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Catégorie : LIBRE-PROPOS
«C’est peut être la CAN la plus courue médiatiquement»
Près de 1000 représentants de médias voulaient y être accrédités. Les confrères étrangers sont aussi venus en masse pour cette CAN camerounaise décidément attractive. Ça tombe bien: la compétition est relevée avec des surprises agréables venant des équipes présentées au départ comme de petits poucets. Dommage que certains médias s’attardent surtout sur des faits divers.
Journaliste sportif et auteur.
Emmanuel Gustave Samnick «Ma liste des 23 meilleurs footballeurs camerounais de tous les temps», tel est le titre de l’ouvrage que vous venez de commettre aux éditions Ndamba. Racontez-nous comment vous est venue l’idée de l’écrire.
Mon idée centrale est de rendre hommage aux nombreux talents en football dont la Providence a gratifié le Cameroun. Au moins à ce niveau, il n’y a pas débat: notre pays est une terre bénie en talents de football. J’ai donc voulu mettre en valeur cet aspect du football camerounais, lequel n’a pas que les côtés négatifs (corruption, concussion, manque de programmation, négligence des compétitions locales, et avant cette CAN, déficit en infrastructures) sur lesquels certains observateurs s’éternisent.
D’emblée, il apparait que vous vous mettez en exergue. Avez-vous oublié que le moi est haissable?
Je ne me mets pas en exergue, mais j’assume mon choix, mon regard sur l’évolution du football camerounais à travers ses légendes. Mon choix de ces 23 meilleurs joueurs de tous les temps ne sera jamais celui de tout le monde. C’est pourquoi j’indique d’entrée que c’est «Ma liste».Comment expliquez-vous la coïncidence entre la sortie de votre livre et la tenue de la CAN?
Ce livre est prêt au niveau rédactionnel depuis deux ans. J’ai saisi effectivement l’occasion de la venue de la Coupe d’Afrique des nations au Cameroun pour présenter l’ouvrage au public. Il n’y a donc pas «concurrence», mais connivence. L’occasion était trop belle pour être manquée.Comment catégoriser votre ouvrage? Un travail de journaliste ou de reporter-supporter?
Ce livre est le fruit de mes 30 ans d’expérience dans la presse sportive. C’est une galerie de portraits de grands footballeurs que j’ai côtoyés et interrogés dans mon métier de journaliste, ou que j’ai connus à travers les écrits et divers témoignages.Sur une ligne de votre CV, l’on remarque que vous avez couvert au moins dix CAN. Est-ce ce qui vous a servi de matériau de travail?
Oui. Ces dix CAN couvertes à l’étranger ont été une belle vitrine pour observer de près certains joueurs camerounais en situation de compétition. Parce que, dans les critères de mon choix, il y a bien sûr le talent individuel des joueurs, mais aussi leur rendement ou leur influence dans les résultats de leurs clubs et de la sélection. C’est pourquoi c’est Alioum Boukar qui a eu mes faveurs comme troisième gardien de buts de l’histoire, lui qui a remporté deux CAN d’affilée dont une bouclée sans le moindre but encaissé (2002) et une médaille d’argent aux Jeux africains.Vos projets?
Mes projets éditoriaux? D’abord, le retour en kiosque dès la fin de cette CAN de mon hebdomadaire spécialisé « LActu-Sport », avec la perspective de la reprise heureuse des compétitions nationales. Côté livres, sachez que j’ai deux autres manuscrits bouclés pendant l’année du confinement pour cause de pandémie de coronavirus (2020), qui devraient être édités avant la fin de cette année 2022. L’un est un recueil de mes chroniques (politique, culture, économie, sport, faits divers…) publiés dans divers journaux nationaux et internationaux depuis deux décennies; l’autre porte sur une triste réalité du football africain. Deux autres sont en chantier: on en reparlera le moment venu.Quel est votre regard sur la couverture de la CAN 2022?
C’est peut être la CAN la plus courue médiatiquement: près de 1000 représentants de médias voulaient y être accrédités. Les confrères étrangers sont aussi venus en masse pour cette CAN camerounaise décidément attractive. Ça tombe bien: la compétition est relevée avec des surprises agréables venant des équipes présentées au départ comme de petits poucets. Dommage que certains médias s’attardent surtout sur des faits divers.Avez-vous des conseils pour la jeune génération de journalistes sportifs de notre pays?
Je leur demande de vivre leur passion sainement. On ne peut pas couvrir le sport sans aimer le sport, sans connaître ses règles et son environnement. Mais il faut garder la distance entre le reporter et le supporter, et ne pas faire des sources d’information des alliés de la connivence coupable.Quel est votre meilleur souvenir dans la couverture des CAN?
Ma CAN la plus marquante professionnellement, ce fut ma première en 1998 au Burkina Faso. J’envoyais les articles manuscrits par fax à Mutations. Et c’est dans un cybercafé de Ouagadougou que j’ai ouvert ma première boîte mail. La plus accomplie fut celle de 2002 au Mali.Qu’est-ce cela vous fait de vivre en retrait la CAN dans votre pays?
Je suis plus relax, même si en tant que membre d’une commission du Cocan je dois répondre à diverses sollicitations de médias accrédités. Mais je n’ai plus la pression du bouclage de l’envoyé spécial d’un quotidien. Mais comme je vous en ai fait la révélation, ce n’est que partie remise. Je suis journaliste à vie.Interview menée par Thierry Ndong Owona et Jean-René Meva’a Amougou
Les Éléphants doivent garder l’espritde combativité
La génération des Drogba semblait se décourager vite après avoir encaissé un but alors qu’il aurait fallu se battre farouchement jusqu’à la dernière minute comme les Roger Milla, Samuel Eto’o, Patrice Mboma, Théophile Abega, Rigobert Song, Thomas Nkono, François Omam-Biyik, Stephen Tataw et autres savaient le faire. J’ai cru voir cette hargne chez les Éléphants de 2022 contre l’Algérie.
L’écrivain ivoirien vient de se réconcilier avec la sélection nationale de Côte d’Ivoire à la faveur de sa prestation face au champion d’Afrique en titre. Le sociologue s’insurge toutefois encore contre le recrutement des expatriés présentés comme des faiseurs de miracles, pour coacher les équipes africaines.
Comme le Cameroun, pays organisateur de la 33ème CAN, la Côte d’Ivoire s’est qualifiée pour les huitièmes de finale. Ce qui me réjouit particulièrement dans cette qualification, c’est la manière dont les joueurs ivoiriens ont validé leur ticket. En effet, les Éléphants n’avaient pas nécessairement besoin de terrasser l’Algérie. S’ils concédaient un match nul ou s’ils perdaient face aux Fennecs, cela ne les empêcherait pas de poursuivre la compétition. Or, ils ont fait beaucoup mieux en battant le vainqueur de la 32ème CAN par 3 buts à 1.
D’entrée de jeu, je tiens à préciser que je ne suis ni praticien (mon dernier match de football date de 1982), ni spécialiste du ballon rond. C’est vraiment en profane que je voudrais dire pourquoi la belle victoire du onze ivoirien m’a fait chaud au cœur et m’a en quelque sorte réconcilié avec les Éléphants dont j’avais cessé de regarder les matchs pendant un bon moment.
Bons points
Ce que j’ai d’abord aimé, c’est le refus du minimalisme qui consiste à se satisfaire ou à se contenter de peu comme ces écoliers et élèves qui peuvent faire plus, mais qui n’ont pas d’autre ambition que d’avoir 10/20 de moyenne. Évidemment, je ne parle pas ici de l’ambition démesurée «qui écrase autrui, révélant un individu enfermé en lui-même et en recherche maladive d’affirmation de soi, au détriment de toute autre considération» (cf. Paul Valadier, «Réhabiliter l’ambition» dans ‘Études’ 2008/1, pp. 49-59).C’est à juste titre que cette ambition est décriée par Platon à travers le personnage d’Alcibiade qui, au nom de son intérêt personnel, engagea Athènes dans des aventures périlleuses et mit à mal la jeune démocratie athénienne (cf. Platon, ‘Le Premier Alcibiade’). Je parle de l’ambition qui «donne suffisamment de confiance en soi pour entretenir et exploiter les talents au meilleur sens du terme» (Valadier). Cette ambition-là est saine car elle nous fait voir grand et nous oblige à nous dépasser.
Elle devrait être encouragée comme le fait Jésus en racontant la parabole des talents car «le refus ou l’impossibilité d’envisager de grands desseins aptes à mobiliser les peuples pour un avenir neuf» (Valadier) est autant dangereux qu’une ambition sans limites. Dans le film de Walt Disney, Baloo, le célèbre ours, explique qu’il faut se satisfaire du nécessaire et il a raison car il n’est point nécessaire de posséder quantité de maisons et de voitures pour être heureux pendant que des personnes autour de nous manquent du strict minimum. Mais se satisfaire du nécessaire et se contenter de peu sont deux choses différentes. Celui qui se contente de peu alors qu’il est capable de faire plus est un fainéant. On ne peut citer une telle personne en exemple.
Désamour
La première raison pour laquelle je m’étais détaché du football ivoirien, c’est que notre équipe nationale se contentait de peu alors qu’elle avait les moyens de remporter la CAN deux fois avec les Didier Drogba, Yaya Touré, Didier Zokora, Kolo Touré, Salomon Kalou, Arthur Boka et autres. Cette équipe, que tout pays aurait aimé avoir et que tout sélectionneur aurait aimé entraîner, ne faisait peur que sur le papier parce qu’elle était sans ambition. On avait l’impression que l’essentiel, pour elle, était d’être présente à la CAN ou au Mondial.La seconde raison, c’est qu’il manquait à ces joueurs fort talentueux ce fighting spirit, qui fait la force des Lions indomptables et qui leur a permis d’aller en quarts de finale à la coupe du monde 1990. Sans cette hargne, les Joseph Gadji Céli, Abdoulaye Traoré, Serge-Alain Maguy, Sié Donald-Olivier, Sam Abouo Dominique, Oumar Ben Salah, Youssouf Fofana, Aka Kouamé Basile et Alain Gouamené n’auraient pas défait les Black Stars du Ghana en finale au Sénégal, le 26 janvier 1992. La génération des Drogba semblait se décourager vite après avoir encaissé un but alors qu’il aurait fallu se battre farouchement jusqu’à la dernière minute comme les Roger Milla, Samuel Eto’o, Patrice Mboma, Théophile Abega, Rigobert Song, Thomas Nkono, François Omam-Biyik, Stephen Tataw et autres savaient le faire. J’ai cru voir cette hargne chez les Éléphants de 2022 contre l’Algérie.
Quant à la question des entraîneurs européens qui coachent nos équipes nationales, je suis absolument contre parce que, en plus de nous coûter cher, ils ne sont pas forcément plus compétents que les locaux. En 1992, quand la Côte d’Ivoire remporta sa première CAN, ce n’était pas avec «un sorcier blanc», mais avec l’Ivoirien Yéo Martial. Au moment où nous parlons de monnaie africaine, de souveraineté, etc., il ne serait pas mauvais d’y réfléchir.
J’ai cru voir aussi, ce jeudi 20 janvier, une vraie équipe. Incontestablement, les Didier Drogba et Yaya Touré étaient bons individuellement, mais ils avaient du mal à jouer ensemble, c’est-à-dire à privilégier l’intérêt général. Lorsqu’un défenseur veut coûte que coûte marquer des buts alors que les attaquants attendent de recevoir des passes de lui, il y a un problème. Faire équipe, c’est donner le ballon à celui qui est mieux placé pour mettre la balle au fond des filets et non faire son petit numéro. Pourquoi la réussite personnelle prit-elle le pas sur la réussite collective dans l’équipe dont Drogba fut longtemps le capitaine? À en croire certains comme Gérard Gili, adjoint d’Henri Michel entre 2004 et 2006, il y avait une rivalité sur fond de brassard entre ce dernier et Yaya Touré. D’autres estiment que, au-delà des problèmes d’ego, il faut voir la transposition de la politique dans la sélection ivoirienne: Drogba et les Sudistes supporteraient le camp de Laurent Gbagbo tandis que Yaya Touré et les Nordistes seraient des pro-Ouattara.
Bien que l’ancien attaquant de Chelsea ait rejeté cette thèse en avril 2021 en présentant Yaya Touré comme son petit frère qui, selon lui, avait été excellent lors du match entre Barcelone et Chelsea et qu’il l’avait félicité au téléphone le lendemain, faut-il penser qu’il n’y a jamais eu de méfiance entre les joueurs, que les uns et les autres regardaient dans la même direction et que tous poursuivaient le même objectif? Quoi qu’il en soit, il est temps que chaque joueur comprenne que ce qui compte, c’est d’honorer la patrie, de faire vibrer tout un peuple, et non de vouloir plaire à tel ou tel leader politique. Cela suppose de faire passer l’intérêt général avant l’intérêt personnel. Cela suppose également d’avoir le triomphe modeste. Ce n’est pas jouer les rabat-joie que de dire qu’il est trop tôt pour célébrer les Éléphants et faire la fête. La priorité, pour les joueurs, c’est de se concentrer, d’apprendre des erreurs commises pendant le match contre la Sierra Leone, de bien préparer les futures rencontres car le travail n’est pas encore terminé.
Le 16 décembre 1995, l’Asec d’Abidjan devait disputer la finale de la Coupe d’Afrique des clubs champions contre Orlando Pirates (Afrique du Sud) au Stade Houphouët Boigny. Au lieu de se concentrer, joueurs et supporteurs du club jaune et noir festoyèrent la veille. Ils avaient oublié qu’il faut tuer l’ours avant de vendre sa peau, que la vie nous réserve bien des surprises, qu’il ne faut pas se moquer de celui qui se noie quand soi-même on n’a pas encore traversé la rivière. Les Éléphants et leurs supporters gagneraient donc à se garder de l’euphorie excessive, à ne pas trop parler, bref à faire preuve d’humilité, de retenue et de patience.
Quant à la question des entraîneurs européens qui coachent nos équipes nationales, je suis absolument contre parce que, en plus de nous coûter cher, ils ne sont pas forcément plus compétents que les locaux. En 1992, quand la Côte d’Ivoire remporta sa première CAN, ce n’était pas avec «un sorcier blanc», mais avec l’Ivoirien Yéo Martial. Au moment où nous parlons de monnaie africaine, de souveraineté, etc., il ne serait pas mauvais d’y réfléchir.
L’après-CAN c’est forcément l’utilisation des infrastructures
Je suis content qu’il y ait changement, car c’est du changement que naît l’espoir de voir autre chose. Ensuite, je reste lucide. Il va falloir attendre de voir le ton que va donner la nouvelle équipe
Dans un entretien exclusif, le consultant, analyste sportif et vétéran du football camerounais expose son appréciation du déroulement de la CAN 2021. Au regard des actualités de la Fédération camerounaise de football, l’homme expose ses attentes vis-à-vis de la nouvelle équipe dirigeante. Un entretien qui présente les contours de sa personne et de ses aspirations.
Joseph Antoine Bell Vous êtes ancien gardien vedette des Lions indomptables, ancien capitaine de la sélection nationale, double vainqueur de la CAN, et actuellement consultant et analyste sportif. Y a-t-il un titre qui vous parle plus que d’autres?
Honnêtement, je crois que tout cela fait partie de ma vie. L’une n’est pas plus importante que d’autres. Tout est important et c’est précisément dans ces postures que j’entends vivre ma vie, c’est-à-dire donner le meilleur de moi-même pour que tout soit intéressant. Comme je le disais, il n’existe pas de titre donc je souhaiterai me débarrasser.À l’observation, vous êtes quelqu’un de discipliné et de rigoureux. Nous constatons que vous avez gardé votre ligne et votre forme. Quel est votre secret?
C’est simple, c’est de bien faire les choses. Je ne sais pas si c’est à considérer comme un secret parce que en réalité, on dit ces choses quand nous sommes jeunes, mais souvent parce que la jeunesse ne sait pas, on ne considère pas que c’est utile et surtout on croit que c’est du verbiage. On dira que la discipline compte en tout, mais dans les faits, ceux qui doivent l’être et aussi la pratiquer ne le font pas. Ne pas l’appliquer à forcément des conséquences. La discipline n’est pas une option, c’est la seule règle qui vaille.Parlant justement de la CAN, comment appréciez-vous jusqu’ici, en termes d’organisation et de niveau technique, l’édition qui se déroule en ce moment au Cameroun?
Sur le plan technique, je pense que nous avons tout vu. Nous avons vu de bons et des matches moyens. La compétition au départ qualifie un participant sur deux, donc forcément, on a beaucoup de pays qualifiés, ce qui peut laisser envisager quelques équipes limitées même si elles font des efforts. La logique veut qu’en avançant, les matches s’améliorent. En ce qui concerne l’organisation, on en a suffisamment parlé au Cameroun et il a assez subi pour qu’aujourd’hui, tout le monde soit satisfait de ce qui se passe.Au terme de la phase de poule, avez-vous pu identifier un ou plusieurs favoris?
À mon avis, le Cameroun, le Maroc, le Nigéria justifient d’être considérés comme les favoris. Ensuite, on verra pour la Côte d’Ivoire. Aussi, le cours du temps nous dira si le Sénégal est capable de se réveiller, d’assumer totalement sa place de favori initial.Que vous inspire l’élimination du Ghana, un poids lourd?
Le Ghana a été totalement en dessous de tout. Mais, il faut dire qu’en dehors de l’histoire, elle n’était pas citée comme favori pour moi. On avait juste du respect pour un ancien vainqueur, mais ces derniers temps, il ne fait pas peur. Et l’équipe a confirmé son état de décrépitude.Une polémique enfle justement suite à l’élimination de l’Algérie au sujet du Stade de Japoma. Les critiques entendues çà et là, sont-elles fondées de votre point de vue?
On a entendu des Algériens arriver avec un camion-citerne de larmes pour pouvoir pleurer. Je ne peux ne pas les mentionner. Ils parlent de l’aire de jeu de Japoma, mais je voudrais répéter que non seulement les autres équipes n’en parlent pas, mais moi je n’ai jamais vu un ballon qui saute si l’aire de jeu est bosselée. Je n’ai pas vu des joueurs qui glissent tout le temps ou qui sortent sales si le terrain n’est pas class. Encore moins de ballon qui rebondissait trop dont l’aire de jeu n’est pas sèche. Pour ce qui est de la température, il est impossible que le Cameroun fournisse une température à la commande des équipes. Le Cameroun a la température qui est la sienne.La CAN 2021 se déroule donc jusqu’au 6 février prochain. Quelle est votre contribution à la réussite de cette belle fête sportive?
Je n’en sais rien. Avant la CAN, j’ai fait ce qu’il y avait à faire là où on me l’a demandé. Pendant la CAN, je suis commentateur. Comme je le disais, je fais ce qu’on attend de moi. Je n’invente rien.
J’avais été désigné par le chef de l’État dans le Comité de préparation des CAN (COMIP-CAN) et ce n’était pas en rapport avec la CAN mais toutes les CAN, dont la CAN féminine, le CHAN et maintenant la CAN masculine. C’est un organisme dont le travail a été fait en amont de tout ce que vous voyez et qui est aujourd’hui dissout. Mais il y a eu l’immense tâche de préparer tout cela.Les rumeurs courent au sujet de l’exclusion des anciennes gloires camerounaises du football de la célébration de la Coupe d’Afrique des nations. Est-ce votre sentiment?
Je ne me préoccupe pas de cela. Personnellement, j’ai toujours été exclu. Du coup, je ne m’aperçois plus de l’exclusion. Par exemple, mis à part la nomination du chef de l’État, personne d’autre ne m’a nommé nulle part.Vous êtes une icône du football camerounais. Vous sentez vous toujours valorisé?
Non. Heureusement, les étrangers savent me le rendre. Je crois que le public camerounais aussi. C’est déjà beaucoup.Attendez-vous davantage?
Non. Je n’attends rien du tout. Dans la vie, je n’attends rien des autres. Ce que je reçois des autres est une surprise.Le Cameroun s’est doté d’infrastructures pour accueillir la CAN 2021. Comment voyez-vous l’après-CAN?
L’après-CAN c’est forcément leur utilisation. Il vaut mieux les avoir que ne pas les avoir. En attendant, je n’en ai pas la charge. Je sais que des gens sont chargés de cela, on verra bien ce qu’ils décideront. Il ne faut pas les devancer dans leur travail. Nous verrons tous ce qui est fait pour que ces infrastructures soient utiles.Depuis décembre dernier, la Fécafoot dispose d’une nouvelle équipe dirigeante emmenée par votre fils Samuel ÉTO’O. Comment avez-vous accueilli cette victoire?
Le changement, notamment à la Fécafoot est de deux types. Il est souhaité, mais est-ce un changement de paradigme ou de personne. Si ce n’est que le changement, on a vu défilé des figures. Mais en réalité, il s’agit d’un changement de philosophie, de façon de faire et de management.
Tout d’abord, je suis content qu’il y ait changement, car c’est du changement que naît l’espoir de voir autre chose. Ensuite, je reste lucide. Il va falloir attendre de voir le ton que va donner la nouvelle équipe.Quelles sont vos attentes de façon globale vis-à-vis de cette nouvelle équipe dirigeante?
J’attends que les choses soient faites autrement. Vous savez très bien que j’ai toujours critiqué ceux qui dirigent la Fécafoot, car j’estime que ce qui est fait n’est pas généralement dans la bonne direction et donc, s’il y a un changement, l’espoir que j’ai est que les choses aillent bien.Comptez-vous intégrer ou soutenir la Fédération camerounaise de football dans les jours à venir, dans la perspective de faire progresser le football camerounais?
Il faut remettre les choses à leur place. C’est ceux qui sont aux affaires qui s’attachent les services de qui ils veulent. Ils sont totalement libres de solliciter la collaboration de qui ils veulent. Ce n’est pas à moi de déclarer que je suis prêt à ceci ou à cela.Vous êtes considéré comme l’intellectuel de la pelouse et actuellement consultant dans différents médias. Avez-vous le sentiment d’avoir la carrière que vous souhaitiez avoir en dehors et dans les stades?
Je pense que dans la vie, on peut toujours estimer qu’on pouvait faire mieux ou se regarder et s’apercevoir qu’on aurait pu moins bien faire. Tant que vous existez, vous essayez tous les jours de donner le meilleur de vous-même et de ne pas avoir de regrets. Dans tous les cas, c’est ainsi que j’agis.Y a-t-il, selon vous, des reformes à envisager au niveau de la confédération africaine de football au regard du nouveau format qu’offre la Can et des nouveaux défis de la modernité du football aujourd’hui?
Je n’aime pas faire de la fiction. Je ne suis en charge de rien. Du coup, je ne peux pas, en étant chez moi, avoir un programme de modernisation de ceci ou de cela. Il y a des personnes qui en ont la charge. À la limite, si on me présentait ce qui est déjà fait. Je prends souvent l’exemple du fabriquant de Yaourt, s’il n’en fait pas, vous n’en consommerez pas. Mais s’il en fait, vous pourrez le consommer et le critiquer par la suite.
Je peux critiquer ceux qui sont en charge des choses, mais ce n’est pas à moi de proposer des choses alors que je ne suis en charge de rien.Propos recueillis par Presvualie Ngo Nwaha (stagiaire)
«La sous-région a une carte à jouer»
Le Gabon devrait simplement et très rapidement se remettre physiquement de la débauche d’énergie contre le Maroc. On espère qu’au niveau du kiné, la préparation physique permettra aux Panthères du Gabon de récupérer des matches de poule. En, l’encadrement technique garder l’équipe dans la même dynamique et au même niveau.
Le chroniqueur sportif fait le point du premier tour de la 33è Coupe d’Afrique des nations de football. Il rend intelligible la belle performance des trois pays de la Cemac. Enfin, il fait des pronostics sur la suite de la compétition.
Emmanuel Mbankolo Le Cameroun, le Gabon et la Guinée Equatoriale, les trois plénipotentiaires de zone Cemac, sont tous qualifiés pour le second tour. Qu’est-ce que ca inspire comme analyse ?
Avoir trois pays de la sous-région qualifiés pour les 8ès de finale, je ne sais pas si c’était déjà arrivé ; mais c’est un gros sentiment de joie. En voyant le niveau de la compétition, cela veut dire que la sous-région et les sélections nationales se portent au mieux. Maintenant, on a vu le jeu alléchant développé par le Gabon, le Cameroun totalement résilient qui a pu simplement évacuer toute la pression, en contenant les assauts de ses différents adversaires. La Guinée Equatoriale a été magistrale. Ce qui a été très impressionnant ici.Du coup, avoir trois sélections, c’est très important. Ça veut dire que la sous-région a une carte à jouer, d’autant plus qu’elle accueille la CAN via le Cameroun. C’était souhaité, c’est arrivé. C’est un point fort et très important pour la sous-région, et c’est à la limite légendaire. Il faut pouvoir consolider tout cela. Le souhait d’avoir la sous-région autant représentée est mérité. On a vu le soutien du public camerounais aux Panthères du Gabon, dans ce match épique contre le Maroc. Bravo à la sous-région. On est ragaillardi et on se dit simplement que le football est de retour dans la sous-région. Au départ de la compétition, les Gabonais avaient eu une frayeur avec la mise à l’écart de ses deux stars, dont Aubameyang. Mais on se rend compte après que ça a participé simplement à galvaniser le groupe, à resserrer les liens et on a une sélection gabonaise qui nous fait voir de toutes les couleurs sur le plan positif.
Comment vous voyez l’avenir de ces trois équipes dans cette compétition ?
Le Cameroun, le Gabon et la Guinée Equatoriale sont trois sélections qui donnent l’espoir. Par rapport à l’expérience et la maturité dans la compétition, le premier élément est le Cameroun. Les Lions Indomptables pourraient aller le plus loin possible dans cette compétition. Si les Lions traversent les 8es de finale face aux Comores, on peut se dire que la porte lui est grandement ouverte pour les quarts de finale. Mais attention, cette équipe comorienne est devenue une grosse légume du football africain. La Guinée Equatoriale n’est pas à prendre de haut. Il n’est pas exclu qu’elle passe encore la porte au prochains tour, et joue les quarts de finale. Le Gabon devrait simplement et très rapidement se remettre physiquement de la débauche d’énergie contre le Maroc. On espère qu’au niveau du kiné, la préparation physique permettra aux Panthères du Gabon de récupérer des matches de poule.En, l’encadrement technique garder l’équipe dans la même dynamique et au même niveau. La Guinée Equatoriale dégage une certaine forme, mais après c’est difficile de traverser le cap des quarts de finale. Mais on sent une sélection déterminée, qui a envie de faire de belles choses et d’aller le plus loin possible. Du coup ce sont trois sélections à trois visages différents. Mais de par leur histoire, l’expérience de ses joueurs et la maturité dans la compétition, force est de constater que la sous-région a la qualité et la capacité d’arriver le plus loin (le Cameroun). Le Gabon est dans la catégorie qui pourra réaliser un exploit dans la compétition en allant au-delà des 8es de finale. Il va rencontrer une équipe assez expérimentée du Burkina Faso, mais on a vu l’envie de jouer du Gabon, sa générosité dans le jeu et sa mobilité. Pour la Guinée Equatoriale, on espère simplement qu’elle pourra nous faire le plaisir de passer ce cap des 8es de finale. Et à partir des quarts de finale, tout est possible
De façon globale, quelle est votre observation des matchs de poule de cette compétition ?
