Penci Sport plugin only working with the Soledad theme.

Archives des CONTRE-ENQUÊTE - Page 5 sur 6 - Journal Intégration

Journal Intégration

Catégorie : CONTRE-ENQUÊTE

  • Comités ministériels  : Plus de 10 milliards de FCFA gaspillés chaque année

    Comités ministériels : Plus de 10 milliards de FCFA gaspillés chaque année

    L’argent est versé aux ministres, secrétaires généraux, directeurs… simplement parce qu’ils siègent au sein de ces instances qui, pour certaines, ne fonctionnent même pas. 

    Une vue des services du Premier ministre à Yaoundé

    Dans sa réforme visant les comités et groupes de travail ministériels et interministériels ad hoc, le gouvernement a maintenu les indemnités de sessions versées aux fonctionnaires lors de ces travaux. Un arrêté fixant le montant de ces paiements journaliers a été signé le 5 février dernier par le Premier ministre (voir ci-dessous). Ce choix ne va pas plaire à la Banque mondiale (BM). En effet, le même jour, lors de la présentation de la revue des dépenses publiques du pays, l’institution de Bretton Woods, qui accompagne le gouvernement dans la mise en œuvre de son programme d’ajustement avec le Fonds monétaire international (FMI), réitérait sa demande de suppression de cette « compensation informelle ».

    Pour la BM, cette indemnité ne se justifie pas. Car elle est versée aux ministres, secrétaires généraux, directeurs et à une poignée d’autres agents publics, en contrepartie d’un travail pour lequel ils sont déjà payés à la fin du mois. Pour l’institution financière internationale, le travail réalisé au sein des comités et autres groupes de travail ne constitue pas un travail spécifique effectué en dehors des engagements contractuels. Ce travail est offert durant les heures de travail, et donc fait partie du quota horaire contractuel. Pour comprendre, il faut savoir que les comités ou les groupes de travail ad hoc sont des réunions de personnes chargées d’examiner certaines affaires, de donner un avis, de préparer une délibération, d’orienter une décision. Les primes devraient donc être accordées aux seuls experts, non-fonctionnaires, conviés à ces réunions.

    Prime à l’inefficacité
    En plus, ces avantages, non contenus dans le bulletin de paye, « encouragent des pratiques de recherche de rente », dénonce l’institution financière internationale. Le ministre des Finances l’a d’ailleurs reconnu. Selon Louis Paul Motaze, lorsqu’un comité ou un groupe de travail est créé, la pratique courante consiste à multiplier à l’infini le nombre de réunions. Les indemnités étant versées par session, l’objectif du stratagème est de se mettre plein les poches.

    À en croire un expert qui a travaillé sur le sujet pour le compte de la Banque, « en général, les membres se réunissent en moyenne dix fois (réunions de compréhension du mandat, réunions de répartition des responsabilités, réunions en sous-groupes, réunions de validation…) ». Cette façon de faire « contribue à des retards dans les processus administratifs et les prises de décision», pointe la Banque. «La pratique des indemnités journalières a (également) donné lieu à une prolifération de comités et de réunions, et a causé une congestion et un double-emploi des institutions publiques, dont les mandats se chevauchent», indexe encore le partenaire technique et financier.

    Selon les chiffres donnés par l’expert de la BM, en 2015, les services du Premier ministre (SPM), le ministère des Finances (Minfi) et celui de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat) comptaient plus de vingt comités et groupes de travail. Les autres ministères en comptent en moyenne sept. Sur cette base, et selon les calculs de notre source, ce sont plus de 10 milliards de francs CFA qui sont dépensés chaque année pour faire fonctionner ces instances. Ainsi, plus de 80% sont consacrés au paiement de primes, et le reste à la location des salles, à l’achat des fournitures de bureau et autres logistiques diverses.

    Détournements
    « Alors que le pays est en lutte contre son déficit budgétaire, c’est proprement ce type de dépense qu’il faut supprimer », commente un haut fonctionnaire. En plus, cet argent arrive souvent dans les poches de personnes n’ayant participé à aucune réunion. Selon l’expert de la BM, un audit a été réalisé en 2009 dans un ministère. Cette analyse a chiffré à plus de 71 millions de francs CFA le montant total décaissé entre 2007 et 2008 pour des comités qui n’avaient ni tenu de réunions, ni réalisé d’activités depuis 2007. L’ampleur des détournements peut aisément être imaginée en étendant l’enquête sur l’ensemble des administrations (SPM compris) et sur une période de 10 ans.

    Ces distractions de fonds se font avec la bénédiction des chefs de département ministériel. Ils en sont d’ailleurs les plus grands bénéficiaires. Une revue des textes de création montre que les présidents et les vice-présidents des comités et groupes de travail sont généralement les ministres et les secrétaires généraux. «Une partie de nos primes est même souvent prélevée et reversée aux présidents et au vice-président. Et vous avez intérêt à coopérer si vous voulez vous retrouver dans un autre comité», indique un membre d’un groupe de travail au Minepat.

    Aboudi Ottou

     

    Réforme en trompe-l’œil 

    Les nouveaux textes encadrant la création et le fonctionnement des groupes de travail ad hoc ne devraient pas changer grand-chose dans les dérives actuelles.

     

    Deux nouveaux textes encadrent désormais la création et le fonctionnement des comités et groupes de travail interministériels et ministériels. Ils ont tous été signés par le Premier ministre. Il s’agit du décret du 30 novembre 2018, fixant les modalités de création, d’organisation et de fonctionnement des comités et groupes de travail interministériels et ministériels, et de l’arrêté du 5 février 2019, fixant les montants des indemnités de sessions versées lors des travaux dans ces instances.

    Pain de paresse
    Pour réduire les déperditions budgétaires notamment à l’origine de la réforme, la rationalisation des indemnités de session et du nombre de comités et groupes de travail interministériels et ministériels est cruciale. Mais à la lecture de ces textes, un haut cadre de l’administration centrale arrive à la conclusion que « le nouveau cadre juridique relatif au fonctionnement des comités présente des zones d’incertitudes ne garantissant pas la qualité de la réforme envisagée dans ce secteur ».

    En ce qui concerne les indemnités, on constate que les montants sont, soit restés inchangés, soit ont légèrement augmenté pour les membres des comités et les groupes de travail interministériels (tableau 1 page 11). C’est au niveau des groupes de travail ministériels que ces primes ont été revues à la baisse (voir tableaux 2 page 11). De même, le principe de leur paiement par session a été maintenu. Il encourage pourtant la multiplication des réunions, engendrant des retards dans les processus administratifs et les prises de décision. Plus grave, une nouvelle poche de dépense a été créée. Désormais le Premier ministre (ou son représentant) et les ministres vont désormais recevoir 10 % de tous les budgets des comités et de groupes de travail interministériels dont ils assurent la supervision.

    Contrôle à priori
    Pour ce qui concerne les modalités de création, le nombre maximum de membres d’un groupe de travail ministériel, du groupe de travail interministériel et du comité interministériel est désormais limité à 10, 12 et 15. Toutefois, il n’y a pas de plafond du nombre de comités ou de groupes de travail par an. Bien plus, il semble curieux d’avoir laissé la catégorie de groupe de travail à la discrétion des ministres (nombre de groupes ou nombre de membres) alors que la principale dérive qu’on veut corriger a été entretenue par ces ministres (même si les ampliations sont prévues).

    Pour mieux maitriser les dépenses de cette catégorie d’activités, les experts estiment qu’il aurait été bien plus efficace de plafonner les dépenses et d’assurer un contrôle d’efficacité. En plus, on aurait pu exiger, au sein de chaque ministère, d’inscrire dans le Projet annuel de performance (PPA) une rubrique Fonctionnement des comités, dont le nombre et la pertinence seraient analysés en amont, au moment du vote du budget. Ainsi, seuls les comités validés seraient alors créés au cours de l’année. En cas de situation urgente, le PM pourrait autoriser exceptionnellement la création d’un comité ou d’un groupe de travail. Ces deux propositions ont en effet l’avantage d’éviter une implication opérationnelle des instances de contrôle, et de faire uniquement une évaluation a posteriori de l’efficacité et de l’efficience des comités.

    Aboudi Ottou

    Fonction publique 

    Une politique de rémunération injuste 

    Pour compenser les bas salaires des agents publics, le gouvernement camerounais a mis en place un grand nombre d’allocations, en l’occurrence les indemnités de session. Celles-ci entrainent de larges distorsions dans le système de rémunération. 

     

    Tout le monde en convient: les salaires de base des agents publics camerounais sont bas. Selon la dernière grille des salaires adoptée le 1er juillet 2014, le salaire de base mensuel le plus élevé (correspondant au grade A2) est de 342 809 francs CFA, tandis que le plus bas est d’à peine plus de 45 000. Ces salaires sont inférieurs à ceux de leurs homologues des pays pairs d’Afrique subsaharienne. À titre d’exemple, les salaires mensuels les plus élevés et les plus bas dans la Fonction publique au Rwanda sont respectivement de plus de 1,3 million de francs CFA (poste permanent de secrétaire) et de plus de 177 mille F CFA (secrétaire).

    Par contre, le salaire de base au Cameroun est complété par une pléthore d’avantages complémentaires. Il s’agit, d’une part, des dotations en carburant et lubrifiant véhicule, des indemnités de mission à l’intérieur et à l’étranger et d’autre part, des heures supplémentaires, des gratifications, des indemnités spécifiques, des indemnités forfaitaires de tournées et de risques, des indemnités de permanence, des primes de rendement, des primes pour travaux spéciaux et des primes spécifiques. Entre 2006 et 2015, ils ont représenté au moins 10% de la masse salariale globale de l’État tous les ans avec un pic à 25% en 2009 et 2012.

    Inégalités
    Ces avantages ne profitent qu’à une poignée d’agents publics. «Très souvent, il s’agit des agents qui sont en A2 et qui occupent des postes de responsabilité ou gèrent des projets», détaille un expert. Ces distorsions dans le système de rémunération de la Fonction publique sont encore aggravées par les indemnités de session versées aux participants à des comités, des commissions ou des réunions spéciales qui sont pour l’essentiel des ministres, des secrétaires généraux et des directeurs. Ceux-là mêmes qui captent déjà la quasi-totalité des avantages complémentaires. Cette pratique leur offre par session près de 70 à 100 % du salaire de base mensuel des fonctionnaires (graphique 1).

    Du coup, «90 % du personnel (en particulier ceux qui n’ont pas de poste d’encadrement et les agents contractuels) ne sont pas satisfaits de leur niveau de rémunération», indique la Banque mondiale. Pour le partenaire technique et financier, cette réalité invite à une réforme sur la politique globale de la rémunération dans la Fonction publique. Il s’agira d’harmoniser les statuts (qui procurent des avantages différents et pas toujours justifiés, d’un corps à l’autre), les primes au sein des ministères (qui varient d’un ministère à un autre), de réduire les disparités entre contractuels ou fonctionnaires (voir graphique 2) ou entre les fonctionnaires des administrations centrales et ceux des établissements publics ou des entreprises publiques.

     

    Tableau 1. Indemnités de session des membres d’un comité ou d’un groupe de travail interministériel

    Tableau 2. Indemnités de session des membres d’un groupe de travail ministériel

    Graphique 1. Comparaison indemnité journalière – salaire mensuel de base

    Graphique 2. Niveau du salaire de base des fonctionnaires et des agents contractuels (FCFA)

     

    Les solutions de la Banque mondiale

    Pour la Banque mondiale, le système actuel de rémunération nécessite des réformes majeures, en particulier pour fournir de façon transparente et équitable d’adéquates incitations qui amélioreront les performances de la Fonction publique. Ci-dessous les options politiques proposées par l’institution de Bretton Woods pour améliorer la situation.

     

    À courts et moyens termes (un an à trois ans) :
    • Procéder à un examen détaillé de la structure de classification et de rémunération; effectuer une analyse du revenu réel des fonctionnaires ; développer un nouveau système de rémunération qui intégrera dans le salaire de base certaines indemnités et paiements ad hoc, afin d’aboutir à un système de rémunération équitable et transparent;

    • Clarifier et reclasser les dépenses budgétaires ayant nature de rémunération, comme les indemnités journalières, et les inclure dans la masse salariale, conformément aux directives de gestion des finances publiques ;

    • Suspendre le paiement des indemnités journalières pour les participants aux réunions, vu que celles-ci devraient être partie intégrante de la fonction et qu’elles ne sont pas juridiquement autorisées ;

    • Rationaliser et réduire les dépenses non essentielles qui ne sont pas consacrées aux fins prévues, mais offertes comme une incitation à l’augmentation des revenus (carburant et frais de déplacement), et réaffecter les économies potentielles au budget programme qui contribuera directement à améliorer la prestation des services.

    À moyen terme (deux à trois ans) :
    • Continuer à renforcer la traçabilité, le contrôle et la responsabilisation des dépenses de carburant et de déplacement. Redéfinir les critères d’allocation de ces ressources entre les ministères et en leur sein ;

    • Expérimenter un système de primes basées sur la performance, et classer la ligne budgétaire dans la masse salariale.

  • Endettement : le Cameroun dans le piège chinois

    Endettement : le Cameroun dans le piège chinois

    Yaoundé éprouve des difficultés à rembourser sa dette. Pékin essaie de profiter de la situation pour faire main basse sur les infrastructures et les ressources naturelles du pays.

    cooperation-chine-cameroun-paul-biya-rencontre-xi-jinping

    Au-delà des apparences et de la langue de bois diplomatique, la coopération entre le Cameroun et la Chine connait en ce moment un grand malaise. Eximbank, le principal prêteur chinois du pays, est en colère. Depuis juin 2018, la banque d’import-export de l’Empire du Milieu a suspendu les décaissements de fonds au profit du Cameroun. Elle reproche au gouvernement camerounais le non-respect des clauses contractuelles (voir article ci-dessous).

    Lors de leur séjour au Cameroun en fin novembre 2018, les responsables d’Eximbank ont signifié leur courroux aux autorités du pays. Parmi les problèmes qui reviennent le plus, il y a les lenteurs dans le remboursement de la dette. À titre d’illustration, jusqu’au 21 janvier 2019, le Cameroun n’avait pas toujours réglé le principal et les intérêts courus chiffrés à 64 milliards de francs CFA. Les sommations du créancier chinois n’ont rien changé à la situation.

    Restructuration

    Les difficultés sont telles que le gouvernement camerounais a même introduit, l’année dernière, une requête en restructuration de sa dette envers la Chine. La restructuration fait référence à plusieurs types de mesures. Il peut s’agir d’une baisse des taux d’intérêt, d’un prolongement des délais de remboursement, d’une annulation partielle ou totale d’une créance ou d’une combinaison de ces possibilités.

    En réponse à cette demande, la présidence de la République du Cameroun a annoncé la semaine dernière que le gouvernement chinois a décidé d’annuler la dette issue des prêts sans intérêt, arrivés à échéance en fin 2018, et dont le montant est d’environ 45 milliards de francs CFA. Pour sa part, Eximbank se dit prête « à concéder un rééchelonnement du remboursement du principal des prêts concessionnels et préférentiels crédits acheteurs pour la période 2019-2021 ».

    On ignore pour l’instant les contours de cette opération. Tout ce que l’on sait, c’est que le ministre de l’Économie de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat) a marqué son accord pour l’option « rembourser 30 % du principal dû à la période  2019-2021 ». Il l’a fait savoir dans un courrier adressé à l’ambassadeur de Chine au Cameroun, le 16 janvier dernier. Il a par ailleurs indiqué que « ce choix est sans préjudice de la poursuite de l’examen de la requête en restructuration de la dette soumise par le gouvernement du Cameroun, sur très hautes instructions du chef de l’État ».

    Prédation

    La situation n’est pas pour déplaire à Pékin. L’Empire du Milieu essaie d’en profiter pour faire main basse sur les infrastructures du pays. Il l’a fait déjà au Sri Lanka (voir colonne) et au Mozambique. Déjà, la société CHEC, qui a préfinancé la contrepartie du Cameroun pour la construction de l’autoroute Kribi-Lolabé, à hauteur d’environ 38,6 milliards de francs CFA, fait pression pour participer à sa gestion. Cela s’appelle «la diplomatie du piège de la dette», indique un sinologue qui   sollicité l’anonymat pour préserver ses bonnes relations avec les autorités chinoises.

    À l’en croire, le stratagème consiste à financer (sans compter et sans se soucier de leur rentabilité et donc de leur capacité à générer des fonds capables d’assurer le service de la dette) des projets souvent surfacturés avec pour seule exigence qu’ils soient réalisés par des entreprises chinoises. Une fois que les difficultés de remboursement du crédit se présentent, il manœuvre pour obtenir des concessions sur l’infrastructure réalisée, des terres ou des matières premières. Une stratégie à la Sun Tzu, auteur de «L’Art de la guerre».

    Mais à Yaoundé, les officiels ont tellement le nez dans le guidon qu’ils semblent ne pas percevoir le danger. Dans la politique de densification du portefeuille de coopération avec la Chine, des fonctionnaires au Minepat proposent même que le Cameroun songe à financer ses infrastructures contre l’exploitation des ressources naturelles. Une option qui devrait contribuer à faire davantage de la Chine un prédateur, plutôt qu’un investisseur.

     

    Financement des grands projets

    Pourquoi Eximbank a fermé le robinet

    Au Minepat, on estime à plus de 110 milliards de francs CFA le volume d’appels de fonds envoyés à Eximbank et restés lettre morte (voir tableau page 11). Cette situation est en partie responsable du niveau élevé du montant des soldes engagés et non décaissés (Send’s) auprès de la Chine. À date, les Send’s s’élèvent à 1393 milliards, pour un volume cumulé de lignes de crédits ouvertes de plus 3282 milliards de francs CFA. La banque chinoise d’import-export motive sa décision par le non-respect des engagements pris dans le cadre de l’exécution des projets par le gouvernement camerounais. Quatre d’entre eux sont particulièrement indexés. Revue des problèmes par projet.

     

    • Projet d’acquisition des avions MA60

    Ici, l’absence du «Control Account (compte de contrôle)» est le problème. L’ouverture de ce compte par la CAA, gestionnaire camerounais de la dette, est notamment conditionnée par la tenue à Camair-Co d’une comptabilité permettant de retracer les recettes et les charges inhérentes à l’exploitation des avions MA60.

     

    • Projet de construction de l’autoroute Kribi-Lolabé

    Pour lever la suspension des décaissements pour ce projet, il faut désigner l’opérateur/concessionnaire chargé de l’exploitation et de la gestion des ressources issues de cette autoroute. Mais tout est suspendu aux conclusions des séances de travail initiées dans les services du Premier ministre, et qui doivent définir la forme juridique à adopter pour l’exploitation de cet investissement.

     

    • Projet de construction de l’autoroute Yaoundé-Douala

    Ici, Eximbank exige le paiement de la portion congrue de la contrepartie camerounaise, relativement aux décomptes présentés par l’entreprise CFHEG, évalués actuellement à près de 3 milliards de francs CFA.

     

    • Projet de construction du port en eau profonde de Kribi (phase II)

    L’accord sur le mécanisme de remboursement des prêts contractés pour la construction de cette infrastructure, conclu entre le Minepat et le Port autonome de Kribi, ne semble pas au goût d’Eximbank. En tout cas, l’institution financière chinoise a retourné, sans signature et sans motif, les trois exemplaires dudit document à lui envoyés par le gouvernement camerounais.

     

     

    ‘’Il faut sortir de la surexposition à l’endettement pour une coopération offensive’’

    Le Sri Lanka parle au Cameroun 

    À cause des défauts de remboursement de sa dette, le pays a dû céder le port de Hambantota à Pékin.

     

    L’histoire de la coopération entre la Chine et le Sri Lanka est similaire à celle du Cameroun. C’est au milieu des années 2000 que ces deux pays décident de donner de l’allant à leur partenariat économique avec l’Empire du Milieu. Accusé de violation de droit de l’Homme pendant la guerre civile qui secoue son pays, Mahinda Rajapaksa, arrivé au pouvoir en 2005, est isolé sur la scène internationale et se tourne vers la Chine. Paul Biya, à la tête de l’État depuis le 6 novembre 1982, anticipant sur la brouille qu’il pourrait avoir avec ses partenaires traditionnels au sujet de sa volonté de rester au pouvoir après 2011 (contrairement à ce que prescrit la Constitution du pays en ce moment-là), fait de même.

    À la suite, Pékin finance sans compter des projets dans les deux pays qui ont tous des positions stratégiques. Le Sri Lanka est situé au cœur de l’océan Indien sur les routes d’approvisionnement entre le Moyen-Orient et l’Asie orientale. Avec plus de 70% du trafic pétrolier et plus 50% de celui des containers qui transitent par ce pays, il est au centre du projet pharaonique de la Chine de «route de la soie». Le Cameroun est considéré comme le pays pivot du golfe de Guinée. Cette zone, riche en pétrole, a été déclarée depuis plusieurs années déjà « zone d’intérêt vital » par les autorités américaines.

    Une dizaine d’années plus tard, Maithripala Sirisena, qui a remplacé Mahinda Rajapaksa à la magistrature suprême, se retrouve face à une montagne de dettes accumulées par l’État. En décembre 2017, sous forte pression et après des mois de négociations, le nouveau gouvernement cède le port d’Hambantota aux Chinois pour quatre-vingt-dix-neuf ans, avec 6 000 hectares de terrains autour en échange de l’effacement d’un peu plus de 1 milliard de dollars d’emprunt chinois. Au regard des difficultés actuelles rencontrées par le Cameroun pour rembourser sa dette envers la Chine, si les autorités n’y prennent garde, le pays pourrait bien se retrouver dans la même situation.

    Aboudi Ottou

     

    ‘’Il faut sortir de la surexposition à l’endettement pour une coopération offensive’’

    Roger Ngaya

    La restructuration de la dette n’est pas un repas gratuit. Il faudra bien payer les frais de “la générosité chinoise” 

    Cet expert financier est le patron de Strategy, une agence de communication financière et corporate, proche des milieux chinois. Il analyse l’attitude du Cameroun dans sa coopération avec la Chine.

     

    Les autorités camerounaises assurent que «le service de la dette est entièrement assuré». Qu’est-ce qui peut donc justifier la demande de restructuration de la dette du pays envers la Chine ?
    Selon la note sur l’exécution budgétaire du ministère des Finances, le service effectif de la dette se chiffrait à 260 milliards de francs CFA en septembre 2018, contre 138,8 milliards à la fin septembre 2017, soit une augmentation de 121,2 milliards de francs CFA (+87,3%). Son taux de réalisation s’établissait à 100,4% sans accumulation d’arriérées sur la dette extérieure.
    Au regard du rythme de l’évolution du service effectif de la dette et des contraintes budgétaires inhérentes à son paiement, l’option de restructuration était devenue évidente pour le Cameroun. La Chine, par l’intermédiaire de ses grandes banques d’État, est le premier bailleur de fonds du Cameroun. Une réduction de la valeur nominale du stock de la dette existant ou un refinancement de la dette par la baisse des taux d’intérêt, couplée à une extension des maturités pour diminuer le service de la dette, ne peut qu’être une bouffée d’oxygène pour les finances publiques du Cameroun.

    La restructuration est un terme générique. Savez-vous ce que veut exactement le Cameroun ?
    Le Minepat a communiqué, le 16 janvier 2019, a l’ambassadeur de la République populaire de Chine au Cameroun, l’option du remboursement de 30% du capital dû à la période 2019-2021, pour parvenir à un allègement substantiel de 184 milliards en valeur nominale et de 151, 5 milliards en valeur actualisée.

    Que peut lui concéder la Chine ?
    Ces derniers temps, les banques à capitaux publics comme la banque chinoise d’import-export Eximbank, la Banque agricole de Chine, la Banque de développement de Chine, la Banque chinoise du commerce et de l’industrie sont plus prudentes dans leurs politiques de prêt. C’est ce qui explique que l’allègement de 45 milliards ne résultait que des prêts du gouvernement chinois sans intérêts arrivés à échéance en fin 2018.

    …Le financement des infrastructures contre l’exploitation de ressources naturelles a montré ses limites dans la pratique angolaise de coopération avec la Chine. Pékin pourrait devenir prédateur plutôt qu’investisseur. Les cours des matières premières connaissent des variations erratiques sur les marchés financiers qui peuvent grever la capacité de remboursement en cas de baisse drastique…

    Le rééchelonnement s’impose comme la concession la plus prévisible. On peut donc comprendre, qu’en réponse à la requête du Cameroun relativement à la demande de restructuration de sa dette envers la Chine, Eximbank s’est montrée favorable à un rééchelonnement du remboursement du principal des prêts concessionnels et préférentiels, crédits acheteurs pour la période 2019-2021.

    Tout cela envoie évidemment un mauvais message aux prêteurs. Doit-on s’attendre à un durcissement des conditions d’endettement pour le Cameroun ?
    La restructuration est considérée comme une prime à l’insolvabilité voire à l’irresponsabilité. Lorsqu’elle est significative, elle entraine une perte de confiance des futurs et actuels créanciers. Il en résulte une difficulté à emprunter dans le futur, et donc à financer son économie.

    Toutefois, elle peut aussi avoir un effet positif. L’annulation ou de la restructuration permet de dégager de nouveaux moyens financiers et de retrouver une nouvelle capacité d’investissement, en éloignant la situation quasi irrémédiablement compromise de la cessation de paiement. Pour le Cameroun, il ne faut cependant pas s’inquiéter sur les prochaines émissions de titres publics, la restructuration demandée n’étant que marginale.

    La Chine a commencé à donner suite à la demande de restructuration du Cameroun en annulant la dette sans intérêt, échue en fin 2018. Comme on a pu le voir par le passé, une restructuration de la dette a toujours une contrepartie. Que veut la Chine et que peut-elle tirer de cette opération ?
    En effet, la restructuration de la dette n’est pas un repas gratuit. Il faudra bien payer les frais de «la générosité chinoise», soit par un accès aux matières premières pour nourrir la croissance chinoise en plein essoufflement, soit par la conclusion de nouveaux contrats avec des entreprises chinoises. Enfin, le Cameroun, bénéficiant d’une position stratégique au carrefour de l’Afrique de l’ouest et de l’Afrique centrale, la Chine espère étendre son influence dans le golfe de Guinée, potentiel détour de son projet «Nouvelle route de la soie».

    Le président Paul Biya annonce la poursuite d’«une politique active de coopération économique avec la Chine». Au regard des difficultés actuelles, est-ce vraiment opportun ?
    La Chine est une chance pour le Cameroun, une opportunité à saisir si l’on cesse d’être suiveur, mais plutôt co-guide. Face au volontarisme chinois, le Cameroun reste figé dans un rôle plus d’observateur que d’acteur. Désormais, le Cameroun doit plus agir qu’il ne réagit.

    La Chine est susceptible de lui offrir de belles perspectives, une alternative commerciale intéressante dans la diversification des partenaires. De nombreux produits camerounais intéressent les consommateurs chinois. Il faut sortir du spectre de la surexposition à l’endettement pour une coopération offensive.

    En seulement un demi-siècle de relation sino-camerounaise, notre pays s’est doté de nombreuses infrastructures pour son développement. La présence chinoise au Cameroun suscite plus d’espoirs que d’inquiétudes.

    Dans sa stratégie de densification du portefeuille de coopération avec la Chine, des fonctionnaires au ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire conseillent d’explorer de nouveaux modes de financement tels que les Partenariats public-privé (PPP), les Built-Operate-Transfert(BOT). Ils suggèrent même de proposer à la Chine le financement des infrastructures, en échange de l’exploitation des ressources naturelles. Au regard des expériences du Congo Brazzaville, de l’Angola, du Sri Lanka… le Cameroun ne se jette-t-il pas lui-même dans la gueule du loup ?
    Les nouveaux modes de financement envisagés sont des alternatives à un éventuel assujettissement économique par la dette. Cependant, il faut relever que pour les PPP et les BOT, les couts globaux sont souvent plus élevés, en raison du transfert de l’essentiel des risques au concessionnaire. Le gouvernement peut être amené à accorder des exemptions fiscales et douanières, lorsque le flux de trésorerie de l’exploitation de la société en charge du projet ne couvre pas l’ensemble des charges.
    Par ailleurs, le financement des infrastructures contre l’exploitation de ressources naturelles a montré ses limites dans la pratique angolaise de coopération avec la Chine. Pékin pourrait devenir prédateur plutôt qu’investisseur. Les cours des matières premières connaissent des variations erratiques sur les marchés financiers qui peuvent grever la capacité de remboursement en cas de baisse drastique. Si la diversification peut réduire les risques, elle en fait de même pour la rentabilité.

    Interview réalisée par
    Aboudi Ottou

    Appels de fonds non exécutés par Eximbank 

  • Cameroun : Les riches font main basse sur la croissance

    Cameroun : Les riches font main basse sur la croissance

    Depuis une décennie, la richesse créée dans le pays est captée par les plus aisés. Conséquence, le nombre de pauvres augmente.

    La consommation des 20% des ménages de la tranche la plus riche représente plus de dix fois celle des 20% des ménages de la tranche la plus pauvre

    La lutte contre la pauvreté est l’un des échecs cuisants du Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE), qui arrive à échéance le 31 décembre 2019. «Entre 2010 et 2018, la pauvreté au Cameroun a reculé de moins de 3%, alors même qu’on avait espéré faire reculer ce phénomène de 10%», avoue Paul Tasong. Le ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat) conduit l’évaluation du DSCE dans la perspective de l’élaboration du prochain outil de planification.

    Nombre des pauvres en hausse
    Plus précisément, pour les dix années (2010-2019) de mise en œuvre de la première phase de la Vision 2035 (qui vise à faire du Cameroun un pays industrialisé), le gouvernement s’est fixé comme objectif de réduire le taux de pauvreté monétaire de 39,9% en 2007 à 28,7%. Or, les projections les plus optimistes estiment que ce taux devrait se situer autour de 36% au 31 décembre 2019.

    Selon la 4e Enquête camerounaise auprès des ménages (Ecam 4), rendue publique en 2016 par l’Institut national de la statistique (INS), le nombre de pauvres a même une tendance haussière. De 7,1 millions en 2007, le nombre de Camerounais qui vivent en deçà du seuil de pauvreté monétaire (fixé à 339 715 francs CFA par an, soit 931 francs CFA par jour) est passé à 8,1 millions en 2014. Cela s’explique par le fait que le rythme de réduction de la pauvreté (autour de 0,34 par an) est extrêmement inférieur à celui d’évolution de la population (en moyenne de 2,6% par an).

    Les zones rurales, le Septentrion et le Nord-ouest sont les plus touchés. Ces quatre régions représentent ensemble 74% de la population pauvre. «La détérioration des conditions de sécurité depuis 2014 dans les régions du Nord et l’aggravation de la crise dans les régions anglophones pourraient avoir exacerbé la situation des pauvres, en raison de l’afflux croissant de réfugiés et de personnes déplacées », estime le Fonds monétaire international (FMI). Aujourd’hui, le Programme alimentaire mondial chiffre par exemple à plus de 440 000 le nombre de déplacés liés à la crise anglophone.

    Croissance des inégalités
    Et pourtant, entre 2010 et 2019, la croissance moyenne n’a certes pas atteint les 5,5% souhaités, mais la richesse a suffisamment augmenté pour entrainer une réduction significative de la pauvreté. La croissance moyenne sur ces dix années devrait se situer autour de 4,7%. Le problème, estime le FMI, est que la politique budgétaire du Cameroun est «très peu redistributive» (voir ci-dessous). Du coup, «les fruits de la croissance n’ont bénéficié qu’à une minorité», explique Paul Tasong dans une interview accordée à Cameroon Business Today, parution du 30 janvier dernier. «Les riches sont devenus plus riches et les pauvres plus pauvres», reconnait le ministre dans les colonnes de ce journal.

    Selon Ecam 4, les inégalités de revenus mesurées par l’indice de Gini se sont en effet accentuées de 7 points, entre 2007 et 2014. À titre d’illustration, la consommation des 20% des ménages de la tranche la plus riche représente 10,1 fois celle des 20% des ménages de la tranche la plus pauvre. À en croire l’INS, «si les inégalités, mesurées par les écarts de consommation entre pauvres et non pauvres étaient restées inchangées, le niveau de croissance économique aurait pu permettre de ramener le taux de pauvreté de 39,9% en 2007 à 21,8% en 2014, soit un recul de 18 points».

    Aboudi Ottou

     

    Une politique budgétaire appauvrissante

    Selon une étude du Fonds monétaire international, l’État prend plus aux plus pauvres qu’il ne leur donne.

     

    Pour réduire les inégalités et par conséquent lutter contre la pauvreté, les États se servent du budget. Pour schématiser, il est question de prendre plus chez ceux qui en ont plus, pour donner plus à ceux qui en ont moins. Cette redistribution se fait à partir de la politique fiscale et des dépenses publiques. Au Cameroun, il se passerait le contraire. En effet, une étude du Fonds monétaire international (FMI), datant d’octobre 2018, conclut que «La fonction redistributive, relativement faible, des politiques budgétaires actuelles se traduit pour les ménages les plus pauvres par des avantages plus faibles que les charges fiscales indirectes sur leurs activités de consommation». En d’autres termes, l’État en prend plus aux plus pauvres qu’ils ne leur en donnent.

    À en croire certains fiscalistes, cela est en partie dû à la structure fiscale du Cameroun. En 2017 par exemple, près de 60% des recettes non pétrolières de la direction générale des impôts provenaient de l’impôt sur la consommation. Or, ce prélèvement est considéré comme aveugle, frappant de la même façon le riche et le pauvre. Et l’impôt sur le revenu des personnes physiques (qui concernent les revenues et donc davantage les personnes aisées) n’a représenté que 17% des recettes.

    Mauvais ciblage
    En plus, constate le FMI, les dépenses effectuées par le gouvernement, prétendument pour lutter contre la pauvreté, sont captées en majorité par les riches. À titre d’illustration, les exonérations de Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les subventions énergétiques bénéficient davantage aux ménages les plus aisés. Ainsi, à titre d’illustration, en 2014, respectivement 94,5% et 86,3% des dépenses totales (exonération de TVA) de consommation de poissons congelés et de riz ont profité aux ménages non pauvres, et 50% des ménages (représentant les tranches les plus aisées) ont reçu environ 78% des subventions sur l’électricité, 96% des subventions sur l’essence et 67% des subventions sur le kérosène.

    En cause, selon le FMI, «la faible couverture des transferts en espèces et quasi-espèces (comme le programme des filets sociaux NDLR), le mauvais ciblage des transferts indirects comme les subventions énergétiques et les exonérations de TVA et la dépense encore insuffisante et relativement inefficace dans l’éducation et la santé».

    Bien qu’inefficaces, ces subventions génèrent des coûts budgétaires non négligeables en termes de manque à gagner de recettes pour l’État. D’après une étude des autorités, en 2016, les dépenses fiscales ont totalisé 2,6% du PIB, et en 2014, les subventions sur l’électricité et le carburant ont représenté plus de 2% du PIB. Pour le FMI, il est donc urgent de réformer la politique budgétaire du Cameroun pour la rendre plus redistributive.

    Aboudi Ottou

    Les solutions du FMI 

    Dans son étude, l’institution de Bretton Woods propose des réformes qui devraient améliorer l’impact redistributif de la politique budgétaire du Cameroun.

     

    Pour réduire significativement la pauvreté, le FMI propose de supprimer les transferts indirects (exonérations de TVA, subvention à l’énergie…) qui profitent principalement aux plus aisés. Ces mesures devraient engendrer plus d’argent pour les caisses de l’État. Le Fonds conseille d’orienter une partie de ces ressources vers les dépenses qui bénéficient le plus aux pauvres (transferts directs en espèces ou quasi-espèces et transferts en nature comme les services publics gratuits ou subventionnés d’éducation et de santé, voir simulation page 11).

