus que du commerce.
Pour Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’UA, «il s’agit de construire une nouvelle alliance qui respecte les priorités africaines de développement contenues dans l’Agenda 2063. Et de ce fait, l’Afrique doit parler d’une seule voix pour négocier d’égal à égal».
Carlos Lopes, désigné Haut-représentant aux négociations pour l’UA, estime que «un no deal sur la migration pourrait empêcher la conclusion d’un nouvel accord de Cotonou. Mais ce dernier ne serait pas enterré. Cotonou a le potentiel d’être étendu». L’économiste bissau guinéen invite déjà les Européens au réalisme car «la migration joue un rôle relativement mineur dans l’accord de Cotonou actuel».
Libre-échange
A l’approche des élections européennes, le Parlement européen a connu son dernier débat sur l’état de l’union le 13 septembre dernier. Le président de la Commission européenne qui livrait
son dernier discours comme Chef du gouvernement européen, a fait une nouvelle proposition au continent africain. «Nous proposons aujourd’hui une nouvelle alliance entre l’Afrique et l’Europe, une alliance pour des investissements et des emplois durables. Cette alliance permettrait de créer jusqu’à 10 millions d’emplois en Afrique durant les 5 prochaines années».
Pour lui, l’Afrique n’a pas besoin de charité mais d’un partenariat équilibré. Le «continent cousin» à l’Europe effectue déjà 36% de son commerce avec l’UE ; «mais les échanges commerciaux entre nous ne sont pas suffisants». C’est à ce titre qu’il plaide pour «un accord de libre-échange de continent à continent avec l’Afrique» en lieu et place des APE. Une pression au projet de nouvelle de la soie qui prend progressivement corps sur le continent.
Les premiers impacts de l’intensification de la guerre commerciale entre les géants, sont perceptibles sur le continent.
Les droits de douane imposés par les Etats-Unis sur les importations en provenance de Chine, d’Europe et du Canada ont entraîné une faiblesse des marchés boursiers à l‘échelle mondiale. Mais il faut aussi que l’Afrique reconsidère sa trajectoire de croissance économique future pour atténuer l’impact des guerres commerciales inutiles.
Les marchés boursiers du Nigeria, du Kenya et d’Afrique du Sud ont été largement impactés par la vague protectionniste de Trump. L’Afrique du Sud est préoccupée par le fait que les États-Unis envisagent une nouvelle vague de droits de douane qui pourrait être étendue à l’industrie automobile, qui est l’une des pierres angulaires de l‘économie du pays.
Ripostes
Pour l’heure, aucune réaction de l’Union africaine. Le forum des Brics récemment clôturé à Johannesburg a une fois de plus condamné le «protectionnisme des Etats-Unis qui mine la croissance mondiale». Tenu en plein contexte de guerre commerciale lancée par le président américain, la rencontre des 5 émergents avait pour thèmes centraux la «croissance inclusive et la prospérité partagée». Elle a abouti à la création d’une banque de développement des Brics.
Les Brics, qui rassemblent plus de 40% de la population mondiale, envisagent également commercer en devises nationales. Cette idée que porte la Russie de Vladimir Poutine propose que les pays du forum se tournent vers des échanges hors dollars.
Certains pays ont trouvé pour alternative d’accélérer la mise en place d’accords commerciaux mégarégionaux. Notamment l’UE qui a désormais des zones de libre-échange avec les principaux pays d’Asie (Chine, Japon voire l’Inde), le Canada, les USA, l’Amérique du Sud, les Caraïbes, l’Afrique. Bref une toile d’araignée géante du commerce mondial.
Africa First
Après les taxes douanières sur l’acier et l’aluminium visant surtout la Chine (principal exportateur mondial), les États-Unis menacent désormais de surtaxer les importations automobiles européennes, de sanctionner les pays qui commercent avec l’Iran et de taxer de façon punitive la totalité des importations chinoises. La riposte de Pékin, qui dénonce la volonté de Washington de déclencher «la pire guerre commerciale de l’histoire», s’oriente sur la taxation de nouveaux produits américains.
Le pays de Donald Trump a également imposé des sanctions contre le Rwanda de Paul Kagame sous forme de suspension des avantages commerciaux sur le textile et habillement issus de l’Agoa. En mars dernier, l’administration américaine disait ainsi rétorquer contre les barrières douanières que Kigali a imposées sur les vêtements et chaussures recyclés américains.
Ceci est une traduction du climat dans lequel baigne le système commercial multilatéral. Un conflit commercial qui menace «à court terme» la croissance mondiale, a prévenu la semaine dernière le Fonds monétaire international.
Les effets sur l’Afrique seraient les érosions commerciales et le détournement du commerce. Le continent se marche dessus pour la seule mise en place de sa zone de libre-échange continentale. Une opportunité unique de protection de son marché, d’intensification de sa compétitivité et de renforcement son industrialisation.
Zacharie Roger Mbarga
Cameroun: Mieux tirer profit de l’accès libre au marché de l’UE
D’un montant de 6,5 milliards de francs CFA, un nouveau dispositif européen d’appui à la compétitivité en faveur du pays va notamment s’attaquer aux problèmes d’organisation et de gestion, de production, de veille technologique et concurrentielle des entreprises.
Le Programme d’appui à l’amélioration de la compétitivité, qui a notamment permis de doter le Cameroun de son tout premier laboratoire d’analyse physico-chimique et bactériologique, arrive à son terme ce 31 juillet 2018. Pour le remplacer, un nouveau programme vient d’être mis en place. Il s’agit du Dispositif d’appui à la compétitivité du Cameroun (DACC). Doté d’un budget de 10 millions d’euros (6,5 milliards de francs CFA) comme le premier, ce dispositif sera financé par un don de l’Union européenne (UE). L’argent viendra du 11ème Fonds européen de développement. La convention de financement a été signée le 25 juillet 2018 entre le ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat), Alamine Ousmane Mey et l’ambassadeur, chef de délégation de l’UE au Cameroun, Hans Peter Schadek.
«A travers ce dispositif, l’Union européenne souhaite également encourager les réformes nécessaires et accompagner le dynamisme des opérateurs économiques locaux qui sont, en effet, le moteur de cette économie, et donc de la création des emplois et de la richesse», justifie Hans Peter Schadek. Pour ce faire, le programme qui va se mettre en œuvre sur cinq ans est divisé en trois composantes: l’appui aux entreprises, l’amélioration du climat des affaires, normalisation et efficacité énergétique.
Activités
Pour la première composante, il s’agira de renforcer les capacités des entreprises en matière d’organisation et de gestion, de production, de veille technologique et concurrentielle, de commercialisation, de démarches collectives localisées (clusters), d’innovation, de recherche et d’obtention de financements et d’amélioration de l’offre de services d’appui des organisations intermédiaires aux entreprises/start-up/clusters.
La deuxième composante, quant à elle, va offrir un appui technique à la préparation et à la mise en œuvre du dialogue public-privé dans le cadre du Cameroon Business Forum ; conduire des études techniques pour améliorer le climat des affaires ; élaborer un «livre blanc» du secteur privé pour fédérer les opérateurs privés par filière. Un soutien technique au développement de l’informatisation des procédures administratives et à l’extension de l’enregistrement en ligne des entreprises est également prévu.
Avec la dernière composante, le programme aidera à la mise en œuvre de la Stratégie nationale de la normalisation (2018-2022); à la préparation des décrets d’application de la loi-cadre sur la qualité; à la mise en œuvre du Plan d’action pour l’efficacité énergétique dans le secteur de l’électricité et à la préparation des projets qui peuvent bénéficier d’un financement type du Plan d’investissement extérieur de l’UE.
«Ces réformes pourraient permettre au pays de mieux tirer profit de l’accès libre au marché européen avec la mise en œuvre de l’Accord de partenariat économique (APE)», insiste – on à la délation de l’UE au Cameroun. Afin de mieux se préparer à affronter les barrières non tarifaires, principaux freins à la conquête du marché européen, les experts recommandent aux entreprises d’avoir une approche progressive (marché local, régional et afin européen).
Aboudi Ottou
Sommet de l’Union africaine: Les dossiers sur la table des chefs d’Etat
Bien que placée sous le thème de la lutte contre la corruption, la 31e édition de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement du continent planchera sur quatre sujets majeurs: le projet de réforme institutionnelle de l’UA, la zone de libre-échange continentale, les relations ACP-UE post 2020, le budget 2019 de l’organisation continentale. Décryptage.
Les assises des chefs d’Etats et de gouvernement de l’Union africaine (UA) se dérouleront en Mauritanie les 1er et 2 juillet 2018. Elles seront précédées par les travaux du conseil exécutif (28-29 Juin) et du comité des représentants permanents (25-26 Juin). Le sommet est placé sous le thème «vaincre la corruption: une voie durable pour la transformation de l’Afrique». Le président nigérian Muhammadu Buhari, leader désigné pour la promotion du thème de l’année 2018 exposera les acquis et défis de la lutte contre cette gangrène aux niveaux continental et régional. Cette présentation ouvrira le bal d’un ensemble de communications.
Paix et la sécurité
En matière de paix et de sécurité, trois temps forts seront scrutés. Le Conseil de paix et de sécurité de l’UA présentera son rapport sur l’état de la paix et de la sécurité en Afrique. Sur ce sujet, la présentation du rapport sur la mise en œuvre de la feuille de route des démarches pratiques pour faire taire les armes en Afrique en 2020 par cette instance est très attendue. Lors d’un précédent sommet, les chefs d’Etat ont instruit sa préparation pour y voir clair.
Le dernier mouvement de cette rubrique sera consacré au Sahara occidental. Le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, va exposer son rapport sur cette épineuse question. Il se penchera sur le dernier rapport du Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies sur le sujet, la prolongation de la mission onusienne sur le referendum au Sahara occidental (Monurso) et les négociations en cours. L’Onu vient de consacrer la participation aux négociations des pays tiers ayant une influence sur le problème, en l’occurrence l’Algérie.
Agenda 2063
Le sommet sera aussi l’occasion pour les chefs d’Etat de faire le point sur le projet de réforme de l’organisation panafricaine. La commission des 15 ministres africains des finances a rendu son verdict sur les consultations liées au financement de l’UA. L’arbitrage des chefs d’Etat est attendu sur la diminution du nombre de sommets par an et la mutation du Nepad en agence de développement. Le sujet le plus délicat est le renforcement de la position du président de la Commission de l’UA, qui, à défaut de nommer pourrait désormais valider les candidatures des commissaires. Le président Rwandais, Paul Kagame, président en exercice de l’UA et leader de la réforme de l’organisation continentale, va exposer à huis clos sur le sujet. Un rapport assorti de recommandations concertées est attendu.
Après l’enregistrement de quatre dépôts d’instruments de ratification, la zone de libre-échange continentale (Zlec) est à nouveau à l’ordre du jour des préoccupations des chefs d’Etat et de gouvernement. Le président nigérien Mahamadou Issoufou, porte – étendard de la Zlec, va présenter l’état des lieux à ses homologues. Il les informera de l’avancée des négociations de la seconde phase qui concerne l’érection des protocoles additionnels à l’acte constitutif sur la politique de concurrence, les droits de propriété intellectuelle, l’investissement et la circulation des personnes d’affaires. Ce sera surtout l’occasion de lever les équivoques qui pèsent sur la non- signature et la non- ratification par certains Etats.
La dernière communication du président de la Commission portera sur la position africaine commune sur les relations ACP (Pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique) avec l’Union européenne (UE) après 2020. L’accord de Cotonou censé durer 20 ans arrive à expiration. L’UE a déjà fait valoir le nouveau format de déploiement. Il sera adossé sur les ensembles régionaux. Le rapport de Moussa Faki Mahamat proposera aux chefs d’Etat africains des pistes pour adopter une position concertée à l’effet de transmettre des contre-propositions.
Budget et nominations
Le budget de l’exercice 2019 sera examiné et adopté. Celui de l’exercice 2018 s’élevait à près de 650 millions de dollars (366 milliards de francs CFA). Le nouveau budget est plafonné à 800 millions de dollars. Ceci est dû à «l’embellie économique et financière des Etats», indique le projet d’ordre de jour de l’institution.
Le personnel des institutions spécialisées connaitra un mouvement. Avec la nomination de quatre juges de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples; cinq membres du Conseil de l’Union africaine pour le droit international ; quatre membres du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant et du vice-président du Conseil de l’Université panafricaine (UPA).
Elargissement de la CEDEAO
La CEA ouvre la réflexion
La Commission économique des Nations unies pour l’Afrique réunit une palette d’acteurs pour des discussions profondes, fécondes et dépassionnées sur les implications socioéconomiques et culturelles réelles des nouvelles adhésions dans cette communauté économique régionale.