Globalement, les matchs de poule dans cette compétition ont été d’une certaine qualité. On était un peu mièvre dès les premiers matchs. Mais à partir des seconds matchs, tel est moteur diesel, la production du jeu montait en puissance. La preuve, le nombre de buts par match est parfois passé du simple au quadruple. Et du coup, on a eu le réveil des attaques. Finalement les attaques ont pu trouver la formule des défenses. On se rend compte que les attaquants ont le pied chaud et ce n’est plus facile. On voit le nombre de buts par match, ce n’est pas évident du tout.On sera resté sur notre faim par rapport aux sélections comme l’Egypte, le Sénégal, l’Algérie qui est finalement sortie avec juste un but en trois matchs. Ce n’était pas prévisible. Car entre la coupe arabe organisée pratiquement à deux semaines de la CAN, l’arrivée à 24h du début de CAN, on savait quand même que ça pourrait peser sur l’Algérie. On a vu aussi l’Egypte qui a mis à peine deux buts dans la compétition. Du coup, les gros calibres ont un peu déçu. Et parmi eux, certains ont tenu leur rang, en l’occurrence le Cameroun, le Nigeria et la Côte d’Ivoire. Ces favoris ont démontré affichent clairement leurs ambitions. Et à partir de ce moment, ça participe à élever totalement le niveau de la compétition, tout au moins pour ce qui est du premier tour
Et voici venir les huitièmes de finale avec les duels en perspective, à élimination directe. Vos pronostics ?
Nous sommes en 8es de finale et tout est possible parce que ce sont des matchs à élimination directe. A partir de ces moments-là, ça devient très compliqué. On ne parlera pas de pronostic en termes de but, mais on parlera d’ici de pronostic en termes d’éléments de statistiques sur le papier. Si vous prenez un match comme Burkina – Gabon, c’est un peu compliqué en voyant la copie rendue par le Gabon contre le Maroc. C’est pour ça qu’on disait si le Gabon récupère normalement de sa rencontre contre le Maroc, ça pourrait être très difficile pour le Burkina Faso. On a vu un Gabon dans la maitrise technico-tactique de son sujet.A partir de ce moment, c’est difficile. Un Gabon qui altère la littéralité et la profondeur, et en toute maitrise, on a jamais vu un Gabon à ce niveau de forme dans une compétition continentale. C’est finalement une équipe qui donne un peu froid au dos et qui pousse le coach Burkinabè à beaucoup de réflexions. On a aussi des matchs tels que Côte d’Ivoire-Egypte, ça va être un très gros match pour ce qui est des 8es de finale. En perspective, quel que soit l’écart, les gros ont commencé à quitter la barque. Ils y’en a encore qui tomberont. Si vous prenez les deux dernières années, le Burkina Faso est considéré comme un gros parce que sa première défaite aurait été celle contre le Cameroun en match d’ouverture de la compétition. De gros matchs en perspective. Il y a des barrons qui vont quitter la barque et le reste va suivre.
Hors des pelouses et de la production du jeu, quelle est votre appréciation de la CAN 2021 ?
Il faut dire que sur le plan global, c’est une CAN vivante. C’est une CAN qui en elle-même porte ses fruits. Globalement par rapport à ce qu’on a vécu en Egypte, la CAN camerounaise est tout en réussite. Le Cameroun, après le match du premier tour, a réussi simplement à repartir dans le secteur de la mobilisation et à ramener les gens dans les gradins. Côté festif, s’il y a quelque chose qui marche bien en ce moment, ce sont les fans zones de 5000 à 7000 milles personnes agglutinées devant le grand écran. A cet endroit, des gens y arrivent aux premières heures de la matinée et d’autres arrivent à midi. Tous repartent de là à des heures tardives du soir. Donc, il y a bel et bien engouement, une belle ambiance autour de cette CAN. Pour tout ce qui est en dehors de terrain, on ne signale pas, beaucoup de quoi surtout que coté Cameroun, on a rattrapé en repartant avec l’organisation. Mais, ceux qui avaient déjà commencé celle du CHAN, du coup on a vu que la session de rattrapage par rapport à tout cela se passe au mieux. On est en train de vivre une CAN un peu comme celle qu’on aura souhaitée.Propos recueillis par
Remy BiniouSacrée Gambie ! 1 but á zéro face aux Aigles du Carthage.
Pour une première participation à la CAN, elle accède par la grande porte aux huitièmes de finale. Le stade Omnisports de Limbé en ébullition salue cette victoire d’un nain aux ambitions grandes. Finalement, c’est la révélation de cette Poule F. Au second tour, les futurs adversaires des Scorpions de Gambie n’ont qu’à bien se tenir. Les déclarations du coach Tom Saintfiet indiquant que son équipe est venue se préparer à affronter les prochaines échéances ne reflètent pas la réalité sur le terrain du jeu.
Les qualifiés de la Poule F: la Gambie et le Mali
Aux dernières nouvelles, le Mali finit en tête de la Poule F avec 7 points et la Gambie sept points.
Le Mali en dominant la Mauritanie par deux buts à zéro, devance au goal-average la Gambie.
Mais la Tunisie est également qualifiée malgré sa défaite cet après-midi face à la Gambie 0 but contre 1 contre. Avec trois points, la Tunisie figure parmi les quatre meilleurs troisièmes.Bobo Ousmanou
«Il y a toute cette économie du football qu’il faut développer»
Nous avons développé un certain nombre de réflexions sur l’industrie culturelle et d’autres évènements dans le cadre du développement de secteurs modernes pour promouvoir la diversification économique. Nous pensons que les évènements sportifs constituent une offre bien alléchante lorsqu’on commence à diversifier ces économies
Dans cette dernière série, le directeur par intérim du Bureau sous-régional Afrique centrale de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique lève un pan de voile sur les nombreuses possibilités qui s’offrent aux pays de la sous-région en capacité d’accueillir une CAN.
Jean Luc Mastaki Dans le cadre de la décennie de la diversification économique en Afrique centrale, comptez-vous mener une action en vue de la prise en compte des évènements sportifs et culturels internationaux comme facteur de diversification des économies notamment pour le développement du commerce des services à travers l’industrie du sport, les infrastructures, l’investissement…?
Nous y travaillons déjà. Bien que le domaine sportif et culturel ne soit pas le plus visible de notre agenda. Lorsque nous nous exprimons, nous avons tendance à nous exprimer sur l’industrie agroalimentaire, les miniers, les pétroliers, l’économie verte etc.
Nous avons développé un certain nombre de réflexions sur l’industrie culturelle et d’autres évènements dans le cadre du développement de secteurs modernes pour promouvoir la diversification économique. Nous pensons que les évènements sportifs constituent une offre bien alléchante lorsqu’on commence à diversifier ces économies. La réflexion devrait embrasser toutes ces niches qui sont souvent oubliées. Parce qu’en fin de compte, non seulement le sport fait partie du secteur des services, il permet de faire fonctionner les services autour: l’hôtellerie, les centres de formation… tous les services autour de l’écosystème du football. Lorsqu’on regarde le secteur médical, les équipementiers, il y a toute une couche d’industrie qui se superpose pour qu’il y ait un secteur footballistique performant. Et donc, tout ça constitue un potentiel pour diversifier les économies.
Je crois que lorsqu’on commencera à voir la chose de cette façon-là, pour se poser la question du football a quel contenu local? Quelle quantité de matière première il prend au sein de l’industrie locale pour évaluer les emplois qu’il crée non seulement en amont, mais aussi en aval. Exemple: l’équipementier des Lions indomptables, après les débats sur puma et sur le coq sportif, quelle est la place du coton camerounais? Quelle est la place du textile camerounais? Il n’y a pas un secteur qui peut plus porter la réputation d’un pays que les grands évènements comme ceux-ci. S’il y a, à titre d’illustration, un grand engouement publicitaire, c’est parce que les gens savent que la CAN peut renforcer l’image de marque de certains produits. Et notre coton, notre secteur textile, ne peuvent-ils pas contribuer à relever cette image de marque en participant à développer les équipements des Lions ou de nos champions?
Il y a tout un tas d’opportunités dans ce secteur-là, du vestimentaire au textile pour qu’on puisse développer nos propres équipementiers qui portent les valeurs africaines.
À la télévision, on le voit, les maillots des Lions indomptables du Cameroun à ceux des Aigles du Mali en passant par les Éléphants de Côte d’ivoire, les motifs africains commencent à être visibles. Pourtant ce sont nos motifs culturels et pourquoi pour nos motifs culturels, nous ne pouvons pas engranger des bénéfices. Ceux qui protègent les droits de propriété industrielle et intellectuelle, ce sont des marques: puma, coq sportifs etc…Où sommes-nous? Est-ce qu’on ne peut pas intégrer tout ça dans la stratégie de développement des chaînes de valeurs du textile africain pour pouvoir développer une industrie?
Et développer une industrie du textile c’est contribuer à la diversification économique nous amenant au-delà du focus sur les matières premières comme le dit le Consensus de Douala qui est notre théorie du changement ici à la CEA. C’est un aspect.
Un autre c’est le capital humain autour du football. Quelle est la part du capital humain africain dans la prise en charge médicale, la prise en charge technique. Au-delà des questions de passion autour des nationalités des uns et des autres, c’est la capacité à générer la richesse, mais aussi à la retenir à travers le sport. Lorsqu’on par des chiffres issus de certains championnats, c’est beaucoup de ressources qui sont générées, mais quelle quantité est retenue en Afrique? Oui, c’est nous qui consommons ces équipements, mais quelle est la part qui est restée chez nous?Ces ressources resteront chez nous lorsque les équipements seront intégrés à l’industrie du textile. Lorsqu’une part importante de la valeur ajoutée sera restée ici et c’est comme cela qu’on lutte contre la pauvreté.
Avec les grands stades que nous regardons, on peut aussi se poser la question de la part des matériaux locaux qui ont contribué à la construction: l’industrie du bâtiment. On peut se rendre compte, avec les montants évoqués, c’est un marché faramineux pour l’industrie du ciment. C’est un marché faramineux pour l’industrie du sable. Quelle est la part de notre industrie de la construction? C’est toute la problématique de l’approvisionnement local. Lequel nous permet de créer la classe moyenne.
Toutes ces approches permettent au Cameroun de cimenter le processus d’industrialisation, le processus de diversification au Cameroun. On peut être très chauvin à parler du Cameroun, mais c’est toute l’Afrique centrale qui est visée. Quelle est la place du Made in Central Africa dans les services autour des compétitions? Qu’il s’agisse des services techniques, des services médicaux, le bâtiment et les infrastructures, les équipementiers. Nous n’avons certes pas encore les grandes marques en Afrique centrale. Mais ne fut-ce que déjà la part de notre coton et le faire valoir. Et nous ne sommes pas encore une fois en train d’exporter les emplois et de payer les impôts à l’extérieur au lieu de les payer chez nous?
Si nous observons le secteur du bois, le pétrole, c’est les mêmes questions. Quelle est la part du contenu local? Lorsque nous ne pouvons pas nos grandes marques à nous, quelle est l’incitation que nous donnons pour que les grands acteurs viennent s’installer et produire à partir de chez nous ?
C’est de cette manière que ça va rencontrer les réflexions que nous faisons ici chez nous en termes de cluster industrielle. Est-ce qu’à un moment, il ne faudra pas qu’un grand pays de football comme le Cameroun ne réfléchisse à mettre un écosystème ici pour que les grands fournisseurs de football viennent s’installer ici. Le Cameroun produit déjà beaucoup de coton pour que des industriels viennent fabriquer les équipements et autres consommables de communication. Le Cameroun regorge de beaucoup de startups pour produire les habillages technologiques et digitaux que nous observons.
Il y a toute cette économie du football qu’il faut développer. Lorsqu’on va vers le capital humain, quelle est la part de nos écoles de formation? C’est à la fois le public et le privé. Nous avons appris à dire à la CEA que le leadership n’est pas seulement public. Si les industries sont naissantes, on doit les accompagner.
Votre mot de fin Monsieur le directeur. Vive la CAN? Vive l’économie du football? Ou alors Allez les Lions?
Que l’Afrique gagne! Dans les conditions de prudence, de respect des mesures strictes, de respect des restrictions anti-Covid-19. Cela vaut la peine d’être heureux, mais dans la prudence c’est mieux.Propos recueillis par
Remy BiniouSolidarité avec le Mali qui se bat pour sa vraie indépendance
Des sanctions commerciales et financières qui ressemblent étrangement à celles de l’Union européenne en 2011 contre les Ivoiriens et Laurent Gbagbo que Sarkozy voulait coûte que coûte remplacer par son poulain Ouattara : non seulement les banques étrangères étaient alors fermées mais un embargo fut décrété sur les médicaments à destination de la Côte d’Ivoire, ce qui ne pouvait que causer la mort de milliers de personnes.
La 33ème Coupe d’Afrique des nations ne doit pas nous faire oublier les souffrances du Mali. Réunie à Accra le 9 janvier 2022, la Communauté économique des États d’Afrique occidentale (Cedeao) a adopté contre ce pays des sanctions commerciales et financières qui ressemblent étrangement à celles de l’Union européenne en 2011 contre les Ivoiriens et Laurent Gbagbo que Sarkozy voulait coûte que coûte remplacer par son poulain Ouattara : non seulement les banques étrangères étaient alors fermées mais un embargo fut décrété sur les médicaments à destination de la Côte d’Ivoire, ce qui ne pouvait que causer la mort de milliers de personnes. Des morts qui n’ont jamais été pris en compte par les médias français qui ne parlent que des 3000 victimes de la crise postélectorale. Même si l’on n’est pas encore arrivé à de tels excès au Mali, les autorités de ce pays n’ont pas tardé à dénoncer l’illégitimité et l’illégalité des sanctions prises par l’organisation sous-régionale créée le 28 mai 1975 à Lagos (Nigeria) dans un but purement économique.
Manœuvres
Mais qui ignore aujourd’hui que la Cedeao est manipulée par la France qui, en plus de n’avoir pas digéré le renversement d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), ami de François Hollande, perçoit les deux têtes de l’exécutif malien comme des gens issus de deux coups d’État? Qui ne sait pas que l’ancienne puissance colonisatrice a des comptes à régler avec les autorités de Bamako qui lui avaient reproché d’avoir abandonné le Mali en plein vol? Qui ne voit pas que cette France n’est pas cohérente dans la mesure où elle accuse Goïta et Maïga de n’avoir pas été élus alors qu’elle fut muette devant le troisième mandat anticonstitutionnel d’Alassane Ouattara?La même remarque vaut pour la Cédéao: pourquoi cette organisation fait-elle une fixation sur le retour à l’ordre constitutionnel et à l’État de droit au Mali alors qu’elle ne protesta jamais contre la violation de la Constitution ivoirienne par Ouattara? Pourquoi l’ECOMOG est-il incapable de chasser les terroristes du Sahel?
Personnellement, je trouve les sanctions de la Cédéao injustes et inacceptables, d’abord parce qu’elles visent à asphyxier le Mali, ensuite parce que ceux qui ont pris ces décisions inhumaines se sont montrés indignes.En effet, seuls des gens indignes peuvent chercher à plaire à un pays qui en 8 ans n’a pas été capable de venir à bout des djihadistes malgré tous les moyens logistiques et militaires dont disposaient ses 5000 soldats. Seuls des gens indignes peuvent se dresser contre un des leurs qui se bat pour parvenir à la vraie indépendance. Seuls des gens indignes peuvent avoir oublié que les Blancs, eux, se sont toujours mis ensemble pour faire du mal au Noir: en 1885 à la Conférence de Berlin pour se partager l’Afrique, en 2011 pour assassiner le colonel Mouammar Kadhafi qui était sur le point d’utiliser une partie des 143 tonnes d’or que possédait son pays pour permettre la création d’une monnaie panafricaine, si l’on se fie aux éléments trouvés dans les lettres d’Hillary Clinton déclassifiées le 31 décembre 2021.
Kwame Nkrumah
Qu’ils sont minables et ignobles, ces valets de l’Occident qui n’ont pas encore compris que “nous devons trouver une solution africaine à nos problèmes et que cette solution ne peut être trouvée que dans l’unité africaine [car], divisés, nous sommes faibles [mais]; unie, l’Afrique pourrait devenir l’une des plus grandes forces du bien pour le monde” (Kwame Nkrumah)! Ils pensent intimider les dirigeants de la transition au Mali. Ils croient pouvoir les soumettre facilement, mais ils se trompent lourdement car Goïta et Maïga ont posé le pied sur un gros caillou (la Russie, la Chine, l’Algérie et la Guinée) et bénéficient du soutien de leur peuple. La preuve, les autorités de la transition ont immédiatement rassuré le peuple malien sur le fait que “l’approvisionnement régulier du pays sera assuré”, appelé “à la solidarité et à la vigilance pour dénoncer tous les traîtres”, déclaré que le Mali se réservait “le droit de se retirer de la Cédéao” et demandé aux jeunes de “commencer par se mobiliser pour défendre leur patrie”.Pour ma part, je pense que ce n’est pas seulement la jeunesse malienne qui doit se préparer à défendre le Mali. Tous les jeunes épris de liberté devraient se mobiliser et agir pour le Mali. Pendant que certains mènent le combat sur les réseaux sociaux, d’autres, ceux qui vivent dans les pays voisins, devraient converger vers Bamako. Je propose aussi que la jeunesse africaine manifeste chaque jour devant l’ambassade de France et boycotte les produits français dans les pays de cette Cédéao dirigée par des larbins et des poltrons.
Cupidité et médiocrité
“Nous ne sommes confrontés ni à l’Est ni à l’Ouest. Nous sommes face à nous”, disait le Docteur Kwame Nkrumah. Nous étions alors dans un contexte de guerre froide entre le bloc américain et le bloc soviétique. Pour moi, l’expression “nous sommes face à nous” signifie, d’une part, qu’en notre sein se trouvent des individus qui ne sont guère gênés de s’associer à l’ennemi pour des intérêts et avantages bassement matériels. Nous devons être sans pitié pour ces individus que la cupidité et la médiocrité poussent à travailler contre l’Afrique.La Chine n’aurait pas eu la puissance économique et militaire que tout le monde lui reconnaît si Mao Zedong et ses camarades avaient montré quelque complaisance à l’égard de ceux qui étaient réfractaires à la révolution culturelle de 1966. La formule signifie, d’autre part, que nous devons prendre notre destin en main sans attendre le feu vert de quiconque et sans compromission. Nous devons nous assumer devant l’Histoire en nous mettant debout et en affrontant ensemble ceux qui nous pourrissent la vie depuis 1960, l’année des pseudo-indépendances.
Grandeur
Grâce aux travaux de Cheikh Anta Diop, de Joseph Ki-Zerbo, d’Ibrahima Baba Kaké et de Théophile Obenga, entre autres, nous savons aujourd’hui que l’Afrique, berceau de l’humanité, fut un grand continent parce que plusieurs penseurs grecs (Thalès, Pythagore, Solon, Anaximandre, Héraclite d’Éphèse, Platon…) reçurent leur formation en Égypte, parce que Tombouctou était un grand centre intellectuel, parce que l’Afrique eut des empires riches et puissants (Ghana, Mali, Songhaï, Monomotapa, etc.).Pouvons-nous redonner à l’Afrique sa grandeur? Oui mais ce ne sera pas en ergotant à l’envi sur ce glorieux passé ni en étant obsédés par la démocratie que l’Occident est le premier à bafouer en Afrique, mais en nous solidarisant avec le Mali. En 2010, Laurent Gbagbo fut malheureusement privé de cette solidarité africaine. En Afrique de l’Ouest, excepté Joseph Kokou Koffigoh, Hermann Yaméogo, Amath Dansokho, Malick Ndiaye, IBK, Aminata Traoré…, beaucoup préférèrent soutenir son adversaire qui avait dit le 9 octobre 1999 à Paris qu’on l’empêchait d’être candidat parce qu’il était musulman et du Nord.
Ils avaient oublié le proverbe africain qui dit: “Quand la case de ton voisin brûle, hâte-toi de l’aider à éteindre le feu, avant qu’il n’atteigne la tienne.” Ironie du sort, c’est le même Alassane Ouattara qui veut brûler le Mali tandis que Laurent Gbagbo naguère voué aux gémonies est opposé aux sanctions de la Cédéao. Ceci montre que nous devons nous battre, non pour une religion, une ethnie ou une idéologie (socialisme, libéralisme, etc.), mais pour que nos pays cessent d’être contrôlés et pillés par la France.
Marcel Amondji estimait que les Français comme colonisateurs n’étaient ni meilleurs ni pires que les autres mais qu’ils ne savaient pas s’arrêter. Avant le grand penseur ivoirien, Albert Camus enseignait que “la bêtise insiste toujours”. Je pense, quant à moi, que les Français sont les pires colons et néocolons car un pays intelligent et sage se serait gardé de traiter le Mali comme il traita la Côte d’Ivoire de septembre 2002 à avril 2011.
En un mot, les Africains (jeunes, artistes, opposants, intellectuels) doivent se tenir aux côtés des Maliens. Toute l’Afrique doit se mobiliser pour le Mali, lui apporter son savoir-faire et ses idées car ce qui se joue, dans le pays de Modibo Keïta, c’est le destin des pays “francophones” que la France n’a pu dominer et exploiter qu’en les divisant et en les montant les uns contre les autres.
«Réfléchir pour savoir de quelle manière Olembé, Japoma et autres seront pérennes»
Pour cette CAN, le développement des infrastructures au Cameroun tourne autour de plus de 800 millions de dollars d’investissement public. On n’estime pas encore la sphère privée, notamment les hôtels 4 étoiles. Lorsqu’un marché est plus ouvert, il peut être un levier pour encourager les investissements. La problématique reste celle de la rentabilisation des investissements.
Dans cette deuxième série, le directeur par intérim du Bureau sous-régional Afrique centrale de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique s’intéresse aux retombées de la CAN TotalEnergies 2021 et présente des pistes de solution pour assurer la rentabilisation des investissements effectués.
Jean Luc Mastaki On peut affirmer que la CAN est une opportunité qui se greffe à la plus grande opportunité qu’est la ZLECAF. Justement, le 1er Janvier 2022, l’Afrique a commémoré l’an 1 de la ZLECAF. Seulement sur le terrain, pas d’intensité des échanges. Les grand-messes sportives et culturelles internationales telles que la CAN 2021 ont des connexions et répercussions multidimensionnelles à l’économie. Dans la perspective de la libre circulation des biens, la CAN pourrait-elle être une rampe de lancement pour actionner la machine grippée?
Il existe un parallélisme très fort entre ces deux opportunités qui permettent à ce que l’Afrique converge vers un seul et même endroit. Tout cela dépendra de ce que l’endroit en question peut offrir. Aujourd’hui, le Cameroun offre la CAN: c’est le point d’attraction. Demain, les avantages que nous pourrons tirer de la ZLECAF dépendront de ce que nous avons à offrir: une capacité productive et sa compétitivité.
Qu’est-ce que le Cameroun offre sur la table et quel est le niveau de compétitivité prix-qualité de ces produits?
Deuxième élément: quelles sont les facilités de commerce qui existent et qui permettent en fin de compte de profiter de ce décloisonnement? Si nous n’avons pas des infrastructures, on aura beau ouvrir les frontières mais pour amener les produits jusqu’à la frontière, il faut des routes de qualité ; il faut un chemin de fer de qualité. Il faut le climat des affaires lui-même. La ZLECAF va profiter aux pays qui auront quelque chose à offrir; qui auront mis en place les infrastructures nécessaires; qui auront mis en place les pratiques commerciales qui s’alignent sur cette connectivité et cette efficience des procédures au niveau des frontières. Au-delà des barrières tarifaires, il y a tout un tas de pratiques et de processus au niveau des douanes qui doivent être expéditifs.Nous sommes sur un marché où les produits qui doivent exportés sont les produits manufacturés et produits à valeur ajoutée: l’huile raffinée du Cameroun, les jus de fruit du Cameroun, la tomate concentrée du Nigéria. Ce sont des produits élaborés. Il faut aussi que notre infrastructure de qualité puisse être fonctionnelle et soit à mesure de certifier la qualité.
Autre élément, la compétitivité-coût. Nous allons concurrencer les produits identiques aux nôtres fabriqués dans d’autres pays africains. Nous devons être compétitifs en termes de coût. La compétitivité est liée à un certain nombre de facteurs de notre écosystème : l’énergie (disponibilité et coût). L’énergie doit être de bonne qualité et à moindre coût afin de ne pas impacter le coût final de nos produits. Il y a également le système d’approvisionnement en termes de matières premières pour élaborer nos produits. Les chaînes de valeurs sont-elles bien rationalisées et bien intégrer pour être mieux connectées à l’industrie? Ce sont des prérequis pour tirer profit de la ZLECAF.Autre élément, les informations commerciales et économiques. Est-ce que nous connaissons où se trouvent les opportunités pour vendre les produits camerounais sur le marché africain? À la CEA, nous avons fait beaucoup d’études pour essayer de comprendre où se trouvent les opportunités de commercialisation.
Lorsqu’on a ce système d’information économique et commerciale, on sait bien s’aligner parce qu’on comprend les besoins des consommateurs qui se trouvent là-bas. Enfin de compte, c’est le rôle de cette diplomatie économique: nos ambassades et nos consulats doivent collecter l’information et informer les pays en termes d’informations d’opportunités de marché.
Pour moi, tout le débat tourne autour de la qualité de nos produits, leur compétitivité, l’information et la qualité de l’écosystème, les infrastructures de transport et d’énergie, nouvelles technologies de l’information et de la communication. Le Covid-19 nous a montré qu’il fallait se mettre au digital. Ce d’autant plus que le consommateur est de plus en plus jeune. Il faut donc innover.
Lorsqu’on regarde la CAN telle qu’elle se déroule, elle peut rassurer. La conscience d’un marché beaucoup plus élargi permet un investissement à la fois public et privé élevé et important. Pour cette CAN, le développement des infrastructures au Cameroun tourne autour de plus de 800 millions de dollars d’investissement public. On n’estime pas encore la sphère privée, notamment les hôtels 4 étoiles. Lorsqu’un marché est plus ouvert, il peut être un levier pour encourager les investissements.
La problématique reste celle de la rentabilisation des investissements. S’agissant de la CAN, quelles sont les stratégies mises à œuvre par le Cameroun pour rentabiliser les investissements? Afin d’éviter les éléphants blancs; éviter les infrastructures de prestige qui ne sont pas rentables pour lesquels les retours sur investissement sont faibles. Lorsque cela arrive, la question de la maintenance va avec. Si un investissement n’a pas généré de retour, les charges récurrentes à son existence posent problème. Donc, il faut qu’on réfléchisse pour savoir de quelle manière Olembé, Japoma et autres seront pérennes.
Avez-vous des propositions concrètes?