    À ce jour les dépenses totales en protection sociale représentent moins de 0,1% du PIB. On pourrait y consacrer davantage de ressources, en mettant par exemple en place un système de minima sociaux. Les minima sociaux visent à assurer un revenu minimal à une personne (ou à une famille) en situation de précarité. Ce sont des prestations sociales non contributives, c’est-à-dire qu’elles sont versées sans contrepartie de cotisations. Il pourrait s’agir d’une allocation chômage ou d’une indemnité versée aux personnes vivant dans des régions où la pauvreté est endémique, comme l’Extrême-nord. Le défi, à ce niveau, est de concevoir un outil qui limite les abus.

    À en croire le FMI, les transferts en nature sont actuellement les instruments de réduction des inégalités et de la pauvreté les plus efficaces. «Au niveau du revenu final, où la valeur des services d’éducation et de santé en nature est comptabilisée, la réduction de la pauvreté et des inégalités est plus importante. La pauvreté a baissé de 5 points de pourcentage au niveau national, et le coefficient de Gini est passé de 44 à 41», constate l’institution de Bretton Woods. Ici, le Fonds propose de faire deux choses : d’abord améliorer l’efficacité des dépenses par une réorientation des ressources des secteurs éducatifs vers les régions et les ménages qui en ont le plus besoin et décentraliser les dépenses de santé vers les établissements de soins primaires des régions les plus pauvres ; ensuite, augmenter les dépenses d’éducation et de santé.

    Aboudi Ottou

     

  • Coopération économique  : Paul Biya met la pression sur Donald Trump

    Coopération économique : Paul Biya met la pression sur Donald Trump

    Dans sa nouvelle politique africaine, Washington se positionne comme une alternative à Pékin, qualifié de «mauvais partenaire» pour le continent. Alors que le secrétaire d’État adjoint américain aux Affaires africaines est annoncé dans la sous-région, Yaoundé affiche sa préférence pour la Chine.

    Audience entre Yang Jiechi, émissaire du président chinois, et Paul Biya

    Les contours de la politique africaine de Donald Trump (voir colonne) sont connus depuis quelques mois. Fin octobre, le secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines a entamé une tournée à travers le continent pour en faire la promotion auprès des gouvernements, des entreprises et de la société civile. Après l’Afrique de l’ouest (Togo, Guinée, Mali, Nigeria), Tibor Nagy devrait séjourner, dans les jours à venir, en Afrique centrale. Les autorités américaines ne s’en cachent pas. L’objectif de ce regain d’intérêt pour l’Afrique est de positionner les États-Unis comme une alternative à la Chine afin de réduire « l’influence néfaste » de Pékin sur le continent.

    Au département d’État, on estime que la Chine est un « mauvais partenaire » pour l’Afrique. Ici, on postule que l’investissement chinois sur le continent crée « la dépendance » et ne produit pas d’« effets de ruissellement ». « La manière dont ils travaillent reste très souvent opaque et semble même, dans certains cas, compromettre le développement des pays où ils sont présents », tance pour sa part Cyril Sartor. Le directeur Afrique du Conseil de sécurité nationale a été interviewé par l’hebdomadaire Jeune Afrique à la suite d’un voyage sur le continent en juin dernier.

    Préférence
    Aussi, les États-Unis se disent être « le partenaire idéal de l’Afrique pour la création du type de climat des affaires susceptible d’attirer les investissements du secteur privé qui stimulent la croissance économique et créent des emplois ». Mais l’offre américaine est loin d’enthousiasmer Paul Biya. Le 9 janvier 2019, en réponse aux vœux de Nouvel An formulés par le Corps diplomatique, le président camerounais n’en fait d’ailleurs aucun cas. Il affirme cependant que son pays poursuivra « une politique active de coopération économique avec la Chine ».

    Joignant la parole à l’acte, le 19 janvier, Paul Biya reçoit un émissaire du président chinois Xi Jinping. Yang Jiechi, directeur du bureau de la Commission des affaires étrangères du Parti communiste chinois, est porteur d’une bonne nouvelle. Il vient annoncer au chef de l’État camerounais la décision de son pays de procéder à « l’allégement de la dette sans intérêt du Cameroun envers la Chine à l’échéance fin 2018 », indique la présidence de la République du Cameroun, sans donner plus de détails. Mais selon nos informations, il s’agirait d’une annulation d’une dette d’un montant d’environ 45 milliards de francs CFA. Une annonce qui pourrait contribuer à rendre inaudible le discours américain de diabolisation du concurrent chinois.

    Exigences
    Pour nombre d’experts en relations internationales, Paul Biya reste cohérent. En effet, depuis les années 2000 le chef de la diplomatie camerounaise donne plus d’allant à la coopération Sud-Sud qui « met en avant les principes de non-ingérence et de neutralité, et développe un discours dépourvu d’injonctions, de menaces et de sanctions », estiment-ils. À les en croire, il serait donc normal que le président camerounais regarde avec une certaine méfiance la proposition américaine, les États-Unis n’ayant pas changé de ce point de vue.

    « Nous ne travaillerons qu’avec ceux qui prendront des engagements forts en matière de bonne gouvernance, parce que c’est le seul moyen de conforter la sécurité et le développement économique des populations. Nous n’apporterons notre soutien qu’à ceux qui mettront en place un cadre juridique et institutionnel respectueux de l’État de droit », prévenait déjà en juin dernier Cyril Sartor. Pour Donald Trump, le respect de la souveraineté des partenaires n’est donc pas la priorité. Selon l’internationaliste Christian Pout, c’est pourtant ce qui séduit les décideurs camerounais dans la coopération Sud-Sud.

    Aboudi Ottou

     

    Colonne 

    Grains de sable dans la mécanique

    La crise anglophone et l’alternance politique sont des sujets de friction entre le Cameroun et les États-Unis.

     

    Au cours de la seule année 2018, Xi Jinping a déroulé deux fois le tapis rouge à Paul Biya. Au mois de mars, le président camerounais a effectué une visite d’État en Chine. En septembre, il y était, une fois de plus, à la faveur du forum de la coopération sino-africaine. À contrario, depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, le chef de l’État camerounais n’a pas eu droit aux mêmes égards. En septembre 2017, lorsque le président américain a reçu les dirigeants africains en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, il n’a pas jugé utile de convier Paul Biya, pourtant présent à Washington. Ce qui n’a pas été vu d’un bon œil depuis le Palais d’Etoudi.

    Les autorités camerounaises goûtent encore moins la position de l’administration Trump sur la crise anglophone. Yaoundé accuse Washington de jouer le jeu des sécessionnistes. Les dirigeants camerounais ne comprennent pas pourquoi les États-Unis interdisent à l’armée d’utiliser le matériel militaire, fruit de la coopération entre les deux pays dans le conflit qui l’oppose aux séparatistes anglophones. Ils comprennent encore moins pourquoi, malgré les démarches entreprises, les autorités américaines se pressent lentement à mettre un terme aux activités de soutien aux milices en activités dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, et qui ont cours depuis les États-Unis. Parmi les 14 personnes considérées par Yaoundé comme « incitant à la haine et à la violence » depuis l’étranger, 6 sont basées dans le pays de l’Oncle Sam.

    Mais plus que tout, ce que Paul Biya digère le moins, c’est la suggestion de quitter le pouvoir à lui faite par l’ambassadeur des États-Unis au Cameroun au cours d’une audience tenue le 17 mai 2018 au Palais de l’Unité. En guise de protestation, le diplomate américain avait été convoqué par le ministre camerounais des Affaires extérieures. À l’occasion, Lejeune Mbella Mbella avait rappelé à Peter Barlerin que « Paul Biya ne se maintient pas au pouvoir par la force ». Après la proclamation de la réélection de Paul Biya pour un septième mandat à la tête du pays, les États-Unis se sont d’ailleurs montrés peu enthousiastes, se contentant de féliciter le peuple camerounais pour « une élection présidentielle modérément réussie ».

     

    Aboudi Ottou

    Les piliers de la politique africaine de Trump 

    Ils sont au nombre de quatre. Le secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines les présente dans un communiqué titré « l’avenir appartient à l’Afrique ». Un document rendu public le 31 octobre 2018, alors que Tibor Nagy entamait sa première visite sur le continent. Ci-dessous les quatre piliers par ordre d’importance.

    • Promouvoir les échanges commerciaux
    Ici il est question de construire des relations commerciales plus étroites entre les États-Unis et l’Afrique. Pour les autorités américaines, cela passe par la création « des conditions de concurrence équitables sur les marchés africains pour toutes les entreprises, quelle que soit leur origine». Ce qui implique, d’après Tibor Nagy, « de mettre l’accent sur l’État de droit, la transparence, la possibilité donnée aux investisseurs de formuler les recours et la lutte contre la corruption ».

    • Libérer le potentiel des jeunes
    Il s’agit d’exploiter le potentiel de la jeunesse africaine en tant que force d’ingéniosité et de prospérité économiques. Et pour le secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines « les États-Unis sont le partenaire idéal de l’Afrique pour la mise en place et le renforcement d’institutions démocratiques et la création du type de climat des affaires susceptible d’attirer les investissements du secteur privé qui stimulent la croissance économique et créent des emplois ».

    • Promouvoir la paix et la sécurité
    Les États-Unis comptent intervenir à partir des mécanismes bilatéraux et multilatéraux comme le commandent les défis sécuritaires de l’heure qui sont transnationaux. Sur ce volet, il est attendu un renforcement de la coopération entre les États-Unis et l’Union africaine et d’autres organisations sous régionales à l’instar de la CEEAC. Objectif : bâtir des armées africaines mieux formées et respectant les lois.

    • Se positionner comme un partenaire traditionnel
    Contrairement à la Chine, les États-Unis estiment qu’ils sont aux côtés des nations africaines depuis la décolonisation. Ils ont agi pour améliorer les moyens de subsistance, augmenter l’espérance de vie, ouvrir leurs marchés aux exportations africaines, promouvoir la démocratie et les droits de l’Homme et rehausser la place de l’Afrique dans le monde. Ils entendent désormais le faire savoir.

    Aboudi Ottou

     

    ‘’Le Cameroun restera ouvert vis-à-vis de tous ses partenaires’’ 

    Christian Pout

    La Chine, les États-Unis, le Cameroun, chacun, en ce qui le concerne, s’inscrit dans une trajectoire de promotion de ses intérêts respectifs

    L’internationaliste est le président du Think Tank Centre africain d’études internationales, diplomatiques, économiques et stratégiques (Ceides). Il analyse le futur des relations entre le Cameroun et les États-Unis.

     

    En répondant aux vœux de Nouvel An formulés par le Corps diplomatique, le président Paul Biya a affirmé que « le Cameroun s’efforcera de développer autant que possible ses échanges avec ses partenaires traditionnels de l’Union européenne ». Il a ajouté qu’il poursuivra «une politique active de coopération économique avec la Chine». Aucun mot en direction des États-Unis. Quelle résonnance cette partie du discours du président camerounais a eu pour l’expert des relations internationales que vous êtes ?
    Il n’est pas indispensable d’être grand clerc de quelque discipline scientifique pour d’emblée signaler qu’un discours ne s’analyse pas de manière partielle et en dehors de son contexte. La réponse du chef de l’État aux vœux de Nouvel An formulés à son endroit, à l’endroit de son épouse, madame Chantal Biya et à l’endroit du peuple camerounais par le doyen du Corps diplomatique au nom de la communauté internationale, représentée dans notre pays, pourrait être synthétisée par trois grandes dimensions qui s’entrecroisent judicieusement tout au long de cette prise de parole présidentielle du 9 janvier 2019.

    La première porte sur un regard panoramique sur l’état du monde, caractérisé par une grande instabilité, dont certains ressorts et conséquences ont été exposés à grands traits, en différents lieux du globe, du Proche et Moyen-Orient, jusqu’aux confins du bassin du lac Tchad en passant par l’Europe, l’Amérique et l’Asie. La deuxième dimension porte sur les grandes questions qui occupent l’actualité internationale sur le plan politique, économique, sécuritaire, environnemental. C’est ainsi que le terrorisme, les migrations, les changements climatiques, la mondialisation, le populisme, le nationalisme, le protectionnisme et le multilatéralisme ont meublé la revue diplomatique effectuée.

    La troisième dimension quant à elle concerne essentiellement la place de notre pays dans le monde ainsi décrit, son attitude générale et la projection de son action extérieure, en lien avec ses défis internes et la défense de ses intérêts. Sur ce dernier point, ce qu’il importe de retenir c’est que le Cameroun saisira les opportunités que « tout pays désireux de nouer avec lui une coopération mutuellement bénéfique » offrira.

    Je signale, s’agissant des États-Unis, que lors de l’audience d’au revoir accordée par le président Paul Biya, le 6 septembre 2017, à l’ancien ambassadeur des USA au Cameroun, S.E Michael S. Hoza, la revue de la coopération a permis de faire un point sur une relation fructueuse dans les domaines de la sécurité, de la santé, du commerce et de l’éducation. À titre illustratif, il avait été alors indiqué que, entre fin 2014 et 2017, les investissements commerciaux américains au Cameroun culminaient à 2 milliards de dollars. Dans la même veine, le chef de l’État a reçu, le 4 décembre 2018, en présence de l’ambassadeur des USA, S.E. Peter H. Barlerin, le directeur général Afrique et président directeur général de General Electric et General Electric Healthcare, monsieur Farid Fezoua. Ceci traduit bien que les portes du Cameroun sont ouvertes à tous les investisseurs porteurs de projets sérieux et pertinents à l’égard du profil économique de notre pays.

    À l’issue d’une audience avec le président Paul Biya le 17 mai 2018, l’ambassadeur des États-Unis indiquait, dans un communiqué, que le président a convenu avec lui « de l’importance d’accueillir les entreprises américaines au Cameroun et de les traiter équitablement ». Après cette sortie du président camerounais, ne doit-on pas s’entendre aux contraires ?
    Je viens de souligner qu’il est important de retenir que l’état d’esprit général affiché par le chef de la diplomatie camerounaise, s’agissant de la coopération et des partenariats, est caractérisé par une ouverture attentive au caractère mutuellement bénéfique de toute offre qui pourrait être articulée dans ce sens. Il y a donc là une posture clairement lisible qui ne devrait ouvrir la voie à aucune ambiguïté et encore moins à quelque polémique stérile.

    L’Agence de promotion des investissements et toutes les autres structures gouvernementales chargées de construire et conforter l’attractivité de notre pays ne me semblent pas disposer de stratégies et missions obscures qui viseraient à favoriser des entreprises d’un pays particulier, et à en discriminer d’autres venant d’ailleurs. Cela serait contraire aux lois et règlements de notre pays et entrerait également en contradiction avec certains de nos engagements internationaux en matière économique et commerciale.

    Le premier pilier de la politique africaine du président Donald Trump consiste à densifier les échanges commerciaux entre le continent et les États-Unis. Peut-on considérer qu’en affichant clairement une préférence pour la coopération économique avec la Chine, Paul Biya refuse la main tendue de Trump ?
    La diplomatie américaine n’est plus aussi clairement lisible que par le passé. Certaines décisions, prises de position et attitudes du président Trump ont laissé certains des partenaires des États-Unis en proie à de sérieux questionnements. Il ne serait cependant pas conforme à la réalité de dire que la qualité des relations entre les États-Unis et le Cameroun a connu quelque altération. Les États-Unis sont un acteur de tout premier plan des relations internationales depuis plusieurs décennies. Cela ne se conteste pas.

    En outre, le Cameroun a pu se réjouir, à plusieurs reprises, dans son histoire récente marquée par la lutte contre les terroristes de Boko Haram, de la sollicitude de son partenaire américain. Ces marques de solidarité ont toujours été saluées au plus haut niveau, car elles témoignaient de la solidité indiscutable des liens entre les deux pays. Cette solidité, me semble-t-il, ne sera pas affectée par la réduction de ses engagements, décidée par Washington pour des raisons d’évolution de ses stratégies internes et internationales. Pour sa part, le Cameroun restera ouvert vis-à-vis de tous ses partenaires d’hier et d’aujourd’hui, et continuera d’explorer de nouvelles pistes de coopération, bilatérale et multilatérale, pour avancer sereinement vers son émergence.

    Dans sa nouvelle politique africaine, les États-Unis se positionnent clairement comme une alternative à la Chine, qualifié de «mauvais partenaire» pour le continent. La préférence exprimée du président Paul Biya pour Pékin peut-elle avoir un impact sur la coopération globale entre le Cameroun et les États-Unis ?
    Ces derniers mois, à plusieurs occasions, le président Paul Biya a reconnu que la Chine est un partenaire de poids de notre pays. Cela n’équivaut automatiquement pas à fermer la porte à d’autres pays désireux d’initier ou de renforcer des partenariats avec le Cameroun dans différents secteurs. Je ne voudrais pas enfoncer des portes ouvertes ou exposer des truismes, mais la formulation de votre question me pousse à rappeler que la géographie mondiale de la compétitivité engage chaque sujet des relations internationales à nouer des partenariats qui lui permettent de maximiser ses potentialités.

    La mondialisation, qui a permis d’accélérer les échanges, a beaucoup fait évoluer le paysage économique, technologique et commercial mondial, avec des conséquences inévitables sur la manière dont les pays du Nord, tout comme ceux du Sud, se positionnent désormais sur l’échiquier international. Dans cette nouvelle configuration, les avenues traditionnelles de la coopération internationale pour tous les pays ont été démultipliées. Tout cela s’est fait à travers des stratégies de diversification qui ont permis d’élargir les cercles vers de nouveaux amis, toujours dans le but d’exploiter aux mieux les opportunités et assurer le bien-être des populations. De ce point de vue, la Chine, les États-Unis, le Cameroun, chacun en ce qui le concerne, s’inscrit dans une trajectoire de promotion de leurs intérêts respectifs. Ainsi, les relations qu’ils entretiennent ne laissent aucune place à l’exclusivité.

    Interview réalisée par
    Aboudi Ottou

  • Can 2021 : Le jeu de poker menteur

    Can 2021 : Le jeu de poker menteur

    Contrairement au discours officiel, à ce jour, rien ne garantit l’organisation de cette compétition au Cameroun. 

    Ahmad et Paul Biya

    Une seule chose est pour l’instant indéniable: l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations de football (Can) 2019 est retirée au Cameroun. Ce retrait fait l’objet d’une décision du Comité exécutif de la Confédération africaine de football (Caf), instance compétente en la matière. Cette décision a été prise le 30 novembre 2018 à Accra au Ghana, et communiquée au public. Le 8 janvier 2019, la même instance a d’ailleurs choisi l’Égypte pour abriter cette compétition.

    Pourtant, le 31 décembre dernier, dans son traditionnel message à la nation, Paul Biya dit prendre acte non pas d’un retrait, mais d’un « glissement de date » décidé par la Caf « au regard de certaines données ». À l’analyse, la sortie du président de la République du Cameroun laisse croire que l’organisation d’une autre édition de la Can a déjà été attribuée au pays. « La Caf a décidé de différer à 2021, l’organisation de la Can au Cameroun », affirmait déjà le 5 décembre 2018, Pierre Ismaël Bidoung Kpwatt, ministre des Sports et de l’Éducation physique d’alors. Il s’exprimait lors de la 22e session du Comité national de préparation de la Can 2019.

    Activité épistolaire
    En réalité, rien n’est acquis. À la Fédération camerounaise de football, on l’avoue. « Nous n’avons pas encore reçu notification de cette décision du Comité exécutif, encore moins signé avec la Caf un accord-cadre. Ce sont pourtant ces deux documents qui garantiraient la désignation du Cameroun comme pays hôte de la Can 2021 », affirme une source interne. « Le chef de l’État l’a dit sur la base d’un échange de courrier avec le président de la Caf », défend-on au ministère des Sports et de l’Éducation civique.

    En effet, le 30 novembre 2018, pour faire passer la pilule du retrait de l’organisation de la Can 2019 au Cameroun, Ahmad propose au pays d’organiser la Can 2021 dans un courrier adressé au président Biya. Dans un communiqué publié le 21 décembre 2018, l’organisation confédérale informe qu’en réponse à cette demande, « le Cameroun a officiellement accepté d’abriter l’édition de 2021 à travers un courrier adressé à la Caf et signé (le 10 décembre NDLR) par le chef de l’État camerounais ». À la suite de cette lettre, le président de la Caf réécrit au président camerounais. Ahmad informe qu’il est en discussions avec les autorités ivoiriennes pour qu’elles acceptent de céder la Can 2021.

    Obstacles
    La difficulté se situe à ce niveau. Pour opérer le glissement de calendrier souhaité, il faudrait retirer l’organisation de la Can successivement à la Côte d’Ivoire et à la Guinée Conakry à qui le Comité exécutif de la Caf a attribué, le 20 septembre 2014, respectivement l’organisation des Can 2021 et 2023. Sauf qu’à 2,5 et 4,5 ans de la compétition, l’instance suprême du football continental ne peut le faire sans risquer de perdre un procès devant le Tribunal arbitral du sport (Tas), face aux fédérations de ces deux pays.

    Pour l’instant, seule Conakry a marqué son accord pour ce décalage. Le 13 décembre, la Fédération ivoirienne de football (Fif) a, pour sa part, saisi le Tas. Elle dénonce la volonté manifeste du président et du vice-président de la Caf de lui retirer l’organisation de la Can 2021. Interpellée, l’instance faitière du football africain assure qu’elle n’a jamais pris une telle décision. « Nous n’avons pas encore reçu leur (les autorités ivoiriennes NDLR) réponse. Nous ne pouvons pas les obliger », reconnait Ahmad invité de France 24 à la suite de la réunion du Comité exécutif du 8 janvier. Un aveu qui met en exergue la dichotomie entre le discours des dirigeants de la Caf et la réalité.

    Et même si Abidjan finit par marcher, il faudra en plus faire entendre raison à Moroni. La Fédération de football des Comores menace en effet de trainer la Caf devant le Tas pour la contraindre à respecter l’article 92 des règlements de la Can. Cet article prévoit des sanctions à l’encontre d’une association qui se voit notamment retirer l’organisation d’une Can. Dans le cas du Cameroun, ce serait, entre autres, une disqualification d’office des Can 2019 et 2021. Une telle décision ouvrirait un boulevard aux Comores pour la qualification à la phase finale de la Can 2019.

    Aboudi Ottou

    Retrait de la Can 2019

    Louis Paul Motaze minimise l’impact économique 

    Pour le ministre des Finances, la non-organisation de cette compétition au Cameroun aura des conséquences très modérées sur les prévisions budgétaires et macro-économiques. 

    Une réunion s’est tenue le 19 décembre 2018 au ministère des Finances. Au centre des préoccupations, l’impact économique du retrait de l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (Can) 2019 au Cameroun. S’appuyant sur les conclusions de cette séance de travail, le ministre des Finances (Minfi) estime que cette décision aura un impact négatif très modéré sur l’économie du pays. Une position à rebours de celle de certains économistes qui, redoutant un impact budgétaire important, demandent une révision du budget 2019, adopté avant que le Comité exécutif de la Confédération africaine de football (Caf) ne rende son verdict.

    Pour justifier cette position, Louis Paul Motaze assure que ce retrait ne va pas impacter les recettes budgétaires parce qu’« aucune ligne de recettes n’est dédiée au fait que nous allons organiser la Can ». Par contre, une économie devrait être réalisée au niveau des dépenses de fonctionnement «du fait que les fonds liés au fonctionnement du Comité d’organisation de la Can (Cocan) seront gelés». Ces économies pourraient même être utilisées en cas «d’effets récessifs», estime le ministre.

    Rien à signaler au niveau des dépenses d’investissement qui devraient tirer (en partie) la croissance du pays en 2019. Car malgré le retrait, « les investissements liés à l’organisation de la Can seront réalisés », jurent les autorités. Aucun risque ne serait donc à redouter au niveau des prévisions de croissance que le ministre juge peu audacieuses. De 3,8% en 2018, le Cameroun projette une croissance à 4,4% cette année.

    Selon le Minfi, la seule préoccupation concerne le secteur tertiaire. «Nous pouvons nous dire, s’agissant par exemple de l’hôtellerie, que nous aurons moins de recettes», indique le ministre. « Même si personnellement, je ne m’attendais pas à ce que les fréquentations augmentent », tempère-t-il. Bello Bouba Maigari, ministre du Tourisme et des Loisirs, qui a vendu la possibilité d’accueillir un million de touristes internationaux à l’occasion de cette compétition appréciera.

    Aboudi Ottou 

    Les joueurs

    Ahmad
    Pour des raisons commerciales (et d’autres encore non avouées), le président de la Caf, élu en mars 2017, a précipité la réforme de la Can. Quatre mois après son élection, le Comité exécutif de la Caf décide en effet de faire passer la compétition de 16 à 24 équipes, et de rendre la décision exécutoire dès le prochain rendez-vous. Cette option complexifie l’organisation des Can 2019, 2021 et 2023 pourtant attribuées, le 20 septembre 2014, sur la base d’une compétition à 16. Conscient de ce tacle irrégulier, Ahmad se refuse d’appliquer dans sa rigueur le règlement au Cameroun qui s’est vue retirer la Can 2019. Il veut même imposer un «glissement de date» pour que le pays accueille la Can 2021. Mais tout le monde ne l’entend pas de cette oreille.

    Paul Biya
    Afin de tempérer ce flop qui inaugure son septième mandat, le président camerounais s’est empressé de saisir la perche tendue par le président de la Caf. Présenté comme un «glissement de date» plutôt qu’un retrait, l’échec est en effet moins cuisant. En présentant les choses ainsi, le chef de l’État camerounais adresse aussi un message indirect à son homologue ivoirien. Après avoir utilisé le football pour se maintenir au pouvoir depuis le 6 novembre 1982, Paul Biya a fini par faire de l’organisation d’une Can une question d’honneur. L’édition de 1972 est la seule et unique abritée par le pays à ce jour.

    Alassane Ouattara
    Le président ivoirien, qui arrive en fin de mandat en 2020, se montre très peu enthousiaste à l’idée de céder l’organisation de la Can 2021 au Cameroun. 13 décembre 2018, la Fif a même saisi le Tas. Difficile de s’imaginer qu’il ne l’a pas intégré dans sa stratégie post-2020. Ahmad, qui reconnait n’avoir reçu à ce jour aucune réponse des autorités ivoiriennes, annonce une rencontre avec Ouattara. Objectif : lui faire entendre raison. Son principal argument : le pays ne sera pas prêt pour abriter cette compétition. «Nous serons prêts pour la Can 2021», lui répond Kissé Feh. Le président du Cocan 2021 s’est exprimé dans le quotidien ivoirien Fraternité Matin, édition du 9 janvier 2019.

  • Yaoundé – Odza : Des malfrats tirent sur un prêtre

    Yaoundé – Odza : Des malfrats tirent sur un prêtre

    L’abbé Felix Désiré Amougou a été atteint à la poitrine au cours d’une opération de braquage vendredi 16 novembre dans la capitale.

    Le père Felix Désiré Amougou lors d’une célébration en juin 2018

    Pas d’émotion particulière ce dimanche 18 novembre 2018 à la paroisse Sainte Trinité de Nsam. Les offices se succèdent et les fidèles échangent entre deux messes. Certaines conversations tournent autour d’un braquage qui a failli coûter la vie au père curé Felix Désiré Amougou, le patron des lieux ; et l’on peut déceler par moment des visages atterrés de femmes entre deux exclamations attristées. Au presbytère, l’abbé Venant reçoit des fidèles pour diverses sollicitations. «Nous ne pouvons rien dire pour le moment, se désole-t-il, la hiérarchie nous a instruit de ne rien dire».

    C’est au cours de la «messe de 11h» ce dimanche 18 novembre 2018, visiblement dédiée aux enfants, en priorité, que nous en apprendrons davantage. Mais il faudra attendre la fin de l’office, car au cours de la célébration, l’abbé Joseph va se contenter durant son homélie centrée sur la «fin des temps», de rappeler que l’hôpital est un lieu de souffrance qui nous invite à méditer sur notre fin. Hôpital d’où il revient après avoir servi de garde malade au père curé Felix Désiré Amougou. Avant la bénédiction finale, et dans le but de solliciter le soutien des fidèles pour faire face aux ordonnances qui s’amoncèlent, l’officiant raconte les évènements de vendredi 16 novembre 2018.

    Le père Felix Désiré Amougou rend visite à sa cousine qui habite avec sa famille au quartier Odza. Il est 20h lorsque le religieux constate que la porte est ouverte. Le prêtre décide d’aller la fermer. C’est à ce moment qu’un groupe de visiteurs indésirables fait irruption. Le groupe de malfrats tient toute la maisonnée en respect. Les occupants sont sommés de s’allonger d’abord sur le sol du salon, puis ordonnés de s’enfermer dans une chambre. Sur ces entrefaites, et alors que le père – curé ferme la marche, l’un des malfrats va lui tirer dans le dos.

    Le fusil, visiblement dirigé sur la tête de l’homme de Dieu, manque sa cible et va s’écraser dans le mur devant lui. Le prêtre va néanmoins recevoir plusieurs éclats des balles dans la poitrine. Heureusement, le cœur n’est pas touché. Transporté au Centre des urgences de Yaoundé, il a subi une première intervention chirurgicale samedi dernier. Selon des informations crédibles, les jours du père – curé ne seraient plus en danger. Il doit cependant subir une nouvelle opération chirurgicale pour éviter une coagulation du sang dans la poitrine. Selon l’abbé Joseph, le père Felix Désiré Amougou a fondu en larmes au cours d’une visite, disant ne pas comprendre comment et pourquoi on a attenté à sa vie.

    Rémy Biniou

  • Mœurs : Un maire au tribunal !

    Mœurs : Un maire au tribunal !

    Augustin Tamba doit répondre des accusations d’adultère, injures, mensonges, menaces de mort et calomnie.

    Le maire Augustin Tamba à la barre

    Voici bientôt un an que le sieur Logmo Bitjoka a saisi la justice Contre Augustin Tamba. Et toujours pas de jugement prononcé. C’est dire si l’affaire est hautement complexe. Un ex-mari cocu qui porte plainte à son ancienne tendre moitié et à son amant ou « acolyte ». Avec à la clé des implications de hautes personnalités de la République. Généraux d’armée, commissaires de police et magistrats supposés véreux sont cités. Une enfant accusée d’empoisonnement de ses frères et sœurs, à la demande de sa mère. Des procédures engagées aussi bien en France qu’au Cameroun, etc.

    Jean de la Paix Logmo Bitjoka dit aujourd’hui vivre sous assistance sécuritaire de la gendarmerie nationale, en plus d’avoir engagé un garde du corps. Ce qui a un coût élevé difficile à «satisfaire pendant longtemps». La raison de ce cordon de sécurité autour de sa personne est simple. A l’en croire, son ex-femme et son amant ont décidé de l’envoyer manger le pissenlit par la racine.

    Un ménage à trois qui remonte à l’époque où Logmo Bitjocka s’est épris d’amour pour dame Sandrine Fotseu Makam qu’il va prendre pour épouse. Mais courant 2011, et deux mois après leur mariage, le sieur Logmo Bitjocka finit par avoir la confirmation des soupçons qu’il nourrit envers sa femme. Mme Logmo Bitjocka entretient une relation coupable avec Augustin Tamba, l’actuel maire de la commune d’arrondissement de Yaoundé 7. C’est le bouquet ! Car dans la foulée, Jean de la Paix Logmo Bitjoka découvre également que son épouse avait déjà contracté un précédent mariage qui n’avait pas encore été dissout. Les deux époux entrent en instance de divorce et le second mariage avec Logmo Bitjoka est finalement annulé en mars 2012 pour «bigamie».

    Colère noire
    L’histoire aurait due s’arrêter là, si le divorce douloureux n’avait pas entrainé avec lui le fruit de cette union houleuse. La bataille entre les deux ex-conjoints va se déporter sur la garde de leur fille. Logmo Bitjoka et Fotseu Makam s’étripent et s’accusent mutuellement d’irresponsabilité. La mère accuse le père d’abandonner la fille entre les mains des nounous. Le père l’accuse en retour de tentative d’enlèvement. Et plus grave, d’avoir «manipulée» sa propre fille a fin que cette dernière l’empoisonne ainsi que tous ses frères et sœurs consanguins… Mais pour Jean de la Paix Logmo Bitjoka, son ex-tendre moitié devenue une ennemie jurée agit en complicité avec son amant, le maire Augustin Tamba. Il porte plainte pour tentative d’assassinat, entre autres.

    Version d’Augustin Tamba
    Approché, le maire ne nie pas avoir entretenu une relation intime avec dame Fosteu Makam. Mais, il ajoute rapidement que cela relève du passé. Puis, l’édile entre dans une colère noire et qualifie d’abord l’ex-mari cocu de « feyman ». La suite est une succession de menaces. D’abord envers sieur Logmo Bitjoka à qui il promet d’activer toutes ses relations pour en venir à bout, parce que connaissant le tout Yaoundé politique, militaire et judiciaire. Puis envers le journaliste à qui il lance, furibard : «si vous entrez dans cette affaire, je vous rentre dedans !» Des méthodes dignes de la mafia, qui intéressent la justice française où une autre plainte contre Augustin Tamba est déposée par Logmo Bitjoka. Celui-ci aurait été brutalisé et menacé par des arabes à la solde du maire de Yaoundé 7. A suivre.

    Zéphirin Fotso Kamga

  • Gestion de Nexttel : Victoire judiciaire pour Danpullo

    Gestion de Nexttel : Victoire judiciaire pour Danpullo

    Le milliardaire camerounais vient de remporter une bataille importante face à ses partenaires vietnamiens, dans la guerre juridico-administrative sur le contrôle de Viettel Cameroun.

    Baba Ahmadou Danpullo

    Le feuilleton juridico – administratif enclenché depuis la signature de la convention de concession en 2012 à Viettel Cameroun SA (Nexttel de son nom commercial) n’a pas fini de captiver l’opinion publique. Les protagonistes de ce feuilleton : Viettel Global Investment Company S.A (VGIC) et Bestinver Cameroon S.A (Bestcam). La première société, détenue par l’armée vietnamienne, contrôle 70% de Nexttel. Et la seconde société, propriété du milliardaire camerounais Baba Ahmadou Danpullo, actuel président du Conseil d’administration de Viettel Cameroun SA (VC), détient le reste des parts, soit 30%. Un nouvel épisode de ce film à rebondissement s’est joué le 8 octobre dernier au Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé – Ekounou.

    Ce jour-là, le juge des référés de cette juridiction s’est prononcé sur la demande d’annulation de l’ordonnance N° 372 du 08 octobre 2014. Requête introduite par les responsables de VGIC. L’ordonnance querellée instaure la double signature dans la gestion de l’entreprise. De ce fait, le directeur général, nommé par l’actionnaire majoritaire et unique signataire sur les comptes depuis la mise sur pied de VC, est désormais tenu de soumettre ses décisions à la signature conjointe de l’un de ses adjoints représentant Bestcam. Un principe qui met en rogne les vietnamiens. Après des échanges et des plaidoiries houleux, la juge a rejeté la demande de VGIC et a maintenu la double signature comme mode de gestion de Nexttel.