Afin de lever les contraintes et relever les défis relatifs à l’adhésion de certains pays d’Afrique du Nord à la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), la CEA réunit cette semaine, du 25 au 26 juin 2018 à Cotonou, les experts des Etats-membres, les représentants des Communautés économiques régionales et des Organisations intergouvernementales de l’Afrique de l’ouest, le secteur privé et la société civile. Les experts du commerce extérieur, des questions douanières et de l’intégration dans les ministères en charge du commerce et ceux en charge de l’économie et des finances sont principalement ciblés au niveau des pays.
L’élargissement de la CEDEAO est un chantier majeur, selon la CEA. La réunion ad-hoc du groupe d’experts permettra aux participants d’examiner les implications économiques en termes de flux commerciaux et de recettes publiques, d’identifier et de discuter les principaux défis et enjeux pour la CEDEAO et les pays candidats à l’adhésion. La réunion ad-hoc va formuler des recommandations pour un élargissement économiquement et socio – économiquement avantageux pour les différentes parties et surtout pour l’effectivité de la zone de libre-échange continentale (Zlec).
Selon, Dimitri Sanga, directeur de la CEA pour l’Afrique de l’ouest, «Alors que l’Afrique s’engage résolument sur la voie de la mise en œuvre de la Zlec, nous sommes en train de franchir une étape importante de la création de la Communauté économique africaine telle que prônée par certains pères fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). C’est le cas des demandes en cours d’élargissement potentiel de la CEDEAO. Nous sommes convaincus que les experts de l’Afrique de l’ouest vont donner des pistes de solutions pour mener à bien tous ces chantiers qui sont censés nous mener vers l’intégration de la sous-région et du continent dans son ensemble».
Zacharie Roger Mbarga
‘’Les reformes doivent se poursuivre’’
On a du mal à convaincre nos ministres des finances de financer la Cemac. Ils se disent, «à quoi sert cet argent?» Je puis vous rassurer aujourd’hui, nous utilisons le franc que nous recevons pour faire en sorte qu’il y ait des projets intégrateurs
Le président de la Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) fait le point des avancées du Programme des réformes économiques et financières de la Cemac (PREF-CEMAC).
Monsieur le président, quelles sont les principales avancées observées au niveau du Pref-Cemac depuis le sommet des chefs d’Etat du 23 décembre 2016?
Nous nous sommes réunis pour la cinquième édition d’évaluation du Pref-Cemac ce vendredi 22 juin 2018. Comme vous le savez, le Pref-Cemac a été créé par les chefs d’Etat à la suite des décisions qui ont été prises en 2016. Je crois qu’ils ont bien été inspirés de créer le Pref-Cemac, pour redresser la situation économique de nos pays. Il y a eu des avancées considérables parce que tous les pays ont fait un ajustement réel. Ils ont revu leurs dépenses et ils ont essayé d’augmenter leurs recettes. En matière d’ajustement financier et monétaire, des décisions importantes ont été prises au niveau de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac).
Aujourd’hui, nous sommes heureux de constater qu’en matière de couverture extérieure, nous avons des réserves qui vont au-delà de deux mois. Au niveau des reformes structurelles, je pilote ce dossier avec le Pref-Cemac. Avec le Fodec, nous avons des reformes structurelles qui sont en place et nous avons des reformes qui vont dans le même sens, faire en sorte qu’il y ait des projets intégrateurs. Les gens ne croient pas à l’intégration parce qu’ils ne voient pas les résultats d’intégration. Donc tout va dans le bon sens. Il y a lieu de ne pas perdre espoir. Nous allons continuer.
Vous savez que sur les six pays de la sous-région, quatre ont signé des accords avec le Fonds monétaire international (FMI), pour trois ans. Ils bénéficient des ressources financières. Deux sont en phase de signer. La Guinée Equatoriale, qui va avoir un programme de référence et la République du Congo qui est aussi en phase de signer. Tout ne va peut-être pas dans le meilleur des mondes, mais tout va dans le bon sens. Je puis vous rassurer que nous avons fait du bon travail. Nous avons des embellies aujourd’hui. Des recettes pétrolières sont en train d’augmenter, donc nous disons aux Etats «ce n’est pas le moment de relâcher l’effort».
Il faut continuer les reformes structurelles. Il faut continuer le travail. Il ne faut pas se dire qu’on a des recettes. Je crois que ces recettes doivent permettre de régler notre endettement et faire des projets intégrateurs qui permettent à nos pays de connaître une croissance importante. Aujourd’hui, la croissance est au rendez-vous par rapport à l’année dernière, où la croissance était négative. Nous en sommes heureux. Nous allons rendre compte aux chefs d’Etat pour dire que les dossiers qu’ils nous ont confiés vont dans le bon sens.
Peut-on avoir une idée des discussions que vous avez eues avec les responsables des compagnies qui exploitent nos ressources naturelles ?
Le principe est simple : les compagnies sont tenues de rapatrier les recettes d’exploitation conformément aux règlements que nous avons édictés, même s’il y a libre convertibilité au niveau de la zone franc. Elles doivent transférer les réserves. Ça nous arrangerait parce que ça nous permettra de conforter les réserves de change dans la sous-région. Maintenant, vous savez que nous sommes des éducateurs. Il faut des gens pour passer le message.
Que des gens sachent qu’il y a une loi qui existe. Il faut qu’ils se conforment à cette loi. Avant de passer à la phase répressive, il faut que des gens soient informés des lois qui existent dans nos Républiques, qui font obligation aux acteurs économiques de rapatrier leurs recettes. Bien sûr, ils ont signé certaines conventions avec nos pays. Dans ces conventions, ils ont la possibilité de garder certaines recettes de change pour le fonctionnement régulier de ces entreprises. Nous avons regardé tout ça. Nous avons discuté entre nous pour édicter des mesures qui permettent de ne plus signer ce genre de conventions qui pénalisent nos pays.
…Tout ne va peut-être pas dans le meilleur des mondes, mais tout va dans le bon sens. Je puis vous rassurer que nous avons fait du bon travail. Nous avons des embellies aujourd’hui. Des recettes pétrolières sont en train d’augmenter, donc nous disons aux Etats «ce n’est pas le moment de relâcher l’effort». Il faut continuer les reformes structurelles…
Il y avait au programme de la dernière session du Pref-Cemac l’amélioration du cadre des affaires, la diversification des économies des pays membres de la Cemac. A quel niveau en sommes-nous ?
C’est une question fondamentale. Vous savez, nos économies ont en partie d’être mono producteur de pétrole. Naturellement, quand le prix du pétrole baisse, nous allons vers le bas. Aujourd’hui, nous essayons de faire en sorte que les économies soient diversifiées. Il y a des économies qui ont déjà fait un gros effort de diversification. Le pays dans lequel nous nous trouvons [Cameroun] est mieux diversifié que tous les autres de la sous-région.
Ces réformes doivent se poursuivre. Nous mettons un accent dessus. Au niveau de la Commission, on améliore la communication pour faire en sorte que l’intégration soit acceptée par tout le monde parce que plus on est nombreux, mieux ça vaut. Nous avons des économies de petites dimensions. Dans la sous-région, je pense que nous sommes à 40 millions d’habitants. Vaut mieux qu’on produise pour 40 millions pour avoir des économies d’échelle. Donc la diversification est au centre des préoccupations de nos Etats.
Et pour ce qui concerne l’amélioration juridique et l’attractive des différentes économies ?
C’est normal. On ne peut pas attirer des investisseurs avec le bâton. Il faut créer un cadre qui soit adapté. Donc il faut créer un environnement qui améliore le cadre des affaires. Au niveau de la Commission, nous sommes en train de voir le problème de partenariat public-privé, qui permettrait de concilier le public et le privé dans un cadre organisé. C’est une piste qui est là. Nous faisons en sorte que les lois ne soient pas des lois qui empêchent aux entreprises de pouvoir s’implanter. C’est dans l’intérêt de nos économies.
Je profite de l’occasion pour remercier les autorités camerounaises pour ce qu’elles font afin qu’on puisse avoir un cadre agréable pour pouvoir discuter. C’est la deuxième ou la troisième fois que nous tenons une réunion du Pref-Cemac ici, et les conditions de travail sont toujours agréables. Je remercie la presse qui fait en sorte que notre voix soit mieux entendue. Parce que souvent, moi, là où je me trouve, on a du mal à convaincre nos ministres des finances de financer la Cemac.
Ils se disent, «à quoi sert cet argent?» Je puis vous rassurer aujourd’hui, nous utilisons le franc que nous recevons pour faire en sorte qu’il y ait des projets intégrateurs. Pour le Pref-Cemac, nous avons eu plus de dix milliards pour créer des projets. Nous avons des études qui sont déjà lancées aujourd’hui, qui permettront à terme, de financer certains projets intégrateurs dans la sous-région.
Monsieur le président, où en sommes-nous avec la libre circulation dans la zone Cemac ?
La libre circulation est effective. Si vous allez dans des aéroports, vous allez y trouver des points de passage de la Cemac, comme en France il y a des points de passage de l’Union européenne. La libre-circulation a été actée par les chefs d’Etat à la conférence de Ndjamena. Donc elle est effective. Il y a eu un petit problème. Je crois que c’est à cela que vous faites allusions. Nous sommes en train d’y remédier. Je crois qu’il faut éviter d’invectiver les Etats. Ce sont ces Etats qui ont accepté la libre circulation. Je crois qu’il y a une avancée considérable de l’intégration sous-régionale. Et effectivement, il y a encore des scories, il y a encore des petits problèmes.
Il faut éduquer les gens. Que les Camerounais ne soient pas mal vus au Gabon, qu’un Gabonais ne soit pas mal vu en République Centrafricaine, qu’on s’accepte mutuellement. Au niveau de la Cemac, nous avons mis de l’argent au niveau d’Interpol pour faire des passeports sécurisés. Nous allons faire en sorte que des points de passage soient sécurisés. C’est un travail à faire. Ça ne se fera pas du jour au lendemain parce que là aussi, il faut qu’on travaille nos mentalités. Qu’on accepte de vivre ensemble. Ça s’est fait en Afrique de l’ouest, il n’y a pas de raison que ça ne se fasse pas en Afrique centrale. Il y a des pays qui ont déjà des passeports Cemac. Nous faisons en sorte que tout le monde puisse disposer d’un passeport Cemac.
Propos recueillis par
Didier Ndengue
‘’Le pétrole en Afrique centrale, entre malédiction et opportunité’’
Le thème de cette année trouve sa pertinence dans la nécessité d’intégrer nos économies dans la perspective du marché unique sous-régional. Le secteur des hydrocarbures représente un enjeu décisif dans ce processus et pourrait à lui tout seul constituer un atout de développement et un instrument d’affirmation politique de notre sous-région
Ce qu’il faut retenir de la troisième édition du « Central Africa Oil and Gas » tenu à Yaoundé les 7 et 9 juin dernier sur le thème : «Défis et opportunités de l’intégration sous-régionale dans le secteur aval pétrolier en Afrique centrale».
Le concept « Central Africa Oil and Gas » est encore mal connu dans la sous–région Afrique centrale. A quoi renvoie–t-il ?
Le Forum «Central Africa Oil and Gas» est une initiative de l’Agence Rhema Services dont j’ai la charge de présider aux destinées. C’est un cabinet de communication qui a choisi de se spécialiser dans le secteur des industries extractives et de l’énergie. Dans cette optique, nous réalisons et diffusons depuis quelques années déjà, et sur une base mensuelle, une revue professionnelle spécialisée «Oil & Gas magazine». Il est mis à disposition gracieusement dans le réseau camerounais et international du secteur pétrolier et des activités connexes.
L’autre produit de communication phare que nous mettons à disposition est «le Dîner – Débat Oil & Gas». C’est un espace de réseautage dédié au secteur amont pétrolier et gazier dont la première édition s’est tenue avec succès au mois d’octobre de l’année dernière à Douala. Le Forum «Central Africa Oil & Gas», vous le voyez, n’est pas un produit inconnu ou même peu connu dans le secteur des hydrocarbures, aussi bien au Cameroun qu’à l’international. Il est en réalité une excroissance du «Cameroun Oil & Gas» dont la première édition s’est tenue à Douala en 2015.
L’activité pétrolière étant une activité essentiellement tournée vers l’international, et au regard de l’engagement résolu des chefs d’Etat de la sous-région de donner un coup d’accélérateur au processus d’intégration entre nos Etats dans le zone CEMAC, nous avons pensé qu’il était de bon ton que nous agissions en pionniers pour adresser les préoccupations, explorer les démarches porteuses, penser, formuler et proposer des voies pour une industrie pétrolière réellement intégrée, utile au développement des pays de la sous région et moteur de l’intégration entre les Etats membres de la Cémac.
