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Catégorie : PORTRAIT DÉCOUVERTE
Tradex Centrafrique : Une nouvelle station-service inaugurée
Située dans l’arrondissement de Damara, elle a coûté 360 millions de FCFA.
Le ministre centrafricain du Développement de l’énergie et des ressources hydrauliques, Hubert Gontran Djono Ahaba, a inauguré, le 26 juillet 2019 à Damara, la nouvelle bâtisse. Elle rentre dans le programme de réhabilitation/rénovation du réseau de stations-service qu’opère le groupe Tradex en République centrafricaine. Ce programme de réhabilitation des stations pillées et abandonnées de son réseau fait suite à la relative accalmie observée depuis quelques années en terre centrafricaine.
D’après Perrial Jean Nyodog, président du Conseil d’administration de Tradex Centrafrique, le rôle de la filiale est d’apporter sa contribution dans la consolidation de la paix. « Notre objectif en République centrafricaine est d’être toujours plus proches de notre clientèle, de contribuer à la consolidation de la paix, à la lutte contre le chômage des jeunes et à un retour à la normale sur l’ensemble du territoire national. En mettant à la disposition des Centrafricains, où qu’ils se trouvent sur le territoire, des produits pétroliers de qualité, nous agissons en messagers de la paix, renforçant l’espérance d’une Centrafrique unie et triomphante», a-t-il déclaré.
Située à 70 km de Bangui, la capitale du pays, la station-service Tradex Damara est l’unique de cet arrondissement. Elle s’étend sur une superficie de 1 200 m², avec une capacité de stockage de 25 000 litres de carburants, dont 10 000 litres de Super, 10 000 litres de Gasoil et 5 000 litres de Pétrole lampant. Les carburants sont stockés dans des cuves enterrées, dotées d’une double enveloppe et de détecteurs de fuites sonores. À cela, s’ajoute sa capacité de stockage de 100 bouteilles de gaz.
Cette réalisation intervient après les rénovations de Mbaïki, Berbérati et LBB à Bangui. Elle vient ainsi porter à six (6), le nombre de stations-service Tradex opérationnelles en Centrafrique. Ce nombre passera à 9 dans quelques semaines, avec l’ouverture des stations-service Sofitel, Gare du Nord et Marabena. La firme de distribution de produits pétroliers envisage de terminer l’année 2019 avec un réseau de 24 stations-service.
Joseph Julien Ondoua O., stagiaire
Cameroun : 70 % de jeunes en situation de sous-emploi
Les données sont de la Conférence internationale de clôture du projet d’amélioration des politiques d’emploi jeune en Afrique, tenue à Yaoundé, du 20 au 24 juillet 2019.
Des universitaires d’Afrique subsaharienne francophone étaient réunis dans la capitale camerounaise, à l’initiative de l’Université de Yaoundé II. Ils ont évalué le projet intitulé «Améliorer les politiques d’emploi jeune en Afrique». Une trentaine de chercheurs camerounais, ivoiriens, sénégalais, tchadiens et congolais réunis à l’effet d’échanger sur les stratégies d’amélioration des conditions d’emploi dans leurs différents pays, avec en toile de fond l’objectif de réduction du chômage en Afrique noire francophone. Sur la table des travaux, les différents acteurs responsables de l’élaboration, de la mise en œuvre et du suivi-évaluation des politiques d’emploi. Au cours des débats, les chercheurs ont présenté les résultats de leurs études sur l’efficacité des politiques d’emploi des jeunes dans leurs pays respectifs.
Chômage et sous-emploi
Des universitaires camerounais ont saisi l’opportunité pour présenter les résultats de l’enquête sur l’efficacité des services publics de l’emploi au Cameroun. Il en ressort que le chômage se pose avec acuité dans le pays, avec près de 10% de la population jeune au chômage. D’après le Pr Benjamin Fomba Kamga, coordonnateur de ce projet, près des 2/3 de la population dont l’âge est en dessous de 35 ans sont intéressés par les questions d’emplois.À cela, s’ajoute le sous-emploi. Pour le chef de département d’analyses et politiques économiques de la faculté de sciences économiques et de gestions de l’Université de Yaoundé II, «le sous-emploi, qui touche 70% des jeunes, est la conséquence des emplois précaires. Face à la montée du chômage et en l’absence d’une politique publique d’indemnisation, plusieurs chômeurs se sont lancés dans des activités informelles. Ces dernières, caractérisées par la prépondérance des unités de production individuelles, sont l’apanage des conditions de travail précaires».
Résolutions
Ainsi, il est urgent de résoudre la question de l’emploi au Cameroun, en tenant compte des indicateurs : taux de chômage, taux de sous-emploi, etc. «Il faut améliorer ces indicateurs, les avoirs toujours en face, et travailler pour leur réduction», précise le Pr Benjamin Fomba. Par ailleurs, il faut mettre sur pied une politique inclusive d’emploi « qui va intégrer non seulement les jeunes de façon globale, mais également les jeunes femmes aussi et les jeunes vulnérables que sont les handicapés, les orphelins et les autres personnes abandonnées à elles-mêmes », poursuit l’enseignant chercheur camerounais.Dans le même ordre, les universités doivent adapter les enseignements aux besoins de l’heure, afin de rendre les apprenants plus compétitifs sur le marché de l’emploi. Pour cela, le projet préconise la signature de partenariats entre les instituts de formations universitaires et les entreprises.
Initié par le Centre d’étude et de recherche en économie et gestion (Cereg), le projet d’amélioration des politiques d’emploi des jeunes en Afrique avait pour objectif d’évaluer l’efficacité des interventions actives sur le marché du travail des pays en Afrique subsaharienne francophone. Financé par le Centre de Recherches pour le développement international (CRDI), le projet a été lancé le 15 avril 2016.
Joseph Julien Ondoua Owona, Stagiaire
Hommage : Nelson Mandela au miroir des Camerounais
A l’occasion de la célébration de la 9ème édition de la journée internationale Mandela day célébrée le 18 juillet 2019, plusieurs camerounais ont revisité le parcours d’un homme de paix.
Les populations de la ville de Yaoundé portent toujours Nelson Mandela dans leur cœur. En ce jour de commémoration du premier président sud-africain à la peau noire, plusieurs Yaoundéens ont écrasé une larme. Pour beaucoup d’entre-eux, Nelson Mandela reste l’un des plus grands héros du continent noir. L’évocation de celui qu’on appelait Madiba (nom de son clan) fait encore frémir les cœurs des africains. «C’était un grand président africain, qui a lutté contre le racisme», entend-on dire.
Certains ont pris la peine de revisiter son parcours. Parmi eux, Emilia, vendeuse dans une boutique au marché Mokolo. Pour cette commerçante d’une soixantaine d’années, «Mandela était un homme d’une grande sagesse. Il a sacrifié sa vie au service de sa communauté, de son pays et même de l’Afrique tout entière, parce qu’il a réagi à la haine des blancs par des actes d’amour». Ce 18 juillet, elle a décidé d’écouter des chansons religieuses sud-africaines pour célébrer cette icône.Homme surnaturel et rationnel
Les jeunes générations qui l’ont connu se souviennent de lui. Pour Stève Junior, Madiba «a été un homme surnaturel qui a bravé les épreuves les plus difficiles. Il a su faire preuve de courage tout au long de sa vie. Parce qu’après avoir survécu à toute la maltraitance des blancs et libéré de la prison, on se serait attendu à ce qu’il pourchasse la race blanche, mais il ne l’a pas fait».Pensée partagée par Hubert. Pour ce jeune détenteur d’un baccalauréat littéraire (promotion 2019), l’ancien combattant anti-apartheid était un homme rationnel. Il n’a pas trahi son peuple contrairement à ce que pensent certaines personnes, poursuit-il. «Après avoir été libéré, il est resté en Afrique du Sud où il y avait beaucoup de blancs. S’il avait pris l’initiative de les chasser, on l’aurait alors tué de la plus simple des manières. De plus, la cohabitation aurait été extrêmement difficile, et la situation des noirs allait empirer», explique le jeune homme.
L’exemple à suivre
Pour plus d’un Camerounais, Nelson Mandela reste un exemple à suivre. Notamment pour débarrasser le continent noir des fléaux dont il souffre. «Si tous les africains, qu’ils soient dirigeants, ou citoyens pouvaient suivre l’exemple de Nelson Mandela, on n’aurait plus jamais de guerres en Afrique», conclut Emilia.Ainsi, le prix Nobel de la paix 1993 aura marqué le monde entier. Le 10 novembre 2009, l’Unesco a instauré la journée du 18 juillet, jour de sa naissance, comme journée internationale dédiée à Nelson Mandela. Des manifestations sont organisées dans plusieurs pays pour lui rendre un vibrant hommage. Né le 18 juillet 1918, Nelson Rolihlahla Mandela, est décédé le 5 décembre 2013.
Joseph Julien Ondoua Owona, Stagiaire
Allemagne : Les revendications anti-coloniales des Camerounais et Africains honorées
Une plaque commémorative de la ville de Berlin dévoilée le 22 juillet 2019 en l’honneur de Quan’a Dibobe, alias Martin Dibobe, et de ses 17 camarades africains. A l’occasion, Prince Kum’a Ndumbe III fait une Déclaration solennelle.
Berlin, capitale de l’Allemagne Fédérale, est en train d’honorer ceux des Camerounais et Africains qui se sont levés pour lutter contre le colonialisme allemand, le racisme et les inégalités pendant la période de domination allemande sur le continent africain et au sein de l’Allemagne elle-même.
Quan’a Dibobe, baptisé sous le «dina la mukala : nom du blanc» Martin, est né le 31 octobre 1876 à Bonapriso comme fils de David Joss. Il sera emmené en Allemagne à l’âge de 20 ans pour représenter la vie quotidienne des Africains dans les «zoo humains» de l’Allemagne impériale à Berlin pendant six mois. Il suivra plus tard une formation et deviendra en 1902 conducteur de train de 1ère classe.
Quan’a Dibobe mobilisera d’autres Camerounais et Africains pour dénoncer les exactions coloniales dans les protectorats allemands et exiger de meilleures conditions de vie pour les Africains vivant en Allemagne. Une pétition en 32 points du 27 juin 1919 sera déposée au Ministère des colonies «Reichskolonialministerium» et une correspondance cosignée par 18 autres Africains d’origine sera adressée à l’Assemblée Nationale de Weimar (Weimarer Nationalversammlung).
Au Cameroun, les chutes Nachtigal, les rues Nachtigal, les places Général Leclerc et les rues glorifiant les seigneurs esclavagistes et colonialistes emplissent le quotidien des citoyens. A Berlin, le quai nommé selon le colonialiste Otto Friedrich von der Groeben depuis 1895 est renommé selon notre très chère amie May Ayim en 2009, poète afro-allemande, et activiste antiraciste et anti-colonialiste d’origine ghanéenne.
La Place Nachtigal devient Place Manga Bell, Quan’a Dibobe, porteur de la pétition réclamant la dignité des Africains et l’égalité devant la loi est honoré par une première plaque le 31 octobre 2016 sur le mur de la maison qu’il a habitée à Kuglerstrasse 44. Et par une seconde plaque le 22 juillet 2019 à la fameuse Wilhelmstrasse, en plein centre administratif de Berlin, à l’endroit même où se trouvait le ministère des colonies. A la demande officielle de la Namibie, la Colonne de la Croix du Cap conservée au Musée Historique allemand de Berlin est restituée à la Namibie le 17 mai 2019 lors d’une cérémonie du gouvernement allemand à laquelle le Prince Kum’a Ndumbe III avec une délégation d’Afric Avenir International a pris part.
Quand est-ce que le législateur camerounais, le juge camerounais, les conseils municipaux se réveilleront du profond sommeil colonial pour rebaptiser nos rues et places publiques et que les monuments d’esclavagistes et de colonisateurs prendront le chemin des musées ? Le génocide intellectuel et spirituel n’a-t-il pas assez duré au Cameroun et dans plusieurs pays africains ?
Prince Kum’a Ndumbe III, Professeur Emérite des Universités, Dr. en histoire, Dr. en Etudes Germaniques, Université de Lyon II, 1975 ; Habilitation en sciences politiques, Université de Berlin, 1989.
Bobo Ousmanou
Léah Stepler : La plupart des préparatifs sont prêts
La quatrième édition de la « Foire du bon bâton de manioc et des produits dérivés » se tient à Sa’a les 7 et 8 août prochain. Cette foire a pour promoteur Romuald Ndzomo, camerounais de la diaspora installé en France. Le point des préparatifs avec la chargée du projet foire et du volet commercialisation pour l’association ANI.
Vous êtes au four et au moulin pour organiser la quatrième édition de la Foire du bon bâton de manioc. À deux semaines de l’événement, où en sont les préparatifs ?
L’organisation d’une foire comme celle du bon bâton de manioc nécessite l’implication de plusieurs partenaires. Nous pouvons compter sur le soutien de la mairie de Sa’a, la sous-préfecture, les Brasseries du Cameroun, Nexttel, Yup, Jaco SA et Upowa. Grâce à leur soutien, la plupart des préparatifs sont prêts. Il reste seulement à gérer et à coordonner l’organisation logistique sur place.Qu’est-ce qui fera la différence entre l’édition 2019 et les précédentes ?
L’édition 2019 verra pour la 4e fois la foire se dérouler sur la place des fêtes de Sa’a. Nous retrouverons les activités phares des précédentes éditions, comme l’élection Miss Manioc et le concours du plus long bâton de manioc. Cette année, on aura également le concours du plus beau stand, le prix de l’innovation ainsi qu’une marche sportive pour ouvrir les festivités au matin du 7 août.La problématique de la commercialisation du bâton de manioc et des produits dérivés est complexe. Quels sont les déterminants de cette problématique et comment est-ce que vous les adressez ?
Le marché du bâton de manioc est très vaste, à la fois en Afrique et en Europe. Les déterminants de cette problématique sont multiples et de différentes natures. Tout d’abord, il faut avoir accès à suffisamment de matières premières ; or, en fonction des saisons, on peut avoir des pénuries de manioc. Ensuite, une fois le bâton confectionné, il se pose le problème de la conservation : un bâton déjà transformé ne peut se garder qu’une semaine. Enfin, dans le but d’exporter les bâtons de manioc en Europe, il y a des normes très précises de calibrage à respecter.Des solutions existent pour parer à ces problèmes. En ce qui concerne la conservation, nous avons pour projet de créer une unité d’emballage, afin de mettre les produits sous vide à Yaoundé. Pour ce qui est du calibrage, nous nous appuierons sur les éléments forts de notre réseau et déploierons une série de formations afin que tous les membres du réseau Reptramal soient en mesure de répondre à ces normes.
Comment travaillez-vous dans un environnement culturel et professionnel à l’opposé de votre éducation et de votre formation ?
Tout d’abord, je suis très heureuse d’avoir appris à travailler au Cameroun. On y retrouve la même multiplicité d’acteurs et la même importance des enjeux durant mes précédentes expériences. Mon travail ici m’a permis de mettre en pratique tout ce que j’ai appris durant mes études dans l’école de commerce parisienne ESCP Europe. Les différents interlocuteurs que j’ai eu l’occasion de rencontrer à maintes reprises m’ont aidée à bien m’intégrer dans le monde socioprofessionnel du Cameroun.Quel est le message adressé aux différentes parties prenantes de cet événement ?
Le développement local et la décentralisation sont des enjeux cruciaux pour le Cameroun. Nous sommes ravis de l’engouement des différents partenaires, privés ou publics, concernant ces problématiques. La filière manioc a un grand avenir devant elle. À en juger par la réussite des trois précédentes éditions, cette 4e foire du bon bâton de manioc et ses dérivés sera l’illustration des progrès réalisés vis-à-vis des problématiques précédemment citées.Propos rassemblés par Remy Biniou
Barrage hydroélectrique de Grand Eweng : le projet se structure et prend corps
Le 5 juillet dernier, le ministère camerounais de l’Eau et de l’Energie, la société Hydromine et Eneo Cameroon ont signé une lettre d’intention, pour ce projet appelé à fournir 1800 Mega Watts d’énergie électrique supplémentaire au Cameroun.
Peter Briger, Président Directeur Général d’Hydromine, est sans détour : « Grand Eweng est un projet hydroélectrique de classe mondiale, qui bénéficiera grandement au Cameroun et attirera l’investissement international (…) » Aussi, poursuit-il, «Hydromine s’engage donc à réaliser Grand Eweng selon les normes de bonnes pratiques environnementales, sociales, sécuritaires et d’intégrité, à travers le dialogue inclusif et une coopération responsable avec les parties prenantes locales et internationales ».
Il s’agit d’un projet visant à concevoir, à développer, à construire et à exploiter une centrale hydroélectrique située sur le fleuve Sanaga (entre Yaoundé et Douala). Il sera question de bâtir un barrage et un réservoir en plus d’une usine hydroélectrique. L’infrastructure conçue et financée par l’entreprise Hidromine sera mise en service en plusieurs phases.
La première phase, d’une capacité installée d’environ 1000 Mega Watts, devra produire plus de 7000 Giga Watts/ heure en moyenne, par an. La deuxième phase va permettre au site hydroélectrique d’atteindre sa pleine capacité fonctionnelle estimée à 1800 MW. Soit une production annuelle moyenne de 9 000 GW / heure, utile pour la puissance de pointe propre.
Avantages
Ainsi, l’infrastructure hydroélectrique projetée viendra combler la forte demande nationale en électricité au Cameroun, estimée à plus de 3300 MW d’ici à 2030. D’après des sources dignes de foi, la centrale de Grand Ewang va offrir de l’électricité à moindre coût. Par ailleurs, elle va assurer le renforcement de la fiabilité du réseau électrique, pour accélérer l’industrialisation et la croissance économique du pays. Dans la même lancée, ce barrage va contribuer à réduire la production des émissions polluantes et à optimiser la gestion des ressources en eaux du pays. De plus, la mise en œuvre du projet va générer plusieurs emplois.
Actuellement, le projet suit son cours. La société américaine spécialisée dans le développement de l’énergie durable a financé et réalisé les études de faisabilité techniques détaillées. Elle s’apprête à commencer les consultations publiques relatives aux études d’impacts sur l’environnement et le social, pour une réalisation transparente et durable du projet.
La signature de la lettre d’intention fait suite à la demande du Gouvernement du Cameroun à l’endroit de la Banque Mondiale et de la Banque Africaine de Développement, pour un appui à la mise en œuvre dudit projet. Elle marque le début du processus de la structuration du projet et l’accord des modalités contractuelles entre l’État camerounais, Eneo et Hydromine. Le début de la construction de l’édifice est prévu dans trois ans. Alors que les retombées de cet investissement énergétique sont attendues dans sept ans.
Bobo Ousmanou
Des entreprises camerounaises outillées à la veille et l’intelligence des marchés africains
Les 27, 28 et 29 mai 2019, dans un salon feutré de l’hôtel Hilton de Yaoundé, le Centre Africain de Veille et d’Intelligence économique (Cavie) a organisé une formation certifiante à l’attention d’une quinzaine de participants venus de SABC, Crédit Foncier du Cameroun, Intégration Inc, Ucac et Jefferson group.
