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Indications géographiques : levier de la croissance économique africaine

’économie de demain

Un atelier régional sur la gestion des indications géographiques (IG) vient de se tenir à Yaoundé du 25 au 27 octobre 2023, avec pour thème: «Gestion des Indications géographiques dans la zone OAPI: Approches actuelles, leçons et perspectives». L’évènement est une initiative de trois organismes pionniers en matière de propriété intellectuelle. Il s’agit entre autres du projet de «Droit de propriété intellectuelle et innovation en Afrique» (AfrIPI) de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) et du Projet d’appui à la mise en place des indications géographiques dans les États membres de l’OAPI (PAMPIG2). L’atelier de la capitale camerounaise vise à transmettre les nouveaux mécanismes de gestion des IG aux participants venus des dix-sept pays membres de cet organisme africain. À retenir: les IG sont l’avenir économique de l’Afrique.

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Experts de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) et partenaires européens sont unanimes sur les avantages qu’elles peuvent avoir sur le développement socio-économique du continent.

Les participants à l’Atelier régional sur la gestion des indications géographiques

Chapeau de Saponé, Pagne Baoulé, poivre de Penja, miel d’Oku, pierre de Mbigou, etc. Ces quelques produits fabriqués dans les pays africains membres de l’OAPI font partie de ceux qui sont aujourd’hui écoulés à prix d’or au-delà de leurs frontières respectives. S’ils connaissent un tel succès, c’est parce que leurs producteurs ont entrepris les démarches nécessaires auprès des comités nationaux IG (CNIG). Lesquelles démarches se sont soldées par la labélisation desdits produits.

Désormais, la compétitivité internationale des biens et services de l’Afrique passe par la conformité IG. «Les objets et autres denrées alimentaires issues du continent noir ne seront compétitifs à l’international que s’ils sont conformes aux IG», fait savoir Jean-Marc Châtaignier. L’Ambassadeur/chef de la délégation de l’Union européenne (UE) au Cameroun estime que la labélisation des produits africains est un moyen pour le producteur de les écouler et d’en tirer le meilleur parti. Tandis que le consommateur peut se targuer d’avoir des produits dont il connaît la provenance et pour lesquels il n’hésiterait pas à dégainer sa bourse.

Le continent africain compte aujourd’hui une dizaine de produits labélisés. Depuis 2014, où l’on dénombrait seulement 3 IGP, les pays membres de l’OAPI se revendiquent aujourd’hui producteurs de 11 IGP. Ce qui, de l’avis des experts en la matière, constitue un énorme manque à gagner. D’où l’urgence d’accroître le nombre d’IG africaines, indique un économiste aguerri. Le sujet a d’ailleurs été longuement évoqué au cours de l’Atelier régional sur la gestion des indications géographiques tenu à Yaoundé du 25 au 27 octobre 2023.

Zlecaf
Pendant les débats, diverses positions ont clairement établi l’opportunité que représentent les IG pour le continent noir. Selon Aida Gallindo, «l’élan en Afrique sur les indications géographiques est marqué par l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine pour, à ce jour, 46 pays sur 55». Soit un marché comprenant environ 1,2 milliards de consommateurs. À en croire la cheffe du Projet AfrIPI, les IG vont fructifier les échanges intra-régionaux et dynamiser l’économie africaine.

Si tout est mis en œuvre à la faveur d’un grand nombre d’IG africaines, l’économie se portera nettement mieux. Denis Lokou Bohoussou n’en dit pas moins. «Les indications géographiques constituent un puissant outil de développement et un catalyseur pour la croissance économique, notamment en milieu rural. Les indicateurs géographiques sont l’un des leviers sur lesquels l’OAPI s’appuie pour contribuer efficacement au développement économique de ses États membres», explique, le directeur général de l’OAPI. Pour en arriver là, le manager compte bien s’inspirer de l’expérience européenne, pour bâtir des IG à la dimension des produits du terroir.
De ce fait, les échanges de Yaoundé avaient pour objectifs de «promouvoir les bonnes pratiques internationales en matière de propriété intellectuelle pour faciliter, entre autres, le commerce intra-africain dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine».