La plupart des pays de la sous-région sont producteurs de pétrole. Quels enjeux ce concept porte pour eux?
L’économie pétrolière et gazière occupe une place importante dans l’ensemble des pays de la sous-région Afrique centrale, pris individuellement ou dans le cadre de la Communauté qui les rassemble, en l’occurrence la Cémac. Vous remarquerez que depuis le début de cette année, et après la chute des prix du baril de pétrole depuis 2015, le cours du Brent est reparti à la hausse, atteignant les 62,20 dollars US. C’est une bonne nouvelle pour les pays producteurs.
C’est dire qu’avec un prix du baril autour de 60 dollars US, largement au-dessus des 40 dollars projetés par la plupart des Etats, la hausse actuelle, si elle devait s’inscrire dans la durée, est une bonne nouvelle pour l’économie de l’ensemble de la sous-région Cémac. Les principales conséquences sur le plan de la politique monétaire se trouvent dans le rééquilibrage des deux agrégats macro-économiques que sont la balance commerciale et balance des paiements.
Sur le plan de la politique économique, et si l’on considère que les exportations en général, et celles de pétrole en particulier, constituent une source essentielle de devises étrangères pour la Cémac, la tendance actuelle devrait induire un rééquilibrage, avec un retour à un stock de devises étrangères suffisant pour couvrir leurs importations. Cette nouvelle est donc un signal positif pour la santé économique et financière de l’ensemble de la zone Cémac.
En matière de programmation économique, et sous réserve que cette tendance soit durable, la hausse actuelle devrait également permettre d’envisager de meilleures projections de croissance pour 2019 voire une correction du taux envisagé pour l’année en cours. Toutefois, il faut rester prudent, cette hausse ne trouvant effectivement son intérêt que dans la durée, c’est-à-dire jusqu’en 2020 dans l’idéal.
«Central Africa Oil & Gas Forum» en est à sa troisième édition. Comment se sont déroulées les deux précédentes éditions ?
La troisième édition du forum Africain de Pétrole et du Gaz qui vient de s’achever à Yaoundé avait pour thème: «Défis et opportunités de l’intégration sous-régionale dans le secteur aval pétrolier en Afrique centrale». Il faut dire qu’il s’agit d’une rencontre qui se veut annuelle, les deux premières éditions s’étant tenues en 2014 et 2016 avec pour thèmes respectifs : « La libéralisation du secteur pétrolier aval quinze ans après : bilan et perspectives » ; et « Les investissements dans le secteur du raffinage, du stockage et de la distribution des produits pétroliers en Afrique centrale : enjeux et défis ».
Ces deux premières éditions se sont déroulées avec un égal succès, grâce au soutien institutionnel du gouvernement de la République à travers notamment le parrainage du Ministère de l’Eau et de l’Energie. Il faut également souligner ici que l’accompagnement technique, les conseils avisés de M. Perrial Jean Nyodog – Président en exercice du Groupement des professionnels de pétrole (GPP) du Cameroun ne nous ont jamais fait défaut.
Les participants, aussi bien camerounais qu’étrangers, viennent d’horizons divers : professionnels aguerris, investisseurs, décideurs publics et privés, ressources diverses, enseignants, chercheurs et étudiants, professions connexes, etc. A en juger par les réactions des uns et des autres, nous pouvons dire que ces précédentes rencontres ont connu un franc succès. Mais nous ne saurions partager entièrement ce satisfecit.
Nous restons insatisfaits de la participation des instances publiques à ce forum. Etant donné la masse d’informations qui y est échangée, la profondeur et la pertinence des réflexions qui y sont menées, l’acuité des solutions préconisées en rapport avec diverses préoccupations partagées dans ce secteur, nous pensons que les pouvoirs publics gagneraient énormément à prendre une part plus significative au forum. Ceci est d’autant plus impératif que les questions revêtent dans nos pays un enjeu qui va au-delà de la sphère économique, pour englober les aspects sociaux, environnementaux, stratégiques…
Du côté du secteur privé, je voudrais relever que la participation des marketers reste mitigée, en dehors de quelques inconditionnels qui ont dès le départ perçu la pertinence de notre démarche. La machine est lancée et nous pensons qu’étant donné qu’elle monte inexorablement en puissance, les uns et les autres vont suivre rapidement.
…Etant donné la masse d’informations qui y est échangée, la profondeur et la pertinence des réflexions qui y sont menées, l’acuité des solutions préconisées en rapport avec diverses préoccupations partagées dans ce secteur, nous pensons que les pouvoirs publics gagneraient énormément à prendre une part plus significative au forum…
La troisième édition de votre événement a porté sur les «Défis et opportunités de l’intégration sous–régionale dans le secteur aval pétrolier en Afrique centrale». Pourquoi ce thème ? Quels en ont été les problématiques débattues ?
Il faut dire que sur la vingtaine de communications prévues, une quinzaine ont effectivement été délivrées. Quelques empêchements de dernière minute nous ayant privé de la présence de certains experts qui avaient pourtant confirmé leur présence. C’est le cas notamment de M. Mohaman Laouan Gaya – Secrétaire exécutif de l’Organisation africaine des producteurs de pétrole (OPPA), retenu à Abuja par un conseil des ministres de l’organisation. Ceci dit, le thème de cette année trouve sa pertinence, nous l’avons dit par ailleurs, dans la nécessité d’intégrer nos économies dans la perspective du marché unique sous-régional.
Le secteur des hydrocarbures représente un enjeu décisif dans ce processus et pourrait à lui tout seul constituer un atout de développement et un instrument d’affirmation politique de notre sous-région. C’est pourquoi les communications au menu ont porté sur des problématiques aussi diverses et pointues : « L’impact des APE entre le Cameroun et l’UE sur le commerce des hydrocarbures » ; « L’optimisation de la qualité des produits par la qualité des investissements dans les raffineries » ; « L’expertise locale à l’épreuve du secteur pétrolier en Afrique centrale » ; « La formation professionnelle, développement et transfert des compétences dans le secteur pétrolier aval en Afrique centrale » ; « Le contrôle de qualité et spécifications des produits pétroliers des différents pays en zone CEMAC », pour ne citer que quelques uns.
L’un des enjeux de cette troisième édition était de jeter un regard prospectif sur le secteur aval pétrolier, avec l’ambition de façonner son avenir. L’objectif a-t-il été atteint ? Que faut-il en retenir ?
Façonner l’avenir du secteur aval pétrolier africain, tel est en effet l’objectif exprimé par le slogan de cette année. C’est une vision qu’a, volontiers, partagé avec un égal engagement l’ensemble des participants à cette troisième édition du Forum africain de pétrole et de gaz. Nous ne saurions nous auto-glorifier à l’issue des deux jours de travaux intenses. Mais au regard de l’engouement suscité, de l’engagement des participants et surtout de la pertinence des interventions, nous pouvons affirmer que notre objectif a été atteint, du moins dans son volet sensibilisation.
Il reste le volet de l’implémentation qui échappe manifestement à notre emprise et est du ressort des politiques. A eux de prendre le relai. Une chose est sûre, chaque fois qu’ils prendront la décision politique d’avancer dans ce sens, l’expertise sera disponible. Le Forum Central Africa Oil & Gas l’a prouvé, les principaux concernés en ont pris l’engagement solennel.
…Nous avons pensé qu’il était de bon ton que nous agissions en pionniers pour adresser les préoccupations, explorer les démarches porteuses, penser, formuler et proposer des voies pour une industrie pétrolière réellement intégrée, utile au développement des pays de la sous région et moteur de l’intégration entre les Etats membres de la Cémac…
Malgré tous les obstacles, des acteurs de ce secteur d’activité vous font confiance. Comment comprendre cela ?
Vous savez, il ya des personnes qui comprennent rapidement le sens des choses. Ces personnes perçoivent rapidement les opportunités. A d’autres, il faut prendre le temps d’expliquer, il faut les persuader. Cela peut prendre du temps. Au regard de la qualité des spécialistes et autres experts qui accompagnent ce forum depuis sa première édition en 2015, nous pensons que nous sommes sur la bonne trajectoire. Chaque chose venant en son temps, nous restons optimistes. Etant entendu que des initiatives comme celle que vous venez de prendre en nous ouvrant vos colonnes contribueront à sensibiliser davantage nos partenaires actuels et potentiels.
Quelles sont les recommandations pour que la sous-région soit à la hauteur des défis et opportunités qu’offre le secteur aval pétrolier en Afrique centrale ?
Je voudrai reprendre à mon compte les termes du message de Monsieur le Ministre de l’Eau et de l’Energie au forum, quand il affirme que : « l’intégration, pour avancer, suppose une stratégie de partenariat gagnant-gagnant dans laquelle chaque Etat a la conviction profonde que le bénéfice est bien plus grand dans le cadre d’une intégration que d’une approche individuelle ».
Au demeurant, le Forum Central Africa Oil & Gas 2018 a bien montré les gains qu’il y aurait à harmoniser le secteur aval pétrolier sous – régional, et notamment dans les domaines de la spécification des produits et le contrôle qualité, les infrastructures de stockage et de transport, la péréquation et la fixation des prix…
Votre mot de fin.
Que le forum Central Africa Oil & Gas, plateforme de réseautage, de rencontre et d’échange serve au développement d’un secteur pétrolier et gazier fort au service d’une économie nationale émergente. Que ces rencontres génèrent des pistes et balisent des voies vers une intégration sous – régionale de notre secteur énergétique. Le salut de nos Etats et de nos économies réside dans l’intégration.
Propos recueillis par
Rémy Biniou
En l’absence d’un écosystème numérique intégré, le développement de l’infrastructure du numérique est disparate. De fait, la sous-région reste peu compétitive en la matière.

Les officiels à la cérémonie d’ouverture.
L’accès au numérique favorise une croissance du PIB (Produit intérieur brut) de plusieurs points. Malheureusement, «l’Afrique est encore sous le joug de la fracture numérique. L’appropriation et la maitrise des Technologies de l’information et des télécommunications (TIC) constituent un préalable indispensable pour amorcer un saut qualitatif vers la voie de développement», reconnait la ministre camerounaise des Postes et Télécommunications.
Minette Libom Li Likeng, s’exprimant ainsi pendant la conférence sous-régionale sur le développement de l’économie numérique pour les pays d’Afrique centrale, continue: «En dépit de l’essor de la téléphonie mobile et nonobstant l’importance des investissements réalisés à ce jour dans chaque pays, le niveau d’utilisation des TIC par les populations et les entreprises locales en Afrique centrale demeure très limité. Il en est de même de la vulgarisation et de l’appropriation des TIC». Le développement hétéroclite de la numérisation dans les pays pourrait faire jaillir des clivages.
Les études faites sur le terrain révèlent par ailleurs un développement disparate de ce secteur selon les pays: le taux de connexion de certains pays de la sous-région et l’accès aux réseaux à haut débit restent très faibles. Pour le secrétaire général de l’Union internationale des télécommunications (UIT), «il s’agit donc pour les Etats d’élaborer des stratégies communes, propres à atténuer le risque que la numérisation de l’économie aggrave les clivages existants, et crée de nouvelles disparités». Les solutions à cette situation sont immatérielles et physiques.
Infrastructure immatérielle
Le premier niveau de réponse est la détermination d’un corpus d’encadrement. C’est l’avis de la ministre camerounaise: «l’économie numérique évolue à un rythme rapide, mais très variable. Pour qu’aucun pays ne soit laissé à l’écart, le renforcement de la coopération sous-régionale est nécessaire, afin d’apporter l’appui voulu aux pays qui en ont besoin».
Pour Nii Quaynor, «l’Afrique centrale ne devrait pas courir le risque d’être une cathédrale sans plan en matière de numérique». L’expert ghanéen estime que le principal défi pour la région est la détermination d’une stratégie intégrée de long terme sur laquelle viendront se greffer les lois et plans stratégiques nationaux. Le paysage architectural lui donne raison.
Seuls deux à trois pays ont érigé une stratégie à l’échelle nationale: le Cameroun, le Gabon et le Rwanda. Il y a donc urgence à faire converger l’ensemble des instruments qui naitront à la suite de cette première conférence de l’UIT. Le Rwanda, par la voie de son représentant à la conférence de Yaoundé, insiste sur l’importance de la formation. Selon lui, le fait que l’apprentissage soit optionnel et davantage scolaire fait que l’on se trompe d’enjeu. Il faut mettre l’accent sur l’ingénierie des TIC.