Travaux en atelier Un nom de baptême : promotion « Ruben Um Nyobe. Une session de formation -troisième du genre- organisée par la Cavie. Une reconnaissance certifiée Veille et intelligence des marchés africains (Vima III). Objectifs atteints donc pour les auditeurs en matière de surveillance des marchés (acteurs et normes du secteur) ; de collecte, traitement et sécurisation de l’information utile aux décideurs ; transformation de l’information recueillie en outil d’aide à la décision ; communication efficace dans un environnement hostile ; détection, décryptage et réponse aux opérations d’influence adverses.
Aujourd’hui, les auditeurs certifiés de la promotion « Ruben Um Nyobe » sont en mesure de trouver tout type d’information de source ouverte. Bien plus, ils savent mettre en place un dispositif de veille, transformer les résultats de la veille en outils d’aide à la décision, contribuer à la sécurité du patrimoine informationnel de leurs entreprises et mettre en place des opérations d’influence et de contre-influence appliquées aux marchés africains.
Organisation panafricaine de référence dans la formation et la certification en veille et intelligence économique en Afrique, le Cavie est l’interlocuteur privilégié des entreprises désireuses de s’investir dans cette nouvelle discipline managériale et d’influence stratégique. Le Cavie accompagne également les États dans la définition de leur diplomatie économique, notamment dans la création des marques-pays.
Rémy Biniou
Remise des certificats Candidats déplacés internes: entre traumatisme et espoir
À la veille des examens de fin d’année dans le système anglophone, des jeunes élèves venant des zones en crise du Nord-Ouest et du Sud-Ouest Cameroun vivent dans un ascenseur émotionnel.
L’histoire de ces jeunes est particulière. La guerre fait rage dans les localités où ils ont vu pour la première fois la lumière du jour. Beaucoup n’ont pas pu supporter le crépitement incessant des armes entre séparatistes et soldats loyalistes. Certains ont même vu leurs proches, camarades et amis tomber sous les balles. La chance faisant partie de la vie, ils ont réussi, en dépit des difficultés, à s’extirper de ce milieu quasi infernal. Ils ont été encouragés par les parents, car beaucoup n’arrivaient plus à les nourrir et davantage à assurer leur protection. Il leur était formellement interdit d’aller à l’école sous peine de se voir arrêter ou tuer.
Par la force du destin, ils sont arrivés à Yaoundé. Certains se retrouvent aujourd’hui sans abri. D’autres, par contre, ont trouvé refuge chez un oncle ou chez une tante. Malgré tout, et dans cette vague de difficultés, ils payent eux-mêmes leurs scolarités. Les nouvelles venant de leurs régions natales ne sont pas toujours bonnes. Mariamou Souley pleure son frère tombé sous les balles ; le père de la petite Bokwe Loveline a été kidnappé. Les séparatistes exigent une forte rançon pour le libérer. Les deux jeunes filles, comme beaucoup d’autres de leurs camarades, vivent dans une psychose permanente. Toujours en larmes, elles n’ont pas pu se contenir devant le reporter. C’est dans cette atmosphère quasi choquante que tous ces jeunes affrontent leurs examens ce 27 mai 2019.
En plus de la réussite à leurs examens, ces enfants désirent ardemment voir les massacres s’arrêter pour pouvoir retrouver leurs régions natales. Beaucoup avouent avoir du mal à s’adapter en zone francophone du fait de la langue et du système scolaire en vigueur. Ils ont sollicité l’aide du gouvernement camerounais. Une chose est sûre, ils n’oublieront pas de sitôt ce pan d’histoire de leur vie qui s’écrit depuis 2016.Ils ne l’ont pas souhaité ou voulu, mais ils doivent désormais composer avec cette réalité qu’ils raconteront sans doute aux générations futures. Une question majeure s’impose à la veille de leurs examens. Dans quelles conditions ces élèves, meurtris par le traumatisme de la guerre qui sévit dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, s’apprêtent-ils à affronter les épreuves du GCE Board (ordinary level et Advance level) ?
Telesphore Mbondo Awono.
Tongha Mbamu Carvin
Nkambe, Ndonga Mentum, région du Nord-ouest, candidat au General Certificate of Education (Advance Level)
«Que le gouvernement ouvre des filières du sous-système anglophone dans des zones francophones»
J’habitais Nkambe et je fréquentais à l’internat lorsque que la grève des enseignants a commencé. Nous avons pensé qu’elle n’allait pas durer. J’ai dû proposer à mère de la rejoindre à Yaoundé. C’est au mois de janvier 2019 que j’ai débuté les cours au collège Mario à Simbock. Elle se débrouille comme elle peut pour payer ma scolarité malgré qu’elle ne travaille pas. J’ai opté une fois ici à Yaoundé pour l’enseignement général alors qu’à Nkambe, je faisais l’enseignement technique filière électricité. Il n’y a pas d’enseignants du sous-système anglophone pour la filière électricité à Yaoundé. Nous demandons au gouvernement de tout faire pour arrêter cette guerre. Qu’il prenne en compte ces nombreuses vies perdues. Si j’étais resté à Nkambe, je serais certainement déjà mort. Chaque fois que je reçois un coup de fil du Nord-ouest, c’est soit la rançon, soit un décès d’un proche, d’un ami que j’apprends. Qu’il ouvre les filières du sous-système anglophone avec des enseignants anglophones dans des zones francophones.
Bikwe Loveline,
Bonge, département de la Meme, région du Sud-ouest, candidate au General Certificate of Education (Ordinary Level)« Mon père a été kidnappé par les séparatistes»
Nous avons passé des mois à dormir en brousse. Mes parents continuent d’ailleurs à passer des nuits dans la brousse même si je dois l’avouer, le calme est revenu malgré les kidnappings qui s’intensifient. Mon père a été pris dans la nasse des séparatistes depuis deux semaines. Et ces derniers exigent une forte rançon pour le libérer. La crise anglophone a provoqué les insomnies en moi. Je ne parviens plus à m’endormir véritablement. Le bruit des armes retentit dans ma tête comme si je me trouvais encore à Bonge. .Je fais des efforts pour apprendre mes leçons. La preuve, j’ai réussi au premier et deuxième trimestre. Depuis que j’ai appris le kidnapping de mon père, je ne parviens plus à dormir. Je suis la seule fille qui est venue vivre avec mon oncle à Yaoundé. Nous habitons le quartier Eloumden après Etoakoss. Il y a deux ans, ma grand-mère a succombé à cause des crépitements incessants et permanents des armes. Nous souhaitons ardemment la fin de cette guerre aux conséquences nocives. Depuis trois ans, la plupart des copines ont accouché à cause de cette guerre. Désœuvrées, Impossible d’aller à l’école, beaucoup ont préféré aller en mariage.
Kongnyuy Klinsmann,
Kumbo, département du Bui, région du Nord-ouest, candidat au General Certificate of Education (Advance Level)« Je me bats pour préparer mon examen»
Je fréquentais l’internat à Kumba lorsque la crise a commencé. Par crainte de se voir lyncher ou arrêter, les enseignants ne venaient plus nous dispenser les cours. J’ai dû replier au village croyant y retrouver la paix. C’est dans ce climat de panique généralisée que ma grand-mère m’a supplié de quitter mon village pour me rendre à Yaoundé où réside mon oncle maternel. Je dois dire que le voyage de Kumba à Yaoundé n’a pas été facile. Je me bats pour préparer mon examen. Ma mère qui a rallié les Etats-Unis, me soutient souvent en m’envoyant un peu d’argent. Malgré tout, Kumba me manque. Je demande au gouvernement de trouver une solution à long terme pour mettre fin à cette crise. Plus cette guerre perdure, plus la psychose s’installe en moi. Je continue d’entendre le crépitement des armes alors que je me trouve à Yaoundé. C’est dans cette ambiance que je m’apprête à affronter le GCE O Level.
Wiybinla Will-Smith Bunny
Sauver l’honneur de ma famille malgré des difficultés
Originaire de l’arrondissement de Kumbo, département du Bui Wiybinla Will-Smith Bunny a passé toute l’année scolaire 2016-2017 à la maison pris dans l’étau des crépitements des balles entre séparatistes et forces loyalistes. Interdit de se rendre à l’école, il affirme que les réfractaires à cette instruction étaient soit enlevés puis bastonnés soit assassinés. C’est dans ce climat empreint de peur que ses parents décident de son départ à Yaoundé. Son voyage ne sera pas de tout repos car, il ne dispose pas d’une pièce d’identité. Il a dû descendre plusieurs fois du car durant les trois jours qu’a duré le voyage avant d’être réadmis. A Yaoundé, il vit chez son oncle, tout n’est pas toujours en rose malgré l’éloignement des crépitements des armes. Les nouvelles qui lui parviennent ne sont pas reluisantes. Ses parents vivent toujours cachés. «C’est dans cette atmosphère que je prépare mon examen. Il m’est difficile d’apprendre mes leçons. Mais je dois sauver l’honneur de ma famille. Je ferais tout pour réussir», affirme le jeune garçon de 17 ans, lui qui a réussi à s’insérer aux cours du soir du collège Mbassi à Messassi. Un malheur ne venant pas toujours seul, le groupe fait face au manque criard d’enseignants du sous-système anglophone. Excepté les professeurs d’économie, d’anglais, de commerce ou de géographie, les enseignants des matières scientifiques sont une denrée rare. «Nous avons dû cotiser pour faire venir les anciens élèves du système anglophone pour nous dispenser des cours scientifiques. Mais tous ne sont pas disponibles et disposés», raconte Will-Smith.
Kame Jefferson
Moto taximan en matinée, élève en soirée
Comme Will-Smith, Kame Jefferson, est originaire du Nord-Ouest précisément de l’arrondissement de Nwa, département de Dunga Mantum. Depuis le déclenchement de la crise anglophone en 2016, le jeune garçon n’a point eu de répit. Le traumatisme résultant du crépitement incessant des armes et la peur de recevoir une balle dans la tête ont pesé de tout leur poids sur sa décision de rallier la capitale camerounaise. Il a fallu trois jours de route pour rallier Yaoundé à cause des contrôles policiers. Il ne connait ni le repos encore moins le sourire depuis son arrivée en 2018. Pour survivre, Jerferson conduit la moto et de temps à autre, il exécute de petites tâches chez un particulier. «C’est grâce à ces économies que j’ai réussi à m’inscrire au cours du soir depuis le mois de janvier 2019», raconte le jeune garçon. Il pense régulièrement à ses parents et aux conditions de vies qui sont les leurs dans ce milieu infernal. C’est pour cette raison qu’il appelle les belligérants au cessez le feu et au dialogue pour mettre un terme à cette guerre aux victimes inestimables. Deuxième fils d’une famille de 7 enfants, sa pensée voyage entre son village natal et la ville de Yaoundé. Difficile pour lui d’oublier ses quatre petits frères restés à Nwa. Tout comme il n’oublie pas le General Certificate of Education (Ordinary Level) qui se tient ce 27 mai 2019. Reussir à cet examen reste son rêve.
Ramadan 2019 à Yaoundé : De l’assistance pour des orphelins et veuves musulmans
L’entreprise asiatique QNET, en partenariat avec l’Association des femmes dynamiques pour l’assistance aux veuves et aux orphelins (Afdavo), a remis le 23 mai 2019 des dons aux fidèles musulmans du quartier Briqueterie de la capitale camerounaise.
Photo de famille lors d’une remise de don aux veuves musulmanes Du riz, des huiles végétales de cuisine et du sucre. Voilà quelques composantes du paquet de denrées alimentaires de première nécessité reçu ce 23 mai 2019 à Yaoundé par des veuves et orphelins de la communauté musulmane de Yaoundé. La cérémonie de remise des dons s’est déroulée à Ekoudou, au quartier Briqueterie à Yaoundé, sous l’œil avisé des autorités religieuses et des populations de ce quartier populeux de la capitale du pays.
Cette action, qui intervient pendant la période de ramadan, matérialise la largesse de la multinationale QNET à l’égard des personnes nécessiteuses. D’après Biram Fall, Directeur général de l’entreprise QNET pour l’Afrique subsaharienne, «la campagne de Ramadan est l’un des moyens par lesquels nous nous adressons à la société pour aider les gens ». Rendue à sa deuxième édition, la remise de dons s’érige progressivement en tradition. Une aubaine pour les croyants en situation de vulnérabilité, estime Fadimatou, présidente de l’Afdavo. Alors que pour le promoteur de la campagne, Erika Lindou, le travail de l’Afdavo est louable. C’est la raison pour laquelle, a-t-il dit, sa société vient prêter main forte à cette association pour redonner le sourire aux personnes défavorisées de cette association de femmes musulmanes.
Bénéficiaires
Parmi les récipiendaires, on trouve Amina (nom d’emprunt). Jeune veuve et mère de deux enfants, la musulmane a du mal à vivre décemment. « Depuis la mort de mon mari, c’est très pénible pour moi de nourrir mes enfants, de les habiller, de les inscrire à l’école », martèle-t-elle. L’association dédiée aux veuves et aux orphelins essaie de pallier à cette situation difficile. Elle organise régulièrement des séances de sensibilisation pour remonter le moral aux personnes dans la précarité. La pédagogie porte sur des thèmes tels que : comment une veuve peut éduquer seule ses enfants ; comment aborder la société dans des conditions de difficulté extrême…
Les femmes ciblées par la sensibilisation apprécient. « Après avoir perdu mon mari, ce n’était pas facile pour moi et pour mes enfants. Je suis devenue violente envers eux, à tel point qu’on ne s’entendait plus. C’est grâce à ces séances que j’ai pris conscience que je devais changer et aborder la situation autrement, pour le bien de mes enfants. Depuis, ça se passe bien avec mes trois enfants », confesse Aissatou. « Je remercie du fond du cœur l’Afdavo et QNET pour leur bienfaits à notre égard », indique-t-elle.
Inspirée par la philosophie « Raise yourself to help makind », c’est-à-dire « élevez-vous pour aider l’humanité », l’entreprise QNET est une multinationale de vente directe par réseau basée à Hong Kong. A plus de 20 ans d’existence, elle est présente dans plusieurs pays africains, comme le Mali, par le biais des filiales et des partenariats.
Joseph Julien Ondoua Owona, Stagiaire
Décès tragique de Richard Valery Mouzoko Kiboung : Escroquerie sur le dos d’un génie au quartier Melen
Hommages à un jeune médecin qui a choisi d’exercer son métier dans des endroits perdus, en affrontant la maladie en guerrier .
Hommage posthume au medécin disparu Melen (Yaoundé), l’ombre d’une résidence s’étale sous un coucher de soleil doré ce 22 avril 2019. L’ambiance du moment alterne les pleins et les vides. Tout semble irréel. «C’est comme une pure et incommensurable mesure de la vie qui outrepasse l’entendement et l’imagination», remarque le Pr Saly Oumar. Devisant avec quelques personnes, l’enseignant de la faculté de médecine et de sciences biomédicales (FMSB) de Yaoundé ne réalise toujours pas la réalité de la mort de l’un de ses meilleurs étudiants. «Docta est mort !», confirme une dame, la larme à l’œil. Chaque minute, la triste nouvelle résonne comme un pétard. Parfois, la même nouvelle propose un contrepoint silencieux dans la véranda où, il y a un an, Richard Valery Mouzoko Kiboung plaisantait avec quelques parents. Comme un fusain, la tristesse est au rendez-vous, à chaque instant. En effet, le décès tragique de ce jeune de 42 ans est devenu un marronnier sur les réseaux sociaux.
Dans la maison, une femme, le visage blême d’émotion, sans maquillage, arrive à mettre des mots sur ses sentiments, qui sont pourtant confus. Au-dedans de cette femme, les larmes restent prisonnières. Elle avoue ne pas réussir à pleurer. Au coin, une autre femme. À ses pieds, un immense écran géant passe des images de toute une vie : photographies en couleur et en noir et blanc. Portraits, clichés tirés du parcours estudiantin et professionnel de Richard Valery Mouzoko Kiboung. Qu’importe aujourd’hui. L’arbre est à terre et on a du mal à croire qu’il ne repoussera plus. Reste l’histoire et sa légende.
Reconfort
Ce jour, quelques camarades de la 29e promotion de la FMSB sont venus dédier des épitaphes au disparu. En gros caractères, leurs mots claquent à la première page d’un gros cahier à spirales. «Où vas-tu Richard ?», «Au paradis d’Hyppocrate», «Tu as inventé ta vie et hanté la nôtre», y lit-on. Quelqu’un parmi les rédacteurs de ces phrases nous relaie un projet d’hommage auquel ils réfléchissent tous. «Le Dr Mouzoko Kiboung mérite d’être célébré», glisse-t-il ? S’empressant de lister quelques raisons. «C’était un médecin qui jubilait d’avoir exercé le plus beau métier du monde dans des endroits perdus.Toute sa carrière, il travaillait à faire administrer le bon médicament, à trouver le geste précis. C’était un jeune qui affrontait la maladie en guerrier, une authentique icône pour les aspirants au métier», entend-on. Complétant cette énumération, une autre voix conclut que «le dire n’est pas de rechercher le monumental dans le minuscule ; le Dr Mouzoko Kiboung était tout cela».
Et voilà. Ce profil se révèle à travers de multiples expressions qui, à titre posthume, racontent l’épidémiologiste. Tout un hymne à la vie. Ceux qui disent l’avoir côtoyé soulignent que le Dr Mouzoko Kiboung a inventé un authentique protocole à sa pratique de la médecine. 24 h/24, sa tablette était reliée à une plateforme médicalisée. Gestes courts.Fringues façon notaire «Des caractéristiques très à part des gens de ce métier», salue le Pr Tetanye Ekoe, vice-président de l’Ordre des médecins du Cameroun. De la voix chevrotante, comme cassée, un phrasé aux accents mbamois, le mandarin s’en souvient. «Tout cela, situe-t-il, était utile à ce jeune. À croire que le défi, c’était de se rendre compréhensible pour les patients, qui doivent participer à une prise de décision éclairée». D’ailleurs, apprend-on, Dr Mouzoko Kiboung était rétif aux abréviations obscures, qui parsèment autant les conversations d’initiés que les notes médicales, dont la calligraphie hiéroglyphique n’est déchiffrable que par les pharmaciens et les infirmières. «Il rédigeait lisiblement ses ordonnances», reconnait un camarade.
Entre le Dr Mouzoko Kiboung et lui, la dernière conversation WhatsApp date du 19 avril 2019. Depuis le Nord Kivu, le premier faisait alors le point sur la progression foudroyante d’Ebola dans cette province du nord-est de la République Démocratique du Congo (RDC). «Me référant aux actualités provenant de cette zone, je l’avais interpelé sur les soins à prendre de lui-même. Voyez-vous, il m’assurait des dispositions qu’il avait prises pour ne pas rentrer dans le lot d’une vingtaine d’agents de santé que la maladie a foudroyés depuis le début de l’épidémie», relate-t-il.
