Sommet de l’Union africaine: Les dossiers sur la table des chefs d’Etat

Bien que placée sous le thème de la lutte contre la corruption, la 31e édition de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement du continent planchera sur quatre sujets majeurs: le projet de réforme institutionnelle de l’UA, la zone de libre-échange continentale, les relations ACP-UE post 2020, le budget 2019 de l’organisation continentale. Décryptage.

Les responsables de la réforme institutionnelle de l’UA.

Les assises des chefs d’Etats et de gouvernement de l’Union africaine (UA) se dérouleront en Mauritanie les 1er et 2 juillet 2018. Elles seront précédées par les travaux du conseil exécutif (28-29 Juin) et du comité des représentants permanents (25-26 Juin). Le sommet est placé sous le thème «vaincre la corruption: une voie durable pour la transformation de l’Afrique». Le président nigérian Muhammadu Buhari, leader désigné pour la promotion du thème de l’année 2018 exposera les acquis et défis de la lutte contre cette gangrène aux niveaux continental et régional. Cette présentation ouvrira le bal d’un ensemble de communications.

Paix et la sécurité

En matière de paix et de sécurité, trois temps forts seront scrutés. Le Conseil de paix et de sécurité de l’UA présentera son rapport sur l’état de la paix et de la sécurité en Afrique. Sur ce sujet, la présentation du rapport sur la mise en œuvre de la feuille de route des démarches pratiques pour faire taire les armes en Afrique en 2020 par cette instance est très attendue. Lors d’un précédent sommet, les chefs d’Etat ont instruit sa préparation pour y voir clair.

Le dernier mouvement de cette rubrique sera consacré au Sahara occidental. Le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, va exposer son rapport sur cette épineuse question. Il se penchera sur le dernier rapport du Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies sur le sujet, la prolongation de la mission onusienne sur le referendum au Sahara occidental (Monurso) et les négociations en cours. L’Onu vient de consacrer la participation aux négociations des pays tiers ayant une influence sur le problème, en l’occurrence l’Algérie.

Agenda 2063

Le sommet sera aussi l’occasion pour les chefs d’Etat de faire le point sur le projet de réforme de l’organisation panafricaine. La commission des 15 ministres africains des finances a rendu son verdict sur les consultations liées au financement de l’UA. L’arbitrage des chefs d’Etat est attendu sur la diminution du nombre de sommets par an et la mutation du Nepad en agence de développement. Le sujet le plus délicat est le renforcement de la position du président de la Commission de l’UA, qui, à défaut de nommer pourrait désormais valider les candidatures des commissaires. Le président Rwandais, Paul Kagame, président en exercice de l’UA et leader de la réforme de l’organisation continentale, va exposer à huis clos sur le sujet. Un rapport assorti de recommandations concertées est attendu.

Après l’enregistrement de quatre dépôts d’instruments de ratification, la zone de libre-échange continentale (Zlec) est à nouveau à l’ordre du jour des préoccupations des chefs d’Etat et de gouvernement. Le président nigérien Mahamadou Issoufou, porte – étendard de la Zlec, va présenter l’état des lieux à ses homologues. Il les informera de l’avancée des négociations de la seconde phase qui concerne l’érection des protocoles additionnels à l’acte constitutif sur la politique de concurrence, les droits de propriété intellectuelle, l’investissement et la circulation des personnes d’affaires. Ce sera surtout l’occasion de lever les équivoques qui pèsent sur la non- signature et la non- ratification par certains Etats.

La dernière communication du président de la Commission portera sur la position africaine commune sur les relations ACP (Pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique) avec l’Union européenne (UE) après 2020. L’accord de Cotonou censé durer 20 ans arrive à expiration. L’UE a déjà fait valoir le nouveau format de déploiement. Il sera adossé sur les ensembles régionaux. Le rapport de Moussa Faki Mahamat proposera aux chefs d’Etat africains des pistes pour adopter une position concertée à l’effet de transmettre des contre-propositions.

