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Archives des DOSSIER - Page 3 sur 5 - Journal Intégration

Journal Intégration

Catégorie : DOSSIER

  • «Combat»: Chroniques sorcières de chez nous

    «Combat»: Chroniques sorcières de chez nous

    Encore inconnu du grand public il y a quelques semaines, l’abbé Cyprien Beaugos Amougui fait désormais parler de lui. Pour avoir frappé un vieillard qu’il accuse de pratique de sorcellerie, le jeune prélat a coché, en quelques jours seulement, toutes les cases de célébrité. Dans cette affaire, la symbolique a d’abord installé le récit à Ndongko, discret hameau de la zone pastorale de Mbalmayo (région du Centre).

    Et puis, grâce à la magie médiatique, l’itinérance dramaturgique de la même affaire a été amplifiée avec des images tournées sur la commande expresse du prêtre. Au final, ce sont des bataillons fédérés des dénonciateurs qui se sont dressés contre des escouades de laudateurs de l’acte de l’abbé Cyprien Beaugos Amougui. Tout cela, l’État et les organisations de défense des droits de l’Homme l’ont regardé d’un œil distrait. Mieux, ils ont laissé le soin à la hiérarchie du prêtre de prendre ses responsabilités. Le 27 août dernier, Mgr Joseph Marie Ndi Okala, l’évêque de Mbalmayo a suspendu le « curé fouettard ».

    Pour les juristes, il y a dans cette affaire des problèmes juridiques immenses. Sur les réseaux sociaux, la haine se déverse, certains allant même jusqu’à demander qu’on enferme l’abbé Cyprien Beaugos Amougui, ou qu’on lui fasse payer tous les frais d’hospitalisation de sa « victime ». Et sur les chaînes de télévision, certains chroniqueurs ont participé de ce climat haineux, certains allant même jusqu’à appeler à ce que la police vienne chercher le curé et le fouetter publiquement. En clair, une bonne partie de l’opinion publique est prise d’une fureur répressive. Le plus inquiétant est que les fidèles de la paroisse Saints Philippe et Jacques de Ndongko eux-mêmes plébiscitent, dans leur majorité, le maintien du prélat dans son lieu de service.
    Essayons donc, face à l’hystérie qui embrume notre jugement, de poser quelques principes clairs et de bon sens. C’est l’objet du présent dossier.

    Parfois les ministres du culte se bidonnent en accusant les laïcs de pratiques occultes. Parfois, un geste, un simple mot peuvent suffire à déclencher chez eux une peur bleue. Parfois aussi, ils jouent simplement les faux-héros.

    Jean-René Meva’a Amougou

    Une affaire de vengeance ?

    Sur le coup, certains analystes croient que le discours du pardon est désormais enseveli sous l’autel de la suspicion simple.

    L’observation de ce qu’il s’est passé à Ndongko permet de dire que l’abbé Cyprien Beaugos Amougui a fait de la chasse au sorcier. La rhétorique guerrière relevée au cours de la bastonnade qu’il inflige à un vieillard est révélatrice de l’aspect dur du traitement subi par le présumé sorcier. Le pasteur, par ses propos, a convaincu les adeptes que cet indi¬vidu est dangereux et qu’aucun compromis n’est possible. Il faut le mettre «hors d’état de nuire», «le détruire». «Sur la forme, c’est très bruyant ce que scande le prêtre. Sur le fond, le tout s’inscrit en faux contre les préceptes fondés sur la foi, l’amour et le pardon. « Aimez vos ennemis», «priez pour ceux qui vous font du mal» (Matthieu 5, 44). Au mé¬pris du message messianique, il est comme emprisonné dans un système fondé sur la suspicion et la défensive», tranche d’emblée Jude Ekobena, ethno-anthropologue.

    Pour François Bingono Bingono, «le curé s’est trompé de méthode et de stratégie et n’a pas fait une investigation préalable pour s’assurer que c’est un sorcier». L’universitaire, président de l’association des sorciers et guérisseurs traditionnels du Cameroun reproche à l’ancien curé de Ndongko «d’avoir abandonné les sacramentaux de son Église pour combattre le mysticisme et la sorcellerie nocive ; ce que l’on a vécu via divers reportages des médias indique clairement cet acte tire son origine d’une myriade de récits qui sont autant de versions partiales de la culpabilité du vieillard». Il ajoute: «avant d’aller flageller un sorcier avec des tiges de macabo, on procède par une investigation pour s’assurer qu’il en est vraiment coupable. Sur tout le reste, il y a débat. Ce n’est pas ici et maintenant que l’on va conclure».