    Appel
    Alors que chez Bestcam on exulte, chez VGIC on accuse le coup : cette décision «est inattendue et aussi scandaleuse que l’ordonnance», commente Me Laurent Dongmo. Cet avocat travaille pour le cabinet Jing&Partners basé à Douala. Ledit cabinet défend les intérêts de la multinationale vietnamienne. «Naturellement nous allons interjeter appel», indique-t-il. Mais après avoir échoué deux fois de suite à annuler cette ordonnance, les chances de réussite sont minces pour dire le moins. Au sein du cabinet Jing&Partners, on en est conscient. «Comme nous savons que l’adversaire de nos clients trouvera toujours le moyen de gagner ses procédures au niveau du Cameroun, nous comptons, en cas de besoin, sur la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) pour dire le droit et remettre les choses dans le bon ordre», renseigne Me Laurent Dongmo.

    Mais qu’est-ce que Viettel Global Investment Company S.A a contre le principe de double signature pourtant inscrit dans le pacte des actionnaires ? Selon l’interprétation que Me Dongmo fait de l’acte Ohada, «le directeur général (DG) de la société anonyme (SA) à conseil d’administrateur (CA) est le seul représentant légal naturel de la société détenant seul les pleins pouvoirs pour l’engager. […] Or le régime de double signature obligatoire tend à réduire les pouvoirs du DG qui ne peut plus, à lui seul, représenter la SA. Et la société en souffre énormément», défend l’avocat.

    Transparence
    «Cette double signature ne remet pas en cause les pouvoirs du directeur général qui exécute les orientations données par le conseil d’administration», précise Bestcam. Pour l’entreprise camerounaise, son «but est d’assurer le contrôle mutuel et la transparence dans la gestion, comme cela est de coutume dans les joint-ventures».L’actionnaire minoritaire tient d’autant plus à cette exigence de transparence qu’il a gardé un mauvais souvenir des longs mois durant lesquels le directeur général avait les pleins pouvoirs. Durant cette période, son partenaire vietnamien se serait rendu coupable «de nombreuses pratiques malsaines».

    Dans une lettre adressée le 20 septembre 2018, au ministère des Relations extérieures (Minrex), Baba Ahmadou Danpullo cite pêle – mêle, le choix de Viettel Construction pour la construction des sites techniques de Nexttel au détriment des PME camerounaises ; le mauvais traitement infligé au personnel camerounais ; le recrutement des cadres vietnamiens alors que une compétence locale existe ; l’instauration du vietnamien comme langue de travail au sein de la société ; le rapatriement de capitaux au Vietnam à son insu, l’exportation clandestine vers le Burundi de trois cent conteneurs de matériel appartenant à Nexttel ; le trafics d’espèces protégées et des devises… Dans un communiqué repris dans la presse depuis le début du mois, VGIC parle «d’informations mensongères» sans formellement s’expliquer sur ces accusations à prendre très au sérieux.
    Depuis le début de la crise, plusieurs réunions entre les deux partenaires sont organisées, aussi bien dans les services du Premier ministre (PM) qu’au Minrex.

    A la suite de ces concertations, les autorités camerounaises ont rappelé aux vietnamiens que la double signature fait partie des standards appliqués au Cameroun dans la gestion des entreprises nées du mariage entre deux autres (joint-venture). C’est en tout cas ce que l’on apprend à la lecture d’une correspondance signée Ghagomu Paul Mingo et adressée au directeur général de Viettel Cameroun. Tout comme le soutient l’actionnaire camerounais, le directeur de cabinet du Premier Ministre indique que cette mesure participe de la transparence et de la bonne gestion dans ce type d’entreprise. En continuant de se battre contre cette disposition, VGIC ne risque-t-elle pas de créer une brouille diplomatique entre le Vietnam et le Cameroun ? De fait, la firme vietnamienne a la question à l’esprit. «Le ministre des affaires étrangères, S.E. Lejeune Mbella Mbella, a reconnu que Viettel Cameroun S.A était un symbole du succès de la coopération bilatérale [entre les deux pays]» indique-t-elle dans son communiqué. Affaire à suivre…

    Aboudi Ottou

     

    Combat pour le contrôle de la poule aux œufs d’or

    Le groupe Viettel veut accroitre son emprise sur sa filiale camerounaise. Celle-ci est de loin la plus rentable du groupe en Afrique. Son partenaire camerounais entend défendre ses intérêts.

    On croyait la hache de guerre enterrée entre les actionnaires de Viettel Cameroun S.A (VC) jusqu’à ce que l’actualité de ces derniers jours révèle le contraire. La crise née sous forme de brouille sur la répartition du capital, après la signature de la convention de concession avec le gouvernement camerounais, vient de refaire surface. Avant de saisir, le 17 septembre dernier, le juge des référés pour demander l’annulation de l’ordonnance instaurant le principe de double signature, Viettel Global Investment Company S.A (VGIC) a tenté en vain de racheter les actions de son partenaire camerounais. Offre déjà faites par Bestinver Cameroon S.A (Bestcam) avant le lancement des activités de Nexttel intervenu en septembre 2014.

    Pour comprendre le retour à la charge de la firme vietnamienne, il faut savoir que sa filiale camerounaise est de loin le plus rentable de ses actifs en Afrique. Selon le journal en ligne Investir au Cameroun, au premier semestre 2016, le Cameroun est devenu le premier marché du groupe Viettel en Afrique, avec des revenus globaux de 21 milliards de francs CFA (35,9 millions de dollars US), contre 25 millions de dollars US pour Halotel (filiale tanzanienne de Viettel), 33 millions de dollars pour Movitel au Mozambique et 18,26 millions de dollars US pour Lumitel (Burundi). De plus, à fin juin 2018, Nexttel revendique près de 5 millions d’abonnés, contre 6,6 millions pour MTN Cameroun et 6,5 millions pour Orange Cameroun, deux concurrents arrivés sur le marché camerounais du mobile, quinze ans plus tôt. Début octobre, l’entreprise basée à Hanoi avouait dans un communiqué que «Viettel Cameroun S.A (…) a connu une croissance spectaculaire depuis le début de ses activités il y a quatre ans».

    Pour en arriver là, VGIC dit avoir investi au 31 décembre 2017, 201 milliards de francs CFA dans sa filiale camerounaise. Bestcam en a également contribué. Selon une évaluation faite par le cabinet d’expertise comptable KPMG, ses investissements oscillent entre 51,2 milliards et 92, 8 milliards de francs CFA. Au sein de l’entreprise camerounaise, on s’étonne dont de la volonté mainte fois affichée par le partenaire vietnamien de prendre le contrôle total de l’entreprise. On trouve d’ailleurs cette démarche «fourbe» et «ingrate». Ceux d’autant plus que, argue-t-on, si Baba Ahmadou Danpullo, propriétaire de Bestcam, ne s’était pas impliqué personnellement, la troisième licence de téléphonie mobile du Cameroun n’aurait peut-être pas été attribuée à VC.

    AO

  • Contrôle de Nexttel : Victoire judiciaire de Danpullo

    Contrôle de Nexttel : Victoire judiciaire de Danpullo

    Baba Ahmadou Danpullo

    Le milliardaire camerounais vient de remporter une bataille importante face à ses partenaires vietnamiens, dans la guerre juridico-administrative sur le contrôle de Viettel Cameroun.

    Lire suite

    Aboudi Ottou

  • Facebook – Etat du Cameroun : odeur de complot sur la présidentielle

    Facebook – Etat du Cameroun : odeur de complot sur la présidentielle

    Une conférence de presse annulée, un refus systématique de s’exprimer devant la presse à l’issue de chaque audience avec les autorités gouvernementales… Les responsables de Facebook Inc. ont entouré leur séjour au Cameroun, en début août, d’un grand mystère. Le besoin d’informations est pourtant grand au regard de l’objet de cette visite. «La problématique de l’éradication des “fake news” (fausses informations, NDLR) en période électorale constitue la principale motivation de [cette] mission», informe une correspondance du directeur du Cabinet civil de la présidence de la République du Cameroun, datée du 1er août, qui a fuité.

    Depuis, des activistes craignent que la lutte contre les «fake news» ne se transforme en censure. Et les antécédents en Afrique centrale et au Cameroun (où la restriction de l’accès à Internet et aux réseaux a tendance à devenir la réponse à la manipulation et à la diffusion des messages haineux), le contexte sécuritaire, l’omerta de la firme américaine et les déclarations du ministre camerounais de la Communication en rajoutent à la suspicion. Selon Issa Tchiroma Bakary, «les représentants de Facebook ont proposé d’accompagner le gouvernement dans l’identification et la suppression des “fake news” au cours de la période électorale». En quoi consistera cet accompagnement ? Quelle en est la contrepartie ? Ces questions et d’autres taraudent les esprits. Intégration apporte des éléments de réponse.

     

    Facebook – Etat du Cameroun : Idylle suspecte à la veille de la présidentielle

    L’opacité entoure le séjour dans le pays de Paul Biya – en début août – des responsables de la firme américaine, propriétaire de six réseaux sociaux.

    J. Rémy Ngono ne décolère pas. Sa page Facebook «REMY NGONO officiel» est bloquée depuis le 21 août 2018. Selon une notification reçue du réseau social à plus de 2 milliards d’utilisateurs, il est reproché au célèbre animateur camerounais exilé en France la publication d’images montrant la nudité. «Je ne l’ai jamais faite», clame-t-il en mettant quiconque au défi de fouiller sa page et de lui en présenter une seule.

    Selon des experts, de telles méprises sont récurrentes. Elles sont dues au fait que le système de modération de la plateforme est principalement géré par des algorithmes d’intelligence artificielle. Mais pour J. Rémy Ngono, il ne s’agit pas d’une erreur. A l’en croire, la vraie raison de cette «censure» serait plutôt la publication d’images montrant une manifestation des anglophones camerounais contre Paul Biya devant la Maison-Blanche. Ces photos qui datent du 20 août 2018 sont en effet les dernières publiées sur sa page.

    Election

    «En réalité, le réseau social Facebook est devenu un instrument au service du régime dictatorial de Paul Biya», dénonce l’activiste. Ces accusations prennent source sur la visite de travail d’une délégation du géant du numérique effectuée au Cameroun. Lukas Holzer et Aïda Ndiaye, en charge respectivement de la politique de contenu et des relations publiques pour l’Afrique francophone de la firme, ont séjourné du 06 au 15 août dans le pays. Au centre de la mission, «La problématique de l’éradication des “fake news” (fausses informations, NDLR) en période électorale», selon une lettre de Samuel Mvondo Ayolo, directeur du Cabinet civil de la présidence de la République du Cameroun, qui s’est retrouvée sur les réseaux sociaux.

    Durant tout le séjour, le sujet est donc au centre de toutes les audiences entre les deux responsables de Facebook Inc. et les autorités camerounaises, dont le ministre des Relations extérieures. Sauf qu’au sortir de chacune de ces rencontres, Lukas Holzer et Aïda Ndiaye refusent de s’exprimer devant la presse. Du coup, de ces audiences, on en sait que ce que le gouvernement a bien voulu dire.

    Selon le ministre de la Communication (Mincom), «les représentants de Facebook ont proposé d’accompagner le gouvernement dans l’identification et la suppression des “fake news” au cours de la période électorale». Issa Tchiroma Bakary, s’exprime ainsi au sortir d’une séance de travail à laquelle ont également pris part les responsables de la communication des ministères de la Défense, de la Justice, de l’Administration territoriale et de la Délégation générale à la sûreté nationale.

    «Grâce à votre collaboration, il faudra que l’élection présidentielle se déroule dans les meilleures conditions. Il ne faudrait surtout pas que Facebook soit une source de déstabilisation du pays après l’élection», déclare le Mincom en s’adressant aux responsables de l’entreprise américaine. Celle-ci contrôle six réseaux sociaux, notamment Facebook et WathsApp, de loin les plus utilisés par les Camerounais. Les plénipotentiaires de Facebook ne disent mot, donc consentent.

    Business

    Mais quelle est à la nature de l’entente ? Impossible de le savoir. J. R Ngono, lui parle d’«arrangements secrets tarifiés avec le régime Biya pour museler l’opposition, les journalistes et les activistes, en bloquant ou en verrouillant la fréquentation des comptes et pages des influenceurs des réseaux sociaux, à la veille, pendant, et après l’élection présidentielle d’octobre 2018 ». L’animateur craint même le pire : «grâce à son système de 80 applications, les coordonnées GPS et les adresses IP, Facebook peut permettre aux services secrets du régime dictatorial de Biya de localiser tous les activistes. Danger !»

    Le vice-président de l’Association des Blogueurs du Cameroun ne partage pas ces inquiétudes. «Pendant les travaux, les responsables de Facebook ont dit qu’ils ne sont pas là pour prendre parti ou pour lutter contre les activistes», renseigne Didier Ndengue, impliqué dans l’organisation des ateliers organisés en partenariat avec la firme américaine. «C’est possible de voir son compte bloqué sur Facebook. Mais il faut savoir que ce n’est pas dans l’intérêt de la firme américaine de le faire», ajoute, Beaugas Orain Djoyum, directeur général du cabinet de veille stratégique et d’e-réputation, ICT Media Strategies (voir interview).

    En effet, le business modèle de Facebook Inc. repose sur la vente des données personnelles collectées par les profils des utilisateurs de plateformes. Installer la méfiance en traquant ses usagers serait de ce fait contreproductif. C’est d’ailleurs parce que ces données sont moins protégées sur le continent que le géant du net accourt. Bien que conscient de cela, beaucoup d’utilisateurs du web ne sont guère rassurés. «Avec ou sans l’aval de Facebook, les autorités camerounaises ont la possibilité de couper l’accès à Internet ou aux réseaux sociaux», rappellent-ils. L’année dernière, le gouvernement a en effet interrompu la fourniture d’Internet pendant de long mois dans les régions du Sud-ouest et du Nord-ouest en proie depuis novembre 2016 à une crise sociopolitique.

    Aboudi Ottou

    Guibaï Gatama

    «Ce n’est pas à nous de dire si l’élection  a été transparente»

    Le directeur de publication de L’œil du Sahel s’est illustré dans la guerre contre Boko Haram comme lanceur d’alertes à partir de sa page Facebook. Sur cette même plateforme, il convie les citoyens à faire vivre la présidentielle 2018 en partageant photos et vidéos. Il explique le sens de sa démarche.

    Pourquoi avez-vous lancé l’initiative «observateur d’un jour»?

    Je me suis toujours inscrit, à titre personnel, dans une démarche citoyenne. Et l’élection présidentielle est un moment important dans la vie de la nation. C’est un événement où le citoyen doit être non seulement acteur, mais également observateur. Nous nous sommes dit qu’il n’y avait pas plus près de l’élection que le citoyen lui-même. Il fallait donc l’inciter à participer à ce moment historique de la vie de la nation par la capture d’images ou la réalisation de vidéo à partager avec les autres camerounais à travers la plateforme Facebook de Guibaï Gatama. Ainsi, tout le monde pourrait avoir une idée du déroulement de ce scrutin présidentiel.

    Cette démarche s’inscrit-elle dans une volonté d’avoir une élection transparente ?

    Nous sommes dans une démarche de participation citoyenne à un événement historique. Maintenant, chacun à partir de la plateforme pourra jauger de l’affluence dans un bureau de vote, être informé des petits incidents, d’un bureau de vote qui a ouvert tard ou plus vite. Mais ce n’est pas à nous de dire, à la fin du processus, si l’élection a été transparente ou pas.

    Est-ce que sur cette plateforme on pourra par exemple publier les procès-verbaux (PV) des résultats?

    Il faut rester dans la légalité. Nous n’avons pas le pouvoir d’apprécier l’authenticité des PV. Donc, nous n’allons pas les publier. Il y a d’ailleurs en amont comme en aval un ensemble de dispositions techniques prises pour que nous ne soyons pas un réceptacle nocif.

    La mise en œuvre de votre initiative tient non seulement à la disponibilité d’Internet, mais aussi de Facebook. Or en début du mois d’août, le Cameroun a reçu deux émissaires de Facebook Inc. à qui le gouvernement a demandé de faire en sorte que Facebook ne soit pas une plateforme de « déstabilisation » lors de cette élection. Un tel discours vous inquiète-t-il ?

    Je ne suis pas inquiet pour un ensemble de raisons. D’abord, je ne pense pas qu’Internet sera coupé. Ensuite avec Facebook, la question centrale est celle des «fake news» ; et ce n’est pas seulement au Cameroun qu’elle se pose. Elle concerne l’ensemble des pays démocratiques. En France, il y’a eu tout un débat sur les «fake news». On sait aussi ce qui s’est passé aux Etats-Unis avec l’ingérence russe lors de la présidentielle. Je pense que le gouvernement demande à Facebook de l’aider sur la question des «fake news». Nous ne sommes pas dans les «fake news». Nous nous sommes dans une démarche citoyenne.

    Interview réalisée par AO

    Beaugas Orain Djoyum

    « Facebook peut céder à certaines demandes »

    Le directeur général du cabinet de veille stratégique et d’e-réputation, ICT Media Strategies, a côtoyé les responsables de Facebook durant leur séjour au Cameroun en août dernier. Il lève un pan de voile sur les enjeux de cette visite.

    Vous étiez partie prenante des activités organisées à l’occasion du séjour des responsables de Facebook au Cameroun. Dites-nous, qu’est-ce que la firme américaine est en réalité venue faire dans ce pays ?

    D’après les explications de madame Aïda Ndiaye [responsable des relations publiques de Facebook pour l’Afrique francophone], l’entreprise américaine avait pour ambition de présenter au gouvernement et aux utilisateurs camerounais les méthodes de lutte contre la propagation des fausses nouvelles. Il était aussi question de sensibiliser sur les méthodologies d’alertes concernant des messages non conformes aux conditions d’utilisation et à la politique de contenu de Facebook. Voilà officiellement pourquoi Facebook est venu au Cameroun.

    Vous qui avez pris part à certains de ces ateliers. Dites-nous, que propose exactement Facebook pour lutter contre les «fake news».

    Facebook explique en fait qu’il y a la possibilité pour chaque utilisateur (que ce soit un gouvernement ou un utilisateur lambda) de signaler une publication qui est contraire à sa politique de contenu. Et les ateliers organisés à Douala et Yaoundé ainsi que les audiences avec les membres du gouvernement visaient en fait à présenter ces possibilités.

    Mais est-ce qu’il n’y a pas là un risque de censure sur les réseaux sociaux étant donné que n’importe qui peut décider qu’un contenu est par exemple un «fake news» ?

    Facebook ne voudrait pas entraver la liberté d’expression des citoyens. Au contraire, ses responsables promeuvent la diversité d’opinion. En fait, l’entreprise américaine a signé un contrat de partenariat avec l’AFP [l’Agence France-Presse]. Selon cet accord, l’AFP est sensée aider Facebook à vérifier les contenus signalés comme «fake news». Mais, à mon avis, cette stratégie est limitée. Vous savez que l’AFP ne peut pas totalement couvrir le territoire camerounais et également l’ensemble des pays africains.

    Il aurait été bon de signer aussi des partenariats avec des organisations locales de production de contenus ou des médias locaux crédibles qui ont une meilleure visibilité sur les faits locaux et qui ont la possibilité de vérifier et recouper plus rapidement une information publiée sur sa plateforme web. Dans chaque pays, on peut le faire pour pouvoir avoir des vérificateurs d’informations. L’idée étant que, quand un contenu est signalé comme contraire à la politique de contenu de Facebook, qu’un travail de vérification soit fait avant de décider si oui ou non on le supprime ou on réduit sa portée. Notre cabinet ICT Media Strategies peut aider à cela.

    Lors de ces ateliers, a-t-il aussi été question de clôture ou de blocage de comptes ? Et à quel moment cela pourrait-il intervenir ?

    C’est possible de voir son compte bloqué sur Facebook. Mais il faut savoir que ce n’est pas dans l’intérêt de la firme américaine de le faire. Donc, il faut vraiment aller à l’encontre de la politique des contenus de Facebook pour voir votre compte supprimé. Il peut, par exemple, s’agir d’usurpation d’identité. En effet, si une personne fait une requête et prouve que quelqu’un d’autre utilise son identité de manière frauduleuse, il y a de fortes chances que Facebook supprime ce compte. Par ailleurs, s’il y’a un utilisateur qui publie des contenus pornographiques ou faisant la promotion du terrorisme, après des avertissements, Facebook peut bloquer son compte.

    Est-ce qu’il est déjà arrivé à Facebook de supprimer un compte ou dévoiler l’identité d’un utilisateur à la demande d’un gouvernement ?

    Effectivement, il y a des cas où les gouvernements ont clairement sollicité le soutien de Facebook pour avoir des données sur des comptes précis et même pour supprimer des comptes. Au Nigeria par exemple, Facebook a transféré aux autorités, il y a quelques années, les données d’un utilisateur pour besoin d’enquête, principalement lors des enquêtes sur les agissements de Boko Haram. Donc, il y a des gouvernements qui sollicitent des données sur des utilisateurs considérés comme opposants entre guillemets ou encore des utilisateurs identifiés comme de connivence avec ceux qui combattent le pouvoir en place ou qui excellent dans la manipulation de l’opinion. D’autres gouvernements demandent même des suppressions de comptes.

    « C’est devenu un jeu d’enfant de prendre une photo dans un bureau de vote et de la modifier afin d’attribuer à un parti un nombre de voix qui n’est pas le sien »

    Mais généralement, au regard de sa politique, Facebook s’oppose à ces demandes de clôture de comptes. C’est quand le gouvernement produit des éléments probants, importants et des preuves que Facebook peut céder à certaines demandes. Néanmoins, Facebook peut, en guise de consolation, limiter la portée d’un post ou la propagation au plus grand nombre d’un contenu contraire à sa politique de contenu ou encore bloquer momentanément un utilisateur.

    Lors de cette visite, les responsables de Facebook ont été reçus par les autorités camerounaises. Il y a notamment eu une séance de travail avec le ministre de la Communication. A cette occasion, Issa Tchiroma leur a clairement demandé de faire en sorte que Facebook ne soit pas source « de déstabilisation lors de la présidentielle 2018 ». Quel est le sous-entendu d’une telle demande ? 

    C’est de la volonté de tout gouvernement de maintenir la stabilité. Et vous êtes sans ignorer qu’avec les réseaux sociaux, il y a des possibilités de manipulations de l’opinion notamment à partir des vidéos et photos truquées. Des «fake news» comme on les appelle. Avec les réseaux sociaux, il est aussi possible de passer des informations sensibles comme les tendances des votes. Plusieurs pays africains, qui l’on constaté, redoutent parfois la propagation de telles informations, parce qu’elles pourraient inciter à la contestation des résultats publiés par l’instance officielle. Donc, deux préoccupations sont généralement celles des gouvernants : éviter des crises et souvent empêcher la transparence.

    Si un gouvernement a l’intention de falsifier les résultats d’une élection, il va de soi qu’il va empêcher que les résultats circulent sur les réseaux sociaux. Mais aussi, le camp d’en face peut également fabriquer des «fake news» dans le but de manipuler l’opinion. De nos jours, c’est devenu un jeu d’enfant de prendre une photo dans un bureau de vote et de la modifier afin d’attribuer à un parti un nombre de voix qui n’est pas le sien. De nombreux logiciels de montage photo le permettent. En général, la volonté première des gouvernements qui restreignent l’accès à Internet ou aux réseaux sociaux pendant les périodes électorales est d’éviter la propagation de fausses nouvelles, des messages de haine et de défiance de l’état.

    Est-ce la meilleure solution ?

    On remarque que, pour lutter contre la manipulation, la tendance aujourd’hui en Afrique et notamment en Afrique centrale est à la restriction de l’accès à l’Internet ou aux réseaux sociaux. Cela a été le cas dans les régions Nord-ouest et du Sud-ouest du Cameroun, où face à la propagation des messages de haine, de tribalisme, le gouvernement a coupé Internet. Je pense que cela n’est pas nécessaire. Il serait préférable de mettre en place une taskforce digitale capable de répondre efficacement et en temps réel aux «fake news» en opposant aux infos manipulées des infos officielles crédibles.

    Pour la diffusion de ces messages, on pourrait mettre à contribution des influenceurs identifiés. C’est ce que font, par exemple, plusieurs gouvernements des pays occidentaux. Cela implique un changement d’habitude et d’attitude de la part des gouvernements dans le circuit de validation des informations à publier. Car, généralement l’administration est lente à réagir aux «fake news». Malheureusement, sur les réseaux sociaux, plus vous retardez à apporter la bonne information, plus vous contribuez à la propagation de la fausse information. Cela va très vite.

    De votre expérience, comment va réagir Facebook face à la demande des autorités camerounaises ?

    Il est clair que Facebook n’accepte que de supprimer les comptes ou de limiter la portée du message d’un utilisateur seulement s’il est avéré que ce message est contraire à sa politique de contenu. Donc, sa réponse dans la majeure partie des cas a toujours été négative. Plusieurs demandes sont faites, tous les jours par les autorités, mais Facebook maintient son crédo: donner la possibilité à tout le monde de s’exprimer.

    Dans le contexte actuel où Facebook est dans une campagne de séduction vis-à-vis des gouvernements africains. Est-ce que cela ne le rend pas plus réceptif aux demandes pareilles venant du gouvernement ?

    Je pense que la position de Facebook n’a pas changé malgré le contexte. C’est vrai que la situation du géant américain en Afrique en rapport avec la gestion des données personnelles des utilisateurs n’est pas totalement claire, même s’il indique qu’il applique en Afrique le Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) en vigueur en Europe depuis le 25 mai 2018. Il y a beaucoup de vides juridiques qui sont à l’avantage de Facebook et qui pourraient laisser croire qu’il devrait être plus réceptif aux demandes des gouvernements africains. Mais, ce n’est pas le cas. Les responsables de Facebook en tournée au Cameroun ont d’ailleurs indiqué à ce sujet que leur politique, comme je l’ai expliqué plus haut, est de donner les moyens à tout le monde de s’exprimer.

    Bien que les pressions existent…

    Oui, les pressions et demandes des gouvernements ne manquent pas et Facebook a souvent eu a indiquer clairement quels sont les gouvernements qui lui font des pressions et des demandes pour avoir les données personnelles de certains utilisateurs ou pour voir certains comptes supprimés. Ça ne surprendrait pas que ce soit également le cas au Cameroun. Vous savez qu’avec la guerre contre Boko Haram et la crise sociopolitique dans les régions du Nord-ouest et le Sud-ouest, il serait naïf de croire que le gouvernement n’a jamais demandé à Facebook de limiter, de bloquer ou de supprimer les posts et messages de certains influenceurs.

    Interview réalisée par

     Aboudi Ottou

  • La rentrée scolaire otage de la mafia du livre

    La rentrée scolaire otage de la mafia du livre

    A deux semaines de la reprise des cours, l’essentiel des manuels scolaires n’est pas encore sur le marché. La contrefaçon, l’un des plus gros obstacles reste à surmonter.

    Les manuels scolaires introuvables dans les librairies

    «La réalité est que le délai que les éditeurs nous ont donné n’est pas encore dépassé». Ce 14 août 2018, le secrétaire permanent du Conseil national d’agrément des manuels scolaires et des matériels didactiques (Conseil d’agrément) essaie de calmer le jeu. Depuis quelques semaines, on sent monter la tension au sujet de l’indisponibilité du manuel scolaire alors que la rentrée, fixée au 03 septembre, approche à grands pas. «L’essentiel des livres sera disponible dans les marchés, si on tient compte des engagements confirmés par les éditeurs à la réunion du 31 juillet, entre le 20 et le 25 août», ajoute Marcelin Vounda Etoa.

    Doutes

    Depuis, c’est branle-bas. Côté gouvernement, on tient à se dégager de toute responsabilité sur un éventuel retard. «En vue d’assurer la disponibilité sur le marché national des différents manuels scolaires, les bureaux des secteurs des douanes du Littoral I à Douala et Sud II à Kribi seront exceptionnellement ouverts le samedi 18 aout», informe un communiqué du ministre des Finances. Cette décision de Louis Paul Motaze vise à anticiper l’engorgement au niveau de la douane qui va se créer avec les fériés successifs du 20 et 21 août pour cause de fête de la Tabaski. Malgré tout, le doute persiste quant au respect du délai indiqué par le Conseil d’agrément.

    En effet, le fait que tous les acteurs ne parlent pas d’une même voix n’est pas de nature à rassurer. «Ils ne nous disent pas la vérité, nous sommes à présent renvoyés au 30 août», indique Jonas, propriétaire de la librairie «La bourse du livre» à Mvog-Mbi. «Lors de la réunion avec les membres du bureau du Conseil d’agrément, chaque éditeur a donné la date à laquelle ses manuels seront disponibles. A Afrédit, nous avons fixé la date au 27 août 2018», renchérit pour sa part Artur Pango, le directeur central des éditions Afrédit. A la lecture de la fiche des engagements pris part les éditeurs à la réunion du 31 juillet, près de 40% des ouvrages ne devraient pas être disponibles avant le 27 août et certains même avant la rentrée. A titre d’exemple, les éditions Clé, qui doivent éditées 16 ouvrages inscrits au programme cette année, se sont engagées à mettre leurs livres sur le marché le 10 septembre.

    Mafia

    Pour expliquer cette situation, les éditeurs évoquent la réforme du livre scolaire engagée en fin d’année dernière sous la contrainte de la Banque mondiale. Elle a instauré la politique du livre unique part matière et sous-systèmes éducatifs (francophone et anglophone) quel que soit le type d’établissements (public, privé, privé confessionnel). Chaque éditeur ayant un ouvrage au programme a donc vu les quantités de livres à produire se multiplier alors que le temps imparti pour ce travail est resté le même. En plus, pour augmenter l’accessibilité du manuel scolaire, les prix des ouvrages ont été revus à la baisse. Du coup, les éditeurs, qui comptent désormais sur l’économie d’échelle pour faire leurs marges, ont posé sur la table l’amateurisme des libraires accusés notamment d’insolvabilité et de piraterie (voir interview ci-dessous).

    Selon le secrétaire permanent du Conseil d’agrément, l’une des preuves de l’implication des libraires dans la contrefaçon du manuel scolaire, c’est la lettre qu’ils ont adressée au Premier ministre le 26 février dernier. «Ils déclaraient avoir 4 milliards [de francs CFA] de livres [sortir du programme] invendus et espéraient qu’on pourrait reporter la réforme en cours pour qu’ils aient le temps d’écouler leurs stocks», informe Marcelin Vounda Etoa. Mais le problème, ajoute-t-il, est que «les éditeurs [qui produisent les livres] se plaignent eux même avoir des stocks et ne reconnaissent pas les quantités déclarées par les libraires]». Les quantités supplémentaires ne peuvent dont être que des livres contrefaits.

    Mission impossible

    Le 02 août, le Syndicat des libraires et papetiers du Cameroun a, lors de son Assemblée générale, pris l’engagement de lutter contre la contrefaçon du livre. Mais cela ne semble pas avoir suffi pour rétablir la confiance. Au contraire, la méfiance est-elle que, les éditeurs en sont aujourd’hui à chercher les moyens de contourner les libraires (voir encadré page 11). Mais de telles alternatives sont difficiles à mettre en œuvre dans l’urgence. Pour cette rentrée scolaire, il faudra donc encore faire avec les libraires. Au Conseil d’agrément, on en est conscient. «Le Conseil d’agrément va interpeller les uns et les autres. Nous croyons que d’ici au 25 août, au plus tard, nous aurons réglé ce petit détail», indique Marcelin Vounda Etoa. Petit détail ? Un doux euphémisme. Bien malin qui peut d’ailleurs parier qu’il y parviendra. Ce d’autant que la réforme actuelle est loin de faire sourire beaucoup de libraire.

    Aboudi Ottou et André Balla (stagiaire)

    Arthur Pango 

    «Près de 70% des manuels vendus sont contrefaits»

    Le directeur central des éditions Afrédit fait le point des relations entre éditeurs et libraires.

    Des problèmes empoisonnent en ce moment les relations entre éditeurs et libraires. Il y a, en premier, la question de la part qui devrait revenir aux libraires après la vente d’un livre. Qu’est-ce qui fait problème et où en êtes-vous avec les négociations ?
    Je ne parlerai pas de problèmes mais plutôt d’une absence de consensus sur les termes d’échanges. Les libraires veulent un taux de remise supérieur à 25% ce que les éditeurs ne sont pas capables d’offrir. Ce qu’il faut comprendre ici c’est que dans un souci de rendre le livre accessible, les éditeurs ont consentis à une baisse substantielle du prix d’achat des manuels scolaires. Bien qu’une économie d’échelle devrait être réalisée au niveau des volumes de production plus important, il n’en demeure pas moins que celle-ci ne permet pas de compenser la baisse des prix. Les autres coûts liés n’ayant pas connu de baisse, il apparaît nécessaire qu’au niveau des libraires, une baisse des taux de remise soit également consentie. Dans le cas contraire, la marge des éditeurs va connaître un double impact négatif. Les négociations sont en cours et je reste convaincu qu’une solution sera trouvée.

    L’autre sujet de tension, c’est de la contrefaçon du livre scolaire. Quels sont les éléments qui vous font soupçonner les libraires de se livrer aux activités de contrefaçon?
    Je ne dirai pas que tous les libraires usent de cette pratique frauduleuse. Mais certains d’entre eux font l’objet de poursuites judiciaires pour vente de produits de contrefaçon. En tant que principal canal d’écoulement des manuels scolaires, les libraires devraient constituer la principale barrière à la piraterie. C’est le souhait des éditeurs. Nous travaillons actuellement avec certains confrères à établir avec des libraires une convention qui les engagerait collectivement et individuellement de toute vente de manuel piraté. Si une telle convention aboutie, je crois que la distribution des manuels contrefaits va considérablement diminuer.

    Quel est l’ampleur du problème et l’impact sur votre activité?
    Selon des informations recueillies lors de la réunion du 31 juillet dans les services du Premier ministre, près de 70% des manuels vendus sont contrefaits. Je ne saurai confirmer ces chiffres. Mais s’ils sont avérés, alors c’est plus de la moitié des parts de marché que perdent chaque année les éditeurs. Sachant l’investissement financier consenti, vous conviendriez avec moi que cette gangrène détruit considérablement notre activité. Sans compter le manque à gagner pour l’économie camerounaise.

    Pour le sécuriser, le Conseil d’agrément envisage de retirer la vente du manuel scolaire aux libraires. Que pensez-vous de cette solution?
    L’activité de libraire a son poids dans la chaîne du livre. Cependant, telle que structurée actuellement, elle n’est pas performante. Je crois que c’est pour ça que le Conseil a envisagé cette solution radicale. Pour ma part, j’estime que le travail en cours en vue de l’élaboration d’une politique nationale du livre va permettre de mieux structurée cette activité et de la rendre plus performante. Par ailleurs, je pense également qu’il faudrait revoir le circuit de distribution en diversifiant notamment les canaux. Ainsi on pourrait par exemple permettre l’ouverture de points de vente dans les établissements. A titre de comparaison, les hôpitaux ont chacun leur propre pharmacie mais cela n’empêche pas la performance des pharmacies individuelles.

    L’autre problème est relatif aux impayés accumulés par les libraires auprès des éditeurs. A combien peut-on chiffrer cette dette et que vous disent les libraires ?
    En effet, les montants semblent être assez important et varie en fonction des éditeurs. A notre niveau, nous avons été obligés de passer certaines d’entre elles en perte. Le recouvrement est très difficile au niveau des libraires. Nous sommes parfois obligés d’avoir recourt à une procédure de recouvrement forcé qui nous coûte en temps et en argent.