Budget et nominations

Le budget de l’exercice 2019 sera examiné et adopté. Celui de l’exercice 2018 s’élevait à près de 650 millions de dollars (366 milliards de francs CFA). Le nouveau budget est plafonné à 800 millions de dollars. Ceci est dû à «l’embellie économique et financière des Etats», indique le projet d’ordre de jour de l’institution.

Le personnel des institutions spécialisées connaitra un mouvement. Avec la nomination de quatre juges de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples; cinq membres du Conseil de l’Union africaine pour le droit international ; quatre membres du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant et du vice-président du Conseil de l’Université panafricaine (UPA).

 

Elargissement de la CEDEAO

La CEA ouvre la réflexion

La Commission économique des Nations unies pour l’Afrique réunit une palette d’acteurs pour des discussions profondes, fécondes et dépassionnées sur les implications socioéconomiques et culturelles réelles des nouvelles adhésions dans cette communauté économique régionale.

Afin de lever les contraintes et relever les défis relatifs à l’adhésion de certains pays d’Afrique du Nord à la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), la CEA réunit cette semaine, du 25 au 26 juin 2018 à Cotonou, les experts des Etats-membres, les représentants des Communautés économiques régionales et des Organisations intergouvernementales de l’Afrique de l’ouest, le secteur privé et la société civile. Les experts du commerce extérieur, des questions douanières et de l’intégration dans les ministères en charge du commerce et ceux en charge de l’économie et des finances sont principalement ciblés au niveau des pays.

L’élargissement de la CEDEAO est un chantier majeur, selon la CEA. La réunion ad-hoc du groupe d’experts permettra aux participants d’examiner les implications économiques en termes de flux commerciaux et de recettes publiques, d’identifier et de discuter les principaux défis et enjeux pour la CEDEAO et les pays candidats à l’adhésion. La réunion ad-hoc va formuler des recommandations pour un élargissement économiquement et socio – économiquement avantageux pour les différentes parties et surtout pour l’effectivité de la zone de libre-échange continentale (Zlec).

Selon, Dimitri Sanga, directeur de la CEA pour l’Afrique de l’ouest, «Alors que l’Afrique s’engage résolument sur la voie de la mise en œuvre de la Zlec, nous sommes en train de franchir une étape importante de la création de la Communauté économique africaine telle que prônée par certains pères fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). C’est le cas des demandes en cours d’élargissement potentiel de la CEDEAO. Nous sommes convaincus que les experts de l’Afrique de l’ouest vont donner des pistes de solutions pour mener à bien tous ces chantiers qui sont censés nous mener vers l’intégration de la sous-région et du continent dans son ensemble».

Zacharie Roger Mbarga

‘’Les reformes doivent se poursuivre’’ 

Daniel Ona Ondo

On a du mal à convaincre nos ministres des finances de financer la Cemac. Ils se disent, «à quoi sert cet argent?» Je puis vous rassurer aujourd’hui, nous utilisons le franc que nous recevons pour faire en sorte qu’il y ait des projets intégrateurs

Le président de la Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) fait le point des avancées du Programme des réformes économiques et financières de la Cemac (PREF-CEMAC).

 

Monsieur le président, quelles sont les principales avancées observées au niveau du Pref-Cemac depuis le sommet des chefs d’Etat du 23 décembre 2016?
Nous nous sommes réunis pour la cinquième édition d’évaluation du Pref-Cemac ce vendredi 22 juin 2018. Comme vous le savez, le Pref-Cemac a été créé par les chefs d’Etat à la suite des décisions qui ont été prises en 2016. Je crois qu’ils ont bien été inspirés de créer le Pref-Cemac, pour redresser la situation économique de nos pays. Il y a eu des avancées considérables parce que tous les pays ont fait un ajustement réel. Ils ont revu leurs dépenses et ils ont essayé d’augmenter leurs recettes. En matière d’ajustement financier et monétaire, des décisions importantes ont été prises au niveau de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac).

