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Cameroun:Une nouvelle arnaque au siège de la Mida

Sous le prétexte de suivre les dossiers de remboursement, un groupe d’individus extorque de l’argent aux souscripteurs de ce « programme ».

Parce que la nature a horreur du vide, Boris s’est imposé en porte-voix d’une foule anonyme, souffrante et éruptive devant le siège de la Mida (Mission d’intégration et de développement pour l’Afrique) sis au quartier Ahala (Yaoundé III). Face au reporter, son phrasé est d’un charme ensorcelant. «Le gouvernement ment évidemment.

Assurément, son contingent a ramassé l’argent. Courageusement et fermement, nous lui réclamons cet argent. La Mida a généreusement et irréprochablement enrichi beaucoup. D’où vient-il qu’en ce moment, on dise qu’il n’y a plus d’argent ? S’ils ne veulent pas de soulèvement, qu’il leur remette leur argent calmement».

Ce 25 avril 2018, son discours s’inspire du dernier communiqué du ministre de la Communication (Mincom) sur le sujet. Des hommes et des femmes l’écoutent attentivement. Des indiscrétions picorées sur le site révèlent que Boris ne fait pas partie des personnes en attente de remboursement de leur argent placé dans cette ONG scellée le 19 avril 2018 par Jean-Claude Tsila, le préfet du département du Mfoundi.

Au moins, Boris a une bonne raison de flâner ici: «Je suis le chargé de communication des gens que vous voyez. Je suis là pour leur donner la bonne information sur les délais de remboursement et la procédure à suivre», brandit-il sans fard. Sous un soleil doux, Boris a un autre rôle : calmer les souscripteurs qui échouent à contenir leurs émotions. Aux uns et autres, il conseille de porter leurs noms et prénoms sur sa liste, moyennant 2 500 francs CFA, de «frais de suivi».

Combat d’intentions

Ici à Ahala, on ne compte plus les versions sur un prétendu échéancier de remboursement. Dans la foule, l’ambiance nourrit toutes les suspicions sur les intentions réelles de l’Etat. «C’est la même ambiance qui nous force à nous confier aux chargés de communication», confesse un vendeur de pagnes ayant souscrit à hauteur de 300 000 francs CFA.

Selon ce commerçant, des plateformes d’informations ont vu le jour depuis la cessation des activités du Mida. «Au moins cinq groupes nous donnent des informations de première main sur la position de nos demandes de remboursement», avance-t-il. La passerelle est toute offerte à Mister Luke, un autre chargé de communication. Sur la foi de ses «constats propres», «le gouvernement fait miroiter aux souscripteurs une rétrocession de leur argent, mais son plan reste totalement flou», analyse-t-il, se félicitant d’apporter aux usagers «une clarification sur ce qui a toutes les apparences d’un marché de dupes».

La suite révèle que des listes ont été confectionnées. Elles s’allongent chaque jour, sans que la moindre preuve de «suivi» ne soit fournie par ceux qui les tiennent. A ce propos, Boris se débine et bonifie son rôle de «chargé de communication». «Pour une affaire aussi bizarre que celle du Mida, les souscripteurs sont de plus en plus marqués par deux tendances contradictoires.

D’une part, ils sont submergés d’informations hétérogènes provenant des médias, dans des flux où l’accessoire et l’anecdotique côtoient l’essentiel et le fondamental. D’autre part, la tendance actuelle est à la personnalisation de l’information ; parce que les cas ne sont pas les mêmes. Mon équipe et moi-même œuvrons pour que les gens qui ont mis leur argent dans cette affaire soient bien informés », dit-il. Sur son portable, l’icône des «textos» signale des dizaines de messages.

A travers ceux-ci, des souscripteurs, dont les espoirs se sont fracassés au lendemain de la publication du second communiqué du Mincom, faute de temps, le sollicitent en payant via le mobile money. De fait, des dispositifs logistiques et humains ont été mis sur pied. A la clé, pour répondre à trois besoins : «raccourcir les délais de traitement des dossiers des souscripteurs, faciliter les échanges entre ces derniers et la commission de recensement, enfin leur permettre de communiquer presque en temps réel», vante Boris.

Concurrence

Sur place ici, la com’ sur le remboursement des sommes a trouvé une nouvelle résonnance avec le blackout sur la suite des enquêtes diligentées par les autorités compétentes. Ceux qui, comme Mister Luke, prétendent les côtoyer, diabolisent les «nouveaux réseaux» constitués autour de l’«affaire Mida». «Ce sont des gens qui ne font qu’amplifier les possibilités de diffusion d’informations partiales, incomplètes ou fausses», croit-il savoir. Selon lui, une tendance lourde à s’enrichir autour du «Mida fermé» s’est développée progressivement depuis quelques jours.