Malgré tout
Courageusement donc, le Dr Mouzoko Kiboung était à l’avant-garde des efforts de la diaspora médicale camerounaise pour aider les personnes terrorisées par le virus Ebola. «Il disait espérer mettre fin à l’épidémie d’ici six mois», déclare une autre parente, rapportant aussi une conversation téléphonique. «Faire son métier, c’est ce qui le faisait tenir», explique-t-elle. Alors, le Dr Mouzoko Kiboung aimait et contaminait la vie, animé par une rage de vaincre, jusqu’à son dernier souffle, la maladie. Aujourd’hui, ce n’est pas seulement la famille qui est orpheline, mais aussi Melen qui pleure son «fils». Quelques souvenirs, glanés auprès des gens de rien, montrent sa mentalité d’omnivore qui fait médecine de toute chose. Ils montrent également un viveur plein de bon sens, un boxeur de la vie qui tombe et se relève dans une souffrance. Un gars qui n’a jamais caché sa foi chrétienne. À Melen, on ne sait pas très bien s’il s’est simplement endormi.Jean-René Meva’a Amougou
Poste centrale de Yaoundé : Un « ghetto » en pleine ville
En cette place forte de la capitale, toutes les dimensions marchandes et non marchandes de l’économie informelle s’entremêlent inextricablement. Reportage.
Lieu-dit Poste centrale à Yaoundé «Chaque fois que se lèvera une année se terminant par le chiffre 9, sachez que le bâtiment qui enfanta du nom Poste centrale fête dix ans de plus». De son vivant, Jean-Baptiste Obama tenait pour vrai que l’un des plus grands carrefours de la capitale n’aurait pas pu mieux choisir son surnom qu’à partir de cet édifice construit en 1939. «À l’époque, ce bâtiment était amarré au centre même de Yaoundé…C’était un endroit bien propre !», affirmait le défunt, érudit des origines de la capitale. Si l’anecdote historique est toujours belle à entendre en 2019, il n’échappe à personne que le lieu évoqué fait gronder les puristes de l’urbanisme. «Un vrai charivari!», se désole le Pr Théophile Yimgaing Moyo, président de l’Ordre national des architectes-urbanistes du Cameroun.
Capharnaüm
Ce 17 avril 2019, c’est un sinueux mille voies où s’enchevêtrent commerçants, camions, taxis, minibus et piétons. Ce matin, dans leur lutte pour l’argent, propre ou sale, des dizaines d’hommes et de femmes, jeunes et moins jeunes, y mènent diverses activités. Les ambulants et les tabliers ne laissent aucun espace libre. Motivés par une réalisation de chiffres d’affaires hors taxe, les uns et les autres disent que leur unique capital, c’est «ici à la Poste centrale». Posés à même le sol, des étals fleurissent. Sur ceux-ci se bousculent des chaussures en vrac, des vêtements en pagaille, des fouillis de chargeurs de téléphones portables, des piles de vieux magazines, des boissons frelatées, des friandises et des médicaments souvent avariés. Sur les trottoirs et les parvis des édifices, toutes les dimensions marchandes et non marchandes de l’économie informelle s’entremêlent inextricablement. Une jeune femme comprend les nécessités de ce commerce de débrouille. «Ils sont bien obligés, pour subvenir à leurs besoins. Si le pays avait une meilleure politique d’accès à l’emploi, ce ne serait peut-être pas comme ça», prouve-t-elle.Défiance
Alors, chaque jour la «Poste centrale» apparaît comme un verre grossissant à travers lequel se lit le contexte de transgression permanente qui imprègne le secteur depuis des lustres. «On sait qu’on est mal placé», confesse une vendeuse de cacahuètes, titulaire du BTS en économie sociale et familiale. Comme elle, beaucoup ont recours à une pratique déviante afin de se projeter un devenir social et professionnel normal, et dans le respect des lois. Inversement, ils mettent à profit leur expérience durable des études et de l’insertion sur le marché du travail légal dans la gestion de leur activité délictueuse.«Bah ! On laisse faire, car pour nous, la vente à la sauvette apparaît plus comme une activité d’appoint que comme un travail en soi», marmonne un policier. Tout au plus, il dit qu’il «sensibilise surtout aux heures de pointe». Avec du recul, on voit le même flic regardant le désordre avec un certain amusement. De temps à autre, il adresse des gestes amicaux aux vendeurs, pendant que son collègue signale l’arrivée imminente d’un cortège officiel. «Policiers et maires, tout ça, c’est pour vous», clame un jeune vendeur de glace. Sur le gazon qui jouxte la «Route du président», un gamin, le pantalon baissé, se cherche la veine dans la cuisse ou dans l’aine pour s’injecter une dose de drogue. Des policiers et gendarmes, il crie un véhément «aka!» (Tant pis).
Dans le ton premier comme celui du second, l’on devine qu’ici, les institutions porteuses de la citoyenneté se muent en autant de coquilles vides de contenu et de sens, pis encore en instruments supplémentaires de marginalisation.«Des béances qui trahissent l’absence d’intervention publique coordonnée» s’emporte Barthélemy Maledi. Aux yeux du géographe-urbaniste, «le tout donne une impression de patchwork incohérent, une impression d’apocalypse globale, une impression d’abandon par la puissance publique».Au quotidien, insalubrité, incivilités, trafics, confiscation de l’espace public, consommation d’alcool et de stupéfiants, vols à l’arraché… L’exaspération des usagers est à son comble. «Ici, les enfants de la rue piquent les portables, les pourboires, la bouffe dans les assiettes. C’est invivable», raconte une tenancière de «Tourne – dos».
Jean-René Meva’a Amougou
Défis et actions
Membres du gouvernement, autorités administratives et municipales font tout pour que l’endroit ne soit pas « l’angle mort de l’autorité publique ».
Célestine Ketcha Courtès dit vouloir apporter son écot à la fin du désordre à la Poste centrale. En collaboration avec la Communauté urbaine de Yaoundé (CUY), la démarche de la ministre de l’Habitat et du Développement urbain (Mindhu) est tramée dans «la volonté citoyenne d’assainir la cité capitale». Selon le quotidien Cameroon Tribune du 18 avril 2019, un autre membre du gouvernement a sorti son écritoire pour les mêmes objectifs. Luc Magloire Mbarga Atangana a en effet publié récemment une note interdisant les commerces à l’esplanade commune aux ministères du Commerce, des Mines et du Tourisme. Selon nos informations, d’autres administrations publiques devraient suivre cet élan d’interdiction dans les prochains jours, dans le but de se conformer aux directives du Premier ministre, lors du conseil de cabinet du 29 mars dernier.
Nouvelle approche
À la cellule de communication du Minhdu, on est conscient de la mise en œuvre, souvent laborieuse, de telles initiatives. Pour réduire la marge d’échec, cette fois, «Madame la ministre a intégré le projet dans une vision plus globale et intégrée de la ville. Alors, il n’est pas vrai de dire qu’il n’y a pas de solutions», assure-t-on. Dans le fond, «il s’agit du dépassement des anciennes approches sectorielles». À comprendre «évolution dans le mode d’élaboration des actions, dans le sens d’une plus grande transversalité des interventions». Selon des informations recoupées à bonne source, le Minhdu, avant le lancement de l’opération, a entrepris de revisiter l’organisation interne de sa politique, de réinterroger l’ensemble de ses partenariats traditionnels avec les autres collectivités locales, l’État, les organismes publics et privés, les associations.À partir de là, Éric Bonjawo, chercheur en géographie économique à l’Université de Yaoundé, donne quelques indications. À l’en croire, seul un modèle renouvelé de l’action publique peut venir à bout du phénomène de désordre urbain. «L’enjeu, dit-il, consiste notamment à pouvoir intervenir plus en amont, c’est-à-dire sur les facteurs à l’origine des situations, afin de sortir d’une approche trop exclusivement “réparatrice” et positionnée sur le traitement curatif de l’urgence».
Au chapitre des réserves, un contexte budgétaire très contraint est à prendre en compte. Également, il y a l’ampleur de la tâche à accomplir face à la complexité du paysage institutionnel et au morcellement des responsabilités politiques.
Jean René Meva’a Amougou
Dans le théâtre des flops
Chaque fois que des politiques volontaristes sont mises en place, il s’en suit une courbe en «U renversé»: au début, tout le monde s’enflamme, ça devient un mot à la mode et chaque ville se croit obligée de suivre la tendance. Puis très vite, le concept s’avère creux et vide de sens, l’enthousiasme retombe et on revient dans le giron des affaires courantes.
Jusqu’ici, on ignore tout du sort réservé au projet de valorisation touristique et économique du Lac municipal de Yaoundé. Prévus pour démarrer au courant du premier semestre 2017, c’est le black-out sur les travaux, depuis le retrait de l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations 2019 au Cameroun.
Lancé en avril 2017, le projet «Grand Yaoundé» est en berne. Mvog-Ada, Mokolo et Briqueterie, les trois quartiers identifiés dans le cadre de ce plan directeur d’urbanisation de la ville, horizon 2020, n’ont véritablement pas subi une recomposition de leur tissu. Aux dernières nouvelles, l’initiative ne fait pas l’unanimité entre autochtones, propriétaires fonciers, toutes les personnes et administrations ayant des intérêts ou une autorité sur ces quartiers.
Le 27 juillet 2017 au marché Mokolo (Yaoundé II), le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé, Gilbert Tsimi Evouna, entreprenait de recaser les commerçants ambulants à l’espace sauvette émergence. À ce jour, Mokolo reste un symbole du désordre.
Le 19 mars 2019, Jean-Claude Tsila, le préfet du Mfoundi, signait un arrêté créant un comité départemental de lutte contre le désordre urbain dans son unité de commandement. Sur le terrain, le tableau indique que cela ne suffit pas. Les éléments constitutifs de l’incivisme urbain (occupation abusive et anarchique des voies publiques, l’incivisme et le non-respect des règles de la circulation routière, les nuisances sonores et les tapages nocturnes, la pratique illégale de la médecine et la vente illicite des médicaments impropres à la consommation) n’ont pas disparu.
Que faut-il faire ? Serge-Aimé Bikoï, sociologue du développement, a son idée : «architectes, urbanistes, démographes, statisticiens, économistes, géographes, sociologues, etc. devraient, proposer des actions, mesures et stratégies dans le sens de redéfinir et de reconstruire, dans une globalité, ces métropoles, aujourd’hui déstructurées par les grands courants migratoires et les grands changements non contrôlés par l’État camerounais».
Jean René Meva’a Amougou
Vision minière africaine : 30% d’implémentation au Cameroun
C’est ce qu’on retient du rapport d’étude publié par le Centre régional africain pour le développement endogène et communautaire (Cradec), portant sur « la domestication de la vision minière africaine au Cameroun ». Il a été présenté le 12 avril dernier à Yaoundé.
OLYMPUS DIGITAL CAMERA Le niveau d’implémentation de la vision minière africaine au Cameroun est insuffisant. C’est ce qui ressort du rapport du Cradec portant sur le niveau d’implémentation de cette vision au Cameroun.
Selon Michel Bissou, membre du comité de rédaction dudit rapport, la domestication de la vision africaine par le Cameroun est partiellement implémentée. Elle est estimée à «78 % options implémentés partiellement et globalement», mentionne-t-il. Un niveau fort appréciable. Cependant, le secteur minier camerounais peine encore à décoller, à cause du manque de finalisation des mesures prises.
Effectivement, les actions entreprises par le Cameroun dans le cadre de l’application de la vision minière africaine et des défis y relatifs, n’arrivent pas à leurs fins. Selon les experts, cette implémentation partielle est due au choix de la politique publique du pays. «C’est le cas du fond intergénérationnel pour le secteur minier qui n’est pas mis en œuvre ou alors des questions relatives au code minier sous régional qui n’est pas encore effectif», dixit un expert.
Par conséquent, pour que l’Afrique en miniature bénéficie pleinement des revenus de son secteur minier, il faut mener des réflexions sur le code minier et le fond intergénérationnel. Et, tous les acteurs du secteur doivent être pris en compte, y compris les populations autochtones.
De plus les pays africains doivent s’investir pour transcender la simple mise en œuvre de la vision minière africaine.Parce que, celle-ci n’est qu’un guide sur lequel doivent s’appuyer sur les politiques minières des pays africains. Son rôle est de s’assurer que l’exploitation des ressources minières africaines profite aussi bien aux Etats, qu’aux communautés riveraines des exploitations minières.
Joseph Julien OndouaOwona, Stg
Réactions
Jean Mballa Mballa, Directeur du Cradec «Le Cameroun a réalisé un certain nombre d’actions qui ont été recommandées par la vision minière africaine»
Vous avez présenté un exposé lors de l’atelier de formation des médias africains sur les flux financiers illicites. De quoi s’agit-il ?
Le Cradec a présenté un rapport sur le suivi de la domestication de la vision minière au Cameroun. La vision minière africaine est une stratégie continentale qui a été adoptée par les chefs d’Etat et de gouvernements africains en 2009 et qui vise à rationaliser l’exploitation des ressources minières pour un développement cohérent et durable de l’Afrique. Nous avons eu le souci d’évaluer le niveau d’internalisation de cette vision continentale au niveau national.Quel est l’état d’implémentation de cette vision au Cameroun ?
Il ressort que de manière globale, que le Cameroun a réalisé un certain nombre d’actions qui ont été recommandées par la vision minière africaine, en termes de recherche de l’atteinte des objectifs concernant la vision minière.Par ailleurs, dans le cadre de la vision minière africaine, les chefs d’Etat ont développé un certain nombre de défis auxquels certains pays peuvent faire face dans la mise en œuvre de cette vision. Pour cela, ils ont proposé des options qui vont dans le sens de relever lesdits défis. A ce niveau aussi, le Cameroun a implémenté plusieurs options estimées à 78%, pour les options implémentés partiellement et globalement. Mais, nous relevons qu’il y a un potentiel dans le cadre juridique camerounais qui pourrait permettre à ce que le Cameroun exploite au mieux les cadres qui sont développés dans cette vision. J’en veux pour preuve, le code minier adopté au Cameroun en 2016 et qui prend en considération, un certain nombre de facteurs qui participent de la promotion de la transparence dans le secteur extractif.
Le régime fiscal est-il concerné ? Si oui, à quel niveau se situe-t-il dans le processus de mise en œuvre de cette vision ?
En ce qui concerne les questions du régime fiscal, il est impliqué dans la gestion des revenus. Actuellement, il y a un certain nombre de dispositions qui sont mises en place dans le cadre de l’initiative pour la transparence dans les industries extractives.Est-ce qu’il existe des lois qui régissent la gestion de ce secteur ? Quelles sont-elles ?
Oui, il y en a deux. Une loi qui a été votée en portant sur la transparence et la bonne gouvernance dans les finances publiques votée en 2018 ; et celle portant code minier 2016. Si ces deux lois avaient des décrets d’application, le cadre juridique serait sérieusement amélioré au Cameroun. Mais malheureusement, toutes les dispositions qui font une appréciation de partiellement fait ou non relèvent du fait qu’il y a ces deux décrets d’applications qui sont encore en examen.Vous avez dit que beaucoup reste à faire. A votre avis, que faut-il pour amorcer la croissance dans ce secteur ?
Je le redis, il y a encore beaucoup à faire. On peut par exemple évoquer les dispositions qui permettent qu’il y ait des transferts infranationaux au niveau des communes et des communautés. Cependant nous sommes dans un système à unicité de caisse au niveau du trésor et donc on ne peut pas différencier les ressources qui proviennent des mines et qui vont vers les communes ; et ça aussi c’est un point sur lequel nous devons travailler au niveau national en rapport avec les ministères des finances et mines. Je l’ai évoqué dans mon rapport.François Nestor Konde, service de la direction générale de la planification au Minepat «Nous avons évalué la mise en œuvre de ce DES et nous avons relevé un certain nombre d’insuffisance»
J’ai apporté des éclaircis sur la politique minière au Cameroun pour dire que le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE) qui a été élaboré en 2010 et qui a une durée de vie de 2010 à 2019, avait prévu que le secteur minier était l’un des secteurs qui devaient contribuer à la relance de la croissance et de l’emploi au Cameroun. Nous avons évalué la mise en œuvre de ce DSCE et nous avons relevé un certain nombre d’insuffisances. Lesdites insuffisances, nous ont servis de base pour élaborer des documents post-DSCE, qui sont en cours, et qui vont partir de 2020 à 2027. Actuellement, nous menons des concertations auprès des universitaires, des membres de la société civile, des parlementaires, des partenaires au développement, bref tout le monde. A partir de là, avec le soutien du Minmidt qui s’occupe du volet minier, nous avons fait une refonte des programmes. Ceux-ci nous permettrons de ressortir des programmes cadres qui vont permettre que ce secteur se développe et contribue à faire de notre pays un pays à revenu intermédiaire.
Michel Bisssou, consultant membre de l’équipe de rédaction du rapport d’étude
«Le Cameroun doit finaliser et publier le décret d’application de son code minier en vigueur»
La contribution du secteur minier reste faible et effectivement, les attentes formulées à l’endroit de ce secteur restent légales. Le Cameroun attend beaucoup de son secteur minier. Mais l’effectivité de ces attentes-là tient aussi compte de l’effectivité des projets ; et ces projets tiennent compte des investisseurs étrangers. Les projets miniers sont des projets à forte demande capitalistique. Mais le Cameroun indépendamment des limites constatées, du point de vue des investisseurs, est interpellé à finaliser sa politique minière nationale. C’est l’un des éléments clés de la stratégie du ministère des mines actuellement qui consiste à finaliser ladite politique.
Le Cameroun doit également repenser les différents secteurs opérationnels qui doivent concourir à une mise en œuvre efficace de sa politique minière à définir. Autre mesure c’est que le Cameroun doit finaliser et publier le décret d’application de son code minier en vigueur ainsi que son décret d’application de la loi portant code de la transparence qui a été signée.
Circulation des personnes : L’axe Bamako-Yaoundé se fluidifie
Grincheux au lendemain de la réinstauration du visa entre le Cameroun et leur pays, les compatriotes du président Ibrahim Boubacar Keïta se félicitent actuellement de la diligence des services diplomatiques et consulaires camerounais dans le traitement des dossiers.
Le visa, objet d’une unanimité entre Camerounais et Maliens Par son phrasé, l’on sent que les mots manquent à Diara Kone pour décrire ce qu’il a vécu au consulat du Cameroun à Bamako. Il y a un mois et demi, «le grossiste de Wax» (pseudonyme qu’on lui a attribué à la Briqueterie, Yaoundé II) affirme avoir renouvelé son visa sans tracasseries. Sa joie est insoupçonnée, inédite, sans doute à la mesure de l’accueil réservé, non pas à lui seul, mais à tous les demandeurs de visas d’entrée au Cameroun.
« Dans les bureaux de Bamako, on reçoit bien les gens », témoigne-t-il. Le propos semble sincère, loin d’une quelconque coquetterie de façade. On peut sentir qu’il découle de la bonne impression encore aguichée au subconscient de l’homme d’affaires. À en croire ce dernier, de la prise de rendez-vous à la décision finale, en passant par les étapes de la collecte des documents nécessaires, de la vérification de la complétude des dossiers au recueil des données biométriques, « tout est bon ! ».