Les idées ne manquent pas: il faut renforcer les championnats nationaux, on n’a pas besoin d’être expert en football pour le comprendre. Deuxième élément, le pays doit améliorer son attractivité par rapport à des évènements qui ne pourront pas forcement être du niveau de la CAN, mais qui restent dans la même philosophie. Il faudra accueillir d’autres compétitions qui permettront non seulement au Cameroun de rester un centre de convergence, mais aussi permettront au Cameroun de continuer à accompagner les talents du Cameroun dans la chaîne de valeur du football.Ainsi, ces stades génèreront d’autres champions dans les générations futures consolidant ainsi le statut du Cameroun comme terre des champions. Au-delà des stades et des infrastructures routières, il y a le développement économique à nourrir derrière. Evidemment, il germe la question du financement de ces infrastructures. Précisément, la question du financement extérieur et l’endettement. Le débat de la rentabilité de ces infrastructures doit être lancé dès maintenant. Que le Cameroun définisse des stratégies pour que ces infrastructures soient maintenues et continuent de générer le retour sur investissement attendu.
Lorsqu’on quitte la sphère publique, on va dans la sphère privée. Le Cameroun a été honoré par un certain nombre de nouveaux hôtels. Il y a aussi eu l’extension des investissements existants. Lorsque vous traverser la ville, il ne faut pas être économiste pour le comprendre. Il y a beaucoup de 4 étoiles qui sont sortis de terre, mais les hôtels existants se sont mis au niveau en termes de taille, mais aussi en termes de qualité de service. Les investissements réalisés à ce niveau doivent être rentabilisés eux aussi. Ceux-ci témoigneront donc de la capacité du Cameroun à attirer de grands évènements internationaux au-delà du football: de grandes conférences, des Sommets qui permettent que les taux d’occupation de ces hôtels soient maintenus concourants ainsi à rembourser certains crédits.
Le secteur des services en général aura donc bénéficié énormément de la CAN. C’est aussi celui qui a été le plus morose après le passage de la pandémie. Ce coup de pouce est conjoncturel. Il faudra continuer à réfléchir pour qu’après la CAN, on continue à relancer l’économie du Cameroun à travers les services. L’avantage du secteur des services c’est qu’il est intensif en termes de main d’œuvre par rapport à d’autres secteurs. Les emplois n’étant pas souvent très exigeants en termes de qualification, il y a beaucoup de jeunes qui y travaillent. Le lien avec la lutte contre la pauvreté est très fort. L’inclusivité de la croissance est forte. Il va falloir réfléchir comment la CAN entre dans le cadre de la relance économique postCovid-19 et elle se durabilise.
Qu’en fin de compte, le Cameroun retrouve le sentier de la croissance et d’une croissance robuste, durable et inclusif. Ce que nous avons toujours souhaité. Évidemment, tout cela devrait venir avec les pratiques que nous mettons en place en termes de libre circulation des personnes, capacité d’accueil, incitation au déplacement et à l’accueil des touristes. Toutes les procédures de visa, les possibilités de transport, les procédures de transport. L’avantage avec ce type d’évènement et des compétitions est que ceux qui viennent pour la première fois auront envie de revenir et vont convaincre les autres. Il faut que nous ayons cela à l’esprit.
Propos recueillis par
Remy Biniou«La CAN est une fenêtre d’opportunités dans la ZLECAF qui est une vaste opportunité»
Quelle est la place du Made in Central Africa dans les services autour des compétitions. Qu’il s’agisse des services techniques, des services médicaux, le bâtiment et les infrastructures, les équipementiers. Est-ce que nous ne sommes pas encore une fois en train d’exporter les emplois et de payer les impôts à l’extérieur au lieu de les payer chez nous?
Dans cette première série, le directeur par intérim du Bureau sous-régional Afrique centrale de la Commission économique des nations unies pour l’Afrique (CEA) présente les ressorts d’une compétition authentiquement africaine et durablement profitable au continent.
Jean Luc Mastaki Monsieur le directeur, le Journal Intégration formule pour vous et pour la CEA, les vœux les meilleurs pour l’année 2022 nouvellement entamée. Merci d’avoir répondu favorablement à notre sollicitation. Vous êtes à Yaoundé, le Cameroun accueille la 33ème édition de la Coupe d’Afrique des nations. Sans doute, vous ressentez la fièvre de la compétition. Comment appréciez-vous cette édition de la CAN?
C’est avec beaucoup de plaisir, comme tout habitant de Yaoundé, que nous voyons la Coupe d’Afrique des nations commencer. Nous l’avons tous attendue. Nous sommes très heureux qu’elle commence et ce de belle manière. Nous avons suivi la cérémonie d’ouverture qui était toute belle et le match d’ouverture qui a tenu toutes ses promesses. Plus important encore, cette mobilisation populaire autour de l’évènement montre que cet évènement a été très attendu. L’heure est à la fête et nous espérons que le même esprit continue. Une compétition africaine est une rencontre interculturelle, c’est une rencontre des peuples, c’est une célébration de l’unité des Africains. Nous souhaitons que jusqu’au 6 février, la ferveur se perpétue.Nous souhaitons également que cette CAN soit également l’occasion pour d’autres échanges. Des échanges aussi bien culturels qu’économiques entre nos peuples. Que ces derniers apprennent à se connaître. Nous souhaitons en dernier ressort, mais de toute notre force, que le Cameroun, qui a consenti de nombreux investissements pour l’organisation, puisse tirer des dividendes à travers un certain nombre de retombés qui peuvent être des réjouissances ou alors des retombés économiques. Et donc, que la CAN serve d’un des sentiers pour la relance de l’économie du Cameroun après le contexte difficile de Covid-19.
L’Afrique centrale que vous couvrez est représentée par trois pays : le Cameroun, le Gabon et la Guinée Équatoriale. On pourrait parler de la Zone des Trois Frontières… Pensez-vous que le trophée puisse rester en Afrique centrale?
Je ne suis pas très fort en pronostic. Pour moi, c’est l’Afrique qui gagnera de toutes les façons. L’Afrique centrale, l’Afrique du nord, l’Afrique de l’ouest, l’Afrique australe ou l’Afrique de l’est, ce sera toujours l’Afrique qui gagnera. De toutes les façons, à ce niveau de la compétition, il est très difficile de dire qui va gagner. Il n’y a pas de petites équipes. Toutes sont grandes et belles. Et que l’Afrique gagne! C’est tout ce que je peux souhaiter.Plus largement, quels sont vos pronostics sur la CAN 2021, Monsieur le directeur? Vous n’avez pas de favoris?
C’est une question très compliquée. Je vais crier comme tous mes amis de Yaoundé: Allez les lions. En espérant que quel qu’en soit l’issue, la fête sera belle.Évoquons à présent la portée de cet évènement continental qui se tient dans un contexte bien précis et une conjoncture qui ne saurait être ignorée. Premier arrêt: pensez-vous que la CAN puisse remettre au goût du jour le débat de la libre circulation des personnes dans la ZLECAF?
Exactement! Cette CAN a l’avantage d’être la première après l’entrée en opérationnalisation de la Zone de libre-échange continentale africaine. C’est un évènement qui devrait déjà nous indiquer les avantages que nous offre cette zone. Une zone que nous voulons décloisonnée. Une zone dans laquelle nous voulons une libre circulation des biens et des personnes sur un large étendu.Il est scandé que nous allons constituer la plus grande zone de libre-échange après la création de l’OMC. La CAN est donc une opportunité qui nous montre ce que nous pouvons espérer lorsque les gens circulent librement. Évidemment, il y a encore les barrières liées au contexte sanitaire actuel. Mais la CAN nous montre très clairement comment un pays comme le Cameroun pourrait bénéficier de l’engouement des mouvements qui convergent vers son sol. La Zone de libre-échange continentale africaine et la CAN ont beaucoup de points de convergence. Le premier: la CAN nous permet de faire et voir circuler vers un point unique les équipes, les officiels et les supporters. Ce qui constitue une pulsion pour le secteur hôtellerie et tourisme du Cameroun et pour la croissance économique.
Au-delà, la CAN permet de réaliser le métissage que les pères fondateurs de l’Union africaine ont toujours voulu. Leur rêve a toujours été de construire une Afrique où les Africains se sentiraient partout chez eux: en sécurité et bien accueilli. C’est la même philosophie avec la ZLECAF. Elle postule que les Africains soient en mesure de vivre partout en Afrique, de s’y épanouir, d’y travailler et contribuer au développement de cette localité.
Et donc je crois que la CAN est une illustration parfaite de ce que nous pouvons attendre de tout ce que nous pouvons attendre de la ZLECAF. On peut bien s’imaginer s’il n’y avait pas toutes ces barrières liées au contexte actuel de Covid-19, quel engouement la CAN aurait généré au Cameroun. Notamment pour ce secteur hôtelier qui ne demande que des taux d’occupation à améliorer après la pandémie; pour ces restaurants et ce secteur des services qui sont les secteurs les plus frappés par la pandémie. La CAN pouvait donc être ce premier mécanisme de relance de ce secteur qui est à terre.
La CAN est une opportunité dans la ZLECAF qui est une vaste opportunité.On peut donc conclure que la CAN est une opportunité qui se greffe à la plus grande opportunité qu’est la ZLECAF. Justement, le 1er Janvier 2022, l’Afrique a commémoré l’an 1 de la ZLECAF. Seulement sur le terrain, pas d’intensité des échanges. Les grand-messes sportives et culturelles internationales telles que la CAN 2021 ont des connexions et répercussions multidimensionnelles sur l’économie. Dans la perspective de la libre circulation des biens, la CAN pourrait-elle être une rampe de lancement pour actionner la machine grippée?
Il existe un parallélisme très fort entre ces deux opportunités qui permettent à ce que l’Afrique converge vers un seul et même endroit. Tout cela dépendra de ce que l’endroit en question peut offrir. Aujourd’hui, le Cameroun offre la CAN: c’est le point d’attraction. Demain, les avantages que nous pourrons tirer de la ZLECAF dépendront de ce que nous avons à offrir: une capacité productive et sa compétitivité.Qu’est-ce que le Cameroun offre sur la table et quel est le niveau de compétitivité prix-qualité de ces produits.
Deuxième élément : quelles sont les facilités de commerce qui existent et qui permettent en fin de compte de profiter de ce décloisonnement. Si nous n’avons pas des infrastructures, on aura beau ouvrir les frontières mais pour amener les produits jusqu’à la frontière, il faut des routes de qualité; il faut un chemin de fer de qualité. Il faut le climat des affaires lui-même. La ZLECAF va profiter aux pays qui auront quelque chose à offrir; qui auront mis en place les infrastructures nécessaires; qui auront mis en place les pratiques commerciales qui s’alignent sur cette connectivité et cette efficience des procédures au niveau des frontières. Au-delà des barrières tarifaires, il y a tout un tas de pratiques et de processus au niveau des douanes qui doivent être expéditifs.Nous sommes sur un marché où les produits qui doivent être exportés sont les produits manufacturés et produits à valeur ajoutée: l’huile raffinée du Cameroun, les jus de fruit du Cameroun, la tomate concentrée du Nigéria. Ce sont des produits élaborés. Il faut aussi que notre infrastructure de qualité puisse être fonctionnelle et soit à mesure de certifier la qualité.
Autre élément, la compétitivité-coût.Nous allons concurrencer les produits identiques aux nôtres fabriqués dans d’autres pays africains. Nous devons être compétitifs en termes de coût. La compétitivité est liée à un certain nombre de facteurs de notre écosystème : l’énergie (disponibilité et coût). L’énergie doit être de bonne qualité et à moindre coût afin de ne pas impacter le coût final de nos produits. Il y a également le système d’approvisionnement en termes de matières premières pour élaborer nos produits. Les chaînes de valeurs sont-elles bien rationaliser et bien intégrer pour être mieux connectées à l’industrie? Ce sont des prérequis pour tirer profit de la ZLECAF.
Autre élément, les informations commerciales et économiques. Est-ce que nous connaissons où se trouvent les opportunités pour vendre les produits camerounais sur le marché africain? À la CEA, nous avons fait beaucoup d’études pour essayer de comprendre où se trouvent les opportunités de commercialisation.
Propos recueillis par
Remy BiniouJean-Claude Djereke : «on peut, tout en confiant la CAN à Dieu, Lui demander de toucher les cœurs»
Le sociologue ivoirien se prononce sur la place du religieux dans la CAN.
Certains auraient aimé que les Camerounais boycottent la fête du football africain en raison de la guerre qui ne cesse de détruire le Cameroun anglophone. Ce n’est pas l’avis de l’archevêque de Yaoundé qui a prié pour le bon déroulement de la CAN. Devait-il le faire ? Ma réponse est «oui» car on peut, tout en confiant la CAN à Dieu, Lui demander de toucher les cœurs afin que les prisonniers politiques soient libérés, que les violences puissent s’arrêter et que les parties en conflit puissent se rencontrer et discuter.
Autant je ne désapprouve pas l’initiative de la prière à la basilique de Mvolyé, autant je trouve ridicule que ladite prière soit placée «sous le haut patronage de Paul Biya». Pourquoi? Même s’ils doivent respect et obéissance aux autorités politiques, qui doivent être au service de tous, les chrétiens n’ont pas pour patron tel ou tel président, mais le Christ.
Enfin, j’espère que le gouvernement a commencé à réfléchir à l’après CAN. Il a mis beaucoup d’argent dans la construction des stades, hôtels et centres commerciaux. Il faudra non seulement veiller à ce que ces infrastructures aient une longue vie, mais voir aussi comment on peut les rendre rentables.
Quand Eto’o, Drogba et Haller défendent la CAN au Cameroun
Il va sans dire que je suis fier de la réaction d’Eto’o, Drogba et Haller. Ces trois frères ont parlé comme des hommes dignes et debout. Je les félicite d’avoir refusé de se taire comme ces larbins et poltrons qui remplissent les congrégations religieuses, nos universités, gouvernements et parlements, et qui n’ouvrent la bouche que pour défendre ou dédouaner l’Occident, comme si les Africains étaient responsables de l’esclavage, de la colonisation et du néocolonialisme.
Pour le sociologue et écrivain ivoirien, la prise de position de ces trois dignes fils africains est la preuve que le combat pour l’émancipation n’épargne aucun secteur et devrait également se poursuivre sur le terrain du football.
Le football africain sera à l’honneur pendant un mois. En effet, la 33ème édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) aura lieu au Cameroun du 9 janvier au 6 février 2022. La compétition est organisée par la Confédération africaine de football (CAF) dont la création fut proposée en juin 1956, lors du 3ème congrès de la Fédération internationale de football association (FIFA) à Lisbonne (Portugal) par l’Égyptien Abdelaziz Abdellah Salem. Dominée par l’Occident (seuls l’Afrique du Sud, l’Égypte, l’Éthiopie et le Soudan faisaient partie de l’association), la FIFA rejeta la proposition. Elle changea d’avis après qu’Abdelaziz eut déclaré : «Si nous ne sommes pas tous traités ici sur le même pied d’égalité, il n’est nullement question de notre présence parmi vous». Comme quoi, il faut quelquefois frapper du poing sur la table pour se faire entendre et obtenir gain de cause.
Cette leçon, Samuel Eto’o, Didier Drogba et d’autres semblent l’avoir retenue. De quoi s’agit-il? La FIFA souhaitait un report de la CAN. Présent à Doha, son président, le Suisse-Italien Gianni Infantino, le fit savoir au Comité exécutif de la CAF, le 19 décembre 2021. Quels étaient ses arguments? La crainte que les stades ne soient pas prêts à temps, la situation sanitaire aggravée par l’émergence du variant Omicron, la réticence des clubs européens à laisser partir les joueurs africains, un possible conflit entre la CAN et la Coupe du monde des clubs qui doit se dérouler du 3 au 12 février aux Émirats arabes unis.
Quatre jours plus tôt, l’Association européenne des clubs (the European Club Association en anglais) publiait le communiqué suivant : «La Confédération africaine de football n’a pas encore rendu public un protocole médical et opérationnel adapté pour le tournoi de la CAN, en l’absence duquel les clubs ne seront pas en mesure de libérer leurs joueurs pour le tournoi».
Enfin, j’espère que le gouvernement a commencé à réfléchir à l’après CAN. Il a mis beaucoup d’argent dans la construction des stades, hôtels et centres commerciaux. Il faudra non seulement veiller à ce que ces infrastructures aient une longue vie, mais voir aussi comment on peut les rendre rentables.
Protestation
Le nouveau président de la Fédération camerounaise de football (FECAFOOT), qui n’a pas sa langue dans la poche, ne tarda pas à réagir. «Pourquoi la Coupe d’Afrique des nations ne se jouerait-elle pas? Donnez-moi une seule raison valable! On est en train de nous traiter comme on nous a toujours traités: nous sommes des moins que rien et nous devons toujours subir», avait-il contre-attaqué, le 21 décembre 2021.Didier Drogba lui emboîta le pas dix jours plus tard. Sur Twitter, l’ancien goleador de Chelsea FC et des Éléphants de Côte d’Ivoire exprimait son indignation en ces termes : «le respect se doit d’être mutuel (…). Il y a encore trop de discriminations, d’inégalités à l’égard de nos compétitions et de nos joueurs». Le Britannique Ian Wright, ancien attaquant-vedette d’Arsenal, apporta son soutien aux joueurs africains en regrettant que la CAN soit le tournoi le plus méprisé.
Quant à Sébastien Haller, l’attaquant ivoirien de l’Ajax Amsterdam, il jugea irrespectueuse la question d’un journaliste du quotidien néerlandais ‘De Telegraaf’. Le journaliste voulait savoir si Haller allait participer à la CAN ou rester en club tout le mois de janvier. «Cette question montre le manque de respect pour l’Afrique. Aurait-on posé cette question à un joueur européen avant l’Euro? Bien sûr que je vais à la CAN», répondit le meilleur buteur de la Ligue des Champions (10 buts à son compteur pour le moment). Il ajouta : «Je déteste avoir à choisir entre mon pays et mon club. C’est vraiment nul. Je joue pour le titre avec l’Ajax et ces deux matchs sont très importants pour le classement».
Il va sans dire que je suis fier de la réaction d’Eto’o, Drogba et Haller. Ces trois frères ont parlé comme des hommes dignes et debout. Je les félicite d’avoir refusé de se taire comme ces larbins et poltrons qui remplissent les congrégations religieuses, nos universités, gouvernements et parlements et qui n’ouvrent la bouche que pour défendre ou dédouaner l’Occident, comme si les Africains étaient responsables de l’esclavage, de la colonisation et du néocolonialisme.
On souhaiterait que ceux qui prendront part à la 33ème CAN aient une pensée pour la République centrafricaine et le Mali qui se battent courageusement pour sortir des griffes de la France. De la même manière que les Joseph Ki-Zerbo, Memel Fotê, Laurent N’Guessan-Zoukou et d’autres Africains volèrent au secours de la Guinée.
Il est vrai que ce n’est pas la faute de l’Occident si certains “intellectuels” ont réussi à convaincre tel ou tel autocrate que le parti unique était une bonne chose, si les routes, écoles et hôpitaux sont en mauvais état, si les Mobutu, Bongo, Gnassingbé Eyadéma, Bokassa, Compaoré, Sassou Nguesso, Idriss Déby et Alassane Ouattara ont planqué une bonne partie de l’argent de leur pays dans des banques étrangères, s’ils ont enrichi leurs familles et clans au détriment de leurs populations qu’ils terrorisaient en même temps, mais l’Afrique n’aurait-elle pas présenté un meilleur visage si des individus ou groupes extérieurs n’avaient pas renversé ou assassiné Ruben Um Nyobè, Félix-Roland Moumié, Kwame Nkrumah, Patrice Lumumba, Sylvanus Olympio, Modibo Keïta, Barthélemy Boganda, Thomas Sankara, Amilcar Cabral, Samora Machel…? Je suis de ceux qui croient que les causes de notre «retard» sont plus externes qu’internes.
Désormais, nous devons non seulement répondre du tic au tac, mais ne laisser aucun Occidental nous marcher ou nous cracher dessus. Les footballeurs africains devraient donner de la voix, pas seulement quand la CAN est attaquée, mais aussi quand les populations africaines ne sont pas en mesure de se nourrir convenablement, de s’exprimer librement, de se soigner, de scolariser leur progéniture, d’avoir des élections justes et transparentes, etc.
On souhaiterait que ceux qui prendront part à la 33ème CAN aient une pensée pour la République centrafricaine et le Mali qui se battent courageusement pour sortir des griffes de la France. De la même manière que les Joseph Ki-Zerbo, Memel Fotê, Laurent N’Guessan-Zoukou et d’autres Africains volèrent au secours de la Guinée abandonnée du jour au lendemain pour avoir voté «non» au référendum instituant la communauté franco-africaine du général de Gaulle, de même tout Africain épris de liberté devrait songer à apporter une aide concrète aux Maliens et aux Centrafricains.
Certains auraient aimé que les Camerounais boycottent la fête du football africain en raison de la guerre qui ne cesse de détruire le Cameroun anglophone. Ce n’est pas l’avis de l’archevêque de Yaoundé qui a prié pour le bon déroulement de la CAN. Devait-il le faire ? Ma réponse est «oui» car on peut, tout en confiant la CAN à Dieu, Lui demander de toucher les cœurs afin que les prisonniers politiques soient libérés, que les violences puissent s’arrêter et que les parties en conflit puissent se rencontrer et discuter.
Autant je ne désapprouve pas l’initiative de la prière à la basilique de Mvolyé, autant je trouve ridicule que ladite prière soit placée «sous le haut patronage de Paul Biya». Pourquoi? Même s’ils doivent respect et obéissance aux autorités politiques, qui doivent être au service de tous, les chrétiens n’ont pas pour patron tel ou tel président, mais le Christ.
Enfin, j’espère que le gouvernement a commencé à réfléchir à l’après CAN. Il a mis beaucoup d’argent dans la construction des stades, hôtels et centres commerciaux. Il faudra non seulement veiller à ce que ces infrastructures aient une longue vie, mais voir aussi comment on peut les rendre rentables.La chose des « Blancs » ou de l’architecture du pouvoir au Cameroun
L’écrivain camerounais, Timba Bema, revisite l’histoire pré et postindépendance du Cameroun pour mieux psychanalyser le comportement des dirigeants et expliquer certains dysfonctionnements.
Timba Bema Le 1er janvier 1960, le Cameroun sous mandat français accède à l’indépendance. La ville de Yaoundé, où se déroule la proclamation est quadrillée par les militaires. La peur règne. La veille, six personnes sont abattues à coups de machette. Le 30 décembre à Douala, un commando tente de prendre le contrôle d’un poste de gendarmerie et de l’aérodrome. On dénombre une centaine de morts. Depuis 1957, les nationalistes camerounais se sont rebellés contre cette indépendance tronquée qui selon eux est la continuation du colonialisme par des voies détournées.
Il faut avouer que les colons ont écarté tous ceux dont les vues sur l’avenir du Cameroun divergeaient des leurs. Ils ont confié les rênes à leurs obligés dont le chef de file est Ahidjo. L’une de ses premières décisions est de réfectionner le palais du haut-commissaire devenu palais présidentiel. Le marbre est importé par avion d’Italie. Spatialement, Ahidjo quitte la résidence du Premier ministre au lac pour le Centre administratif. Le même cérémonial s’observe à toutes les strates de l’État. Les fonctionnaires délaissent leurs cases en terre battue dans le camp de Messa pour les villas cossues naguère habitées par les coloniaux. Ils remplacent également dans les bureaux leurs anciens patrons blancs, dont certains se sont recyclés en coopérants ou en conseillers techniques.
Dans l’inconscient camerounais être au pouvoir c’est à juste titre occuper la place laissée vacante par les Blancs. Plus précisément, c’est se substituer aux Blancs. Comme par une opération magique, il se voit conférer les attributs réels ou supposés des Blancs, il devient donc un Blanc. D’ailleurs, il parle leur langue, il imite tant bien que mal leur accent, il s’habille à la dernière mode parisienne, il fume, il boit du vin rouge, il mange du fromage après le dessert, il maîtrise leurs manières, leurs codes qu’il reproduit dans la société locale avec une certaine idée de sa supériorité.
Toute réussite sociale est associée aux Blancs, puisqu’elle survient dans un environnement dont le premier maillon est l’école. Elle arrache l’enfant en bas âge et lui inculque année après année une nouvelle culture, une nouvelle vision du monde à quoi il s’attache par habitude, par admiration, mais aussi et surtout par l’attrait du statut privilégié que lui confèreront les diplômes. On comprend ainsi la frénésie des Camerounais pour les études et surtout leur déférence affectée vis-à-vis de ceux qui ont atteint les cimes du système éducatif. On les appelle « Docteur », « Professeur », on courbe l’échine devant eux, on les encense, et leurs pieds ne touchent déjà plus le sol. En définitive, toute ascension sociale entraîne un changement de statut, un éloignement de la pauvreté. La vieille opposition entre le « sauvage » et le « civilisé » est remplacée par celle entre l’« illettré » du « lettré », ce téméraire qui a achevé le processus de transformation de soi initié à l’école primaire. Pour les Camerounais, que signifie accéder au pouvoir ?
D’abord, il faut se rappeler que le pays a été créé par les Blancs après une phase de conquête et de soumission des corps. Oui, le Cameroun est une fabrication des Blancs. C’est-à-dire qu’il a jailli de leur rêve qui s’est matérialisé en un territoire livré à leur convoitise. Ils ont tracé la latitude, la longitude, et tout ce qui s’est trouvé entre ces lignes, mais alors tout, humains, animaux, végétaux, sol et sous-sol sont devenus leurs propriétés. On le voit, ce territoire est appréhendé comme un stock. Il est voué à la ponction.
Au prélèvement. Tout doit lui être arraché, y compris ses arts, son génie, son histoire, sa culture. L’image que l’on peut convoquer ici est celle d’un corps vidé de son sang par le bras gauche, et injecté de l’autre d’un sang nouveau qui fait de lui un anémié, tenant à peine debout sur ses frêles jambes. Il est chétif, sa peau tombe sur ses os, son regard inexpressif se noie dans la clarté bleue du ciel. Dans ce sang nouveau grouillent les molécules d’une nouvelle histoire, d’une nouvelle culture qui consacrent sa place de subalterne dans l’ordre du monde.
Mais, cette transfusion perdrait de son efficacité si elle ne s’adossait sur l’administration coloniale, qui grave dans les esprits des lois, des procédures, des règlements, des normes, des réflexes, des façons d’être. Les conseillers techniques et les coopérants ont assuré la transition, et désormais les Camerounais les reproduisent, les perfectionnent avec un naturel déconcertant. Le pays se conçoit toujours comme une colonie, ce que trahit la rapacité exercée sur la fortune publique et l’inflation des conflits fonciers. Il est par conséquent gouverné comme telle. Mais, en quoi consiste l’administration coloniale ?
Races et tribus
L’État colonial et son administration se fondent sur le concept de race. Il y a la race supérieure, celle des colons et les races inférieures, celles des colonisés, qui sont en fait les tribus créées pour assurer le contrôle du territoire. La distribution des rôles le reflète parfaitement. Au sommet de la hiérarchie, on retrouve les Blancs, non pas en raison de leurs compétences, mais d’abord et avant tout parce qu’ils sont Blancs. Ensuite, on trouve au bas de l’échelle, dans les emplois subalternes, les races des colonisés. L’administration coloniale fait donc des tribus les seules et uniques entités politiques : ce système s’appelle le tribalisme. Une classification est établie entre les tribus. Les premiers ethnologues ont longuement décrit leurs caractéristiques sociales et morales. En fonction de leur sympathie vis-à-vis des Blancs, de leur alliance objective avec l’entreprise coloniale, leurs traits sont magnifiés et elles occupent une position intermédiaire dans la hiérarchie. À l’inverse, elles sont diabolisées et reléguées au pied de la pyramide lorsqu’elles la contestent.