Infrastructure physique
Dans sa leçon inaugurale à la conférence sur le développement du numérique pour les pays de l’Afrique centrale, le Pr. Jean Emmanuel Pondi révèle qu’entre 1990 et 2016, le taux de pénétration du téléphone mobile est de 344% en Afrique. Pourtant, l’Afrique elle-même n’en fabrique que très peu. Des téléphones utilisés dans un continent arrosé à 51% par le réseau mobile.
Internet est lui utilisé à 40% selon les chiffres de l’UIT. En Afrique centrale, l’UIT estime que 50% des populations utilisent un téléphone et seulement 35% ont une connexion internet continue. Il est donc urgent, suggère le Secrétaire Général de l’Union africaine des radios télécommunications (UAT) de développer des infrastructures de large bande, le capital humain, la recherche et l’innovation.
Pour le Jean Emmanuel Pondi, le problème en Afrique centrale est certes l’infrastructure, mais il est crucial de développer des contenus numériques intéressants pour les populations de la sous-région. Ainsi, il propose aux startups d’adapter leurs contenus à l’environnement et aux modes de vie ou de consommation des citoyens. Il propose en outre que la numérisation s’applique aux petites et moyennes entreprises (PME) et à l’administration en priorité.
L’Afrique centrale veut réussir sa transition digitale. Région à mobilité laborieuse, elle veut capitaliser sur les outils technologiques pour dynamiser le développement des pays membres et son processus d’intégration. Yaoundé vient de servir de laboratoire à penser pour ce dessein.
L’architecture de la digitalisation est immense. La feuille de route montre qu’un travail de fond est à engager. Il intègre l’adoption de règlementations et stratégies adaptées aux niveaux national et régional, le développement de l’infrastructure numérique et la promotion des prouesses techniques par des incitations.
Soit le triptyque : infrastructure, innovation et inclusion. Comment capter le dividende du numérique pour améliorer les résultats économiques ? Décryptage à la lumière de la conférence sous-régionale sur le développement de l’économique numérique pour les pays d’Afrique centrale, organisée à Yaoundé du 23 au 26 mai dernier, sous l’égide de l’Union internationale des télécommunications (UIT), avec l’accompagnement du ministère camerounais des Postes et Télécommu-nications.
Zacharie Roger Mbarga
Déchets du numériques: L’Afrique centrale
L’industrie du numérique est également un danger pour le développement durable. Il n’y a qu’à voir les objets et les appareils jonchant les décharges et les voiries.

les déchets numériques diminuent les richesses écologiques
L’importation des machines électroniques d’un certain âge constitue un danger lointain. Ces machines «en fin de carrière», vendues dans des brocantes des villes de la sous-région, viennent des trottoirs et décharges de pays occidentaux. Où la taxe de recyclage est perçue par les administrations compétentes lors de la vente de l’appareil neuf. L’absence d’industrie de recyclage en Afrique centrale handicape fortement la capacité d’adresser cette situation dans la sous-région.
Par le nombre sans cesse croissant d’ordinateurs, de Smartphones, de tablettes, écrans et autres consoles de jeux vidéo, les TIC contribuent de manière conséquente à la consommation en énergie des ménages et des entreprises, et donc au réchauffement climatique. Lors de leur fabrication, les TIC consomment d’énormes quantités de combustibles (plus de 10 fois la masse du produit fini) ainsi que des tonnes d’eau claire, notamment pour le traitement du silicium.
Pendant leur utilisation, les TIC requièrent beaucoup d’énergie. Ceci est accentué par de nombreuses et lourdes mises à jour qui prennent du temps de calcul. Une utilisation non responsable peut aussi augmenter significativement la consommation et donc la facture d’électricité. Aujourd’hui, avec l’avènement de l’ère informatique, plusieurs centaines de millions d’ordinateurs sont remplacés chaque année. Et une grande partie des déchets est enfouie sous terre.
Certains déchets sont envoyés illégalement en Asie ou en Afrique dans des conteneurs soi-disant destinés au réemploi des TIC (matériels d’occasion). L’UIT estime à 150.000 tonnes (de déchets électroniques potentiels) qui sont exportées chaque année vers les pays du Sud par les pays de l’UE. Ils atterrissent alors dans des décharges à ciel ouvert, rejetant de nombreuses substances polluantes dans l’atmosphère et dans le sol, infiltrant parfois les nappes phréatiques.
L’Afrique centrale est encore dans l’incapacité de mesurer le stock de déchets numériques qu’elle accumule. Ici, certains déchets électroniques brûlés projettent une fumée polluée au monoxyde d’azote et au dioxyde de soufre. Cette fumée provoque des nuages noirs qui causent les pluies acides. Celles-ci, au contact de la peau, engendrent des maladies.
Santé en danger
Les pluies acides entrainent des maladies de la peau, du cerveau et des poumons. Sur le cerveau, la présence d’aluminium et de plomb dans l’eau (pluie, piscine, eau de consommation et de bain) peuvent endommager le cerveau et le système nerveux. L’impact sur les poumons est lié à l’inhalation de nombreux polluants de l’atmosphère.
Ces polluants peuvent engendrer l’asthme et autres allergies. L’organisme absorbe facilement le monoxyde de carbone qui l’empêche de prendre tout l’oxygène dont il a besoin. En outre, l’ozone des villes peut provoquer des douleurs aux yeux, au nez et à la gorge.
Recyclage
L’option soulevée par les experts, pour empêcher la prolifération des déchets du numérique et leur impact, est la prise de mécanismes régionaux et intégrés. Il est suggéré de règlementer les conditions d’importation des machines électroniques. Au-delà de deux années de vie, la règlementation devrait interdire l’entrée d’appareils électroniques dans l’espace régional.
Autre solution, la promotion d’un capital humain compétent en ingénierie électronique. Enfin, créer des entreprises de recyclage des déchets du numérique à l’échelle nationale ou régionale (comme dans le cas de l’Union Européenne).
Zacharie Roger Mbarga
Les recommandations de conférence sous-régionale sur l’économie numérique pour les pays d’Afrique centrale
Au terme des travaux, la conférence sous-régionale sur l’économie numérique pour les pays d’Afrique centrale organisée par l’UIT du 23 au 25 mai 2018 au palais des congrès de Yaoundé, sur le thème: «Economie numérique en Afrique centrale: états des lieux et défis dans un monde globalisé», recommande les actions suivantes :
– La signature de l’engagement de Yaoundé ;
– L’adoption d’une vision intégrée des Etats sur le numérique ;
– Le développement d’une infrastructure d’interconnexion sous régionale de qualité ;
– La production des contenus locaux ;
– La mise en place d’une plateforme africaine numérique de services ;
– La numérisation de la chaine PME-PMI-Administration ;
– L’adaptation de la formation et le renforcement des capacités aux exigences du numérique ;
– La coordination et la lutte concertée contre la cybercriminalité ;
– La protection des données à caractère personnelle, en procédant à des aménagements juridiques et règlementaires ;
– L’adoption des politiques et des stratégies appropriées basées sur les expériences d’autres pays ;
– L’élaboration et l’harmonisation des politiques de gestions des déchets ;
– La sensibilisation des populations sur l’usage des terminaux mobiles ;
– L’encouragement des Etats de la sous-région à mettre en place une stratégie nationale en faveur de l’inclusion financière ;
– La sensibilisation des populations et toutes les parties prenantes à l’usage et à la maitrise de l’inclusion financière notamment la culture de l’épargne ;
– La création des plateformes de commerce électronique ainsi que des services en ligne ;
– L’éducation et la sensibilisation des populations sur les effets bénéfiques des technologiques de blockchain ;
– La sensibilisation des banques centrales africaines et des gouvernements sur les avantages de cette technologie ;
– La facilitation de l’accès au financement aux jeunes entrepreneurs;
– L’exploration du secteur informel qui pourrait être un véritable gisement de levée de fonds pour les startups ;
– La mise en place des points d’échanges internet et leur mutualisation, afin de créer un écosystème sous-régional et de réduire les couts du trafic internet entre les Etats membres ;
– La création d’un comité sous-régional de mise en œuvre du roaming ;
– L’adoption des stratégies communes pour la réduction des tarifs et la mise en œuvre d’accord d’itinérance sur les réseaux mobiles ;
– La création d’un observatoire de veille au respect de la règlementation communautaire en matière de roaming ;
– La mise en œuvre de la décision des ministres des télécommunications/TIC des Etats membres de la CEEAC visant l’harmonisation et la baisse des tarifs du roaming ;
– L’élaboration et la mise en œuvre d’un MoU régional qui règlemente les aspects techniques, tarifaires et juridiques d’un roaming ;
– La mise en place d’une zone unique qui régisse les directives, règlements et décisions contraignants pour les pays membres ;
– L’adoption des politiques publiques de marché unique ;
– L’harmonisation des règlementations et des législations nationales des TIC ;
– L’adoption d’une régulation multisectorielle des domaines ou secteurs coexistant ;
– La convocation d’une réunion de relance des activités de l’ARTAC du 6 au 7 aout 2018 dont mandat a été donnée à la république de Guinée ;
– La prise en compte par l’ART du Cameroun du rappel de l’ARCEP du Tchad pour la signature de l’accord de coordination Tchad-Cameroun révisé ;
– La mise en place d’un groupe de travail sous-régional pour la préparation de la CMR-19 lors de la réunion de l’ARCEP de Malabo ;
– La mise en place d’un groupe de travail sous-régional pour la mise en œuvre des recommandations relatives à la coordination des fréquences aux frontières ;
– L’extension de l’accord de coordination de Maroua sur toutes les autres fréquences susceptibles d’avoir une incidence préjudiciable ;
– L’invitation des autres pays de l’Afrique centrale à suivre l’exemple de l’accord de coordination Tchad-Cameroun ;
– La prise en compte de la dimension de la qualité d’expérience dans l’évaluation de la qualité de service.
Electricité: L’Afrique broie du noir
Le secteur de l’énergie sur le continent continue de faire face à des défis liés notamment à la faiblesse de la capacité de production et du rendement, à des coûts prohibitifs, au caractère instable et aléatoire de l’approvisionnement et à l’accès très limité à cette ressource.

Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’Union Africain.
En matière de ressources, l’Afrique dispose de 10 % des réserves hydrauliques mondiales exploitables, 10 % des réserves prouvées de pétrole, 8 % de celles de gaz et de 6 % de celles de charbon. A cela s’ajoute un énorme potentiel photovoltaïque dans les deux zones tropicales, les gisements géothermiques du Rift et les capacités éoliennes d’une quinzaine de zones côtières. Cerise sur le gâteau, l’Afrique subsaharienne est recouverte de 60 % des terres arables non encore cultivées au niveau mondial, soit un gigantesque potentiel en biomasse.
En revanche, le tableau de l’énergie disponible, particulièrement de l’énergie électrique, est nettement plus inquiétant. Ainsi, la capacité de production totale d’électricité de l’Afrique s’élève à 114 GW, ce qui correspond à peu près aux 120 GW de la France qui compte 65 millions d’habitants. Pire, si on exclut l’Afrique du Sud du total, les 860 millions d’habitants de l’Afrique subsaharienne ne disposent plus que de 74 GW, capacité comparable à celle du Royaume-Uni.
En dépit de nombreuses interventions au cours des 10 dernières années, la fourniture en électricité (toutes sources confondues) demeure déficitaire. Selon les données de la Banque mondiale (Global Electrification database), seulement 42,81% de la population d’Afrique subsaharienne reçoit de l’électricité. Avec l’Afrique du nord, le pourcentage pourrait atteindre la barre des 50%. Car l’Afrique du nord et le Moyen – orient cumulés fournissent l’électricité à 98,0% de leurs populations selon l’institution de Bretton Woods.
La disproportion est identique entre les pays, car certains disposent de plus d’infrastructures que d’autres. Dans de nombreux pays africains, les infrastructures électriques en particulier semblent être en inadéquation avec les enjeux actuels. Même dans les pays disposant de systèmes énergétiques modernes, comme l’Afrique du Sud, les déficits énergétiques continuent d’affecter négativement le produit intérieur brut du pays. La demande énergétique connaît une croissance remarquable dans la région.
Elle a augmenté de 45% entre 2000 et 2012, mais ne représente toujours que 4% de la demande mondiale totale. En dépit de cette croissance de la demande, il y a la détérioration entre l’offre énergétique et la demande, en particulier dans les zones rurales et dans certains centres urbains. Cette situation des infrastructures énergétiques en Afrique ne saurait favoriser un développement porteur de transformation du continent.
