Covid-19: la pandémie et ses paradoxes

En s’imposant comme l’un des principaux problèmes à l’ordre du jour sanitaire actuel au Cameroun, la communication gouvernementale met en scène des chiffres rassurants, en même temps que la gravité de la situation.

Jeudi 28 avril 2022, Manaouda Malachie a invité les populations «à reprendre l’observance des mesures barrières édictées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le gouvernement». Dans un communiqué de presse, le ministre de la Santé publique (Minsanté) a fondé sa directive sur le volume des échanges avec plusieurs pays d’Afrique, d’Asie et d’Europe. Quelques jours auparavant (le 7 avril 2022 plus précisément), Manaouda Malachie se fendait en un tweet. «Au 6 avril 2022, la situation épidémiologique du Covid-19 au Cameroun fait état de 119 780 cas positifs, 117 791 rémissions, 1 927 décès, 62 cas actifs, aucun patient hospitalisé. Le taux de guérison est de 98,3%, le taux de létalité est de 1,6% et le taux de sévérité 0%», avait alors posté le Minsanté.

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«Si l’on veut bien réfléchir, on voit que se pose ici une question de communication», postule Dr Évariste Mbia. Du point de vue de cet économiste de la santé publique, des signifiants, donnant une interprétation confuse de la réalité se sont imposés avec fulgurance sur la scène. «Des chiffres contradictoires ont été assénées par des experts, provoquant à la fois une anxiété diffuse et désinvolture parmi la population», assène-t-il. Pour alimenter ce débat, Dr Évariste Mbia estime que la gestion de la pandémie au Cameroun met au défi une culture managériale très hiérarchique fondée en grande partie sur le «Command and Control». «Résultat en grande partie d’un processus incontrôlable, ce qui se produit alors peut entraîner des résultats imprévisibles et être extrêmement perturbateur», avise Dr Évariste Mbia. Il ajoute d’ailleurs qu’«en s’imposant comme l’un des principaux problèmes à l’ordre du jour sanitaire actuel au Cameroun, le paradoxe induit est celui de la valorisation des chiffres rassurants, en même temps que la gravité de la situation».

Au vrai…
L’évolution de la situation dessine le cadre de deux attitudes paradoxales. La première, assume Dr Jules Habge (épidémiologiste), prouve que, dans le feu de l’urgence, face aux incertitudes liées notamment aux perturbations des chaines logistiques et aux pressions sur les coûts et sur sa trésorerie, l’État s’emploie à montrer que les effets meurtriers du Covid-19 se dissipent peu à peu. «La contagiosité et la virulence du Covid-19 semblent en effet être diluées dans des actes chiffrés d’une normalisation comptable et financière, pour masquer la pénurie de ressources d’un système hospitalier éreinté par les restrictions budgétaires», croit savoir Dr Jules Habge.

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La deuxième, avance encore le praticien, consiste à faire des variants du Covid-19 des «instruments» capables de générer un bon alibi pour le resserrement de la vie quotidienne. Bien plus: Il semblerait que certaines administrations publiques utilisent la crise actuelle a leurs profits, et pas uniquement pour la gestion de la crise. C’est du moins ce que pense le Dr Albert Ze (un autre économiste de la santé publique). «Il y a des gens qui ne peuvent pas dormir sans dire merci au Covid-19», ironise-t-il, sans ajouter de détails.

Au Minsanté, l’on assure que l’avis des experts de la santé publique (notamment des spécialistes de la gestion des pandémies) a souvent été abondamment sollicité. «L’État a toujours cherché à appuyer ses décisions sur un diagnostic et parfois même un pronostic de santé publique le plus fiable possible. Jour après jour, le gouvernement a ainsi agi à l’aune des recommandations du Conseil scientifique, qui ont globalement constitué la boussole des orientations prises pour gérer la pandémie», confie Claver Nkeng, responsable de la cellule de communication.

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