    Certains libraires souhaitent que la mise en œuvre de la réforme soit reporter afin qu’il puisse écouler leurs anciens stocks qu’ils estiment à 4 milliards de francs CFA. Pour quoi les éditeurs qui sont en principe les propriétaires des ouvrages ne portent pas cette doléance?
    Je ne saurais dire si ces chiffres sont vrais ou pas. Cependant, les pertes de stocks liées à la nouvelle politique existent même au niveau des éditeurs. Nous réfléchissons sur la manière de faire des propositions à l’Etat qui tiennent compte également des contraintes budgétaires du pays.

     

    ‘’Editeurs et libraires se regardent en chien de faïence’’ 

    Marcelin Vounda Etoa 

    Les éditeurs pensent que l’un des moyens de prendre de court les mauvais libraires c’est d’attendre la dernière minute pour mettre le livre sur le marché 

    En sa qualité de secrétaire permanent du Conseil national d’agrément des manuels scolaires et des matériels didactiques, l’enseignant de littérature française est la cheville ouvrière de la réforme en cours de la politique du livre scolaire. Il fait une analyse sans complaisance des problèmes qui continuent de miner le secteur. 

     

    A deux semaines de la rentrée scolaire, les livres ne sont pas encore présents dans les librairies. Doit-on s’en inquiéter ?
    La réalité est que le délai que les éditeurs nous ont donné n’est pas encore dépassé. Nous avons eu deux réunions. A la première le 16 mai, les éditeurs ont pris des engagements. Mais ils disent que le petit retard accusé dans la publication des listes officielles des manuels scolaires intervenue le 11 juin, leur a causé préjudice dans la confirmation des commandes d’impression. Aussi ont-ils demandé à une autre réunion que nous avons tenue avec eux dans les services du Premier ministre le 31 juillet, un décalage d’à peu près deux semaines. Donc, l’essentiel des livres sera disponible dans les marchés, si on tient compte des engagements confirmés par les éditeurs à la réunion du 31 juillet, entre le 20 et le 25 août.

    Quel est le sens de cet engagement ? Est-ce à dire que les ouvrages sont dans leurs magasins ou effectivement présent dans les librairies ?
    Quand l’éditeur dit que le livre sera disponible, cela suppose qu’il a les livres dans ses entrepôts, qu’il est entré en contact avec ses distributeurs et les distributeurs avec les libraires. Maintenant, l’éditeur qui a produit le livre doit rentrer dans ses frais et faire ses marges parce qu’il faut qu’il paye les droits d’auteurs. Et ce qui s’est passé très souvent c’est que, les libraires prennent les livres mais ne payent pas toujours cash ; cela peut ralentir le processus de mise sur le marché des livres. C’est-à-dire que la négociation entre l’éditeur, le distributeur et le libraire peut impacter la disponibilité du livre. Si un libraire n’a pas l’argent pour acheter les livres, il ne les aura pas parce que l’éditeur va être retissant à les lui donner sans qu’il ne paye. Beaucoup d’éditeurs se plaignent d’ailleurs d’avoir de grosses ardoises chez les libraires.

    Autre chose, lorsque précisément l’éditeur veut mettre le livre sur le marché par le libraire, le problème c’est souvent que beaucoup de libraire ou de mauvais libraires font une activité parallèle de reproduction des livres qu’ils reçoivent des éditeurs. En ce moment, éditeurs et libraires se regardent en chien de faïence. Et les éditeurs pensent que l’un des moyens de prendre de court les mauvais libraires c’est d’attendre la dernière minute pour mettre le livre sur le marché. Le calcul étant que comme le marché est bloqué et que la pression monte, tous les parents vont se ruer vers les librairies en l’espace de deux semaines de sorte que les livres contrefaits qui arriveront ne trouveraient pas une demande forte.

    L’objectif du Conseil d’agrément est de mettre le livre à la disposition de l’élève. Avez-vous donc aussi un droit de regard sur les activités des autres acteurs de la chaine qui peuvent, comme vous le démontrez, gripper le processus? Parce qu’on a le sentiment que vous traitez uniquement avec les éditeurs et oubliez les autres acteurs…

    En fait notre travail est méthodique. Nous n’avons aucune emprise sur les libraires avant qu’ils entrent en activité. Nous avons prise sur les éditeurs parce que nous avons lancé un appel d’offre auquel ils ont soumissionné. Nous sommes ainsi passés de 120 éditeurs aux années antérieurs à une quatre-vingtaine, qui ont satisfait aux critères de participation aux appels d’offres. Après l’évaluation des manuels, une cinquantaine a obtenu des parts de marchés. C’est ceux-là qui nous intéressent. Ils savent très bien que toutes les défaillances actuelles seront mises à leur passif pour les prochains appels d’offres.

    C’est à compter de maintenant que nous allons être capable de savoir qui sont les libraires sérieux. Ceux qui peuvent obtenir, eux aussi, un agrément du Conseil pour officiellement exercer ce métier. Parce que vous arrivez dans tous les carrefours à la veille de la rentrée, tout le monde est libraire. Vous repassez par-là deux mois plus tard, tout le monde a changé d’activité. Or, un libraire professionnel est en activité au moins 11 mois sur 12. Le 12e mois étant celui des vacances. Nous allons allez vers-là. Mais nous avons besoin de cette épreuve qualifiante qu’est la circulation du manuel scolaire pendant cette rentrée scolaire, première rentrée de la réforme.

    Les libraires et les éditeurs peinent à s’entendre sur le pourcentage qui devrait revenir aux libraires ? Vous intéressez-vous aussi à ces négociations et quel est le problème?
    Tout ce qui est une entrave à la disponibilité du livre nous préoccupe au plus haut point. Puisque la politique du Premier ministre ne visait pas à créer des pôles de conflit entre les acteurs de la chaine du manuel scolaire. Les standards de la structure du prix du livre prévoient que le libraire reçoit 20% mais il faut que ce soit un vrai libraire. Un libraire professionnel qui exerce sur le long de l’année et qui s’acquitte de ses charges. La discussion achoppe entre les éditeurs et les libraires parce que les éditeurs se disent que beaucoup de libraires exercent le temps de la rentrée scolaire et ne peuvent pas être considérer comme des vrais professionnels.

    Certains éditeurs ne veulent pas aborder cette question maintenant. Ils souhaitent faire réussir cette rentrée scolaire et ont concédé les 20%. D’autres disent : «nous vous soupçonnons d’être partie prenante de la gangrène de la contrefaçon du manuel scolaire ; c’est pourquoi, vous payer cash, on vous donne 15%. On ne peut aller à 20% qu’en fonction de la quantité que vous allez prendre. Parce que, cette quantité nous garantit que nous sortons de nos magasins une partie importante de notre stock. Mais si on vous donne 20% pour 10 exemplaires que vous venez prendre pour meubler votre vitrine, pour faire en sous mains et en arrière-boutique une activité de contrefaçon, nous nous sommes perdant ». Voilà un peu l’esprit et le fond du problème qui oppose les libraires et les éditeurs.

    Est-ce que le Conseil d’agrément a une solution à ce problème ?
    Le Conseil va interpeller les uns et les autres. Les libraires n’ont pas intérêt à bloquer la rentrée. Les éditeurs n’ont plus. Donc, nous allons continuer à interagir avec les uns et les autres, à créer des passerelles pour que les choses bougent. Nous croyons que d’ici au 25 août, au plus tard, nous aurons réglé ce petit détail.

    Et que peut le Conseil d’agrément face à l’épineuse question de la contrefaçon du livre scolaire ?
    Nous avons les moyens intellectuels et logistiques de régler ce problème. Il y a des pays ou le livre scolaire ne passe pas par les librairies. Nous sommes en train de réfléchir à ce mécanisme-là, au moins pour sécuriser partiellement le circuit du livre. Tous les établissements privés à économat peuvent être des points de ventes des livres. En plus, avec l’appui d’un certain nombre d’acteurs nous réfléchissons à comment amener le ministère du Commerce à prendre la vraie mesure du péril qui pèse sur la chaine du métier de l’édition afin qu’on envisage de sécuriser le circuit du livre scolaire.

    Parce que si on ne le fait pas, c’est le découragement auprès des auteurs. Pour un livre de littérature qui entre au programme en classe de seconde où vous avez plus de 150 000 élèves, si vous ne vendez pas 20 000 exemplaires la première année, vous n’avez aucune chance les années d’après de vendre. Parce que les livres originaux de seconde main vont entrer en circulation, les ainés vont passer les livres à leurs cadets. Et comme désormais, un livre va durer au moins 6 ans au programme, il ne faudra pas que cela soit à pure perte pour les éditeurs et pour les auteurs. Voilà les enjeux.

    A combien peut-on chiffrer le marché du livre scolaire aujourd’hui?
    On n’a pas de données statistiques fiables. Peut-être que l’Institut national de la statistique devrait nous aider dans ce sens. Mais évidemment, on peut partir sur la base des effectifs de classe et faire un rapport de proportion. Si vous prenez 25% des effectifs de chaque classe de la maternelle en terminal qui ont la possibilité d’acheter les livres dans les deux sous système, vous voyez que ça se chiffre en milliards de francs, de nombreux milliards…

    Interview réalisée par
    Aboudi Ottou

    Vente du manuel scolaire

    La Campost pour contourner les libraires 

    Dès le 25 août, les 292 livres au programme cette année dans les deux sous-systèmes (anglophone et francophone) seront vendus dans les 75 bureaux de poste disséminés à travers le pays. Un accord dans ce sens a été conclu le 16 août dernier entre la Cameroon Postal Services (Campost), HDCG Sarl (consortium des éditeurs nationaux et internationaux), la Société coopérative pour l’édition et la distribution de la presse au Cameroun (Cedipres Coop-CA) et le Conseil national de la jeunesse (CNJC). Après édition, Cedipres Coop-CA mettra les ouvrages à la disposition de la Campost. Par la suite, la société publique de postes se chargera d’acheminer et de commercialiser ces livres dans ses bureaux de postes à travers le pays. Le CNJC, pour sa part, fournira à la Campost 250 jeunes pour faire office d’hôtesses dans ses points de vente.

    Le but visé est de rendre le manuel scolaire disponible, aux prix homologués, dans tous les coins et recoins du pays tout en contournant les librairies. Les libraires, qui ont accumulé des dettes importantes envers les éditeurs, sont aussi accusés de se livrer à des activités de contrefaçon du manuel scolaire. Cette option, tout en luttant contre la piraterie, permet par ailleurs à la poste d’accroitre son activité. Elle donne en plus l’occasion aux jeunes embauchés de gagner jusqu’à 150% de leurs frais d’université en deux mois d’activité.

    Mélanie Bilo’o (stagiaire)

  • Flux financiers illicites: HEVECAM SA, pêcheur en eaux troubles

    Flux financiers illicites: HEVECAM SA, pêcheur en eaux troubles

    La filiale camerounaise de la multinationale Singapourienne GMG GLOGAL LTD, leader mondial de la production et de la transformation de l’hévéa, brille par la discrétion lorsqu’il s’agit de dissimuler ses résultats. Pas suffisant pour dribbler la douane et les impôts qui ont découvert des curiosités.

    Ramer à contre-courant semble être l’option de HEVECAM SA, la filiale camerounaise de la multinationale singapourienne GMG GLOBAL LTD, leader mondial de la production et de la transformation de l’hévéa. A l’heure du triomphe tous azimuts des technologies de l’information et de la communication, HEVECAM SA semble choisir l’adage populaire au Cameroun: «pour vivre heureux, il faut vivre caché». Le site internet de HEVECAM SA (www.hevecam.com), vitrine par excellence de l’entreprise, brille par des omissions suspectes. Vous aurez beau chercher les simples communiqués des conseils d’administration, l’organigramme de l’entreprise, les membres du conseil d’administration, les résultats de l’entreprise, etc. que vous seriez déçus.

    Les demandes d’informations adressées -comme recommandé à l’administrateur du site- demeurent sans réponse. Nous l’avons douloureusement appris à nos dépens. Par contre, ce qui est présenté comme responsabilité sociale de l’entreprise, est en vedette sur www.hevecam.com Visiblement, HEVECAM SA a du cœur. On apprend pelle – mêle que pour les besoins de 35 000 âmes (dont près de 6000 employés) qui habitent les 40 000 hectares de plantation, l’entreprise a construit «un hôpital, 17 dispensaires, des écoles maternelles et primaires, un lycée bilingue et un lycée technique, 3400 logements, un forage et des aires de jeu». Mais, l’on oublie de préciser que la charge de ces investissements est partagée à parts égales avec l’Etat. Du moins au regard de la convention d’établissement de 1975, liant HEVECAM SA (appelée alors Sud Cameroun hévéa) au Cameroun.

    Que cache donc HEVECAM SA ?
    Pourquoi refuse-elle de faire savoir son savoir-faire ? Les bons résultats de la filiale camerounaise de la multinationale singapourienne GMG GLOBAL LTD, tels que présentés officiellement, feraient pâlir de jalousie n’importe quel manager sérieux, par ces temps de morosité économique. Ils mériteraient d’être montrés à une plus grande audience. «Des scores de production de 120 % réalisés en 2017», présente HEVECAM SA, dans Hévéa – news, numéro 017 de janvier 2018. Un exploit comme celui-là, dans un l’anonymat d’un journal d’entreprise ! Comme si le secret de la bonne nouvelle devrait demeurer entre initiés, à défaut de mériter une publicité conséquente. C’est un choix!

    Les impôts et la douane pas du tout impressionnés
    Les impôts et la douane du Cameroun semblent avoir rapidement flairé la manœuvre à distance. Ils ont refusé de se laisser endormir par le somnifère de l’humilité et de la discrétion de HEVECAM SA. Pourtant, à la direction générale des impôts du Cameroun, la discrétion et la méfiance sont de mise lorsqu’il faut se renseigner sur HEVECAM SA. D’aucuns, surpris- disent apprendre la nouvelle d’un éventuel redressement fiscal de cette agro-industrie à partir de nos sollicitations. Ce ne sont pas les «ne me met pas dans les problèmes» de ce fonctionnaire méfiant, en réponse à notre quête d’information qui nous découragerons. Même si ce dernier dit soupçonner «des pratiques déloyales de HEVECAM SA», sans autre précision.

    Le secret semble bien gardé, autant à la douane qu’aux impôts. Du reste, un passage de la convention liant HEVECAM SA au Cameroun souligne que «tout différent entre le gouvernement et l’investisseur devra être résolu à l’amiable. Dans le cas contraire, c’est la Cour d’arbitrage de Paris qui est compétente». Soulignons que notre demande d’informations adressée à la filiale camerounaise de GMG GLOBAL LTD, pour éclairer notre lanterne sur les relations orageuses entre HEVECAM SA et les régies financières du ministère des finances attend toujours. Pour combien de temps ?

    Des indices
    Quoi qu’il en soit, le compte rendu du 27ème conseil d’administration de HEVECAM SA, tenu le 4 décembre 2017 à Yaoundé, reconnait explicitement les deux «redressements fiscaux et douaniers» infligés à HEVECAM SA en 2017. «La direction générale a largement entretenu le conseil d’administration (dirigé par Jean Kueté, le secrétaire général du comité central du RDPC, le parti au pouvoir, ndlr) des problèmes fiscaux auxquels elle fait face et sollicité l’appui et l’orientation de celui-ci afin de trouver des solutions idoines», peut-on lire à la page 6 de Hévéa news numéro 17 de janvier 2018, le journal de HEVECAM SA, grâce à la plume de Mpouma Ekong.

    L’entreprise de production d’hévéa reconnait explicitement avoir commis des «erreurs, omissions ou manquement dans ses déclarations aux impôts et à la douane» relève, ironique un fin connaisseur des méthodes de cette entreprise qui, pour notre malheur, a catégoriquement refusé d’en dire davantage.

    Quand le bourreau se prend pour la victime
    Offensif et téméraire, HEVECAM SA semble vouloir rebondir sur le terrain de la communication, en se faisant passer pour une victime. L’entreprise revendique ainsi à l’Etat du Cameroun «le remboursement des crédits TVA» et se positionne ainsi en victime devant un Etat bourreau qui ne respecte pas ses engagements.

    Compensation de créance
    Visiblement, le redressement fiscal et douanier infligé à HEVECAM SA pour ses trous de mémoire a dû «peser» sur sa trésorerie, puisque «le conseil d’administration (du 4 décembre 2017, ndlr) a autorisé une compensation de créance entre GMG GLOBAL LTD, la maison-mère et HEVECAM SA» précise hévéa-news qui demeure muet sur les modalités de cette transaction. L’on est en droit de se poser une question. Ne s’agit-il pas d’une stratégie destinée à noyer le bénéfice de l’entreprise pour minimiser le payement de l’impôt ? Allergique aux chiffres – peut-être par pudeur et humilité, HEVECAM SA ne précisera pas combien de dollars ont exactement transité entre le Cameroun et Singapour, pour irriguer GMG GLOBAL LTD.

    Le commissaire aux comptes de l’entreprise – ce magicien des chiffres, préposé à la certification des résultats en rapport avec la législation en vigueur au Cameroun, a été vite remercié. Sans explication officielle ! Tout au plus, le 27ème conseil d’administration du 4 décembre 2017 à Yaoundé, se contente de plaider pour «la nomination d’un nouveau commissaire aux comptes». Qu’à cela ne tienne, globalement HEVECAM SA revendique en 2017, des résultats de 120%. Avec 14 756 tonnes d’hévéa, les plantations ont atteint 92,23 % des objectifs de production. L’usine de caoutchouc s’est aussi distinguée avec une production de 17908 tonnes, soit 94,15 % des objectifs souligne hévéa – news.

    De quoi donner un large sourire aux actionnaires de GMG GLOBAL LTD, du fait des dividendes conséquents. Tout le contraire des employés qui, de leur côté, semblent broyer du noir au quotidien. Les agronomes camerounais Fon Dorothy et Mbondji Ntombé de l’université de Dschang (Ouest) s’expliquent, dans une étude parue en 2015 dans la revue scientifique «agricultural soil sciences» d’octobre 2015. Ils soutiennent que le mauvais traitement des ouvriers agricoles (avec des salaires compris entre 30 000 F et 70 000 F) entraîne, outre des épidémies, des grèves, l’absentéisme maladif au travail (14% du personnel), et des cascades de démissions -de l’ordre de 80%- dès les six premiers mois d’embauche.

    Une performance qui grippe la productivité de l’entreprise. Celle-ci perd par an près de 8231 tonnes de latex, évalués par les auteurs de l’étude à plus de 103 millions de F CFA. Pourtant, comme reconnaissent les administrateurs de GMG GLOBAL LTD dans leur rapport annuel de 2017, l’hévéa produit par le «holding du Cameroun est très apprécié sur le marché pour sa qualité». Mais où sont les hommes ? Où sont les travailleurs ? Après avoir échoué à chasser des plantations d’hévéa les grands maux tels: «le mal, l’ennui et le besoin», le travail chasse-il déjà… les hommes à HEVECAM SA ?

    Jean David MIHAMLE
    Dans le cadre du programme 2017 « La richesse des Nations »,

    un programme panafricain de développement des compétences

    medias dirigé par la Fondation Thomson Reuters en partenariat avec

    Trust Africa. Plus d’informations sur http://wealth-of-nations.org/fr/

  • Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE): Le Cameroun recalé

    Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE): Le Cameroun recalé

    Le pays a dix-huit mois pour se conformer aux 14 normes non validées le 29 juin dernier par le Conseil d’administration de l’ITIE. A défaut, c’est l’exclusion définitive de l’Initiative. Les raisons d’un échec programmé.

    Ministère des Finances à Yaoundé.

    Il fallait être satisfaisant pour conserver son statut de pays conforme. Le Cameroun a obtenu en fin de semaine dernière la notation de pays significatif à l’ITIE. Insuffisant pour être dans la catégorie des pays respectant la norme ITIE dans la gouvernance des industries minières et pétrolières. Néanmoins, «Le Conseil d’administration de l’ITIE a félicité le Cameroun pour ses réalisations, en constatant que la mise en œuvre de l’ITIE a apporté des informations précieuses pour le domaine public, notamment les données publiées par l’entreprise pétrolière d’État, la SNH», peut-on lire sur le site Internet du comité local de l’ITIE. Sur la même vitrine, l’on aussi lire: «Le Cameroun salué pour ses progrès significatifs dans la mise en œuvre de la Norme ITIE».

    Pour certains observateurs avertis, cette présentation des délibérations du Conseil d’administration de l’ITIE relève de la langue de bois diplomatique. Car en réalité, c’est un échec bien verni pour le pays de Paul Biya. «Si le Cameroun avait réussi comme le Sénégal, avec une notation de pays satisfaisant, non seulement il aurait conservé sa conformité, mais en plus il n’y aurait pas une session de rattrapage dans un an et demi», dénonce-t-on. Sur les 28 matières d’évaluation, le Cameroun en a validé seulement 14. Or pour réussir (devenir satisfaisant), il faut valider les 28 matières.

    Comprendre l’échec du Cameroun
    Les raisons de l’échec ? Elles sont de divers ordres (Voir tableau ci-dessus, dans les parties en couleur vert clair). Grosso modo, il s’agit de la mal gouvernance au sein du comité local ITIE ou de la politique (loin de faire l’unanimité) sur la divulgation des contrats pétroliers et miniers. Entre octobre 2013 et le 30 juin 2017 (période d’évaluation), le Cameroun n’a pas suivi la voie de la performance indiquée par la validation de 2013, en l’occurrence une supervision à temps plein du secrétariat national de l’ITIE. «Il fallait juste prendre un nouveau décret portant organisation et fonctionnement dudit secrétariat.

    Ce qui n’a pas été fait pendant cinq ans», commente un connaisseur du dossier. Qui ajoute: «La validation est venue trouver une structure sans nouveau décret, sans manuel de procédures administratif, comptable et financier; sans audit des comptes de gestion public». La validation a par ailleurs constaté que les transferts de la Société nationale des hydrocarbures (Snh) dans le trésor public ne sont pas transparents. Même si le Cameroun explique qu’ils sont régularisés par après dans le budget. Autre constat désobligeant du validateur : la gestion en clair-obscur des transferts infranationaux. Ce sont des transferts que la loi autorise de reverser aux communes. En 2013, un peu plus de 1 000 millions ont été collectés par la Direction générale des impôts (DGI).

    Pourtant, seulement 80 millions ont été reversés à quelques communes. Les critères de sélection des communes bénéficiaires restent inconnus. Logiquement, les premiers bénéficiaires devraient être les communes riveraines des sites miniers en exploitation. Ce qui n’a pas toujours été le cas. En 2014, un peu plus de 800 millions ont été collectés et seulement 60 millions ont été reversés aux communes. On ne saurait dire lesquelles! En 2015, un peu plus de 400 millions ont été collectés et rien n’a été reversé aux communes.

    Autre point noir signalé par le validateur : l’engagement de la société civile. Celles des organisations civiles admises au Comité depuis 2005 ne veulent plus en partir. Selon nos sources, elles sont en copinage avec le Gouvernement, et ne relèvent pas le débat comme attendu. Le validateur parle du conflit d’intérêt au sein des organisations de la société civile camerounaise. Elles ne veulent pas faire la rotation au sein du Comité local ITIE. «Ceux qui sont à l’intérieur du Comité ne veulent pas en partir, tandis que ceux qui sont à l’extérieur se démènent pour y entrer». Bon à rappeler, si le Cameroun, admis au rattrapage de la conformité, ne valide pas la notation de pays satisfaisant dans dix huit mois, il sera suspendu de l’ITIE.

    Rémy Biniou

    Document 

    Décision du Conseil d’administration de l’ITIE 

    Le Cameroun salué pour ses progrès significatifs dans la mise en œuvre de la Norme ITIE – Extractive Industries Transparency Initiative 

    Le Conseil d’administration de l’ITIE a félicité le Cameroun pour ses réalisations, en constatant que la mise en œuvre de l’ITIE a apporté des informations précieuses pour le domaine public, notamment les données publiées par l’entreprise pétrolière d’État, la SNH. Le Conseil d’administration de l’ITIE a déclaré aujourd’hui que le Cameroun avait accompli des progrès significatifs dans la mise en œuvre de la Norme ITIE.

    En prenant cette décision, le Conseil d’administration a reconnu les efforts déployés par le pays pour améliorer la transparence et la redevabilité dans le secteur extractif en constituant une source de données fiable afin d’éclairer le débat public. Le Conseil d’administration a aussi salué l’impact de l’ITIE qui a progressivement amené les entités de l’État à effectuer des divulgations périodiques, comme l’atteste la plus grande régularité des publications émises par l’entreprise pétrolière nationale, la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH), notamment sur les ventes de pétrole.

    D’après le rapport de Validation, le processus de déclaration ITIE a suscité des débats sur les transferts infranationaux, la production, les licences minières et l’exploitation minière artisanale et à petite échelle. La hausse de l’intérêt des étudiants universitaires pour le processus ITIE pourrait améliorer encore davantage la compréhension des questions extractives par le grand public. La mise en œuvre de l’ITIE s’est traduite par des réformes dans le secteur minier, notamment l’intégration de dispositions sur la divulgation des bénéficiaires effectifs dans le nouveau Code minier. Les exigences ITIE minimales applicables aux paiements sociaux volontaires des entreprises déclarantes ont aussi été dépassées.
    Après l’annonce de la décision, Fredrik Reinfeldt, président de l’ITIE, a déclaré :

    «La mise en œuvre de l’ITIE a permis des résultats tangibles, car les données relatives aux secteurs des hydrocarbures et des mines faciliteront de plus vastes réformes. Nous félicitons aussi le Cameroun pour le rôle clé qu’il joue en déployant des efforts innovants dans l’amélioration des déclarations sur les matières premières. »

    Agnès Solange Ondigui Owona, coordinatrice national de l’ITIE Cameroun, a déclaré:
    « Cette évaluation, qui se rapporte à la période allant du 18 octobre 2013 au 1er juillet 2017, est la reconnaissance du travail abattu par le Cameroun pour l’arrimage à la Norme ITIE, la précédente validation ayant été réalisée à l’aune des Règles de l’ITIE. C’est aussi un encouragement à aller de l’avant dans la mise en œuvre des exigences, surtout celles ayant fait l’objet de recommandations par le Validateur et sur lesquelles le Comité ITIE Cameroun a déjà commencé à travailler. »

    Recommandations
    Le Conseil d’administration a observé que l’ITIE au Cameroun avait dépassé les exigences minimales prescrites par la Norme ITIE quant à la divulgation des données sur les exportations (3.3) et des dépenses sociales volontaires (6.1). Le Conseil d’administration a présenté les 14 mesures correctives que le Cameroun devra appliquer dans les 18 prochains mois, c’est-à-dire d’ici au (date de la décision du Conseil + 18 mois), date à laquelle les progrès seront réexaminés.

    La Validation a souligné les possibilités d’améliorer la mise en œuvre de l’ITIE sur l’engagement de la société civile (1.3), la gouvernance du Groupe multipartite (1.4), le plan de travail (1.5), le registre des licences (2.3), la politique sur la transparence des contrats (2.4), la participation de l’État (2.6), les données de production (3.2), les revenus en nature (4.2), les transactions des entreprises d’État (4.5), la répartition des revenus (5.1), les transferts infranationaux (5.2), les dépenses quasi fiscales des entreprises d’État (6.2), le débat public (7.1) et la documentation de l’impact (7.4).

    Source: ITIE

     

  • Gestion des finances publiques : Le Cameroun poussé vers un big bang

    Gestion des finances publiques : Le Cameroun poussé vers un big bang

    Pour bénéficier des appuis budgétaires dans le cadre de son programme avec le Fonds monétaire international, le pays doit réaliser un certain nombre de réformes. Celles-ci vont modifier le processus d’élaboration, de contrôle et d’exécution du budget.

    Travaux de la 4ème session de la plateforme de dialogue sur les finances publiques.

     

    Le Cameroun se prépare à une révision constitutionnelle. En effet, à en croire le ministre des Finances (Minfi), «les deux avant-projets portant transposition des directives n°6 et n°1 et relatif au Code de transparence et de bonne gouvernance et au régime financier de l’Etat et des autres entités publiques, ont été introduits dans le circuit de validation interne après avis de conformité émis par la Commission de la Cemac [Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale] l’année dernière».

    Pour bien comprendre les implications de cette information que Louis Paul Motaze donne le 30 mai dernier lors de la 4ème session de la plateforme de dialogue sur les finances publiques, il faut savoir que cette transposition apporte deux changements majeurs par rapport au droit positif camerounais en matière de gestion des finances publiques. Il instaure les débats d’orientation budgétaire et oblige l’institution de la Cour des comptes en lieu et place de la Chambre des comptes. Et une révision de la constitution est indispensable pour opérer ces deux réformes.

    Les débats d’orientation budgétaire sont des discussions qui ont lieu tout au long de la préparation du budget. Elles sont prévues dans la 2e section du Code de transparence et de bonne gouvernance qui traite des attributions et de la responsabilité des institutions. Selon cette disposition, ces échanges se font au parlement sur la base d’un rapport du gouvernement sur ses hypothèses macroéconomiques, ses grandes orientations et priorités budgétaires sur le moyen terme ainsi que ses principaux choix fiscaux et risques budgétaires pour l’année à venir. Rapport qu’il est tenu de rendre public «dans un délai raisonnable précédant le dépôt des projets de loi de finances».

    Il est donc nécessaire de réviser la Constitution pour multiplier le nombre de sessions ordinaires du parlement, limité pour l’instant à trois (mars, juin, novembre). Il faudra aussi pour les mêmes raisons réviser les règlements intérieurs du Sénat et de l’Assemblée nationale. La modification de la Constitution est également nécessaire pour la création de la Cour des comptes. Car elle n’y est pas pour l’instant prévue. Yaoundé lui ayant préféré un Chambre des comptes aux pouvoirs moins élargis.

    Révolutions

    Comme il s’entrevoit, la transposition de ces deux directives dans le corpus juridique camerounais va induire d’importants changements dans l’élaboration, l’exécution et le contrôle du budget. Dé-sormais, les Camerounais ne découvriront plus par exemple le projet de loi de finances au parlement. Car le Code de transparence et de bonne gouvernance légalise la participation des citoyens à l’élaboration et au contrôle du budget. «La presse, les partenaires sociaux et d’une façon générale tous les acteurs de la société civile sont encouragés à participer à la diffusion des informations ainsi qu’au débat public sur la gouvernance et les gestions des finances publiques», indique le texte dans sa section information au public. Pour cela, «l’ensemble des informations et documents relatifs aux finances publiques sont publiés par les institutions compétentes sur leur site internet dès qu’ils sont disponibles», oblige le code. Ce contrôle démocratique est par ailleurs renforcé par les débats d’orientation budgétaire, qui, bien qu’ayant lieu au parlement, sont publics.

    Le contrôle judiciaire se voit aussi renforcé avec l’institution de la Cour des comptes qui devient selon l’article 72 de la directive Cemac relative aux lois de finances, «l’institution supérieur de contrôle de chaque Etat». Or, jusqu’ici, en vertu de l’article 2 du décret de septembre 2013 fixant les attributions du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe), ce rôle est dévolu à cette structure. C’est donc à ce département ministériel que revient le contrôle des ordonnateurs de dépenses notamment les ministres. La Chambre des comptes, elle, est confinée aux contrôles des comptables publics. Dans ce schéma, c’est en effet l’exécutif qui contrôle l’exécutif.

    Par conséquent, l’audit et la surveillance externes sont peu efficaces. «La Chambre des comptes ne bénéficie pas de la faculté de saisir le CDBF (Conseil de discipline budgétaire et financière) pour les fautes de gestion imputables aux ordonnateurs relevées lors de ses contrôles, faculté pourtant reconnue aux tribunaux régionaux des comptes. Ainsi, les fautes conjointes ou communes punies au niveau du comptable demeurent sans conséquence à l’égard de l’ordonnateur ou du gestionnaire», regrette l’institution judiciaire dans son rapport publié l’année dernière.

    Mais quand est-ce que les projets de loi portant transposition des directives n°6 et n°1 seront envoyés au parlement ? «Avant la fin d’année», répond le Fonds monétaire international (FMI). «Le processus est en cours et il est envisagé que l’Assemblée nationale examine les textes lors de l’une de ses prochaines sessions», indique Hans-Peter Schadek, l’ambassadeur, chef de délégation de l’Union européenne au sortir de la 4e session de la plateforme de dialogue sur les finances publiques. Bien avant, dans son allocution d’ouverture, Louis Paul Motaze, s’est encore montré moins précis. «Tout est mis en œuvre pour que ces textes soient adoptés dans les meilleurs délais», concède, prudent, le Minfi. Cette prudence traduit en fait l’état d’esprit des autorités camerounaises qui, en réalité, vont à pas forcés vers cette réforme.

    Conditionnalités

    C’est depuis 2011 que la Commission de la Cemac a adopté le Code de transparence et de bonne gouvernance et les cinq autres directives qui devront permettre son application. Mais le Cameroun ne se hâte que très lentement pour l’internalisation dans son corpus juridique de ces dispositions communautaires. Entre autres raisons évoquées pour justifier cette posture: «la transposition des directives change l’orientation des réformes déjà engagées par le Cameroun notamment avec la mise en œuvre de la loi portant régime financier de l’Etat et donne un sentiment d’instabilité», justifie-t-on au ministère des Finances. Par ailleurs, ajoute notre source, «la transposition des directives entraine une réforme institutionnelle délicate. Or l’agenda politique jusqu’ici n’était pas porté sur l’organisation institutionnelle mais plutôt sur la relance économique avec la mise en œuvre du DSCE [Document de stratégie pour la croissance et l’emploi] et la marche vers l’émergence».

    Mais pour faire face à la crise économique survenue à la suite de la baisse des prix des matières premières notamment du pétrole, les pays de la Cemac souscrivent à des programmes d’ajustement avec le FMI. Les bailleurs de fonds qui doivent les accompagner dans la traversée de cette mauvaise passe conditionnent leur financement à la mise en œuvre de certaines réformes que ces pays tardent depuis plusieurs années à appliquer. Parmi ces mesures se trouvent non seulement la transposition des directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques de la Cemac, mais également une pléthore d’autres réformes (voir page 11) qui vont également avoir un impact sur la gestion des finances publiques. Après la transposition des directives n°6 et 1, condition pour obtenir les appuis budgétaires 2018 de l’Union européenne et de la Banque africaine de développement, l’internalisation des quatre autres directives est prévu dans le plan de réforme 2019-2021 en préparation.

    Aboudi Ottou

     

    Directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques de la Cemac

    En 2011, la Commission de la Cemac a adopté six directives visant à améliorer la transparence et la gouvernance dans la GFP et à harmoniser les finances publiques au sein de la CEMAC pour renforcer la surveillance régionale. La transposition de ces directives dans la législation nationale des États membres, initialement prévue pour 2017, est désormais prévue pour 2019. Le Cameroun a préparé six projets de texte portant transposition de directives validées par la Commission de la CEMAC.

    Directive 1: lois de finances. Lignes directrices et règles régissant la présentation, la préparation et l’adoption de la loi de finances. La directive fournit aussi des orientations sur la mise en œuvre de la politique budgétaire à moyen terme et la responsabilité des gestionnaires de finances publiques.

    Directive 2: règlement général sur la comptabilité publique. Règles de base régissant l’exécution du budget, la comptabilité et l’audit publics de l’ensemble des opérations financières et non financières de l’État.

    Directive 3: plan comptable de l’État. Normes, principes et règles régissant la comptabilité publique et la production des états financiers de l’État.

    Directive 4: nomenclature budgétaire. Règles régissant la présentation du budget général, des annexes budgétaires et des comptes spéciaux du Trésor.

    Directive 5: opérations financières et non financières de l’État. Principes directeurs concernant la préparation des transactions financières et non financières des administrations publiques et méthodes de présentation du tableau des opérations financières et non financières (TOFE).