Toute la politique, du point de vue des colonisés, se résume à diriger la tribu ou à conserver ou changer de la place à l’intérieur de celle-ci. Les colons jouant le rôle d’arbitres. Ils s’assurent de la docilité des candidats à la chefferie et surtout de l’étanchéité entre les tribus. Des anciennes alliances sont dissoutes. Des coalitions sont tuées dans l’œuf, car elles menacent l’existence même de l’État colonial. Il n’existe pas d’espace déracialisé. Partout où l’individu se trouve, il est rattaché à sa communauté. Cette architecture du pouvoir, le pays l’adoptera à son indépendance.
Nous pensons que c’était par conviction. Les premiers responsables n’étaient pas seulement contraints par l’ancienne puissance coloniale, ils étaient aussi persuadés que c’était l’unique manière de le diriger. Dans cet édifice, la position la plus enviable, car la plus sûre, est celle des Blancs, puisqu’ils concentrent entre leurs mains les rênes de l’état à savoir le budget pour acheter la paix sociale et l’armée pour réprimer les irrédentistes. Avec le départ des Français en 1960, la compétition entre les tribus va consister à occuper leur place. Celle qui accède au pouvoir est considérée comme élue, elle a les mêmes privilèges que les Blancs.
Dans un tel système, la succession est une étape cruciale génératrice de violence, puisqu’elle est ce moment où se renégocient les rapports de domination. Dans les années 60, la montée en puissance du Nord s’est faite sur l’écrasement des Sawa qui constituaient l’élite politique et économique du pays. On se souvient du coup d’état de 1984 après la transmission du pouvoir d’Ahidjo à Biya, alors même que celle-ci respectait l’équilibre Nord-Sud et avait été longtemps préparée. La succession de Biya ouvrira également une période de tensions, que celle-ci se réalise sur un mode démocratique ou autocratique. Et, cela sera toujours le cas, tant que l’architecture du pouvoir reposera sur la compétition entre les tribus, qui donne aux vainqueurs les attributs des Blancs, à moins que dès à présent soit amorcée la détribalisation de la vie publique.
La visite de Zemmour à Abidjan
Dans cette nouvelle chronique, Jean-Claude Djéréké se positionne une fois encore contre les discours paternalistes et met à nu les contradictions relevées dans la posture et le langage du polémiste et actuel candidat à la présidence de la République française.
Éric Zemmour avait été condamné à 2.000 euros d’amende avec sursis en février 2011 pour des déclarations racistes faites le 6 mars 2010 sur Canal+ et France 2. Sur la 1ère chaîne, il avait expliqué que les Noirs et les Arabes étaient contrôlés plusieurs fois parce qu’ils étaient des trafiquants de drogue. Sur France 2, il avait défendu l’idée que les employeurs blancs avaient le droit de ne pas embaucher des Arabes ou des Noirs.
10 ans plus tard, le journaliste polémiste a-t-il changé de regard et de discours sur les Noirs et les Arabes de France ? Non. Zemmour continue de tenir des propos méprisants et blessants contre l’islam et l’immigration. Ainsi, le 6 mai 2014, dans une chronique intitulée “En matière de délinquance, notre État fait illusion”, il ne voyait aucune différence entre “les « bandes de Tchétchènes, de Roms, de Kosovars, de Maghrébins, d’Africains qui dévalisent, violentent ou dépouillent” et “les grandes invasions d’après la chute de Rome”. Ce qui a changé, c’est qu’il est candidat à la prochaine élection présidentielle et qu’il espère battre tous ses adversaires afin de sauver cette France “sidérée et prostrée [mais dont] la fureur se perd dans le vide intersidéral des statistiques”, cette France que beaucoup de Français disent ne plus reconnaître.
Je ne reproche pas à Zemmour d’être souverainiste. Moi aussi, je le suis. Je suis partisan de l’Afrique aux Africains et de la France aux Français. Je veux que chacun s’occupe de ses oignons et jouisse de ses richesses au lieu de s’ériger en donneur de leçons et de convoiter le bien des autres. Ce que je lui reproche, en revanche, c’est de ne pas être conséquent avec lui-même. Car comment peut-on être fier d’appartenir à un pays qui demanda en 1966 aux Américains de fermer les bases militaires qu’ils avaient en France et rendre visite à la base militaire française d’Abidjan? Comment peut-on promettre l’immigration zéro aux Français et courir en même temps après l’argent des Africains pour financer sa campagne électorale? Zemmour estime que la France est de plus en plus envahie par les Noirs mais s’est-il une fois demandé pourquoi ces Noirs quittaient l’Afrique ? Car l’immigration n’est peut-être que la conséquence de la politique française que certains analystes jugent prédatrice et complice des dictateurs africains. Qui sait si les immigrés noirs ne sont pas sur les traces des richesses que la France a pillées en Afrique ? L’histoire de son pays semble passionner le candidat de “La Reconquête” et il a l’air de savoir quel président a fait ceci ou cela en telle ou telle année.
J’ose croire qu’il connaît aussi ce morceau du discours prononcé par Jacques Chirac en janvier 2001 lors du 21e sommet France-Afrique à Yaoundé : “Nous avons saigné l’Afrique pendant quatre siècles et demi. Ensuite, nous avons pillé ses matières premières ; après, on a dit : ils (les Africains) ne sont bons à rien. Au nom de la religion, on a détruit leur culture et maintenant, comme il faut faire les choses avec plus d’élégance, on leur pique leurs cerveaux grâce aux bourses. Puis, on constate que la malheureuse Afrique n’est pas dans un état brillant, qu’elle ne génère pas d’élites. Après s’être enrichi à ses dépens, on lui donne des leçons.”
Éric Zemmour était discrètement arrivé à Abidjan, le 22 décembre 2021. Lui qui veut que l’argent de la France ne profite qu’aux Français, je doute fort qu’il soit retourné à Paris les mains vides car c’est une tradition bien française que les présidents africains mettent la main à la poche pour contribuer au financement des campagnes électorales en France. Avant Zemmour, Jean-Marie et Marine Le Pen, François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, Manuel Valls, Emmanuel Macron avaient bénéficié des largesses des présidents africains.
Combien Zemmour reçut-il ? Cela reste aussi mystérieux que l’endroit et le moment où son cadeau de Noël lui fut remis. Ceux qui pensent que nous racontons des histoires peuvent lire “La République des mallettes” (Fayard, 2011) de Pierre Péan, échanger avec Robert Bourgi, l’avocat et ancien conseiller de Chirac et Sarkozy ou interroger Roland Dumas. L’ancien ministre des Affaires étrangères de Mitterrand n’admettait-il pas en 2011 avoir porté des valises d’argent pour l’ancien Président. “Cela a toujours existé, disait-il. Ce n’est pas nouveau. Il y avait des relations personnelles entre les chefs d’État africains et français, quels qu’ils soient, et chacun aidait l’autre lors des campagnes électorales. À gauche comme à droite” (cf. ‘Lyon Capitale’ de septembre 2011) ? Par conséquent, il serait naïf de penser que Zemmour était dans la capitale économique ivoirienne uniquement pour rendre visite au 43e BIMA, la base militaire française qui, de mon point de vue, aurait dû fermer depuis longtemps.
Pendant que Zemmour circulait tranquillement à Abidjan, 96 docteurs, qui manifestaient pacifiquement devant la cathédrale Saint-Paul d’Abidjan, étaient gazés, humiliés et embastillés à la Préfecture de Police du Plateau. Ces docteurs sont membres du Collectif des 3000 docteurs qui ne demandent qu’à servir leur pays. Comment un gouvernement peut-il mépriser et maltraiter ses universitaires alors que, en janvier 2017, il accorda séance tenante 12 millions de francs CFA à chacun des 8500 anciens combattants des Forces Nouvelles qui avaient ouvert le feu à Bouaké et dans d’autres villes du pays ? L’arrestation des docteurs ne semble pas avoir ému grand-monde. Ni les partis politiques, ni les enseignants du supérieur, ni la la puissante Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire, ni les guides religieux, ni les chefs traditionnels, ni les organisations de défense des droits de l’homme n’ont osé élever une vive protestation contre les mauvais traitements subis par les manifestants.
Aujourd’hui, tout se passe comme si tout le monde avait démissionné et cessé de se battre pour la justice et la liberté, comme si certains, après avoir légitimé le 3e mandat anticonstitutionnel de Ouattara, avaient choisi de manger avec le pouvoir et d’entrer dans le prochain gouvernement. D’autres préfèrent parler d’Olivia Yacé qui serait bien positionnée pour la finale Miss monde 2022 ou suivre les pitreries du “Général” Camille Makosso. Mais un pays, qui a une propension au divertissement, à la superficialité et aux futilités, n’est-il pas mal parti ? Peut-il s’en sortir quand ses fils et filles s’accommodent facilement de l’injustice et du crime, quand ils se résignent vite et attendent tout de Dieu ?
Marcel Amondji était vivant et actif quoique discret
Ainsi se décline l’hommage posthume de l’écrivain et sociologue ivoirien, Jean-Claude Djéréké, à un de ses compatriotes considéré à sa manière comme un combattant de la liberté.
«On peut respirer encore et être déjà mort, tout comme on peut être discret et être terriblement vivant.» (Mariette Navarro, dramaturge française)
Marcel Amondji, qui s’est éteint le 18 décembre 2021 à 87 ans et dont on ne pourra même pas voir la tombe puisqu’il a demandé à être incinéré loin d’Anono, était terriblement vivant et actif, quoique discret. Il était comme la vigie en haut du mât, une sorte de sentinelle dont la mission est d’empêcher les combattants et résistants de se laisser distraire par de faux débats et combats, de s’assoupir ou de baisser la garde. Il avait quitté le pays depuis de nombreuses années à bord d’un navire français qui s’appelait “l’Aventure” en même temps que les Memel Fotê, Samba Diarra, Yangni Angaté, Auguste Daubrey, Abdoulaye Sawadogo, Abdoulaye Fadiga, Charles Valy Tuho, Seydou Diarra mais n’avait pas rompu avec lui. Auguste Daubrey et Bernard Dadié faisaient partie des rares personnes qui lui donnaient de temps en temps des nouvelles de l’Eburnie. Il n’était certes pas dans la rue en 1990, en 1992, en 2004 ou en 2010, mais le sort de la Côte d’Ivoire ne le laissa jamais indifférent. L’homme avait un autre type d’engagement, une autre façon d’exprimer son attachement à la patrie qui, d’après lui, aurait connu un meilleur destin si elle n’avait pas été prise en otage par ce qu’il appelait le “système houphouéto-foccartien”. Même s’il ne milita jamais dans un syndicat, ni dans un parti politique, il apporta beaucoup à notre pays car “l’histoire des nations n’est pas faite que de batailles, de bruit et de fureur. Et il se peut que tel qui l’a traversée sans qu’on le remarque vraiment, ne l’a pas moins dignement marquée que cet autre qui déplaçait sur son passage les nuages d’une gloire douteuse” comme il le dira lui-même dans un hommage à Auguste Denise. Non seulement Amondji vécut utile mais il laisse une magnifique trace de son passage sur terre. Je puis comprendre que Konan Bédié et le PDCI aient ignoré le farouche opposant à Houphouët qu’il fut mais n’avait-il pas sa place à l’Académie des Sciences, des Arts, des Cultures d’Afrique et des diasporas africaines (ASCAD) ? Ne méritait-il pas au moins qu’un colloque lui soit consacré ? Le FPI, quand il était au pouvoir, songea-t-il un instant à honorer ce grand combattant de la liberté ?
C’est en échangeant avec lui que je sus que Laurent N’Guessan-Zoukou enseigna à Labé (Guinée) avant d’être enlevé et ramené en Côte d’Ivoire pour être enfermé à Assabou, la prison privée d’Houphouët, que lui-même Amondji fut livré en juillet 1961 à Houphouët par les autorités françaises, qu’il passa plus de 20 ans en Algérie avant de s’installer en France, le pays de son épouse Michèle, que le sénateur Victor Biaka-Boda fut assassiné le 28 janvier 1950 parce que, contrairement à d’autres, il avait refusé de s’incliner devant la France, parce qu’il était contre la fausse indépendance que de Gaulle s’apprêtait à octroyer aux Africains.
Amondji écrivait juste et bien. La langue de Molière n’avait aucun secret pour lui mais il connaissait aussi l’importance de la nuance car on peut avoir un esprit critique sans tomber dans l’outrance, sans s’écarter de l’objectivité. Je ne me lasse point de relire sa belle préface à “Abattre la Françafrique ou périr”, l’ouvrage que je publiai en 2014. En voici un extrait : “Le drame que nous vivons en Côte d’Ivoire depuis 1999, nous l’appelons « crise ivoirienne », alors qu’il serait certainement plus conforme à la vérité de l’appeler « crise des relations franco-ivoiriennes ». Car, en vérité, notre patrie n’est jamais sortie de son statut de colonie depuis que son territoire fut conquis par la France.
C’est le paradoxe ivoirien : le pays qui a produit le mouvement anticolonialiste le plus puissant et le plus authentiquement populaire de toute l’Afrique intertropicale, est aussi celui où le colonialisme n’a jamais été réellement aboli ! Mais, au moins, jusqu’au 11 avril 2011, la mémoire de la puissance de ce mouvement et la crainte que son réveil n’était pas impossible imposaient aux dominateurs un certain respect vis-à-vis des dominés, même si ce n’était que de façade… Depuis le 11 avril, ce rempart moral est tombé, et nous voici revenus aux temps où des Kouassi Ngo, des Bani Bro et autres « naçarafôtigui » aidaient les Angoulvant à nous imposer le joug.”
Son dernier opus, paru en avril 2021, est “La Côte d’Ivoire & la France, telles Sisyphe & son rocher”. Il y prend ses distances avec les Ivoiriens qui attendent l’homme providentiel. Pour lui, seul le peuple ivoirien peut mettre fin à sa dépendance vis-à-vis des Français qui, comme colonisateurs, “ne sont ni pires ni meilleurs que les autres mais ne savent pas s’arrêter”. Comment ce peuple parviendra-t-il à briser le joug qui pèse sur lui depuis 1960 ? Voici la réponse d’Amondji : “Ne nous berçons pas d’illusions : aucun compromis ne nous délivrera de cette dépendance ; elle ne finira que du jour où nous serons en mesure de prendre nous-mêmes notre destin en main sans attendre la permission de quiconque, sans marchandages, et sans faux « facilitateur » cachant dans son dos la « cinquième colonne » de nos opiniâtres prédateurs.”
En 2019, le FPI-USA devait commémorer la fête de la liberté et j’avais suggéré à quelques camarades d’inviter Marcel Amondji. L’objectif était de nous enrichir de sa grande connaissance de l’histoire politique de notre pays mais aussi de le célébrer de son vivant. L’accord du FPI obtenu, j’envoyai un mail au doyen Amondji mais l’âge ne lui permettait plus d’entreprendre ce genre de voyages. “Hélas ! Cher Jean-Claude, me répondit-il, le 10 mai 2019. Je suis certes en aussi bonne santé qu’il est possible de l’être à mon âge mais j’ai aussi largement dépassé le seuil où le cumul des ans est en soi une maladie. Rappelez-vous ce que j’ai écrit la première fois à Pascal Kokora… Depuis plusieurs années déjà, je ne quitte mon domicile que pour des raisons familiales incontournables. Je dois donc décliner votre invitation, et croyez bien que je le regrette. Je vous remercie pour votre confiance. Bien à vous. M. Anoma”.
Doyen, tu t’en vas sans que nous ayons pu nous voir, en chair et en os, dans cette ville de Perpignan qui t’avait adopté. Tu pars sans avoir vu la nouvelle Côte d’Ivoire pour laquelle tu t’es battu avec acharnement et sans répit. Mais, comme tu me le disais, “qu’importe si nous autres avons marché toutes ces années sans atteindre, ni même approcher, notre objectif, et sans avoir laissé beaucoup de traces ? L’essentiel, c’est d’avoir quand même marché ; c’est d’avoir entretenu en nous cette petite flamme secrète, jusqu’à ce moment où, à la veille de disparaître, nous avons le bonheur de la reconnaître chez quelqu’un de nos cadets, et qui brûle tellement de la transmettre à son tour”.
Je tâcherai de faire ce que tu m’as demandé : lire l’ouvrage d’Aristide R. Zolberg : “One Party Government in the Ivory Coast” (Princeton, Princeton University Press, 1964), mais tu n’es plus là pour en discuter avec moi.
Jean-Claude Djereke
L’Afrique doit cesser de produire des larbins et des traîtres
L’écrivain et sociologue ivoirien, Jean-Claude Djereke, salue l’attitude d’Assimi goïta vis-à-vis d’Emmanuel Macron, et en profite pour décocher une nouvelle flèche contre l’impérialisme français en Afrique.
Emmanuel Macron a annulé le déplacement qu’il devait effectuer au Mali le lundi 20 décembre 2021. Selon un communiqué de l’Élysée, la raison de cette annulation est «la situation sanitaire en France devenue plus complexe que ce que nous pensions». Une explication peu convaincante car la vérité, ce qui ne sera jamais dit, c’est que Macron n’a pas du tout aimé le triple message du colonel Assimi Goïta : 1) le président français sera accueilli à l’aéroport non par le chef de l’État malien, mais par Choguel Kokalla Maïga, le Premier ministre qui, à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies le 25 septembre 2021, reprochait à la France d’avoir «abandonné le Mali en plein vol» et qui, dans un entretien avec l’agence de presse russe Sputnik, le 8 octobre 2021, accusait Paris d’avoir offert l’enclave de Kidal à un mouvement terroriste qui a prêté allégeance à Al-Qaïda, d’avoir participé à la déstabilisation du pays et à la montée en puissance du terrorisme; 2) Goïta voulait s’entretenir avec Macron et non avec Macron accompagné des larbins de la Cédéao; 3) le groupe de sécurité russe Wagner et la durée de la Transition ne seront pas au centre des discussions qu’auront les deux hommes. Pourquoi? Parce que, pour Assimi, le premier sujet relève de la souveraineté nationale et du secret défense et seul le peuple malien est habilité à trancher la question de la durée de la Transition au terme des assisses nationales en cours.
Voici un président africain qui se souvient que c’est un ministre, voire un obscur fonctionnaire du Quai d’Orsay, qui est souvent dépêché à Orly ou à Roissy Charles de Gaulle lorsque les chefs d’État africains sont en visite en France. Voici enfin un homme qui ose dire à celui qui vient le rencontrer que les deux parleront de tout, sauf de qui aidera le Mali à en finir avec les terroristes et de la date des prochaines élections. Voici un dirigeant qui fait enfin ce que d’autres auraient dû faire depuis longtemps : traiter la France chez nous comme elle nous traite chez elle. Cet homme est en train de dire, aux Africains comme aux Français, que les choses doivent changer et que l’heure de la réciprocité a sonné dans les relations entre la France et ses ex-colonies.
Sincèrement, j’ai apprécié et salué le courage et la dignité du colonel Goïta. Son refus de se rendre à l’aéroport international Modibo Keïta pour accueillir Macron et de discuter avec lui de sujets qui ne concernent que les Maliens n’est pas sans rappeler le discours prononcé le 20 janvier 1961 par le premier président du Mali devant les diplomates accrédités à Bamako Mali. En voici un extrait : «À l’heure qu’il est, l’ambassade de France en République du Mali est informée par mes soins de la décision de mon parti et de mon gouvernement de voir la France évacuer les bases militaires de Bamako, de Kati, de Gao, et de Tessalit, qu’elle occupait du fait des accords franco-maliens, signés à Paris le 22 juin 1960, entre elle et la fédération du Mali et qui deviennent caducs après les évènements du 19 au 20 août 1960 et l’acte de reconnaissance par la France du gouvernement du Sénégal, acte qui consacre la dissolution de la fédération du Mali. La République du Mali a affirmé sa volonté de coopérer avec la France sur la base de la non-ingérence dans nos affaires intérieures et du respect de notre souveraineté. La décision de mon parti et de mon gouvernement ne met nullement en cause cette volonté. Elle est l’expression de notre conviction qu’à moins d’abandon volontaire de souveraineté de la part d’un État jeune ou d’accords particuliers dans le domaine de la défense, les troupes de l’ex-puissance coloniale ne peuvent stationner sur le territoire de l’ex-colonie aux côtés des troupes du jeune État. D’autre part, le peuple du Mali, l’Union soudanaise RDA et le gouvernement de mon pays ont toujours affirmé leur option en faveur de la politique de non-alignement sur l’un ou l’autre des deux blocs. Cette attitude est en contradiction avec la présence, sur son territoire, des troupes d’une puissance étrangère et à laquelle ne le lie aucun accord… Je prie vos Excellences d’informer vos gouvernements respectifs et d’attirer leur attention sur notre ferme décision de l’évacuation rapide des troupes stationnées en République du Mali.»
Bis repetita
Il faudra attendre le 23 juillet 1995 pour voir semblable affirmation de dignité. Ce jour-là, Jacques Chirac, fraîchement élu, arrive à Dakar après avoir séjourné à Rabat, Yamoussoukro et Libreville. Il avait souhaité que les présidents des pays limitrophes le rejoignent dans la capitale sénégalaise. Seuls le Mauritanien Maaouya Ould Taya et le Guinéen Lansana Conté feront le voyage. Alpha Oumar Konaré restera, lui, à Bamako pour exprimer son désaccord avec la convocation du «maître à ses élèves». La foudre tomba-t-elle sur lui ? Non ! Chirac comprit-il que tous les Africains ne sont ni des béni-oui-oui, ni des adeptes de l’aplaventrisme? Je n’en suis pas sûr car, si l’ancien monde avait disparu, la classe politique française n’aurait pas continué à afficher arrogance et mépris.
La capacité à dire niet à ceux qui se croient tout-puissants et qui veulent nous infantiliser, on la voit de moins en moins parmi les prétendues élites intellectuelles et politiques africaines et c’est dommage car le respect ne se quémande point mais s’impose. «Les grands arrêteront de dominer quand les petits arrêteront de ramper», disait à juste titre le poète et écrivain allemand Friedrich Von Schiller (1759-1805). Le larbin a horreur de tout débat qui ose remettre en cause les privilèges des riches et des «puissants». Sa parole, quand il lui arrive d’en avoir une, distille la peur et les intimidations dont il est l’objet. Il préfère être avec les rois qui affament et tuent plutôt qu’avec les peuples qui souffrent et meurent en silence. Il peine à réaliser que «la liberté n’est pas vraie quand la vérité n’est pas libre» (Jacques Prévert). Il lui suffit de se gargariser de titres ronflants mais creux comme “Docteur, Professeur, Maître, Monseigneur, Révérend ou Honorable”. Peu lui importe de savoir que «l’intellectuel n’est rien s’il ne vit pas entièrement dévoué à la cause de son peuple, s’il n’est pas une part de ce peuple, une part embrasée mais une part sans privilège, sans honneur particulier» (Jean-Marie Adiaffi dans ‘La carte d’identité’, Paris, Hatier, 1980).
L’Afrique doit cesser de produire des larbins prompts à voler au secours d’un pays qui chaque jour perd du terrain et de l’influence à cause de sa mauvaise politique ou à considérer les Africains comme les seuls responsables de leurs échecs et impasses. Il est nécessaire et urgent qu’émergent plusieurs Assimi Goïta et Choguel Maïga, c’est-à-dire des hommes et femmes capables de privilégier et de défendre les intérêts des peuples africains, capables de ne baisser ni la tête ni les yeux devant qui que ce soit, capables d’ignorer les ridicules mises en garde de ceux qui en six décennies ne nous ont apporté que misère, désolation et mort prématurée. Les éternels donneurs de leçons accusent la Russie de s’acoquiner avec des gens peu recommandables alors que Bob Denard et Paul Barril étaient leurs agents et qu’ils accompagnaient les criminels et buveurs de sang en Côte d’Ivoire et en Centrafrique. Comment peuvent-ils prêcher la vertu alors qu’ils sont comptables de cinq siècles d’esclavage et d’une colonisation qui, aux dires de Césaire, ne fut pas civilisation mais barbarie, exploitation et chosification du Noir ? Pensent-ils que l’actuelle jeunesse africaine acceptera d’eux ce qu’eux-mêmes n’ont pas accepté d’Adolf Hitler ? Cette jeunesse sait que les Russes et les Chinois n’ont monté aucune rébellion en Afrique pour déstabiliser un pays pour leurs intérêts, ni renversé un président africain qui ne leur plaisait pas. Elle n’ignore pas qui est coutumier de ces pratiques inhumaines et antidémocratiques, ni qui a toujours soutenu les dictateurs qui lui permettent de piller nos matières premières et de s’enrichir sur notre dos.
Jean-Claude NDJEREKE
Leur arrogance risque de leur faire perdre l’Afrique
Je ne sais pas si Florence Parly, ministre française des Armées… ne se prive guère d’accuser la Russie de tout ce qui ne va pas au Mali et en Centrafrique. Même les péchés de son pays en Afrique (crimes contre l’humanité, soutien à des régimes autoritaires et sanguinaires, pillage des matières premières sans aucune amélioration des conditions de vie des populations, incapacité à chasser les terroristes du Sahel), elle préfère lui en faire porter le chapeau
Pendant les cérémonies du jour des expiations (Yom Kippourim) dans le sanctuaire, Aaron, le Grand prêtre tirait au sort deux boucs : l’un pour Yahvé et l’autre pour Azazel. Le premier était sacrifié pour le pardon des péchés. Quant au second, il était envoyé et abandonné vivant dans le désert. Celui-là était symboliquement chargé de tous les péchés d’Israël (Lévitique, chap 16, 7-23). Je ne sais pas si Florence Parly, ministre française des Armées, connaît cette histoire du “bouc Azazel”. Toujours est-il que, dans ses discours, elle ne se prive guère d’accuser la Russie de tout ce qui ne va pas au Mali et en Centrafrique. Même les péchés de son pays en Afrique (crimes contre l’humanité, soutien à des régimes autoritaires et sanguinaires, pillage des matières premières sans aucune amélioration des conditions de vie des populations, incapacité à chasser les terroristes du Sahel), elle préfère lui en faire porter le chapeau. Le 7e forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique (6 décembre 2021) n’a pas fait exception à la règle. Qu’est-ce que Florence Parly y a dit ? Doit-on prendre pour argent comptant les déclarations de son pays sur le groupe de sécurité Wagner ? Qu’est-ce qui se cache derrière ce discours plein de menaces et de morgue ?