Aujourd’hui, nous sommes heureux de constater qu’en matière de couverture extérieure, nous avons des réserves qui vont au-delà de deux mois. Au niveau des reformes structurelles, je pilote ce dossier avec le Pref-Cemac. Avec le Fodec, nous avons des reformes structurelles qui sont en place et nous avons des reformes qui vont dans le même sens, faire en sorte qu’il y ait des projets intégrateurs. Les gens ne croient pas à l’intégration parce qu’ils ne voient pas les résultats d’intégration. Donc tout va dans le bon sens. Il y a lieu de ne pas perdre espoir. Nous allons continuer.

Vous savez que sur les six pays de la sous-région, quatre ont signé des accords avec le Fonds monétaire international (FMI), pour trois ans. Ils bénéficient des ressources financières. Deux sont en phase de signer. La Guinée Equatoriale, qui va avoir un programme de référence et la République du Congo qui est aussi en phase de signer. Tout ne va peut-être pas dans le meilleur des mondes, mais tout va dans le bon sens. Je puis vous rassurer que nous avons fait du bon travail. Nous avons des embellies aujourd’hui. Des recettes pétrolières sont en train d’augmenter, donc nous disons aux Etats «ce n’est pas le moment de relâcher l’effort».

Il faut continuer les reformes structurelles. Il faut continuer le travail. Il ne faut pas se dire qu’on a des recettes. Je crois que ces recettes doivent permettre de régler notre endettement et faire des projets intégrateurs qui permettent à nos pays de connaître une croissance importante. Aujourd’hui, la croissance est au rendez-vous par rapport à l’année dernière, où la croissance était négative. Nous en sommes heureux. Nous allons rendre compte aux chefs d’Etat pour dire que les dossiers qu’ils nous ont confiés vont dans le bon sens.

Peut-on avoir une idée des discussions que vous avez eues avec les responsables des compagnies qui exploitent nos ressources naturelles ?
Le principe est simple : les compagnies sont tenues de rapatrier les recettes d’exploitation conformément aux règlements que nous avons édictés, même s’il y a libre convertibilité au niveau de la zone franc. Elles doivent transférer les réserves. Ça nous arrangerait parce que ça nous permettra de conforter les réserves de change dans la sous-région. Maintenant, vous savez que nous sommes des éducateurs. Il faut des gens pour passer le message.

Que des gens sachent qu’il y a une loi qui existe. Il faut qu’ils se conforment à cette loi. Avant de passer à la phase répressive, il faut que des gens soient informés des lois qui existent dans nos Républiques, qui font obligation aux acteurs économiques de rapatrier leurs recettes. Bien sûr, ils ont signé certaines conventions avec nos pays. Dans ces conventions, ils ont la possibilité de garder certaines recettes de change pour le fonctionnement régulier de ces entreprises. Nous avons regardé tout ça. Nous avons discuté entre nous pour édicter des mesures qui permettent de ne plus signer ce genre de conventions qui pénalisent nos pays.

…Tout ne va peut-être pas dans le meilleur des mondes, mais tout va dans le bon sens. Je puis vous rassurer que nous avons fait du bon travail. Nous avons des embellies aujourd’hui. Des recettes pétrolières sont en train d’augmenter, donc nous disons aux Etats «ce n’est pas le moment de relâcher l’effort». Il faut continuer les reformes structurelles…

Il y avait au programme de la dernière session du Pref-Cemac l’amélioration du cadre des affaires, la diversification des économies des pays membres de la Cemac. A quel niveau en sommes-nous ?
C’est une question fondamentale. Vous savez, nos économies ont en partie d’être mono producteur de pétrole. Naturellement, quand le prix du pétrole baisse, nous allons vers le bas. Aujourd’hui, nous essayons de faire en sorte que les économies soient diversifiées. Il y a des économies qui ont déjà fait un gros effort de diversification. Le pays dans lequel nous nous trouvons [Cameroun] est mieux diversifié que tous les autres de la sous-région.

