INTÉGRATION RÉGIONALEMAIN COURANTE

Transition militaire au Gabon : dans les tenailles de la CEMAC et de la CEEAC

Le régime presque sexagénaire de la famille Bongo est tombé ce 30 août 2023. Il est remplacé par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). Le puissant patron de la Garde républicaine est depuis lors choisi par les putschistes pour diriger le pays. Le général Brice Clotaire Oligui Nguema prête serment en qualité de président de la transition ce lundi 4 septembre 2023. À la grande satisfaction des populations dont les manifestations de joie et de solidarité envers les militaires tournent en boucle dans la plupart des médias.
Et pour renforcer le sentiment de délivrance, plusieurs mesures sont immédiatement prises par le nouvel homme fort du Gabon. Le CTRI annonce d’une part que «Monsieur Ali Bongo Ondimba est gardé en résidence surveillée. Il est entouré de sa famille et de ses médecins». Le colonel Ulrich Manfoumbi Manfoumbi, porte-parole du pouvoir de transition, annonce d’autre part des poursuites à l’encontre de plusieurs personnalités pour des faits de «haute trahison contre les institutions de l’État, détournement massif des deniers publics et de malversations financières internationales en bande organisée». Est en l’occurrence concerné, Nourredine Bongo, le fils du chef de l’État proclamé vainqueur de l’élection présidentielle du 26 août dernier par le Centre gabonais des élections (CGE).

Séduction
Le général Brice Oligui Nguema ordonne dans la foulée la remise de l’Internet et la levée de la suspension de diffusion de plusieurs médias étrangers. Le meilleur moyen d’en faire les témoins de l’engouement populaire suscité par sa prise de pouvoir sans effusion de sang. Autres mesures de séduction prises ce 31 août 2023, «la reprise des vols domestiques; la reprise immédiate du travail et la continuité des services; le respect de tous les engagements du Gabon vis-à-vis de ses partenaires tant à l’intérieur qu’à l’extérieur; et la réouverture avec effet immédiat de toutes ses frontières», indique un communiqué. Des consultations ont en outre eu lieu avec le clergé, les milieux d’affaires, des chefs de mission diplomatique, et les partis politiques.

Condamnations
Véritable héros à l’intérieur des frontières gabonaises, le général Brice Oligui Nguema fait pourtant face à l’hostilité des autres pays de la Cemac, de la CEEAC, au-delà de l’Union africaine (UA) et de la communauté internationale. «Le président en exercice de la Conférence des chefs d’État de la Cemac, Son Excellence Pr Faustin Archange Touadéra, suit avec une profonde préoccupation les développements de la situation en République du Gabon». Dans le même communiqué signé ce 30 août 2023, le chef de l’État centrafricain «condamne fermement la tentative de coup d’État en cours dans ce pays frère». Et poursuivant dans sa logique de réprobation, il «appelle instamment au retour à l’ordre constitutionnel, au respect de l’intégrité physique et à la libération sans condition de Son Excellence Ali Bongo Ondimba, président de la République gabonaise, et des membres de sa famille».

Une position de condamnation soutenue par la Commission de la CEEAC «en vertu des principes sous-tendant le Traité de la Communauté», souligne ce 30 août 2023 son président, Gilberto Da Piedade Verissimo. Le gouvernement camerounais s’aligne également sur cette politique. Il rappelle ce 31 août 2023 par la voix du ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi, «que le changement anticonstitutionnel de gouvernement en cours viole les principes fondamentaux et les valeurs de la Cemac et de l’Union africaine». Le Tchad appelle à son tour «au retour à l’ordre constitutionnel et invite à une réunion de la CEEAC». Un Sommet extraordinaire des chefs d’État en format Conseil de Paix et Sécurité (Copax) s’est justement tenu par visioconférence ce 31 août 2023. C’était sous la présidence de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, vice-président de la Conférence des chefs d’État et futur président en exercice.

Des condamnations viennent également de l’Onu, l’Union européenne, Allemagne, France (suspension de la coopération militaire avec le Gabon), Grande-Bretagne ou encore de la Francophonie. «Les coups d’État sont contraires aux valeurs de la Francophonie et aux engagements pris par nos États et gouvernements à travers la Déclaration de Bamako du 3 novembre 2000», déclare Louise Mushikiwabo, la secrétaire générale.

Opposition gabonaise
L’une des mesures les plus fortes prises jusqu’ici vient cependant de l’UA. Elle porte suspension du Gabon et elle accentue la pression sur le nouveau régime. Ce qui satisfait l’opposition gabonaise emmenée par Albert Ondo Ossa. Le principal challenger d’Ali Bongo Ondimba s’insurge aussi contre la prise de pouvoir par les militaires au lendemain d’une élection présidentielle qu’il dit avoir gagnée. Sur les antennes de TV5 Monde ce 31 août 2023, le leader politique parle tour-à-tour «de révolution de Palais. C’est Pascaline Bongo qui est à la manœuvre» et de «gré à gré familial dans le transfert du pouvoir». Inacceptable en somme. Toutes les conditions sont donc désormais réunies pour qu’il y ait confrontation, ne serait-ce qu’à l’échelle de la Cemac, entre les militaires soutenus par le peuple gabonais et le reste du monde.

Ambassades
L’ambassade du Gabon au Cameroun refuse malgré tout de choisir son camp. «Je suis neutre, je ne parle pas de politique, je fais juste mon travail», répond une diplomate au bout du fil ce 1er septembre 2023. Avant d’ajouter que «j’ai instruction de ne répondre à aucune question des journalistes». Sans dire de qui elle la tient. Il n’y a par contre pas de correspondance en ligne du côté de l’ambassade du Cameroun à Libreville pour s’enquérir de la situation des Camerounais.

Théodore Ayissi Ayissi

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