Les mensonges de Parly
La ministre francaise déclare que, “si la France et ses partenaires s’opposent à Wagner, c’est qu’ils ont vu, en République centrafricaine, leur potentiel déstabilisateur, leurs exactions contre les populations, la perte de souveraineté de l’État, la prédation des ressources, l’échec sur le plan opérationnel et les intérêts particuliers et pécuniaires qui sont placés au-dessus de celui des populations”. Mais qui sont ces partenaires dont les noms ne sont pas dévoilés ? Ce qui est clair, en revanche, c’est que, entre août 2018 et mars 2020, les gouvernements suédois, britannique, danois, tchèque et estonien ont accepté de soutenir l’opération Barkhane en mettant à sa disposition respectivement 150, 90, 70, 60 et 50 hommes. Avouons que c’est une maigre contribution à côté des 4500 militaires français ! Allemands et Espagnols n’ont offert que de la logistique. Ils ont refusé que leurs soldats participent à cette aventure, peut-être parce qu’ils la jugent ambiguë.Mme Parly dit-elle vrai quand elle accuse le groupe Wagner de déstabiliser les pays où il est engagé, de piller les ressources naturelles de ces pays, de commettre des exactions contre leurs populations et d’agir contre la souveraineté nationale ? Non ! Quel est alors le problème de la France ? Que masque le fait de projeter sur les autres ses propres turpitudes ? Pourquoi les dirigeants français aiment-ils diaboliser les autres ? Pourquoi ne se sentent-ils jamais responsables de leurs actes ? Et pourquoi ne veulent-ils pas entendre parler de repentance ?
Mme Parly dit-elle vrai quand elle accuse le groupe Wagner de déstabiliser les pays où il est engagé, de piller les ressources naturelles de ces pays, de commettre des exactions contre leurs populations et d’agir contre la souveraineté nationale ? Non ! Quel est alors le problème de la France ? Que masque le fait de projeter sur les autres ses propres turpitudes ? Pourquoi les dirigeants français aiment-ils diaboliser les autres ? Pourquoi ne se sentent-ils jamais responsables de leurs actes ? Et pourquoi ne veulent-ils pas entendre parler de repentance ? Un pays peut vieillir sans mûrir. Assumer ses fautes, demander pardon pour le mal qu’on a fait consciemment ou inconsciemment, c’est cela la maturité. La projection et le déni n’ont jamais fait la grandeur d’un peuple. Ne pas reprocher à l’autre ce qui nous appartient, ne pas projeter sur lui nos fantasmes, chercher à comprendre d’où vient ce sentiment anti-français qui se propage progresivement comme un feu de brousse et comment rectifier le tir, c’est mûrir ou grandir. La France n’a jamais accepté qu’elle pouvait se tromper.
Or nul n’est infaillible. Nous sommes tous vulnérables; nous avons tous nos défauts et nous commettons tous des erreurs. Les admettre, c’est grandir et favoriser des relations apaisées avec celui qu’on a offensé. Charger Wagner de tous les péchés d’Israël, en faire un bouc-émissaire, est non seulement contraire à la vérité mais contre-productif car ce n’est pas Wagner qui massacra les 300 tirailleurs africains à Thiaroye le 1er décembre 1944. Wagner n’est responsable ni des 64 jeunes Ivoiriens assassinés le 6 novembre 2004 devant l’Hôtel Ivoire ni du bombardement de la résidence présidentielle ivoirienne en avril 2011. Ce n’est pas la Russie qui exploite depuis des années l’uranium du Niger, pays classé parmi les plus pauvres de la planète. Ce n’est pas Vladimir Poutine qui soutient les dictateurs et les 3e mandats anticonstitutionnels. Le franc CFA, qui appauvrit les Africains tout en enrichissant la France, n’est pas fabriqué en Russie.
Un paternalisme qui refuse de mourir
À écouter le discours prononcé par Florence Parly à Dakar, on a le sentiment que la France aime les Maliens plus que les Centrafricains, qu’elle est le père et la mère des Africains et que ces derniers n’ont jamais grandi. Or, en famille, même les parents laissent les enfants devenus majeurs voler de leurs propres ailes. Lorsqu’un père continue de faire les choses à la place de son fils de 60 ans, cela signifie que c’est lui-même qui n’a pas grandi. La France aura vraiment grandi, elle se sera décolonisée, quand il n’y aura plus de soldat français en Afrique, quand ses dirigeants ne mettront plus à mal les souverainetés politique et monétaire des États africains en s’ingérant dans leurs affaires internes.Et puis, si la lutte contre le terrorisme est le but de la présence française dans les pays sahéliens, pourquoi la France devrait-elle craindre le groupe russe Wagner qui veut, lui aussi, débarrasser cette partie du continent des jihadistes ? Un proverbe africain dit qu’abondance de viande ne gâte pas la sauce, bien au contraire.
Il y a quelques mois, Emmanuel Macron souhaitait que les présidents africains du G5 Sahel clarifient leur position par rapport à Barkhane. On a aujourd’hui envie de lui demander de nous dire pourquoi son pays s’obstine à rester en Afrique. Ce pays comprendra-t-il un jour que “tout ce qui est fait pour moi, sans moi, est fait contre moi” (Nelson Mandela) ? Je suppose que c’est pour notre bonheur que nos “amis” ou “parents” français s’entêtent à demeurer dans nos pays mais peut-on faire le bonheur des gens contre leur volonté ? Hitler promettait 1000 ans de paix et de bonheur.
Les Juifs et les pays européens occupés par les troupes nazies se souviennent encore du coût humain de ce bonheur. Staline, Mao et les Khmers Rouges pensaient, eux aussi, détenir la clé d’un bonheur collectif. On a vu ce que cela a donné. Non, le bonheur n’est ni imposé, ni octroyé. C’est chaque homme, chaque peuple, qui choisit comment il peut être heureux. Me reviennent ici en mémoire les propos d’Alain et d’Aristote. Pour le premier, “l’homme s’ennuie du plaisir reçu et préfère de bien loin le plaisir conquis”. Le second faisait remarquer que “je ne peux être heureux sous la torture ou si l’on torture mes proches” (cf. ‘Éthique à Nicomaque’).
En conclusion, je voudrais écrire ceci : le discours de Mme Parly au 7e forum de Dakar n’est pas seulement mensonger. Il est aussi inutilement menaçant. Car la France peut-elle militairement battre et déloger la Russie si cette dernière décide de rester au Mali ? Réussira-t-elle à convaincre cette jeunesse africaine qui de plus en plus laisse entendre qu’elle est fatiguée de la duplicité, de l’arrogance, du paternalisme et de l’incompétence de la classe politique française ? La question qu’elle ne sait plus dissimuler est la suivante : Amitié-là, est-ce que c’est forcé ?
3ème Journées Citoyennes de la Presse : informer et communiquer en temps de Covid-19
L’éclairage de Valentin Siméon Zinga, président de l’Association Médias, Médiations et Citoyenneté (2MC) lors du déjeuner de presse du 3 décembre dernier.
Djereke Chères consœurs,
Chers confrères,
En vous remerciant d’avoir honoré notre invitation, je voudrais situer, l’intérêt, les enjeux et l’importance de la troisième édition des Journées Citoyennes de la Presse, que notre Association organise, en partenariat avec la Fondation Paul ANGO ELA, et l’appui de The Muntu Institute, les 16, et 17 décembre prochains, au Palais des Congrès de Yaoundé, sous le thème « Informer et communiquer en temps de Covid-19 ».La tentation serait évidemment d’y voir une insertion racoleuse de notre Association, dans les logiques d’expression et d’action qui relèvent de l’air du temps. Mais précisément par temps de Covid-19, l’événement en vue, constitue un marqueur pertinent et plutôt original des lignes d’action que nous nous efforçons de tracer au sein de l’espace public depuis trois années maintenant.
Car, nous avons la conviction que notre profession ne peut pas faire l’économie d’un certain nombre de questions qui interrogent nos pratiques professionnelles en ces temps du « Tout Covid-19 ».
Quelques-unes peuvent révéler la gravité des enjeux. Par exemple :-Quels sont le périmètre de l’information (ce qui relève du journalisme), et la zone d’expression de la communication (dont vous savez tous à quel point elle est riche de sous-entendus allant de la manipulation à la propagande) ? Comment délimiter les frontières respectives de ces deux types d’activité ?
-Dans quelle mesure les stratégies des communicants pèsent-elles sur les productions journalistiques, à défaut de les (sur)déterminer ? Dit autrement : lorsque les journalistes traitent du Covid-19, qui dicte l’agenda ? Qui décide des modalités de hiérarchisation et des critères de valorisation ? Qui inspire ou impulse les orientations éditoriales ? Nous touchons-là à deux points importants de notre métier : le gatekeeping, et l’agenda setting…
Plus globalement, dans la conjoncture ouverte depuis fin 2019, quels sont les bouleversements induits par cette pandémie dans les pratiques professionnelles des journalistes, des spécialistes et acteurs de la communication, et les Institutions (États, organismes internationaux, Associations, etc.) ? Quels sont les ajustements imposés ici et là ?
Mesdames,
Messieurs,
Vous l’avez compris : telle est la trame des réflexions en perspective, dans ce qui s’annonce comme un temps d’introspection pour les journalistes, c’est-à-dire un moment de vérité, comme cela est devenu une tradition depuis 2019, date de la première édition des Journées Citoyennes de la Presse.Il s’agit toujours de questionner nos pratiques et habitus professionnels, d’en sonder les contraintes, d’en révéler les insuffisances, d’en pointer les défis ; c’est-à-dire au fond, d’interroger l’exercice du métier de journaliste au moment même où, les spécialistes des relations publiques (relations-publics), les experts en marketing, les lobbyistes de tout poil, s’efforcent d’influencer les contenus journalistiques. Il est toujours question d’examiner la capacité de résistance des journalistes tenus par tant d’exigences déontologiques (sacralité des faits ; recoupements à plusieurs sources, devoir distance d’avec les sources, dans la mesure où depuis Hubert BEUVE-MERY et autres Pierre VIANSSON PONTE, on sait que « le journalisme, c’est le contact et la distance » ; « devoir d’irrespect » si cher à Ignacio RAMONET).
Il est toujours question dis-je, de sonder les ressources dont disposent les journalistes pour échapper au statut de relais passifs de ces « vérités arrangées » dont parle Edwy Plenel. Au surplus : Il nous faut voir dans quelle mesure et à quelles conditions lesdites ressources sont soit inhibées, soit activées.
Mesdames,
Messieurs,
Peut-être aurais-je dû commencer par-là : nous introduisons cette année une innovation de taille, que nous espérons ériger en Institution, c’est-à-dire en tradition pour nos activités : nous entendons rendre un vibrant hommage, tout solennité quoique dans la sobriété, à une figure emblématique de notre microcosme médiatique, qui totalise plus de cinquante-cinq ans de pratique du journalisme : M. Jean-Vincent Tchienehom. Dans ce sillage, nous avons prévu l’organisation d’une journée professionnelle en son honneur, sous le thème : « Jean Vincent Tchienehom, un journaliste sur deux siècles : trajectoire, pratiques et leçons d’un itinéraire ». Cette articulation se décline en deux points majeurs : dans un premier temps, nous aurons droit à des témoignages, ou plus exactement à des regards croisés de celles/ceux qui l’ont côtoyé, connu, « pratiqué » ; dans un second mouvement, nous revisiterons , à nouveaux frais nous l’espérons, quelques éléments de son riche répertoire professionnel, qu’il s’agisse de la radio, de la télévision ou de la presse écrite, pour tenter d’en apprivoiser la portée professionnelle et la charge pédagogique. De la sorte, nous tiendrons un engagement solennellement pris lors de la deuxième édition des Journées Citoyennes de la Presse, organisée l’année dernière.Il reste néanmoins à évoquer le troisième centre d’intérêt de cette troisième édition de ce rendez-vous : la consolidation de l’option de stimuler et d’encourager ce que les anglo-saxons appellent « best practices ». C’est tout le sens du concours- le deuxième du genre- que notre Association, lancera, avec l’appui technique de The Muntu Institute, à l’intention des étudiants en journalisme à travers l’Afrique. C’est le lieu de préciser que, tout en mobilisant, comme par le passé un jury international, nous avons dû revoir les conditions d’organisation de cette compétition qui sera désormais ouverte entre les mois de janvier et avril de chaque année, et les résultats proclamés le 3 mai à l’occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse.
Chères Consœurs,
Chers Confrères,
Voilà énoncées de manière schématique, les grandes lignes de l’événement qui se profile à l’horizon. Il est à l’image des deux premiers du même genre qui l’ont précédé : souvenez-vous en, la première édition, tenue en décembre 2019, avait pour thème « Quel(s) journalisme(s) pour quelle citoyenneté ? », avant qu’un an plus tard, l’on ait été amené à réfléchir à la problématique « Le traitement de l’information en contexte de crise : contraintes et défis pour les journalistes ».
Comme pour ces deux rendez-vous, notre action- je veux dire cette entreprise de salubrité publique- s’inscrit dans une démarche de résistance résolue, à la banalisation de ces formes de délinquance qui, tirant avantage du prestige de notre métier, ont pignon sur rue et s’expriment aussi bruyamment qu’impunément. On en connaît les ravages et les dommages collatéraux. Mais nous restons convaincus, par-delà un certain scepticisme, que nous devons contribuer à « décontaminer l’information », selon le mot de Ignacio Ramonet. Si l’on en juge par l’engouement perceptible et la mobilisation des figures de référence de notre métier, qui nous ont d’ores et déjà fait le privilège de donner leur accord de participation à cette troisième édition des Journées Citoyennes de la Presse, nous ne pouvons que nous investir plus avant dans cette exaltante aventure citoyenne.Je vous remercie pour votre indulgente attention.
Cameroun, l’impasse !
L’horreur s’est installée aujourd’hui au Cameroun occidental: treize mois seulement après l’épouvantable massacre de sept élèves du Mother Bilingual Academy de Kumba, survient l’ignoble attaque du Lycée bilingue d’Ekondo Titi avec le décès d’une enseignante, de trois élèves et des dizaines de blessés dont plusieurs très graves.
Le représentant spécial de l’UPC en Afrique centrale et australe, par ailleurs président de l’Alliance patriotique, livre des clés de compréhension du double contentieux historique dont le Cameroun est encore prisonnier.
1960 est considérée comme l’année «magique» du soleil des indépendances où la plupart des états de l’Afrique subsaharienne accédaient à la «souveraineté». Entre le 1er janvier 1960 et le 31 décembre 1960, 17 pays dont 14 sous administration française acquirent leur «indépendance». Subitement cette année-là, la même France amnésique qui avait exclu toute perspective d’indépendance à Brazzaville en 1944, «changeait» de stratégie en octroyant des autonomies à la place des véritables indépendances: avec le contentieux historique franco-africain (1) qui créa la Françafrique, elle sortait ainsi officiellement par la porte, pour mieux rester en rentrant officieusement par la fenêtre! Un regard lucide et dépassionné sur ce qui se passe aujourd’hui en Afrique dite «francophone» montre que tous ces pays font face au même problème, celui de la conquête de leur souveraineté politique.
Du Mali à la République Centrafricaine, en passant par le Tchad, le Niger, le Burkina Faso, le Sénégal, la Guinée Conakry et le Cameroun, etc…, le combat est le même, celui de la libération des menottes de la France et de la conquête de la véritable indépendance! Oui, le Cameroun notre pays ne constitue pas une exception, bien qu’étant le tout premier à obtenir son «indépendance» le 1er janvier 1960. Au contraire, on découvre de plus en plus un État camerounais bâti pendant toutes ces décennies dans le mensonge, la violence et la corruption, la méconnaissance et une opacité totale sur son histoire récente tout comme aucune référence à la violence dans laquelle est née cet État.
Pourquoi le Cameroun ne commémore jamais son accession à l’indépendance? Pourquoi le président Paul Biya qui s’adresse religieusement au peuple camerounais tous les 31 décembre de chaque année, parle de tout sans jamais faire la moindre petite allusion à l’indépendance du 1er janvier 1960? Et pourtant, c’est l’unique pays dans l’Afrique subsaharienne dite «francophone» où la France a mené une guerre atroce contre les populations qui voulaient leur indépendance politique.
Dans ce pays pendant toutes ces décennies, on a vécu avec une France absolument muette sur ce pan lugubre de son histoire jusqu’au 3 juillet 2015 où pour la première fois à Yaoundé, la France officielle reconnaissait par la voix de son président François Hollande, les épisodes tragiques des années 50 et 60, où l’armée française a elle-même massacré des milliers d’Upécistes, et puis ensuite, encadré les massacres de la jeune armée camerounaise. Mais ce qui surprend encore le plus dans notre pays, c’est ce silence assourdissant de la classe politique camerounaise qui a pourtant perdu des centaines de milliers de ses filles et fils lors de cette quête pour son indépendance. Comment interpréter ce silence? Comment comprendre le fait que plus de six décennies après cette indépendance, l’Union des populations du Cameroun (UPC), le principal artisan de l’indépendance, continue sans organisation libre ni fonctionnement normal? Oui, comment expliquer aujourd’hui cette réalité politique qui oblige certains membres de l’UPC à vivre encore condamnés à l’exil politique?
Que faire de cet héritage empoisonné d’une indépendance mort-née
L’heure n’est pas aux lamentations ni aux pleurs sur la nature de l’indépendance obtenue le 1er janvier 1960. Même étant d’une importance historique certaine, l’urgence n’est pas non plus à la recherche des coupables et des responsables des génocides puisque l’écrasante majorité de ces acteurs politiques et militaires n’est plus de ce monde. La priorité politique de l’heure est donc à la recherche des solutions au contentieux historique national (2) du Cameroun Occidental, dénommé abusivement et faussement « crise anglophone », l’heure est à la recherche des solutions aux problèmes des camerounais.
Lorsque l’on parle du Mouvement des millions de nordistes, de la guerre au Cameroun Occidental, du retard de développement de l’Est du pays, du mécontentement des populations du Sud et du Centre, lorsque l’on évoque les problèmes Bamiléké et des Bassa ou bien du fédéralisme communautaire, on est en plein dans les manifestations et les recherches des solutions au contentieux historique national.S’il n’apparaît plus prioritaire d’accabler le BDC-UC-UNC-RDPC aujourd’hui pour la trahison de ses pères fondateurs sur la nature de l’indépendance reçue le 1er Janvier 1960, il est par contre un devoir patriotique pour ce parti d’enlever les menottes à l’UPC, et de le laisser fonctionner librement. Car il est absurde et même dangereux pour un pays qui se prétend être un état de Droit, que tous les principaux acteurs politiques s’accommodent du musèlement de l’UPC, il n’est plus acceptable que le parti au pouvoir et les partis dits de l’opposition restent tous calmes et sereins face à l’impossibilité pour l’UPC d’être un parti indépendant.
Malheureusement, les intérêts particuliers des partis priment et sont encore privilégiés chez-nous au moment où partout ailleurs en Afrique dite « francophone », la libération du joug de la France constitue la priorité politique absolue! Priorité qui exige l’unité de toutes les forces patriotiques de notre pays pour un agenda et les mesures générales essentielles à prendre avec urgence, à notre avis, l’une des plus importantes étant naturellement le boycott du «made in France» au Cameroun et en Afrique. Elle devient intolérable et inacceptable, cette attitude ingrate de la France après tout ce qui s’est passé à partir de Douala le 27 août 1940, et l’apport crucial de l’Afrique dans sa libération et celle de l’Europe du fascisme allemand.
La même guerre, hier au Cameroun oriental, aujourd’hui au Cameroun occidental
D’une part de l’inaliénable droit des peuples à l’autodétermination et de l’autre, au droit légitime de sauvegarde de l’intégralité de son territoire, notre pays est ainsi pris dans un tourbillon de violences. Comme dans les années 50-60 dans le Cameroun dit «francophone», l’horreur s’est installée aujourd’hui au Cameroun occidental: treize mois seulement après l’épouvantable massacre de sept élèves du Mother Bilingual Academy de Kumba, survient l’ignoble attaque du Lycée Bilingue d’Ekondo Titi avec le décès d’une enseignante, de trois élèves et des dizaines de blessés dont plusieurs très graves. Les ténèbres de la haine et de la violence aveugles qui ont toujours eu peur de la lumière et de la vérité dispensée par l’enseignement se sont abattues dans les écoles, l’enfer de la sale guerre fratricide préfère se gaver désormais du sang frais de nos jeunes élèves et des enseignants innocents.Trop c’est trop! Il est temps de mettre fin à cette spirale de morts, ceci d’autant plus que les bandes armées qui sèment cette odieuse terreur dans ce conflit, mettent de plus en plus les Forces de défense et de sécurité (FDS) dans une situation de stress permanent susceptible de provoquer à n’importe quel moment des bavures. La jeunesse patriote du pays se sacrifie avec dévouement dans les divers fronts militaires jouant ainsi un rôle de premier plan dans la stabilité sociale et la défense de l’intangibilité des frontières du pays.
Il faudrait sans équivoques féliciter ces jeunes et les FDS en général pour leur héroïsme dans cette lutte pour la défense des aspirations légitimes de notre peuple dans le maintien de l’intégrité du territoire. D’autre part, de plus en plus conscientes de leur rôle dans la construction du pays, les FDS améliorent leurs capacités de compréhension de l’histoire de notre pays. Elles méritent un encouragement spécial pour l’organisation du Deuxième Colloque d’histoire militaire, certes beaucoup reste encore à faire mais c’est un grand pas dans la bonne direction de la réconciliation nationale, ceci d’autant plus qu’elles ont joué un rôle primordial dans la création de cet état camerounais aujourd’hui dans l’impasse du contentieux historique.
Patriote Théophile Yimgaing Moyo! Présent !
Camarade Théophile Yimgaing Moyo! Présent !
Patriote Théophile Yimgaing Moyo ! Présent !Le contentieux historique franco-africain : il s’agit d’un litige susceptible d’être porté devant l’Onu et devant la justice internationale, en l’occurrence le Tribunal de la Haye. Ce contentieux avec la France coloniale et colonialiste est constitué par ses actes délictueux commis en Afrique en vue de créer des états entièrement sous son contrôle. Dans le cas du Cameroun sous sa tutelle de 1919 à 1959 mais transformée pratiquement en colonie car le mandat octroyé par la Société des Nations a été largement détourné de ses dispositions premières, des crimes restés impunis ont marqué notre pays.
Quelques éléments du Contentieux Historique franco-camerounais : la dissolution de l’UPC et les massacres de Mai 1955, la loi-cadre de 1956-57, les assassinats de Um Nyobe et du président Moumié, les génocides dans les pays Bamileke et Bassa, etc.
(1) Le contentieux historique national : il s’agit des mesures politiques, administratives, financières, économiques, sociales, culturelles etc. ayant pour objectif de renforcer l’état mais qui affectent gravement l’unité nationale tout en la détruisant dans la durée. Par exemple, le référendum de 1972, apparemment renforçait l’état mais affectait durablement notre unité nationale, le retour à la République du Cameroun, la même chose…Politicien et homme d’État: des oiseaux de même plumage ?
L’homme d’État souhaite que le peuple grandisse et que lui diminue (Jean 3, 30). Pour lui, il est inacceptable que le peuple soit famélique et porte des guenilles pendant que les députés, maires, ministres et président de la République sont bien nourris, roulent dans de grosses cylindrées et se soignent avec leurs familles dans les meilleurs hôpitaux de Paris, Londres ou Genève.
Jean-Claude Djéréké Sauf au Québec, le substantif «politicien» a une connotation péjorative car il désigne un individu qui est coutumier des coups bas et des intrigues en politique. Peut-on confondre un tel individu avec l’homme d’État ? Les deux utilisent-ils les mêmes méthodes? Poursuivent-ils les mêmes objectifs? Bref, quelle est leur vision de la politique que Julien Freund définissait comme «l’activité sociale qui se propose d’assurer par la force, généralement fondée sur le droit, la sécurité extérieure et la concorde intérieure d’une unité politique particulière en garantissant l’ordre au milieu de luttes qui naissent de la diversité et de la divergence des opinions et des intérêts» (cf. «L’essence du politique», Paris, Dalloz, 1965)?
Aristote, dont la pensée a beaucoup influencé Freund, estimait que la politique devrait permettre à chacun d’avoir «une vie bonne» dans la Cité (polis en grec). Les citoyens ne peuvent atteindre cette vie bonne, ajoutait-il, que dans une société qui ne tolère pas l’injustice en son sein. Une société vit dans l’injustice lorsqu’une minorité y a droit aux avantages et privilèges de toutes sortes pendant que la majorité, privée du strict minimum vital, est soumise à l’arbitraire et aux ratonnades. On comprend dès lors pourquoi le Stagirite condamne le capitalisme excessif et l’esclavage (cf. Aristote, «La Politique»).
D’abord, le politicien promet beaucoup mais réalise peu. Pour lui, “les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent”. Une formule que l’on doit à Henri Queuille, ministre sous la IIIe République en France, et qui sera reprise par Charles Pasqua et Jacques Chirac en 1988. Lorsqu’un candidat promet de donner des milliards de franc CFA à toutes les villes du pays, de n’exercer qu’un mandat de 5 ans, de sévir contre tous les coupables de crimes contre l’humanité, d’être au service de tous les citoyens et qu’il fait autre chose une fois arrivé au pouvoir, c’est un politicien. L’homme d’État, lui, met un point d’honneur à tenir ses promesses; il est soucieux de faire ce qu’il dit. Le respect de la parole donnée est une règle sacro-sainte chez lui.
Ensuite, le politicien ne voit pas la politique comme «l’art de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent» (H. Queuille). Au début des années soixante, un certain nombre de jeunes cadres du PDCI avaient posé des problèmes qui méritaient l’attention du gouvernement et du parti. Par exemple, ils regrettaient que la France continue d’avoir la mainmise sur le pays après 1960, l’année des fausses indépendances. En réponse à leurs justes préoccupations, Houphouët, certainement à l’instigation de Foccart, les fit arrêter et emprisonner à Assabou après les avoir accusés de comploter contre lui. 4 ans plus tard, Houphouët avouera avoir été induit en erreur par le commissaire Goba (cf. Samba Diarra, «Les faux complots d’Houphouët-Boigny.
Fracture dans le destin d’une nation : 1959-1970», Paris, Karthala, 1997). Jeter en prison journalistes et enseignants parce qu’ils ont soulevé de vraies questions tout en laissant en liberté des criminels connus de tous est le propre des politiciens. Parce qu’il reconnaît le droit au désaccord, parce qu’il adhère à l’idée que «à vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes» (John Fitzgerald Kennedy), l’homme d’État n’embastille pas ceux qui critiquent sa gestion de la Res publica. Charles de Gaulle était constamment vilipendé par Jean-Paul Sartre qui qualifia le scrutin présidentiel de décembre 1965 d’élections pièges à cons mais, quand des militaires voulurent arrêter Sartre pendant la guerre d’Algérie, le général refusa en disant: «On n’emprisonne pas Voltaire».
Troisième différence: Le politicien cherche à faire carrière. Il veut monter en grade. Il se gardera donc d’aborder les sujets qui fâchent comme l’homosexualité, le départ des soldats français d’Afrique, la fin du franc CFA, les multinationales Bouygues, Bolloré, Lagardère, Orange, Areva qui «s’enrichissent outrageusement alors que l’espérance de vie en Afrique est de 49 ans et qu’un enfant sur 3 n’y mange pas à sa faim» (Michel Collon, journaliste belge) alors que l’homme d’État n’a pas peur de prendre position sur ces questions parce que, pour lui, il s’agit de protéger ou de défendre le peuple. En d’autres termes, l’homme d’État souhaite que le peuple grandisse et que lui diminue (Jean 3, 30). Pour lui, il est inacceptable que le peuple soit famélique et porte des guenilles pendant que les députés, maires, ministres et président de la République sont bien nourris, roulent dans de grosses cylindrées et se soignent avec leurs familles dans les meilleurs hôpitaux de Paris, Londres ou Genève.
