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Noso : La Diaspora séparatiste divisée sur la rentrée scolaire

Alors que les carillons de la reprise des classes sonnent ce lundi 5 octobre 2020 sur l’ensemble du territoire national pour le compte de l’année scolaire 2020/2021, dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, on est encore dans l’expectative.

Dr Sako Ikome, un des leaders séparatistes à l’étranger, milite pour la reprise des cours le 5 octobre 2020

La crise sociopolitique et sécuritaire qui prévaut depuis pratiquement quatre ans dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, a donné lieu au boycott des classes institué par les leaders séparatistes de la République imaginaire d’Ambazonie. La question qui taraude alors les esprits est celle de savoir si les cours vont reprendre sereinement ou pas dans ces deux régions ce lundi 5 octobre ? Rien n’est moins sûr. Et pour cause, les leaders séparatistes tapis en Hexagone sont toujours divisés sur la question de la rentrée scolaire dans la zone anglophone du Cameroun.

Depuis les États-Unis, Eric Tataw, l’une des voix les plus écoutées de la cause anglophone et qui, les années antérieures prônait le boycott, a, par un tweet sur les réseaux sociaux le 28 septembre dernier, déclaré : «sur la question de la reprise des classes, je peux dire de manière catégorique que l’Ambazonie a perdu. Cela a été une stratégie avec effet boomerang sur nous. Changeons de stratégie. Laissons les enfants allez à l’école». Et le leader séparatiste d’ajouter que «le président du gouvernement intérimaire ne va pas traîner nos enfants dans la sombre antiquité avec des stratégies redondantes. Que les écoles rouvrent pacifiquement».

Dr Sako Ikome, président du gouvernement intérimaire de la République virtuelle reconnait : «j’ai combattu la décision qui consiste à permettre aux enfants d’aller à l’école sur notre territoire». Toutefois, poursuit-il dans son tweet : «j’autorise les forces de restauration et tous les activistes d’encourager la reprise des classes en protégeant nos enfants contre le barbarisme de nos voisins la République du Cameroun». Mark Bareta, quant à lui, relativise. «Comme je l’ai dit avant, le boycott des classes n’est plus une arme de notre combat pour l’indépendance. Ainsi, là où c’est possible, les forces ambazoniennes doivent permettre l’éducation et encourager la reprise des classes. Ceci doit être fait en fonction de la réalité et de la situation sécuritaire dans chaque zone», a fait savoir le leader indépendantiste.

Pour sa part, Emmanuel Ndong alias Capo Daniel, de la faction du Dr Ayaba Cho, rame à contrecourant. «Pas de reprise de classes sous le Cameroun français. Nous n’allons pas tolérer la traîtrise», martèle-il. Et le chef sécessionniste de menacer alors: «l’interdiction des classes sous le ministère de l’Education nationale du Cameroun français est indéfinie. Toute enseigne qui dispense les cours sous l’autorisation du Cameroun pourra être mis aux arrêts».

C’est ce micmac et cette guéguerre entre les différentes factions séparatistes qui a toujours semé le doute, poussant de nombreux parents à envoyer leur progéniture poursuivre leur scolarisation dans la partie francophone. Et depuis quatre ans environ, l’école dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest a pris un sérieux coup, surtout dans les zones rurales où plusieurs établissements scolaires ont déjà mis la clé sous le paillasson, chaque leader séparatiste s’arrogeant le contrôle du terrain. On a ainsi vu ces derniers week-ends les agences de voyage débordées par une clientèle qui, pour la plupart, était constituée d’élèves. Ils ont quitté les deux régions anglophones en conflit sécuritaire pour la partie francophone, pour poursuivre leurs études.

Zéphirin Fotso Kamga

 

Rentrée scolaire au Noso

Le calvaire des parents d’élèves

Alors que la crise perdure et que les villes mortes les privent de sources de revenus, le paiement des frais d’inscription de leurs enfants apparaît comme une équation difficile à résoudre.

Villes mortes dans le Noso: les parents d’élèves en difficulté financière

«Je comptais me battre au cours du mois de septembre pour avoir un peu d’argent qui va me permettre de préparer la rentrée scolaire de mes enfants. Me voici terré à la maison depuis pratiquement un mois à cause des villes mortes imposées par des séparatistes. Sans activité génératrice de revenus, je ne sais à quel saint me vouer pour envoyer mes enfants à l’école le 5 octobre. Je n’ai pas de moyens financiers». Ce sont là les cris de détresse de Dzozeka Wilfried, parent d’élèves résident à Bamenda. En cette veille de la reprise de l’école, il a perdu le sommeil, parce que incapable d’assurer l’inscription de deux de ses enfants. Il pointe un doigt accusateur sur la crise sociopolitique qui fait du Nord-Ouest une zone économiquement sinistrée. Il ne compte que sur la providence pour le tirer de ce dilemme. Comme lui, nombreux sont les parents qui ne vont pas envoyer leurs enfants à l’école dans les zones rurales de la région. Non seulement faute de moyens, mais aussi et surtout parce du fait de la crise, les écoles ont fermé depuis quatre ans.

Fred Ebai, quant à lui, était dans l’attente des résultats du General certificate of education ordinary level (Gce Ol) pour engager les préparatifs de la rentrée et partant l’inscription de son fils. «les résultats du Gce Ol ont été publiés seulement vendredi dernier. Mon fils a réussi et le temps est encore à la jubilation. Dans tous les cas, mon fils ne pourra que prendre le train de la rentrée scolaire en marche, car ce n’est que mardi (lundi étant ville morte) que je vais me rendre au lycée pour l’inscrire». Face aux difficultés financières par contre, Pius Amungwa s’est rabattu vers une réunion associative. «J’ai pu obtenir un prêt de cinq cent mille francs de notre association.

Cela va me permettre de régler les formalités d’inscription de ma fille à Form 5, ainsi qu’à acheter ses fournitures scolaires et sa tenue. Je vais aller la déposer ce samedi (dernier Ndlr) puisqu’elle va fréquenter dans un collège missionnaire à régime interne de la ville». Toujours est-il que ce ne sont pas tous les élèves qui auront l’opportunité de reprendre le chemin de l’école ce lundi. C’est le cas par exemple des orphelins dont les parents sont tombés du fait de la crise sécuritaire dans le Nord-Ouest. A moins que des âmes de bonne volonté leur viennent en aide.

C’est, en tout cas, dans cette veine que le député Oliver Agho de la circonscription électorale de Bafut-Tubah dans le département de la Mezam, a offert le 27 septembre dernier des cartables contenant chacun des cahiers, bics, crayons, gommes, boîtes académiques et des cache-nez à deux cents orphelins de la guerre du Noso. Un geste qu’a salué le sous-préfet Garga Alim de l’arrondissement de Tubah, tout en invitant l’élite à suivre cet exemple. Reste alors les frais d’inscription. Un véritable casse-tête pour ces enfants dont les parents ont perdu la vie dans une guerre honteuse qui n’a que trop duré.

 

 

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