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Extrême-Nord : La gesticulation des forces et la parade de la violence

    Extrême-Nord : La gesticulation des forces et la parade de la violence

    Le 10 août 2021, des heurts meurtriers ont mis à mal la sérénité du canton d’El-Birké, dans la zone du Logone Birni, région de l’Extrême-Nord du Cameroun. Sur la scène, deux communautés rivales armées de flèches et de machettes : éleveurs Choas et les pêcheurs Mousgoums. Selon des informations recoupées sur place par le Haut-Commissariat des Nations unies aux Réfugiés (HCR), les pêcheurs Mousgoums ont créé des tranchées pour retenir les poissons et ces tranchées menacent les troupeaux des éleveurs Choas. Dans son rapport-bilan, le HCR fait état de 32 morts et des dizaines de blessés, 11 000 réfugiés au Tchad voisin et 7 300 déplacés internes.

    De manière très ouverte et tragique, ces événements ont montré l’existence d’une conflictualité inscrite dans la vie locale. Ici, dit-on, les coups rendus doivent être plus intenses que les coups reçus et lorsque rien ne vient refroidir la dynamique, les dégâts physiques peuvent être importants. Les métaphores utilisées sont signifiantes. Venir jusqu’à la maison signifie marquer le mépris et l’humiliation que l’on veut faire subir. En réponse, la violence de la réplique doit permettre de laver l’affront en dépassant ce qui est normal. Par ailleurs, le rapport dialectique entre affrontement et vengeance permet de saisir la pérennité et la reproduction du phénomène à travers le temps. La nécessité de venger est donc centrale pour répondre aux offenses, ce sentiment est durablement entretenu par une vivace histoire locale, dont la principale fonction est la transmission mobilisatrice du récit des exploits plus ou moins amplifiés des anciens, aux générations émergentes. Ce qui est arrivé est donc incompréhensible si l’on ne se plonge pas dans l’histoire locale. Ils sont aussi incompréhensibles si l’on ne se pose pas la question de savoir quelle est l’étincelle?

    Dossier réalisé par Jean-René Meva’a Amougou

    Souvent, entre communautés basées dans cette région, c’est un litige foncier, un accès difficile aux ressources naturelles ou un banal fait divers qui vient mettre le feu aux poudres.

    Le désarroi d’une communauté du septentrion au Cameroun.

    «Mousgoum aujourd’hui ou Kotoko hier contre Arabes Choas, Gbaya contre Peuls… les scores de morts sont impressionnants et tristes à chaque fois». Sur sa page Facebook le 12 août dernier, Cabral Libii montre combien le sujet est explosif. Pour l’homme politique camerounais, la sidération provoquée par la nouvelle brutale d’une trentaine de morts enregistrés au cours des affrontements entre Mousgoum et Arabes Choas dans le canton d’El-Birké devrait donner à cette actualité un sens différent. «Et la raison est bien simple», selon la formule de Pierrot Noumba. Le politologue explique que «entre communautés voisines dans la région de l’Extrême-Nord, la violence se réessaie chaque jour sur la base d’un antécédent bien connu». Sur cet aspect, l’on cite par exemple les heurts sanglants relevés entre les Arabes Choas et les Kotokos en 1979 et 1989 dans la localité de Mbeung (Logone-et-Chari). La tragédie a été rééditée à Goulfei en avril 1990, à Maltan en juillet 1990 et à Kousseri (janvier 1992, décembre 1993 et mars 1994) et plus récemment en juin 2021 à Ndame. À chaque fois, du sang a coulé abondamment.