La quatrième différence, c’est que le politicien n’a pas d’autre métier que la politique .Un métier qui le nourrit et l’entretient. L’homme d’État, par contre, a souvent exercé un métier (médecin, pharmacien, enseignant, agriculteur, ingénieur ou facteur comme Olivier Besancenot en France) avant de descendre dans l’arène politique. S’il est fatigué de la politique, il n’a pas honte de retourner à ce qu’il faisait avant.
L’homme d’État pense en même temps au court et au long terme tandis que le politicien n’est intéressé que par ce qui arrive aujourd’hui. Comme l’a bien résumé l’Américain James Freeman Clarke, «la différence entre le politicien et l’homme d’État est la suivante: le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération».
Le politicien est capable d’invoquer les grandes figures littéraires et humanistes (Zola, Hugo, Guevara, Jean Moulin, Gandhi, Luther King, Nelson Mandela, Mère Teresa, Nkrumah, Sankara…) mais fera le contraire de ce que ces hommes et femmes ont accompli. Tel est le cas de François Hollande qui, le 23 avril 2014 à Carmaux (dans le Tarn), rendait hommage à Jean Jaurès, grande figure de la gauche française assassinée en 1914. Sa politique ultra-libérale et sa propension à plaire au Medef n’avaient rien à voir avec les idées de Jaurès. Pour Michel Onfray, seuls des «guignols» sont capables de se revendiquer de Jaurès ou de Jean Moulin tout en soutenant oligarques, dictateurs et criminels.
En Côte d’Ivoire, Ouattara, quoique se réclamant d’Houphouët, n’hésita pas en 2011 à faire bombarder la résidence du chef de l’État construite par le même Houphouët. Il ne s’installa jamais à Yamoussoukro contrairement à une promesse de campagne. Le fait que la prison, l’exil ou les gaz lacrymogènes soient ses seules réponses aux légitimes revendications de l’opposition montre qu’il n’a rien à voir avec Houphouët qui, dit-on, était attaché au dialogue. Pire encore, la capitale politique, abandonnée depuis 1993, se meurt pendant qu’il s’enrichit et thésaurise. Quand le FPI accéda au pouvoir en octobre 2000, plusieurs Refondateurs ne tardèrent pas à tourner le dos aux valeurs de la gauche que sont la simplicité, l’intégrité, le partage avec les démunis et la solidarité avec les camarades.
Enfin, l’homme d’État s’efforce d’être cohérent avec lui-même. Cela veut dire qu’il se gardera de reconnaître un individu qui vient de briguer un 3e mandat illégal. Jamais il ne l’appellera «président». Le politicien, lui, ne voit aucun inconvénient à participer à des élections bidon organisées par une commission électorale inféodée au dictateur. Car l’important, pour lui, ce n’est pas le peuple, mais sa petite personne, l’argent qu’il gagnera avant ou après le scrutin, son poste et sa carrière. Il a une obsession: entrer dans l’Histoire. Peu lui importe par quelle porte il y entre. Ni les reniements ni les compromissions ne lui posent donc aucun problème.
Tout ce qui précède nous montre que ce sont les politiciens qui donnent une mauvaise image de la politique. Sinon, celle-ci est au départ une activité noble, «le champ de la plus vaste charité» (Pape Pie XI en 1927). N’est-il pas temps de sanctionner les politiciens si nous voulons redonner à la politique ses lettres de noblesse?
La paix n’est pas simple absence de guerre
Le 15 novembre 2021, on a eu une pensée pour la paix en Côte d’Ivoire, une paix dont Houphouët disait qu’elle n’est pas un vain mot mais un comportement. Certains ont prié dans les mosquées, temples et églises du pays afin que cette paix descende et demeure durablement dans les esprits et dans les cœurs. D’autres ont participé à des débats où des “experts” ont essayé de montrer que la paix est un bien précieux et que, sans elle, aucun développement socio-économique n’est possible.
Jean-Claude Djereke Pour importantes qu’elles soient, prières et réflexions ne peuvent toutes seules nous procurer cette paix à laquelle nous aspirons tous, si nous ne percevons pas en même temps que nous avons à la construire quotidiennement. Une construction qui commence par l’identification de tout ce qui ne favorise pas la paix.
Saint Jean affirme que les apôtres avaient verrouillé les portes de la maison où ils se trouvaient parce qu’ils avaient peur des autorités juives après la mort de Jésus mais qu’ils furent dans la joie quand Jésus ressuscité leur dit : “La paix soit avec vous !” (Jn 20, 19-23). Les mots les plus importants ici sont “la peur, la paix et la joie”. Nombreux sont les Ivoiriens qui ont perdu la paix du cœur et de l’âme, qui vivent dans la peur. Une peur qui les rend tristes et angoissés. Ils ont peur des disparitions d’enfants et des empoisonnements, de l’élection présidentielle qui, tous les 5 ans, cause des morts et des blessés.
Ils ont peur de sortir et de circuler dans certains quartiers à cause des microbes qui agressent et tuent impunément ; ils ont peur de voyager d’une ville à une autre à une certaine heure à cause des coupeurs de routes. Pauvres et sans assurance maladie, ils ont peur d’aller à l’hôpital où le malade n’est pas soigné tant que sa famille ne dépose pas la somme nécessaire sur la table du médecin ou de l’infirmier. Ceux qui sont en exil ont peur de rentrer parce qu’ils se disent qu’ils pourraient être jetés en prison pour un “oui” ou un “non”. N’est pas non plus en paix l’homme privé de pain, de toit ou de vêtement, l’homme qui ne peut pas penser et s’exprimer librement, l’homme qui manque de moyens pour scolariser sa progéniture, l’homme victime de mépris, d’injustice, d’exploitation, de discrimination ou d’oppression.
Autant dire que la paix n’est pas simple absence de guerre. Dieu merci, les armes ne crépitent plus dans notre pays comme en 2010-2011 mais cela ne signifie nullement que le pays et ses habitants jouissent de la paix. Celle-ci doit être comprise aussi comme le fruit de la justice et de la sécurité car la paix ne peut exister là où les uns accumulent sans arrêt des biens et des richesses pendant que d’autres manquent du strict minimum, quand le cacao, l’hévéa et la noix de cajou du planteur sont achetés à un prix dérisoire, lorsque les médias d’État sont au service d’un seul parti politique, lorsque les marches de protestation sont autorisées à certains mais refusées à d’autres, quand certaines personnes s’enrichissent outrageusement sur le dos des pauvres, là où on recourt à la violence alors que la démocratie offre aux citoyens de débattre et de confronter les idées, là où ceux qui détournent les deniers publics sont simplement mutés à d’autres postes alors qu’ils mériteraient d’être jugés, condamnés et incarcérés, là où le parti au pouvoir est hostile à toute discussion et à un consensus sur le découpage électoral, la commission électorale et les listes électorales, etc. C’est en refusant de pactiser avec ces anti-valeurs que nous participerons à l’avènement d’un monde de paix.
Vouloir la paix ou désirer vivre en paix, ce n’est pas uniquement prier pour elle, ni discourir sur ses bienfaits ou avantages mais agir d’une manière qui honore les valeurs de la République et respecte les autres. Si nous nous engageons dans cette voie, alors “le désert se changera en verger et la droiture habitera dans le désert. Et la justice aura sa demeure dans le verger [car] l’œuvre de la justice est la paix, Et le fruit de la justice, le repos et la sécurité pour toujours. Et [notre] peuple demeurera dans le séjour de la paix, dans des habitations sûres, dans des asiles tranquilles” (Isaïe 32, 12-18).
Jean-Claude DJEREKE
6 novembre 1982 – 2021 : Chemins de traverse économiques pour Paul Biya
Le coton ne sera pas abandonné entre les mains des néo colons au Nord. La filière arachide ou oignon bien organisée ramènerait les jeunes, qui sont sur les motos à des vrais métiers nobles. L’industrialisation (aciérie, chimie, textile etc.) créeraient des emplois, l’innovation, la recherche, économie numérique.
L’expert en économie questionne la pertinence des politiques mises en œuvre sous le Renouveau national et se fait le chantre d’un renouveau économique.
Aimé Mathurin Bakoto Pour analyser la vision et la politique économique de notre pays ces 39 dernières années, donc depuis l’accession à la magistrature suprême de M. Paul Biya, il est loisible de voir que deux périodes ont marqué ce temps.
Depuis 1985, le pays est sous ajustement structurel, donc le Fonds monétaire international et la Banque mondiale pilotent notre économie. Notre Pays était très endetté et avait tous les problèmes pour faire face à ses engagements, notre économie était devenue extravertie.
De sorte que les deux institutions de Bretton Woods ont mis en avant les différences entre les politiques pratiquées et la vision traditionnelle ayant prévalu ces vingt dernières années. Ils ont donc imposé ces dix éléments :
1-Discipline fiscale
2-Révision des priorités de la dépense publique
3-Réforme fiscale
4-Libéralisation des taux d’intérêt
5-Taux de change concurrentiel
6-Libéralisation des échanges
7-Libéralisation de l’investissement étranger privé
8-Privatisation
9- Dérèglementation
10 –Un droit de propriété sûr
Tout ceci étant accompagné de dégraissage des agents de la fonction publique, la fin des divers projets et programmes dans le pays, le découragement des planteurs voyant leurs récoltes non achetées etc.
Il n’est pas aisé de faire la part des choses, car cela a duré vingt ans et plus, et nous ne nous relevons pas encore.
Au milieu des années 1990, il est clairement apparu que nous avions de gros problèmes à rembourser nos dettes, devant l’augmentation des remboursements, il a été créé la politique défensive des prêts.En 1996, le FMI et la Banque mondiale lancèrent une mesure au nom très étrange : initiative pour pays pauvres et très endettés ou PPTE. Cette initiative présentait deux caractéristiques majeures: l’octroi de l’allègement de dettes, accrues par les créanciers publics bilatéraux (80% à 90%) et pour la première fois, des réductions des dettes contractées avec les organismes multilatéraux.
La conséquence directe de cette politique dictée, ou dirigée par le FMI et la Banque mondiale, est la mise à zéro du niveau de notre économie. On parle de la surliquidité des banques, mais celles-ci n’acceptent pas de dossiers de financement, parce que non banquables; c’est la réponse qu’on sert à tout le monde. Mais on finance des dossiers d’importations des produits manufacturés ou alimentaires.
1999 vit l’introduction de la nouvelle initiative PPTE «renforcée», afin d’assurer avec davantage de rapidité, un allègement de dette accrue. Il fallait qu’on ait un bilan de bonnes politiques économiques conformes au critère du FMI et de la Banque mondiale, comportant un environnement macroéconomique stable, un abaissement des restrictions commerciales, des mesures de soutien à la croissance du secteur privé. Les deux institutions attendaient du Cameroun des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté. D’où la rédaction du DSCE, d’où l’atteinte du Point de Décision. Le Cameroun, ayant appliqué vigoureusement pendant une année, a atteint ce qu’on appelle le Point d’Achèvement.
Limites
Vous comprenez que nous ne pouvions pas manager le DSCE, car il n’est pas d’initiative des Camerounais, c’est pour cette raison que personne ne peut porter la paternité d’un document économique, qui est plutôt une œuvre littéraire. Il n’est ni chiffré, ni daté, sur le temps et les opérations.Bientôt quarante années (40) de pouvoir ou au pouvoir. Pouvait-il éviter de soumettre l’économie de notre pays sous les foudres caudines du FMI et de la Banque mondiale? Pourrait-il assister, ou était-il complice du démembrement de l’économie nationale? Ces questions nous nous les poserons toujours.
La conséquence directe de cette politique dictée, ou dirigée par le FMI et la Banque mondiale, est la mise à zéro du niveau de notre économie. On parle de la surliquidité des banques, mais celles-ci n’acceptent pas de dossiers de financement, parce que non banquables; c’est la réponse qu’on sert à tout le monde. Mais on finance des dossiers d’importations des produits manufacturés ou alimentaires. Oui, nous sommes redevenus des comptoirs. La gouvernance, bonne ou mauvaise refait surface. Quelle que soit la fenêtre de tir que l’on prend, on se heurte à la lancinante question de que sera demain? Comment fera-t-on demain?
La balance commerciale est facilement retournable en notre faveur. Au lieu de vendre les terres, l’investisseur signerait des baux avec pour partenaires les collectivités décentralisées et les communautés villageoises, ce qui maintiendrait les jeunes sur place. Une économie qui n’a pas pour but la création d’une classe moyenne (rurale, industrielle, et intellectuelle) est vouée à l’échec.
Il est temps qu’on se réveille du sommeil dans lequel nous sommes plongés depuis 39 ans. Les étapes classiques qu’empruntent tous les pays, ayant connu notre situation, sont d’abord la planification; la valeur d’une planification dépend de la possibilité de sa réalisation dans son exécution. La loi définit au préalable sa durée, les choix stratégiques et surtout les objectifs à atteindre, ainsi les relations à mener pour parvenir aux résultats attendus qui seront clairement définis. Elle faudra aussi les mesures juridiques, financières, et administratives à mettre en œuvre pour l’atteinte des objectifs.
Elle doit prévoir l’évolution de certaines politiques publiques et indiquer les moyens indispensables au financement des actions nouvelles et les déploiements nécessaires. On entend dire, écrire qu’il faut un plan Marshall pour l’Afrique, c’est bien beau. Qui va le piloter? Car le plan Marshall, comme son nom l’indique, c’est la planification, les américains et les Européens ont réussi à le mettre en œuvre. Sommes-nous capables de le faire? Il y a cette fausse fierté, qui nous fait croire, que quand on est nommé, on est capable des prouesses, non!
39 ans nous ont laissé des marques indélébiles, des marques qu’il faudrait du temps pour s’en défaire. Sommes-nous capables de nous affranchir de la dictature de l’immédiateté?
Reconstruisons une agriculture qui précède l’agro-alimentaire et l’industrie. Le café, le cacao et la banane sont rémunérés à leur juste prix auprès des planteurs. Ce sera une agriculture des filières. Le coton ne sera pas abandonné entre les mains des néo colons au Nord. La filière arachide ou oignon bien organisée ramènerait les jeunes, qui sont sur les motos à des vrais métiers nobles. L’industrialisation (aciérie, chimie, textile etc.) créeraient des emplois, l’innovation, la recherche, économie numérique.
Réveillons-nous, l’espoir de l’espérance est vraiment réel, oui nous pouvons! Combien pèse l’importation du riz? de la farine, des oléagineux?
La balance commerciale est facilement retournable en notre faveur. Au lieu de vendre les terres, l’investisseur signerait des baux avec pour partenaires les collectivités décentralisées et les communautés villageoises, ce qui maintiendrait les jeunes sur place. Une économie qui n’a pas pour but la création d’une classe moyenne (rurale, industrielle, et intellectuelle) est vouée à l’échec.La planification est incontournable, car elle explique tout. L’organisation, la méthode et la discipline sont les maîtres-mots du succès de toute économie. Pensons-y. Que le 40ème anniversaire soit plus reluisant demain!Notre victoire sur le néocolonialisme passe par notre solidarité
Amina Fofana, architecte malienne proche du M5-RFP (Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques) était présente sur la chaîne panafricaine “Afrique Media”, ce jeudi 28 octobre 2021.
Jean-Claude Djereke Quand je l’ai entendu dire que la jeunesse malienne irait soutenir celle du Burkina qui devait manifester le 30 octobre, je me suis dit que nous étions sur la bonne voie car comment réaliserons-nous le rêve d’une Afrique libre et souveraine si nous ne nous mettons pas ensemble, si nous ne sommes pas solidaires les uns des autres ? La solidarité, qui “nous aide à voir l’autre – personne, peuple ou nation – non comme un instrument quelconque dont on exploite à peu de frais la capacité de travail et la résistance physique pour l’abandonner quand il ne sert plus, mais comme notre semblable, une aide (cf. Gn 2, 18. 20), que l’on doit faire participer, à parité avec nous, au banquet de la vie auquel tous les hommes sont également invités par Dieu” (Jean-Paul II, ‘Sollicitudo rei socialis’, lettre encyclique, 30 décembre 1987, n. 39), certains pensaient que l’Afrique l’avait complètement perdue.
Amina Fofana nous enseigne qu’il n’en est rien. L’activiste malienne veut marcher dans les pas de Modibo Keïta qui disait : “Partout où l’homme africain, l’homme tout court, était asservi, bafoué, notre Parti n’a pas recherché la criminelle médiation ; c’est résolument qu’il a porté aide à nos frères opprimés. Cette netteté dans nos positions, cette constance et cette fidélité, nous ont valu (et ce sera notre bonheur) la confiance de tous les patriotes africains au combat qui, demain comme aujourd’hui, trouveront chez nous le constant soutien qu’ils sont en droit d’exiger des frères engagés que nous sommes.”
Je ne sais pas si Paul Kagame connaît ce discours du premier président du Mali. Toujours est-il qu’il n’hésita pas à voler au secours du Mozambique où la ville de Mocimboa da Praia, siège d’un mégaprojet gazier, était occupée par les djihadistes depuis le 12 août 2020. Un an plus tard, les terroristes étaient chassés de cette ville portuaire par les forces armées rwandaises dirigées par le colonel Ronald Rwivanga. Ce sont 1000 soldats rwandais qui combattent actuellement dans le Cabo Delgado aux côtés de l’armée mozambicaine.
L’armée rwandaise est également présente en Centrafrique. À un journaliste qui voulait savoir pourquoi elle avait été envoyée dans ce pays d’Afrique centrale, Paul Kagame donna la réponse suivante : “Compte tenu de notre propre expérience pendant le génocide, voir une telle situation se dégrader n’est pas acceptable. Il y a une force sur place qui est censée maintenir la paix, mais elle est pieds et poings liés, comme au Rwanda. Si les forces rwandaises engagées dans le cadre de notre accord bilatéral n’avaient pas été là, les élections en Centrafrique n’auraient pas eu lieu.” C’est au nom de la solidarité africaine que le numéro un rwandais proposa son assistance à ses homologues Filipe Nyusi (Mozambique) et Faustin-Archange Touadéra (Centrafrique).
Nul ne sait jusqu’où le président rwandais ira dans sa volonté de venir en aide aux pays africains confrontés au terrorisme. Une chose est sûre : à le voir agir, on ne peut s’empêcher de le comparer à Modibo Keïta qui, le 30 mai 1962, s’adressait aux Soviétiques réunis au Kremlin de Moscou en ces termes : “ Le Mali ne saura considérer sa mission comme accomplie tant qu’un seul pouce du sol africain sera occupé par les colonialistes avides.”
En écrivant ce texte, je n’ai pas d’autre intention que d’interpeller chaque Africain sur cette solidarité beaucoup vantée dans les discussions et discours mais peu visible sur le terrain. On peut reprocher bien des choses à Kagame, on peut ne pas être d’accord avec ce qu’il a fait à l’Est de la République Démocratique du Congo il y a quelques années, mais force est de reconnaître qu’il agit plus qu’il ne bavarde, qu’il vit la solidarité africaine, que celle-ci n’est pas un slogan creux chez lui. L’heure, à mon humble avis, n’est plus au discours sur les Africains qui seraient des êtres ontologiquement solidaires pendant que les Occidentaux seraient d’affreux et indécrottables individualistes. Je voudrais que nous retrouvions l’esprit des pères et héros des “indépendances”.
Pour eux, si un leader africain était en difficulté, les autres devaient le soutenir, se mobiliser derrière et pour lui, comme on peut le voir dans cette déclaration de l’Algérien Ahmed Ben Bella : “Parallèlement à l’action du « Che » [Ernesto Guevara], nous menions une autre action pour le sauvetage de la révolution armée de l’Ouest du Zaïre. En accord avec Nyerere, Nasser, Modibo Keïta, Nkrumah, Kenyatta et Sékou Touré, l’Algérie apportait sa contribution en envoyant des armes via l’Égypte à travers un véritable pont aérien, tandis que l’Ouganda et le Mali étaient chargés de fournir des cadres militaires. C’est au Caire, où nous étions réunis que nous avions conçu ce plan de sauvetage et nous commencions à l’appliquer lorsqu’un appel désespéré nous fut adressé par les dirigeants de la lutte armée. Malheureusement, malgré nos efforts, notre action intervint trop tard et cette révolution fut noyée dans le sang par les assassins de Patrice Lumumba.”
Cette époque, où la solidarité des peuples dans leur lutte émancipatrice n’était pas un vain mot, n’était-elle pas belle ? Pourquoi nos dirigeants actuels sont-ils peureux et repliés sur eux-mêmes à ce point ? Pourquoi n’ont-ils pas cette hargne et ce courage de Modibo Keïta qui apporta son aide aux nationalistes du Congo, au FLN algérien, aux mouvements de libération en Angola, au Mozambique et en Guinée-Bissau, aux militants anti-apartheid ? Dans un pays, lorsque les citoyens se mettent ensemble pour prendre la rue et chasser le dictateur comme au Burkina Faso (le 31 octobre 2014) et au Mali (le 18 août 2020), cela n’est-il pas beau ? Aucune armée ne peut tenir face à la solidarité et à la détermination des citoyens.
Tel est le sens du discours prononcé par Jerry Rawlings lors de son procès en 1979: “Vingt-deux ans après l’indépendance, vous et moi continuons à cogner nos têtes contre le sort, contre le sol, en croyant que Dieu viendra nous sauver de leurs griffes. Il ne viendra pas si vous ne prenez pas vous-mêmes en main votre propre destin ! La France a tiré son salut d’une révolution. Les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Union soviétique, la Chine, l’Iran aussi ! Laissez-moi vous dire que Dieu n’aide pas les gens qui dorment. Ne comptez pas non plus sur les gros messieurs que vous voyez passer dans de belles voitures. Ils ne peuvent pas vous aider, parce que leur ventre est plein ; leurs enfants mangent à leur faim et ils ont les moyens d’aller et venir où ils veulent, comme ils veulent.”
Ceux qu’on appelle abusivement “élites” ou “intellectuels” font malheureusement partie des “gros messieurs qui sont dans de belles voitures, qui ont le ventre plein, qui ont les moyens d’aller et venir où ils veulent, comme ils veulent” alors qu’ils devraient “jouer un rôle d’accoucheur en assistant la dynamique des groupes, aider les victimes de la politique néolibérale à découvrir les effets directement réfractés d’une même cause” (Pierre Bourdieu). Serigne Diop, ministre de la Justice sous Abdoulaye Wade, estime que ces pseudo-intellectuels “sont confortablement installés dans un ordre depuis la période coloniale”. Or, ajoute-t-il, “cette situation est lourde de menaces, car porteuse d’instabilité. Cet ordre ne permet pas de réaliser les projets et programmes voulus pour les populations”.
Jean-Claude DJEREKE
Après les discours et les bonnes intentions, on attend les actes du PPA-CI
Alors que l’ennemi est sans état d’âme, l’Africain, lui, verse facilement dans une sensiblerie qui frise la stupidité. Une stupidité qui le conduit à faire l’éloge des liens soi-disant historiques entre la France et son continent au lieu de se demander si cette relation lui profite vraiment. C’est cette stupidité qui a poussé des jeunes ne représentant qu’eux-mêmes à parler des problèmes du continent à Montpellier avec une France aux abois et en perte de vitesse dans ses ex-colonies.
Plusieurs semaines après le Sommet Afrique-France de Montpellier, le sociologue et écrivain ivoirien n’en démord pas. Il appelle à exorciser la peur de vivre sans «l’ancien maître».
Le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) a organisé son congrès constitutif, les 16 et 17 octobre 2021. De l’avis de ceux et celles qui y prirent part, le congrès a connu un franc succès. Nous autres, qui étions à mille lieues de ce rendez-vous historique, avons bien aimé les paroles adressées par Laurent Gbagbo «aux militants de base qui ont résisté, qui ont marché, qui se sont battus dans les villages, dans les quartiers pendant 10 ans». Nous avons été contents qu’il ait eu un mot pour la diaspora «qui n’a pas voulu oublier, qui n’a pas oublié et qui ne nous a pas fait oublier parce que le pire pour un prisonnier, c’est d’être oublié». Nous avons été fort touchés par sa promesse «d’envoyer des délégations pour saluer les autorités des pays qui ont reçu les réfugiés», ce qui montre que, pour le premier président du PPA-CI, «la reconnaissance est un devoir à l’égard de tous ceux qui nous ont fait du bien et qu’on se couvre d’ignominie quand on y manque» (Jean Baptiste Blanchard, «Les maximes de l’honnête homme», 1772).
Cela ayant été dit, certains compatriotes auraient souhaité que les chansons de Serge Kassy, Mahély Ba, François Kency et Abou Galliet résonnent dans la salle de l’hôtel Ivoire, parce que c’eût été une manière de saluer leur combat et de leur rendre hommage pour les nombreux sacrifices consentis par eux. Ils estiment que l’on pouvait bien évoquer le souvenir de ces artistes qui prirent des risques énormes en même temps que celui de S. Kelly dont la chanson, «Ma copine est kpatta, kpatta» semble avoir fait du bien à Laurent Gbagbo pendant sa détention à Korhogo. Ils ont regretté qu’un billet d’avion ne fût pas envoyé à la chaîne panafricaine “Afrique Media” qui pendant 10 ans fit la palabre de Gbagbo, que la vidéo de Banda Kani n’ait pas été montrée à l’assistance, tout comme on a regretté à N’Djamena et dans d’autres capitales africaines que Laurent Gbagbo ait affirmé, deux jours après, que la légitimation d’une transition dynastique au Tchad par Emmanuel Macron n’était pas son affaire et que «le président français avait la liberté de faire ce qu’il avait à faire là-bas».
Je partage ces regrets et frustrations car, à mon avis, quand on est à la tête d’un parti qui se veut progressiste et panafricaniste, on ne devrait pas se permettre de s’exprimer de la sorte. Plaider pour le panafricanisme et laisser les Tchadiens se débrouiller tout seuls avec l’ancienne puissance colonisatrice me paraît à la fois incohérent, indécent et méchant. Laurent Gbagbo apprécierait-il si un Tchadien disait que le bombardement de la résidence présidentielle de Côte d’Ivoire en avril 2011 par les forces françaises, son kidnapping et sa lâche déportation à La Haye ne le concernent en rien et que la France a le droit de faire ce qu’elle veut en Éburnie? L’ancien président qui a révélé avoir lu toute la Bible plusieurs fois en prison doit certainement connaître cette parole de Jésus dans Matthieu 7, 12 : «Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : c’est la Loi et les Prophètes.» Si “le panafricanisme n’est pas un slogan mais une réalité” (L. Gbagbo), alors tout ce qui est fait contre un pays africain devrait obligatoirement interpeller et mobiliser les dirigeants et militants du PPA-CI.
Ceux qui agissent négativement contre les Africains, ceux qui leur veulent du mal, ceux qui leur pourrissent la vie depuis des décennies mais qui ont toujours avancé masqués et avec des paroles doucereuses, Pierre Sané les a dévoilés dans une allocution qui aura marqué les esprits tant elle tranche par sa lucidité et sa franchise. L’ancien secrétaire général d’Amnesty international commença par se présenter comme «membre dissident depuis que le Parti socialiste du Sénégal a trahi Laurent Gbagbo». Il était important qu’il fasse cet aveu car Ousmane Tanor Dieng, Moustapha Niasse, Abdou Diouf et d’autres, quoique prétendant adhérer aux valeurs socialistes, n’avaient point hésité à dérouler le tapis rouge aux rebelles ivoiriens, à rigoler et à dîner avec eux, à hurler avec les loups français contre Laurent Gbagbo, à réclamer un châtiment exemplaire pour celui qui refusait de se soumettre à la France.