    Directive 6: transparence et bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques. Principes et exigences que l’État doit respecter dans la gestion des fonds publics.

    Source: FMI (2018)

    Une pléthore de réformes programmées en 2018

    Elles sont un préalable au déblocage des appuis budgétaires des partenaires financiers qui accompagnent le pays dans le cadre de son programme d’ajustement.

     

    Pour financer son budget cette année, le Cameroun a besoin de 4 689,5 milliards de francs CFA. Selon la loi de finances 2018, 334 milliards viendront des appuis budgétaires. Mais pour obtenir cet argent des partenaires financiers, le pays devra mettre en œuvre plusieurs réformes en plus de réaliser les objectifs de son programme d’ajustement avec le Fonds monétaire international. Intégration a sélectionné celles qu’il considère en lien avec la gestion des finances publiques.

    MESURES PREALABLES POUR L’APPUI BUDGETAIRE DE LA BANQUE MONDIALE
    Action préalable 2 sur la réforme des marchés publics :
    Afin d’accélérer le processus de gestion des investissements publics de manière optimale :
    • procéder à la révision du Code des Marchés Publics pour entre autres, clarifier les responsabilités des parties prenantes, l’indépendance du mécanisme de gestion des plaintes, et la séparation de trois rôles dans les marchés publics : la régulation, le contrôle et le processus de passation des marchés ; et
    • prendre un arrêté conjoint MINEPAT/MINMAP, fixant la rémunération des membres des Commissions de passation des marchés et des sous-commissions d’analyse sur une base forfaitaire (et non en fonction du nombre de séances comme actuellement), couplé, éventuellement à un paiement assis sur la performance.

    Action préalable 3 sur la réforme de la Fonction Publique :
    Afin d’améliorer la transparence et l’efficacité dans la gestion de la solde et contrôler la masse salariale,
    • prendre un texte portant sur les modalités de création des commissions, comités et groupes de travail et règlementant la tenue de leurs sessions et la rémunération de leurs membres ;
    • mettre en œuvre le nouveau système de gestion de la solde, SIGIPES II, dans dix (10) ministères.
    Action préalable 4 sur la gestion des Entreprises Publiques :
    Afin d’améliorer la gouvernance d’entreprise et la gestion des entreprises publiques,
    • prendre les textes d’application des nouvelles lois détaillant les responsabilités des Etablissements Publics et des entreprises publiques par rapport aux institutions de contrôle, notamment : a) la présentation et la publication de données financières et opérationnelles ; b) les critères de sélection, de rémunération, d’évaluation et de remplacement des dirigeants ; c) les audits financiers ; d) le niveau de décision/approbation sur les questions opérationnelles et stratégiques de l’entreprise ; et
    • approuver la stratégie et le plan d’action pour la réforme des entreprises publiques conformément aux nouvelles lois.

    Action préalable 6 sur la réforme du secteur des transports :
    Afin d’améliorer l’entretien routier et la gestion du patrimoine routier:
    • adopter et prendre en compte dans le programme budgétaire et d’entretien des routes 2018/2019, l’utilisation de contrats pluriannuels pour l’entretien des grands axes routiers et corridors ;
    • établir un plan d’action pour l’extension et la mise en œuvre de la politique de contrôle des charges à l’essieu sur l’étendue des routes bitumées autres que les routes récemment réhabilitées.

    Action préalable 9 :
    Afin d’améliorer l’efficience des dépenses du secteur de la santé, le Ministère de la Santé Publique a élargi la couverture administrative du programme PBF en introduisant au moins huit contrats de performance au niveau central du ministère de la Santé publique, y compris au moins deux hôpitaux centraux/généraux (et le financement d’au moins 50% de leur budget par ces contrats) et une extension du programme PBF au niveau opérationnel à au moins 75% de la population du pays avec des agences de contractualisation et de vérification (ACV) établies dans les dix régions.

    MATRICE DES REFORMES DE L’UNION EUROPEENNE
    Conditions générales de décaissement de chaque tranche
    Gestion des finances publiques :
    • transposition et mise en œuvre des directives CEMAC relatives à la gestion des finances publiques ;
    • progrès satisfaisants accomplis dans le cadre de la mise en œuvre d’un programme visant à améliorer la gestion de finances publiques, crédible et pertinent. Notamment progrès satisfaisants dans la mise en œuvre de la circulaire fixant les principales orientations de la réforme des finances publiques 2016-2018 en suivant un plan d’action adopté ;
    • élaboration et validation d’ici fin 2018 d’une stratégie de réforme des finances publiques holistique en suivant les constats de l’évaluation PEFA (Public Expenditure and Financial Accountability), afin de viser une amélioration substantielle et durable du système de gestion des finances publiques ;
    • existence d’un cadre de pilotage sectoriel pour les finances dynamique et régulier.

    Transparence budgétaire :
    • progrès satisfaisants accomplis en ce qui concerne la mise à disposition du public, en temps opportun, d’informations budgétaires exhaustives et de qualité accessible. A cet égard, la publication d’un calendrier des statistiques de finances publiques et son application sera suivie afin d’assurer que les documents stratégiques, tels que la loi de finances (LF) et ses annexes, la loi de règlement, les rapports budgétaires infra-annuels, le TOFE (TABOR), les CBMT/CDMT, soient disponibles et accessibles (en ligne) ;
    • clarification de l’architecture du contrôle interne et externe en assurant l’effectivité du rôle d’une Institution Supérieure de Contrôle.

    MESURES ADOSSEES A L’APPUI BUDGETAIRE DE LA BAD
    Composante 1 : rationalisation du cadre de gestion des finances publiques
    Sous composante 1.1. Assainissement du cadre règlementaire et institutionnel de la Gestion des Finances Publiques
    • adoption par le Gouvernement et transmission à l’Assemblée nationale du projet de loi portant révision de la loi n° 2007/006 du 26 décembre 2007 portant Régime Financier de l’Etat ;
    • publication et vulgarisation des rapports d’audit des marchés publics 2013 et 2014 ;
    • élaboration et adoption des rapports d’audits 2015 et 2016 ;
    • adoption du Code des marchés publics.

    Sous composante 1.2. Renforcement du cadre de la planification stratégique et de gestion des investissements publics
    • stabilisation du niveau des dépenses d’investissement public en % du PIB sur le moyen terme ;
    • publication semestrielle de la liste des projets structurants d’investissement et de leurs rapports d’exécution de 2017 sur un site web du MINEPAT;
    • validation du document d’orientation de la deuxième phase de la vision 2035 ;
    • prise d’une circulaire du PM rendant exécutoire le Guide révisé de maturation des projets ;
    • validation de l’étude diagnostic du dispositif règlementaire et institutionnel d’indemnisation pour la mise en œuvre des projets d’infrastructures ;
    • mise en place d’un dictionnaire d’indicateurs de suivi de la mise en œuvre des politiques publiques (stratégie sectorielles et programmes).
    Composante 2 : renforcement de la gouvernance et la compétitivité dans les secteurs productifs

    Sous composante 2.1. Renforcement du cadre de la planification stratégique et de gestion des investissements publics
    • finalisation de l’actualisation du plan directeur routier et du cadre de l’entretien routier ;
    • prise d’un texte règlementaire portant réduction du délai de paiement par le Fonds Routier des factures des Entreprises / BET à 10 jours
    • (i) signature par le MINMAP d’au moins un marché d’entretien à niveau de service respectant le DAO type au profit d’une entreprise,
    • signature d’une décision portant catégorisation des entreprises et BET du secteur des BTP.
    • signature d’une convention de concession de la SONATREL en sa qualité de gestionnaire du réseau de transport de l’électricité ;
    • opérationnalisation de la SONATREL.

    Source : Comité technique
    de suivi des programmes économiques

    Ecarts entre directives et droit positif camerounais

    1- Durée des autorisations d’engagement
    La directive n°1
    ➜ Ne limite pas la durée des autorisations d’engagement (AE) ;
    La loi portant régime financier de l’Etat (LRFE)
    ➜ Limite les AE à 3 ans ;
    ➜ Ne prend pas en compte la mise en œuvre des contrats PPP ;
    ➜ Cette situation est préjudiciable aux investissements ayant une durée de vie de plus de 3 ans.

    2- Fongibilité des crédits
    La directive n°1
    ➜ Souplesse de gestion des moyens accordée au responsable du programme ;
    ➜ Principe de la fongibilité totale et asymétrique des crédits du programme ;
    ➜ Fixation des plafonds d’emploi par ministère ;
    La loi
    ➜ Fongibilité limitée à 15% au sein du programme ;
    ➜ Interdiction des mouvements de crédits à partir des dépenses de personnel au profit des dépenses d’une autre nature ;
    ➜ Ainsi, la limitation de la fongibilité dans la LFRE réduit la marge de manœuvre octroyée aux gestionnaires.

    3- Statut du responsable programme
    Statut du responsable programme
    Les directives et la loi introduisent un nouvel acteur budgétaire qui est le responsable de programme ;
    ➜ La directive fixe les conditions de sa nomination et ses attributions et un régime de responsabilités propre lui est aménagé ;
    ➜ Par contre la LRFE ne précise pas les conditions de sa nomination ni ses attributions et le régime de responsabilité auquel il est assujetti ;
    ➜ La transposition doit permettre de mieux encadrer ce nouvel acteur qui est l’artisan principal du budget programme.

    4- Rôle du contrôleur financier
    Le contrôleur financier est un acteur budgétaire
    Les directives n° 2 et n°3
    ➜ Consacre le contrôleur financier comme acteur budgétaire ;
    ➜ Définit et élargit les pouvoirs du contrôleur financier ;
    ➜ Introduit la possibilité de modulation de contrôle interne ;
    ➜ Cette option permet d’adapter le contrôle en fonction du niveau de risques et partant de le rendre plus efficace surtout dans un contexte de rareté de ressources humaines ;
    Le décret portant régime général de la comptabilité publique (RGCP)
    ➜ Le contrôleur financier n’est pas un acteur budgétaire aux pouvoirs étendus avec un régime de responsabilité individuelle spécifique.

    5- Création de la Cour des comptes
    Les directives n°1, 2 et 6
    ➜ La directive prévoit la création d’une Cour des comptes aux compétences élargies ;
    La LRFE
    ➜ Ces nouvelles attributions sont partiellement exercées par 2 institutions, la Chambre des Comptes et le Consupe
    ➜ Aucune ne remplit totalement les 8 critères de l’Organisation internationale des Cours des comptes (Intosai) ;
    ➜ La persistance de la dualité actuelle affaiblit la fonction contrôle;
    ➜ La conformité avec ces directives passe par une modification de la constitution.

    6- Débat d’orientation budgétaire
    La directive N°6
    ➜ La directive prescrit le débat d’orientation budgétaire (DOB) ;
    ➜ Le DOB permet de mieux comprendre l’articulation entre les lois de finances et les stratégies sectorielles de développement et de croissance ;
    ➜ Il renforce le pouvoir de contrôle démocratique et au-delà c’est le contrôle budgétaire du Parlement qui est renforcé
    ➜ Le débat intervient en séance publique ce qui contribue au renforcement du contrôle citoyen ;
    La Loi
    ➜ La LRFE ne prévoit pas de débat d’orientation budgétaire ;
    ➜ Pour l’instituer, il convient de revoir dans la constitution le nombre de sessions parlementaires.

    7- Fonds des partenaires au développement
    La directive n°1
    ➜ Les bailleurs de fonds sont tenus d’informer le ministre des finances de tout financement apporté aux administrations et son approbation préalable des documents y afférents avant son acceptation ;
    ➜ Ces fonds sont intégrés au budget général si accordés à l’Etat;
    ➜ Une annexe de la loi de finances en donne le détail de l’origine et l’emploi de ces fonds ;
    La Loi
    ➜ Pour la LRFE, aucune obligation n’est faite aux bailleurs d’informer préalablement le MINFI ni d’intégrer, le cas échéant, ces fonds dans le budget de l’Etat ;
    ➜ En conséquence il y a un risque de non exhaustivité de l’information budgétaire.

    Source: Minfi

    ‘’Nous devons respecter le principe de l’équité fiscale’’

    Les différentes réformes fiscales entreprises depuis sont porteuses d’un certain niveau de résultats. Mais nous pensons que le problème de l’équité fiscale reste si non entier mais profond

    Le directeur du Centre régional africain pour le développement endogène et communautaire (Cradec) se prononce sur les réformes fiscales au Cameroun. En sa qualité de membre du réseau Tax Justice, il s’appesantit au préalable sur les enjeux de la justice fiscale et la lutte contre les flux financiers illicites (FFI) en Afrique.

     

    Le Cradec en collaboration avec Tax Justice Network-Africa organise à Dakar du 18 au 19 juin une réunion de lancement du Projet sur la Justice fiscale et la lutte contre les flux financiers illicites en Afrique. De quoi il en retourne dans ce projet ?
    Ce projet s’inscrit dans le plan stratégique 2016-2020 du TJNA et fait suite à la composante des pays d’expression anglaise (Ghana, Nigeria, Tanzanie, Zambie et Ouganda). Le projet visera à renforcer et intégrer le mouvement et la campagne de la justice fiscale contre les flux financiers illicites au niveau national dans les trois pays sélectionnés, à savoir le Cameroun, le Sénégal et la Tunisie. Cet objectif sera atteint grâce à une sensibilisation accrue, la création d’alliances, le renforcement des capacités et la génération des connaissances sur la justice fiscale et les FFI. De plus, grâce à ce projet, TJNA et ses partenaires contribueront aux objectifs de réduire la pauvreté et d’accroître la démocratisation du projet appuyé par l’Agence norvégienne de la coopération internationale (Norad).

    Ainsi les objectifs spécifiques de la réunion de Dakar sont : renforcer l’appropriation et la compréhension partagée des objectifs du projet des partenaires de mise en œuvre ; examiner et harmoniser la documentation (cadre de résultats, budget et les clarifications sur la méthodologie) ; discuter et comprendre les termes et conditions de la subvention ; et intérioriser les outils ou modèles et les conditions de rapportage.

    En quels termes se pose la problématique de la Justice fiscale et la lutte contre les flux financiers illicites en Afrique ?
    La justice fiscale et la lutte contre les FFI en Afrique mettent en lumière plusieurs défis. Les économies africaines, caractérisées par une production de matières premières en proie à la volatilité des cours sur le marché international, sont face à un défi de mobilisation des ressources domestiques à travers la fiscalisation. L’autre défi est le phénomène de la fraude et de l’évasion fiscale des contribuables. La fausse facturation, la corruption et le détournement des deniers publics et la blanchiment des capitaux sont des facteurs favorables aux flux financiers illicites. L’assainissement du climat des affaires impose très souvent aux gouvernements des réformes pas toujours au bénéfice des budgets publics telles que des mesures d’incitation à l’investissement et l’octroi des exonérations financières. De telles mesures renvoient la charge fiscale sur les petites et moyennes entreprises nationales moins structurées ; dans le même temps les multinationales ne paient pas le juste impôt. Le faible dialogue ou l’absence de la prise en compte des problèmes du secteur privé est aussi l’une des caractéristiques la justice fiscale dans le continent.

    Comment sera conduit le projet lancé à Dakar ?
    En lien avec le plan stratégique de TJNA, le projet s’est fixé des objectifs au plan national dans les pays. Au Cameroun le projet vise à terme, un système fiscal plus inclusif, équitable et plus redevable vis-à-vis des citoyens. Ceci passe par plus d’ouverture du gouvernement pour une politique fiscale plus juste et une prise en compte des populations dans le respect et la mise en œuvre des recommandations de la vision minière africaine au plan national.

    Vous êtes le président de la branche camerounaise du réseau pour la justice fiscale en Afrique. Quel est l’état des lieux des Flux financiers illicites au Cameroun ?
    Le Cameroun est impacté par le phénomène. Les récents rapports à disposition font état des pertes budgétaires évaluées à plus de 6% du PIB au cours des 10 dernières années. Plusieurs causes allant de la fausse facturation dans les échanges commerciaux, la criminalité financière et les différents trafics illicites au sein de l’économie, jusqu’à la corruption au sein des administrations publiques sont à l’origine de ce phénomène. Tous ces déterminants sont l’objet des initiatives au plan national, mais il faut reconnaitre ces efforts sont insuffisants pour plus d’impact en faveur des politiques de développement.

    En votre qualité de président de la branche camerounaise du Réseau pour la justice fiscale en Afrique, quel regard vous portez sur les récentes propositions du patronat camerounais au sujet des différentes réformes fiscales entreprises par le pays ?
    Au-delà du classique Cameroon Doing Business, qui rassemble le gouvernement et le secteur privé avec pour focus principal l’amélioration du climat des affaires, le secteur privé et en particulier le Gicam, a bien voulu pousser le dialogue et la réflexion sur la fiscalisation des entreprises, en ce moment où le gouvernement est engagé dans un programme d’ajustement avec le FMI.
    En considérant la situation de la justice fiscale et les FFI d’une part et les besoins en financement de notre économie face à la crise actuelle d’autre part, nous nous questionnons quant à la pertinence du contenu de ces propositions et de leur efficacité pour que le pays puisse respecter les engagements pris dans le cadre du redressement des économies de la sous-région.

    Avez-vous le sentiment que certains (notamment grandes entreprises) ploient sous le poids des impôts, pendant que d’autres s’en passent ?
    Le cadre légal et règlementaire offre des avantages aux grandes entreprises du fait de leur présumé poids dans l’investissement. Il y a donc des entreprises qui exploitent à bonne escient ces privilèges. Dans le même temps, on a noté que bien bénéficiant de cet environnement, des entreprises ne sont pas aussi représentatives dans l’échiquier de l’investissement et notamment en rapport avec leurs engagements. On peut donc dire que certaines entreprises échappent à leurs obligations fiscales alors que d’autres paient le prix fort. Des exemples peuvent être cités dans la politique de privatisation de certains secteurs de l’économie nationale.

    Quelle analyse vous inspire les différentes réformes fiscales entreprises au Cameroun depuis quatre ans?
    Les différentes réformes fiscales entreprises depuis sont porteuses d’un certain niveau de résultats. Mais nous pensons que le problème de l’équité fiscale (horizontale et verticale) reste si non entier mais profond. Pour améliorer la performance par objectif, l’administration fiscale s’appuie davantage sur la fiscalité indirecte avec la TVA qui frappe plus la consommation. Mais la fiscalité directe qui impose les individus, les richesses des personnes physiques et morales proportionnellement à leur capacité contributive, reste encore peu explorée.

    Ceci créée des inégalités affectant davantage des couches dont les faibles revenus sont essentiellement orientés vers la consommation des biens courants. Les nantis à fort pouvoir d’investissement et de production sont moins ou faiblement imposés. Des réformes fiscales doivent donc être accentuées pour une fiscalité directe plus accrue pour plus de recettes fiscales du patrimoine, de la richesse. Une décentralisation fiscale rapprocherait l’administration du contribuable et ceci bénéficierait au processus de l’élargissement de l’assiette, à la formalisation, l’organisation des filières et secteurs de production et de services avec un cadastre fiscal plus structuré et juste.

    Avez-vous souvent fait des propositions à la direction générale des impôts sur certaines réformes fiscales ?
    Oui nous avons souvent associé la direction générale des impôts et même des douanes à nos réflexions. Mais nous devons souligner que notre administration fiscale a encore des efforts faire quant à la culture de l’écoute, surtout en direction des organisations de la société civile.

    Comment en arriver au juste impôt payé par chaque contribuable ?
    Pour arriver au juste impôt payé par chaque contribuable, nous devons respecter le principe de l’équité fiscale. La constitution nationale s’appuyant sur la déclaration universelle des droits de l’homme stipule que chaque citoyen doit participer aux charges publiques en fonction de ses capacités contributives. Une fois ce principe admis, l’information, l’éducation au civisme fiscal doivent être des actions permanentes en direction des contribuables pour le respect et la matérialisation de ce principe tout au long des lois de finances. D’un autre côté, le gouvernement doit manifester sa responsabilité et fidélité dans le contrat social qui s’articule autour de la redistribution de la richesse nationale à travers des services sociaux de base. Partant de là, le citoyen aura confiance vis-à-vis des pouvoirs publics qui à leur tour légitimeront leur autorité de prélèvement. Il se construirait ainsi un cercle républicain vertueux.

    Votre mot de fin
    Nous pensons qu’à force de sensibiliser, d’éduquer et de mobiliser pour le civisme fiscal, l’impôt bien que mal accepté par les populations, finirait par être reconnu comme un instrument de consolidation de la souveraineté des Etats africains en particulier pour la garantie de l’atteinte des objectifs de cette Afrique que nous voulons tous avec moins d’inégalités.

    Interview réalisée
    par Thierry Ndong

     

  • Performance: La CNPS à pleins pots

    Performance: La CNPS à pleins pots

    Pour l’exercice 2017, l’entreprise a réalisé un bénéfice de 54,3 milliards de francs CFA. Dans la foulée, le chef de l’Etat vient de décréter la réorganisation de la Caisse nationale de prévoyance sociale, à coup sûr dans l’objectif de la pérennisation des acquis.

    Le 07 juin 2018, S.E Paul Biya, président de la République du Cameroun, signe un décret portant réorganisation et fonctionnement de la Caisse Nationale de Prévoyance sociale (CNPS) du Cameroun. A travers la plume de Paul Biya, l’institution que dirige Noel Alain Olivier Mekulu Mvondo Akame devient plus autonome. En ce sens, la CNPS devient capable de se gérer et de se développer par elle-même, en prenant des décisions sans nécessairement que sa tutelle (le ministère du Travail et de la Sécurité sociale) n’intervienne dans sa gouvernance.

    D’autres lignes du même décret traitent de la gestion financière de l’entreprise. Tel que stipulé par le texte, la CNPS obéit désormais aux règles et principes du plan comptable de référence de la Conférence interafricaine de la prévoyance sociale (CIPRES). Cette organisation prescrit que sa gestion soit mise en œuvre par un directeur en charge des finances et de la comptabilité, placé sous l’autorité directe du directeur général. Ce changement met fin à la présence des agents comptable ou du contrôleur financier du ministère de tutelle dans ses services.

    Par ailleurs, conformément au décret présidentiel, la CNPS est désormais dispensée de l’application du Code des marchés publics. Elle pourra désormais lancer ses appels d’offres, les dépouiller et attribuer les marchés, sous le contrôle du Conseil d’administration, chargé de veiller au respect des règles de concurrence, d’égalité de traitement des candidats, de transparence et de juste prix. Les autres changements apportés par le décret du chef de l’Etat résident dans le traitement des employés, dont le reversement des cotisations devient une priorité, et dont un des représentants siégera au conseil d’administration.

    Dans son décret, le président de la République a tranché sur le mandat du président et des membres du Conseil d’administration de la CNPS. Il court désormais sur 03 ans, renouvelable une fois. Sont inéligibles à la qualité de membre, tous les représentants des employeurs redevables de cotisations sociales vis-à-vis de la Caisse.

    Résultats historique net

    «L’année 2017 s’est achevée dans la sérénité  à la CNPS». Il n’y en pas que pour le directeur général de la CNPS. Même le Conseil d’administration de cette structure l’exprime du haut des 54,3 milliards de francs CFA de résultats historique net réalisé. L’éditorial que signe Noel Alain Olivier Mekulu Mvondo Akame dans i-CNPS Cameroun (le bulletin d’informations de la CNPS) nouvellement paru, l’on apprend qu’en dépit d’une conjoncture difficile, le personnel est resté tourné vers l’efficacité opérationnelle. Le chiffre célébré en témoigne. Il situe sur la hausse enregistrée par fin 2016 (43,7 milliards de francs CFA).

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Réformes fiscales: le match Modeste Mopa/Célestin Tawamba

    Réformes fiscales: le match Modeste Mopa/Célestin Tawamba

    Le directeur général des impôts est pressé par le FMI d’augmenter la pression fiscale chaque année de 1%. Mais ses mesures sont critiquées par le patronat qui l’accuse d’accroître la charge fiscale d’une seule catégorie de contribuables.

    Modeste Mopa
    Célestin Tawamba

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    En ce 28 mai 2018, Modeste Mopa boit jusqu’à la lie le calice des critiques du patronat sur le système fiscal. Ce jour-là, le Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) tient sa cérémonie de remise officielle de ses propositions de réformes du secteur au ministre des Finances (Minfi). Après la présentation du document, rapporte une source présente, le directeur général des impôts (DGI) demande à prendre la parole. Mais le Minfi coupe court sa tentative. Louis Paul Motaze enjoint son collaborateur de prendre note des remarques du patronat. C’est en quasi spectateur que  l’inspecteur principal des régies financières assiste à ce que son entourage considère comme «le procès de son action à la tête de la Direction générale des impôts», où certains n’hésitent plus à affirmer que «Célestin Tawamba veut la tête du boss».

    Depuis son arrivée au sommet de l’exécutif du Gicam le 29 juin 2017, le président du groupe Cadyst Invest ne ménage pas le système fiscal camerounais. L’agro-industriel le considère comme l’un des «plus inéquitables» du monde. Il l’a notamment dit le 11 mai dernier lors de la présentation par le Fonds monétaire internationale (FMI) des perspectives économiques en Afrique subsaharienne. Dans son programme d’ajustement, le Cameroun s’est engagé à accroitre le taux annuel de pression fiscale en moyenne de 0,5% du produit intérieur brut (PIB) entre 2017 et 2019. A l’occasion, le FMI soutient pourtant qu’il est possible pour les pays de la région de l’élever annuellement de 1% du PIB sur les cinq prochaines années. «Il ne faut pas laisser croire un instant que nous allons à nouveau chercher les moyens de mettre plus de pression aux entreprises», réagit Célestin Tawamba à la recommandation de l’institution de Bretton Wood. «Nous sommes tous d’accord qu’il faudrait plus de recettes. Mais, c’est sur le comment que nous ne sommes pas d’accord», ajoute-t-il.

    Griefs

    Au Gicam, on défend l’idée qu’une baisse du taux d’imposition n’est pas incompatible avec l’objectif d’accroissement des recettes fiscales. Mais à en croire le patronat, la politique fiscale actuelle suivrait plutôt une logique inverse. Dans son discours du 28 mai dernier, le président du Gicam égraine donc les récriminations: «notre système fiscal reste redouté par les entreprises camerounaises du fait de sa complexité et de son caractère injuste». Bien plus, poursuit-il, «pour certaines entreprises, notre fiscalité est devenue confiscatoire, et pour d’autres, elle s’est muée en véritable obstacle au développement». Pour illustrer les imperfections du système actuel, le patron des patrons rappelle par exemple au Minfi que «le nombre de réclamations contentieuses introduites par les contribuables devant l’administration fiscale est passé de 1442 à 2567 (+78%) sur la période 2014-2015 pour un montant des impositions contestées qui a plus que doublé, passant de 112 à 255 milliards francs CFA».

    Le président du groupe Cadyst Invest dénonce notamment le fait qu’au moment où les grandes entreprises voient leur chiffre d’affaires baissé de 15%, leurs charges fiscales, quant à elles, seraient en augmentation. Les grandes entreprises qui, selon le dernier recensement de l’Institut national de la statistique, représentent moins de 1,5% du parc, supporteraient à ce jour, à en croire le Gicam, 90% de la contribution des entreprises aux recettes fiscales. Cette pression se caractérise notamment, pointe Célestin Tawamba,  par la multiplication des taux des précomptes et des acomptes, et dans certains cas au doublement de ceux-ci ; le durcissement des conditions de déductibilité fiscale de certaines charges en matière d’impôt sur les sociétés ; l’instauration de multiple droits d’accises, d’une taxe spéciale sur le revenu et d’un droit d’enregistrement sur les marchés publics.

    L’inspecteur des impôts, Symphorien Ndzana, est l’un des auteurs les plus prolifiques de ces dernières années sur la fiscalité. Il a notamment écrit «La fiscalité, levier pour l’émergence des pays africains de la zone franc : le cas du Cameroun» en 2015 et «Sauvons l’impôt pour préserver l’Etat» en 2018. Pour lui, l’impression de subir une forte pression fiscale vient du fait que «l’administration fiscale qui peine à fiscaliser le secteur informel (30% du PIB selon le FMI) s’adresse toujours aux mêmes contribuables».

    Réplique

    «La fraude fiscale peut être une autre explication de l’impression de pression fiscale que peut légitimement exposer la frange de la population fiscale conforme», répond pour sa part le DGI dans une interview au quotidien gouvernemental Cameroon tribune, édition du 25 janvier 2018. A en croire Modeste Mopa, «il faut la combattre vigoureusement afin d’édifier un système fiscal toujours plus juste». Sur cette question, on ignore ce que propose le Gicam, qui regroupe la quasi-totalité des filiales des multinationales souvent soupçonnées d’optimisation et même de fraude fiscale. On ne sait pas non plus ce qu’il préconise en ce qui concerne les «privilèges fiscaux légalement consacrés».

    L’ancien conseiller en administration fiscale au FMI postule pourtant que le «mouvement de décrue des taux d’imposition», qu’il dit déjà amorcé notamment sur l’impôt sur les sociétés, la taxe spéciale sur les revenus et les droits d’enregistrement, «ne serait total que si le secteur privé acceptait de son côté de renoncer aux avantages fiscaux exorbitants qui amenuisent l’assiette fiscale». Le rapport sur les dépenses fiscales, joint à la loi de finances de 2018, montre en effet que les exonérations fiscales se sont chiffrées à 451 milliards de francs CFA en 2016, soit environ 20 % du total des recettes et 2,4 % du PIB. Dans ce montant, les recettes collectées par la Direction générale des impôts représentent 339 milliards (330 milliards pour la TVA et 9 milliards pour les droits d’assises), soit près de 1,8% du PIB. Pour accroitre chaque année la pression fiscale de 1% du PIB comme le recommande le FMI, le fisc pourrait dont ne pas toucher au taux d’imposition, mais réduire simplement lesdites exonérations. C’est ce que conseille d’ailleurs l’institution de Bretton Woods.

    Nouveau paradigme

    L’organisation patronale insiste de son côté sur un changement de paradigme en matière d’impôt sur les sociétés: «il s’agit de sortir du principe de fiscalisation sur le chiffre d’affaires pour revenir au principe et à l’orthodoxie de fiscalisation des entreprises sur le bénéfice», explique son président. En l’état actuel du modèle fiscal, ce changement aura pour conséquence de réduire d’environ 45 milliards francs CFA la charge fiscale des 2 000 entreprises du fichier de la DGI, échantillon de l’étude du Gicam. Pour compenser cette perte de recette pour l’Etat, le patronat propose non pas une réduction des exonérations fiscales, mais une restructuration du système de l’impôt libératoire, qui s’applique aux très petites entreprises. Selon ses calculs, cette réforme permettrait à l’Etat d’engranger des recettes supplémentaires de l’ordre de 65 milliards de francs CFA. Pour l’instant, c’est tout ce qui est connu des propositions de réforme remises à Louis Paul Motaze. Tout ce que consent à dire le Gicam est que la révision du système fiscal proposée va permettre d’élargir l’assiette fiscale, tout en préservant la poule aux œufs d’or que sont les entreprises. Célestin Tawamba soutient même que «le système fiscal aujourd’hui ne permet pas d’élargir l’assiette fiscale».

    Dans cette interview accordée à Cameroon Tribune, Modeste Mopa place pourtant son action en cette année 2018 dans le sillage de la consolidation des acquis, estimant que les réformes entreprises ces dernières années «ont permis de réaliser les résultats positifs». Et d’argumenter: «A titre d’illustration, pour l’exercice 2017 qui vient de s’achever, dans un environnement particulièrement difficile, la DGI a collecté des recettes fiscales non pétrolières de 1734 milliards de francs CFA contre un objectif 1719 milliards de francs CFA». Le diplômé en administration publique de l’Ecole nationale d’administration de Paris continue: «L’administration fiscale de notre pays a ainsi réussi à dépasser les objectifs de collecte de recettes qui lui étaient assignés. C’est la traduction de la solidité de notre système fiscal».

    Vrai indicateur

    Pour nombre d’experts en fiscalité, cette ligne de défense du patron du fisc camerounais est peu convaincante. Pour eux, la performance d’une administration fiscale se mesure par le taux de la pression fiscale. En effet, la pression fiscale définit l’importance relative des prélèvements obligatoires dans l’économie nationale. Elle est une grandeur macroéconomique qui s’obtient en faisant un rapport entre le montant des prélèvements obligatoires et la richesse nationale. Une administration est donc efficace si elle arrive à collecter une part optimale de recettes en rapport avec la richesse nationale créée. Et pour l’instant, le Cameroun est encore loin des standards.

    En 2015, le taux de pression fiscale (base recettes globales y compris cotisations sociales et recettes affectées) s’est situé à 16,3%. Un chiffre éloigné de la «moyenne Afrique (16)» qui est de 19,1%. Ce taux inférieur à celui du Rwanda (16,7%), du Niger (17%), de la Côte d’Ivoire (17,6%), du Kenya (18,4%), du Cap Vert (19,2%), du Sénégal (20,8%), du Togo (21,3%) a même encore baissé en 2016 pour atteindre 15,1%. Et l’objectif en 2017 était de le faire croitre de 0,4% et de 0,5% en 2018.

    «Si on prend par exemple l’objectif des recettes de la loi de finances, le taux de pression fiscale serait en progression de 0 % par rapport au PIB alors que dans le programme, on envisageait une progression 0,5 point», relevait le 14 mai dernier Corinne Déléchat. Le chef de mission du FMI pour le Cameroun venait d’achever la deuxième revue d’évaluation du programme d’ajustement du pays. Comme exigé par le fonds, les autorités camerounaises viennent de procéder à un correctif budgétaire. L’ordonnance signée à cet effet, le 04 juin dernier par Paul Biya, augmente de 67 milliards de francs CFA les prévisions de recettes fiscales, accentuant de fait la pression sur le natif de Guidiguis, dans le Mayo Kani, région de l’Extrême-nord. Modeste Mopa est coincé entre le marteau et l’enclume.

    Aboudi Ottou

  • Gestion des finances publiques : Le Cameroun poussé vers un big bang

    Gestion des finances publiques : Le Cameroun poussé vers un big bang

    Pour bénéficier des appuis budgétaires dans le cadre de son programme avec le Fonds monétaire international, le pays doit réaliser un certain nombre de réformes. Celles-ci vont modifier le processus d’élaboration, de contrôle et  d’exécution du budget.

    Travaux de la 4ème session de la plateforme de dialogue sur les finances publiques.

     

    Lire la suite en seul clic

    Aboudi Ottou

     

     

  • Réformes fiscales: Le match Modeste Mopa /  Célestin Tawamba

    Réformes fiscales: Le match Modeste Mopa / Célestin Tawamba

    Le directeur général des impôts est pressé par le FMI d’augmenter la pression fiscale chaque année de 1%. Mais ses mesures sont critiquées par le patronat qui l’accuse d’accroître la charge fiscale d’une seule catégorie de contribuables.

    Modeste Mopa

    Propos recueillis par Rémy Biniou

     

    lire la suite en un seul clic

     

     

  • Présidentielle 2018 au Cameroun: le temps des batailles géostratégiques

    Présidentielle 2018 au Cameroun: le temps des batailles géostratégiques

    Etats-Unis, France, Chine, Russie… chaque puissance va de sa stratégie pour s’assurer que le prochain président camerounais préservera ses intérêts dans ce pays pivot du golfe de Guinée.

    Comme avant les élections présidentielles de 2011, Paul Biya s’est encore rendu en Chine cette année.