Interconnexion
Une évaluation du Programme de développement des infrastructures en Afrique (Pida) démontre que l’Afrique doit consacrer 68 milliards de dollars par an jusqu’en 2020 en investissements en capital et à la maintenance. La Banque mondiale estime à 40 milliards d’euros par an d’investissement pendant 10 ans pour rattraper le retard et accompagner la croissance de la demande.
L’institution financière estime également que chaque euro investi dans le système électrique sera susceptible de créer 15 euros de PIB supplémentaire. L’enjeu est donc clairement économique, social et environnemental pour toute l’Afrique; et de sa réussite dépend sans doute aussi une partie de la stabilité géopolitique de ce continent.
Autre problème, les infrastructures de transport d’électricité sont très limitées tant géographiquement qu’en termes de puissance. Une seule grande interconnexion devrait relier l’Afrique du Sud à la RCA, mais elle n’est encore qu’au stade de projet. De surcroît, l’âge moyen des équipements atteint 44 ans voire 60 ans pour certains. Ce qui explique leur manque de fiabilité, des pannes répétitives, aggravées par les phénomènes climatiques de la saison des pluies.
A ce tableau s’ajoutent des standards techniques qui ne sont pas identiques entre les Etats (voltage, normes des matériels) et environ un quart des capacités qui sont, tout simplement, hors d’état de fonctionner. Enfin, le dernier point à prendre en compte est celui du déséquilibre géographique. L’Afrique du Sud et l’Egypte possèdent à elles seules 65 % des capacités de productions du continent, ce qui, a contrario, signifie que 33 Etats disposent de capacités inférieures à 500 MW (l’équivalent d’une centrale unique de charbon) et que 11 Etats n’ont même pas 100 MW (soit l’équivalent d’une trentaine d’éoliennes).
Le rapport préliminaire présenté devant le Comité des représentants (Corep) de l’UA indique que la stratégie d’harmonisation des cadres réglementaires en Afrique vise à «mettre en place un marché de l’électricité pleinement intégré, compétitif et harmonisé afin d’accélérer le développement de l’Afrique et d’améliorer l’accès à l’électricité pour les Africains». Elle repose sur la réforme des architectures nationales de l’électricité afin que les cadres politiques, juridiques, réglementaires et institutionnels nationaux soutiennent le commerce transfrontalier de l’électricité avec des tarifs reflétant la compétitivité des coûts.
Ce qui suppose «l’adoption des politiques régionales et les mécanismes régionaux de financement pour la facilitation du commerce régional de l’électricité» indique le rapport préliminaire. Les Etats doivent ainsi tous adhérer aux pools énergétiques régionaux. Une unité de coordination continentale assurera la convergence des dispositifs régionaux. Elle devrait être intégrée à la Division de l’Energie du Département des Infrastructures et de l’Energie de la Commission, et que son mandat ne devrait pas faire double emploi avec d’autres institutions, y compris l’agence du Nepad.
Défis
Une phase pilote débutera au mois de juin prochain et concernera deux pools d’énergie et une ligne de transmission comme projet pilote. «Elle sera menée parallèlement à une formation intensive des institutions nationales et régionales concernées par le commerce régional de l’électricité, à savoir les pools énergétiques, les services d’électricité, les gestionnaires de réseaux de transport, les autorités nationales de régulation et les ministères de l’Energie des États membres». Pour ce qui est de la méthode du tarif de transport, ce sera celle de «MW-km avec flux de charge». Celle-ci base le tarif sur la distance de transmission supportée par les études de flux de charge.
Entamé depuis 2015, le programme relatif au cadre réglementaire harmonisé des marchés de l’électricité a jusqu’à présent été possible grâce au soutien financier et technique de l’UE. Concrètement, le programme a été élaboré en collaboration avec l’Union européenne (UE), dans le cadre de la Facilité d’assistance technique de l’UE (EU-TAF). Pour Moussa Faki Mahamat, «étant donné l’importance du programme pour l’intégration continentale et la compétitivité de l’Afrique, il est nécessaire de diversifier les sources de financement et, en particulier, d’accroître l’autofinancement par les États membres».
L’achèvement de la mise en place des infrastructures physiques reliant différents marchés et pools énergétiques est également crucial. Les retards considérables observés dans plusieurs interconnexions régionales démontrent le rôle prépondérant des États membres et des CER. Si le rapport est validé, il pourrait être évalué lors du prochain sommet de l’UA en juillet prochain à Nouakchott (Mauritanie).
Zacharie Roger Mbarga
Infrastructures régionales: Le coup de pouce de l’Union européenne
Bruxelles va contribuer à la construction de deux ponts qui vont faciliter les échanges entre le Cameroun et deux de ses voisins.

Photo de famille à l’issue des discussions.
Les travaux de construction du pont sur le Logone à l’Extrême-nord et celui sur la Cross River dans Sud-ouest devraient être lancés en début 2019. «Pour les deux ponts, les conventions de financement ont été signées à Bruxelles il y a deux semaines (27 avril 2018 NDLR). Il y a encore une question liée au niveau d’endettement du Cameroun.
Mais le planning prévoit que les travaux commencent en début 2019», informe Aliou Abdoullahi. Le coordonnateur de la Cellule d’appui à l’ordonnateur national du Fonds européen de développement (Caon-Fed) s’exprimait le 08 mai dernier au sortir d’une visite de courtoisie effectuée à la délégation de l’Union européenne (UE), puis au siège de la cellule, par une délégation gouvernementale à l’occasion de la célébration de la fête de l’Europe.
Intégration n’a pas pu avoir les détails sur la nature du problème en rapport avec le niveau d’endettement du Cameroun. En revanche, il est acquis que, pour la construction de ces deux ouvrages, l’UE met sur la table sous forme de don, 65 millions d’euros (environ 43 milliards de francs CFA), soit un peu plus de 26 milliards de francs CFA pour le premier pont et plus de 16 milliards pour le second pont.
Le reste du financement est assuré par un prêt de la Banque africaine de développement (Bad). A la Caon-Fed, on précise que le financement de Bruxelles est un soutien de l’UE au Cameroun «dans son rôle de pays pivot pour le développement des infrastructures régionale».
Projets intégrateurs
Le pont sur le fleuve Logone, entre Yagoua (Cameroun) et Bongor (Tchad) va contribuer à l’amélioration de la circulation des biens et des personnes et au désenclavement des zones à fort potentiel économique entre la région septentrionale du Cameroun et le Nord-Est du Tchad. Ce projet ambitionne de redynamiser les échanges commerciaux entre le Cameroun et le Tchad.
Ces échanges sont lourdement affectés par la présence de la secte terroriste Boko Haram. Du pont à double voie (de 402 mètres, sur la Cross River entre Bamenda -Cameroun- et Enugu -Nigéria), il est attendu la fluidité du trafic au passage de la frontière entre les deux pays. Ce pont aura, par ailleurs, la particularité de faciliter les échanges socio-économiques et commerciaux entre la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDAO).
D’autres projets d’infrastructures d’importance régionale sont déjà en phase de maturation. On peut citer le projet d’interconnexion électrique entre le Cameroun et le Tchad. Selon nos informations, les études financées par l’UE sont déjà disponibles et Bruxelles serait disposée à contribuer à hauteur de 30 millions d’euros (près de 20 milliards de francs CFA) pour sa réalisation.
Dans la pipe également, le réaménagement du tronçon Magada-Maroua sur la Route nationale n°1 et du segment Magada-Yagoua sur la Route nationale n°12 dans l’Extrême-nord dont les études techniques menées toujours sur financement de l’UE sont en cours. En maturation aussi, la rénovation du chemin de fer entre Belabo et Ngaoundéré et de la construction de la Ring-Road.
Aboudi Ottou
Contrôle des finances publiques: le Cameroun à pas forcés vers la Cour des comptes
Face à la résistance des autorités de Yaoundé, l’Union européenne a fait de la mise sur pied de cette institution une condition pour le décaissement des prochaines tranches de son appui budgétaire. Près de 40 milliards de francs CFA en jeu.
A en croire le Premier président de la Cour suprême, la loi de décembre 2006 fixant l’organisation de la Cour suprême et celle de décembre 2007 portant régime financier de l’Etat et son décret d’application de mai 2013 instituant règlement général de la comptabilité publique ont élargi les prérogatives de la Chambre des comptes. Au point où, soutient Daniel Mekobe Sone, «la Chambre des comptes de la Cour suprême n’est pas loin d’exercer l’ensemble des prérogatives dévolues à la Cour des comptes que les Etats membres de la Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale (Cemac) s’obligent à instituer chez eux», écrit-il dans l’avant-propos du dernier rapport de la Chambre des comptes publié en 2017.
La sortie de ce haut magistrat tente ainsi de tempérer l’urgence voir la nécessité de mettre sur pied une Cour des comptes telle que prévue depuis décembre 2011 par les directives Cemac relatives aux lois de finances et au règlement général de la comptabilité publique. Cet argument, souvent repris par les forces au sein du sérail opposées à l’instauration d’une Cour des comptes, est battu en brèche dans le même rapport. Dans la partie recommandations, la juridiction rappelle en effet «l’urgence de la relecture» de la loi d’avril 2003 fixant ses attributions. Cette nécessité qui fait l’objet d’une recommandation depuis 2006, a été à nouveau perçue lors d’un atelier organisé en 2013. «Cette atelier a mis en parallèle, les insuffisances du texte actuel avec les dispositions d’une juridiction financière conforme aux normes internationales et singulièrement aux directives Cemac», soutient l’équipe de rédaction du rapport dirigée par le conseiller maitre Pierre Kameni.
Impunité
C’est à la même conclusion qu’est parvenue la dernière évaluation du système de gestion des finances publiques publiée au mois de juin 2017 par le ministère des Finances (rapport PEFA 2017). «Le degré d’indépendance, au sens recommandé par l’Intosai (Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle), de la Chambre des comptes est limité. Ses compétences en matière d’audit sont aussi limitées par la législation et par la réglementation. Par ailleurs, elle ne peut exercer pleinement ses missions juridictionnelles en raison du manque de respect par les comptables de leurs obligations en matière de reddition des comptes», conclut cette étude financée par l’Union européenne (UE) et réalisée par le cabinet belge ADE (Aide à la décision économique) SA.
Pour ces experts, «c’est essentiellement à travers l’application progressive des dispositions de l’ensemble des directives Cemac de décembre 2011 que les objectifs de modernisation de la gestion des finances publiques et, au-delà de celle-ci, de l’administration en général, seront atteints». Et cela est davantage vrai pour «l’organisation de l’audit et de la surveillance externes», indique un conseiller à la Chambre des comptes.
En effet, en conformité avec les normes internationales en la matière, l’article 72 de la directive Cemac relative aux lois de finances fait de la Cour des comptes «l’institution supérieur de contrôle de chaque Etat». Or, selon les experts du cabinet ADE SA., l’article 2 du décret de septembre 2013 fixant les attributions du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe) confie ce rôle à cette structure. C’est donc à ce département ministériel que revient le contrôle des ordonnateurs de dépenses notamment des ministres. La Chambre des comptes, elle, est confinée aux contrôles des comptables publics. Dans ce schéma, c’est en effet l’exécutif qui contrôle l’exécutif.
Par conséquent, l’audit et la surveillance externes sont peu efficaces. «La Chambre des comptes ne bénéficie pas de la faculté de saisir le CDBF (Conseil de discipline budgétaire et financière) pour les fautes de gestion imputables aux ordonnateurs relevées lors de ses contrôles, faculté pourtant reconnue aux tribunaux régionaux des comptes. Ainsi, les fautes conjointes ou communes punies au niveau du comptable demeurent sans conséquence à l’égard de l’ordonnateur ou du gestionnaire», regrette l’institution judiciaire dans son rapport publié l’année dernière.
Conditionnalité
«Cette situation entraine un effritement du cadre de redevabilité, de sincérité budgétaire et comptable, et du respect de la règlementation», soutient l’UE dans l’appendice 1 de la convention signée avec le pays pour la mise en œuvre de son appui budgétaire pour la période 2017-2019. Afin de forcer la main à Yaoundé, qui freine, depuis, de quatre fers, la transposition des directives Cemac dans la législation nationale, Bruxelles inscrit «la création d’une Cour des comptes financièrement indépendante et dont le mandat couvre l’ensemble des attributions d’un institut supérieur de contrôle», parmi les conditions générales de son appui budgétaire. Un don qui s’inscrit dans le cadre du programme d’ajustement conclu avec le FMI.