Seul Amath Dansokho, qui n’appartient pas au Parti socialiste du Sénégal, s’abstint de tourner le dos au frère et ami ivoirien dont le seul crime était de défendre les intérêts de son pays.
Qui sont ceux qui n’ont jamais arrêté de nous rabaisser et de nous combattre ? Voici la réponse de Sané : «Ça fait 500 ans que la France et l’Occident nous font la guerre. Il faut qu’on identifie nos ennemis et qu’on puisse marquer sur le front de ces gens-là, E N N E M I S». Il ajoute : «L’heure est venue ! Avec l’ennemi, on crée un rapport de force. Allons-y !»
Alors que l’ennemi est sans état d’âme, l’Africain, lui, verse facilement dans une sensiblerie qui frise la stupidité. Une stupidité qui le conduit à faire l’éloge des liens soi-disant historiques entre la France et son continent au lieu de se demander si cette relation lui profite vraiment.C’est cette stupidité qui a poussé des jeunes ne représentant qu’eux-mêmes à parler des problèmes du continent à Montpellier avec une France aux abois et en perte de vitesse dans ses ex-colonies. C’est la même stupidité qui fait que certains “intellectuels” invitent un jour les Africains à se détourner de la France parce qu’elle ne serait pas le centre du monde et, un autre jour, lui demandent de financer la démocratie en Afrique. Tout se passe comme si nous avions peur de vivre sans l’ancien maître ou de nous affranchir de son étouffante tutelle. Pourtant, la manière dont nous avons été traités jusqu’à maintenant devrait nous ouvrir les yeux et nous faire adopter un comportement différent. Le massacre des 300 tirailleurs africains au camp de Thiaroye (Sénégal) le 1er décembre 1944 après avoir contribué à libérer la France de l’occupation nazie, la fin tragique des Um Nyobè, Félix Moumié, Lumumba, Olympio, le génocide rwandais dans lequel des historiens français ont reconnu en mars 2021 la responsabilité de la France, l’assassinat de Mouammar Kadhafi, les bombes lancées sur la résidence qui abritait Laurent Gbagbo et sa famille, tout cela devrait nous rendre plus lucides et plus vigilants.
En d’autres termes, les Africains se feront respecter, non en se résignant ou en se laissant faire, mais en sortant de la naïveté et de la superficialité. Ils deviendront forts, non en demeurant dans une relation qui ne leur apporte rien, mais en cheminant avec les peuples qui peuvent réellement les faire progresser. Thomas Sankara le préconisait déjà le 4 octobre 1984 devant l’assemblée générale de l’ONU quand il déclarait: «Nous avons jusqu’ici tendu l’autre joue. Les gifles ont redoublé. Mais le cœur du méchant ne s’est pas attendri. Ils ont piétiné la vérité du juste. Du Christ ils ont trahi la parole. Ils ont transformé sa croix en massue. Et, après qu’ils se sont revêtus de sa tunique, ils ont lacéré nos corps et nos âmes. Ils ont obscurci son message. Ils l’ont occidentalisé cependant que nous le recevions comme libération universelle. Alors, nos yeux se sont ouverts à la lutte des classes. Il n’y aura plus de gifles».
La République Centrafricaine et le Mali ne veulent plus laisser personne les gifler. Ils sont en train de créer un rapport de force grâce à l’appui militaire de la Russie. Celle-ci est accusée par les autorités françaises de «captation de pouvoir» en Centrafrique via les mercenaires de force Wagner, ce qui peut prêter à sourire car les dirigeants français seraient incapables de prouver qu’ils n’ont jamais eu recours à des mercenaires pour renverser tel régime ou sauver tel autre régime en Afrique. Bob Denard et Paul Barril étaient-ils de nationalité russe? La France peut-elle donner des leçons aux autres quand il est de notoriété publique que «tous les présidents de la Ve République ont laissé faire, sinon provoqué des opérations mercenaires» (cf. François Dominguez et Barbara Vignaux, «La nébuleuse des mercenaires français» dans ‘Le Monde diplomatique’ d’août 2003, pp. 4-5)? Pourquoi le Mali ne ferait-il pas appel à un autre pays jugé plus efficace si la France s’est montrée complice des terroristes qu’elle était censée combattre?
Sommet France-Afrique de Montpellier : les funérailles de l’indocilité d’Achille Mbembe
Il faut, tout de même, rappeler que ce sommet France-Afrique que Macron se veut comme celui de la renaissance intervient moins d’un an avant l’élection présidentielle en France. Il est donc fort à parier que le locataire de l’Elysée veut s’attirer la sympathie de l’électorat français d’origine africaine dans la mesure où il veut donner l’image d’un président français soucieux du développement du continent africain.
Julien Nga Ebede, Doctorant en histoire « O mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge », c’est par cette prescription de Frantz Fanon que Joseph Achille Mbembe termine son ouvrage, Politiques de l’inimitié, publié en 2016 par les éditions La découverte. Mais, l’actualité du sommet France-Afrique, tenu les 8 et 9 octobre dernier, à Montpellier, laisse croire que l’historien camerounais n’a pas encore suffisamment subjectivé cette prescription de Fanon dont il se veut le disciple. D’ailleurs, Politiques de l’inimitié aurait dû s’intituler « la pharmacie de Fanon » que l’esprit du texte n’aurait pas été trahi tant l’ouvrage s’inspire de l’œuvre psychiatrique et politique du révolutionnaire martiniquais.
En effet, en apportant sa caution morale et intellectuelle au sommet de Montpellier, Achille Mbembe trahit son parcours et l’éthique de l’indiscipline qu’il a toujours défendue. Un sommet que Macron prétend être celui de la rupture et de la refondation. « Par lettre du 8 février 2021, le président de la République française Emmanuel Macron souhaitait que le ‘’Nouveau sommet Afrique-France’’, prévu le 8 octobre 2021 à Montpellier, « marque une rupture radicale par rapport aux 27 sommets précédents. » Il voulait, à ce propos, qu’il soit l’occasion d’un « dialogue direct et ouvert » sur les relations entre l’Afrique et la France, relations dont il s’agissait, à ses yeux, de « redéfinir ensemble les fondamentaux », écrit l’auteur de Afriques indociles . Un tel aggiornamento, pour être sérieux, suppose que les deux parties (la France et l’Afrique), se retrouvent lors d’un sommet pour, ensemble, dépoussiérer et réajuster, le cas échéant, les fondamentaux de leur relation.
Mais, à Montpellier, en lieu et place de ses pairs africains, Macron s’est choisi des interlocuteurs. Des acteurs de la société civile, certainement, acquis au modèle de relation de la France avec l’Afrique. Ainsi, lors de ce fameux sommet de Montpellier, l’histoire s’est répétée. Car, comme à Brazzaville en 1944, les Français vont, de manière unilatérale, décider de leur relation avec l’Afrique en l’absence de ceux qui ont la légitimité et la légalité de parler au nom des Etats africains. Une manière de faire qui participe de l’infantilisation des chefs d’Etat africains. Une attitude que Achille Mbembe a toujours dénoncé de manière véhémente. « Depuis bientôt quelques siècles, le dupe et son complice, le maitre et son valet n’ont cessé d’échanger leurs misérables dettes – à moi le paternalisme, à toi l’infantilisme, le tout sur fond de manipulations et d’instrumentalisation réciproque », dénonce Mbembe . Et il ne manque pas de mettre à nu le modus operandi de cette esthétique relationnelle. « Cette sorte de rapport qui toujours fut, et est resté, fondamentalement absence de rapport, c’est-à-dire tantôt intrusion pure et simple, et toujours pouvoir de nuisance et souverain mépris habillés du masque de la familiarité et du bénévolat », écrit-il .
Il faut, tout de même, rappeler que ce sommet France-Afrique que Macron se veut comme celui de la renaissance intervient moins d’un an avant l’élection présidentielle en France. Il est donc fort à parier que le locataire de l’Elysée veut s’attirer la sympathie de l’électorat français d’origine africaine dans la mesure où il veut donner l’image d’un président français soucieux du développement du continent africain. En dehors de ce prétexte électoraliste, il est constant que la France est en train de perdre l’Afrique au bénéfice de la Chine. En fait, le pays de X Jinping est devenu le plus grand partenaire commercial de l’Afrique.
Les échanges commerciaux entre ce pays et le continent noir étaient évalués à 192 milliards de dollars en 2019 contre 185 en 2018. Cette montée en puissance de la Chine contrarie sérieusement les intérêts français. « Cette compétition exacerbée est venue compliquée l’investissement français », reconnaît Franck Riester, ministre français délégué au commerce extérieur. Alors, le sommet de Montpellier est une occasion pour tenter de remettre en selle les entreprises françaises en Afrique. Ce que ne dément pas Mbembe, par ailleurs. « Au demeurant, les dynamiques économique et politique peuvent être liées : penser l’Afrique politiquement et définir avec ses forces vivantes des objectifs en commun est le meilleur moyen d’accompagner les entreprises françaises dans leur effort de décrocher des contrats », confesse-t-il .
Cet engagement de Mbembe pour une « refondation » de la relation France-Afrique étonne, car ce dernier n’a jamais trouvé que cette coopération était porteuse de vertus pour le continent noir. Pour le dire, il ne s’entoure pas d’euphémismes. « Il n’y a pas meilleur terme pour qualifier l’éblouissante stérilité de ce rapport sans relation-le fait que ni hier ni aujourd’hui, il n’a été en tant que tel porteur d’aucun avenir positif auquel les Africains en particulier pourraient raisonnablement se rapporter », avertit-il .
En lieu et place d’une refondation, il a souvent préconisé la déconnexion, mieux la rupture avec la France. « Aujourd’hui, y compris parmi les élites francophones dont la servilité à l’égard de la France est particulièrement accusée ou qui sont séduites par les sirènes du nativisme et de la condition victimaire, beaucoup d’esprits savent pertinemment que le sort du continent, ou encore son avenir, ne dépendent pas de la France. Après un demi-siècle de décolonisation formelle, les jeunes générations ont appris que la France, tout comme les autres puissances mondiales, il ne faut pas attendre grand-chose. Personne ne sauvera donc les Africains malgré eux », constate-t-il . Et sans fards, il assène « le moment est donc venu de mettre un terme, en bon ordre, à ce qui aura été, d’un bout à l’autre, une misérable aventure aussi opaque que dispendieuse, sans autre horizon que la répétition infinie du scandale. »
Il est donc évident que l’auteur de Brutalisme en participant, de manière très active, à l’opération de remorquage de la françafrique organisée par Emmanuel Macron à Montpellier, rompt avec la pensée indocile dont il s’est toujours voulu le chantre à la suite de son maître Frantz Fanon. Aussi, en parcourant ses textes : Afriques indociles, La naissance du maquis dans le sud Cameroun, De la postcolonie, Sortir de la grande nuit, Critique de la Raison nègre, Politiques de l’inimitié et Brutalisme, on voyait en Achille Mbembe la figure intellectuelle de la libération totale de l’Afrique. Et jusqu’aux noces de Montpellier, du fait de la ‘’grève morale’’ dont il a fait un éthos, on le classait aux côtés de Mongo Béti, Jean-Marc Ela, Eboussi Boulaga, etc. Espérons tout de même que Montpellier ne sera qu’une parenthèse dans le parcours intellectuel de ce dernier. Sinon, l’Afrique aura perdu l’un de ses meilleurs veilleurs.
Afrique-France ou France-Afrique : la grande distraction
Si pour certains, le sommet Afrique – France a été une belle innovation, il a passé à la satrapie les vieux dirigeants, c’est –à-dire une dictature à la solde de la Françafrique, ou de la post-colonie. Certains encore trouvent que le casting n’a pas été à la hauteur. Le renversement commence par les vocables : France-Afrique au lieu d’Afrique – France
Aimé Mathurin Bakoto Une rencontre s’est tenue à Montpelier, en France, sous l’égide du président Français, Emmanuel Macron, sous le vocable de sommet Afrique-France. Y ont pris part de jeunes artistes et sportifs, des sociétés civiles et des entrepreneurs africains. Il n’y avait aucun dirigeant africain en poste, donc aucun chef d’Etat, aucun chef de gouvernement.
Ce sommet, ou forum, se tient à une période particulière de l’histoire. Le sommet a été préparé et un rapport de près de deux cent pages a été rédigé par le philosophe et historien Achille MBEMBE. Treize points ont été proposés au président Français.
Côté Africain, il a été fait appel aux Africains de la diaspora, en grande majorité ; une certaine jeunesse Africaine indocile n’a pas été admise. Donc, c’est une jeunesse francisée qui a été conviée. Avec tout ce qui se passe en Algérie, en RCA et au Mali, il y a lieu de craindre la contagion du réveil des Africains.Si pour certains, le sommet Afrique – France a été une belle innovation, il a passé à la satrapie les vieux dirigeants, c’est –à-dire une dictature à la solde de la Françafrique, ou de la post-colonie. Certains encore trouvent que le casting n’a pas été à la hauteur. Le renversement commence par les vocables : France-Afrique au lieu d’Afrique – France.
On se serait attendu à un renversement dans les faits, en ce qui concerne la gestion de l’évènement. De fait, cette jeunesse-là, très francisée, ne pourra pas libérer l’Afrique, car très proche de la France. La jeunesse capable de constituer un pôle face à la France, le fera par ses propres moyens pour contrer l’adversité politique, économique et géostratégique et s’imposer comme pôle dominant de décisions mondiales. Les opérations BARRACUDA, sont finies en Afrique ; même les premières puissances mondiales, en l’occurrence les Etats –unis d’Amérique, auront tous les problèmes du monde pour imposer leur affidé. Ceux qui ont de pareilles arrières – pensées se trompent. Les digues sont très solides et ne lâchent pas aussi vite et si facilement.
Même si personne n’ose le dire, la rencontre de Montpelier avait la prétention de signer l’acte de décès de la Françafrique. Cette rencontre a nourri officiellement une ambition : « offrir un nouveau cadre de réflexion et d’action aux nouvelles générations ». Même si personne n’ose le dire, elle a la prétention à signer la fin de Françafrique, ce système hostile à la démocratie, générateur d’une confusion de genres et d’une familiarité domestique débouchant vers la privauté selon François – Xavier Vershave. Mais il y’a lieu de se poser la question de savoir : « Que veut Emmanuel Macron ? » connait-il les instruments construits par la France pour se hisser au sommet de la hiérarchie mondiale, grâce à l’Afrique ? A –t-il relu, ou est-il prêt à renoncer aux Accords léoniens scélérats, qui enchainent l’Afrique ? Est-il prêt à laisser gérer sa souveraineté monétaire comme demande l’immense majorité des Africains ?
Est-il prêt à laisser jouer les fonctionnements structurels de la géopolitique et de la géostratégie ? Ou bien, croit-il à l’Euro –Afrique senghorienne, c’est-à-dire que l’Afrique sera toujours le marche – pied de la France.Pourquoi, si vraiment Emmanuel Macron veut échanger avec la jeunesse, la société civile Africaine, il ne commercerait pas par les diverses sociétés civiles françaises qui ont des idées bien arrêtées sur tous ces dossiers.
Il n’y a pas de développement véritable sans souveraineté, car on ne développe pas, mais on se développe. Il n’y a pas de développement véritable sans souveraineté réelle de tous les instruments qui fondent la vie d’un pays.
Achille MBEMBE, dans douze pays Africains, a fait plus de douze visites en France et en Europe, ceci en vue de la préparation de ce sommet, bref de cette rencontre. Treize thématiques ont été proposées, mais, il est surprenant que le plus grand contempteur de la France coloniale et postcoloniale, ait oublié (pas volontairement) les accords de la défense, de mines, de la monnaie etc. La France doit – elle être régisseur, ou le gestionnaire du compte de l’Afrique, avec un certain Président d’un pays d’Afrique de l’ouest ?
Cette rencontre a laissé un goût amer à tout le monde. Il reconnaît les crimes, mais refuse de demander pardon, pour les crimes commis. N’est-ce pas une scène théâtrale ? Cette jeunesse docile qui entourait à Montpelier doit savoir : que la France n’affranchira jamais l’Afrique ; seules les relations de force primeront.
Les Africains doivent se le mettre en tête. La 3ème Guerre mondiale risque venir de l’Afrique ; oui du désir de l’Afrique de se libérer de la France. Les alliés des deux camps s’affronteront, car personne ne voit la France lâcher l’Afrique. Les Africains doivent se réveiller ! Tous les pays doivent emboiter le pas à l’Algérie, la RCA et le MALI ! Croyez-vous que la France cessera de nous imposer ses choix de nos dirigeants, acquis à sa cause, au détriment de l’aspiration du peuple ; qu’elle cessera de déstabiliser les Etats qui s’opposeront à sa politique hostile et malveillante. Elle s’affaiblit économiquement, politiquement, car les choses ont changé, les temps ont changé, les mentalités ont changé, également, et la généralisation aussi. S’adapter à cette nouvelle donne, ou céder la place aux autres, même si aujourd’hui notre problème, c’est certains des dirigeants actuels.
Au fait, Achille MBEMBE, devenu entre-temps un collabo du néocolonialisme occidental pour continuer de bénéficier de l’Asile économique, Achille MBEMBE avait-il pour mission de tuer l’esprit de Banung ? Ou bien a-t-il pour mission de tuer dans l’œuf l’esprit Afrique-Asie naissant ? En fait, Achille MBEMBE fait honte à l’Afrique et enterre à jamais la mémoire de son père Jean Marc Ela, qui dans son œuvre prophétique avait prédit le développement de l’Afrique dans son livre Innovation Sociale et Changement en Afrique : un défi du monde d’en bas. Pauvre Ela, j’allais dire pauvre Afrique, c’est la même chose d’ailleurs.
Un sommet organisé pour séduire la jeunesse africaine et sauver les meubles
Le président français promet 4 millions d’euros pour le développement du sport en Afrique et 30 millions d’euros pour “aider les acteurs du changement sur les questions de bonne gouvernance et de démocratie”. C’est un autre mensonge, car, si la promesse est tenue, l’Afrique francophone recevrait en réalité une infime partie de ses avoirs de réserve de change déposés dans les comptes d’opérations contrôlés par le Trésor français (500 milliards d’euros chaque année), montant qui est largement supérieur aux 10 milliards d’euros que l’Afrique reçoit chaque année de la France, ce qui signifie que, depuis 1960, c’est l’Afrique qui aide massivement la France et non l’inverse.
Certes, des jeunes ont parlé à Emmanuel Macron “sans crainte ni tremblement” (Sören Kierkegaard) et l’un d’entre eux, d’une manière subtile, a même souhaité le départ des bases militaires françaises du continent ainsi que l’abandon du franc CFA ; certes, le numéro un français a avoué que “des habitudes ont été prises, des systèmes ont été protégés pour les intérêts financiers de grandes entreprises du pays, côté européen, même après la décolonisation, ou pour bouger des dirigeants et pour les supprimer quand ils gênent les affaires. » Mais peut-on affirmer, sérieusement et objectivement que ce sommet fut celui de la rupture dans la relation entre la France et ses anciennes colonies ? Pour nous, la réponse est “non” et nous le démontrerons en dévoilant, dans un premier temps, deux gros mensonges d’Emmanuel Macron. Nous reviendrons ensuite sur sa volonté de ne pas faire repentance pour les crimes de son pays en Afrique. Nous terminerons par deux remarques.
Macron soutient que le pillage de nos ressources naturelles par des entreprises occidentales et l’élimination des présidents africains qui refusent de se soumettre à l’Occident ont disparu. Selon lui, « il n’y a pas un pays où on le fait aujourd’hui. On ne supprime plus les dirigeants, ce n’est pas vrai.» On peut se demander ici quand commence et s’arrête le “aujourd’hui” de Macron. Le bombardement, le kidnapping, l’humiliation en mondovision de Laurent Gbagbo et sa déportation à La Haye ont-ils eu lieu au 20e siècle ? Le soutien de la France à des régimes violents et incompétents, la validation des troisièmes mandats anticonstitutionnels et les successions dynastiques à la tête de l’État ne se sont-ils déroulés que sous Chirac, Sarkozy et Hollande ?
Le président français promet 4 millions d’euros pour le développement du sport en Afrique et 30 millions d’euros pour “aider les acteurs du changement sur les questions de bonne gouvernance et de démocratie”. C’est un autre mensonge, car, si la promesse est tenue, l’Afrique francophone recevrait en réalité une infime partie de ses avoirs de réserve de change déposés dans les comptes d’opérations contrôlés par le Trésor français (500 milliards d’euros chaque année), montant qui est largement supérieur aux 10 milliards d’euros que l’Afrique reçoit chaque année de la France, ce qui signifie que, depuis 1960, c’est l’Afrique qui aide massivement la France et non l’inverse. Macron croit qu’il suffit de promettre aux Africains un peu de leur propre argent pour leur faire oublier les méfaits de la Françafrique. Il se trompe lourdement car, pour un bon nombre de jeunes, l’Afrique a besoin, non pas qu’on lui donne l’aumône, des conseils ou des leçons, mais que ceux qui l’occupent et pillent ses richesses la quittent le plus tôt possible avec leur monnaie nazie et leurs bases militaires qui ne servent qu’à protéger les valets et sous-préfets qu’ils ont mis au pouvoir.
Enfin, ce qui montre que rien n’a changé dans la relation entre la France et les pays africains, c’est le refus de Macron de demander pardon pour les crimes coloniaux et néocoloniaux commis par la France sur le continent africain. Plutôt que de faire montre d’arrogance, la “patrie des droits de l’homme” gagnerait à suivre l’exemple de l’Allemagne qui, quoique plus puissante et plus respectée que la France, présenta des excuses à la Namibie pour le massacre des Hereros en 1904. Il n’y a pas de mal à battre sa coulpe comme Heidemarie Wieczoreck-Zeul, ministre allemande de la Coopération et du Développement, qui déclarait le 14 août 2004 ceci : “Nous, Allemands, acceptons notre responsabilité morale et historique, et la culpabilité des Allemands à cette époque. J’ai un grand respect pour vos ancêtres qui sont morts pendant le soulèvement (Herero). Ceux qui ne se souviennent pas du passé sont aveugles face au présent. L’Allemagne a appris les amères leçons du passé. Au nom de Dieu, je vous demande de nous pardonner.” Les Britanniques qui, en juin 2013, reconnaissaient leur responsabilité et annonçaient des indemnisations pour les 90.000 Mau-Mau (Kenya) tués entre 1952 et 1960 rabaissaient-ils leur pays ? Non !
L’intellectuel africain
Pour conclure, je voudrais faire deux remarques. La première a trait aux intellectuels africains que certains internautes rendent responsables des malheurs du continent après que l’historien camerounais Achille Mbembe eut accepté de co-piloter le sommet de Montpellier. Ils sont qualifiés de corrompus et de vendus. Cette généralisation me semble irrecevable parce que tous les Africains ayant fait des études supérieures ou travaillant à l’université comme enseignants ou chercheurs ne sont pas pourris, complexés, traîtres ou truqués. Se trouvent en Afrique et dans la diaspora africaine des intellectuels lucides, patriotes et libres.Ceux-là, les plus nombreux d’ailleurs, Eboussi Boulaga les appelle “les intellectuels authentiques” parce qu’ils “ont résisté aux séductions de l’intégration, ont refusé de se renier, de se truquer, sont restés sur la brèche, entre le passé et l’avenir, entre deux mondes… sont demeurés des êtres réels, des humains”. Eboussi poursuit : « Il y faut une double rupture avec la servilité et la complaisance avec les mythes de l’altérité et de l’identité. Ce deuxième degré de courage fait du paria conscient un solitaire absolu et peut entraîner pour lui bien des privations et des tracas. En un sens, il est du côté des vaincus.» Cet intellectuel authentique ou paria conscient, le philosophe camerounais l’oppose au «pseudo-intellectuel [qui] veut s’intégrer dans les réseaux administratifs, entrer dans les circuits où se stockent et se redistribuent les biens rares, les honneurs et les plaisirs».
Et Fabien Eboussi de conclure : « Comme tout parvenu, le pseudo-intellectuel africain est un être qui ne s’accepte pas, qui élude la confrontation sérieuse avec lui-même et avec le modèle auquel il s’est identifié au mépris de soi et des siens. Il n’est nulle part, à force de vouloir être partout. Vis-à-vis des siens, il se croit la mission de les éclairer, de les refaire comme du dehors, en vertu des connaissances et de l’autorité qu’il a acquises auprès des détenteurs de la modernité. Il adopte, sans les situer, tous les discours humanistes de l’universalité, et en use comme d’un instrument de jugement péremptoire. Cela lui fait faire l’économie de s’investir dans l’exploration du réel, pour n’avoir plus qu’à subsumer le particulier sous le général ou à accuser le réel et la vie qui refusent de se laisser enfermer dans des cadres préconçus, des concepts oublieux de leur engendrement et des problèmes dont ils sont les solution.
La violence et la méconnaissance vis-à-vis de là où il vient lui sont consubstantielles : la honte de soi l’accompagne sourdement. Vis-à-vis des autres, c’est la complaisance qui domine, l’absence du sens critique et historique. » (cf. ‘Lignes de résistance’, Yaoundé, Clé, 1999, pp. 36-42). On voit ainsi que, pour Eboussi, les intellectuels ne sont pas d’abord les détenteurs d’un parchemin et/ou d’un titre académique, ni des agitateurs d’idées, mais ceux qui, en plus d’épouser la cause et les combats du peuple, “mettent leur tête sur le billot en assumant la difficile tâche de protester pendant que d’autres se taisent prudemment ou n’ouvrent la bouche que pour flatter les détenteurs du pouvoir” (Melchior Mbonimpa , « Un intellectuel organique ? » de Ambroise Kom, ‘Fabien Eboussi Boulaga, la philosophie du Muntu’, Paris, Karthala, 2009, p. 175).
Question sur la légitimité du dernier sommet Afrique – France
La seconde remarque concerne la légitimité de cette causerie entre Macron et les jeunes qui, de notre point de vue, ne représentent qu’eux-mêmes. Siègent-ils au Parlement de leur pays ? Ont-ils été mandatés par la jeunesse africaine ? Au nom de qui parlent-ils ? Quel est leur pouvoir de décision ? Qui a pris en charge leurs billets d’avion, hébergement et repas ? Ne savent-ils pas que la jeunesse chinoise, russe, indienne ou coréenne n’a jamais eu une causerie de ce genre avec un dirigeant britannique, espagnol, portugais ou allemand ? Les jeunes qui ont discuté avec Macron devraient comprendre la chose suivante : un esclave ne demande pas à son maître de l’affranchir mais se libère lui-même.C’est en Afrique que nous devons briser le joug de l’occupation et de l’exploitation qui pèse sur nos pays depuis 1960. La jeunesse peut faire beaucoup dans ce combat, à condition qu’elle se concerte et qu’elle mutualise ses idées et stratégies. La République Centrafricaine et le Mali ont commencé à se libérer de la tutelle française, ce qui provoque panique et colère chez les dirigeants français. Consciente que sa présence sur le continent est de plus en plus contestée par la jeunesse africaine, la France espère éteindre le feu en invitant des jeunes triés sur le volet, en proférant menaces et insultes, mais c’est peine perdue parce que « le coassement des grenouilles n’empêche pas l’éléphant de boire ». (proverbe africain).