    Il y a un aspect de la déclaration polémique de l’ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun qui bénéficie, jusqu’ici, de peu d’attention. Il s’agit pourtant de la première «question d’intérêt commun» dont Peter Henry Barlerin dit avoir discuté avec Paul Biya lors de cette fameuse audience au palais de l’Unité de 90 minutes le 17 mai 2018. «Premièrement, le président a convenu avec moi de l’importance d’accueillir les entreprises américaines au Cameroun et de les traiter équitablement», lit-on en début du communiqué publié par le diplomate américain au lendemain de cette rencontre.

    «Zone d’intérêt vital»

    A Kalak FM, une radio urbaine de Yaoundé, où Peter Henry Barlerin est invité le même jour, l’ancien directeur du bureau des affaires économiques et régionales couvrant l’Afrique subsaharienne se montre même plus directif: «J’ai dit à monsieur le président que nous nous attendons à ce que les sociétés américaines soient traitées d’un pied d’égalité avec les sociétés camerounaises et des autres pays tiers tels la Chine, la France…» Déduction logique : les Etats-Unis d’Amérique estiment que les entreprises des pays cités bénéficient d’un traitement de faveur de la part de Yaoundé.

    Ce d’autant que, assure l’ambassadeur, «les entreprises américaines ont beaucoup mieux à offrir en termes de formation et de développement de la main-d’œuvre, de technologie et de respect des droits de l’homme et de l’environnement». A l’en croire, la criminalisation des pratiques de corruption des entreprises américaines à l’étranger est aussi un atout. Car elle garantirait que le coût de l’investissement ne soit renchéri par la corruption.

    Dans le sérail, on s’appuie sur ce plaidoyer pour rappeler cette évidence: «Les Etats-Unis ne sont nullement mus par l’intérêt du peuple camerounais mais par les leurs». Ici, on soutient que si Washington ne souhaite plus que Paul Biya soit au pouvoir après octobre 2018, comme suggéré par Peter Henry Barlerin, c’est parce que l’actuel locataire d’Etoudi ne garantirait plus ses intérêts. Pour mieux comprendre les enjeux, il faut savoir que le Cameroun est considéré comme le pays pivot du golfe de Guinée.

    Cette zone aux contours flous a été déclarée depuis plusieurs années déjà «zone d’intérêt vital»  par les autorités américaines. Pourtant,  «les Etats-Unis se sont rendus comptent que la France et l’Otan qui assuraient son influence dans la région n’ont plus les moyens de le faire. D’où sa démarche actuelle» analysent certains géostratèges proches du ministère camerounais de la Défense. On peut d’ailleurs voir dans le message de félicitations de Macron à Paul Biya, message envoyé à l’occasion de la célébration de la 46ème édition de la fête nationale du Cameroun, une certaine forme de résignation.

    Désir d’éternité

    Cette perte d’influence s’est faite notamment au profit de la Chine. Tout bascule au milieu des années 2000. Paul Biya décide de rester au pouvoir au-delà de 2011, contrairement à ce que prévoit la constitution de l’époque. Le président camerounais réoriente sa stratégie diplomatique et donne plus d’allant à la coopération sud-sud qui «met en avant les principes de non-ingérence et de neutralité et développe un discours dépourvu d’injonctions, de menaces et de sanctions», explique l’internationaliste Christian  Pout (voir interview page 11). Selon le président du Think Tank Ceides, cette option se manifeste notamment par la récurrence des visites de Paul Biya dans les pays émergents: Brésil (août 2010), Turquie (mars 2013) et Chine (septembre 2003, novembre 2006, juillet 2011 et mars 2018).

    L’Empire du Milieu est depuis devenu le premier bailleur de fonds du Cameroun avec un volume de créances en fin 2017 de plus de 1 375,9 milliards francs CFA, soit 67,7% de la dette bilatérale et 34,4% de la dette extérieure. Selon le décompte fait au 31 juillet 2016 par la Caisse autonome d’amortissent, le gestionnaire de la dette du pays, la dette due à la Chine représentait plus du double de celle due à la France (478,2 milliards de francs CFA), le deuxième bailleur bilatéral, et dépassait de plus de 120 milliards la dette due aux bailleurs multilatéraux (BAD : 170 millions; BADEA : 21, 665 milliards ; BDEAC: 5,57 milliards ; BID : 75,202 milliards ; FAD : 274,072 milliards; FIDA :33,42 milliards ; FMI : 52,235 milliards ; FS OPEP : 23,185 milliards ; IDA : 518, 025 milliards ; UE : 39, 56 milliards).

    L’ogre russe

    Nombre de grands projets d’infrastructures en cours ou récemment réalisés dans le pays, dans les secteurs aussi variés que l’énergie (construction des barrages), les transports (construction des ports et des autoroutes) et les télécommunications (pose de la fibre optique) sont conduits par les entreprises chinoises. Ces dix dernières années, Pékin a injecté plus de 3000 milliards de francs CFA au Cameroun.

    La Chine, c’est aussi le premier fournisseur du Cameroun (avec 18%) et deuxième acheteur (avec 14.7%), derrière l’Espagne (16,7%) et devant les Pays-Bas (10,4%). «Et la visite de Paul Biya à la veille de l’élection présidentielle de 2018 a montré que si Paul Biya est réélu, cela ne risque pas de changer», commente un observateur averti.

    La rage des Américains est d’autant plus grande que la Russie monte en puissance dans la région. Moscou et Yaoundé ont désormais une coopération militaire décomplexée. Les entreprises russes commencent même à gagner des marchés juteux. Gazprom Marketing & Trading Singapore Pte Ltd s’est, par exemple, adjugé en 2015 et pour une période de huit ans, toute la production de gaz liquéfié du Cameroun.

    Cette production qui a débuté en avril dernier devrait atteindre 1,2 million de tonnes par an. «Au regard des enjeux, les Etats-Unis sont prêts allés jusqu’au bout», craint-on au ministère camerounais des Relations extérieures. En cas d’alternance en 2018, le nouveau président ne devrait pas perdre cela de vue.

    Aboudi Ottou

    Christian Pout: «La coopération Chine-Cameroun met en avant les principes de non-ingérence»

    L’internationaliste, maître de conférences associé à l’Institut théologique de la compagnie de Jésus d’Abidjan et à l’Institut Catholique de Paris, est à la tête du Think Tank baptisé Centre africain d’études internationales, diplomatiques, économiques et stratégiques (Ceides). Il analyse les ressorts de la coopération entre Yaoundé et Pékin. 

    Christian Pout

    A la fin de chacun de ses deux derniers mandats, Paul Biya s’est rendu en visite officielle en Chine. Est-ce une simple coïncidence ?
    Aucun indicateur sérieux ne nous permet de dire qu’il ne s’agit pas d’une simple coïncidence. Vous savez, l’organisation d’une visite d’Etat dépend largement de nombreux paramètres officiels et non officiels intrinsèques à chacune des parties en présence. Ce qu’il faut retenir, à mon avis, c’est que les visites officielles du président Paul Biya en Chine témoignent du caractère très étroit de la relation entre les deux pays. En effet, la Chine et le Cameroun se considèrent comme «des pays frères et amis».

    Sur le plan du timing, de manière symbolique, la visite du président Biya en Chine, du 22 au 24 mars 2018, est intervenue non seulement au début du nouvel an Chinois (l’année du Chien), mais également quelques jours après les sessions paritaires de l’Assemblée populaire nationale (APN) et de la Conférence consultative politique du peuple Chinois (CCPPC) qui ont signé la reconduction du président Xi Jinping à la tête de la République populaire de Chine pour un second mandat. Cette visite intervient également dans le cadre de la préparation du 3e Forum sur la coopération Chine-Afrique (FOCAC) prévu à Pékin en septembre 2018.

    La coopération entre le Cameroun et la Chine a commencé à connaitre une densification particulière après la modification de la constitution de 2008 qui a permis à Paul Biya de se maintenir au pouvoir. Pourrait-il avoir un lien entre les deux évènements ?
    Le Cameroun et la Chine entretiennent une relation que l’on pourrait qualifier de «privilégiée» depuis bientôt cinquante ans. Cette relation s’est particulièrement densifiée ces dernières années à la faveur de l’importance grandissante accordée à l’Afrique (et donc au Cameroun) dans l’agenda diplomatique chinois, mais aussi de la volonté plus assumée du Cameroun de s’ouvrir à de nouvelles formes de partenariat.

    Contrairement aux partenaires occidentaux, la Chine a la réputation de fermer les yeux sur les questions de gouvernances politiques. N’est-ce pas pourquoi le président camerounais s’est retourné vers l’Empire du Milieu à ce moment précis?
    De manière constante, le cadre de la coopération Sud/Sud qui est celui dans lequel s’inscrit la coopération Chine-Cameroun, met en avant les principes de non-ingérence et de neutralité et développe un discours dépourvu d’injonctions, de menaces et de sanctions. Si cette forme de coopération séduit de plus en plus les décideurs camerounais – comme en témoigne la récurrence des visites du président Paul Biya dans les pays émergents : Brésil (août 2010), Turquie (mars 2013) et Chine (septembre 2003, novembre 2006, juillet 2011 et mars 2018) – c’est parce qu’elle accorde une place de choix au respect de la souveraineté des Etats. Le renforcement de la coopération bilatérale entre le Cameroun et la Chine remonte au début des années 2000. L’intérêt du Cameroun pour la Chine peut se comprendre. C’est un partenariat qui porte des fruits dans de nombreux domaines mais qui n’est pas exempt de tout reproche, loin de là.

    Selon les chiffres de la direction générale de la coopération et de l’intégration régionale au ministère camerounais de l’Economie, la Chine a injecté plus de 3000 milliards de francs CFA au Cameroun ces dix dernières années. Au-delà, des intérêts que génèrent ces prêts,  quelle est la contrepartie d’un tel investissement ?
    La Chine cherche à susciter et entretenir chez la partie camerounaise une attitude favorable à poursuite des intérêts chinois sur le long terme. Lesquels intérêts renvoient bien évidemment aux enjeux énergétiques de la Chine. Car, en Afrique et donc au Cameroun, Pékin voudrait mettre en place des coalitions pour garantir ses approvisionnements en matières premières. La quête des débouchés pour les entreprises chinoises se greffe à cet enjeu énergétique.

    C’est dans cette perspective que le président camerounais, mais aussi les présidents namibien et zimbabwéen qui ont, eux aussi, effectué des visites en Chine (mars et avril 2018) ont été invités par leur homologue chinois à rejoindre la Belt and Road Initiative qui vise, entre autres, à promouvoir la coopération entre les pays et à renforcer la position de la Chine sur le plan mondial, par exemple en préservant la connexion de la Chine avec le reste du monde.

    A votre avis qui est le grand bénéficiaire de cette coopération?  
    Précisons d’entrée de jeu que la coopération entre la Chine et le Cameroun est régie par le principe du «partenariat gagnant-gagnant». Ceci se traduit dans la pratique par la mise en œuvre de prestations qui maximisent les «gains absolus», c’est-à-dire, les gains qui vont profiter aux deux joueurs. Toutefois il  faut souligner que «partenariat gagnant-gagnant» ne signifie pas toujours «partenariat fifty-fifty». C’est actuellement le cas dans le volet économique des relations d’échanges entre la Chine et le Cameroun, où la Chine est le plus grand bénéficiaire, non pas à cause d’une prétendue volonté hégémonique de sa part, mais  parce que la nature des produits échangés par le Cameroun favorise cet état de choses.

    Les exportations camerounaises en direction de la Chine sont constituées de matières premières et produits non ou peu transformés (bois et ses dérivés, coton, comestibles minéraux, ressources minérales, aluminium, caoutchouc, fontes, fer, acier). Tandis que les exportations de la Chine vers le Cameroun sont des produits manufacturiers. Or, le prix des produits transformés est généralement plus élevé (deux, trois, dix et même vingt fois) que celui de la matière première. En négligeant cette donnée, le Cameroun fait le choix de se spécialiser dans la production de biens à faible valeur ajoutée. Il revient aux dirigeants camerounais de (re)définir les contours de cette coopération en toute responsabilité et en rapport avec la trajectoire de notre pays vers son émergence d’ici 2035.

    Interview réalisée par Aboudi Ottou

     

  • Diplomatie: les non-dits des attentions de Yaoundé à Abuja

    Diplomatie: les non-dits des attentions de Yaoundé à Abuja

    Au regard de la carte «crisogène» actuelle du Cameroun, le président Biya est convaincu que la sécurité du pays dépend en grande partie de la qualité de la coopération militaire avec le Nigeria.

    C’est devenu presqu’une coutume. Depuis quelques années, le Cameroun invite l’armée d’un «pays amis» à prendre part à la parade militaire organisée à l’occasion de sa fête nationale. Mais il y a eu quelque chose d’inhabituelle cette année. Les autorités camerounaises ont pris des mesures pour donner davantage de visibilité à la participation de l’armée nigériane aux festivités de la 46ème édition de la fête de l’Unité.

    Le 15 mai, le ministère camerounais de la Défense (Mindef) organise un voyage de presse à destination d’Abuja. Un avion, le MA 60 de l’armée camerounaise, est affrété en aller-retour pour une vingtaine de professionnels de médias entre les capitales des deux pays. Selon le colonel Didier Badjeck, chef de la division de la communication au Mindef, l’objectif de cette initiative est de permettre aux journalistes de «toucher du doigt l’excellence de la coopération militaire entre le Cameroun et le Nigeria».

    Les portes de la Lungi Barracks, caserne militaire où se préparent les 180 éléments de la Guard Brigade appelés à défiler dimanche au boulevard du 20 mai sont ouvertes à la presse. Afin de montrer l’enthousiasme des soldats de cette unité d’élite de l’armée nigériane, en charge de la protection du président de la République fédérale, des résidences présidentielles et de hautes personnalités étrangères. Ladite unité s’occupe par ailleurs de l’animation des grandes cérémonies officielles au Nigeria). «C’est un honneur et un signe de grande estime pour mes hommes et moi de venir prendre part à la fête nationale du Cameroun, ce pays, bon et grand voisin du Nigeria» confirme devant les caméras, le lieutenant-colonel Mukhtar Sani Daroda, commandant du contingent constitué pour répondre à l’invitation de Yaoundé.

    Enjeux

    En fait, depuis quelques années déjà, les dirigeants camerounais ne ménagent aucun effort pour afficher une parfaite entente avec le Nigeria. Au mois de mai 2016, Paul Biya, qui goûte peu aux voyages sur le continent, effectue, en l’espace d’une dizaine de jours, deux visites officielles à Abuja. D’abord les 3 et 4 pour une visite d’Etat, et puis le 14 pour participer au deuxième sommet régional sur la sécurité au Nigeria et dans les pays voisins. «Ça ne s’est jamais passé dans les annales des visites officielles dans le monde», commente le Haut-commissaire du Cameroun à Abuja. Selon Salaheddine Abbas Ibrahima, rencontré dans son bureau au Lobito Crescent Wuse II, c’est d’ailleurs à l’investissement personnel des deux chefs d’Etat que l’on doit le raffermissement des relations entre les deux parties observé depuis la visite de Muhammadu Buhari au Cameroun en fin juillet 2015.

    La raison de cet engagement, indique-t-on au Mindef, est le fait que «seule une politique de sécurité collective sincère donnera des résultats probants contre les menaces pluri-formes qui sont devenues les marqueurs géostratégiques dominants de la région». Cette réalité «impose une coopération plus resserrée entre le Cameroun et le Nigeria», précise-t-on ici. En effet, les deux pays partagent plus de 1800 kilomètres de frontières maritime et terrestre. Les populations frontalières privilégient les liens tribaux au détriment du découpage géographique hérité de la colonisation. En plus, la zone est riche en ressources naturelles et suscite des convoitises. Tout ceci complexifie la sécurisation de la région. Les principaux points «crisogènes» du Cameroun sont d’ailleurs situés le long de sa frontière avec le Nigeria. Il s’agit notamment de la frontière maritime où la menace des pirates impose toujours une certaine vigilance, de la frontière terrestre à l’Extrême-Nord ou sévit encore Boko Haram, et des régions du Nord-Ouest et le Sud-Ouest où se développent des groupes armées d’inspiration séparatiste.

    Crise anglophone

    «La riposte globale». Le concept, cher au président camerounais, a commencé en fait à se rendre nécessaire dans la lutte contre la piraterie maritime, inspirant le sommet de Yaoundé sur la sureté et la sécurité dans le golfe de Guinée en 2013, avant de devenir indispensable dans la lutte contre le terrorisme dans le bassin du lac Tchad. Les autorités camerounaises en deviennent convaincues entre juin 2014 et janvier 2015, lorsque Boko Haram, fort des positions conquises dans le nord-est du Nigeria, lance «des opérations de grande envergure» contre la région de l’Extrême-nord du pays.

    «Nous étions limités parce qu’on ne pouvait poursuivre l’ennemie au-delà de nos frontières et on avait très peu d’informations sur ce que faisait l’armée nigériane de l’autre côté de la frontière», confient plusieurs officiers camerounais lors d’un reportage sur la ligne de front, en fin septembre 2015. «Avant que la Force multilatérale mixte (FMM) ne se mette en place, les deux armées étaient sur le terrain, mais je peux vous dire qu’il y avait que des contacts informels entre les officiers formés au Cameroun et vice-versa, qui, du fait de leurs relations personnelles acquises lors de la formation, pouvaient collaborer sur le terrain», confirme le colonel Roger Kuitcheu, l’attaché de défense auprès du Haut-commissariat du Cameroun à Abuja.

    Forces multinationales

    L’entrée en scène de la FMM courant 2015 a justement tout changé. «La Force multinationale mixte comporte un secteur qui est géré par l’armée camerounaise et les échanges entre le secteur camerounais et les autres secteurs et surtout le secteur nigérian se passent très bien. On se soutient sur tous les aspects : échanges de renseignements, soutiens logistiques…» explique le colonel Kuitcheu. Pour cet officier supérieur, fort d’une expérience acquise sur plusieurs théâtres d’opération (Bakassi, Darfour, RCA, Boko Haram), les résultats sur le front de la lutte contre Boko Haram sont le fait de cette «bonne coopération entre les deux armées».

    Même s’ils abstiennent de le dire publiquement, les dirigeants camerounais, hantés par le soupçon que nombre de combattants qui peuplent les milices dans le Nord-ouest et le Sud-ouest du pays viennent de l’autre côté de la frontière,  rêvent d’une collaboration similaire sur le front ouest. Depuis que la crise anglophone a viré à une «quasi guerre civile», les autorités nigérianes ont promis qu’elles ne permettraient pas que «le territoire Nigeria serve de base arrière pour déstabiliser le Cameroun». Joignant la parole à l’acte, Abuja facilite l’arrestation et l’extradition, au mois de janvier 2018, de plusieurs leaders sécessionnistes dont Sisiku Julius Ayuk Tabe, président autoproclamé de la «République fédérale d’Ambazonie». Yaoundé, qui veut visiblement plus, doit travailler à améliorer la coopération sécuritaire bilatérale avec son grand voisin. En dehors du cadre multinational (Force multinationale mixte), le droit de poursuite reste par exemple à obtenir.

    Aboudi Ottou envoyé spécial à Abuja

     

    Salaheddine Abbas Ibrahima

    «Il y a encore beaucoup à faire»

    En plus des questions sécuritaires, la démarcation de la frontière entre les deux pays et le développement des échanges commerciaux sont autant de défis à relever. Le Haut-commissaire du Cameroun au Nigeria fait le point sur ces dossiers.

     

    Ces derniers mois, on a beaucoup vanté l’excellente coopération militaire entre le Cameroun et le Nigeria. Qu’en est-il de l’application des dispositions de l’accord de Green tree?
    Pour l’accord de Green tree, il n’y a aucun problème. La meilleure illustration est que sur les 2000 kilomètres que nous avons à démarquer, il ne reste qu’une soixantaine de kilomètres à parcourir. N’eussent-été les réserves émises par le personnel des Nations unies quant aux questions de sécurité aux frontières, ce travail aurait déjà été terminé. Le Représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest, Dr Ibn Chambas, a rencontré les deux parties et nous sommes désormais en passe de terminer l’opération. Ce n’est plus qu’une question de temps.

    Pour renforcer la coopération entre le Cameroun et le Nigeria, nombre de projets communs étaient envisagés où en êtes-vous?
    En effet, il y a beaucoup de projets communs, à l’exemple des postes communs de douanes et de contrôle de la répression de la contrebande. Nous avons une série de «mesures de confiance» que nous sommes en train de mettre en œuvre. Il s’agit de la construction de la route Enugu-Bamenda, qui va réduire à quatre ou à cinq heures le voyage entre ces villes nigériane et camerounaise. En  2008, quand je suis arrivé, il fallait entre 24 et 30 heures pour faire le même trajet. Le projet doit être inauguré incessamment. Il y a aussi le projet de construction du pont sur le Mayo-Tiel, entre Demsa au Cameroun et Belel au Nigeria, avec une série de travaux connexes sur l’axe Djabi-Lamba-Garoua. Nous avons déjà paraphé le mémorandum d’entente, et nous sommes en train de nous atteler à la recherche de financements. Nous avons également entamé les études pour le projet de pont sur Elbeid entre Gamboru (Nigeria) et Fotokol (Cameroun).

    Quelle est la structure actuelle des échanges commerciaux entre les deux pays ?
    Sur le plan des relations économiques, il y a trois ou quatre ans, le Nigeria a été classé comme notre premier partenaire d’importation. Malheureusement, compte tenu de l’insécurité le long de la frontière, les mouvements des personnes et des biens ont été freinés. Mais le Nigeria reste quand même parmi les cinq premiers partenaires directs du Cameroun en matière d’importations. Pour ce qui est des exportations, il y a encore beaucoup à faire. Le marché nigérian reste à conquérir.

    On a parlé à un moment de l’organisation d’un forum d’affaires Nigeria-Cameroun à Abuja. Est-ce toujours à l’ordre du jour ?
    Si. Nos derniers échanges ont porté sur l’organisation pratique du forum. Mais là, nous entrons dans une période électorale au Nigeria et au Cameroun. Ces deux évènements concomitants ont un peu freiné les choses. Qu’à cela ne tienne, le projet est toujours à l’ordre du jour.

    Propos recueillis à Abuja par AO

  • Crise anglophone : les secrets des câbles diplomatiques français

    Crise anglophone : les secrets des câbles diplomatiques français

    Ces documents, récemment déclassifiés, concernent notamment la période 1961-1985. Ils montrent bien l’existence d’une volonté d’assimiler le Cameroun occidental-anglophone au Cameroun oriental-francophone, pendant le processus de construction de l’Etat unitaire.

    «La réunification s’est faite sur une équivoque, Yaoundé considérant que la fédération ne constituait qu’une phase transitoire alors que outre-Mungo l’on voyait dans la réunification la consolidation d’une très large autonomie à l’égard de toute métropole européenne ou africaine». Nous sommes le 08 janvier 1962 lorsque l’ambassadeur de France au Cameroun écrit ces lignes. Jean-Pierre Bernard, en transmettant ses instructions à Ives Robin, le nouveau consul de France à Buea, fait cette précision pour que son collaborateur comprenne dans quel contexte s’inscrit sa mission. Cette correspondance fait partie de la pile de documents que vient de déclassifier la France. Il s’agit des courriers échangés entre les diplomates français présents au Cameroun et ceux destinés au ministère français des Affaires étrangères. Les lettres en notre possession couvrent la période 1961-1985.

    L’ambassadeur de France au Cameroun d’alors illustre mieux cette équivoque lorsque le 28 novembre 1962, il fait, à l’attention du Quai d’Orsay, le bilan de l’an un de la réunification. «Dès le départ, les malentendus étaient nombreux. Les dirigeants de l’ancienne République, formés à l’école des légistes français souhaitaient un Etat fort, centralisé, unitaire. Sur les pentes du Mont Cameroun, on rêvait d’une République pastorale et patriarcale, que des liens plus sentimentaux que juridiques auraient rattachés à une grande sœur. La réunification représentait plus pour monsieur Foncha (Premier ministre du Cameroun occidental) et son entourage l’espoir d’être aidés et secourus par Yaoundé, que d’être gouvernés par lui», analyse-t-il.

    Fédéralisme aux forceps

    Comme l’ont souvent soutenu nombre d’historiens, le diplomate français affirme que la colonisation est la cause de ces divergences: «les deux Etats fédérés après une brève période d’union sous la domination Allemande, avaient connu des régimes profondément dissemblables. Le système anglais de l’Indirect Rule avait respecté les structures indigènes et délégué aux autorités traditionnelles une bonne part de responsabilité. L’opposition était fondamentale avec un régime centralisateur, unificateur et législateur à outrance, tel que la République du Cameroun l’avait hérité de l’administration française et qu’elle se plaisait à exagérer certains traits», peut-on lire dans ce câble de Jean-Pierre Bernard du 28 novembre.

    Ives Robin, consul de France à Buea: «le bilan est largement positif et si le mouvement non d’harmonisation mais « d’alignement » du Cameroun occidental sur le Cameroun oriental n’a pas été aussi rapide que les autorités fédérales l’auraient souhaité, il est néanmoins en bonne voie»

    «Depuis la réunification pour laquelle il avait été contraint d’accepter une constitution fédérale, il a poursuivi patiemment ses efforts en vue d’une centralisation effective», écrit Jacques Dupuy, ambassadeur de France au Cameroun de l’époque, en rendant compte au ministère français des Affaires étrangères d’une visite de 48 heures d’Ahmadou Ahidjo, ancien président du Cameroun oriental, devenu, après la réunification, président de la République fédérale du Cameroun. Nous sommes le 21 avril 1972. Un mois plus tard, Ahmadou Ahidjo organise le référendum constitutionnel du 20 mai 1972 qui transforme la «République fédérale» en «République unie». Pour montrer combien la fin du fédéralisme lui tenait à cœur, le 20 mai devient jour de fête nationale. Paul Biya, son héritier idéologique, qui lui succède à la tête du pays le 06 novembre 1982, parachève l’œuvre en passant de «République unie du Cameroun» à «République du Cameroun».

    Projet d’assimilation

    «La suppression par M. Biya en février 1984 de l’adjectif « unie » et le retour à l’expression « République du Cameroun » (nom du Cameroun francophone avant la réunification) ont été perçus par les anglophones comme « l’acte final » du processus d’assimilation historique de leur identité particulière», soutient l’historien Yves Mintoogue dans une tribune libre publiée en 2004. C’est cette frustration qui constitue d’ailleurs le problème anglophone dont la crise sociopolitique actuelle dans les régions du Nord-Ouest et du Sud – Ouest est l’une des métastases. En fait de perception, les câbles diplomatiques français ne laissent pas de doute sur l’existence d’un projet d’assimilation. A en croire Jean-Pierre Bernard, alors que la «conférence de Foumban de juillet 1961» prévoit de respecter «la personnalité des deux Etats membres», Ahidjo entreprend, après la réunification, de «franciser le territoire occidental».

    Dans sa lettre faisant le bilan de la première année de fonctionnement de l’Etat fédéral, le diplomate ajoute: «Le ministre de l’Education nationale et son entourage se sont en particulier institués les promoteurs acharnés d’une instruction bilingue dans l’enseignement secondaire et supérieur. M. Eteki [Mboumoua] considère sans doute que l’adoption d’une telle formule est susceptible de permettre au Cameroun d’échapper à la fois au monopole culturel français et d’autre part, sur la scène africaine, d’ouvrir à son pays d’assez larges perspectives comme trait d’union entre les Etats francophones et anglophones. Une telle tendance va à contre-courant des buts unitaires poursuivis par le président de la République».

    Accéder aux vingt-et-un câbles diplomatiques français

    La correspondance du consul de France à Buea au Quai d’Orsay portant sur «la mise en place de la fédération et ses à-coups» enfonce le clou. «Un examen de la situation démontre que le bilan est largement positif et si le mouvement non d’harmonisation mais « d’alignement » du Cameroun occidental sur le Cameroun oriental n’a pas été aussi rapide que les autorités fédérales l’auraient souhaité, il est néanmoins en bonne voie et ne semble pas, à moins d’un évènement extraordinaire, devoir être remis en cause», écrit Ives Robin, le 20 octobre 1962. Pour justifier son évaluation, le diplomate cite même quelques exemples de «réussite»: «la gendarmerie fédérale (…) vient de terminer son implantation et d’obtenir pour le compte du 1er septembre l’ensemble des pouvoirs qui sont les siennes au Cameroun oriental. (…) Enfin, c’est dans le domaine de l’exécution du budget fédéral au Cameroun occidental que la victoire la plus nette a été remportée. Une conférence réunie à Yaoundé les 10 et 11 octobre (…) a décidé que l’exécution du budget fédéral au Cameroun occidental se ferait suivant les règles comptables françaises», peut-on lire dans cette correspondance.

    Appui de la France

    En fait, il apparait que Paris a toujours été conscient que la réunification s’achèverait par une assimilation. «Étant donné l’importance relative du Cameroun oriental par rapport au Cameroun occidental, la différence du chiffre de population, de richesses, de degré d’évolution des habitants, il est évident que cette politique d’unification aboutira en définitive et dans la plupart des cas à implanter au Cameron occidental la langue, les méthodes administratives, les structures économiques de l’ancienne République du Cameroun», avance l’ambassadeur de France en transmettant ses directives au consul de France à Buea, désigné moins d’un an après le référendum du 11 février 1961, actant la réunification.

    De ce fait, le soutient de l’hexagone au processus est naturel : «nous ne saurions nous désintéresser de la volonté du gouvernement camerounais de faire bénéficier l’ancienne zone britannique de l’acquis de 40 ans d’administration française. Nous devons au contraire l’appuyer et lui apporter notre entier concours. C’est dans cette perspective que devra être essentiellement orientée votre action», enjoint alors Jean-Pierre Bernard à Ives Robin. Pour la France, l’objectif est d’étendre son influence sur cette zone. Aussi est-elle très active tout au long de la mise en œuvre du projet d’assimilation. On le voit notamment à travers les multiples courriers de ses diplomates en poste au Cameroun, sollicitant davantage de moyens pour appuyer le régime d’Ahmadou Ahidjo et le nombre de câbles portant sur les faits et gestes des agents britanniques et nigérians, de même que sur les officiels américains accusés de vouloir saboter le projet d’assimilation.

    Aboudi Ottou

  • Unité nationale : Paul Biya noie le poisson

    Unité nationale : Paul Biya noie le poisson

    A l’approche du 20 mai, Etoudi a engagé une campagne de propagande pour embrouiller le débat sur la construction de cet idéal.

     

    Depuis le début du mois de mai, les comptes Facebook et Tweeter de Paul Biya sont particulièrement actifs. Chaque jour désormais, des messages en français et en anglais, les deux langues officielles du pays, y sont postés. Fil conducteur unique: l’unité nationale. En analysant ces messages, le président de la République semble préoccupé par trois choses: positionner l’unité nationale comme un acquis, «une condition et un facteur de la paix et du progrès» et inviter «tous les Camerounaises et Camerounais à réaffirmer dans les faits leur attachement à cette grande œuvre». Le thème choisi pour la célébration de la fête nationale cette année est dans la même veine. Il est en effet un appel aux «citoyens camerounais» à rester «unis dans la diversité» et à préserver «la paix sociale, pour un Cameroun stable, indivisible et prospère».

    Parallèlement à cette campagne menée via les comptes officiels du président de République et de la présidence de la République sur les réseaux sociaux, une autre est en branle dans les médias publics. Les choses ont été bien organisées, les messages sont synchronisés et les éléments de langage identiques. Aussi en lançant la série sur la CRTV, la radio gouvernementale, son directeur général parle du Cameroun comme «d’un modèle de construction patiente d’une nation sur des bases improbables». Pour Charles Ndongo, du fait de la montée des velléités séparatistes dans les régions anglophones, le 20 mai 2018 devrait être pour toute la nation, «comme un premier test de respect et d’attachement au contrat d’unité scellé depuis 46 ans».

    Problème anglophone

    La méprise est justement là. Car comme l’on souvent indiqué à moult reprises de nombreux experts d’horizons divers, l’unité du Cameroun repose sur des bases fragiles. La construction de l’Etat unitaire qu’on célèbre cette semaine est et a toujours été contestée. La crise anglophone qui secoue actuellement le pays, est une métastase de cette contestation que l’on nomme le problème anglophone. Il est né de la réunification du Cameroun oriental, francophone, d’avec le Cameroun occidental, anglophone et minoritaire (2 régions sur 10), auparavant séparés par la colonisation. Non sans raisons, une partie des citoyens originaires des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest y ont toujours vu un processus «d’assimilation» mené avec l’aide de la France.

    Le cardinal Christian Tumi, originaire du Nord‐Ouest, raconte dans son ouvrage «Ma foi: un Cameroun à remettre à neuf», paru aux éditions Veritas en 2011, une anecdote fort saisissante : «(…) Nous étions invités, d’autres évêques d’Afrique centrale et moi, à l’ambassade de France auprès du Saint‐Siège. (…) Un fonctionnaire de l’ambassade m’approcha (…) sans le moindre soupçon de sa part que je pouvais être un camerounais anglophone, il me dit : nous (la France bien sûr) sommes contents que vous soyez en train de réussir l’assimilation culturelle des anglophones».

    Yves Mintoogue, historien: «La suppression par M. Biya (?) en février 1984 de l’adjectif « Unie » et le retour à l’expression « République du Cameroun » (nom du Cameroun francophone avant la réunification) ont été perçus par les anglophones comme l’acte final du processus d’assimilation historique de leur identité particulière»

    La façon dont le pays passe de la République fédérale issue de la conférence de Foumban d’octobre 1961, à la République du Cameroun tout court en février 1984, aide à renforcer ce sentiment. «Le référendum du 20 mai 1972 sur l’unification a lui‐même été dénoncé à posteriori comme un acte imposé par son seul initiateur, Ahmadou Ahidjo. La suppression par M. Biya (?) en février 1984 de l’adjectif « Unie » et le retour à l’expression « République du Cameroun » (nom du Cameroun francophone avant la réunification) ont été perçus par les anglophones comme l’acte final du processus d’assimilation historique de leur identité particulière», soutient l’historien Yves Mintoogue dans une tribune libre publiée en 2004.

    «Le chef de l’Etat continue d’enregistrer des opinions qui semblent ne voir comme issue à cette grave crise, que ce qu’elles appellent un dialogue franc et sincère. Allons donc. Si l’on admet ce principe, quelles en seraient les modalités opérationnelles? Quels visages les représentants de l’Etat auraient-ils en face d’eux? Et puis voyons, quels problèmes cet éventuel dialogue prétendrait-il résoudre autres que ceux clairement identifiés et que le chef de l’Etat a depuis méthodiquement et systématiquement résolus?», interroge Charles Ndongo.

    Nombre d’experts (Jean Koufan, Vivianne Ondoua Biwole, Christian Pout …), de hauts commis d’Etat (David Abouem à Tchoyi, Garga Haman Adji, Abakar Ahmat…) et des hommes d’église (Mgr Samuel Kleda, cardinal Christina Tumi…) se sont pourtant maintes fois exprimés sur la question. Et une constance se dégage: le dialogue dont il est question ici, devra permettre de revisiter la marche du Cameroun vers l’Etat unitaire dans le but de construire des compris sur les points de divergence.