Après avoir reçu près de 20 milliards de francs CFA en fin 2017, le Cameroun devra mettre en œuvre cette réforme pour recevoir les près de 40 milliards de francs restant. A en croire le Fonds monétaire international (FMI), Yaoundé a transmis en fin d’année dernière, «les six projets de textes devant transposer les directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques de la Cemac de 2011 à la Commission de la Cemac pour avis de conformité».
Mais ces progrès ne semblent guère rassurer l’UE. Selon nos informations, le discours de l’ambassadeur chef de délégation de l’UE au Cameroun, lors du lancement du séminaire de formation des magistrats et cadres de la Chambre des comptes sur les techniques générales de contrôle externes des comptes, visait donc à passer ce message à Etoudi: Bruxelles tient à la mise en place d’une Cour des comptes avec les prérogatives prévus dans les directives de la Cemac.
Aboudi Ottou
Hans-Peter Schadek: «Nous comptons beaucoup sur la transposition des directives de la Cemac»
Extrait du discours de l’ambassadeur, chef de la délégation de l’Union européenne au Cameroun. L’allocution a été prononcée le 16 avril à l’occasion du séminaire de formation des magistrats et cadres de la Chambre des comptes. Financée à hauteur de 130 millions de francs CFA par Bruxelles, cette formation portait sur les techniques générales de contrôle externes des comptes.
«Monsieur le Premier président, je pense que nous sommes tous convaincus que l’amélioration du contrôle budgétaire et de la reddition des comptes publics aura un effet positif significatif sur la qualité du service public, et donc sur la dynamique de développement économique et social. Pour ce faire, la mise en œuvre des directives de la Cemac constituera un grand pas en avant.
Cela donnerait un signal fort de l’engagement du Cameroun à s’attaquer à cet objectif clé, souligné également comme une priorité par le dernier rapport PEFA de 2017. En outre, l’amélioration du contrôle budgétaire et de la transparence devrait être un facteur clé pour renforcer la confiance des donateurs et des investisseurs privés en le système de gestion des finances publiques d’un pays. Comme vous le savez tous, l’aide budgétaire de l’UE consiste en des transferts financiers directs à la trésorerie.
Ainsi, à travers l’appui budgétaire, nous sommes alignés à 100% sur le système de gestion publique camerounais, y compris son cadre régulier ainsi que ses mécanismes de contrôle interne et externe. C’est aussi pourquoi nous soutenons fortement la réforme en cours pour rendre ces mécanismes plus efficaces et plus fiables.
Dans cet esprit, une «Chambre des comptes» puissante et indépendante jouera un rôle crucial en veillant à ce que les rapports sur les dépenses publiques soient crédibles et sincères et à ce que les finances publiques soient gérées conformément aux bonnes pratiques et aux normes internationales. Les rapports de la Chambre des comptes sont publics, ils sont discutés au Parlement et peuvent être consultés par tous les partenaires et le grand public.
La transposition complète de la directive Cemac permettrait ainsi d’améliorer la crédibilité et l’efficacité de la surveillance budgétaire au Cameroun, et donc la confiance générale en l’utilisation des fonds publics. De même, l’amélioration du contrôle budgétaire et de la transparence conduit également à de meilleurs scores dans les classements internationaux tels que le PEFA ou l’enquête sur le budget ouvert menée par l’International Budget Partnership, ou ceux liés au climat général des affaires.
Ces classements sont en effet essentiels pour l’attractivité du Cameroun auprès des investisseurs nationaux et internationaux, et pour la confiance du système bancaire ainsi que des partenaires au développement engagés dans l’appui budgétaire. Nous comptons donc beaucoup sur la transposition des directives de la Cemac dans la législation et les pratiques nationales; et nous sommes confiants que les principes établis dans ce document seront mis en avant par toutes les parties prenantes ».
Traduit de l’anglais au français par la rédaction
Rikard Nordeman: «A chaque exportateur de s’assurer que ses certificats sont en bon ordre»
Le chef de la section commerce à la délégation de l’Union européenne au Cameroun éclaire sur le poids des exportations des fruits et légumes, le risque d’embargo qui les guettent et la nouvelle règlementation phytosanitaire qui va entrer en vigueur sur le territoire européen en décembre 2019.
Quel est le poids de la filière fruits et légumes dans les échanges entre le Cameroun et l’Union européenne ?
En 2016, le Cameroun a exporté des fruits et des légumes d’une valeur de 189 milliards de francs CFA, soit environ 16% des exportations totales vers l’UE. La grande majorité de ces exportations est constituée de bananes, mais il y a aussi des quantités importantes d’ananas, de mangues, d’avocats, de papayes, etc.
Lire aussi: Marché européen: fruits et légumes camerounais menacés d’interdiction
Entre 2015 et 2017, le Cameroun a enregistré de nombreuses interceptions d’organismes nuisibles dans ses cargaisons de végétaux à destination de l’Union européenne. Au départ du pays, après des contrôles, les autorités ont pourtant délivré à ces produits des certificats phytosanitaires. Est-ce à dire que les contrôles locaux sont fantaisistes ?
En général, si un contrôle fait au Cameroun n’a pas détecté, par exemple, un niveau élevé de pesticides dans un fruit alors qu’un contrôle à l’arrivée en UE montre des niveaux trop élevés, c’est évidemment une source de préoccupation et un préjudice pour l’exportateur. Mais, cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de laboratoires au Cameroun capables d’effectuer des contrôles fiables. Des résultats corrects sont d’ailleurs la règle. Il faut donc éviter des généralisations, et examiner les interceptions au cas par cas. Des laboratoires qualifiés pour des contrôles phytosanitaires des fruits et des légumes existent au Cameroun. Les procédures à suivre et les documents à remplir sont d’ailleurs bien accessibles à tous les opérateurs, en ligne, gratuitement. Après, c’est à chaque exportateur de s’assurer que ses certificats sont en bon ordre et que le service de contrôle fournisse un travail de qualité.
Le Cameroun a fait l’objet, en mai dernier, d’un audit de la direction générale de la santé de la Commission de l’Union européenne. A la suite de cet audit, les autorités camerounaises se sont engagées à mettre en œuvre à cours et à moyen termes sept mesures pour remédier au problème. Que se passera-t-il, si malgré tout, les interceptions se poursuivent ?
L’audit visait à vérifier le système d’inspection phytosanitaire des végétaux et produits végétaux exportés vers l’UE et de faire des propositions d’amélioration. Les sept recommandations de l’audit ont résulté en presque trente actions concrètes proposées par le Minader pour le court et moyen termes. Une fois que celles-ci auront été mises en œuvre, il sera possible de voir des améliorations en termes de nombre d’interceptions. Pour le moment, il est trop tôt pour tirer des conclusions sur l’impact de l’audit en question.
En cas de réactivité insuffisante des acteurs camerounais face aux saisies et problèmes sous-jacents, le risque d’une fermeture partielle du marché européen, n’est jamais exclu
Certains opérateurs sont convaincus que si les interceptions se poursuivent, les fruits et légumes seront interdits du marché européen. Est-ce une perspective qu’il faut craindre ?
Une des principales raisons ayant motivé la venue de la mission des experts de la direction générale de la santé de la Commission était la non-maitrise de la contamination par la mouche de fruits de mangues exportées vers le marché européen. À l’époque, il existait effectivement un grand risque que l’exportation de fruits du Cameroun vers l’UE ne soit plus autorisée. C’est grâce aux engagements pris à l’issue de cette mission que les produits camerounais ont pu continuer à être exportés vers le marché européen. Ceci étant, en cas de réactivité insuffisante des acteurs camerounais face aux saisies et problèmes sous-jacents, le risque d’une fermeture partielle du marché européen n’est jamais exclu. Mais, dans l’hypothèse d’une coopération constructive entre les parties, telle que dans le passé, ce risque paraît plutôt réduit.
Une nouvelle règlementation phytosanitaire va entrer en vigueur sur le territoire européen en décembre 2019. Quelles sont les nouvelles contraintes qu’elle va induire ?
La règlementation (UE) 2016/2031 constitue une vaste refonte de la législation phytosanitaire de l’UE en place depuis 1977. Elle abrogera et remplacera sept directives du Conseil sur les organismes nuisibles, les maladies invasives et ravageuses.
Bien entendu, les importations de la plupart des végétaux et produits végétaux en provenance des pays tiers dont le Cameroun resteront autorisées, moyennant le respect des normes et conditions actualisées.
Dans ce nouveau cadre, certains produits pourraient aussi être temporairement exclus d’accès au marché européen ou soumis à des exigences de qualité très strictes si l’évaluation des risques sanitaires l’exige.
A ce stade, il est toutefois beaucoup trop tôt pour connaître en détail les possibles changements des normes et exigences pour les différents produits d’origine camerounaise. Bien entendu, certains de nos financements pourraient aider les exportateurs de se préparer aux changements en vue. Nous sommes donc confiants que l’introduction de la nouvelle réglementation se fera sans heurts majeurs.
Interview réalisée par Aboudi Ottou
Accord de partenariat économique : la douane camerounaise perd 2,6 milliards FCFA
C’est la quintessence du bilan enregistré au 28 février 2018 présenté jeudi à la FIAC.
«Comment tirer profit des APE en exportant des produits camerounais ». Ce thème a meublé le premier débat sur les Accords de partenariat économique entre le Cameroun et l’Union européenne (UE) tenu la semaine passée à la Foire Internationale des Affaires et du Commerce (FIAC). Présenté par Raphaël Hamadjam, le bilan des 19 premiers mois de mise en oeuvre des APE affiche des pertes douanières chiffrées à 2,6 milliards de FCFA. A en croire cet ingénieur de la statistique chargé des Etudes à la direction générale des douanes camerounaises, ces déficits fiscaux sont faits de gains pour les opérateurs économiques : «Quand nous parlons de pertes de recettes douanières, c’est en réalité le montant des droits et taxes que l’Etat devrait prélever à l’entrée et qu’il n’a pas fait. Ces recettes ont été rétrocédées mécaniquement aux importateurs», explique le douanier camerounais, qui estime que cette somme est insignifiante au regard de la recette globale de la douane en 2017, estimée à plus de 700 milliards de FCFA. Bénéficiaires Au total, c’est 25% de taux de réduction douanière pour les produits du premier groupe visant à réduire la pauvreté. De ce bilan, on relève que 301 importateurs ont effectué 2800 opérations de 843 produits. Le rapport soutient aussi que presque tous les pays de l’UE ont importé vers le Cameroun. En tête de ceux-ci, on retrouve la France, l’Italie et l’Espagne. La valeur des marchandises qui ont bénéficié de ces tarifs préférentiels est estimée à 96 milliards de FCFA. Le rapport renseigne plus loin que 40% de PME ont jouit de ces facilitées. Mais les grosses entreprises en sont les grandes gagnantes de cet accord. Les matières premières comme le clinker pour l’industrie de la cimenterie, les intrants et les arômes pour les sociétés brassicoles, sont les plus importées. On y retrouve aussi les engrais pour l’agriculture, les pesticides, les produits pharmaceutiques, le papier pour l’imprimerie, etc. Après l’entrée en vigueur de cet accord d’étape, les mesures d’accompagnement sont toujours attendues. «Dans les profils qui sont ouverts à nos opérateurs, il y a celui de l’équipement. L’équipement représente un poste au chapitre des investissements dans nos entreprises et dans les Ape, il y a la possibilité de les avoir à moindre coût. Parce que nous avons convenu avec l’Union européenne de baisser les droits de douane sur une période de 13 ans sur tous les types d’équipements qui concourent à la production», développe Me Désiré Loumou.
Didier Ndengue
Libre-échange dans le Commonwealth: L’appel du pied de Londres à Yaoundé

S.E. Rowan James Laxton, haut-Commissaire de Grande-Bretagne au Cameroun
S.E. Rowan James Laxton, haut-Commissaire de Grande-Bretagne au Cameroun, a utilisé la scène de clôture de la semaine du Commonwealth pour présenter la nécessité de donner un nouveau visage aux relations économiques entre son pays et les autres Etats du club des gentlemen.