Ces réformes doivent se poursuivre. Nous mettons un accent dessus. Au niveau de la Commission, on améliore la communication pour faire en sorte que l’intégration soit acceptée par tout le monde parce que plus on est nombreux, mieux ça vaut. Nous avons des économies de petites dimensions. Dans la sous-région, je pense que nous sommes à 40 millions d’habitants. Vaut mieux qu’on produise pour 40 millions pour avoir des économies d’échelle. Donc la diversification est au centre des préoccupations de nos Etats.

Et pour ce qui concerne l’amélioration juridique et l’attractive des différentes économies ?
C’est normal. On ne peut pas attirer des investisseurs avec le bâton. Il faut créer un cadre qui soit adapté. Donc il faut créer un environnement qui améliore le cadre des affaires. Au niveau de la Commission, nous sommes en train de voir le problème de partenariat public-privé, qui permettrait de concilier le public et le privé dans un cadre organisé. C’est une piste qui est là. Nous faisons en sorte que les lois ne soient pas des lois qui empêchent aux entreprises de pouvoir s’implanter. C’est dans l’intérêt de nos économies.

Je profite de l’occasion pour remercier les autorités camerounaises pour ce qu’elles font afin qu’on puisse avoir un cadre agréable pour pouvoir discuter. C’est la deuxième ou la troisième fois que nous tenons une réunion du Pref-Cemac ici, et les conditions de travail sont toujours agréables. Je remercie la presse qui fait en sorte que notre voix soit mieux entendue. Parce que souvent, moi, là où je me trouve, on a du mal à convaincre nos ministres des finances de financer la Cemac.

Ils se disent, «à quoi sert cet argent?» Je puis vous rassurer aujourd’hui, nous utilisons le franc que nous recevons pour faire en sorte qu’il y ait des projets intégrateurs. Pour le Pref-Cemac, nous avons eu plus de dix milliards pour créer des projets. Nous avons des études qui sont déjà lancées aujourd’hui, qui permettront à terme, de financer certains projets intégrateurs dans la sous-région.

Monsieur le président, où en sommes-nous avec la libre circulation dans la zone Cemac ?
La libre circulation est effective. Si vous allez dans des aéroports, vous allez y trouver des points de passage de la Cemac, comme en France il y a des points de passage de l’Union européenne. La libre-circulation a été actée par les chefs d’Etat à la conférence de Ndjamena. Donc elle est effective. Il y a eu un petit problème. Je crois que c’est à cela que vous faites allusions. Nous sommes en train d’y remédier. Je crois qu’il faut éviter d’invectiver les Etats. Ce sont ces Etats qui ont accepté la libre circulation. Je crois qu’il y a une avancée considérable de l’intégration sous-régionale. Et effectivement, il y a encore des scories, il y a encore des petits problèmes.

Il faut éduquer les gens. Que les Camerounais ne soient pas mal vus au Gabon, qu’un Gabonais ne soit pas mal vu en République Centrafricaine, qu’on s’accepte mutuellement. Au niveau de la Cemac, nous avons mis de l’argent au niveau d’Interpol pour faire des passeports sécurisés. Nous allons faire en sorte que des points de passage soient sécurisés. C’est un travail à faire. Ça ne se fera pas du jour au lendemain parce que là aussi, il faut qu’on travaille nos mentalités. Qu’on accepte de vivre ensemble. Ça s’est fait en Afrique de l’ouest, il n’y a pas de raison que ça ne se fasse pas en Afrique centrale. Il y a des pays qui ont déjà des passeports Cemac. Nous faisons en sorte que tout le monde puisse disposer d’un passeport Cemac.

Propos recueillis par
Didier Ndengue

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