    Perversion du droit

    La vérité est que, de ce dialogue-là, Paul Biya n’en veut pas. Il l’a lui-même clairement dit lors de son discours à la Nation le 31 décembre 2016: «Le peuple camerounais, comme un seul homme, s’est engagé à construire une nation unie, inclusive et bilingue. Il s’agit là d’une expérience unique en Afrique. Comme toute entreprise humaine, notre expérience n’est pas parfaite. Elle a des aspects perfectibles. Nous devons donc rester à l’écoute les uns des autres. Nous devons rester ouverts aux idées mélioratives, à l’exclusion toutefois, de celles qui viendraient à toucher à la forme de notre Etat». «Nous sommes disposés, à la suite et dans l’esprit des artisans de la Réunification, à créer une structure nationale dont la mission sera de nous proposer des solutions pour maintenir la paix, consolider l’unité de notre pays et renforcer notre volonté et notre pratique quotidienne du vivre ensemble. Et cela, dans le strict respect de notre Constitution et de nos institutions», avait-il ajouté.

    Pour Paul Biya, le Cameroun ne peut donc être rien d’autre qu’un Etat uni et décentralisé d’où le blocage actuel. Pourtant, lorsqu’il a fallu supprimer la limitation des mandats présidentiels, c’est le même Paul Biya qui affirmait que «les constitutions ne sont pas faites ne varietur, le peuple lui-même détermine ce qui est bon pour lui». Cette attitude, Fabien Nkot l’appelle la «perversion politique du droit». L’actuel conseiller technique au Premier ministère théorise le concept dans sa thèse intitulée «Perversion politique du droit et construction de l’Etat unitaire au Cameroun» soutenue en février 2001 à l’université de Laval au Québec. Le travail de recherche montre notamment que dans le cadre de l’instauration de l’Etat unitaire, «les dépositaires du pouvoir imaginent et élaborent un ensemble de techniques de tricheries juridiques qu’ils mobilisent progressivement et systématique pour atteindre des objectifs politique qu’ils se sont préalablement fixés».

    Aboudi Ottou

     

     

     

  • Cameroun:Une nouvelle arnaque au siège de la Mida

    Cameroun:Une nouvelle arnaque au siège de la Mida

    Sous le prétexte de suivre les dossiers de remboursement, un groupe d’individus extorque de l’argent aux souscripteurs de ce « programme ».

    Parce que la nature a horreur du vide, Boris s’est imposé en porte-voix d’une foule anonyme, souffrante et éruptive devant le siège de la Mida (Mission d’intégration et de développement pour l’Afrique) sis au quartier Ahala (Yaoundé III). Face au reporter, son phrasé est d’un charme ensorcelant. «Le gouvernement ment évidemment.

    Assurément, son contingent a ramassé l’argent. Courageusement et fermement, nous lui réclamons cet argent. La Mida a généreusement et irréprochablement enrichi beaucoup. D’où vient-il qu’en ce moment, on dise qu’il n’y a plus d’argent ? S’ils ne veulent pas de soulèvement, qu’il leur remette leur argent calmement».

    Ce 25 avril 2018, son discours s’inspire du dernier communiqué du ministre de la Communication (Mincom) sur le sujet. Des hommes et des femmes l’écoutent attentivement. Des indiscrétions picorées sur le site révèlent que Boris ne fait pas partie des personnes en attente de remboursement de leur argent placé dans cette ONG scellée le 19 avril 2018 par Jean-Claude Tsila, le préfet du département du Mfoundi.

    Au moins, Boris a une bonne raison de flâner ici: «Je suis le chargé de communication des gens que vous voyez. Je suis là pour leur donner la bonne information sur les délais de remboursement et la procédure à suivre», brandit-il sans fard. Sous un soleil doux, Boris a un autre rôle : calmer les souscripteurs qui échouent à contenir leurs émotions. Aux uns et autres, il conseille de porter leurs noms et prénoms sur sa liste, moyennant 2 500 francs CFA, de «frais de suivi».

    Combat d’intentions

    Ici à Ahala, on ne compte plus les versions sur un prétendu échéancier de remboursement. Dans la foule, l’ambiance nourrit toutes les suspicions sur les intentions réelles de l’Etat. «C’est la même ambiance qui nous force à nous confier aux chargés de communication», confesse un vendeur de pagnes ayant souscrit à hauteur de 300 000 francs CFA.

    Selon ce commerçant, des plateformes d’informations ont vu le jour depuis la cessation des activités du Mida. «Au moins cinq groupes nous donnent des informations de première main sur la position de nos demandes de remboursement», avance-t-il. La passerelle est toute offerte à Mister Luke, un autre chargé de communication. Sur la foi de ses «constats propres», «le gouvernement fait miroiter aux souscripteurs une rétrocession de leur argent, mais son plan reste totalement flou», analyse-t-il, se félicitant d’apporter aux usagers «une clarification sur ce qui a toutes les apparences d’un marché de dupes».

    La suite révèle que des listes ont été confectionnées. Elles s’allongent chaque jour, sans que la moindre preuve de «suivi» ne soit fournie par ceux qui les tiennent. A ce propos, Boris se débine et bonifie son rôle de «chargé de communication». «Pour une affaire aussi bizarre que celle du Mida, les souscripteurs sont de plus en plus marqués par deux tendances contradictoires.

    D’une part, ils sont submergés d’informations hétérogènes provenant des médias, dans des flux où l’accessoire et l’anecdotique côtoient l’essentiel et le fondamental. D’autre part, la tendance actuelle est à la personnalisation de l’information ; parce que les cas ne sont pas les mêmes. Mon équipe et moi-même œuvrons pour que les gens qui ont mis leur argent dans cette affaire soient bien informés », dit-il. Sur son portable, l’icône des «textos» signale des dizaines de messages.

    A travers ceux-ci, des souscripteurs, dont les espoirs se sont fracassés au lendemain de la publication du second communiqué du Mincom, faute de temps, le sollicitent en payant via le mobile money. De fait, des dispositifs logistiques et humains ont été mis sur pied. A la clé, pour répondre à trois besoins : «raccourcir les délais de traitement des dossiers des souscripteurs, faciliter les échanges entre ces derniers et la commission de recensement, enfin leur permettre de communiquer presque en temps réel», vante Boris.

    Concurrence

    Sur place ici, la com’ sur le remboursement des sommes a trouvé une nouvelle résonnance avec le blackout sur la suite des enquêtes diligentées par les autorités compétentes. Ceux qui, comme Mister Luke, prétendent les côtoyer, diabolisent les «nouveaux réseaux» constitués autour de l’«affaire Mida». «Ce sont des gens qui ne font qu’amplifier les possibilités de diffusion d’informations partiales, incomplètes ou fausses», croit-il savoir. Selon lui, une tendance lourde à s’enrichir autour du «Mida fermé» s’est développée progressivement depuis quelques jours.

    Et n’hésitant pas à revendiquer le copyright de «chargé de communication sur le site», le jeune homme incrimine la démarche de ses concurrents supposés ou avérés. «Celle-ci, allègue-t-il, reposerait sur la nécessité d’être le premier, pour paraître être le meilleur. A la différence de ce que nous proposons, le marketing mal conçu domine parfois».

    Surfant sur le fait que ceux qui réclament leur argent au Mida sont intercalés entre la soif d’informations fiables et l’éventualité de tout perdre, un autre «chargé de communication» corrobore, sous anonymat, ce raisonnement. «Maintenant, tout repose sur la manière dont on le fait. Certains faux chargés de communication étayent sérieusement leur propos et donnent de nombreuses références, fausses par ailleurs ; parce que l’homme de la rue n’a ni accès à toutes les informations, ni le temps de tout vérifier».

    Jean-René Meva’a Amougou 

     

    Les premières révélations de l’enquête Mida

    Dans les secrets de la main courante.

    Depuis la mise sous scellés des locaux de la Mida sis au quartier Ahala, le public dans sa buée, semble attendre que le point des enquêtes soit mis à sa disposition. Cela est d’autant demandé que l’affaire Mida surgit dans un contexte où les mots sont parfois détournés de leur sens, où les charges de la preuve contre certaines autorités sont retournées, où les argumentations des uns et des autres égrènent la thématique du complot contre on ne sait qui.

    I- Les responsables du Mida jouent la carte de l’omerta

    Mais, à en croire des sources proches de l’enquête, les responsables de la Mida ont été mis aux arrêts dans une unité de police de la capitale. Les mêmes sources précisent que, dans un étonnant consensus, toutes les personnes arrêtées ont choisi de ne rien dire, «de peur d’être liquidées», disent-elles. Elles auraient, soulignent-on, peur de construire des impasses sur certaines autorités du pays. On indique même avec force que pour faire «rouler» le Mida, des pressions sont réputées avoir été faites à partir des hauts lieux de Yaoundé. Et du coup, au stade actuel des enquêtes, cela complexifie les enjeux que charrie la situation.

    II- Siège du Mida, patate chaude dans les mains du commandement

    Jusqu’ici, ce que l’on sait aussi, c’est que le fait d’avoir scellé les locaux du Mida laisse maintenant échapper l’embarras du gouvernement. Et selon de bonnes sources, celui-ci s’est engouffré dans une histoire de chiffres à crédibiliser, aux fins de rassurer une opinion nationale suspicieuse à souhait et à raison.

    En fait, tout ne s’est pas passé comme prévu. On mentionne à cet effet que le vrai montant trouvé au siège du Mida reste insondable. Les autorités spéculaient au départ sur un déficit d’environ 300 millions francs CFA. D’où le premier engagement du gouvernement à rembourser tous les clients du Mida. Mais, le déficit a finalement été évalué à près de 09 milliards de francs CFA.

    Ce qui justifie le rétropédalage du Gouvernement quant au remboursement des sommes placées par les souscripteurs. Colossale, cette somme a fini par ruiner les bonnes intentions du gouvernement préoccupé à lessiver son image en cette veille de scrutin présidentiel dans le pays.

    III-Mida, aucun papier officiel et rôle trouble de l’administration

    L’«ONG» n’a aucun papier officiel décerné par l’administration camerounaise, si ce n’est un récépissé de déclaration de création d’un journal dénommé Mida. Ce récépissé est signé de Joseph Beti Assomo, alors préfet du département du Mfoundi. Les autorités administratives du Mfoundi le savaient. Et selon toute vraisemblance, utilisait ce manquement comme moyen de chantage aux responsables du Mida. En effet, le Mida existe comme journal, et non comme structure de formation, de collecte et de redistribution de fonds.

    En voulant créer une antenne supplémentaire dans l’arrondissement de Yaoundé IV, les responsables du Mida ont vu les enchères monter de la part de hauts commis de l’Etat en charge de l’administration dans le département du Mfoundi. Le montant de 100 millions de FCFA est avancé pour permettre à Mida d’étendre ses activités dans l’arrondissement de Yaoundé IV. Malheureusement, la négociation a tourné au vinaigre, et la pose des scellés au siège du Mida a provoqué une émeute inattendue. Ce qui a permis de découvrir le pot aux roses.

    Des indiscrétions très informées relèvent par ailleurs que les services spéciaux du pays ont régulièrement produit et mis à la disposition des hautes autorités du pays (notamment la présidence de la République) de nombreux bulletins de renseignements sur le Mida. Ceux-ci ne produisaient pas la réaction attendue. Actuellement, l’heure est à l’identification des points de blocage.

  • 25ème édition de la Journée mondiale de la liberté de la presse: L’UPF met les journalistes dans la mouvance électorale

    25ème édition de la Journée mondiale de la liberté de la presse: L’UPF met les journalistes dans la mouvance électorale

    La section camerounaise de l’Union internationale de la presse francophone a organisé le 03 mai dernier à Yaoundé un symposium sur la couverture journalistique des élections. Comme pour anticiper sur l’agenda politique national, très chargé en cette année.

    Au terme de la cérémonie d’ouverture du symposium.

    2018 est une année essentiellement électorale au Cameroun. Après les élections sénatoriales tenues en mars dernier, on attend notamment les élections législatives et présidentielle. Et pour assurer une bonne couverture médiatique de ces évènements politiques majeurs, la section camerounaise de l’Union internationale de la presse francophone (UPF-Cameroun) a saisi la balle au bond à Yaoundé, le 03 mai 2018.

    A l’occasion de la célébration de la 25e édition de la Journée mondiale de la liberté de la presse, l’UPF – Cameroun, sous la férule de son président Aimé Robert Bihina, a organisé à Yaoundé, avec l’appui de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), un symposium international sur la couverture des élections par les médias. Une rencontre présidée par le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary en présence du représentant personnel de la Secrétaire générale de la Francophonie, le Pr Tidiane Dioh, par ailleurs chargé des programmes médias à l’OIF.

    Le fil conducteur retenu à cette occasion: «La qualité du traitement de l’information en période électorale», a permis aux journalistes de mesurer leur responsabilité en périodes électorales. Pour éviter certaines dérives, il a été question de rappeler aux hommes de médias certains fondamentaux afin de mettre à mal les velléités d’instrumentalisation et de manipulation des médias.

    Pour une couverture impartiale et équilibrée du processus électoral, le Pr. Tidiane Dioh a partagé une réflexion sur la base de ses trois années d’expérience dans l’exercice du journalisme et en sa qualité d’enseignant d’université. De ses propos, l’on retient qu’il n’y a aucune convention régissant la couverture médiatique électorale.

    Pourtant, cette couverture reste un élément important dans la vie d’une nation, car une élection mobilise toutes les composantes d’une nation. «La couverture d’une élection s’apprend. Le journaliste est l’historien du présent, c’est-à-dire qu’il raconte ce qui se déroule sous ses yeux. Il ne doit pas se constituer en état médiatique», a expliqué le Pr Tidiane Dioh. Et d’ajouter : «Le journaliste ne doit pas perdre de vue que le jour du scrutin n’est pas le jour de vérité et doit disposer d’un minimum de recul historique basé sur la vérité des faits».

    Cette initiative de l’UPF-Cameroun a été saluée par le Ministre camerounais de la communication. Issa Tchiroma Bakary en a profité pour rappeler que le Cameroun a une presse libre et diversifiée. Il a invité les journalistes camerounais à être les ambassadeurs dignes du traitement de l’information partout où besoin est, précisément en période électorale.

    «Vous avez le devoir de protection des intérêts supérieurs en tant que citoyen dans le respect éditorial des médias qui constituent le paysage médiatique de notre pays», a conclu le Mincom. Issa Tchiroma Bakary a annoncé que les prochaines assises mondiales de l’UPF en novembre de l’année prochaine au Cameroun ont reçu le parrainage du chef de l’Etat, S.E Paul Biya.

    Une quarantaine de participants, journalistes politiques dans en service dans les médias camerounais, ont pris part à ce symposium qui a développé les thèmes ci- après: «les enjeux et défis des élections 2018 au Cameroun», par le socio-politiste Pr Owona Nguini Eric Mathias ; «La chasse aux fake news et l’équilibre dans la couverture médiatique des élections», par le Pr Thomas Essono; «Droits et devoirs des journalistes en période électorale», par le Pr Albert Mbida.

    De l’avis des participants, le symposium sur «la qualité du traitement de l’information en période électorale» aura été un grand moment de renforcement de capacités en matière de couverture des éléctions au Cameroun.

    Jean-René Meva’a Amougou

    SNJC : guerre contre la presse à gage

    Le syndicat menace d’exclure désormais de ses rangs, tous les journalistes qui se rendront coupables de chantage, dénigrement et de plagiat.

    Le 03 mai dernier, dans sa déclaration solennelle faite à l’occasion de la célébration de la 25e édition de la Journée internationale de la liberté de presse, la condamnation du Syndicat national des journalistes du Cameroun (SNJC) est claire: «Le SNJC dit non à la presse à gages. Non au journalisme de haine et de division sociale. Non au chantage médiatique. Non à la presse des mallettes. Non à la presse aux ordres des groupuscules occultes».

    Son président se veut même menaçant : «seront désormais exclus du syndicat, les confrères qui se sont rendus coupable de chantage, dénigrement et de plagiat», a met en garde Denis Nkwebo lors des universités du SNJC organisé à l’occasion sous le thème, «le SNJC d’aujourd’hui, le SNJC de demain, la liberté et le professionnalisme au service du public». «Tous les membres du SNJC ont l’obligation morale, syndicale, professionnelle de respecter les règles d’éthique et de déontologie. Nous devons produire un travail de bonne qualité professionnelle», a-t-il prescrit.

    Mais le syndicaliste n’est pas dupe. Il sait très bien qu’un travail de qualité peut difficilement se faire dans un environnement précaire. C’est pourquoi le SNJC a aussi appelé «à l’émancipation économique des femmes et des hommes des médias». Pour défendre leurs droits, les journalistes ont donc été invités à se syndiquer. «L’employé seul face au patron est faible. Le patron est tout puissant.

    Il peut renier certains acquis et chercher à le mettre à la porte. Or rassemblé dans un syndicat, on devient fort, fort pour défendre les intérêts et bien formuler les doléances. Nous regardons vers la même direction et nous sommes capables de demander les meilleures conditions de travail de sécurité», explique Hilaire Ham Ekoue, le vice-président SNJC.

    Dans le même sens, Denis Nkwebo, par ailleurs rédacteur en chef adjoint du quotidien Le Jour attire l’attention des uns et des autres sur ceux qu’il considère comme des «marionnettes visibles»: «le Conseil national de la communication et la Commission de délivrance de la carte de presse sont tant de pièges tendus. Il y a des institutions taillées sur mesure pour démontrer l’incapacité des journalistes camerounais à se prendre en charge et assumer leur mission sociale».

    Alain Biyong

  • Contrôle des finances publiques: le Cameroun à pas forcés vers la Cour des comptes

    Face à la résistance des autorités de Yaoundé, l’Union européenne a fait de la mise sur pied de cette institution une condition pour le décaissement des prochaines tranches de son appui budgétaire. Près de 40 milliards de francs CFA en jeu.

    A en croire le Premier président de la Cour suprême, la loi de décembre 2006 fixant l’organisation de la Cour suprême et celle de décembre 2007 portant régime financier de l’Etat et son décret d’application de mai 2013 instituant règlement général de la comptabilité publique ont élargi les prérogatives de la Chambre des comptes. Au point où, soutient Daniel Mekobe Sone, «la Chambre des comptes de la Cour suprême n’est pas loin d’exercer l’ensemble des prérogatives dévolues à la Cour des comptes que les Etats membres de la Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale (Cemac) s’obligent à instituer chez eux», écrit-il dans l’avant-propos du dernier rapport de la Chambre des comptes publié en 2017.

    La sortie de ce haut magistrat tente ainsi de tempérer l’urgence voir la nécessité de mettre sur pied une Cour des comptes telle que prévue depuis décembre 2011 par les directives Cemac relatives aux lois de finances et au règlement général de la comptabilité publique. Cet argument, souvent repris par les forces au sein du sérail opposées à l’instauration d’une Cour des comptes, est battu en brèche dans le même rapport. Dans la partie recommandations, la juridiction rappelle en effet «l’urgence de la relecture» de la loi d’avril 2003 fixant ses attributions. Cette nécessité qui fait l’objet d’une recommandation depuis 2006, a été à nouveau perçue lors d’un atelier organisé en 2013. «Cette atelier a mis en parallèle, les insuffisances du texte actuel avec les dispositions d’une juridiction financière conforme aux normes internationales et singulièrement aux directives Cemac», soutient l’équipe de rédaction du rapport dirigée par le conseiller maitre Pierre Kameni.

    Impunité

    C’est à la même conclusion qu’est parvenue la dernière évaluation du système de gestion des finances publiques publiée au mois de juin 2017 par le ministère des Finances (rapport PEFA 2017). «Le degré d’indépendance, au sens recommandé par l’Intosai (Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle), de la Chambre des comptes est limité. Ses compétences en matière d’audit sont aussi limitées par la législation et par la réglementation. Par ailleurs, elle ne peut exercer pleinement ses missions juridictionnelles en raison du manque de respect par les comptables de leurs obligations en matière de reddition des comptes», conclut cette étude financée par l’Union européenne (UE) et réalisée par le cabinet belge ADE (Aide à la décision économique) SA.

    Pour ces experts, «c’est essentiellement à travers l’application progressive des dispositions de l’ensemble des directives Cemac de décembre 2011 que les objectifs de modernisation de la gestion des finances publiques et, au-delà de celle-ci, de l’administration en général, seront atteints». Et cela est davantage vrai pour «l’organisation de l’audit et de la surveillance externes», indique un conseiller à la Chambre des comptes.

    En effet, en conformité avec les normes internationales en la matière, l’article 72 de la directive Cemac relative aux lois de finances fait de la Cour des comptes «l’institution supérieur de contrôle de chaque Etat». Or, selon les experts du cabinet ADE SA., l’article 2 du décret de septembre 2013 fixant les attributions du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe) confie ce rôle à cette structure. C’est donc à ce département ministériel que revient le contrôle des ordonnateurs de dépenses notamment des ministres. La Chambre des comptes, elle, est confinée aux contrôles des comptables publics. Dans ce schéma, c’est en effet l’exécutif qui contrôle l’exécutif.

    Par conséquent, l’audit et la surveillance externes sont peu efficaces. «La Chambre des comptes ne bénéficie pas de la faculté de saisir le CDBF (Conseil de discipline budgétaire et financière) pour les fautes de gestion imputables aux ordonnateurs relevées lors de ses contrôles, faculté pourtant reconnue aux tribunaux régionaux des comptes. Ainsi, les fautes conjointes ou communes punies au niveau du comptable demeurent sans conséquence à l’égard de l’ordonnateur ou du gestionnaire», regrette l’institution judiciaire dans son rapport publié l’année dernière.

    Conditionnalité

    «Cette situation entraine un effritement du cadre de redevabilité, de sincérité budgétaire et comptable, et du respect de la règlementation», soutient l’UE dans l’appendice 1 de la convention signée avec le pays pour la mise en œuvre de son appui budgétaire pour la période 2017-2019. Afin de forcer la main à Yaoundé, qui freine, depuis, de quatre fers, la transposition des directives Cemac dans la législation nationale, Bruxelles inscrit «la création d’une Cour des comptes financièrement indépendante et dont le mandat couvre l’ensemble des attributions d’un institut supérieur de contrôle», parmi les conditions générales de son appui budgétaire. Un don qui s’inscrit dans le cadre du programme d’ajustement conclu avec le FMI.

    Après avoir reçu près de 20 milliards de francs CFA en fin 2017, le Cameroun devra mettre en œuvre cette réforme pour recevoir les près de 40 milliards de francs restant. A en croire le Fonds monétaire international (FMI), Yaoundé a transmis en fin d’année dernière, «les six projets de textes devant transposer les directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques de la Cemac de 2011 à la Commission de la Cemac pour avis de conformité».

    Mais ces progrès ne semblent guère rassurer l’UE. Selon nos informations, le discours de l’ambassadeur chef de délégation de l’UE au Cameroun, lors du lancement du séminaire de formation des magistrats et cadres de la Chambre des comptes sur les techniques générales de contrôle externes des comptes, visait donc à passer ce message à Etoudi: Bruxelles tient à la mise en place d’une Cour des comptes avec les prérogatives prévus dans les directives de la Cemac.

    Aboudi Ottou

     

    Hans-Peter Schadek: «Nous comptons beaucoup sur la transposition des directives de la Cemac»

    Extrait du discours de l’ambassadeur, chef de la délégation de l’Union européenne au Cameroun. L’allocution a été prononcée le 16 avril à l’occasion du séminaire de formation des magistrats et cadres de la Chambre des comptes. Financée à hauteur de 130 millions de francs CFA par Bruxelles, cette formation portait sur les techniques générales de contrôle externes des comptes.

    «Monsieur le Premier président, je pense que nous sommes tous convaincus que l’amélioration du contrôle budgétaire et de la reddition des comptes publics aura un effet positif significatif sur la qualité du service public, et donc sur la dynamique de développement économique et social. Pour ce faire, la mise en œuvre des directives de la Cemac constituera un grand pas en avant.

    Cela donnerait un signal fort de l’engagement du Cameroun à s’attaquer à cet objectif clé, souligné également comme une priorité par le dernier rapport PEFA de 2017. En outre, l’amélioration du contrôle budgétaire et de la transparence devrait être un facteur clé pour renforcer la confiance des donateurs et des investisseurs privés en le système de gestion des finances publiques d’un pays.  Comme vous le savez tous, l’aide budgétaire de l’UE consiste en des transferts financiers directs à la trésorerie.

    Ainsi, à travers l’appui budgétaire, nous sommes alignés à 100% sur le système de gestion publique camerounais, y compris son cadre régulier ainsi que ses mécanismes de contrôle interne et externe. C’est aussi pourquoi nous soutenons fortement la réforme en cours pour rendre ces mécanismes plus efficaces et plus fiables.

    Dans cet esprit, une «Chambre des comptes» puissante et indépendante jouera un rôle crucial en veillant à ce que les rapports sur les dépenses publiques soient crédibles et sincères et à ce que les finances publiques soient gérées conformément aux bonnes pratiques et aux normes internationales. Les rapports de la Chambre des comptes sont publics, ils sont discutés au Parlement et peuvent être consultés par tous les partenaires et le grand public.

    La transposition complète de la directive Cemac permettrait ainsi d’améliorer la crédibilité et l’efficacité de la surveillance budgétaire au Cameroun, et donc la confiance générale en l’utilisation des fonds publics. De même, l’amélioration du contrôle budgétaire et de la transparence conduit également à de meilleurs scores dans les classements internationaux tels que le PEFA ou l’enquête sur le budget ouvert menée par l’International Budget Partnership, ou ceux liés au climat général des affaires.

    Ces classements sont en effet essentiels pour l’attractivité du Cameroun auprès des investisseurs nationaux et internationaux, et pour la confiance du système bancaire ainsi que des partenaires au développement engagés dans l’appui budgétaire. Nous comptons donc beaucoup sur la transposition des directives de la Cemac dans la législation et les pratiques nationales; et nous sommes confiants que les principes établis dans ce document seront mis en avant par toutes les parties prenantes ».

    Traduit de l’anglais au français par la rédaction

  • Contrefaçon de logiciel: Comment Amadeus a pillé une PME camerounaise

    Contrefaçon de logiciel: Comment Amadeus a pillé une PME camerounaise

    Aux termes d’une longue procédure judiciaire, le géant des systèmes informatisés de réservation pour agence de voyage a été condamné à payer plus de 06 milliards de francs CFA à «Palais de la Micro» pour contrefaçon de logiciel et concurrence déloyale. Lumière sur un combat David contre Goliath d’un autre genre qui dure depuis une quinzaine d’années.

    Le siège d’Amadeus.

    I- Les acteurs Amadeus CWA C’est une multinationale basée à Nice et à Madrid, intégrateur de contenu pour les compagnies aériennes.

    A ce titre, Amadeus propose aux agences de voyage une plate-forme de réservation (système informatisé de réservation) leur permettant d’accéder en temps réel aux inventaires des compagnies aériennes, d’émettre des titres de voyage et de vendre des produits connexes. Amadeus CWA est la filiale d’Amadeus pour la zone d’Afrique centrale et de l’ouest, qui comprend plus de 22 pays.

    Leader mondial dans son domaine, Amadeus S.A. emploie plus de 15 000 agents à travers le monde, avec un chiffre d’affaires de 4,5 milliards d’euros (près de 3000 milliards de francs CFA) et un bénéfice de 1,7 milliard d’euros (1 115,2 milliards de francs CFA) en 2016. Amadeus perçoit une redevance de la part de la compagnie aérienne pour chaque réservation faite par une agence via le système Amadeus. Son concurrent immédiat est Travelport/Galileo, présent avant Amadeus sur le marché CWA.

    «Palais de la Micro»

    Editeur de logiciel, intégrateur de services, consultant en transformation digital. Spécialisée depuis plusieurs années dans le développement, la commercialisation, la mise en place et le soutien technique de logiciels de gestion spécialisés, la société «Palais de la Micro » fait partie des éditeurs de logiciels camerounais qui développent des solutions de gestion selon les besoins de chaque client.

    Grâce à la qualité de ses produits et services et à sa profonde connaissance des besoins de l’industrie, les équipes du Palais de Micro sont en mesure de suivre la croissance et l’évolution de la gestion de chaque client. Son fondateur et directeur général Roger Tchangang détient une expérience de plus de 30 ans dans les technologies informatiques mises en place pour répondre aux besoins croissants de plusieurs industries au Cameroun.

    Il est resté focalisé depuis plus de vingt ans sur la recherche et la formation continue. Aujourd’hui, «Palais de la Micro» met à disposition toutes ses ressources humaines et techniques et utilise des technologies de pointe et performante pour mieux répondre aux besoins de ses clients. Son souci majeur étant d’offrir des solutions de gestion très fiables qui s’adaptent facilement aux exigences du marché.

    II- Les faits

    Le conflit entre «Palais de la Micro» et Amadeus CWA dure depuis bientôt quinze ans. Tout allait pourtant bien en 2003. De passage à Moabi Voyages (une agence de voyages à Yaoundé), Eric Ghislain Marie Joseph Frérotte est séduit par le logiciel de gestion (Backoffice) de ce développeur de logiciel. L’alors DG d’Amadeus CWA sollicite «Palais de la Micro» pour la conception d’un produit du même type pour l’ensemble des agences de voyage de la zone CWA (Afrique centrale et de l’ouest).

    Après une démonstration convaincante à Abidjan devant un parterre d’agents de voyage, il passe commande à l’entreprise camerounaise pour une installation progressive dans près de 21 pays des logiciel Air Export et Air Export Plus. Eric Frérotte offre l’offre, gratuitement aux agences, en échange de leur accord de travailler exclusivement avec la plateforme d’Amadeus comme système informatisé de réservation.

    Par contre Amadeus paie un prix unitaire correspondant à la licence du logiciel par agence à «Palais de la Micro». Il s’agissait, selon nos sources, d’un contrat d’exclusivité et Amadeus S.A. ne devait pas vendre le logiciel aux concurrents. Pour la licence Air Export, Amadeus SA devait payer la somme de 400 000 francs CFA lors de l’installation et la somme mensuelle de 40 000 francs pour la maintenance.

    Quant à la licence Air Export Plus, elle revenait à 1 200 000 francs CFA pour l’installation et à 75 000 francs par mois pour la maintenance. Les installations commencent et se poursuivent sans heurts. Amadeus payant ses factures jusqu’en 2005. Cette même année marque le début des écarts de conduite de la part la multinationale.

    Unilatéralement, cette structure entreprend de verser 16 millions de francs CFA à Stéphane Noumigue jusque-là considéré comme directeur technique de «Palais de la Micro». La transaction est faite alors que cette entreprise est en déploiement dans les agences du Sénégal et de Côte d’Ivoire. A en croire nos sources, cet argent donne à Stéphane Noumigue les moyens pour débaucher deux autres ingénieurs du «Palais de la Micro» pour se mettre tous au service d’Amadeus.

    En octobre 2005, découverte : Amadeus continue à distribuer le logiciel conçu par «Palais de la Micro». Il le fait d’abord sous le nom de Backofffice Amadeus, puis sous le nom de Bora, avec comme éditeur Moabi Information Technology Services (MITS, une société fondée en 2005 par Moabi Voyages). Quelques années plus tard, Stéphane Noumigue quitte MITS. L’ex-directeur technique de «Palais de la Micro» s’engage à travailler directement pour Amadeus. Il installe des logiciels de gestion en Afrique australe, du sud, de l’est. Il édite le logiciel dans d’autres langues.

    Plaintes

    Pour la défense de ses intérêts, «Palais de la Micro» porte plainte auprès des tribunaux d’Abidjan, siège social d’Amadeus CWA. D’abord en 2005, pour le paiement des factures dues au «Palais de la Micro», notamment celles payées à Stéphane Noumigue (évoquées plus haut). Puis, il y a une seconde plainte en 2007.  Celle-ci est activée devant l’attitude méprisante et fermée d’Amadeus qui refusait toute forme de dialogue, après avoir débauché une bonne partie du personnel de «Palais de la Micro» et rompu un contrat commercial en toute illégalité. Interrogé par le magistrat instructeur, Eric Ghislain Marie Joseph Frerotte conteste les faits mis à sa charge.

    Il rencontre plutôt qu’en 2003, c’est dame Petang de l’agence de voyage Moabi qui Ie met en contact avec Stéphane Noumigue. Ce dernier lui présent un logiciel destiné à gérer les agences de voyage. Il passe des commandes et Stéphane Noumigue installe le logiciel dans diffé¬rentes agences de son réseau en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Selon lui, Stéphane Noumigue adresse régulièrement à la société Amadeus SA des bons de commande à entête «Palais de la Micro» et portant sa signature.

    La collaboration dure ainsi deux ans. Un jour, Roger Tchangang fait irruption dans son bureau. D’un air menaçant, il exige le règlement du reliquat d’une facture présentée par Stéphane Noumigue. Pour éviter un conflit, il fait payer ce reliquat. Comprenant que Stéphane Noumigue collaborait avec Roger Tchangang pour l’utilisation du nom de la société «Palais de la Micro» et ayant su que ce dernier initié des poursuites pénales contre son ex-collaborateur, il rompt leurs relations contractuelles.

    Plus tard, l’ancien directeur technique de «Palais de la Micro» lui annonce qu’il a rejoint la société MITS. Laquelle aurait créé le logiciel Bora. Après avoir abandonné le logiciel Back Office Air Export, il propose aux agences de voyage de son réseau le logiciel Bora qui serait mieux élaboré que le logiciel Air Export. Eric Ghislain Marie Joseph Frerotte explique alors que le logiciel Air Export n’est pas un Back Office mais plutôt un Mid Office et que Bora est à mi-chemin entre un Mid Office et un Back Office.

    Il affirme qu’il n’y avait pas de procédure de dépôt de brevet à I’OAPI pour les logiciels mais qu’il existait une procédure consensuelle dite ESCROW consistant à déposer des codes sources dans une société de la place. En juillet 2009, la Cour d’appel d’Abidjan, après que Amadeus eut épuisé tous ses recours, a condamné ce dernier à payer un arriéré de factures de 16 300 000 francs CFA au Palais de la Micro.

    Dans la grosse de ce jugement, on peut lire: «déclare FREROTTE Eric Ghislain Marie Joseph coupable de contrefaçon de logiciel et de concurrence déloyale ; le condamne à 20 ans d’emprisonnement ferme et à 2 000 000 francs d’amende ; reçoit la constitution de partie civile de la Société «PALAIS DE LA MICRO» représentée par TCHANGANG Roger Ducos; L’y dit bien fondée ; Condamne FREROTTE Eric Ghislain Marie Joseph à payer à la société « PALAIS DE LA MICRO » solidairement avec AMADEUS S.A, la somme de six milliards (6 000 000 000) francs CFA, tout chef de préjudice confondu ; Met les dépens à charge de FREROTTE Eric Ghislain Marie Joseph».

    Concernant la contrefaçon, le Tribunal dit : «En effet, FREROTTE Eric Ghislain Marie –Joseph n’ignorait pas que les logiciels BORA qu’il reconnaît avoir acquis pour la société AMADEUS S.A, sont des contrefaçons, des versions améliorées des logiciels AIR EXPORT et AIR EXPORT PLUS appartenant à la société «PALAIS DE LA MICRO» et qui sont protégés, dès leur création, dans les conditions des Accords de Bangui, sans besoin de dépôt·; Ainsi les faits mis à la charge du prévenu sont établis, dont celui-ci doit être coupable».

    Au sujet des faits de concurrence déloyale la juridiction soutient qu’«il apparaît que FREROTTE Eric Ghislain Marie Joseph, en sa qualité de Directeur général de la société AMADEUS S.A, après s’être fait livrer des· logiciels créés par la société «PALAIS DE LA MICRO», il a cessé de payer lés sommes convenues pour leur installation et leur entretien mensuel pour, ensuite, s’en faire délivrer une reproduction sous la dénomination BORA, dont il a procédé à la distribution à agences de voyages comme sa propre création».