Pour cela, les pays membres de l’OAPI se doivent d’apprendre et surtout de mettre en pratique les «meilleures pratiques qui concernent indistinctement la valorisation des inventions africaines, protégées par les brevets, des œuvres protégées par des droits d’auteur, des signes distinctifs qui sont protégés tantôt par le droit de marques, tantôt par le droit des dessins et modèles, tantôt par le droit des indications géographiques», explique-t-elle. D’où l’urgence de chacun de ces pays de se doter d’un CNIG.

Joseph julien Ondoua Owona

Comités nationaux IG

Pour une meilleure valorisation des produits africains

Parmi les missions qui incombent aux institutions locales chargées des IG dans les pays membres de l’OAPI, il y a la lutte contre la fraude.

 

Préconisée par l’OAPI, l’arrimage des produits africains à l’IG s’inscrit dans le cadre du Plan stratégique de l’OAPI pour la période 2022-2027, marquée par la validation d’une nouvelle approche sur les indications géographiques. À la faveur de cette réorientation, l’organisme intergouvernemental a recentré ses missions sur la consolidation, la promotion et la pérennisation des Indications géographiques existantes et celles à venir.

Lutte contre la contrefaçon
Pour atteindre ces objectifs, chacun des dix-sept pays que compte l’OAPI doit se doter d’un comité national d’IG (CNIG). D’après le directeur général de l’institution africaine chargée de la propriété intellectuelle, il s’agit des organismes locaux chargés d’assurer le relais dans leurs pays respectifs. D’où les responsabilités qui sont les leurs. «Outre la mission de validation et d’homologation nationales des cahiers des charges des produits candidats à la reconnaissance en IGP, les comités nationaux IG assurent une mission de coordination et de suivi des indications géographiques protégées et des groupements qui les portent», précise-t-il. En plus, explique Denis Bohoussou, «ces comités locaux sont garants d’un système d’étiquetage et de traçabilité des produits labélisés. En cela, ils sont garants de la conformité des produits candidats aux IG au sein de leurs États respectifs. Et puisque l’IG mène également une bataille contre la contrefaçon, les CNIG doivent également «empêcher la tromperie du consommateur et protéger les producteurs honnêtes contre toute concurrence déloyale». Un challenge tout à fait possible.

À ce jour, l’on compte onze organismes locaux IG, sur les dix-sept États que compte l’instance africaine de la protection de la propriété intellectuelle. L’OAPI encourage les autres pays à s’arrimer au CNIG. L’atelier tenu au siège de l’organisme du 25 au 27 octobre dernier à Yaoundé a ainsi permis d’outiller les comités nationaux en charge des indications géographiques sur les méthodes et les outils issus de la capitalisation des acquis dans l’identification, la reconnaissance, le contrôle et la défense des produits sous indication géographique protégée (IGP). L’objectif ultime étant d’améliorer la pertinence de l’enregistrement des IG, à l’effet d’obtenir de meilleures performances sur les plans économique, social et environnemental des pays membres de l’OAPI. Des échanges et résolutions dont la mise en application aura un impact sur l’économie africaine toute entière.

JJOO

 

Ils ont dit

Ayda Gali, Chef du projet «Droit de propriété intellectuelle et innovation en Afrique» (AfrIPI)

«Nous sommes convaincus de la valeur des indications géographiques pour le développement rural»

AfrIPI est un projet financé par l’Union européenne et par l’office de l’Union européenne de la propriété intellectuelle, avec 17,4 millions d’euros. Et on a une approche panafricaine de regrouper les 55 pays de l’Afrique. Mais nous travaillons en étroite collaboration avec l’OAPI et nous avons le composant 4 du projet qui traite spécifiquement des indications géographiques. Nous travaillons avec l’OAPI depuis 2020 sur plusieurs initiatives. C’est dans ce cadre que nous avons soutenu le poivre de Penja pour qu’il soit enregistré à l’Union européenne. Et comme monsieur l’ambassadeur l’a indiqué ici, cela a boosté les prix des produits. Nous avons également soutenu les études prospectives au Gabon, en Mauritanie, au Comores, avec trois produits pilotes. Actuellement nous sommes en train de faire pareil pour le Tchad pour une étude en vue d’aboutir à une IG pilote. Nous apportons également notre soutien aux comités nationaux comme le directeur général de l’OAPI l’a dit. Vous vous demandez pourquoi un tel déploiement… Nous faisons tout cela parce que nous sommes convaincus de la valeur des indications géographiques pour le développement rural, économique et vraiment pour donner de l’importance aux producteurs, aux consommateurs, sur l’importance de l’IG. L’objectif est la valorisation des produits à l’effet d’installer un climat de confiance entre les consommateurs et les producteurs. Dans ce sens, il est question que les consommateurs sachent que les producteurs travaillent au quotidien pour améliorer la qualité des produits qui sont mis sur le marché. C’est d’ailleurs pour cela que pour que chacun de ces produits dispose de l’IG, il doit avoir un logo et la description dudit produit.