Pourtant, au lendemain de la réinstauration du visa entre le Cameroun et le Mali en septembre 2015, des outrances verbales de certains ressortissants maliens basés à Yaoundé n’avaient pas manqué.En ces temps-là, certains disaient avoir la nausée à l’égard de l’excès de procédures. D’autres étaient remontés au sujet des charges financières trop pesantes pour des « Maliens simples ». Avec une colère mordante, quelques esprits avaient même compris cela comme la suppression déguisée d’une facilité établie pendant plus d’un demi-siècle par les anciens présidents Modibo Keita et Amadou Ahidjo.
Contrainte positive
Aujourd’hui, cette agora s’est réinventée dans l’acceptation de la nouvelle donne. Pointant la menace sécuritaire et le blanchiment d’argent, les Maliens rencontrés à la Briqueterie affirment s’être alignés aux exigences de leur pays d’accueil. À l’horizon immédiat, Hass Diallo active la communication. Parmi ses compatriotes, le «chef malien» de la Briqueterie se lance dans le tout-info. Il s’efforce de réveiller l’enthousiasme des uns et des autres à obtenir les visas.« Pour ceux qui invitent leurs frères ou leurs parents ici au Cameroun, nous leur disons d’obtenir ce sésame pour éviter tout désagrément », explique-t-il. Aux uns et aux autres, il vante la facilité du visa, son uniformité qui facilite les voyages de ses frères vers le Cameroun. « Même par WhatsApp, je leur montre que le visa ne facilite pas simplement leur venue ici, mais qu’il est aussi et surtout un moyen de les tenir à distance des indésirables ».
Cette inversion est à lire non pas à son point de départ, mais dans l’évolution des mentalités vis-à-vis du terrorisme et de tous les fléaux associés. Dans un amusant désordre des causes, et par une convergence admirable des conséquences, Bra Konaté montre qu’«à l’aide du visa, lorsque vous voyagez entre le Cameroun et le Mali, on sait d’où vous venez à partir des papiers que vous présentez, ou ne présentez pas». Toute chose qui contribue à porter l’écho d’une lutte commune contre la criminalité transfrontalière.
Jean-René Meva’a Amougou
La diplomatie camerounaise au féminin
Le pays compte au moins trois femmes à la tête des chancelleries à l’étranger. États des lieux.
S.E. Marie-Yvette Koloko, épouse Assene Nkou L’on a encore en mémoire cette jubilation de Régine Amougou Noma devant les médias locaux, juste après la publication de quelques textes présidentiels en fin d’après-midi du 29 mars 2019. Ce jour, l’un d’eux propulse dame Marie-Yvette Koloko, épouse Assene Nkou au poste d’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Cameroun auprès de la République de Côte-d’Ivoire.
« Une autre gazelle au sommet d’une représentation diplomatique du Cameroun à l’étranger, voilà qui montre que, de plus en plus, la femme est capable de tenir le bon rôle partout où il faut promouvoir l’image du Cameroun », commente la maire de la commune de Yaoundé IV. Sur ce point, on ne peut que lui donner raison, tant la trajectoire de la promue semble l’y avoir prédestinée. Neuf années passées à la division des affaires diplomatiques de la présidence de la République, « c’est le couronnement ! », brandit l’intéressée, bien fière de compléter le gotha de « gazelles » à la tête des ambassades du Cameroun à l’étranger.
« Gazelles »
Depuis le 29 mars 2019, elles sont trois. En plus de dame Marie-Yvette Koloko, l’on retient que Mme Odette Melono, ministre plénipotentiaire, est l’ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Cameroun au Royaume des Pays-Bas. À la faveur du décret présidentiel signé le 10 juillet 2008, elle tient la chancellerie située au 14, Amaliastraat-2514 JC ‘S-Gravenhage à La Haye.À l’ambassade du Cameroun à Libreville (Gabon), c’est Ondoa Ateba née Edith Félicie Noëlle Ngaeto Zam qui officie comme ambassadrice. 59 ans, ministre plénipotentiaire hors échelle, elle y est depuis septembre 2018. L’actualité retient aussi que le 27 mars dernier, Fadimatou Dia a été portée au poste de deuxième conseiller à l’ambassade du Cameroun à Ankara (Turquie).
Pionnières
Après plusieurs années, ces dames sont sur le sillon tracé entre 1989 et 2006 par deux pionnières : Jeanne Isabelle Marguerite Bassong née Akounda Moneyang et Élisabeth Tankeu. Décédée le 9 novembre 2006, la première a passé dix-huit ans au poste d’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Cameroun auprès du Royaume de Belgique, du Royaume des Pays-Bas, du Grand-Duché de Luxembourg et des Communautés européennes. Décédée le 16 octobre 2011, la seconde a été Commissaire de l’Union africaine chargée de l’industrie et du commerce en 2003.Jean-René Meva’a Amougou
Bamenda
Sale temps pour les entraîneurs de football
Ils sont depuis quelques semaines la cible des enlèvements.
Augustin Choupo, l’entraîneur principal de Public Work Department (PWD) de Bamenda, revient de loin. Arrivé à la tête des Abakwas boys, il y a seulement une semaine, le coach a été kidnappé, le 5 avril 2019, par des hommes armés non identifiés, deux jours seulement après avoir livré et remporté sa première rencontre comme entraîneur du PWD. C’était face à l’Union de Douala. Selon Abongwa Fozo, Team Press Officer du club, le kidnapping s’est déroulé dans la matinée, alors que le nouveau coach était en séance d’entraînement avec ses poulains au stade de la mission catholique de Big Mankon.
Informé, le président du club, Pascal Abunde, commet un communiqué de presse. Dans le document, il condamne le rapt et exige la libération immédiate d’Augustin Choupo. «L’équipe dirigeante de PWD continue d’insister sur le fait que le football demeure apolitique et ne doit pas être utilisé pour des gains individuels», plaide-t-il. Cet appel aurait été entendu par les ravisseurs de l’entraîneur. En tout cas, autour de 19 h, renseigne le Team Press Officer, Augustin Choupo retrouve la liberté. Les responsables du club affirment qu’«aucun radis n’a été versé pour sa libération».
Cet enlèvement est le deuxième ciblant l’entraîneur d’un club de football de la région. Emmanuel Ndoumbe Bosso, alors coach de Yong Sport Academy (Yosa) de Bamenda, est le premier à avoir été kidnappé. C’était le 19 mars 2019. Après sa libération il avait jeté l’éponge avant d’atterrir à la tête de Coton sport de Garoua.
Zéphirin Fosto Kamga
Jean Claude Nkodo Essomba : L’entrepreneur en gants de boxe
L’ancien boxeur camerounais est aujourd’hui à la tête de plusieurs entreprises sportives qui accompagnent des boxeurs africains tout au long de leur carrière en Europe et aux États-Unis.
À 54 ans, Jean Claude Nkodo Essomba n’a pas tourné la page de la boxe. Il en écrit en ce moment de nouvelles lignes. L’ancien champion d’Afrique dans la catégorie des poids légers met son expérience au service de l’entrepreneuriat sportif. Le colosse de plus d’1,90 m dirige actuellement plusieurs entreprises à l’instar de Phoenix promotion, créée en 2008. Celle-ci organise des galas de boxe et accompagne des boxeurs professionnels africains en Europe et en Amérique du Nord, durant leur carrière.
Ambitions pour l’Afrique
Par sa vision, son humilité et surtout sa persévérance dans le travail, il a fait une ascension fulgurante dans ce sport. C’est ce qui lui a valu d’être élu vice-président de la National Boxing Authoritative (NBA). Au sein de cette organisation mondiale de gestion de la boxe professionnelle, il occupe le poste de directeur des opérations Afrique. Sa mission : promouvoir la boxe professionnelle sur le continent. Ainsi, il envisage de répertorier les talents sportifs, qui foisonnent en Afrique et qui souffrent d’un marasme économique, afin d’améliorer leur visibilité.L’ancien champion d’Afrique croit dur comme fer que le sport en général et la boxe en particulier, peut être une « niche économique » en Afrique. D’ailleurs, Jean Claude Nkodo Essomba estime qu’en plus des valeurs d’amour, de respect et de la culture de l’effort et d’éthique que la boxe inculque à ses pratiquants, elle peut servir l’Afrique autrement. En plus d’en faire une chaîne de croissance économique, le sociologue du sport voit en la boxe un excellent moyen pour juguler l’émigration qui saigne l’Afrique.
Sa vie n’a pas toujours été un fleuve tranquille. Elle lui a rarement fait des cadeaux. Ainsi, le jeune homme part de son Cameroun natal pour la France en 1982, pour poursuivre ses études en mécanique. Mais hélas, à l’âge de 16 ans, le décès brusque de son père le force à abandonner cette voie. Il se rabat dans le sport, seule autre activité qu’il pratique depuis l’âge 12 ans. Il commence son aventure aux États-Unis. Il tente sa chance à Las Vegas et à New York, d’où il partira pour les écuries professionnelles de Level Two Promotion de Charles Biddle.
Passionné de littérature
Un peu plus tard, le jeune boxeur signe avec Boxing One promotion d’Irene Cole. La collaboration est telle qu’il devient champion d’Afrique des poids super-légers, sous ses couleurs, défiant même le champion du monde Ile Qartey. Mais la boxe ne suffit plus à ce jeune visionnaire qui a d’autres perspectives en vue. Il se rend à Londres en 1991 où il suit un cursus en sociologie du sport à l’université de Canterbury. Tout en continuant la boxe sous les couleurs d’All Stars Boxing d’Isola Akay, il décroche un Bachelor en management du sport en 1995.L’homme a toujours plusieurs cordes à son arc. Il n’est pas seulement passionné du sport, mais aussi d’histoire et de lettres. D’ailleurs, dans son autre vie, Jean Claude Nkodo Essomba, est un essayiste en sociologie du sport. Il est auteur de Requiem pour la Boxe, paru aux Éditions Melibee-Toulouse en 2012. En 2014, il publie, aux Éditions K d’Oteurs à Paris, L’indomptable, un roman sur l’immigration. Le boxeur est aujourd’hui, le propriétaire de la maison d’édition Afropéennes, comme pour montrer sa fierté d’être africain, de la race noire.
Joseph Julien Ondoua Owona, Stg
Bétaré Oya : Flou multi-carats autour de l’or
Depuis toujours, l’exploitation de ce minerai précieux n’obéit à aucune traçabilité.
Site d’exploitation chinois sur le Lom « L’or et l’argent appartiennent à Dieu ». Pour avoir repris ce verset biblique au cours d’une messe dite au canton Laï, le père Désiré Menkouata est désormais interdit de séjour dans tous les campements de recherche d’or de Bétaré Oya. Survenu en novembre dernier, cet incident inspire au prélat catholique un discours à tonalité conclusive. « L’or exploité ici n’aime pas le bruit », dit-il bassement ce 23 mars 2019, « en raison des choses qu’il vaut mieux ne pas assumer».
Chaîne
Ceux qui osent les assumer parlent du «travail de l’or». « C’est une affaire simple ; chacun peut venir creuser, trouver ses bûchettes et les vendre », dévoile un jeune orpailleur qui se fait appeler Bachir. Selon lui, les hiérarchies sont de trois ordres : professionnelles, financières et matérielles. « On a les gens qui creusent et ceux qui lavent », énumère-t-il. Quelques personnages (des Peuls notamment) sont estampillés « acheteurs ». Une autre classification met un point d’honneur sur les moyens techniques d’exploitation. « Les artisans ont les houes, et les Chinois ont leurs gros camions et Caterpillar », détaille Bachir.Comme conçu pour une plaquette de communication, un autre pan de son propos montre clairement que dans les différents sites, les bénéfices tirés de l’exploitation du métal noble sont à la fois réciproques et émancipateurs. « On vit, on s’aide entre nous, sans demander quelque chose à personne », affirme une dame. Dit autrement, à Bétaré Oya, l’or tient plusieurs vies par les deux bouts. Cette réalité entretient d’ailleurs une superstition ici : «L’or rend fous ceux qui prononcent son nom partout ; quand vous le voyez, vous restez tranquille, sans rien dire», confie Hada qui revendique plusieurs années dans les mines d’ici et d’ailleurs.
Omerta
Ceux qui comprennent et appliquent à la lettre cette croyance se recrutent dans différentes administrations publiques. Autour de celles-ci, des actualités s’enchaînent. Toutes crachent un monstrueux bric-à-brac que seul le ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique (MINMIDT) couronne, selon les dires de quelques acteurs. À lui seul, le fait démantèle tout autant l’opacité que l’embrouillamini. Malgré sa place dans le dispositif protocolaire, Polycarpe Molo, le sous-préfet de Bétaré Oya, jure ne pas connaître le nombre exact d’exploitants miniers exerçant dans l’arrondissement. Tout au plus, cette autorité administrative pense qu’il est difficile, voire vain de fouiner.Par le truchement de cette posture, l’on découvre le sens du « tout vient de Yaoundé ». La phrase se décline en boucle, même au sein du Cadre d’appui et de promotion de l’artisanat minier (Capam). À la brigade minière, où parle Ejong Ivo Sumbele ce 23 mars 2019, il est furtivement balancé qu’«on ne peut rien vous dire, Yaoundé est mieux placé pour s’exprimer sur les chiffres des exploitants chinois et leurs bilans financiers », suggère l’ingénieur des mines et de la géologie.
Corruption
Sur le terrain, les artisans nationaux accusent les Chinois d’avoir versé des pots-de-vin copieux à « Yaoundé ». Chaque jour, le zèle des Asiatiques vis-à-vis des populations riveraines gagne en proportion, souligne Ferdinand Mbanga, chef par intérim du canton Laï, au nord de Bétaré Oya. « Nous ne savons rien ni des conditions d’attribution des permis qu’ils brandissent ni des conditions de leur installation sur nos terres », se lamente le dignitaire. À en croire ce dernier, tout regard appuyé sur cette double thématique reçoit, en contrepoint, des coups, des intimidations et la violence du pouvoir des élites locales.L’argent en or des enfants réfugiés centrafricains
Chaque jour, ils écument les dépotoirs des sites d’exploitation minière tenus par les Chinois. Avec le butin, ils se livrent à la consommation de la drogue.
Fata Abdou a la mine exubérante ce 21 mars 2019. Avec des copains, le jeunot centrafricain se livre à une danse chaloupée dont les mouvements clés sont ceux du bassin. De temps en temps, le gamin, qui déclare être âgé de 14 ans, exhibe une liasse de billets, sur un air de Kérozène. Les paroles contenues dans la chanson de l’artiste-musicien ivoirien en disent long sur la volonté de Fata de raconter sa «success-story».
Pour le faire, le garçon déclare qu’il est fils de réfugiés centrafricains. Né au Cameroun, il a décidé de s’inventer un bonheur dans les trous creusés par les engins mécaniques chinois. Dans une langue peu soignée, Fata décrit sa journée de travail dans ce qui tient lieu de dépotoir aux Asiatiques. Son activité va du tri des pierres au concassage de celles-ci. L’étape du lavage et celle dite du pointage constituent les tournants du boulot. Chaque jour, pas moins de douze mille francs CFA rentrent dans sa poche.
Joli pactole pour ses consommations d’alcool et de tramol. « Chaque jour, c’est ainsi », précise Jean Tchiako, point focal du HCR pour les sites miniers de Bétaré Oya. L’agent de l’organisme onusien estime à quelques centaines de rejetons de réfugiés ayant choisi cette forme de « résilience » pour «vivre». « Au moins les trois quarts de ces enfants ont été inscrits dans nos écoles, mais ils préfèrent se la couler douce dans les trous miniers », se lamente Jean Tchiako.L’analyse qu’il en fait tient sur deux invariants : « avant de quitter la Centrafrique au plus fort de la guerre civile, leurs parents étaient des orpailleurs », fait remarquer l’agent humanitaire. En plus, ajoute-t-il, «comme tous les enfants moulés dans un environnement de cash work, ils se détournent de la scolarité ». En conséquence, apprend-on, plusieurs initiatives de récupération des enfants de réfugiés ont fait chou blanc.
Selon Josiane Mbonje, depuis 2017, seuls 21 gosses ont été débarqués des trous d’or de Bétaré Oya. « L’or leur colle au corps et à l’esprit », déduit la field-assistant du HCR. D’ores et déjà, insiste-t-elle, ils se montrent appliqués aux modules d’apprentissage de la cupidité et du silence, question de se préparer à la discipline des milieux de trafics de pierres précieuses.
Jean René Meva’a Amougou
La pollution vit son âge d’or
Sans scrupule, les exploitants des mines foulent aux pieds le respect de l’environnement. La côte d’alerte est atteinte, à en croire des organisations de la société civile.
Le lit du fleuve Lom, qui serpente une bonne partie du nord du département du Lom-et-Djerem, n’est plus le même. Pour écouler les déchets issus de ses installations, une entreprise minière chinoise a, unilatéralement, décidé d’ouvrir une canalisation. Par ledit passage, ces exploitants peuvent aisément se débarrasser des détritus contenant des produits dangereux. « Nous avons observé que les eaux du Lom ont changé de couleur. Celles-ci tirent désormais vers le jaune doré », confie Grégoire Sala, représentant local de l’ONG « Planète responsable ». Ce dernier souligne la présence du mercure, substance utilisée par l’entreprise minière pour faciliter la collecte d’or parmi d’autres minerais.
« Vu les effets sur l’écosystème aquatique et le couvert végétal environnant, nous leur avons demandé de mettre fin à ce mépris », s’emporte Jacob Lonhegui, le président de l’association Est Sain. « Si rien n’est fait, le Lom n’aura plus de poissons. Et en plus, les pratiques agricoles prendront un sérieux coup dans un délai très court », avise Matilde Kansa.
’environnementaliste dit avoir, à travers un mille-feuille, sollicité l’intervention des pouvoirs publics. Ces derniers, depuis juin 2018, restent silencieux. À vouloir comprendre, elles renvoient tout requérant à « Yaoundé ». « Ils sont les seuls à savoir quelles sont les clauses des contrats d’exploitation minière attribués à ces gens », entend-on.
Au-delà, après la fermeture de leurs chantiers, Chinois et autres exploitants laissent des fosses béantes dans la savane. Ce décor sert dé-sormais de support à la rubrique faits divers dans les sites de recherche d’or tenus par les artisans locaux. En un an, déjà 16 décès, selon les données compilées par les riverains du canton Laï. Plus proches des sites chinois, ceux-ci se plaignent des pics de chaleur et de l’odeur âcre des eaux tirées des forages pourtant désinfectés par les services d’hygiène de la mairie de Bétaré Oya. Matilde Kansa n’exclut pas que la nappe phréatique de la zone soit déjà atteinte.
Crise unitaire : La part de responsabilité de la France
Paris a joué un rôle actif dans la construction de la République du Cameroun, reposant sur l’assimilation de la partie anglophone du pays.