«A Global Britain !» (Une Grande-Bretagne mondiale), la formule a eu l’honneur d’être utilisée par quelques citoyens britanniques venus partager, avec leurs amis camerounais, les instants de convivialité induits par la clôture de la semaine du Commonwealth dans la capitale camerounaise. A la cour principale du ministère des Relations extérieures à Yaoundé le 12 mars 2018, c’est S.E. Rowan James Laxton, le haut-Commissaire de Grande-Bretagne au Cameroun qui glisse cette expression dans son propos de circonstance. Par un phrasé tramé dans la solennité, le diplomate britannique vante les mérites du Brexit et les nouveaux marchés qu’il entraîne pour le bonheur du Commonwealth. «Ces marchés ne demandent qu’à être envahis», dit-il affirmant même que de nombreux Etats de l’ancien empire britannique font déjà la queue pour signer des accords économiques bilatéraux avec le Royaume-Uni. En filigrane, l’idée directrice que défend S.E. Rowan James Laxton c’est que, la substitution est possible entre l’Union européenne (UE) et le Commonwealth, mais ce dernier n’est pas un marché unique, donc il faut procéder à des accords bilatéraux. Pour le diplomate britannique, cette ambition a du sens économiquement, car la plupart des membres du Commonwealth sont des pays développés ou des économies émergentes (Australie, Nouvelle-Zélande, Inde ou Afrique du Sud notamment). «Nous recherchons un partenariat nouveau et égal entre une Grande-Bretagne indépendante, autonome et globale et nos amis et alliés. Il n’y a pas une minute à perdre pour cela», indique le diplomate britannique.
Gains
Cette campagne n’est pas neuve selon certains spécialistes du «club des gentlemen». «Elle suggère un monde de libre-échange, gravitant vers son foyer naturel, les pays du Commonwealth», détaille Joseph Mboé Messe’e. La réalité qu’insuffle cet internationaliste est que les 52 Etats du Commonwealth constitueraient un débouché prometteur ainsi qu’un réservoir de clients pour la Grande-Bretagne. Le chercheur en relations internationales estime que bien que ce pays mette en avant les relations privilégiées avec les membres du Commonwealth pour dessiner une vision radieuse pour le commerce extérieur britannique post-Brexit, le niveau tactique est énorme. Le discours de Londres est largement fondé sur l’hostilité aux régulations bruxelloises, socles de l’UE. Pour contrer cette entité, le programme britannique est simple: «obtenir l’accès le plus large possible aux marchés du club, protéger sa place forte financière, et assurer la libre circulation des capitaux, des biens ou des services, sans rien donner en échange en matière de droits sociaux ou de libertés des personnes», énumère Aloys Mpessa, un autre internationaliste.
Zacharie Roger Mbarga
Enthousiasme européen et prudente satisfaction africaine, le résultat de la conférence internationale de Bruxelles sur le financement de la force militaire du G5 Sahel a sans doute dépassé les espoirs.
Dans un contexte de multiplication des attaques de groupes djihadistes dans le Sahel en l’absence de déploiement des forces ad hoc, la réunion de Bruxelles vient de permettre la couverture quasi intégrale des coûts de fonctionnement la force militaire conjointe des cinq pays. Ils sont estimés à 423 millions d’euros pour 2019 et 414 millions d’euros (soit 271 milliards de francs CFA) de promesses de dons ont été enregistrés. Soit un différentiel à trouver se chiffrant à 9 millions d’Euros. Sur les 414 millions d’euros annoncés vendredi, l’UE contribuera à hauteur de 100 millions, doublant donc son aide actuelle. L’Arabie saoudite a promis 100 autres millions, les Emirats arabes unis, 30, les Etats du G5, 50. La France complétera son effort à hauteur de 8 millions, essentiellement sous forme de matériel. Les Etats-Unis ont, eux, promis l’équivalent de 48,8 millions d’euros d’aide bilatérale. Censée compter 5 000 soldats et agir notamment dans les zones frontalières, où elle a déjà mené deux opérations, la force pourra se mobiliser vraiment au printemps. Pour l’instant, la force française Barkhane, qui compte 4 000 soldats, se déploie. Elle doit être appuyée et, à terme, relayée par la force régionale du G5 (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad). A ce stade, aucune stratégie, aucun agenda ne semble encore prévu selon l’exécutif français. Lequel a tout de suite fait de préciser que l’effort financier pour la force G5 ne visait pas à hâter le départ de l’armée française. Cette mobilisation internationale s’articule non pas seulement autour de la sécurité mais aussi du développement. Quelque 500 projets de développement, chiffrés à 6 milliards d’euros pour la période 2018-2022 et destinés aux zones les plus fragiles, ont aussi été présentés. La France évoque un premier projet de 10 millions d’euros axé sur l’éducation et l’insertion professionnelle dans la région de Mopti au centre du Mali. Elle devrait également s’engager à augmenter de 40 % ses versements à des projets de développement d’ici à 2024, à hauteur de 1,2 milliard d’euros. Quant à l’Algérie, acteur géopolitique essentiel, elle sera simplement représentée par un diplomate de haut rang.
Le président de la commission de l’Union Africaine Moussa Faki Mahamat juge les promesses de dons consenties par les soixante délégations présentes sont «très encourageantes». Il reste, cependant, à les concrétiser, a-t-il insisté. La zone sahélienne à sécuriser compte 28 000 km de frontières et s’étend sur 5 millions de km². Pour l’instant, 50 millions d’euros seulement, ceux promis dans un premier temps par l’UE, ont été effectivement et concrètement débloqués. Afin de pérenniser le financement de la force, les dirigeants du Sahel tentent de la placer sous l’égide de l’ONU, ce qui permettrait de lui assurer durablement des ressources. Mahamadou Issoufou, Président Nigérien et en exercice du G5 Sahel a rappelé qu’il faudra encore mobiliser 115 millions d’euros annuellement pour des opérations qui risquent de durer longtemps. «Les plus grandes armées du monde ont combattu Daech durant trois ans en Irak et en Syrie», rappelait-il, en soulignant que la déstabilisation de la Libye après l’opération militaire occidentale avait aussi largement contribué à aggraver la situation sécuritaire de toute la région, en permettant notamment aux réseaux terroristes et criminels de s’approvisionner massivement en armes. Federica Mogherini, Chef de la diplomatie européenne, semble convenir de ce le seul soutien réel et effectif aux pays de la région permettrait de répondre aux deux préoccupations majeures des Européens : le terrorisme et la migration. Soulignant que l’étape de Bruxelles se veut «très clair, très fort, très puissant». Sous le lead français, l’UE et ses membres restent les premiers donateurs de la région sahélienne, avec 176 millions (42,51%) de l’apport sur le G5 Sahel y compris 100 millions d’euros de la Facilité africaine de Paix, 8 milliards d’euros d’aides au développement pour la période 2014-2020, montant augmenté de 243 millions d’euros d’aide humanitaire en 2017.
Zacharie Roger Mbarga

Photo de famille entre le patronat et le ministre de l’Economie
Les deux parties s’accordent sur des gages d’efficacité pour le développement du Cameroun. C’était à Douala, au siège du Gicam les 20 et 21 février 2018.
Les mardi 20 et mercredi 21 février 2018, Louis Paul Motaze, ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (Minepat), a présidé les travaux de la rentrée économique son administration qui cette année a été organisée sous la forme d’une rencontre avec les organisations du secteur privé.
Placée sous le thème « Diversification de l’économie et transformation locale des produits », cette rencontre s’inscrivait dans la lignée d’une série engagée en 2010 et orientée d’une manière générale sur le renforcement du dialogue public/privé sur les orientations de la politique économique du pays.
Cette année, l’accent a ainsi été mis sur la promotion du secteur privé comme levier de la diversification de l’économie et la levée des contraintes à l’investissement. Aussi, les principaux sujets abordés ont portés sur :
– La situation et les enjeux économiques actuels ;
– Les guichets de financement des Partenaires Techniques Internationaux (PTF) ;
– Le programme économique et financier 2017-2020 ;
– La promotion des champions nationaux ;
– Les résultats préliminaires du 2nd Recensement Général des Entreprises (RGE2) ;
– Les résultats préliminaires de l’enquête sur le climat des affaires réalisée par le MINEPAT ;
– Les opportunités d’exportation vers l’Union Européenne ;
– Les projets porteurs du GICAM.
Situation et les enjeux économiques actuels
Ils ont été respectivement abordés par Célestin Tawamba, Président du Gicam dans ses propos de bienvenu prononcés au nom de la Plateforme des organisations du secteur privé et par le Minepat dans son discours d’ouverture.
Les propos des deux orateurs ont convergé sur le constat des résultats économiques en berne enregistrés par le Cameroun au cours des deux dernières années. Face au double choc constitué par la chute des cours des matières premières dont le pétrole et la crise sécuritaire à laquelle le pays fait face dans la partie septentrionale, les résultats économiques ont été en retrait par rapport à ceux des années précédentes.
Le Cameroun ayant mieux résisté que les autres pays de la sous-région, il convient désormais de consolider les facteurs de cette résilience parmi lesquels figure en première place la diversification horizontale et verticale de ses filières de production.
Pour le Président de la Plateforme des organisations du secteur privé, cela passe par un dialogue public/privé plus fertile par lequel une plus grande attention devra accordée aux préoccupations des entreprises. Saluant les bonnes dispositions du Ministre de l’économie en la matière, les représentants du secteur privé l’ont invité à devenir leur porte parole et relais auprès du Gouvernement.
C’est dans le cadre de partenariat rénové que les secteurs public et privé devront, dans une approche de coresponsabilité devront définir et implémenter les réformes structurelles indispensables pour donner un nouveau souffle à l’économie nationale et la remettre sur le sentier tracé pour son émergence. Les pistes de réformes portent notamment sur l’amélioration du climat des affaires, le développement des opportunités de financement, la promotion des champions nationaux, la révision du Code des marchés publics, la réforme de la fonction publique, la promotion des secteurs clés comme l’agriculture, le tourisme et les TIC.
Guichets de financement des PTF
Les opportunités de financement mis en place les Partenaires Techniques Internationaux ont été présentées :
– L’International Finance Corporation (IFC) ;
– La Banque Européenne d’Investissement (BEI) ;
– La Banque Islamique de Développement (BID) ;
– Proparco.
Ces institutions offres des appuis financiers directs à travers des lignes de financements mobilisées auprès des établissements financiers, des appuis techniques et institutionnels au bénéfice des entreprises. L’accessibilité demeure cependant assujettie à des conditionnalités dont le seuil d’investissement, le secteur d’activité et surtout la qualité du projet présenté.
Les échanges avec les chefs d’entreprises ont mis en évidence quelques contraintes à lever pour améliorer le recours et l’accès des entrepreneurs à ces opportunités. Il a ainsi été évoqué les questions relatives à la visibilité de ces offres de financement, à la prise ne charge des coûts des études qui peuvent atteindre 10% du coût total du projet ; le coût du crédit qui n’est pas forcément plus faible lorsqu’un PTF intervient ; le recours qui reste quasi obligatoire aux banques pour bénéficier de ces opportunités ; etc.
La question du financement ne pouvant être efficacement traitée que dans une approche plus large, les participants se sont appesantis sur le cadre général de l’offre et de la demande de financement au Cameroun. Sont ainsi apparues comme nécessaires des évolutions dans la prévisibilité des politiques publiques, la gestion des délais de paiement et notamment ceux de l’Etat, la régulation de certains secteurs d’activité, le contrôle de change, le remboursement des crédits de TVA, l’éducation financière et la culture de remboursement des crédits, l’accessibilité et la sécurisation des droits fonciers, la structuration des entreprises et des groupes familiaux, l’adaptabilité des procédures des PTF au contexte.
Programme économique et financier 2017-2020
Monsieur Isaac TAMBA, Directeur Général de l’Economie et de la Programmation des Investissements Publics a présenté le contexte économique qui a conduit à la signature de ce Programme, ses singularités et particularités, ses objectifs, les mesures concernant le secteur privé, les retombées financières ainsi que les résultats escomptés et ceux déjà acquis à fin décembre 2017.
On retient que le PEF intervient dans un contexte de détérioration de la situation économique de la CEMAC et décrochage de la croissance économique au Cameroun en raison notamment des problèmes sécuritaires, de la Perte d’opportunités des investissements et d’un accroissement du rythme d’endettement.
Le PEF se distingue cependant des Programmes d’Ajustement Structurel des années 90 par l’envergure des réformes envisagées, les champs de ces réformes et surtout la finalité recherchée. En occurrence, le PEF met un accent sur la préservation des acquis sociaux et ouvre la possibilité au Cameroun de bénéficier des appuis budgétaires qui sont par nature et par définition des ressources fongibles dans le budget de l’Etat.
Ses objectifs prioritaires concernent la relance et l’accélération de la croissance économique, la résorption du déséquilibre budgétaire, la réduction du déficit des comptes extérieurs, la stabilisation des réserves de change des pays de la CEMAC et la réduction du poids des investissements publics dans le budget.