    III- Les options

    «Le Tribunal dit trouver excessive le dédommagement de 8 milliards que nous avons demandé, et l’a ramené à 6 milliards. Mais En s’abstenant de se présenter au procès, Amadeus a empêché que tribunal ait la pleine mesure de la gravité de leur forfait. En fait, à la date du 1er mars, ce préjudice est au moins de 10 milliards de francs CFA, comme nous saurons le démontrer lors d’un éventuel jugement en contestation», clame-t-on au « Palais de la Micro ».

    En attendant la suite devant les tribunaux et les huissiers, Roger Tchangang, le patron du «Palais de la Micro» tient à assurer sa clientèle de l’authenticité de ses produits et de la poursuite de la consolidation de ses objectifs en gardant des choix éthiques élevés. Côté Amadeus S.A., les officiels contactés par nos soins disent n’être pas disposés à un quelconque commentaire.

     

    Jean-René Meva’a Amougou

     

  • Rikard Nordeman: «A chaque exportateur de s’assurer que ses certificats sont en bon ordre»

    Rikard Nordeman: «A chaque exportateur de s’assurer que ses certificats sont en bon ordre»

    Le chef de la section commerce à la délégation de l’Union européenne au Cameroun éclaire sur le poids des exportations des fruits et légumes, le risque d’embargo qui les guettent et la nouvelle règlementation phytosanitaire qui va entrer en vigueur sur le territoire européen en décembre 2019.

     

    Quel est le poids de la filière fruits et légumes dans les échanges entre le Cameroun et l’Union européenne ?

    En 2016, le Cameroun a exporté des fruits et des légumes d’une valeur de 189 milliards de francs CFA, soit environ 16% des exportations totales vers l’UE. La grande majorité de ces exportations est constituée de bananes, mais il y a aussi des quantités importantes d’ananas, de mangues, d’avocats, de papayes, etc.

    Lire aussi: Marché européen: fruits et légumes camerounais menacés d’interdiction

    Entre 2015 et 2017, le Cameroun a enregistré de nombreuses interceptions d’organismes nuisibles dans ses cargaisons de végétaux à destination de l’Union européenne. Au départ du pays, après des contrôles, les autorités ont pourtant délivré à ces produits des certificats phytosanitaires. Est-ce à dire que les contrôles locaux sont fantaisistes ?

    En général, si un contrôle fait au Cameroun n’a pas détecté, par exemple, un niveau élevé de pesticides dans un fruit alors qu’un contrôle à l’arrivée en UE montre des niveaux trop élevés, c’est évidemment une source de préoccupation et un préjudice pour l’exportateur. Mais, cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de laboratoires au Cameroun capables d’effectuer des contrôles fiables. Des résultats corrects sont d’ailleurs la règle. Il faut donc éviter des généralisations, et examiner les interceptions au cas par cas. Des laboratoires qualifiés pour des contrôles phytosanitaires des fruits et des légumes existent au Cameroun. Les procédures à suivre et les documents à remplir sont d’ailleurs bien accessibles à tous les opérateurs, en ligne, gratuitement. Après, c’est à chaque exportateur de s’assurer que ses certificats sont en bon ordre et que le service de contrôle fournisse un travail de qualité.

    Le Cameroun a fait l’objet, en mai dernier, d’un audit de la direction générale de la santé de la Commission de l’Union européenne. A la suite de cet audit, les autorités camerounaises se sont engagées à mettre en œuvre à cours et à moyen termes sept mesures pour remédier au problème.  Que se passera-t-il, si malgré tout, les interceptions se poursuivent ?

    L’audit visait à vérifier le système d’inspection phytosanitaire des végétaux et produits végétaux exportés vers l’UE et de faire des propositions d’amélioration. Les sept recommandations de l’audit ont résulté en presque trente actions concrètes proposées par le Minader pour le court et moyen termes. Une fois que celles-ci auront été mises en œuvre, il sera possible de voir des améliorations en termes de nombre d’interceptions. Pour le moment, il est trop tôt pour tirer des conclusions sur l’impact de l’audit en question.

    En cas de réactivité insuffisante des acteurs camerounais face aux saisies et problèmes sous-jacents, le risque d’une fermeture partielle du marché européen, n’est jamais exclu

    Certains opérateurs sont convaincus que si les interceptions se poursuivent, les fruits et légumes seront interdits du marché européen. Est-ce une perspective qu’il faut craindre ?

    Une des principales raisons ayant motivé la venue de la mission des experts de la direction générale de la santé de la Commission était la non-maitrise de la contamination par la mouche de fruits de mangues exportées vers le marché européen. À l’époque, il existait effectivement un grand risque que l’exportation de fruits du Cameroun vers l’UE ne soit plus autorisée. C’est grâce aux engagements pris à l’issue de cette mission que les produits camerounais ont pu continuer à être exportés vers le marché européen. Ceci étant, en cas de réactivité insuffisante des acteurs camerounais face aux saisies et problèmes sous-jacents, le risque d’une fermeture partielle du marché européen n’est jamais exclu. Mais, dans l’hypothèse d’une coopération constructive entre les parties, telle que dans le passé, ce risque paraît plutôt réduit.

    Une nouvelle règlementation phytosanitaire va entrer en vigueur sur le territoire européen en décembre 2019. Quelles sont les nouvelles contraintes qu’elle va induire ?

    La règlementation (UE) 2016/2031 constitue une vaste refonte de la législation phytosanitaire de l’UE en place depuis 1977. Elle abrogera et remplacera sept directives du Conseil sur les organismes nuisibles, les maladies invasives et ravageuses.

    Bien entendu, les importations de la plupart des végétaux et produits végétaux en provenance des pays tiers dont le Cameroun resteront autorisées, moyennant le respect des normes et conditions actualisées.

    Dans ce nouveau cadre, certains produits pourraient aussi être temporairement exclus d’accès au marché européen ou soumis à des exigences de qualité très strictes si l’évaluation des risques sanitaires l’exige.

    A ce stade, il est toutefois beaucoup trop tôt pour connaître en détail les possibles changements des normes et exigences pour les différents produits d’origine camerounaise. Bien entendu, certains de nos financements pourraient aider les exportateurs de se préparer aux changements en vue. Nous sommes donc confiants que l’introduction de la nouvelle réglementation se fera sans heurts majeurs.

    Interview réalisée par Aboudi Ottou

  • Marché européen: fruits et légumes camerounais menacés d’interdiction

    Marché européen: fruits et légumes camerounais menacés d’interdiction

    En cause, la qualité des produits exportés et le peu de fiabilité du système national de contrôle sanitaire et phytosanitaire, selon un audit de l’Union européenne.

    Un marché de fruits au Cameroun.

    Le Cameroun multiplie en ce moment des initiatives pour sauver ses exportations de fruits et légumes à destination de l’Union européenne (UE). L’organisation d’un atelier, les 04 et 05 avril 2018 à Yaoundé, est la dernière action en date. Cette séance de travail, organisée avec le soutien de la coopération européenne, visait à arrêter «les grandes lignes d’un plan d’action pour le renforcement du système national de contrôle (SNC) sanitaire et phytosanitaire (SPS)» de la filière.

    Il se trouve que, ces dernières années, des organismes nuisibles à la santé et à l’environnement (résidus de pesticide, mouches de fruits, moisissures…) sont découverts aux portes du marché européen, dans des cargaisons de marchandises qui, au départ du Cameroun, avaient pourtant reçu des certificats de conformité SPS, après des contrôles afférents. Selon Babacar Samb, expert du Comité de liaison Europe-Afrique Caraïbe et Pacifique (ColEACP) qui animait l’atelier, «entre 2015 et 2017, 159 interceptions ont été enregistrées et notifiées au Cameroun».

    Pour comprendre l’ampleur des dégâts, il faut savoir qu’«une seule notification est déjà importante», précise le Sénégalais. Et d’expliquer: «d’abord, parce que la marchandise est détruite aux frais de l’exportateur (perte économique importante). Et deuxièmement, c’est publié partout (contre-publicité pour l’origine Cameroun)».

    Audit

    Pour des raisons similaires, les crevettes camerounaises, pourtant prisées, sont frappées d’embargo sur le marché européen depuis 1998. Confronté à une situation similaire, le Ghana a également vu ses fruits et légumes interdits du même marché entre 2015 et 2017. En réalité, si les végétaux camerounais ont continué d’entrer en Europe, c’est parce que le pays bénéficie d’un sursis. Cette clémence est due au fait que, en réponse aux courriers de la Commission européenne, l’Organisation nationale de protection des végétaux (ONPV) a conçu en octobre 2016 et mis en œuvre un système de certification à l’exportation pour les mangues, le produit pour lequel les interceptions sont les plus nombreuses.

    Ndjib Bahoya, président du Cisas: «Au cas où rien n’est fait, l’Union européenne prendra les mêmes sanctions d’interdiction d’exportation comme avec les crevettes»

    Mais, cela n’a pas mis le pays à l’abri, croit savoir Ndjib Bahoya. Le président du Conseil interprofessionnel des sociétés d’assainissement au Cameroun (Cisac) estime que «les contrôles ne répondent pas (toujours) aux exigences des marchés internationaux». La preuve : l’année dernière, vingt cas d’interception ont encore été enregistrés, dont douze concernent les mangues. Selon un membre du Réseau des opérateurs des filières horticoles du Cameroun (Rhorticam), il y en a déjà également eu cette année.

    C’est d’ailleurs à la même conclusion qu’est parvenue la direction générale de santé de la Commission européenne après un audit du SNC effectué du 08 au 18 mai 2017. «À l’heure actuelle, un grand nombre des éléments exigés par les normes internationales et les normes de l’UE ne sont pas inclus dans ce système. Son organisation et sa mise en œuvre présentent d’importantes faiblesses, ce qui compromet son efficacité globale. Par conséquent, les contrôles avant exportation ne peuvent pas être considérés comme fiables lorsqu’il s’agit de garantir la conformité avec les conditions d’importation fixées par l’UE», peut-on lire dans le rapport rédigé à la fin de l’audit. «Le tout premier du genre effectué dans un pays d’Afrique francophone», indique Babacar Samb, pour montrer aux participants à l’atelier combien la situation est inédite.

    Enjeux

    Le rapport de cet audit adresse sept recommandations au Cameroun afin de remédier aux manquements de son SNC (voir encadré). Pour les mettre en œuvre, le ministère camerounais de l’Agriculture et du Développement rural (Minader) a arrêté trente actions dont vingt-deux de cours termes et huit de moyen et long termes. Ces actions vont de l’augmentation de l’effectif du personnel travaillant dans le système de contrôle et de l’amélioration de son savoir-faire, à la mise en place d’un système d’enregistrement des producteurs et d’un mécanisme de normalisation de la chaîne logistique (emballage, magasins, moyens de transport…), en passant par la punition des exportateurs qui ne respectent pas les règlements.

    Lire aussi: Rikard Nordeman: «A chaque exportateur de s’assurer que ses certificats sont en bon ordre»

    «Au cas où rien n’est fait, l’Union européenne prendra les mêmes sanctions d’interdiction d’exportation comme avec les crevettes», prévient le président du Cisas. Ce qui devrait déséquilibrer la balance commerciale du Cameroun vis-vis de l’UE ; les exportations de fruits et légumes représentant plus 15% des exportations totales du pays vers cette destination. A cela, il faut ajouter l’impact sur la filière, obligée de se réorganiser et de trouver de nouveaux débouchés. Une option dont ne veut d’ailleurs pas entendre parler Ndjib Bahoya. «Le marché de l’Union européenne est très abordable et riche en termes de business-services par rapport à d’autres marchés (Agoa, Asie ou bien Inde)», justifie-t-il.

    Pour s’assurer que ce marché reste ouvert aux produits agroalimentaires en provenance du Cameroun, en fin octobre, le président du Cisas a obtenu du Minader la mise sur pied d’une task force à la tête de laquelle il a d’ailleurs été porté. C’est à travers ce groupe de travail public-privé que le gouvernement camerounais a d’ailleurs organisé l’atelier des 04 et 05 avril. A l’issue des travaux, un consensus s’est dégagé sur la nécessité de mettre en place un référentiel pour la promotion des bonnes pratiques agricoles. Mais, d’importantes divergences demeurent à propos du contenu de ce système de contrôle privé. «Un autre atelier sera organisé dans les prochains jours pour définir le contenu du référentiel», répond à ce sujet, le président de la task force. L’horloge tourne…

    Aboudi Ottou 

     

    Recommandations de l’UE pour améliorer le SNC

    1- Veiller à ce que tous les fonctionnaires chargés de réaliser les inspections des exportations à destination de l’UE disposent d’un niveau de compétence technique approprié conformément à l’article 2, paragraphe 1, point i), de la directive 2000/29/CE du Conseil et à la section 3.1 de la NIMP nº 7. Recommandations fondées sur les conclusions nº 17 et 39. Constatations associées: nº 13 et 35.

    2- Veiller à ce que les fonctionnaires chargés de réaliser les inspections à l’exportation disposent d’informations techniques et d’orientations appropriées conformément aux sections 3.2, 3.3 et 4.2 de la NIMP nº 7, et en particulier à ce qu’ils puissent accéder aux exigences de l’UE en matière d’importation. Recommandations fondées sur les conclusions nº 17 et 18. Constatations associées: nº 10, 11 et 34.

    3- Veiller à ce que l’ONPV dispose d’une capacité technique de laboratoire appropriée pour réaliser les tests concernant les organismes nuisibles préoccupants pour l’UE, conformément aux sections 2.2 et 3.4 de la NIMP nº 7. Recommandation fondée sur la conclusion nº 19. Constatation associée: nº 15.

    4- Veiller à ce que tous les lots de végétaux et de produits végétaux, quels qu’ils soient, destinés à l’exportation vers l’UE fassent l’objet des vérifications appropriées. En particulier, veiller à ce que les agents effectuant les contrôles disposent des équipements, du matériel et des installations adéquats, et à ce qu’un lieu d’inspection suffisant et sûr soit disponible, conformément au point 3.4 de la NIMP nº 7, afin de réaliser des contrôles à l’exportation fiables pour garantir que les lots satisfont aux exigences de l’UE, conformément à l’article 13 de la directive 2000/29/CE du Conseil. Recommandation fondée sur les conclusions nº 39, 40 et 41. Constatations associées: nº 32, 33 et 36.

    5- Veiller à ce que, pour chaque lot, des documents soient conservés concernant les inspections effectuées, les personnes qui ont accompli ces tâches, la date à laquelle ces tâches ont été effectuées et les résultats obtenus, conformément au point 4.3 de la NIMP nº 7. Recommandation fondée sur la conclusion nº 42. Constatation associée: nº 36.

    6- Veiller à ce que les lots destinés à l’exportation vers l’Union ne soient accompagnés d’un certificat phytosanitaire que lorsque les exigences de l’Union en matière d’importation sont remplies et à ce que des déclarations supplémentaires ne soient fournies que lorsqu’ils sont officiellement contrôlés, conformément à l’article 13 bis de la directive 2000/29/CE du Conseil et à la section 4 de la NIMP nº 12. Recommandations fondées sur les conclusions nº 18 et 45. Constatations associées: nº 10 et 44.

    7- Veiller à ce que les interceptions internes et celles de l’UE fassent l’objet d’un suivi individuel approprié pour permettre que des mesures correctives soient prises afin d’éviter la répétition de ces cas, et veiller à ce que l’efficacité du système de contrôle soit réexaminée à la lumière de ces interceptions, conformément à la section 6 de la NIMP nº 7 et à la section 2.6 de la NIMP nº23. Recommandation fondée sur la conclusion nº 50. Constatations associées: nº 46 et 48.

    Source : UE

  • Cameroun : comment les banques bloquent les importations

    Cameroun : comment les banques bloquent les importations

    Pour avoir facilité des sorties frauduleuses de capitaux, nombre d’établissements de crédit sont dans l’incapacité de se faire refinancer par la banque centrale. En ce temps de crise de devises, c’est pourtant la seule option pour continuer de réaliser les transferts sortants de leurs clients.

    Du fait des banques commerciales, les bateaux de marchandises accostent de moins en moins au port de Douala.

    Des banquiers camerounais sont en colère contre le gouvernement actuel de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac). Ils l’ont fait savoir fin février, lors d’une rencontre entre le ministre camerounais de l’Economie et le secteur privé. Le problème: la Beac serait devenue exigeante en matière de couverture en devises des transferts sortants (règlement des importations notamment). De ce fait, leurs clients font désormais la queue pour être servis. La plainte est portée par Alexandre Beziaud et Alphonse Nafack. Les directeurs généraux de Société générale Cameroun et d’Afriland First Bank demandent même à Louis Paul Motaze, alors à la tête de ce département ministériel, de saisir son collègue des Finances pour qu’il adresse une requête à la Beac afin qu’elle lâche un peu du lest.

    Mais, cette accusation contre la banque centrale devant le patronat est un écran de fumée pour brouiller leurs responsabilités dans l’engorgement actuel des transferts émis. «Le problème n’est pas la rigueur de la banque centrale», estime Isaac Pone. Cet ancien cadre d’Afriland First Bank a notamment travaillé au financement du commerce extérieur. Et pour lui, le mal viendrait plutôt de «la rareté des devises auprès des banques commerciales».

    Refinancement

    A en croire celui qui trône désormais à la tête de Pro-Invest Cameroun (bureau d’assistance technique et d’accompagnement stratégique), du fait de la crise des matières premières (notamment du pétrole), les établissements de crédit «ne reçoivent plus assez de transferts issus des opérations d’exportations, et par conséquent sont de plus en plus en situation de déficit de liquidités en devises auprès de leurs différents correspondants à l’étranger». Selon Isaac Pone, c’est «cette situation de déficit de temps en temps très marquée» qui «génère une file d’attente dans l’exécution des transferts émis». A tel point qu’une nouvelle commission de transaction (dite commission de liquidité), variant chaque jour en fonction de la disponibilité ou pas des devises chez les correspondants, a été instaurée.

    Isaac Pone, ancien cadre d’Afriland First Bank :«la banque centrale assure le refinancement en devises des importations qui se sont dénouées conformément à la réglementation de change»

    A la lecture de la règlementation de change, les opérations de transferts sont effectuées par les banques. Pour le règlement des importations, ces dernières saisissent leur correspondant dans le pays de l’exportateur pour que celui-ci soit payé en devises contre le francs CFA reçu de l’importateur. Mais, lorsque leurs positions extérieures sont déficitaires comme c’est le cas en ce moment, possibilité leur est donnée de se retourner vers la Beac pour obtenir un refinancement en devises afin de continuer de servir les usagers.

    Le hic c’est que nombre de banques peinent à remplir les conditions exigées pour cette opération à savoir: prouver que les importations pour lesquelles elles sollicitent un refinancement se sont déroulées conformément à la règlementation de change. Car, comme l’explique l’ancien cadre d’Afriland First Bank, «la banque centrale assure le refinancement en devises des importations qui se sont dénouées conformément à la réglementation de change». Conscientes de la situation, elles se défoncent sur la banque centrale pour ne pas perdre la face devant leurs clients.

    Fraude

    Interpelé sur la question, le 21 mars dernier, à l’issue du dernier Comité de politique monétaire (CPM), le gouverneur de la Beac a été formel: «il n’y a absolument aucune contrainte supplémentaire aux règles déjà en vigueur». «Tout ce que la banque (centrale NDLR) fait c’est de s’assurer que la conformité à la règlementation de change est remplie».

    Pour cela, explique Abbas Mahamat Tolli, «nous demandons aux agents économiques et en particulier aux banques qui exécutent ces opérations, de fournir un certain nombre d’éléments d’appréciation de ces transferts. Ce sont des précautions qui existaient déjà sur le plan réglementaire, et qui n’étaient pas souvent appliquées avec rigueur, et c’est tout ce que nos services essayent de faire désormais». «Lorsque les importations sont codées, toute la documentation nécessaire fournie à la banque centrale à temps, les opérations se font de façon rapide», renchérit le Tchadien.

    Abbas Mahamat Tolli, gouverneur de la Beac: «En 2016, seulement 2% de demandes d’importation avaient été rejetées. En 2017, nous sommes à 37%»

    En fait, beaucoup d’opérations de transferts sortants sont en réalité des sorties spéculatives de capitaux, avait déjà indiqué le gouverneur lors d’un échange avec la presse au sortir du denier CPM de l’année 2017. «C’est-à-dire des situations où des gens viennent déclarer vouloir importer des choses, que l’on autorise mais qu’on ne retrouve pas dans les données du commerce international ;donc se sont déroulés en violation de la règlementation de change», expliquait celui qui est par ailleurs le président du Comité de politique monétaire.

    Et «pour la plupart des cas, avec la complicité des banques qui ont pourtant la responsabilité de veiller à la conformité de ces opérations aux risques d’amandes», accuse un ancien banquier. Tout au long de sa carrière, l’homme avoue avoir eu à faire à des importateurs fraudeurs. «J’en ai vus qui avaient deux déclarations d’importation. Une pour le ministère des Finances et une autre au montant beaucoup plus élevé pour la banque», affirme-t-il.

    C’est contre ces pratiques que la Beac dit se battre. Une lutte qui fournit d’ailleurs déjà des résultats. «En 2016, seulement 2% de demandes d’importation avaient été rejetées. En 2017, nous sommes à 37%», se réjouit Abbas Mahamat Tolli. «Ce qui suppose que par le passé, les contrôles n’étaient pas aussi stricts que maintenant», ajoute-t-il avant de promettre: «Nous allons maintenir cette vigilance». Aux banques de jouer leur rôle pour ne pas pénaliser les opérateurs économiques honnêtes.

    Aboudi Ottou

     

    Isaac Pone
    «Le problème n’est pas la rigueur de la banque centrale»

    Cet ancien banquier, aujourd’hui consultant en montage de projets et en financement structurant, trône à la tête de Pro-Invest Cameroun, un bureau d’assistance technique et d’accompagnement stratégique. Du haut de son expérience à Afriland First Bank, où il s’est notamment occupé du financement du commerce extérieur, le Camerounais éclaire sur les responsabilités dans l’engorgement actuel du règlement des importations.

    Quel rôle joue la banque centrale dans le processus de paiement des importations?
    La banque centrale joue un rôle indirect dans les opérations d’importation, elle intervient plutôt auprès des banques commerciales pour assurer le refinancement en devises des importations qui se sont dénouées conformément à la réglementation des changes.

    Pourtant, au mois de février dernier, lors d’une rencontre entre le ministre de l’Economie et le secteur privé, des responsables des banques se sont plaints de ce que la Beac soit devenue exigeante en matière de couverture en devises des transferts sortants. Et que, de ce fait, leurs clients font désormais la queue pour être servis. A votre avis, quel est le problème ?
    A mon avis, le problème n’est pas la rigueur de la banque centrale, car elle l’a toujours été ; mais plutôt la rareté des devises auprès des banques commerciales, qui ne reçoivent plus assez de transferts issus des opérations d’exportations, et par conséquent, sont de plus en plus en situation de déficit de liquidités en devises auprès de leurs différents correspondants à l’étranger. Cette situation de déficit de temps en temps très marquée, a d’une part, entrainé l’introduction d’une nouvelle commission de transaction dite commission de liquidité, qui varie chaque jour en fonction de la disponibilité ou pas des devises chez les correspondants, et d’autre part génère une file d’attente dans l’exécution des transferts émis.

    De son côté la Banque centrale répond qu’elle ne fait rien de plus que d’appliquer avec rigueur la réglementation sur le change. Elle indique par ailleurs que cette vigilance lui a permis de limiter les transferts spéculatifs. Cet argument est-il recevable ?
    Cet argument est essentiel pour apprécier la gravité de la situation. En effet, lorsque la banque commerciale ne soumet pas un dossier d’importation au refinancement en devises, la banque centrale n’a aucun moyen pour apprécier en temps opportun la conformité à la règlementation des changes des opérations effectuées. Pourtant actuellement, le déficit de devises dans les banques commerciales les oblige à se retourner vers la banque centrale, ainsi, cette dernière reçoit une masse de plus en plus importante de demande de refinancement, ce qui lui permet d’avoir une appréciation beaucoup plus vraisemblable sur la qualité des transferts.

    Quels types d’impacts les sorties illégales de fonds ont sur l’économie du Cameroun et de la sous-région ?
    En considérant les sorties illégales de fonds comme de la fuite de capitaux, nous pensons que l’impact de la fuite des capitaux sur l’économie locale peut être analysé sous deux angles différents. D’abord, sur le plan économique, ces ressources financières qui ont quitté le Cameroun, pourraient participer au financement de l’économie nationale. Le circuit bancaire camerounais pouvait utiliser ces ressources pour financer les entreprises, les investissements, les besoins de l’Etat qui émet, souvent, des bons du trésor et des obligations.
    En outre, ces fonds envoyés dans des paradis fiscaux diminuent les capacités de ressources financières de l’Etat. Ce qui fait que l’Etat est obligé d’aller emprunter ou demander des ressources ailleurs comme sur les marchés financiers. Avec ces ressources, on pourrait créer des emplois et par ricochet des richesses.
    L’autre conséquence que pourrait entrainer la fuite des capitaux sur le plan économique, c’est la perte de marge importante sur les recettes fiscales. S’il y a moins de collecte de taxes et d’impôts sur les avoirs des citoyens, cela peut grever les caisses de l’Etat qui voit ses recettes baisser.
    Sur une échelle communautaire et vu sur le plan monétaire, ces capitaux qui quittent le Cameroun, le Gabon, la Guinée Equatoriale, etc., diminuent la masse monétaire en circulation dans l’espace Cemac. Et cela affaiblit le marché financier de la zone. Du coup, les bourses de valeurs mobilières (Libreville et Douala) peine à satisfaire les besoins de financement des entreprises ou des Etats qui émettent des titres.

    Interview réalisée par AO

  • Développement des exportations: Motaze, Mbarga Atangana et Ousmane Mey se neutralisent

    Développement des exportations: Motaze, Mbarga Atangana et Ousmane Mey se neutralisent

    Les actions menées par les ministères camerounais des Finances, du Commerce et de l’Economie en matière d’exports sont en opposition. Alors que les recettes d’exportation du pays sont en baisse continue depuis 2014, des experts et acteurs du secteur plaident pour plus de cohérence et de coordination.

    Au lendemain de sa nomination, le 02 mars 2018, comme ministre des Finances  (Minfi), Louis Paul Motaze a reconnu, lui-même, que l’un de ses défis majeurs serait de trouver un juste équilibre entre la nécessité de mobiliser davantage les ressources intérieures et celle de promouvoir le secteur privé. Pour l’instant, le Cameroun peine à concilier avec efficacité les deux objectifs. Et l’ancien ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat) est bien placé pour le savoir.

    Convaincu que la solution à la crise des devises que traverse les pays la Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale (Cemac) passe par la diversification des économies de la région, Louis Paul Motaze place, en fin du mois de janvier, la conférence annuelle des responsables du ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire sous le thème de l’accélération de la diversification de l’économie. A l’occasion, ce dernier explique qu’il s’agit à la fois de multiplier les volumes et les types de produits d’exportation et de les transformer davantage avant leur commercialisation sur le marché international.

    Jacquis Kemleu, secrétaire général  de l’Asroc: «On ne peut pas comprendre qu’on soit en train d’encourager les exportations et qu’on demande de payer une taxe à l’exportation du savon en donnant l’impression que la matière première importée est réexportée»

    Dans son rapport sur le commerce extérieur en 2017, publié en février dernier, l’Institut national de la statistique estime en effet que «les exportations demeurent très peu diversifiées et sont constituées principalement de produits primaires». Conséquence, les recettes d’exportation sont en baisse continue depuis 2014 (voir graphique), date du début de la chute des prix sur le marché international de certaines matières premières comme le pétrole.

    «Il faut que nous travaillions à faire qu’il y ait davantage de produits de sorte que les effets de la baisse d’un produit soit plus ou moins compensés par la bonne tenue du prix des autres… C’est aussi bien de noter qu’au même moment où le prix du Cacao baisse sur le marché international, le prix du chocolat ne baisse pas. Ça veut dire que ce que vous vous produisez et exportez brut voit son prix chuter (c’est-à-dire que vous êtes moins rémunérés) mais dès que le produit est transformé ailleurs, il vous est vendu au prix le plus élevé», indique le ministre pour mieux illustrer l’enjeu. Pour y répondre, il annonce pour cette année, le renforcement du rôle du secteur privé (notamment des entreprises exportatrices): lancement de la politique de soutien aux champions nationaux, appuis à l’amélioration des process de production et financement du haut de bilan des entreprises sont placés au centre des priorités de l’action du Minepat pour cette année.

    Contradictions

    Mais pour nombre d’exportateurs, cette politique volontariste affichée par Louis Paul Motaze est contrariée par la politique fiscale menée sous la conduite du ministère des Finances que dirigeait jusqu’au 02 mars Alamine Ousmane Mey, avant d’être nommé Minepat. «On ne peut pas comprendre qu’on soit en train d’encourager les exportations et qu’on demande de payer une taxe à l’exportation du savon en donnant l’impression que la matière première importée est réexportée», fulmine Jacquis Kemleu, le secrétaire général de l’Association des raffineurs des oléagineux du Cameroun (Asroc), l’une des rares filières d’exportation de produits transformés du pays.

    ÉVOLUTION DES EXPORTATIONS (MILLIARDS DE FRANCS CFA)

    Source: rapport sur le commerce extérieur en 2017 (INS).

    Afin d’atteindre les objectifs de mobilisation de ressources intérieures fixés dans le programme d’ajustement conclu avec le Fonds monétaire international en juin 2017, la loi de finances 2018 a instauré des taxes à l’exportation ou réévalué celles qui existaient déjà. Il est par exemple désormais exigé aux exportateurs de savons de ménage «généralement fabriqué au Cameroun sur la base de l’huile de palme brute importée le plus souvent en exonération totale ou partielle, en fonction des politiques et programmes gouvernementaux», de procéder, avant toute exportation, «au paiement de la fraction ou de la totalité des droits et taxes non liquidés lors de l’importation» de l’huile de palme.

    Cette disposition met en rogne les acteurs de la filière. «Le savon est produit à partir d’un sous-produit qu’on appelle la stéarine (obtenu après le fractionnement de l’huile de palme brut). Vous valorisez le sous-produit et on vous dit que vous avez réexporté la matière première?», s’interroge Jacquis Kemleu avant de mettre en garde : «ça c’est une question qui est suffisamment grave et qui risque de briser à jamais la volonté de conquérir de nouveaux marchés».

    Agence des exportations

    Même au ministère du Commerce, département ministériel dirigé par Margloire Mbarga Atangana, ces taxes à l’exportation sont décriées. «Nous qui mettons en œuvre le programme « développement des exportations », nous ne pouvons pas être pour les taxes à l’exportation. On est là dans une contradiction. On ne peut pas promouvoir et mettre les taxes au même moment. Donc, il est question de travailler de manière coordonnée pour qu’il y ait une cohérence de la politique publique qui est censée être mise en œuvre», commente Narcisse Ghislain Olinga. Le sous-directeur des échanges c­­­­ommerciaux au ministère du Commerce s’est exprimé à l’occasion de la conférence annuelle des responsables du Minepat.

    A bien écouter ce haut cadre, les problèmes de cohérence et de coordination sont plus profonds. «La stratégie nationale des exportations du Cameroun, élaborée en 2015 sous les auspices du Minepat, s’est donnée pour objectif de doubler nos exportations à l’horizon 2035 en se basant sur une approche par filière (Cacao, coton, bois…). Par contre, le programme « développement des exportations », que nous mettons en œuvre au ministère du Commerce, est basé sur l’approche par destination selon le triptyque intégration régionale, intégration des marchés émergents et consolidation de notre présence sur les marchés traditionnels (Union européenne, Etats-Unis…).», fait observer le fonctionnaire.

    Narcisse Ghislain Olinga, sous-directeur des échanges  c­­­­ommerciaux au Mincommerce: «il y a donc nécessité, urgence même, de mettre en place l’Agence de promotion des exportations qui avait été prévue depuis 2002 dans le cadre de la charte des investissements»

    Son collège Gilbert Mbipan Kwachuh, également présent lors de cette conférence, pointe pour sa part «une politique publique dispersée entre plusieurs institutions et multitudes de document prospectifs». Il en dénombre une vingtaine allant de la «Vision Cameroun 2035» à l’«Evaluation sur la base documentaire du potentiel du Cameroun dans le secteur agricole».

    Pour Narcisse Ghislain Olinga, «il y a donc nécessité, urgence même, de mettre en place l’Agence de promotion des exportations qui avait été prévue depuis 2002 dans le cadre de la charte des investissements». Selon lui, «cette agence devrait piloter, coordonner… la politique nationale du commerce extérieur avec un déploiement qui serait véritablement tentaculaire. Elle s’occuperait des questions de financement, de dynamisation de notre appareil d’exportation…». La recommandation a été reprise dans le rapport général de la conférence. Mais qu’en fera-t-on? Le temps permettra de répondre à cette question.

    Aboudi Ottou

     

    Commerce extérieur: le Cameroun dans le top 5 des contre-modèles

    Selon la Banque mondiale, le pays fait partie des économie où l’import – export est le plus difficile au monde.

    L’autre chantier que Yaoundé, qui affiche sa volonté de booster ses exportations, devrait adresser avec efficacité, c’est la facilitation du commerce extérieur. Le commerce transfrontalier est en effet l’indicateur dans lequel le Cameroun est le plus mal classé dans le Doing Business 2018, l’enquête de la Banque mondiale qui classe les pays en fonction de la facilité qu’il y a à y faire les affaires. Il occupe en effet la 186ème place sur 190 économies classées dans la 15e édition publiée le 31 octobre 2017. Ce qui fait du Cameroun le 5e pays où le commerce transfrontalier est le plus difficile au monde avec une distance de la frontière (DDF, renseigne à quel degré chaque économie est proche des meilleures pratiques mondiales en matière de réglementation des affaires, un score plus élevé indiquant un environnement des affaires plus efficace et des institutions juridiques plus solides) de seulement 15,99 sur 100. Une contreperformance que le pays affiche depuis au moins quatre éditions déjà (Doing Business 2015, 2016, 2017, 2018).

     

    DONNÉES COMPARATIVES SUR LE COMMERCE EXTÉRIEUR

    (CAMEROUN, AFRIQUE SUB-SAHARIENNE, OCDE)

    Source: Doing Business 2018.

    Pour mesurer les difficultés à l’import – export, les experts de la Banque mondiale évaluent le délai et le coût nécessaires à l’obtention, la préparation et la soumission des documents durant la manutention au port ou à la frontière, de même que le délai et le coût nécessaires à l’obtention, la préparation, la présentation et la soumission des documents. Et le moins qu’on puisse dire est que le pays de Paul Biya est encore très loin des bonnes pratiques mondiales sur tous ces aspects (voir tableau). A titre d’illustration, le respect des procédures coûte à un importateur 1407 dollars américains au Cameroun alors que les moyennes en Afrique subsaharienne et dans les pays occidentaux sont respectivement de 686,8 et de 111,1 dollars.

    Le sujet a été au centre de l’édition du Cameroon Business Forum (CBF, plateforme d’échanges public‐privé pour l’amélioration du climat des affaires) tenue à Douala le 13 mars 2017. Pour tenter d’améliorer les choses, il avait été décidé d’opérationnaliser un 3ème portique au Port autonome de Douala; de mettre en exploitation le formulaire unique des opérations du commerce extérieur; d’élaborer les textes d’application sur le commerce extérieur. Le 12 mars dernier, lors de la 9e édition du CBF, on a appris que toutes ces mesures ont connu un aboutissement heureux. On attend d’en mesurer l’impact sur la facilitation du commerce extérieur lors du Doing Business 2019.

    AO