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Yaoundé : voiture contre parcelle de terrain

Ce troc gagne du terrain dans la périphérie de la capitale camerounaise. Gros plan sur ce nouveau mode d’acquisition foncière.

 

Le commerce triangulaire dans l’antiquité était basé sur le troc. Une pratique de plus en plus utilisée au Cameroun, surtout dans les zones où l’on vend du terrain. Particulièrement dans les arrondissements mitoyens à Yaoundé. Il s’agit de Mfou avec les zones comme Nkongoa, Nkolnda, Nsimalen. À Soa, sur un Nkolfoulou et Tsinga. À Nkolafamba, c’est Nkoabang, Nkolmeyang ou encore Nkolo qui respecte le haut du pavé. Les fils des propriétaires terriens et les jeunes propriétaires constituant la jet set et le gros de la clique ayant recours à cette pratique. Ils croquent la vie à grosses dents. Et pour rendre leur lubie encore plus intéressante, il ya l’acquisition des voitures. Pour les avoir plus facilement, ils procèdent par le troc : terrain contre voiture. Dans le jargon, ils préfèrent parler de transaction.

Les vendeurs de voitures d’occasion constituent la principale clientèle. Jules en est un et il est basé à Mbankolo 2e arrondissement. Sa spécificité réside dans la transaction. Il reçoit les véhicules des camerounais vivants à l’étranger et souhaitant recevoir les lopins de terre au pays. Jules, grâce à son carnet d’adresse et ses contacts parmi les agents immobiliers, propose aux autochtones de prendre les voitures contre le terrain. Actuellement, ce dernier a plus de 3 ha de terrain entre Mfou et Nkolmeyang.

Paul, fils d’un propriétaire terrien à Nkongoa, est conduit manu militari auprès du parquet du tribunal de grande instance de Mfou. Il y a 6 mois que ce dernier roule dans une Toyota «tête de cochon», contre 1000 m2 au lieu-dit Mendong II (Mfou). Quand Roger, donateur du véhicule, veut construire sa maison, la famille de Paul s’y oppose. Le terrain est encore indivis, «Paul n’est pas sûr d’avoir 1000 m2», explique Janvier, le grand frère de Paul. Ne pouvant plus rendre la voiture, il propose à son client une autre solution. 2 000 m2 à Ba’aba le village de sa mère du côté de Soa.
A l’observation, même les fonctionnaires du Mindcaf sont passés maîtres dans cette pratique. Pour mieux appâter les villageois, Moubarack, la soixantaine et originaire de Nkilzock (Mfou), proposent d’offrir une Toyota 9 places. Il la donne à son fils pour faire le clan entre Awae escalier et Mfou. En contrepartie, le vieil homme signe le protocole d’accord avec un groupe de géomètres afin qu’ils financent la sortie des titres fonciers sur près de 40 ha. «Combien il perdra?», s’interroge l’une des filles du monsieur. Elle n’approuve pas cet accord.

On apprend auprès des autres géomètres que certains de leurs collègues pour brouiller les pistes et ne pas être accusés d’avoir des conflits d’intérêt passent par un semblant de vente. « Celui-la peut prendre 3 ha de terrain pour un pickup. Et ils utilisent les prêtes-noms», dénoncent-ils.
Les magistrats et greffiers de ce département stratégique ne sont pas en reste. N’ayant pas d’argent ou ne voulant pas donner du cash, on préfère donner une ou deux voitures aux villageois. Ajouté à cela, on promet la protection sur le plan judiciaire aux clients.

Il n’est pas exclu de voir une famille ou une personne influente des familles remettre en cause la transaction. À peine avoir acquis une Hyundai Tucson, Mbarga se voit sommé par son grand frère professeur de lycée de retourner le véhicule à son propriétaire. «Tu as l’argent pour entretenir cette voiture. À 21 ans, tu ne peux pas chercher à faire quelque chose ?», menace l’enseignant. Mefiro, ancien propriétaire s’y refuse. Le gars a vu 1000 m2 à Nkongoa et ne veut pas laisser passer sa chance. «Si j’achète ce terrain, je dépose 15 millions alors que la voiture vaut à peine 6 millions». Ce troc ne passe pas, la famille de Mbarga décide de rembourser la voiture. « Vous estimez votre voiture à combien ? Vous trompez un naïf comme ça pourquoi ? Reprenez votre vieille voiture et ne revenez plus ici», somme la famille à Mefiro.

Me John Faustin Mba, avocat au Barreau du Cameroun, dénonce ce commerce. Il parle alors de dol. Selon le professionnel du droit, « les véhicules sont très loin d’avoir la valeur du terrain. Une voiture de 3 à 4 millions pour 1 500 m2 évalué à 25 millions, il y a un problème. Cette pratique doit disparaître et le pays risque gros», juge-t-il.

AGB

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