Le PEF 2017-2020 comporte plusieurs mesures orientées directement vers le secteur privé, en particulier l’achèvement des travaux de construction des grands projets de 1ère génération et leur mise en service, l’élargissement de l’accès aux services financiers et l’amélioration du climat des affaires. Sur ce dernier point, sont notamment visées les réformes concernant la réglementation douanière et l’administration fiscale, la mise en œuvre du Plan cadastral, l’informatisation du registre du commerce et crédit immobilier, le remboursement des crédits TVA et les délais de paiement des factures.
Grâce aux performances enregistrées dans la mise en œuvre de ce Programme, le Cameroun a déjà enregistré trois décaissements d’un montant total 478 638 millions de F CFA de la part du FMI, de l’Union Européenne, de la Banque Mondiale, de l’AFD et de la BAD.
La promotion des champions nationaux
De la présentation faite par le Directeur Général de l’Economie, il ressort que l’initiative pour la promotion des champions nationaux a pris corps au GICAM lors du lancement de la 3ème Edition des Journées de l’Entreprise couplée aux 5èmes assises de l’Université du GICAM en 2016. Le MINEPAT s’est approprié le concept et a mis en place un Groupe de Travail en mars 2017 chargé de l’élaboration et de la mise en œuvre d’un Mécanisme pour l’émergence et de la promotion des Champions Nationaux.
La promotion des Champions Nationaux, tradition des dans les pays industrialisés , s’impose aujourd’hui pour inverser notre mode d’insertion dans les chaînes de valeurs mondiales, renforcer la diversification économique et conférer une identité internationale pour nos produits.
Comme définition, un Champion National est «une entreprise camerounaise, Leader dans son secteur d’activité, capable d’avoir un déploiement à l’international, qui est innovante, compétitive et offensive, et dont l’objectif de développement est en cohérence avec la politique mise en œuvre au niveau national». La promotion de telles entreprises implique un volontarisme du Gouvernement et un focus sur quelques filières ou groupe de produits en cohérence avec le Plan Directeur d’Industrialisation.
Parmi les secteurs pré-identifiés par le MINEPAT se trouvent en bonne place les filières Bois, Coton-Textile-Confection, Cacao-Café, les TIC, le Transport aérien, le secteur Banque-Finance, le Tourisme et le domaine de la Santé. Quelques critères ont été esquissés pour leur choix notamment en termes de création de la richesse, de capacité à créer des effets d’entrainement, de contribution à la résorption des déficits, de géographie du capital et de création des emplois.
Les interventions et appuis envisagés pour accompagner l’essor et le développement des Champions nationaux portent sur le financement direct via les prises de participation dans le capital, les lettres de confort aux partenaires pour crédibiliser ces entreprises, l’appui direct ponctuel pour le financement du haut bilan, l’octroi de régime préférentiel à la commande publique, l’octroi de subventions d’équilibre ponctuelles pour l’achat des intrants locaux ainsi que les appuis à la mise à niveau.
Les résultats préliminaires du 2nd RGE
Le second Recensement Général des Entreprises réalisé en 2016 a permis d’actualiser les informations de la situation des entreprises au Cameroun. Les résultats préliminaires de cet exercice ont été présentés par Monsieur Joseph TEDOU, Directeur général de l’Institut National de la Statistique.
Les innovations de cette seconde enquête concernent l’élargissement du champ des unités ciblées avec la prise en compte de certaines activités spécifiques exercées souvent en plein air sur des sites aménagés (laveries auto, dépôt de vente de sables, etc.), le géo référencement des unités économiques, la cartographie détaillée qui a permis d’améliorer l’identification des unités économiques.
Au terme de ce Recensement, 209 482 entreprises et établissements ont été dénombrés contre 93 969 en 2009, soit un accroissement de +123% (+12,7% en moyenne annuelle). Les principales tendances restent :
– La forte concentration géographique des entreprises dans les deux principales métropoles du pays que sont Yaoundé et Douala ;
– la prédominance du secteur tertiaire, largement dominé par les activités de vente de marchandises ;
– un écosystème économique atrophié en termes d’entreprises de moyenne et grande importance (1,5%), dominé par les micro-entreprises (79,1%) et essentiellement constitué d’entreprises individuelles (97%).
Le chiffre d’affaires réalisé par l’ensemble des entreprises en 2015, se situe à 13 347 milliards de FCFA contre 10 225 milliards en 2008. Il est accroissement de +28,8% (+3,9% en moyenne annuelle). L’ensemble des entreprises recensées emploient au total 635 969 personnes contre 386 263, soit un accroissement de +64,6% (+7,4% en moyenne annuelle).
En termes de gouvernance, il est observé un léger mieux dans la tenue de comptabilité. Cependant, on observe toujours une faible pénétration des TIC dans les entreprises et une faible prise en compte des questions environnementales. D’une manière générale, la rentabilité financière des entreprises en forte baisse et leurs équipements productifs demeurent vieillissants.
Sur un autre plan, la typologie des obstacles auxquels font face les opérateurs économiques s’est modifiée. La fiscalité demeure l’obstacle n°1 et les problèmes de financement apparaissent toujours une préoccupation majeure. La corruption est en net recul, désormais supplantée par les formalités administratives / tracasseries avec les agents de la mairie et communauté urbaine, ainsi que les problèmes de débouchés.
Les résultats préliminaires de l’enquête sur le climat des affaires
Le MINEPAT a réalisé en 2017 une enquête sur le Climat des Affaires (Business Climate Survey – BCS-). Cette enquête a couvert plusieurs aspects du climat des affaires dont la dimension factuelle en abordant notamment les questions relatives à la sécurité de l’environnement d’exercice des activités, l’attractivité du marché, les richesses naturelles, la solidité macroéconomique et la conjoncture économique ; la dimension perception, et le fonctionnement des institutions en charge de la promotion du climat des affaires.
De l’avis des 2000 chefs d’entreprises interrogés, il ressort que la qualité globale du climat des affaires reste très moyenne ; plusieurs entraves subsistent même si quelques avancées ont été enregistrées. Le déficit de communication de la part des institutions étatiques, les coûts élevés de crédit, la mauvaise qualité du service public (lenteur dans le traitement des dossiers, mauvais accueil des usagers, rétention de l’information utile au public, multiplication des pièces, isolement des responsables), les difficultés d’accès aux facteurs de production (énergie, services téléphoniques, internet, infrastructures de transport, ressources foncières, …) sont autant de facteurs ayant reçu une majorité d’opinions défavorables.
L’Etat communique peu et ne diffuse pas suffisamment les informations qui intéressent les hommes d’affaires comme
Les projets porteurs du GICAM
Présentés par Monsieur Pierre KAM, Président de la Commission Diaspora et Relations internationales, ils portent notamment sur la mise en place d’un fonds de garanti multi métiers, l’accompagnement des entreprises à la structuration des joint-venture, l’organisation des ateliers d’appropriation des APE, la mise en place d’un centre de développement des PME, la promotion de l’entreprenariat féminin, la catégorisation des mesures de l’Accord sur la facilitation des échanges et l’amélioration du climat des affaires.
Ces projets ont été présentés aux partenaires techniques et financiers en fin 2017 et des manifestations d’intérêt sont déjà enregistrées de la part de certains d’entre eux. S’agissant de l’appropriation de l’APE, les échanges ont mis en évidence des possibilités d’appui que le GICAM pourrait mobiliser auprès de l’Union Européenne à travers la Facilité de Coopération Technique.
Feuille de route
Le second jour des travaux de la rencontre MINEPAT/Secteur privé de 2018 a été consacré aux travaux techniques et une séance plénière d’adoption de la feuille de route présidée par le Ministre de l’économie. Cette Feuille de devant servir de support au déploiement de partenariat MINEPAT/Secteur privé au cours de l’année 2018 est articulée autour des thématiques abordées pendant la rencontre et reprend l’ensemble des recommandations formulées en précisant les parties prenantes, les responsables de la mise en œuvre et les délais d’exécution.
Au titre des recommandations retenues, l’on retiendra notamment:
– le renforcement des dispositifs de suivi qualitatif (enquêtes de perception, opinion d’experts, …) et quantitatif (recensements, études sectorielles, …) des entreprises ;
– le renforcement des programmes de promotion des exportations (services non financiers, études de marchés, voyage d’affaires, …) ;
– l’actualisation de l’étude sur les coûts de facteurs ;
– le renforcement des dispositifs de diffusion de l’information économique ;
– la mobilisation des appuis auprès du Gouvernement et des PTF pour accompagner les activités de sensibilisation/formation menées par les organisations du secteur privé;
– la réalisation d’une étude sur les opportunités d’exportation vers le marché de l’UE ;
– le renforcement de la communication sur les opportunités de financement des PTF, notamment par l’élaboration et la vulgarisation d’une cartographie de ces opportunités ;
– etc.
Un secrétariat technique de suivi se réunira au cours du mois de mars pour finaliser la feuille de route et plancher sur les modalités de mise en œuvre et de suivi des actions à déployer dans une démarche partenariale.
Les mots de clôture du Ministre et des Présidents des organisations du secteur privé ont été ceux exprimant leur reconnaissance et satisfaction mutuelle pour la disponibilité et l’engagement pour un nouveau départ dans le partenariat MINEPAT / Secteur privé.
Source: Minepat
Nord-ouest et Sud-ouest : l’Occident joue la carte de la prudence
Face à l’incertitude sur la suite des événements dans la partie anglophone du Cameroun, les déclarations ouïes des instances diplomatiques restent tramées dans la mesure.

La crise anglophone vue d’un oeil prudent par l’Occident.
Parce que dans les régions du Sud-ouest et du Nord-ouest du Cameroun la situation évolue de manière imprévisible, des chancelleries et instances internationales semblent s’être passés le mot. Par le flot qu’elles débitent ces derniers temps, en rapport à ce sujet brûlant, les lignes du raisonnement diplomatique insinuent que les dernières actualités (morts de gendarmes, captures des indépendantistes, etc.) ont arraché les unes et les autres au statu quo. L’interprétation qu’en font les analystes se structure d’ailleurs autour du fait que l’implication des acteurs européens ou américains. Elle apparaît largement déterminée par le fait que ces derniers sont, à un niveau comme à un autre, témoins au moment où la crise dite anglophone émerge plus violemment au Cameroun.
Tact
C’est le mot. Fidèles à la logique diplomatique, les déclarations sont bien mesurées. On a pu le sentir le 15 février dernier à Yaoundé lors de la visite de Harriett Baldwin. Maniant une rhétorique bien huilée, la ministre britannique des Affaires étrangères a misé sur un «agenda express autour du dialogue entre les deux parties».
Surfant sur la même vague, lors de la visite au Cameroun du groupe de travail du Conseil de l’Union européenne (UE) sur l’Afrique, Marie Lapierre, présidente dudit groupe, a juste souligné que «la violence ne peut jamais être un instrument en politique». Tout en prenant soin, pour ne pas froisser Yaoundé, de rappeler que la sécession n’est «pas légale» au regard de la constitution camerounaise. La Française appelle «tous les acteurs pertinents à passer rapidement de la confrontation au dialogue».
Le 07 février déjà, Catherine Ray, porte-parole de l’UE, a fait une déclaration. «L’Union européenne appelle à éviter tout acte qui puisse attiser les tensions ou inciter à la violence entre Camerounais. Elle reste convaincue que seul un dialogue sincère et constructif, en suivant les voies démocratiques et constitutionnelles, pourra conduire à une sortie durable de la crise tout en préservant l’unité et la paix pour tous les Camerounais»
Entre temps, dans un communiqué publié depuis le 21 décembre 2017 sur son site web, l’ambassade des Etats-Unis à Yaoundé invite citoyens américain à ne pas fréquenter le département de la Manyu (Sud-ouest), ainsi que toutes les villes situées à moins d’un kilomètre de la frontière avec le Nigeria ; ceci en raisons d’affrontements violents entre les séparatistes et les forces gouvernementales dans ces zones. La même ambassade a enfoncé le clou le 15 février dernier, en enjoignant ses compatriotes à ne plus séjourner dans les régions du Nord – ouest et du sud – ouest du fait de l’instabilité ou de l’insécurité rampantes.
Actions
Recevant à Marlborough House (Londres) Joseph Dion Ngute en mars 2017, Patricia Scotland, la secrétaire générale du Commonwealth, avait, face au ministre délégué au ministère camerounais des Relations extérieures chargé du Commonwealth, relevé la nécessité d’un dialogue inclusif et constructif dans le processus de résolution de la crise anglophone. C’est que, depuis le déclenchement des mouvements de protestation sociale, qui ont ensuite cédé la place à des revendications sécessionnistes dans les régions anglophones du Cameroun en 2016, la Grande-Bretagne s’est fait une religion sur cette situation, après plusieurs discussions avec les autorités camerounaises.
Jean-René Meva’a Amougou