INTÉGRATION RÉGIONALEMAIN COURANTE

Trop… C’est trop !

Dans le but d’adapter les règles fiscales internationales aux réalités du XXIe siècle, 136 pays et juridictions représentant plus de 90% du PIB mondial ont conclu un accord dit «Accord fiscal mondial OCDE/G20».

C’était en début octobre de cette année. Dans son esprit et sa lettre, ledit accord permettra de réattribuer à des pays du monde entier plus de 125 milliards USD de bénéfices d’environ 100 entreprises multinationales parmi les plus grandes et les plus rentables au monde, de sorte que ces entreprises acquittent leur juste part de l’impôt quelles que soient les juridictions où elles exercent leurs activités et réalisent des bénéfices. «L’accord conclu permettra d’améliorer le fonctionnement de nos accords fiscaux internationaux et les rendra plus équitables», a déclaré Mathias Cormann. D’après le secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «il représente une grande victoire à mettre au crédit d’un multilatéralisme efficace et équilibré. Cet accord ambitieux garantit que notre système fiscal international est adapté aux réalités de l’économie numérique et mondialisée d’aujourd’hui. Nous devons maintenant agir avec célérité pour assurer la mise en œuvre effective de cette réforme de grande ampleur».

Aux yeux des organisations de la société civile (OSC) africaine, tout cet argumentaire a l’air d’une grosse escroquerie. La semaine dernière, elles ont appelé au rejet de l’accord, au motif que celui-ci «ne fonctionne pas pour les pays en développement» d’une part, et que «de façon pratique, les capitales des nations riches en bénéficieront. Les pays en développement, d’où sont souvent extraits ces bénéfices, et qui ont le plus besoin de ces revenus pour financer le développement et les services publics, ont été laissés de côté», d’autre part. «Nous appelons donc tous les pays en développement du Sud à rejeter la proposition de l’OCDE/ G20 et à soutenir l’appel à un processus de réforme fiscale internationale véritablement inclusif, juste et démocratique, dans lequel les intérêts du continent africain sont pris en compte. Nous appelons les pays du Sud à rejeter la proposition d’accord fiscal de l’OCDE/ G20», peut-on lire dans leur déclaration.

On aura compris que, pour les OSC africaines, trop c’est trop. Un processus de réforme fiscale mondiale doit être véritablement inclusif, juste et démocratique afin que les intérêts de l’Afrique soient pris en compte. Ni le G7, ni le G20, ni l’OCDE ne sont des plateformes au sein desquelles les intérêts des nations en développement, notamment celles d’Afrique, peuvent être représentés équitablement. Ce d’autant plus que, affirment les OSC africaines, «depuis des décennies, les pays africains condamnent l’évasion fiscale systémique pratiquée par les multinationales, qui coûte au continent 89 milliards USD en manque à gagner».

À cette aune, le transfert massif de richesses du Sud vers d’autres destinations apparaît donc de manière flagrante. Et les OSC africaines craignent le pire, au moment où le poids des firmes multinationales s’est considérablement accru dans le monde (l’ONU recense environ 45 000 multinationales cotées en Bourse). Elles craignent surtout qu’au détriment de l’Afrique, le schéma esquissé par le Général De Gaulle (à propos du Sahara) en conférence de presse le 5 septembre 1961 («Notre ligne de conduite, c’est celle qui sauvegarde nos intérêts et qui tient compte des réalités. Quels sont nos intérêts? Nos intérêts, c’est la libre exploitation du pétrole et du gaz que nous avons découvert et que nous découvririons»), ne soit plus celui du XXIe siècle.

Jean-René Meva’a Amougou

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