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Rikard Nordeman: «A chaque exportateur de s’assurer que ses certificats sont en bon ordre»

Le chef de la section commerce à la délégation de l’Union européenne au Cameroun éclaire sur le poids des exportations des fruits et légumes, le risque d’embargo qui les guettent et la nouvelle règlementation phytosanitaire qui va entrer en vigueur sur le territoire européen en décembre 2019.

 

Quel est le poids de la filière fruits et légumes dans les échanges entre le Cameroun et l’Union européenne ?

En 2016, le Cameroun a exporté des fruits et des légumes d’une valeur de 189 milliards de francs CFA, soit environ 16% des exportations totales vers l’UE. La grande majorité de ces exportations est constituée de bananes, mais il y a aussi des quantités importantes d’ananas, de mangues, d’avocats, de papayes, etc.

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Entre 2015 et 2017, le Cameroun a enregistré de nombreuses interceptions d’organismes nuisibles dans ses cargaisons de végétaux à destination de l’Union européenne. Au départ du pays, après des contrôles, les autorités ont pourtant délivré à ces produits des certificats phytosanitaires. Est-ce à dire que les contrôles locaux sont fantaisistes ?

En général, si un contrôle fait au Cameroun n’a pas détecté, par exemple, un niveau élevé de pesticides dans un fruit alors qu’un contrôle à l’arrivée en UE montre des niveaux trop élevés, c’est évidemment une source de préoccupation et un préjudice pour l’exportateur. Mais, cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de laboratoires au Cameroun capables d’effectuer des contrôles fiables. Des résultats corrects sont d’ailleurs la règle. Il faut donc éviter des généralisations, et examiner les interceptions au cas par cas. Des laboratoires qualifiés pour des contrôles phytosanitaires des fruits et des légumes existent au Cameroun. Les procédures à suivre et les documents à remplir sont d’ailleurs bien accessibles à tous les opérateurs, en ligne, gratuitement. Après, c’est à chaque exportateur de s’assurer que ses certificats sont en bon ordre et que le service de contrôle fournisse un travail de qualité.

Le Cameroun a fait l’objet, en mai dernier, d’un audit de la direction générale de la santé de la Commission de l’Union européenne. A la suite de cet audit, les autorités camerounaises se sont engagées à mettre en œuvre à cours et à moyen termes sept mesures pour remédier au problème.  Que se passera-t-il, si malgré tout, les interceptions se poursuivent ?

L’audit visait à vérifier le système d’inspection phytosanitaire des végétaux et produits végétaux exportés vers l’UE et de faire des propositions d’amélioration. Les sept recommandations de l’audit ont résulté en presque trente actions concrètes proposées par le Minader pour le court et moyen termes. Une fois que celles-ci auront été mises en œuvre, il sera possible de voir des améliorations en termes de nombre d’interceptions. Pour le moment, il est trop tôt pour tirer des conclusions sur l’impact de l’audit en question.

En cas de réactivité insuffisante des acteurs camerounais face aux saisies et problèmes sous-jacents, le risque d’une fermeture partielle du marché européen, n’est jamais exclu

Certains opérateurs sont convaincus que si les interceptions se poursuivent, les fruits et légumes seront interdits du marché européen. Est-ce une perspective qu’il faut craindre ?

Une des principales raisons ayant motivé la venue de la mission des experts de la direction générale de la santé de la Commission était la non-maitrise de la contamination par la mouche de fruits de mangues exportées vers le marché européen. À l’époque, il existait effectivement un grand risque que l’exportation de fruits du Cameroun vers l’UE ne soit plus autorisée. C’est grâce aux engagements pris à l’issue de cette mission que les produits camerounais ont pu continuer à être exportés vers le marché européen. Ceci étant, en cas de réactivité insuffisante des acteurs camerounais face aux saisies et problèmes sous-jacents, le risque d’une fermeture partielle du marché européen n’est jamais exclu. Mais, dans l’hypothèse d’une coopération constructive entre les parties, telle que dans le passé, ce risque paraît plutôt réduit.

Une nouvelle règlementation phytosanitaire va entrer en vigueur sur le territoire européen en décembre 2019. Quelles sont les nouvelles contraintes qu’elle va induire ?

La règlementation (UE) 2016/2031 constitue une vaste refonte de la législation phytosanitaire de l’UE en place depuis 1977. Elle abrogera et remplacera sept directives du Conseil sur les organismes nuisibles, les maladies invasives et ravageuses.

Bien entendu, les importations de la plupart des végétaux et produits végétaux en provenance des pays tiers dont le Cameroun resteront autorisées, moyennant le respect des normes et conditions actualisées.

Dans ce nouveau cadre, certains produits pourraient aussi être temporairement exclus d’accès au marché européen ou soumis à des exigences de qualité très strictes si l’évaluation des risques sanitaires l’exige.

A ce stade, il est toutefois beaucoup trop tôt pour connaître en détail les possibles changements des normes et exigences pour les différents produits d’origine camerounaise. Bien entendu, certains de nos financements pourraient aider les exportateurs de se préparer aux changements en vue. Nous sommes donc confiants que l’introduction de la nouvelle réglementation se fera sans heurts majeurs.

Interview réalisée par Aboudi Ottou

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