 


Denis Lokou Bohoussou, directeur général de l’OAPI

«Nous encourageons les États qui ont déjà les comités à les faire fonctionner effectivement et ceux qui n’en ont pas à mettre en place ces comités»

L’atelier de ce jour porte essentiellement sur le renforcement des capacités des comités nationaux des indications géographiques. C’est quelque chose de très important puisque, l’OAPI est en réalité au bout de la chaîne du processus. Par conséquent, nous avons besoin des acteurs nationaux pour identifier des produits, faire tout le dossier nécessaire avant qu’il n’arrive à l’OAPI. Plus on a des comités nationaux qui fonctionnent et qui sont forts, plus l’OAPI reçoit des dossiers d’indication géographique de qualité. C’est la raison pour laquelle nous encourageons les États qui ont déjà les comités à les faire fonctionner effectivement et ceux qui n’en ont pas à mettre en place ces comités, parce que ce sont ces comités qui sont la première étape pour qu’un État puisse disposer d’une indication géographique.

Jean-Marc Châtaignier, Ambassadeur et chef de délégation de l’Union européenne (UE) au Cameroun

«Cela apporte de la valeur ajoutée aux producteurs»

Les indications géographiques c’est l’objet de ce séminaire. C’est un objet de débat extrêmement important parce que c’est ce qui peut profiter aux producteurs parce que cela apporte de la valeur ajoutée aux producteurs. Ce sont des produits qui sont valorisables. Le poivre de Penja par exemple se vend beaucoup plus cher maintenant parce qu’il a ses indications géographiques. C’est également quelque chose qui bénéficie aux consommateurs, parce que le consommateur sait ce qu’il achète, il sait d’où ça vient. Et comme je l’ai dit tout à l’heure, il s’agit d’une solution gagnant-gagnant, à la fois pour les producteurs qui peuvent valoriser davantage leurs produits et pour les consommateurs qui sont sûrs d’avoir des produits de bonne qualité sur leurs tables.

Dr Ngnofam Nanbou, point focal IG au ministère de l’Agriculture du Togo

«Les IG vont permettre de protéger les producteurs des pays africains contre les fraudes»

Disons que les IG c’est une opportunité pour avoir de la valeur ajoutée à nos produits locaux mais également d’en apporter un peu plus. Et je pense que les IG auront une plus-value sur la Zone de libre-échange continentale africaine. Parce que cela va favoriser les échanges entre nos pays et produire de bons résultats sur le plan économique. Par ailleurs, les IG vont permettre de protéger les producteurs des pays africains contre les fraudes, mais également d’apporter un plus à ces produits qui seront valorisés par ce système de protection adopté par l’OAPI. Parlant de mon pays le Togo, le premier produit qui est en train d’être protégé actuellement c’est un riz qui est très apprécié. Malheureusement, je dois le dire, c’est un produit qui fait l’objet de contrefaçon. Il y a des gens qui vont acheter du riz tout-venant qu’ils amènent dans la zone de protection, puis ils vont, de façon très malicieuse, l’écouler sur le marché, en se servant du nom de la zone de provenance du produit. Pour tout dire, je pense que la mise en place du système IG en Afrique va permettre d’éliminer toute action de fraude qui profite depuis longtemps à des réseaux de trafics. Ceci va permettre de valoriser à juste titre le merveilleux travail des agriculteurs qui sont quotidiennement au four et au moulin pour nourrir les populations.

Propos recueillis par Joseph Julien Ondoua Owona

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