Dans le conflit qui l’oppose aux séparatistes anglophones, Paris ne s’est pas cachée pour afficher son soutien à Yaoundé. Il pouvait difficilement en être autrement. À en croire ses propres câbles diplomatiques, d’éminents juristes et historiens, la République du Cameroun, telle qu’on la connait aujourd’hui, est en partie l’œuvre de la France. Pourtant, sa contestation est la source du problème anglophone. Et le conflit actuel dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest (partie du Cameroun occidental qui décida de se rattacher au Cameroun oriental pour former la «République du Cameroun», l’autre partie ayant été rattachée au Nigéria) en est une métastase.
Adjuvant exogène
Nombre de ressortissants de ces deux régions estiment que cette construction s’est faite au détriment de leurs cultures et traditions institutionnelles, juridiques, administratives… Ce que confirme d’ailleurs une pile de courriers échangés entre les diplomates français présents au Cameroun et ceux destinés au ministère français des Affaires étrangères, sur la période 1961-1985, dont Intégration a obtenu copie. Dans une lettre, datée du 8 janvier 1962, adressée au nouveau consul de France à Buea, Jean-Pierre Bernard, l’ambassadeur de France au Cameroun de l’époque, affirme en substance : alors que la «conférence de Foumban de juillet 1961» prévoit de respecter «la personnalité des deux États membres», Ahmadou Ahidjo, ancien président du Cameroun oriental, devenu président de la République fédérale du Cameroun, entreprend, après la réunification, de «franciser le territoire occidental». Ce processus se fait avec l’aide de la France.Selon Fabien Nkot, pour parvenir à leur fin, Ahidjo et Biya, son successeur, utilisent la «perversion politique du droit». L’actuel conseiller technique des services du Premier ministre théorise le concept dans sa thèse intitulée «Perversion politique du droit et construction de l’État unitaire au Cameroun», soutenue en février 2001 à l’université de Laval au Québec. Son travail de recherche démontre que dans le cadre de l’instauration de l’État unitaire, «les dépositaires du pouvoir imaginent et élaborent un ensemble de techniques de tricherie juridiques qu’ils mobilisent progressivement et systématiquement pour atteindre des objectifs politiques qu’ils se sont préalablement fixés». Et la France est le seul pays cité par le juriste et politiste camerounais, comme «adjuvant exogène aux pratiques de perversion politique du droit». Selon Fabien Nkot, Paris joue ce rôle à travers les conseillers juridiques français dont les présidents camerounais s’attachent les services et le transfert de technologies juridiques.
Soutien
Nombre d’anecdotes existent sur l’intérêt de l’Hexagone dans le projet d’assimilation des régions du Nord-ouest et Sud-ouest. Le cardinal Christian Tumi en rapporte dans son livre «Ma foi : un Cameroun à remettre à neuf» , paru en 2011 aux Éditions Veritas. «Nous étions invités, d’autres évêques d’Afrique francophone et moi, à l’ambassade de France auprès du Saint-Siège. (…) Un fonctionnaire de l’Ambassade de France m’approcha et (…) me dit : Nous (la France bien sûr) sommes contents que vous soyez en train de réussir l’assimilation culturelle des anglophones», écrit le prélat.Jean-Pierre Bernard, ancien ambassadeur de France au Cameroun: «Nous ne saurions nous désintéresser de la volonté du gouvernement camerounais de faire bénéficier l’ancienne zone britannique de l’acquis de 40 ans d’administration française. Nous devons au contraire l’appuyer et lui apporter notre entier concours. C’est dans cette perspective que devra être essentiellement orientée votre action»
Les instructions de Jean-Pierre Bernard à Ives Robin, nouveau consul de la France à Buea, le 8 janvier 1962, sont encore plus explicites sur le rôle de Paris. «Nous ne saurions nous désintéresser de la volonté du gouvernement camerounais de faire bénéficier l’ancienne zone britannique de l’acquis de 40 ans d’administration française. Nous devons au contraire l’appuyer et lui apporter notre entier concours. C’est dans cette perspective que devra être essentiellement orientée votre action», enjoint l’ambassadeur de France au Cameroun d’alors.
Aussi, Paris est-elle très active tout au long de la mise en œuvre du projet d’assimilation. On le voit notamment à travers les multiples courriers de ses diplomates en poste au Cameroun, sollicitant davantage de moyens pour appuyer le régime d’Ahmadou Ahidjo et le nombre de câbles portant sur les faits et gestes des agents britanniques et nigérians, de même que sur les officiels Américains, accusés de vouloir saboter le projet d’assimilation.
Aboudi Ottou
Réunification
Comment la Grande-Bretagne a semé les graines de la désunion
Dès la scission du grand « Kamerun » allemand en zones sous influence française et britannique, les Anglais ont entretenu une relation distante et méfiante avec le Cameroun sous tutelle de la France.
Formé en 1884 par l’Allemagne, le Cameroun est scindé en deux parties après la défaite de cette dernière durant la guerre de 1914-1918. La France hérite d’environ 432 000 Km2 et la Grande-Bretagne de près de 88 270 Km2. Ce dernier territoire est formé du Northern Cameroon et du Southern Cameroon. Le Southern Cameroon forme les actuelles régions du Nord-ouest et du Sud-Ouest.
L’Angleterre administre la partie anglophone comme une extension de son protectorat sur le Nigéria. Le Cameroun anglophone fait partie de l’Empire britannique. Et celui-ci ne se montre pas très disposé à s’en séparer.
Référendum truqué
Plusieurs historiens relèvent en effet le rôle trouble de l’Angleterre dans la construction d’un Cameroun uni, tout au moins sur la base des frontières dessinées sous l’ère allemande. C’est le cas de Mélanie Torrent qui rapporte qu’«au lendemain des plébiscites de février 1961, le gouvernement de la République du Cameroun accuse le Royaume-Uni et le Nigéria d’avoir manipulé les élections».Dans ses travaux sur l’itinéraire et le bilan du Cameroun et du Commonwealth, la chercheuse française, docteur en études anglaises de l’université Paris-Sorbonne, Paris IV, soutient que les Anglais ont falsifié «les inscriptions sur les registres, l’information des électeurs, le décompte des bulletins», au cours du référendum de février 1961.
Dans ses travaux sur l’itinéraire et le bilan du Cameroun et du Commonwealth, Mélanie Torrent, docteur en études anglaises de l’université Paris-Sorbonne, Paris IV, soutient que les Anglais ont falsifié « les inscriptions sur les registres, l’information des électeurs, le décompte des bulletins », au cours du référendum de février 1961.
Durant cette consultation, les deux parties du Cameroun anglais sont appelées à se prononcer sur leur rattachement, soit au Cameroun oriental (partie francophone), soit à la fédération du Nigéria sous colonisation du Royaume-Uni. Utilisant cette consultation l’Angleterre a ainsi manœuvré «afin, d’empêcher l’émergence d’un grand Cameroun à l’est du Nigéria», affirme la Française.
Procès
Au terme de ce référendum, le Cameroun est amputé d’une partie de son territoire. Le Northern Cameroon passe sous souveraineté nigériane, avec la bénédiction du parrain anglais. «Gigantesque voisin qui inquiète Yaoundé, le Nigéria est soupçonné d’avoir voulu renforcer sa puissance en agrandissant encore son territoire», rapporte l’universitaire. Pour elle, «les Britanniques […] ont voulu construire de larges États anglophones en Afrique occidentale au détriment des États francophones». Le 1er juin, date de l’entrée du Cameroun septentrional dans le Nigéria, est journée de deuil national au Cameroun.Le pays va porter l’affaire devant la Cour internationale de justice, pendant qu’il se montre très en colère contre le Royaume-Uni. La Cour se déclare incompétente pour trancher, et même si les tensions demeurent, les relations se normalisent progressivement.
Le Southern Cameroon lâché
Pour plusieurs théoriciens en effet, la réunification du Cameroun devient un terrain d’enjeux géopolitiques entre la France et l’Angleterre, deux pays qui essayent de préserver des aires d’influence sur les cendres de leurs empires coloniaux en décadence.
S’étant déjà assuré d’avoir rattaché une bonne partie du territoire camerounais au Nigéria, l’Angleterre va progressivement lâcher le Southern Cameroon. Au parlement britannique, les raisons évoquées sont tantôt géopolitiques (Londres ne veut pas davantage froisser Paris), tantôt d’ordre économique.Adhésion
Sur ce point, le rapport Berrill souligne les difficultés budgétaires et financières du Royaume-Uni et préconise que toute surcharge économique soit évitée. Les Britanniques sont accusés d’avoir sciemment maintenu le Southern Cameroon à la marge de leurs stratégies de développement colonial, négligé, plus encore qu’exploité, d’une certaine manière. Les Anglophones du Nord-ouest et du Sud-ouest sont dès lors à la merci du Cameroun francophone et du centralisme qu’Ahmadou Ahidjo impulse à l’État.Le président Ahmadou Ahidjo va bouder aussi bien la Francophonie que le Commonwealth. Mais en 1989, son successeur, Paul Biya, sollicite l’adhésion à ces deux organisations. La Francophonie avalise la demande deux ans plus tard et le Club des Gentlemen six après.
Iféli Amara
Edgar Alain Mebe Ngo’o : Le fils de «dieu» entame son long carême
Au terme d’une enquête préliminaire, celui qui fut, tour à tour, directeur du Cabinet civil, délégué général à la sûreté nationale, ministre de la Défense… a été placé en détention provisoire à la prison centrale de Kondengui.
La «créature» (à gauche) et son «créateur» (à droite) Mercredi 6 mars, les fidèles catholiques entament le carême. 40 jours de pénitence, de privation et de prière. Pour un homme, le chemin de croix a commencé 24 heures plus tôt. Il s’agit d’Edgar Alain Mebe Ngo’o. Après une énième audition par les enquêteurs du Corps spécialisé des officiers de police judiciaire du Tribunal criminel spécial (TCS), l’ancien directeur du Cabinet civil de la présidence de la République du Cameroun est placé en garde à vue dans une des cellules du parquet de cette juridiction spéciale. La descente aux enfers du fils déchu vient alors de connaître une accélération. L’ancien ministre des Transports (octobre 2015-mars 2018) sait que la machine est en marche, et qu’elle ne s’arrêtera pas avant de l’avoir complètement broyé.
Fils adoptif
Souvent présenté comme le « fils » du président de la République Paul Biya, « dieu » lui-même au Cameroun, Edgar Alain Mebe Ngo’o est pour ainsi dire « persécuté » depuis plusieurs mois déjà; selon un membre du directoire du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), le parti au pouvoir, auquel l’ancien ministre appartient en qualité de membre du Comité central.Depuis le 2 mars en effet, date à laquelle Edgar Alain Mebe Ngo’o est éjecté du gouvernement suite à un décret présidentiel portant « réaménagement » de l’équipe gouvernementale, l’homme n’était plus libre de ces mouvements. Après le retrait de son passeport courant 2018, celui qui a battu le record de longévité au poste de ministre de la Défense (2009-2015) voit sa liberté de mouvement restreinte. Ses sorties publiques sont de plus en plus rares.
En janvier 2019, Edgar Alain Mebe Ngo’o est littéralement assigné à résidence surveillée dans son immense villa cossue d’un quartier huppé de la capitale Yaoundé. Et tout ceci, à mesure que ses auditions au TCS se multiplient. Un samedi du mois de janvier, l’homme est même interdit de se rendre dans son village Nkolfong, par Zoétele, dans la région du sud du Cameroun dont est par ailleurs originaire le chef de l’État Paul Biya.
La chronique mondaine supputait d’ailleurs à souhait et à loisir sur l’estime que le président de la République porte à Edgar Alain Mebe Ngo’o. Ce dernier est le « fils adoptif du président de la République » qui a « grandi au palais » sous la haute protection de son père. Pour certains, Mebe Ngo’o est le rejeton d’un homme qui a été un ami très proche de Paul Biya.
Ascension
Administrateur civil principal diplômé de la prestigieuse École nationale d’administration et de magistrature (Enam), Edgar Alain Mebe Ngo’o se fait remarquer en 1997, alors qu’il est le préfet du Mfoundi, le département abritant la capitale Yaoundé.
Au mois d’avril cette année-là, le sémillant préfet ne sourcille pas, lorsqu’il faut interdire une conférence de presse, puis assigner à résidence surveillée Titus Edzoa.Son tort : celui qui était encore quelques jours avant le très proche collaborateur du président Paul Biya a eu l’outrecuidance de se déclarer candidat à l’élection présidentielle contre son ancien patron.
Quelques mois plus tard, Mebe Ngo’o est bombardé directeur du Cabinet civil de la présidence de la République, un poste qui vous assure une des plus grandes proximités avec le très distant Paul Biya.Délégué général à la Sûreté nationale de 2006 à 2009, Edgar Alain Mebe Ngo’o est craint en tant que patron de la Police nationale. Son influence s’agrandit davantage lorsqu’il est fait ministre de la Défense en 2009. Là, commence aussi le début de ses malheurs.
Affaire Magforce
Déjà présenté comme un haut fonctionnaire à la richesse ostentatoire, Edgar Alain Mebe Ngo’o ne cesse d’amasser. Comme lorsque profitant du besoin constant de l’Armée en renouvellement de matériel militaire, il se met en cheville avec la Magforce, une firme française spécialisée dans la fourniture d’équipements militaires. Celle-ci est déjà dans le collimateur de plusieurs gouvernements européens (français et espagnol) pour ses méthodes peu orthodoxes d’acquisition des marchés.Aujourd’hui, c’est l’affaire Magforce qui fait plonger l’éléphant de Zoétélé. La justice soupçonne l’ancien ministre de la Défense de surfacturation dans l’acquisition de matériel militaire. Ici, des bottes, des tenues militaires, ou encore des équipements d’armement et de protection individuelle. La Magforce vendait ainsi ces équipements plus chers que sur le marché, et encaissait avec l’ex-ministre, le surplus sur chaque unité vendue.
En 2017, une enquête du journal français Le Point révèle un vaste réseau de rétrocommissions qui implique Robert Franchitti, le patron de Magforce, le colonel Mboutou, alors ex-secrétaire particulier du ministre de la Défense, Maxime Mbangue, ancien conseiller technique à la Défense et Victor Menye, directeur général adjoint de la banque SCB.
Rétrocommissions
Selon Le Point, le ministère de la Défense camerounais passait chaque année, une commande d’équipements individuels de 8 à 10 millions d’euros (5,24 et 6,55 milliards de francs CFA) à la Magforce. Dans ces contrats, la Magforce «arrosait» le ministre Mebe Ngo’o à travers ses intermédiaires, notamment le colonel Mboutou. Le Point évoque des rétrocommissions allant jusqu’à 705 000 euros (461,8 millions de francs CFA), dont 400 000 (262 millions francs CFA) versés en espèces. C’est d’ailleurs ce cash qui a attiré l’attention des autorités françaises. Une enquête judiciaire est ouverte contre la Magforce et son dirigeant Robert Franchitti.Comme le révèle un document qui a « fuité » du TCS, ce sont les transactions financières hautement douteuses impliquant la Magforce, qui valent à l’ex-ministre de la Défense, de se retrouver aujourd’hui emprisonné.
Sous les lambris dorés de Yaoundé, il se murmure que Paris, à travers son ambassadeur au Cameroun Gilles Thibault, reçu maintes fois en audience par le président Paul Biya, avait assuré de la coopération de la justice française, si Yaoundé décidait d’ouvrir une information judiciaire contre Edgar Alain Mebe Ngo’o. Le fils de «dieu» et ses acolytes commencent donc une période de carême qui devra durer plus de 40 jours.
Bobo Ousmanou
Jean de Dieu Momo : Clerc-obscur au service de Biya
Depuis l’avènement du Renouveau, jamais membre du gouvernement n’a autant été boudé par les siens et ses compagnons d’hier.
Jean de Dieu Momo Il est révolu le temps où la politique était «d’abord l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde». Et cela enchante bien Jean de Dieu Momo. Le nouveau ministre aime parler de ce qui le regarde. À croire que c’est la raison de sa sortie à Dschang (Menoua) le 16 février dernier. A-t-il alors commis une erreur d’appréciation? Non ! Il sait que dans cette ville, et même dans une bonne partie de la région de l’Ouest, son entrée au gouvernement, le 4 janvier 2019, a suscité une vague de commentaires haineux.
On peut supposer que «Monsieur le ministre» a bien préparé sa voix de baryton, toujours prête pour un bon mot ou une engueulade. Disposant d’un bel instant pour défendre sa personnalité, ses idées et son bilan de 59 années de vie, il s’est taillé un programme : distiller, en langue Yemba, l’image d’un vétéran revenu de toutes les guerres. «Les gens ont dit que j’ai demandé que l’on abatte les Bamilékés. Est-ce possible que quelqu’un le dise?», interroge-t-il. Plus loin, on l’entend dire: «Les gens de la Menoua se détestent entre eux.
Voila qu’on a nommé un fils de la Menoua alors que vous êtes allés voter l’opposition. Paul Biya devait-il nommer un fils de la Menoua quand on a voté l’opposition en masse? Il le fait, et il y’en a qui trouvent à redire. C’est quel ministre qu’on nous donne comme ça ? Je demande aux fils de la Menoua bougrement riches d’arrêter de tromper la population. Ils l’ont trompée en demandant de voter l’opposition, parce que c’est un frère de Baham. Pourtant c’est grâce à Paul Biya qu’ils ont eu de l’argent pour s’acheter ses grosses voitures».
Polémiques
En clair, l’avocat international sait une chose : il n’est pas en odeur de sainteté avec ses congénères. Depuis son ralliement à Paul Biya à la veille de l’élection présidentielle d’octobre 2018, certains lui reprochent sa gouaille et son appétit médiatique. Au lendemain de son entretien avec Ibrahim Chérif sur le plateau de l’émission Actualités Hebdo sur la CRTV, une polémique durable régente les Grassfields. Quelques critiques concluent que les phrases ministérielles résonnent avec l’actualité entretenue par le MRC (Mouvement pour la Renaissance du Cameroun), le parti de Maurice Kamto. Les puristes estiment que leur fils a trahi le peuple Bamiléké.Au ministre Momo, ils conseillent moins de verticalité et d’arrogance, et plus de respect des corps intermédiaires, chefs traditionnels en tête. Pour protester, ces derniers ne trouvent pas mieux : bouder les festins organisés par leur ministre de fils. Ils le fustigent dans sa politique, et peut-être encore plus avec ses déclarations provocatrices. Ils jugent que Jean de Dieu Momo a poussé à l’extrême ce mépris, en oubliant son corollaire, le risque du décrochage, le risque de devenir un «déchet social» ou de n’être «rien». Ils estiment aussi qu’à travers le rapprochement fait, en mondovision, entre le peuple juif et les Bamiléké, c’est aussi le sens de la destinée de cette communauté qui s’estompe.