Et n’hésitant pas à revendiquer le copyright de «chargé de communication sur le site», le jeune homme incrimine la démarche de ses concurrents supposés ou avérés. «Celle-ci, allègue-t-il, reposerait sur la nécessité d’être le premier, pour paraître être le meilleur. A la différence de ce que nous proposons, le marketing mal conçu domine parfois».

Surfant sur le fait que ceux qui réclament leur argent au Mida sont intercalés entre la soif d’informations fiables et l’éventualité de tout perdre, un autre «chargé de communication» corrobore, sous anonymat, ce raisonnement. «Maintenant, tout repose sur la manière dont on le fait. Certains faux chargés de communication étayent sérieusement leur propos et donnent de nombreuses références, fausses par ailleurs ; parce que l’homme de la rue n’a ni accès à toutes les informations, ni le temps de tout vérifier».

Jean-René Meva’a Amougou 

 

Les premières révélations de l’enquête Mida

Dans les secrets de la main courante.

Depuis la mise sous scellés des locaux de la Mida sis au quartier Ahala, le public dans sa buée, semble attendre que le point des enquêtes soit mis à sa disposition. Cela est d’autant demandé que l’affaire Mida surgit dans un contexte où les mots sont parfois détournés de leur sens, où les charges de la preuve contre certaines autorités sont retournées, où les argumentations des uns et des autres égrènent la thématique du complot contre on ne sait qui.

I- Les responsables du Mida jouent la carte de l’omerta

Mais, à en croire des sources proches de l’enquête, les responsables de la Mida ont été mis aux arrêts dans une unité de police de la capitale. Les mêmes sources précisent que, dans un étonnant consensus, toutes les personnes arrêtées ont choisi de ne rien dire, «de peur d’être liquidées», disent-elles. Elles auraient, soulignent-on, peur de construire des impasses sur certaines autorités du pays. On indique même avec force que pour faire «rouler» le Mida, des pressions sont réputées avoir été faites à partir des hauts lieux de Yaoundé. Et du coup, au stade actuel des enquêtes, cela complexifie les enjeux que charrie la situation.

II- Siège du Mida, patate chaude dans les mains du commandement

Jusqu’ici, ce que l’on sait aussi, c’est que le fait d’avoir scellé les locaux du Mida laisse maintenant échapper l’embarras du gouvernement. Et selon de bonnes sources, celui-ci s’est engouffré dans une histoire de chiffres à crédibiliser, aux fins de rassurer une opinion nationale suspicieuse à souhait et à raison.

En fait, tout ne s’est pas passé comme prévu. On mentionne à cet effet que le vrai montant trouvé au siège du Mida reste insondable. Les autorités spéculaient au départ sur un déficit d’environ 300 millions francs CFA. D’où le premier engagement du gouvernement à rembourser tous les clients du Mida. Mais, le déficit a finalement été évalué à près de 09 milliards de francs CFA.

Ce qui justifie le rétropédalage du Gouvernement quant au remboursement des sommes placées par les souscripteurs. Colossale, cette somme a fini par ruiner les bonnes intentions du gouvernement préoccupé à lessiver son image en cette veille de scrutin présidentiel dans le pays.

III-Mida, aucun papier officiel et rôle trouble de l’administration

L’«ONG» n’a aucun papier officiel décerné par l’administration camerounaise, si ce n’est un récépissé de déclaration de création d’un journal dénommé Mida. Ce récépissé est signé de Joseph Beti Assomo, alors préfet du département du Mfoundi. Les autorités administratives du Mfoundi le savaient. Et selon toute vraisemblance, utilisait ce manquement comme moyen de chantage aux responsables du Mida. En effet, le Mida existe comme journal, et non comme structure de formation, de collecte et de redistribution de fonds.

En voulant créer une antenne supplémentaire dans l’arrondissement de Yaoundé IV, les responsables du Mida ont vu les enchères monter de la part de hauts commis de l’Etat en charge de l’administration dans le département du Mfoundi. Le montant de 100 millions de FCFA est avancé pour permettre à Mida d’étendre ses activités dans l’arrondissement de Yaoundé IV. Malheureusement, la négociation a tourné au vinaigre, et la pose des scellés au siège du Mida a provoqué une émeute inattendue. Ce qui a permis de découvrir le pot aux roses.

Des indiscrétions très informées relèvent par ailleurs que les services spéciaux du pays ont régulièrement produit et mis à la disposition des hautes autorités du pays (notamment la présidence de la République) de nombreux bulletins de renseignements sur le Mida. Ceux-ci ne produisaient pas la réaction attendue. Actuellement, l’heure est à l’identification des points de blocage.

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