La France a beau remplacer “Françafrique” par “Afrique – France”, elle a beau effrayer les autorités maliennes ou dénigrer la Russie, elle aura du mal à empêcher l’Afrique de prendre son destin en main. Les Africains sérieux et lucides n’étaient pas présents à Montpellier parce qu’ils avaient conscience que se rendre à Montpellier, c’est aller à Canossa, que la France ne reculerait pas sur les problèmes de fond (fermeture des bases militaires françaises, disparition du franc CFA, non-immixtion dans les affaires internes) et que cette mascarade “ne servirait qu’à renforcer la domination économique des pays riches et, en particulier, celle de la France sur les pays du continent africain” (CGT).
Pourquoi démissionner est à la fois difficile et rare en Afrique
“Un ministre, ça ferme sa gueule. Si ça veut l’ouvrir, ça démissionne.” Ainsi parlait Jean-Pierre Chevènement à la sortie d’un Conseil des ministres. C’était en février 1983.
Jean-Claude Djéréké
Le 22 mars de la même année, il joignait l’acte à la parole en quittant ses fonctions de ministre d’État, de la Recherche et de l’Industrie. Pourquoi démissionna-t-il ? Parce qu’il était souverainiste, parce qu’il était favorable à la sortie de la France du Système monétaire européen (SME), chose à laquelle François Mitterrand était opposé. Ministre de la Défense (du 12 mai 1988 au 29 janvier 1991), il est contre la participation de la France à l’intervention militaire en Irak. Il claque alors la porte.En Afrique francophone, qui posa un tel acte ? Thomas Sankara, d’abord. Nommé en septembre 1981 secrétaire d’État à l’Information dans le gouvernement du colonel Saye Zerbo, il démissionna avec fracas, le 21 avril 1982, pour protester contre le fait que la parole lui était refusée. De lui on se rappelle encore cette phrase : “Malheur à ceux qui veulent bâillonner le peuple !”
Vient ensuite Thierno Alassane Sall. Macky Sall prétend avoir mis fin à ses fonctions. Quant à Thierno, il soutient mordicus avoir démissionné, le 2 mai 2017, du gouvernement où, pendant 3 ans, il eut la charge du ministère de l’Énergie et du Développement des énergies renouvelables. Thierno reprochait à Macky Sall de faire passer les intérêts de la France avant ceux du Sénégal. Plus précisément, il ne comprenait pas que la compagnie française Total, 5e, ait été préférée à BP Cosmos, 1ere, parce que, au dire de Macky Sall, « la France, nous donne de temps en temps des sucettes, 65 milliards pour payer les salaires, 100 milliards pour ceci et cela »… Et Thierno Alassane de poursuivre : “Je suis de la génération qui lutte pour l’émancipation et l’indépendance économique, sociale et politique de notre pays, je ne suis pas de ceux-là qui pensent que, parce que la France nous donne des sucettes, on doit leur donner notre pétrole en échange, sans exiger le juste prix.” (https://www.nofi.media/2019/01/total/61862)
Les Ivoiriens Maurice Séri Gnoléba et Jean Lorougnon Guédé étaient respectivement Trésorier Payeur Général et ministre de l’Éducation nationale. Selon plusieurs sources concordantes, quoique Paul Akoto Yao travaillât sous les ordres de Lorougnon Guédé, sa position dans le bureau politique du PDCI lui permettait d’avoir la primeur de l’information concernant le ministère. Guédé était prêt à démissionner pour protester contre ce “bicéphalisme” mais Houphouët l’en aurait empêché en lui confiant le nouveau ministère de la Recherche scientifique. Quant à Séri Gnoléba, après 13 ans de service à la tête du Trésor public ivoirien, il était intéressé par le poste de gouverneur de la Banque centrale des États d’Afrique occidentale. La nomination d’Abdoulaye Fadiga à ce poste fut perçue par lui comme une injustice. Alors qu’il s’apprêtait à offrir sa démission, le premier président fera de lui le premier ministre ivoirien du Commerce.
Rares sont en Afrique francophone les personnes capables, comme le capitaine Thomas Sankara ou Thierno Alassane, d’abandonner leurs fonctions de leur propre chef. Car, en général, les gens se taisent et s’accrochent, même s’ils ne sont plus sur la même longueur d’onde que le chef ou ne se sentent plus à l’aise dans l’entreprise qui les emploie. Certains pensent que Mamadou Koulibaly, en désaccord avec Laurent Gbagbo sur le désarmement des rebelles ou l’attribution du terminal à conteneurs du port d’Abidjan à Vincent Bolloré, aurait dû démissionner de son poste de président de l’Assemblée nationale au lieu de se réfugier au Ghana tout en continuant à percevoir son salaire tous les mois. En d’autres termes, le limogeage ou le renvoi par le chef est la règle dans les pays d’expression française. Ainsi 9 ministres dont Mohamed Tiékoura Diawara (Plan), Henri Konan Bédié (Économie et Finances) et Abdoulaye Sawadogo (Agriculture) furent éjectés du gouvernement, le 20 juillet 1977. Pourquoi ? Pour Houphouët, il s’agissait de sévir contre “la corruption sous toutes ses formes”. La rumeur courut effectivement que lesdits ministres avaient surfacturé des complexes sucriers. Marcel Amondji est d’un avis contraire.
L’ivoirisation des emplois, du capital et du management serait, selon lui, la cause du limogeage des 3 ministres. “Nul doute, écrit-il, que c’est ce volontarisme, avec – déjà – des relents de nationalisme exclusif (…), qui coûta leur portefeuille aux ministres responsables et à leurs proches. Mais, abusés par les rumeurs de malversations lancées depuis la présidence, et aussi par le fait que, sur le moment, les victimes n’ont pas démenti les rumeurs qui les accablaient, les Ivoiriens ne comprendront pas que leur chute signifiait seulement qu’Houphouët et ses compères avaient, une fois de plus, triomphé de leur volonté de construire par eux-mêmes les bases du développement de leur pays.” Amondji ajoute : “D’ailleurs, les ministres déchus auraient-ils voulu démentir ces rumeurs qu’ils ne l’auraient pas pu dans un pays où les organes d’information ne répandaient que la seule parole d’Houphouët et de ses griots…. Chaque fois, les personnages les plus haut placés dans l’État après Houphouët ont été brutalement privés de leurs hautes situations et de leurs espérances de carrière dès l’instant où ils se permirent d’exprimer, sur la question cardinale de l’indépendance et de la souveraineté nationale, une opinion qui pouvait paraître une transgression de l’orthodoxie houphouétiste et françafricaine.” (M. Amondji, “Quand l’utopie se mue en tragédie” dans ‘La Dépêche d’Abidjan’ du 17 octobre 2013)
Ouattara, qui se moque de la souveraineté nationale comme de l’an 40, démettra-t-il Kouadio Konan Bertin alias KKB accusé de viol par une chanteuse camerounaise ? Rien n’est moins sûr. Un homme sérieux, digne et responsable aurait démissionné du gouvernement, avant qu’on ne le lui demande, pour défendre son honneur. Mais KKB n’a-t-il pas perdu cet honneur et cette dignité en octobre 2020 en accompagnant Alassane Ouattara qui n’avait pas le droit de briguer un 3e mandat ? Se pose ici la question du renouvellement de la classe politique ivoirienne. Certains souhaiteraient que les anciens passent la main aux jeunes. Or jeunesse ne rime pas forcément avec sagesse, patriotisme, goût de l’effort, respect de la parole donnée et simplicité. On trouve en effet des jeunes plus conservateurs et moins éclairés que les anciens.
Le pays a certainement besoin de sang neuf, d’idées et de méthodes nouvelles mais ce qu’il lui faut, surtout, ce sont des hommes et femmes capables de rompre avec les pratiques suivantes : avoir sa photo sur un pagne, poser fièrement avec Jacques Chirac ou François Hollande, dire et se dédire, racketter les entreprises ivoiriennes et étrangères au nom de tel ou tel parti politique, se servir du pouvoir pour s’enrichir, faire empoisonner celui ou celle qui ne partage pas notre vision des choses, se soigner, scolariser ses enfants ou passer ses vacances en France dès qu’on arrive au pouvoir, passer d’un parti à un autre pour les besoins du ventre, etc. Chacun sait combien ces pratiques sont autant immorales que folkloriques.
Revenons à nos moutons avec cette question : KKB pourra-t-il rendre le tablier ? Ma réponse est non. D’abord, parce que l’Afrique colonisée par la France n’a pas la culture de la démission, ensuite parce que KKB se retrouverait au chômage et donc aurait du mal à joindre les deux bouts s’il sortait du gouvernement. Ceux qui le connaissent bien rappellent qu’il n’a jamais travaillé de ses mains et qu’il a toujours été attiré par le gain et les plaisirs faciles. Bref, le ministre de la Réconciliation de Ouattara ne lâchera pas facilement un poste qu’il a longtemps désiré. Et peu lui importe le proverbe français qui dit : “Qui ne sait pas garder sa dignité invite au mépris.”
Jean-Claude DJEREKE
Le Sommet de Montpellier n’apportera aucun changement dans la relation franco-africaine
En raison de la rigueur, de la vigueur et de la profondeur de ses analyses, je le percevais comme l’un des dignes héritiers des Jean-Marc Ela, Fabien Eboussi Boulaga et Mongo Beti. En un mot, ses réflexions sur l’Afrique et la France forcèrent assez vite mon estime et mon admiration. Le «divorce» entre nous deux intervint en janvier 2011 quand Mbembe apposa sa signature sur un texte où des universitaires français, américains et africains
Le sociologue et écrivain ivoirien présente le Sommet en préparation en France comme une énième tentative pour cette ancienne puissance coloniale de reprendre pied en Afrique. En cela, il s’inscrit contre la pensée et l’action collaboratives de certains penseurs africains parmi lesquels Achille Mbembe.
Jean-Claude Djéréké Il fut un temps où Achille Mbembe critiquait la politique française en Afrique et se gardait de caresser les dirigeants français dans le sens du poil. En 2010, par exemple, à une question de Christophe Boisbouvier de RFI, il répondait ceci : «Je pense que les Africains qui cherchent à réinventer leur futur gagneraient à oublier la France. Elle n’est pas le centre du monde. Il est temps de regarder ailleurs et de ne pas lui reconnaître plus de pouvoir qu’elle n’en dispose vraiment». Pourquoi les Africains, d’après lui, devaient se tourner vers d’autres pays? Parce qu’ils «ne sont toujours pas à même de choisir librement leurs dirigeants, parce que les anciennes colonies françaises se sont transformées en satrapies gérées comme des fiefs privés, que l’on se transmet de père en fils».
Et Mbembe d’ajouter : «Le temps est venu de tirer un trait sur cette histoire ratée. Elle n’est porteuse d’aucun futur digne de ce nom. Au fond, cela aura été une relation passablement abusive qui ne reflète en rien la richesse et la densité des rapports humains établis depuis plusieurs siècles entre Français et Africains». (cf. ‘Télérama’ du 8 octobre 2021). Avec la publication de ‘Les jeunes et l’ordre politique en Afrique noire’ (L’Harmattan, 1985) et ‘Afriques indociles’ (Karthala, 1988), l’historien camerounais se positionnait indiscutablement comme l’un des penseurs africains avec qui il fallait compter dorénavant. En raison de la rigueur, de la vigueur et de la profondeur de ses analyses, je le percevais comme l’un des dignes héritiers des Jean-Marc Ela, Fabien Eboussi Boulaga et Mongo Beti. En un mot, ses réflexions sur l’Afrique et la France forcèrent assez vite mon estime et mon admiration.
Le «divorce» entre nous deux intervint en janvier 2011 quand Mbembe apposa sa signature sur un texte où des universitaires français, américains et africains (Elikia M’Bokolo, Mamadou Diouf, Paulin Hountondji et Ousman Kobo) décrivaient Laurent Gbagbo comme un «chef ethnocentriste» (cf. ‘Le Monde’ du 18 janvier 2011). Ce texte, je le trouvais tout simplement abject, non parce qu’il désavouait l’ancien président (même les Gbagbo ou rien ont le droit d’être en désaccord avec leur champion), mais parce qu’il ne donnait aucune preuve de ce qu’il affirmait. Comment peut-on accuser d’ethnocentrisme un président qui nomma à des postes-clé Dona Fologo, Mamadou Koulibaly, Paul David Nzi, Jean-Baptiste Akrou, Philippe Mangou, Sidiki Bakaba qui ne sont pas de l’ethnie bhété? Un mois plus tard, Mbembe essaya de se racheter dans une interview où il disait ne pas savoir qui était le vrai vainqueur de l’élection présidentielle de novembre 2010 (cf. ‘Jeune Afrique’ du 14 février 2011).
Le Sommet France-Afrique, initialement programmé en juillet, aura finalement lieu du 7 au 9 octobre 2021 à Montpellier (France) et ne concernera que les sociétés civiles africaine et française. De l’avis de Benoît Verdeaux, ancien numéro 2 de l’Agence française de développement (AFD) en Côte d’Ivoire, il s’agira de «réfléchir à réinventer, redynamiser les relations entre l’Afrique et la France» (entretien avec Boisbouvier sur RFI le 14 septembre 2021). Achille Mbembe affirme avoir accepté de co-piloter la préparation du Sommet parce que «des gestes ont été accomplis, je pense en particulier à la mission qu’il [Macron] a confiée à mon ami Felwine Sarr, qui a permis de rouvrir le débat sur les restitutions [des biens culturels africains], qui a permis un déclic des imaginaires.
Je pense à l’autre mission, confiée à madame N’Goné Fall, qui a abouti à une grosse opération «Africa 2020». Il y a des pas qui ont été accomplis en ce qui concerne le franc CFA… Et donc il y a un frémissement». (RFI du 22 mars 2021). Doit-on croire l’historien camerounais quand il s’exprime de la sorte et qu’il se défend d’être une prise de guerre de Macron? Peut-on partager son optimisme sur les rapports entre la France et ses ex-colonies? Emmanuel Macron tuera-t-il vraiment la Françafrique qui a fait tant de mal aux peuples d’Afrique francophone? Réussira-t-il là où tous ses prédécesseurs ont lamentablement échoué?
Notre réponse est “non”. Pourquoi? Premièrement, parce que «c’est le soleil du matin qui sèche l’attiéké» (proverbe africain). Macron a eu 5 ans pour opérer un changement dans les relations entre son pays et ses anciennes colonies, changement qui, pour nous, passe par la fermeture des bases militaires françaises installées dans certains pays africains, la fin de l’immixtion de la France dans nos affaires internes et la création d’une monnaie africaine par les Africains eux-mêmes. Au lieu de cela, il a soutenu le 3e mandat anticonstitutionnel de Dramane Ouattara et d’Alpha Condé, validé la réélection de tel ou tel président ayant déjà passé plus de 30 ans au pouvoir, soutenu des dictateurs sanguinaires, gardé au Mali des soldats soupçonnés d’y faire autre chose (piller l’or, l’uranium, le gaz et le pétrole de ce pays) que de combattre le terrorisme, établi un lien douteux entre les familles nombreuses et le manque d’éducation.
Un tel homme peut-il réaliser en un an ce qu’il fut incapable de faire en 4 ans? Gaston Kelman en doute fort quand il écrit : «L’ancien maître n’a plus voix au chapitre. Il n’a rien fait quand il le pouvait. Comment penser qu’il s’est converti à d’autres sentiments! Qu’est-ce qui aurait changé dans la psychologie du dominant depuis Ruben Um Nyobè pour que nous pensions à lui comme Messie, interlocuteur indispensable pour notre destin? Dans quelle page de l’Histoire ou des mythologies, avons-nous vu le dominant panser les plaies du dominé?» (cf. ‘Jeune Afrique’ du 30 avril 2021).
La seconde raison est la suivante : quitter l’Afrique signifierait, pour la France, ne plus avoir accès aux nombreuses richesses qu’elle y pille depuis 6 décennies. Il faut être fou pour se faire hara-kiri. Je ne vois pas le président français oser scier la branche sur laquelle son pays est assis. Elle a beau clamer qu’elle ne gagne rien en Afrique et qu’elle se saigne plutôt pour les Africains, la France aurait moins de poids et moins d’influence sur la scène internationale sans ces richesses.
À partir de là, chacun s’apercevra aisément de l’inutilité du Sommet de Montpellier. Celui-ci n’est organisé que pour tromper une fois de plus les Africains et essayer de les «reconquérir» au moment où, après la Centrafrique de Touadéra, le Mali d’Assimi Goïta est en train de remplacer l’ancienne puissance colonisatrice par la Russie jugée plus humaine, plus sincère et plus compétente.
C’est juste une opération de charme. Rien ne changera dans la relation franco-africaine après Montpellier, ce qui ne veut pas dire que le changement n’adviendra jamais. Les adeptes africains et français de la Françafrique gagneraient, à cet égard, à lire ou à relire le texte de Jean-Paul Sartre : «Nos procédés sont périmés : ils peuvent retarder parfois l’émancipation, ils ne l’arrêteront pas. Et n’imaginons pas que nous pourrons rajuster nos méthodes : le néo-colonialisme, ce rêve paresseux des Métropoles, c’est du vent ; les « troisièmes forces » n’existent pas ou bien ce sont les bourgeoisies bidon que le colonialisme a déjà mises au pouvoir. Notre machiavélisme a peu de prise sur ce monde fort éveillé qui a dépisté l’un après l’autre nos mensonges. Le colon n’a qu’un recours : la force, quand il lui en reste; l’indigène n’a qu’un choix : la servitude ou la souveraineté» (cf. Préface à ‘Les Damnés de la terre’ de Frantz Fanon).
C’est un truisme de dire que le sentiment anti français monte de jour en jour de Bamako à N’Djamena en passant par Dakar et Bangui. Macron espère que le Sommet de Montpellier fera baisser la tension dans ces capitales africaines. À mon avis, il a aggravé les choses. Car, on ne convoque pas chez soi une personne en colère. Le bon sens voudrait qu’on se rende plutôt chez elle, qu’on l’écoute et qu’on fasse droit à ses légitimes desiderata. En tout état de cause, non seulement les 200 millions d’Africains qui suivent la chaîne panafricaine “Afrique Media” ne sont plus prêts à se laisser distraire, mais rien ne leur semble plus agaçant que le paternalisme arrogant et condescendant de la classe politique française.
Quant aux “intellectuels” africains, qui se sont mis au service de cette classe et qui souscriraient volontiers à cette phrase de Senghor : «Le carré français, croyez-moi, nous ne voulons pas le quitter. Nous y avons grandi et il y fait bon vivre. Nous voulons simplement y bâtir nos propres cases, qui élargissent et fortifieront en même temps le carré familial, ou plutôt l’hexagone France», plus personne ne les prend au sérieux. Fanon a vu juste en disant d’eux qu’ils «ont intériorisé le système colonial qui place le Blanc tout en haut de l’échelle des races, que le colonialisme s’est infiltré en eux avec tous ses modes de pensée» (cf. ‘Peau noire, masques blancs’, Maspero, 1952).
Toujours en quête de la reconnaissance et de l’approbation du maître, ces «êtres truqués ou mensonges vivants» (Sartre) se rendent à Montpellier, non pour imposer quoi que ce soit, mais pour voler au secours d’un pays qui ne doit s’en prendre qu’à lui-même si ses ex-colonies ont commencé à lui tourner le dos.
En conclusion, le sommet de Montpellier n’apportera rien de bon aux Africains car ceux qui l’ont organisé ne sont ni bons ni sincères. Seuls les naïfs peuvent croire que le soleil du soir séchera l’attiéké.
Inégalités et misère
Les forces gouvernementales gagneraient à regarder dans la planification, la programmation et les investissements si vraiment, elles se souciaient de leurs populations, au lieu de laisser leurs économies aux mains de l’ajustement permanent, et inexpérimenté de la Banque mondiale et du FMI.
L’expert en économie tente de situer les responsabilités dans la persistance des inégalités dans le monde en général et en Afrique en particulier. Les coupables désignés: l’Histoire et la politique.
Aimé Mathurin Bakoto
Il est quasiment inconcevable, aux yeux de beaucoup, de vivre avec moins de 2 dollar US, ou un dollar US/jour. Plus d’un milliard d’individus dans le monde vivent avec moins d’un dollar par jour; plus de deux milliards sept cent millions d’individus vivent avec moins de deux dollars par jour; voilà la triste réalité de ce monde dans lequel nous vivons. Les inégalités sont le terreau de toutes les révolutions, de tous les bouleversements sociaux dans le monde, de toutes les migrations et de tous les déplacements forcés, oui, dans le monde.On le crie, ou le dit, qu’il faut de la croissance pour éradiquer les inégalités, la misère, en fait. Mais est-ce vraiment la seule solution? c’est une des multiples solutions à notre disposition. Quelles perspectives politiques, l’influence de la croissance économique, et de la répartition des revenus sur les niveaux de pauvreté, semblent-ils s’ouvrir? Quels éléments susceptibles de s’inscrire dans la stratégie de développement favorable aux démunis, et qui comportent des encouragements à une accélération de la croissance économique, un élargissement des possibilités ouvertes à la population pauvre par le biais d’investissements dans l’éducation, la santé de base, et la conception des programmes incluant des mesures de protection sociale pour les groupes particulièrement vulnérables.
Dans les pays pauvres, comme les nôtres, il peut être difficile de mesurer les revenus, en particulier chez les ménages qui, vivant en agriculture de subsistance, consomment l’essentiel de leur production, au lieu de la commercialiser. Même si la consommation peut-être également un indicateur de bien-être, plus fiable que le revenu, tendant à ne pas connaître les mêmes fluctuations que les revenus d’une période à une autre.
Kuznets, prix Nobel, d’ailleurs l’un des premiers prix Nobel a beaucoup travaillé sur les inégalités et surtout sur la croissance et les inégalités, en général. Ces recherches laissent entendre que ces inégalités s’aggravent lors du passage des pays agricoles à une économie industrielle. Mais la question, qui reste, pour l’instant sans grande réponse est celle de savoir, comment les pays aux sous–sols riches peuvent s’appauvrir, se misérabiliser, au risque de croire que leur pauvreté est pathologique? Il est vrai aussi que le mécanisme à la base de cette augmentation des inégalités résulte des différences de rendement des facteurs de production entre l’agriculture, l’industrialisation et l’urbanisation, et voit les inégalités augmenter.
Il ne fait de doute que l’Histoire et la politique ont joué un rôle important, quand on prend le cas de l’Afrique du Sud sous apartheid où le niveau des revenus était le plus élevé au monde, les Blancs, empêchant les Noirs et les autres Sud-Africains, non blancs de posséder les terres agricoles fertiles, d’obtenir une éducation décente. L’héritage de ces politiques se maintient aujourd’hui et se reflète dans la répartition hautement inégalitaire en Afrique du Sud.
L’histoire et la politique ont également tenu une place majeure dans d’autres parties du monde, dans les colonies, où toute émancipation, toute élévation du niveau de vie, bref, tout développement était banni, surveillé, et orienté. Il n’était pas possible à un «indigène» d’évoluer, c’était pire que l’apartheid. Ces politiques, malheureusement, même après que ces colonies aient retrouvé leur souveraineté de jure, perdurent encore et encore, augmentant la pauvreté, la misère et aucun dirigeant de ces pays ne s’en émeut.
Les coups d’État se font, parce qu’on réclame le pain, le pain qui est un aliment, vestige de la colonisation. On préfère donner des hectares de terre à des étrangers et laisser son peuple mourir de famine. Toute la production est ainsi exportée vers d’autres cieux, où la plus-value est la conséquence. Comme vous comprenez, l’histoire, la politique, l’action gouvernementale jouent sur l’accumulation des actifs, y compris l’éducation.
Les décisions politiques, pèsent sur les techniques et l’accès au marché, entre autres du travail, qui conditionnent la productivité, bref le rendement en général. La fiscalité et les dépenses publiques, dont celles qui financent les systèmes d’action sociale, influent directement sur les modalités de répartition des revenus. Le niveau des inégalités dans n’importe quel pays résulte d’interactions complexes entre l’Histoire, la politique, les dotations des facteurs et les forces gouvernementales.
Si le développement économique exige de réduire la pauvreté, l’explication la plus simple des raisons de l’importance des inégalités de revenus consiste à dire que le degré des irrégularités, et le niveau des revenus déterminent l’étendue de la pauvreté. Un ministre du Travail dans un pays Africain a dit à la télévision qu’on pourrait vivre avec moins de 20 euros décemment, alors que son salaire sans avantage est à deux milles euros le mois.
Les rapports qui relient la croissance économique et le maintien des inégalités identiques, les revenus des démunis doivent être clairs. Si le revenu par habitant se maintient, tandis que les inégalités augmentent, les quintiles les plus pauvres jouissent de moindres revenus, et certains ménages ont probablement chuté dans la pauvreté. Ces propositions se bornent à exprimer les mathématiques de base qui régissent les rapports entre pauvreté, croissance et inégalités.
Les forces gouvernementales gagneraient à regarder dans la planification, la programmation et les investissements si vraiment, elles se souciaient de leurs populations, au lieu de laisser leurs économies aux mains de l’ajustement permanent, et inexpérimenté de la Banque mondiale et du FMI.
La Russie en Afrique centrale : Une percée, mille intentions
Si l’on demande à des experts de qualifier l’activisme de Moscou dans plusieurs pays africains, il y a deux sortes de réponse. La première consiste à dire que la diplomatie russe vient de loin.
Signature de convention entre le Tchad et la Russie à Moscou La seconde suppose qu’elle est en pleine transformation depuis la chute du Mur de Berlin. Mais le Centre africain d’études internationales, diplomatiques économiques et stratégiques (CEIDES) via son Pôle Recherche et Publications (Observatoire des pays de la CEEAC et du Nigéria) lui, voit les choses différemment. Sous la plume de Dr Ordy Betga (politologue –chercheure), le Think tank CEIDES a commis, en septembre dernier, une publication portant sur l’«accord de coopération militaire Nigéria-Russie: réflexion sur les ambitions russes sur le continent africain».
Ce travail indique que Moscou veut accompagner son expansion géopolitique et économique partout. En Afrique où elle investit beaucoup ces dernières années, la zone CEEAC se transforme en véritable échiquier sur lequel Moscou place ses pions par le biais d’un jeu d’alliances stratégiques. Bien que sa volonté de s’affirmer comme puissance incontournable aux yeux de la communauté internationale demeure, elle poursuit d’autres objectifs des plus fondamentaux pour son avenir (sécurisation de l’accès aux matières premières, l’ouverture de nouveaux marchés, l’exportation des surcapacités et l’encouragement d’investissements russes).
Et comme le Tchad, la RCA, la RDC figurent parmi les pays qui ont signé un accord de coopération militaire avec la Russie, c’est l’occasion de scruter les contours de ces divers accords. À travers une série qui s’ouvre la semaine prochaine dans les colonnes de votre journal, nous irons à la rencontre de quelques experts ayant travaillé sur le sujet.
À lire dans notre prochaine édition
1-Axe Ndjamena-Moscou: Au nom du père
et d’Idriss…