Cris d’orfraie
Du reste, on peut comprendre le ministre. Même s’il est difficile d’établir la frontière entre soutien à son « créateur » et performance théâtrale. Et pendant qu’on hésite encore, Jean de Dieu Momo explique à Cheta Bilé à quel point il fait bon vivre dans un bureau ministériel. Une certaine presse voit en cette sortie médiatique le trauma de l’indigène mal décolonisé. Le mot « clientélisme» n’est pas prononcé. À peine, on parle de « réussite d’un fils de tailleur ». Plus ouvertement, on met le subalterne direct de Laurent Esso soit dans la fourchette des profiteurs d’un système à la dérive, soit dans celle des profiteurs du résultat d’une élection présidentielle au terme de laquelle le taux d’abstention a été, selon eux, le plus grand gagnant.Ceux qui poussent les cris d’orfraie se recrutent parfois dans les rangs du G20. Chacun, dans cette coalition de partis politiques acquis à Paul Biya, y est selon les intérêts électoraux immédiats. De temps en temps, quelqu’un sort une affaire des limbes. À une poignée de journalistes, quelqu’un, issu de ce G20, explique que « Jean de Dieu Momo a su trouver seul les autres manières d’accéder au pouvoir quand, on ne sait pas l’exercer : l’exagération, le mensonge et le lancement d’anathèmes contre les siens ».
Visée
On comprend alors que sur le plateau de Canal Presse, le président des Patriotes démocrates pour le développement du Cameroun (PADDEC) ait renié sa propre formation politique qu’il a pourtant créée lui-même en mars 2010. Parmi les invités, il apparaît comme « porte-parole du RDPC », aidé en cela par son mètre 90 et ses 110 kilos. Un soir, à l’Arène diffusée sur les antennes de Canal 2 International, Jean de Dieu Momo se fend en une déclaration : « S’il (Biya, NDLR) me fait l’honneur de me distinguer, je serai très heureux de servir ma patrie et d’apprendre auprès d’un sage. Si vous me donnez votre plateau et la possibilité de dire au président que “parmi les 25 millions de Camerounais si vous pensez que je peux soutenir un côté, je serai ravi de le tenir”. Est-ce que moi j’ai besoin de me cacher? »Au sein du G2O, on a compris. Dans le verbe comme dans les actes, Momo roule pour lui-même et non pour le groupe. Dans sa démarche, il est conforté par le flou sur la distribution des prébendes, entretenu (selon un président de parti membre du G20) par le RDPC lui-même. La manœuvre est à grands traits assez simple : laisser prospérer les querelles d’appareils et autres obscures stratégies individuelles. Et lorsque d’aucuns appellent à sortir des sables mouvants et à profiter de l’incertitude générale pour prendre les devants, Jean de Dieu Momo est déjà bien positionné, parce qu’il ventile bien la rhétorique populiste de son « employeur ». En solo, le challenger de Paul Biya en 2011 a une marge parfumée à l’encens du cabinet civil de la présidence de la République. La suite se lit sur sa table de ministre délégué auprès du ministre d’État de la Justice, Garde des Sceaux.
Jean-René Meva’a Amougou
Mefou-et-Akono : Avec Dieu… et Paul Biya
Au cours d’un meeting de remerciements dédié à Dieu et au président de la République, pour le maintien de ses fils et fille dans le gouvernement, le département affirme sa fidélité à l’autorité divine et aux idéaux du RDPC.
Ambiance au Palais des congrès de Ngoumou dimanche dernier Ngoumou… A une heure de route à partir de Yaoundé, la ville tient bien son rang de havre de grâce créative. Sur le cliché ce 10 février 2019, au palais municipal des Congrès, c’est une tendre mise en beauté entre 56 villages regroupés en six groupements (Nkongzok, Etenga, Mvog Tsoungi Mballa, Nkong Abok, Nkong Meyos, Otele). Ce jour en effet pulse une fièvre joyeuse, shootée aux remerciements adressés à Dieu et à un homme: Paul Biya. Pour l’occasion, pas besoin d’un déploiement underground. «Tous les fils et filles du département de la Mefou-et-Akono doivent exprimer leur fierté ouvertement pour témoigner de la grâce que Dieu leur accorde», clame tout haut le père Laurent Nkodo au milieu d’un collège de prélats. «Le Pr Marie-Thérèse Abena Ondoua, Gaston Eloundou Essomba et le contre-amiral Joseph Fouda, tous maintenus dans le gouvernement du 4 janvier 2019 ! Que le peuple de la Mefou-et-Akono soit dans la joie !», exhorte-t-il empruntant à la seconde épître de Saint Paul aux Phillipiens.
Si les enseignements tirés de ce texte biblique sont nombreux, il y en a un qui rappelle à tous qu’ils ont le droit de se réjouir ce jour. «Quand on a le sentiment d’avoir bien rempli un contrat, il faut fêter. Et nous le faisons ici pour dire Dieu et au président Paul Biya toute notre reconnaissance», situe le sénateur Laurent Nkodo.
Sur le coup, on peut reconnaître un peuple accro aux vibrations. On peut admirer des hommes et des femmes participer à l’existence d’un écosystème politique équilibré, au sein duquel chacun peut trouver sa place. Venue des quatre arrondissements de la Mefou-et-Akono (Mbankomo, Bikok, Ngoumou et Akono), une faune humaine s’enflamme. C’est une affaire des militants du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) et des partis alliés. Si l’on en croit les propos de Paul Aristide Etoga (président de la section OJRDPC), «la reconduction des enfants d’ici à de hautes fonctions de la République traduit l’amour séculaire que le chef de l’Etat éprouve pour le département».
Fierté
Dans son phrasé, il y a surtout une composante de fierté consolidée. Celle-ci structure une bonne partie du discours de Blanche Tabi Manga, la présidente de la section OFRDPC de la Mefou-et-Akono Sud-ouest. «À elle seule, notre contrée peut se targuer d’avoir deux ministre pleins et un conseiller spécial du président de la République. Pour nous, ce sentiment de l’honneur affirmé nourrit une forme de compétition symbolique: nous tiendrons, nous ne céderons pas», dit-elle, allusion faite aux fauteurs de troubles. «Ceux-là, ajoute-t-elle, sur des thèmes abreuvés de fake news et de délires idéologiques».Saisissant la brèche, le sénateur Laurent Nkodo ancre son discours sur l’une des qualités de ses congénères. Le parlementaire semble libérer une parole polymorphe et longtemps contenue concernant l’actualité récente dans le pays. «Ici, nous sommes ces femmes et ces hommes qui chaque jour, carrefour après carrefour, qui se mettent en marche avec une récurrence aussi obstinée pour dire que le président Paul Biya est leur seul bon choix, rappellent en priorité que la présidence de la République est une affaire trop sérieuse pour la confier à des politicards incapables d’éponger le moindre des doutes, calmer la moindre des inquiétudes, et encore moins cautériser le mal vivre».
La suite souligne qu’à travers Joseph Fouda, Cathérine Abena Ondoua et Gaston Eloundou Essomba, les stratégies électorales dans la Mefou-et-Akono composent désormais avec le RDPC. Cela ressort clairement, selon l’orateur, du fait que ces « élites », n’ont pu être choisies qu’à l’issue d’une succession de concours de plus en plus sélectifs pour que tous les trois se voient offrir des positions dans des ministères comme celui de l’Eau et l’Energie (Minee), celui de la Promotion de la Femme et de la Famille (Minproff) et un secteur de carrière réservée comme conseiller spécial du président de la République.
OLYMPUS DIGITAL CAMERA D’ailleurs, partout ici, l’on souligne que la proximité de Joseph Fouda, Cathérine Abena Ondoua et Gaston Eloundou Essomba avec leur base électorale les qualifie pour représenter utilement les électeurs de la Mefou-et-Akono auprès du chef de l’Etat. «En tant que membres du sérail, ils y auront plus facilement accès et sauront mieux s’y faire entendre ; avec eux la Mefou-et-Afamba est là, encore et toujours là avec Dieu et Paul Biya», pense Antoine Amie Assouh, le maire de Ngoumou.
Résultats
Prenant la parole à son tour et aux noms des autres, Gaston Eloundou Essomba rappelle que la dynamique de la campagne présidentielle d’octobre dernier dans le département. Selon lui, il convient de se féliciter du score de 93, 2% en faveur de Paul Biya, obtenu après décompte des votes dans les quatre arrondissements. Pour l’essentiel, il repose largement sur une convergence entre les efforts –notamment humains– de tous les militants pour mettre en scène des meetings conçus comme de véritables démonstrations de force politique.«Cela a sans doute suscité l’intérêt croissant des autres pour ces grands rassemblements dans le contexte d’un écosystème politique élargi depuis l’arrivée de formations politiques d’opposition. À tous les niveaux, nos militants ont ainsi, de façon conjuguée, contribué à renouveler ce rituel historique de mobilisation des citoyens en l’adaptant comme dispositif technique et outil stratégique pour faire ou suivre la campagne», vante Gaston Eloundou Essomba.
Gaston Eloundou Essomba
Un événement civique
Je dois dire que l’événement de ce jour est d’abord consacré à nos militants qui ont été saisis à partir des processus de mobilisation et d’expression. C’est pour dire que si nous sommes ministres aujourd’hui, en plus de Dieu, leur main, leur vote constituent des variables significatives de l’équation électorale dans la Mefou-et-Akono. C’est à partir de communautés d’intérêts, de problèmes et d’identités spécifiques que les gens se retrouvent pour faire entendre leur parole, négocier sa prise en compte, construire eux-mêmes certains éléments de réponse à leurs problèmes et créer les conditions de leur présence dans l’espace public commun.
Ce qui caractérise nombre de ces mobilisations politiques nouvelles ici, c’est leur dimension expressive : l’affirmation d’une dignité, l’exigence de respect, la demande de reconnaissance d’une identité. Aujourd’hui, nous sommes ministres, la manifestation publique à laquelle cela donne lieu mériterait d’être qualifiée «d’événement civique», à travers lequel émane une conception très nouvelle de l’intérêt général dans tout le département de la Mefou-et-Afamba; car nos postes nous les devons à Dieu et à nos militants. Raison pour laquelle, nous leur demandons de ne pas prêter l’oreille aux initiatives visant à déstabiliser notre pays.
La politique, la vraie, se fait dans les urnes et dans la rue. Ici dans la Mefou-et-Akono, Dieu merci, les militants l’ont compris. Car l’enjeu est de continuer l’œuvre de construction de l’unité nationale, de rebâtir une citoyenneté partagée avec tout son appareillage juridique et institutionnel et son système de valeurs, non sur la base de l’exclusion des particularismes existant au sein de la communauté nationale, mais sur le principe de leur inclusion, de la reconnaissance de la valeur pour la communauté nationale des apports particuliers de chaque acteur social, individuel et collectif qui s’en réclame.
Pour cela, nous les encourageons à participer à la révision des listes électorales en vue de voter encore plus massivement le RDPC lors des scrutins annoncés cette années par le président Paul Biya en conseil de ministres.
Lom Pangar : Le bois aux abois
En zone pavillonnaire, la consommation des essences affiche une progression de 30% sur 12 mois avec désormais 30.000 stères livrés chaque année. Cela commence à faire un gros volume et beaucoup de pression sur le marché de poissons.
OLYMPUS DIGITAL CAMERA On dirait que Madjabou n’a pas d’autre formule pour dire son bonjour à tous ceux qui arrivent au «Port de pêche de Ouami». Aux visiteurs ce 19 novembre 2018, le jeune Bororo présente sa main gauche amputée de son pouce. «J’ai eu ça à cause du sambi», dit-il, donnant du relief à ce dernier mot tiré du Pol, le dialecte courant dans cet endroit, situé en amont du barrage de retenue d’eau de Lom Pangar. Comme saisi par une impérieuse nécessité de traduction, Madjabou indique que «le samba, c’est le bois utilisé pour fumer le poisson». «Depuis peu, c’est la cause de bien des infortunes partout ici», relate l’adjudant-chef Placide Bossambo.
Pour le chef de poste de gendarmerie de Ouami, il ne se passe plus de semaine sans altercation entre les coupeurs de bois et les communautés riveraines. Selon des données compilées par le pandore depuis mi-octobre 2018, 26 violents accrochages entre les deux parties ont meublé la chronique locale. «Bien évidemment, il y a de nombreux drames hors champ qui sont rapportés à postériori à notre unité. Au quotidien, les autochtones accusent les chercheurs de sambi de braconner leur patrimoine», ajoute-t-il.
Sambi à tout prix
Par la grâce du barrage de Lom Pangar, Ouami se raconte par la pêche. Dans son rapport rendu public en décembre 2017, le Centre de recherches, d’études et d’appui au développement (Creadev) fait état de ce que depuis la mise en eau partielle de l’infrastructure énergétique (en 2015), l’activité s’est imposée. On parle en effet d’un chiffre d’affaires annuel estimé à 40 milliards de francs CFA, pour un stock de poisson de l’ordre de 1500 tonnes par an. «Dans ce volume, évalue, Jean-Pierre Yapele, les ¾ sont vendus fumés». À en croire ce cadre à la délégation régionale de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable (Minepded) de l’Est, le fumage du poisson dévore une importante quantité de combustible.La demande est régulière et croissante. «En zone pavillonnaire de Lom Pangar, la consommation du bois affiche une progression de 30 % sur 12 mois, avec désormais 30.000 stères livrés chaque année. Cela commence à faire un gros volume et beaucoup de pression», indique Jean-Pierre Yapele, mentionnant qu’«ici au Port de pêche», c’est le «sambi» qui est prisé.
D’après les «barons» du fumage du poisson, le «sambi» est très utile. Ils estiment que la qualité des produits fumés dépend de la composition de la fumée, qui dépend elle-même, principalement de la nature du bois. «Tout ça, le sambi nous donne facilement ; il donne une belle couleur au poisson et l’aromatise», se réjouit Denké. Plus cartésien, Jean-Pierre Yapele explique que par ses propriétés, le sambi exerce sur le poisson une triple action: antioxydante, bactériostatique et organoleptique.Créneau
De fait, cette espèce ligneuse est devenue le catalyseur d’une course économique. Son exploitation engendre une industrie modelée par les intérêts conjoints des fumeurs de poissons et de leur clientèle. «Plus aucune tige de sambi dans un rayon de 20 km à partir d’ici ; on a tout coupé !» se désole Jean-Pierre Yapele. Il explique que désormais, la rareté de ce bois dans la zone de Lom Pangar favorise les stratégies de sa recherche aux dépens des autochtones. «Entre les propriétaires terriens et les coupeurs de bois, la guerre froide a muté en une guerre pour le sambi», renchérit Placide Bossambo.Business
Dans la foulée, les ventes galopent. Un «coupeur» rapporte que le «Port de pêche» est presque à court de «sambi». Hier, 18 novembre 2018, notre interlocuteur dit avoir vendu le filet de 6 bûches à 1.500 francs CFA. Les petits allumes (réputés très pratiques) sont livrés à 1.000 francs CFA le filet. «Avant, ce n’était pas comme ça !», s’excuse un homme, «coupeur» lui aussi. Il renseigne qu’au début du marché de poisson, le cours du filet papillonnait entre 200 et 250 francs CFA.Au moment où la demande en poissons fumés ouvre un gigantesque marché à leurs ambitions, ses collègues n’excluent pas de braconner le sambi, encore disponible dans le parc de Deng Deng. D’une superficie de plus de 50 hectares, cette zone forestière exclusive regorgerait encore plus de 10 millions de m3 de sambi, selon les statistiques de la délégation régionale du Minepded. Depuis que le manque du sambi est avéré, cette institution raisonne sur l’hypothèse d’une irréversibilité possible du changement climatique. «Il est possible qu’on atteigne, d’ici 5 ans, un seuil tel que le système climatique d’une bonne partie de la région de l’Est dérape vers un désordre irréversible.
Tenter d’ignorer cette réalité ou reporter la réflexion sur ses conséquences, pour ne pas affoler ou tuer le marché de poisson de Lom Pangar, constitue l’équivalent moderne du déluge», craint Jean-Pierre Yapele. Déjà, selon une rumeur que ce dernier refuse de confirmer, le sambi en provenance de Deng Deng est sous les claies ici au «Port de pêche». L’on rapporte que d’importantes quantités sortent du parc par divers interstices.
Jean-René Meva’a Amougou,
de retour de Lom Pangar
Dépistage du VIH : Les communes appelées en renfort
Selon le spécialiste du ministère de la Santé publique (MINSANTE), les collectivités territoriales décentralisées doivent contribuer à la réduction du taux de prévalence très élevé du VIH. Lors du lancement de la campagne médiatique de sensibilisation à Yaoundé 1er sur la nécessité de se dépister de la jeune fille. Organisé par journalists net work for Maputo action (JNMAP).
Au Cameroun, le taux de prévalence du VIH reste élevé. Ces dernières années, les mesures visant à réduire cette pandémie ont montré leurs limites en termes d’efficacité. Du nord au sud, de l’est à l’ouest, le constat est le même. Les études menées sur la question de la sensibilisation des populations actuelles sur le VIH et la capacité à réduire ce taux de prévalence qui est de l’ordre de 4 % de manière efficiente demeurent alarmantes. Les jeunes de 15 à 35 ans sont les plus vulnérables, et plus particulièrement la jeune fille.
Pour essayer d’apporter une solution à cette problématique, la JNMAP et le MINSANTE ont initié une campagne de sensibilisation d’une semaine, allant du 23 novembre au 1er décembre. Baptisé sous le slogan «protégeons la jeune fille», un nouveau larron est appelé en rescousse : les collectivités territoriales. Ces dernières sont appelées à du fait de leur proximité avec les populations. Ils peuvent facilement être des cadres de référence. La campagne a pour objectif de trouver de nouveaux paradigmes qui permettront de venir à bout, ou du moins, à réduire considérablement les infections liées au SIDA. « D’ici 20 ans, si rien n’est fait, on aura plus de force de travail. Les jeunes qui doivent bâtir le pays et le gouverner sont les plus touchés par le virus » a déclaré Adrienne Engono Moussang, présidente de JNMAP.
Un appel
Le Dr CHE exhorte les maires et les mairies à prendre leurs responsabilités. « Avant de célébrer un mariage, un maire doit s’assurer que le couple a fait son dépistage. On ne demande pas qu’il connaisse les résultats, il ne doit pas dénoncer, mais sensibiliser. Le mari doit connaitre le statut de sa femme et vice versa ». En s’adressant aux journalistes spécialistes et assimilés, le Dr CHE du Comité national de lutte contre le SIDA présente le nouveau canevas. «J’ai assisté à un mariage au cours duquel le maire, avant de célébrer ledit mariage, a pris cinq minutes pour sensibiliser les jeunes, les adultes parce qu’il était formé. Aucun sou n’a été dépensé pour cela» poursuit le spécialiste. C’est un nouveau paradigme qui rejoint déjà ceux qui existent. La présidente de la JNMAP, Adrienne Engono, a précisé que cette suggestion est la bienvenue et devra aussi être intégrée dans le cadre des activités visant à sensibiliser la jeune fille.À travers cette suggestion, les spécialistes montrent que les mairies peuvent apporter un changement dans la lutte contre cette pandémie, car les collectivités territoriales ont la capacité de parcourir les coins les plus reculés. La jeunesse est le fer de lance de la nation. La présidente tire la sonnette d’alarme sur les dangers que court le Cameroun si rien n’est fait.
