Cette communauté dénonce le rôle de figurant qu’elle joue dans un grand cirque noir, où affairisme et lenteur de procédures se soutiennent.
Avec quels mots et sur quelle tonalité décrire l’humeur des habitants du village Mboriko Bane’ka? Thomas Moukala fait preuve d’un volontarisme tel que, ce 23 novembre 2023, il ouvre son propos en mettant les pieds dans le plat. «Nous réclamons la restitution de près de 370 hectares de terrain; récupérer ce patrimoine foncier appartenant à nos ancêtres est une affaire de vie ou de mort. Chacun de nous est pour ce choix», avance-t-il. En se le disant à eux-mêmes, les Mboriko Bane’ka le disent surtout à la descendance de Mohamadou Catche. «Autour de celle-ci, il y a tout un monde compact qui alimente et fait prospérer l’imposture d’une part, un arrivisme et un affairisme phénoménaux d’autre part», selon Sa Majesté Christian Adalbert Ekoul-Okoul. Au fondement de ces mots du chef du village Mboriko Bane’ka, se situent de nombreuses transactions foncières sur les ruines de la Compagnie pastorale africaine (CPA), un ranch privé aujourd’hui fermé. «La plus récente étant la vente de plusieurs hectares de terrain à une congrégation religieuse européenne», informe le dignitaire traditionnel.
Complicités
En ces faits, Robert Ngombi Panga (élite Mboriko Bane’ka) engage sa conviction qu’au milieu du bruit et de la fureur de toute la communauté Mboriko Bane’ka, quelques implications ou complicités peuvent être dépliées. «Il s’agit, croit-il, d’un système plus subtil, car moins visible au cœur de la sphère légale. La prégnance de ce système sur le tissu politico-administratif permet à une mafia d’exploiter sans vergogne de créer des opportunités de commercialisation des terres de nos aïeux». Et aux yeux de Christian Adalbert Ekoul-Okoul, «rien n’exclut qu’il puisse y avoir congruence d’intérêts afin de créer de nouvelles positions de rente ou de renforcer et défendre celles déjà existantes».
Dans un tel contexte, à Mboriko Bane’ka, les plaignants se disent confus face à la lenteur des procédures. «La commission ad hoc d’enquêtes foncières instruite par le ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières en date du 12 juillet 2023 est devenue un serpent de mer dans un grand cirque noir», avance Thomas Moukala. Dans un mélange de colère et de frustration, le porte-parole de la communauté Mboriko Bane’ka dit craindre «une expropriation irréversible». D’où son appel lancé en direction de la préfecture du Moungo et du service départemental des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières pour une «attention bienveillante, lisible et expressive». Contacté par Intégration ce 23 novembre 2023, Yves Bertrand Noël Ndjana, le préfet du Moungo, a juste un mot: «la situation est suivie de très près».
Reste que, dans une dynamique d’espoir, les Mboriko Bane’ka nourrissent la conviction d’être dans leur droit. Ce d’autant plus que, scandent-ils, les documents présentés par la descendance de Mohamadou Catche succombent trop à la suspicion. «Les titres fonciers (N°640 d’une superficie de 121 hectares 42 ares, immatriculé le 24 décembre 1941 et appuyé d’un acte notarié du 29 septembre 1949; et N°69 d’une superficie de 250 hectares 90 ares immatriculé le 15 novembre 1960, suivant un acte administratif signé à Yaoundé le 24 janvier 1963) brandis de façon ostentatoire par ceux qui revendiquent leur appartenance à la lignée Catche sont douteux, car n’ayant respecté aucune voie légale. Et par conséquent, il devient suspect de fonder la vérité de cette affaire sur cela», tonne un notable de la chefferie de Mboriko Bane’ka.
Jean-René Meva’a Amougou