André Balla (stagiaire)
Planification familiale : Séance d’élaboration des plans de travail par les médias
Le groupe de journalistes convié à Mbalmayo la semaine dernière a présenté aux responsables du ministère de la Santé publique et l’UNFPA ce qui sera fait en termes de productions médiatiques sur la vulgarisation des méthodes contraceptives modernes en 2019 au Cameroun.
Le passage de quelques journalistes, retenus dans le cadre du programme de vulgarisation des méthodes contraceptives modernes (Sayana press) au Cameroun, a permis l’élaboration des feuilles de route des médias sur ce qu’ils mèneront durant l’année 2019, pour la vulgarisation des méthodes contraceptives modernes. Tout laisse croire que les choses sont dans la bonne voie, suite aux échanges ayant eu lieu, du 20 au 21 novembre dernier, à l’hôtel départemental de Mbalmayo.
Une rencontre jugée fructueuse, à en croire les membres de l’équipe du Minsanté, et ceux du Fonds des nations unies pour la population (Unfpa). Ces derniers ont tenu à rassurer les journalistes d’une collaboration efficiente tant sur les finances, que sur la logistique. «Nous verrons dans quelle mesure nous pouvons travailler avec les organes de presse, pour qu’ils puissent nous aider à sensibiliser les populations sur la planification familiale et la réduction de la mortalité maternelle, avec les plans qu’ils vont nous remettre», précise Nobel Cabahiro assistant technique – Dsf/Unfpa. De toutes les façons, il faut construire une grande équipe, avec les différents types d’organes de presse partenaires (presse écrite, radio, télévision, blogueurs, etc.) comme l’a martelé Mme Nguematio Adeline, cadre à la direction de la santé familiale au Minsanté.
Durant le séminaire, elle n’a pas manqué, à l’attention des journalistes, d’énumérer les causes de la mortalité maternelle afin que ces derniers puissent également les intégrer dans leurs papiers. Il s’agit des hémorragies, des infections, des éclampsies et bien d’autres. Et en cas de besoins, des spécialistes de la santé de reproduction seront disposés à rencontrer tous les organes de presse. Cependant, les journalistes, selon les types d’organes, ont remis les «canevas plan d’action» [ feuilles de route et budgets élaborés par chaque média ou groupe de médias ] aux responsables du Minsanté et de l’Unfpa. «Nous vous avons demandé d’élaborer ces canevas plan d’action, afin que nous sachions très exactement quels sont les médias avec lesquels nous travaillons.
Cela se passe au cas par cas, selon les types de presses». Mais, les journalistes veulent en savoir plus sur le financement. Étant donné qu’ils sont des reporters et non des patrons de presse, il faut une autre négociation. «Tout ça sera pris en compte dans l’élaboration des plans de financement», ajoute M. Cabahiro. Les hommes de médias se sont engagés par la suite à contribuer, au sein de leurs organes respectifs, à la vulgarisation et à l’accompagnement du programme. «Pour la presse écrite, chaque journaliste peut aller dans son organe et négocier le prix qu’il faut payer pour la publication des articles. Nous journalistes, sommes des points focaux. Chacun, à son niveau, peut faire du lobbying», explique Adrienne Engono Moussang du journal Mutation. Son confrère, Thierry Ndong, directeur de publication du journal Intégration, n’en pense pas moins.
Les «canevas d’actions» pour 2019 sont en attente de validation. Entre-temps, suite à l’atelier qui s’est tenu à Edéa en octobre 2018, les publications sont régulièrement faites par les journalistes qui y ont participé. Un réseau a même été créé à cet effet. Si le Minsanté et l’Unfpa associent les journalistes, c’est parce qu’ils souhaitent voir reculer le taux de mortalité maternelle qui est encore trop élevé dans notre pays (782 pour 100.000 naissances).
AB
Partenariat BIT/PEA – Jeunes : 20 conseillers outillés à l’utilisation de GERME
C’était du 5 au 16 novembre 2018 à Ebolowa, sous le patronage du ministère de l’Agriculture et du développement Rural (Minader), avec l’expertise du Bureau International du Travail (BIT).
La solennité de la remise des parchemins aux 20 conseillers de suivi-accompagnement à l’utilisation de l’outil « Mieux Gérer votre Entreprise (GERME) a marqué l’apothéose de dix jours de formation du BIT/PEA-Jeunes le 15 novembre dernier dans la ville d’Ebolowa. Venus des régions du Nord-Ouest, du Littoral, du Centre et du Sud, ces jeunes (dont cinq femmes), ont reçu des informations relatives aux outils et techniques de sélection des entrepreneurs et de conduite de formation en gestion, ainsi que le suivi après-formation. Delphine Ngo Bayiha, représentante des apprenants ne tarit pas d’éloges: «nous partons d’ici vraiment outillés pour mieux améliorer notre travail d’accompagnement auprès des bénéficiaires du programme que nous encadrons».
À travers une démarche systématique, pratique, simple et cohérente, les formateurs ont permis aux jeunes entrepreneurs agropastoraux de développer et d’améliorer leurs compétences dans les domaines de l’approvisionnement, la gestion des stocks, le marketing, l’estimation des coûts, la tenue des registres comptables, la planification des activités et la gestion des ressources humaines. La cuvée 2018 de ce programme vient s’ajouter aux 80 conseillers et facilitateurs déjà formés sur différents outils de formation en entrepreneuriat du BIT, depuis janvier 2017 sous l’impulsion de madame Vera Lucia Paquete-Perdigao, Directrice générale de l’ETD/BP-Yaoundé, par ailleurs en charge de la Guinée équatoriale et de Sao Tomé et Principe.
A l’issue de la formation, de l’avis même de tous les intervenants, il se dégage un satisfecit général. Pour les initiateurs du Programme de Promotion de l’Entreprenariat Agropastoral des Jeunes (PEA-Jeunes), ces conseillers viennent combler le vide jadis existant d’une formation sans suivi. Désormais, ces jeunes aideront les entrepreneurs en activité à mieux gérer leur entreprise, et participeront activement à l’amélioration des performances entrepreneuriales des bénéficiaires du PEA-jeunes déjà en activité depuis 6 mois, et ceux de la catégorie C3 qui seront sélectionnés. A terme, le programme ambitionne de créer 4687 entreprises agro-pastorales et développer environ 353 entreprises de jeunes dont l’âge varie entre 18 et 35 ans, dans les chaînes de valeur des filières agropastorales éligibles.
Bobo Ousmanou
Pleins feux : Un « World Trade Center » à l’Hôpital central de Yaoundé
Chaque jour, dans cet espace, les acteurs disent faire des affaires pour sauver des vies. La réalité est tout autre. Reportage.
Dans les trafics extra-muros de l’hôpital central de Yaoundé « À tout moment, cet endroit est plein !» De tels mots ne s’arrachent pas seulement de la bouche de ce taximan qui nous conduit ici à l’entrée de l’Hôpital central de Yaoundé. Beaucoup se piquent de désaffection pour cet endroit où, chaque jour, des files de voitures circulent pare-chocs contre pare-chocs. À tout instant, des taxis embouteillent la rue et déversent leurs passagers au milieu de la voie, dans un flot continu. «Je viens ici juste rarement ; sauf si je dois vite conduire un malade et puis je taxe bien !» complète notre conducteur.
Ce 14 novembre 2018, c’est enchevêtrement qu’aggravent motos, minibus, camionnettes et piétons, devenus prisonniers des gaz d’échappement. Par leurs sirènes, trois ambulances scandent leur impatience pour accéder à la formation sanitaire. Dans cette thrombose devenue interminable, un homme, fuselé dans son jean et lunette à grosse monture noire sur le nez, tente de réguler la circulation. Ici, la chronique lui reconnait ce rôle. De temps à autre, il s’en prend aux taxis déglingués, passés maîtres dans l’art du rafistolage. De temps à autre aussi, il stoppe les cylindrées qui grillent la priorité aux autres véhicules de transport de médicaments.
À cet homme-là, on bredouille notre émotion de voir un simple citoyen imposer de l’ordre au milieu des voitures klaxonnant autant pour se saluer que pour s’insulter. Sa poignée de main est aussi vive que son «bonjour, ça va ?», dans un français qu’il parle «un peu». On remarque aussi sa personnalité volcanique, alternant la franche bonne humeur et, soudainement, une sensibilité à fleur de peau. «Ici, c’est la version hard de Yaoundé que vous ignorez», déclare ce bolide qui se fait appeler Tarzan. Dans la suite de son propos, il redonne du souffle à celui de Basile Emah. «À Yaoundé, il y a des lieux publics qui ont une vie privée», constatait, de son vivant, l’ex-super maire de la capitale.
Centre d’affaires
L’entrée de l’Hôpital central de Yaoundé est de ceux-là. «Ce lieu incommode autant qu’il fascine», valide Josué Edouma. « En clair, dit ce spécialiste de sociologie urbaine, c’est à la fois une fourmilière dangereusement urticante et un point de convergence des bonnes idées que l’on peut se faire autour de la capitale camerounaise». Il y a peu, cet espace a été ironiquement rebaptisé «World Trade Center». Ceux qui y ont leurs habitudes évoquent le bouillonnement créatif dans les affaires. Celles qui s’exposent mettent en scène des vendeurs à la sauvette.Sautant d’un véhicule à l’autre, ils proposent fruits, bonbons, chips, boissons, compresses et solutions médicamenteuses frelatées. «Quand un garde-malade n’a pas assez d’argent, nous le servons même au détail, mais c’est un peu plus cher», confesse innocemment un adolescent qui propose des antalgiques. Peu importe la qualité du médicament proposé, l’unique garantie c’est que son emballage affiche un label pharmaceutique réputé. Quelle que soit l’heure, des cafés et petites échoppes sont ouverts 24 h/24 h. Il y a aussi des vendeurs de nourritures.
Sur place s’arrachent des bols de bouillon accompagnés d’une impressionnante variété de viandes, de poissons ou de légumes. Les structures de transferts de fonds se sont imposées avec l’onction de la Communauté urbaine de Yaoundé. La même institution a fait bâtir une colonne de boutiques en contrebas. Le mètre carré ici vaut de l’or. Pas un seul centimètre carré n’est laissé au vide. Une vendeuse de serviettes hygiéniques utilise les grilles d’une vieille concession comme présentoir pour ses marchandises. En bas, une ancienne bibliothèque est transformée en magasin de médicaments.
Une rumeur classe ceux-ci dans le lot des produits volés au chevet des patients par le personnel en service juste en face et même dans d’autres formations sanitaires de la ville. Les trottoirs sont pris d’assaut par des « callboxeurs » ambulants. Parfois ils sont aménagés en cuisine où l’on vend des plats à emporter. Une vendeuse de poisson à la braise raconte que la semaine dernière, elle a reçu son avis d’expulsion. Elle a huit jours pour «être en règle avec le gouvernement local».
« Tarzan Bank »
Ce «gouvernement», apprend-on, est un triumvirat de jeunes (parmi lesquels Tarzan) se réclamant descendants de Simon Pierre Tchoungui. L’ancien Premier ministre du Cameroun oriental, précise-t-on, était surintendant médical de l’hôpital en 1960. «Ces trois gars prélèvent des taxes à ce titre et cela dure depuis des années», assume Bertin Mvogo, vendeur ambulant de compresses. À en croire ce dernier, le même «gouvernement» tient les circuits de l’usure.D’ailleurs, sans l’envisager et face au reporter, Tarzan assume une drôle de raison d’être : «Shit Business is Serious Business» (« le business de la merde est un business sérieux »). Il est le patron de «Tarzan Bank» lovée dans un bulding encombré de feuillages touffus. «Contrairement aux banques où il faut beaucoup de temps pour obtenir un prêt, notre réaction est plus rapide face à l’urgence», balance-t-il. L’urgence, pas n’importe laquelle. «Si vous devez être opéré et que vous ne disposez pas d’argent, je peux trouver une solution là», développe Tarzan.
Ses gestes sur une femme en quête d’argent pour la césarienne de sa fille achèvent de persuader sur la véracité de cet exposé. Ils donnent l’impression d’habiter dans un village où cet homme met un point d’honneur à accorder plus d’attention à tous les autres nécessiteux qui arrivent. Sur une autre échelle d’observation, cette diligence est pavée de mauvaises intentions. «Je fais de l’argent avec de l’argent», clame Tarzan, satisfait d’une cinquième transaction réussie depuis 8 heures ce matin. Pour sauver son fils que terrorise une hernie discale aux urgences, un vieil homme vient d’obtenir 25 mille francs au taux d’intérêt de 100 %.
L’échéance de remboursement est fixée à 48 heures. Au cas contraire, sa vieille moto deviendra la propriété de Tarzan. Pour les gros montants, le débiteur doit mettre en gage un véhicule (qui sera filmé ou photographié par les deux parties en présence de témoins pour éviter toute contestation éventuelle) voire un titre de propriété. «Si ce protocole est respecté, l’argent est disponible immédiatement», confirme l’usurier. Généralement, la transaction lui profite en dernier ressort. «Rien qu’ici à l’Hôpital central, j’ai pu avoir 12 voitures en 3 ans.
Leurs propriétaires ne m’ont jamais remboursé à échéance ; il m’en reste 4. Les autres ont été vendues», semble-t-il s’en féliciter. «Il n’y a pas de honte d’avoir plumé quelqu’un qui ne veut pas rembourser», poursuit-il, noyé dans la complaisance, la sueur et quelques bulles de vin mousseux.
Tel un marabout, il mystifie la ruse que ses hommes de main utilisent. Difficile de les chiffrer. «Ils sont pourtant là partout», affirme quelqu’un. «C’est comme une aiguille sur une poupée vaudou», blague-t-il. À fouiner un peu, tout se fonde sur la compassion, la simplification du «cas urgent» et l’écoute maximale. Une vraie pente savonneuse où beaucoup de familles glissent, faute de mieux.Jean-René Meva’a Amougou
Yaoundé : Peur sur la mobilité urbaine pendant la Can 2019
Les chantiers sont à l’arrêt depuis des mois et accusent un grand retard par rapport à leur livraison arrimée à l’échéancier des préparatifs de la Can 2019.
Une bretelle qui talonne le siège de Dynamique Citoyenne sis face lycée d’Anguissa (Yaoundé IV) n’est plus ouverte à la circulation depuis fin août dernier. Aucun engin. Aucun ouvrier. Seuls quelques tas de graviers indiquent que le site reste en chantier. Ce 8 novembre 2018, l’activiste Jean-Marc Bikoko s’inscrit dans le sens de l’Histoire. «Paul Biya, l’actuel président, a résidé juste-là dans les années 80; en ces temps-là la route était bonne», se souvient le point focal de la Coalition internationale Tournons la page. «On a certainement pensé à l’arranger, mais tout est à l’arrêt», enrage-t-il. Il s’ensuit que, quelles que soient les positions des uns et des autres concernant le devenir de cette route, le chantier tournait à plein temps avant la présidentielle 2018. D’une certaine manière, l’arrêt ou l’abandon de ce chantier est un exemple d’une problématique qui se généralise à l’échelle de la capitale.
Cet après-midi, à Etam-Bafia, toujours dans le 4e arrondissement, sur le tracé préparé par l’entreprise Arab Contractors, des cochons gambadent en famille, cohabitant tranquillement avec des chiens perdus. Seuls quelques kilomètres de galeries ont été creusés de part et d’autre pour reconnaître les couches géologiques. Le tableau amène à s’interroger sur le statut du chantier. La tension est palpable dans le quartier. Inutile de s’attarder sur les formes prises par la colère et sur le sort des familles dont les maisons ont été cassées sans accompagnement.
Inutile de s’attarder aussi sur l’état de la route à la suite d’une moindre pluie. Quelques riverains parlent de « pause ». Les travaux seraient donc à la pause. Sur le sujet, les commentaires opèrent plus par ce qu’ils révèlent que parce qu’ils expliquent. « Un beau matin, relate Ondja Balla, on nous a dit que l’argent est fini. Par conséquent, tout devrait s’arrêter ». Approché, Arab Contractors ne donne aucune suite, malgré toute insistance.
À Nkomkana (Yaoundé II), la situation est déjà érigée en enjeu d’actualité. «C’est ainsi on vogue entre abandon et prolongation d’études à échéances aussi douteuses que lointaines», fulmine Oscar Kankeu. Derrière une grille que des engins lourds avaient rageusement détruite à l’entame des travaux de réhabilitation de la route Immeuble Macabo-Mokolo, cet enseignant aperçoit la lente dégradation d’un lieu laissé à l’abandon. Les nids de poules et des écuelles y reprennent droit de cité. Parmi les riverains, beaucoup émettent l’hypothèse que l’inachèvement des travaux, constaté peu avant l’élection présidentielle du 7 octobre, ne se limite pas au manque d’argent. «L’entrepreneur aurait déposé le bilan», conclut Valentin Djoumbissi.
S’il l’on peut émettre des réserves sur la part de vrai de cette affirmation, et certains constats sont impossibles à nier. «Prévus pour 12 mois, les délais sont largement dépassés par MAG Sarl, l’entreprise qui pilote les travaux», fait constater Oscar Kankeu. Au détour d’une rumeur qu’il rapporte, il assume que «des responsables véreux au ministère des Finances sont à l’origine de l’arrêt des chantiers».
«À Anguissa, Etam-Bafia, Nkomkana et ailleurs dans la ville, les chantiers sont mis en œuvre dans le cadre du Plan d’urgence triennal pour l’accélération de la croissance économique (PLANUT), volet voirie, sur un financement du budget spécial PLANUT et la durée des travaux est fixée à 12 mois», renseigne la cellule de communication du ministère de l’Habitat et du Développement urbain (MINDHU), par ailleurs maître d’ouvrage. Dans ce rôle, cette institution gouvernementale est appuyée par un maître d’ouvrage délégué : la Communauté urbaine de Yaoundé (CUY). L’on assure que les travaux devraient reprendre pour cadrer avec l’échéance de la Can 2019.
Jean-René Meva’a Amougou
Haman Kaela
« Distinguer abandon et retard »
Le spécialiste de marchés publics donne son avis sur la situation. Il élabore aussi des pistes pour relancer les travaux du volet voirie du PLANUT à Yaoundé.
Plusieurs chantiers de routes de Yaoundé sont à l’arrêt. Des voix crient à l’abandon et d’autres parlent simplement de retard par rapport aux délais arrêtés dans les différents contrats. Quelle appréciation en faites-vous ?
Tout d’abord, la notion d’abandon de chantier est à distinguer du retard. En effet, dans le premier cas il s’agit d’une interruption injustifiée des travaux, et ce pour une durée anormalement longue. L’entreprise devra donc nécessairement apporter un motif réel justifiant l’interruption ou le retard dans la réalisation des travaux. Sachez dans un premier temps que c’est le contrat ou le devis que vous avez signé avec l’entreprise qui vous lie légalement et qui définit les obligations de chacune des parties. Dès lors que vous avez procédé au paiement, l’entreprise contractante devra remplir la part de ses obligations, sauf si elle justifie cette interruption par un cas de force majeure ou un cas fortuit, à défaut elle devra justifier un retard par des intempéries ou une période de congé par exemple.Par ailleurs, les cas de force majeure ou cas fortuit sont particulièrement difficiles à prouver puisqu’ils correspondent à une catégorie bien particulière d’événement, il s’agit en effet, des situations exceptionnelles, imprévisibles, insurmontables et extérieures aux personnes concernées, ce sera le cas exemple d’une catastrophe naturelle ou d’un incendie.
Que risque l’entrepreneur ?
D’une part, une obligation de résultat pèse sur l’entrepreneur. D’autre part, ce dernier a l’obligation d’indiquer dans le contrat une date à laquelle il s’engage à exécuter la prestation promise. Tous les contrats de construction de routes sont assortis d’une garantie de livraison. Ainsi l’entrepreneur a l’obligation de souscrire une garantie de livraison auprès d’un établissement de crédit, et ce à prix et délais convenus. Cette garantie prend effet dès le premier jour de la construction et vous couvre pour tous les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution des travaux. Par ailleurs, elle est obligatoire pour ce type de contrat et une attestation devra être annexée à celui-ci, si ce n’est pas le cas, l’entrepreneur risque des sanctions pénales.Quels sont les recours de l’État ?
Lorsque le contrat n’est pas exécuté, l’État peut demander la résiliation du contrat. Il peut invoquer l’exception d’inexécution. Cette solution n’étant intéressante que pour les cas où l’entrepreneur n’a pas déjà été payé par avance. L’État peut aussi demander à une entreprise tierce d’effectuer les travaux aux frais du débiteur après constat de l’abandon de chantier par un huissier.Quelles sont les précautions que l’État doit prendre ?
En tout état de cause, avant de vous engager auprès d’une société, il n’est pas inutile de vérifier que celle-ci existe bel et bien et que sa situation financière n’est pas précaire. Aussi, il est important de rendre transparente l’attribution des marchés publics. On le sait, certaines entreprises proposent des prix très bas afin de rafler la mise, or il s’agit le plus souvent d’arnaque.Propos recueillis
par Jean René Meva’a Amougou
Cimetière de Ngousso (Yaoundé V) : Ballade avec les démons de minuit et de midi
À l’occasion de la fête des défunts ce 2 novembre, votre journal vous invite à une excursion au cœur de l’une des nécropoles les plus anciennes de la capitale. Reportage.
Tranche de vie au cimetière de Ngousso. Polycarpe, l’un des gardiens du cimetière de Ngousso, a la mine hérissée ce soir du 2 octobre 2018. Il dit ne pas apprécier les restes de poulets que deux jeunes visiteuses lui ont laissés au petit matin. «Elles étaient là, je leur ai facilité le tour du cimetière, et voilà les déchets que je mérite», s’emporte-t-il devant un homme déclarant être là «pour le pèlerinage».
Pendant que Polycarpe étreint du regard l’immense silhouette placée devant lui, quatre femmes à la peau brillante le sollicitent pour leur indiquer le parking des candidats à la visite des lieux la nuit. «Sûrement des nouvelles !», murmure Polycarpe. En tout cas, les quatre visiteuses se trouvent à la bonne adresse. Ceux qui sont enterrés ici, il les appelle «ses morts». Au fil des ans, dont 23 passés ici, il a vu cette parcelle de près de 3 hectares se remplir. Désormais, on s’y fait enterrer plus rarement.Au cœur de la nuit
«Je connais partout ici», se vante-t-il. Entre deux rasades d’alcool traditionnel, il se presse de décliner quelques modalités pratiques aux bleus. «Si vous êtes nouveaux, là-dedans, on marche comme au musée. Ce sont des morts, nous sommes des vivants qui mourront un jour. On s’entend bien ?» interroge-t-il. Dans les rangs des «pèlerins», la question semble provoquer un vertige. Personne ne donne cependant de réponse.Ici à l’entrée du cimetière, il est 21 heures. Une horde de 13 personnes fend la nuit. L’écoute attentive de chaque bruit confond la peur. Il y a les lourds battements d’ailes des chauves-souris. Il y a les coassements des crapauds. Parfois, les hurlements d’une hyène. «Cette hyène-là, on ne la voit jamais depuis que ce cimetière existe ; mais elle est là» renseigne Polycarpe. Dans la pénombre, on aperçoit des gens qui friment, les pieds calés sur des plaques mortuaires. Ceux-là se sont déjà taillé une place dans un gang parmi les plus puissants qui, rapporte Polycarpe, gouvernent ce territoire. Du fond d’un caveau aménagé en smoking room, ils s’esclaffent à notre passage.
« Golgotha »
Pour le «pèlerinage», deux diseurs de prières et autres invocations allument des cierges autour d’un conglomérat de tombes situé au nord-est du cimetière. Le lieu s’appelle «Golgotha». Là, il exige à chacun des visiteurs de décliner clairement l’objet de sa présence. Un homme d’un âge respectable signale qu’il veut du travail ; alors il est venu avec le «truc exigé depuis la semaine dernière» : un chaton noir. Torse nu, une dame tient amoureusement son coq blanc contre sa poitrine. Elle dit être en disgrâce dans un foyer polygamique à Tongolo. «Je veux ma place», répète-t-elle en boucle. Emportée par son ventre rond d’une grossesse avancée, une jeune fille déclare qu’elle est étudiante. Une imposante carapace de tortue, c’est son «truc» à elle. Son vœu : «mettre au monde un garçon à tout prix», tout à l’opposé de la probabilité étalée par deux échographies. L’enjeu est grand : c’est la condition pour conquérir définitivement le cœur d’un finissant au cycle magistrature de l’Enam. Derrière Polycarpe, une voix féminine parle de son soutien-gorge en attente dans un sac plastique. Elle est convaincue qu’il y a deux ans, on lui a jeté un sort et qu’on l’a maquillé en cancer du sein. «Je veux guérir !», supplie-t-elle. Deux femmes veulent prospérer dans leurs affaires. «Seuls ces cas sont traités à partir de minuit ; le reste, rentrez !», décrète un homme aux allures de gourou.Randonnée diurne
Dès 11 heures le lendemain, le même trajet est arpenté. Ce qu’on n’a pas pu voir la nuit s’expose. Des feuilles jonchent le sol entre les plus anciennes tombes. Comme le cimetière lui-même, elles sont si anciennes que sur certaines, les inscriptions se sont effacées. Elles sont là à quelques mètres de l’entrée, exposées au soleil, aux vents et à la pluie. Il est même clair qu’on y a mis le feu, dans une tentative de les faire «respirer». La rumeur rapporte que des ossements se retrouvent à l’air libre et dispersés en contrebas du cimetière. Les chiens errants déterreraient des cadavres et partiraient avec les os. Les précipitations abondantes renforceraient le processus.Par endroits, certaines se parent de mosaïques multicolores. Bien entretenues, ce sont des mausolées familiaux de belle facture. Des chewing-gums déjà mâchés y sont amoureusement collés. Les hommages les plus variés fleurissent à côté des mégots ou des bouteilles de whisky.
D’autres, en cours de rénovation, lèvent le voile sur ce qu’il se passe ici. De temps à autre, des malfaiteurs vandalisent ces sépultures. Un maçon raconte que des matériaux en plomb et en cuivre ont été arrachés sans scrupule sur la tombe qui l’occupe depuis deux jours. Cela est à interpréter dans le contexte de forte prévalence de la pauvreté dans le voisinage. Par ailleurs, dans un contexte de rattrapage spatial de l’urbanisation autour du cimetière, des pratiques irrégulières s’y développent : des riverains viennent ici pour faire leurs besoins… sans se cacher.
Des tas d’ordures s’y amoncellent. S’il est théoriquement interdit de traverser le cimetière et d’y déambuler sans autorisation municipale, en journée, le cimetière de Ngousso devient un capharnaüm géant plutôt qu’un lieu de recueillement. Il semble compter comme occupants autant de morts que de vivants. On peut y observer des enfants qui jouent entre les tombes. Aux yeux hébétés, l’un d’eux gonfle de son souffle le sac en plastique qu’il tient contre sa bouche, avant d’aspirer l’air, chargé du solvant industriel vendu pour décaper les sols. Il avoue être incollable sur le squelette humain. Par endroits, il est difficile de juger si ce sont les maisons qui ont empiété sur les tombes, ou le contraire. En fait, pour les habitants, cela semble avoir peu d’importance.
Jean-René Meva’a Amougou
Dr Arnaud-Jorest Ngaba : «Aller faire des sacrifices au cimetière, quel gâchis !»
Le psychologue interprète les pratiques magico-culturelles dans les nécropoles comme l’expression de «la peur de perdre».
Comment expliquez-vous la ruée des gens vers les cimetières ?
Vous m’amenez là à m’étendre sur les mécanismes intrapsychiques qui agissent en l’individu désireux d’atteindre un but à tout prix, et de son choix de la meilleure façon de canaliser sa détresse ou son chagrin. Brièvement dit, les données psychologiques en la matière, ainsi que leurs analyses sont avant tout restées centrées sur les morts et sur ce que ces derniers font faire aux vivants. Sur la base de cela, j’estime que les pratiques occultes culturelles qui ont cours dans nos cimetières ne doivent pas être saisies comme une unité d’analyse indépendante ni comme un système de rituels ordonné et clos sur lui-même. Ces pratiques doivent, au contraire, être comprises en fonction des chroniques sociales et interpersonnelles à côté desquelles elles viennent s’inscrire.Les façons d’exprimer un désir et de percevoir soi-même les affects conditionnent la mise en place d’un dispositif rituel. En d’autres termes, l’interprétation faite par les différents acteurs de la souffrance oblige à se comporter de cette manière, plus ou moins conforme, plus ou moins convenue ; à suivre, adapter, négocier ou inventer des pratiques rituelles. Plus simplement, si les gens vont dans les cimetières, il faut s’interroger sur leurs postures quand un avantage tend à les échapper. Et généralement, c’est l’enchaînement des réactions psychiques à la peur de perdre qui structure la ruée des esprits mal préparés vers les cimetières. Et parmi eux, il y en a qui ont peur d’être limogés ; d’autres ont peur de ne pas être promus ; d’autres encore veulent avoir le contrôle sur tout…
Doit-on comprendre qu’il est inutile de s’y rendre pour exposer ses désirs ?
Absolument ! Je vous ai dit que les réactions humaines par rapport à la peur de perdre sont fédérées dans une approche qui met globalement en avant la nécessité de préserver le lien d’attachement à l’objet par une reconstruction du sens de cet objet. Aller faire des sacrifices au cimetière, quel gâchis ! C’est dans la tête que tout se joue. N’a-t-on pas vu des sportifs perdre un match après avoir passé la nuit au cimetière ? Bien plus, celui qui prétend vous aider, en a-t-il la capacité ? C’est dire combien les incantations et bien d’autres pratiques dans les cimetières constituent un gros bluff.Jean René Meva’a Amougou
Couvre-feu : Bamenda, la vie en 12 heures…
Le durcissement de la restriction des mouvements des biens et des personnes, désormais autorisé seulement entre 6 et 18 heures, crée une ville fantôme de fait. Tranches de vie.
Bamenda se vide au jour le jour Bamenda, capitale régionale du Nord-ouest, ce jeudi 13 septembre 2018. Il est environ 17h. Le portail du marché central de la ville vient de fermer. Au pas de course, chacun essaie de regagner son domicile avant 18 heures. Initialement fixé à 21 heures, c’est désormais à cette heure que débute le couvre-feu selon une décision d’Adolphe Lele Lafrique Deben Tchoffo, gouverneur de la région, prise le 9 septembre 2018.
En fait, cette décision renforce le couvre-feu en vigueur dans la région. Lequel passe de 21h à 5h à 18h à 6h du matin. La veille, des hommes armés ont coupé la ville pendant des heures du reste du pays en creusant une tranchée sur la chaussée sur la nationale N°6 au niveau d’Akum. Les assaillants dont certains brandissaient le drapeau de l’Ambazonie, s’en sont également pris à des bus de transport, tuant un chauffeur et faisant de nombreux otages.
Soudain, le ciel s’assombrit et une forte averse dégringole, poussant la majorité des personnes à s’agglutiner quelques parts. C’est la même situation du côté du marché des vivres et même au marché de Nkwen. Les plus téméraires foncent dans la pluie afin d’arriver chez eux avant l’heure H. Tout le monde n’y réussira pas.
Ville fantôme
Au lieudit Mile 4 Junction, il est 18h13mn, des gouttelettes de pluies tombent encore après l’orage qui vient de s’achever. L’on observe encore des mouvements de personnes et de véhicule. Sur ces entrefaites, les pandores de la brigade de recherche de Mile 4 envahissent la route et tirent de façon continue en l’air. Un moyen dissuasif pour pousser les retardataires encore dans la rue à retourner à la maison. C’est la débande totale, chacun prend ses pieds à son cou. En un laps de temps la rue se vide. La ville fantôme prend droit de cité.
En cette période de couvre-feu, les mouvements des véhicules et des personnes sont prohibés. Le lieutenant-colonel Edgar David Petatoa Poufong, commandant du 50e groupement des sapeurs-pompiers annonce la disponibilité de ses services à venir à la rescousse des personnes en détresse. «Si quelqu’un est malade, si une femme enceinte est en travail, si quelqu’un a un AVC, s’il y a un incendie déclaré, s’il y a un accident, il faut appeler le 118, se présenter, donner son numéro de téléphone, décrire la nature du problème afin que nous prenons des dispositions pour lui apporter l’assistance adéquate une fois sur le terrain». Toutefois, il met en garde contre les appels fantaisistes.
Abus
La veille, au check point de mile 4, Michael Ngwa, un taximan est surpris par le couvre-feu. «J’ai pris des passagers de Bambui pour Bamenda hier (mercredi dernier Ndlr). Je suis arrivé à Mile 4 à 18h 02mn alors que des gendarmes venaient à peine de s’installer au poste de contrôle. Ils m’ont interpellé. Chaque passager dans mon véhicule était obligé de négocier sa libération avec un billet de 1000 F et moi j’ai dû payer 2000 F», raconte-t-il. Une attitude que réprimande le général de Brigade Agha Robinson Ndong, commandant de la 5e région militaire interarmées (RMIA). Le haut-gradé avise notamment: «tous ceux qui sont coupables d’exaction, d’arnaque sont punis et extirpés de la région du Nord-ouest. Le haut commandement ne cautionne pas des attitudes déviantes». Il ajoute «sur instruction du haut commandement, nous avons à notre niveau, conseillé à nos éléments déployés sur le terrain d’être amical, proche des populations. De ne pas extorquer, nuire les populations, de les accompagner dans leurs activités quotidiennes».
Muma Peter, un autre taximan a manqué de juste d’être parmi les premières victimes de cette mesure de l’autorité administrative: «je rentrais de Bambili pour la ville de Bamenda le 9 septembre. J’ai eu une crevaison au niveau de la pharmacie Andreg à Mile 4 Nkwen. Il était 17h45mn. Pendant que je remplaçais la roue, j’ai vu des gens courir et j’ai demandé ce qui se passait. C’est alors que l’un m’a demandé tu n’es pas au courant? J’étais perplexe et ne comprenais rien. C’est alors que j’ai reçu un coup de fils de mon voisin m’informant de l’arrêté du gouverneur prohibant la circulation à partir de 18h. J’étais obligé de garer mon véhicule à la station-service et regagner à pas de course mon domicile».
Impact économique
Du fait de ce couvre-feu, l’activité économique déjà fortement perturbée par l’insécurité a pris un nouveau coup. «C’est généralement à partir de 18h que je commençais à recevoir des clients parce qu’en journée chacun est occupé. Je ne fais plus de recette. Avant quand le couvre-feu débutait à 21h, je pouvais en moins de 2h de temps faire une recette de 50 mille francs. Voilà qu’aujourd’hui je ne peux même pas avoir 5 mille. Je risque faire banqueroute. Je me demande comment vais-je faire pour rembourser le prêt contracté auprès d’un établissement de micro-finance», s’inquiète Rayim Kemegni, gérant de débit de boissons au lieu-dit City-Chemist Round-about. Les propriétaires des lieux ludiques sont dans la même situation.
Autrefois, une ville bouillonnante dans la nuit, avec ses cabarets, bars, night-clubs et autre points chauds dont le coin de débauche par excellence Mobil Nkwen, Bamenda est aujourd’hui à l’image d’un cimetière. A partir de 18h, les flonflons de véhicules et motos se taisent. Les haut-parleurs des églises réveillées et autres baffles de sonorités cèdent la place à un silence de mort. Même dans les chaumières, les volumes des écrans téléviseurs sont réduits au minimum, s’ils ne sont simplement pas éteins. Chacun est sur le qui-vive. Certains vont au lit très tôt. «Je dors moins de 5h de temps chaque nuit parce qu’on se sait jamais par où le danger peut venir» lâche Willibroad Vedzenyuy pour qui «si je suis encore à Bamenda, c’est parce que je n’ai pas de relation dans une autre région». Michel Taboula ne dit pas autre chose «c’est mon emploi qui me retient encore ici. J’ai envoyé les enfants poursuivre leur éducation à Bafoussam, Douala et Yaoundé».
Vague d’exode
Après la journée de ville morte observée lundi 10 septembre, les agences de voyage de transport interurbain faisant la ligne Bamenda- Bafoussam, Douala et Yaoundé sont submergées. Ce qui a fait dire à un observateur averti que le degré d’exode à Bamenda est supérieur à celui contenu dans le livre d’exode dans la bible. Dans l’une de ces agences visitées jeudi matin autour de 11h, l’un des responsables qui a requis l’anonymat nous fait dire qu’une dizaine de bus sont déjà partis mais les passagers ne font qu’affluer. «Nous sommes débordés, nous leur expliquons qu’il n’ya plus de bus mais ils ne veulent pas entendre. Certains ont même passé la nuit à l’agence afin de s’acheter un ticket tôt ce matin» laisse-t-il entendre.
Du coup le prix des tickets de transport entre Bamenda et Yaoundé ou encore Bamenda et Douala a été revu à la hausse. Il faut débourser entre 8 et 10 mille francs CFA désormais, loin des 5600 et 5000 exigés en temps normal. A finance Junction, les transporteurs individuels exigent 4 à 5 mille francs aux passagers en partance pour Bafoussam. Or le prix homologué est de 1500 francs. Ici les passagers se bousculent lorsqu’un véhicule en provenance de Bafoussam gare. Les responsables d’agence justifient cette augmentation par le fait que les bus reviennent vides de Douala, Yaoundé, Bafoussam. Par conséquent, l’additif vise à compenser le carburant utilisé sur ce trajet retour.
Ce flux de la population qui quitte Bamenda a caracolé avec la sortie des leaders séparatistes dont Ivo Tapang Tanku sur les réseaux sociaux. Ce dernier enjoint à population du Nord-ouest et singulièrement celle de Bamenda de se terrer à domicile du 16 septembre au 10 octobre. Il affirme que ses éléments vont empêcher toute entrée de véhicule dans la région du Nord-ouest à partir du péage de Matazen par Santa pendant la période indiquée. Ceci afin de bloquer les charters de vote et partant, empêcher le déroulement de la présidentielle dans la région.
Zéphirin Fotso Kamga à Bamenda