    Points de départ
    Si dans ses analyses, Pierrot Noumba s’attache à démontrer que ces affrontements sont le résultat d’un déséquilibre croissant entre la population et les ressources disponibles, en l’absence de tout effort de développement économique et social depuis l’indépendance, il n’oublie pas que tout feu a un point de départ. «C’est souvent un litige foncier, un banal fait divers ou un accès difficile aux ressources naturelles sont les invariants déclencheurs des hostilités; généralement, tout affrontement est modulé en fonction des conditions et des enjeux locaux à partir desquels les acteurs justifient leurs hostilités réciproques en se basant sur leur appartenance ethnique ou confessionnelle», dit-il. Plongeant dans ses mémoires, le politologue rappelle que les affrontements entre Arabes Choas et Kotoko de 1979 par exemple sont nés d’une banale affaire de réclamation d’école par des dignitaires Arabes Choas. «Dans les esprits, ce n’est jamais fini. Au fil du temps, l’on égrène le souvenir avec la conviction que les victimes d’aujourd’hui peuvent être les bourreaux d’hier (ou de demain) et de génération en génération, les gens s’engagent dans des combats dont ils n’ont pas une connaissance rigoureuse des faits de départ», théorise Pierrot Noumba.

    Résolution des différends communautaires

    Horloge sans aiguilles

    Trouver une solution reste bien difficile dans un contexte où chaque famille dispose d’une arme prête pour la vengeance.

    Le désarroi d’une communauté du septentrion au Cameroun.

    Jusqu’à un certain point, on peut donner raison au quotidien Cameroon Tribune (CT, édition du 20 août 2021). Pour avoir vu côte à côte le député Kamsouloum Abba Kabir (Arabe Choa) et le Pr Math Mazra (Mousgoum), le journal gouvernemental a conclu que les deux communautés rivales ont «fait la paix». Si l’ambiance vécue à Kousseri par le reporter de CT a semblé l’indiquer, il n’est pas acquis que la hache de guerre a été définitivement enterrée. De l’avis du psychologue camerounais Roméo Ngueti, «le temps de la vengeance tout comme sa mécanique ne s’élaborent pas de la même manière; la durée va de paire avec le refus d’oublier l’offense. En rendant le mal pour le mal, la vengeance signe un contrat de fidélité avec un passé qui ne passe pas». Dans cet énoncé, il est clairement entendu que les survivances des affrontements ne sont pas faciles à évacuer. «Posez-vous la question pourquoi depuis si longtemps certains groupes ne désarment pas et animent encore des tragédies à la moindre occasion !», exhorte Roméo Ngueti. La réponse que lui-même fournit juxtapose «des individus pris dans un fantasme inconscient de type pervers et ceux qui veulent construire une paix durable avec leurs adversaires d’hier».

    Sur ce plan, l’Institut pour la Gouvernance en Afrique centrale écrit : «des échanges avec des élites des deux communautés, il nous est apparu qu’au-delà des convenances du politiquement correct, règne une forte suspicion et une grande susceptibilité à l’évocation de leurs rapports mutuels». «Chaque famille arabe possède une arme de guerre et la culture du combat est un module de régulation sociale partout. De nos échanges formels ou informels avec divers responsables administratifs, nous avons noté une forte tendance à l’alarmisme de même qu’un sentiment relatif d’impuissance face à la sensibilité et à la complexité de la situation. Le sentiment de risque permanent, lié au fait qu’un incident isolé peut générer la déflagration, semble être partagé. L’expérience et l’inventivité personnelle des responsables en place semblent être les seules ressources d’orientation décisionnelle des autorités administratives locales», renseigne ensuite le think tank.

  • Pierrot Noumba : «Il faut être vigilant !»

    Pierrot Noumba : «Il faut être vigilant !»

    Le politologue camerounais jette un regard froid sur le phénomène des affrontements intercommunautaires au Cameroun et ailleurs en Afrique.

    Quand peut-on parler de conflit intercommunautaire?
    Il y a conflit de ce type lorsqu’un groupe se persuade, à tort ou à raison, qu’il est menacé de disparaître soit sur le plan physique, soit sur le plan politique, par la domination exclusive d’un autre groupe qui lui est insupportable. En d’autres termes, on parle de ce genre de conflit lorsque la survie réelle ou fantasmatique du groupe est en jeu, quand celui-ci se sent dépossédé non seulement d’un territoire ou de son territoire, mais plus gravement lorsqu’il se sent dépossédé de son devoir de vivre, de son identité et de sa spécificité.

    Quels sont à votre avis, les éléments qui servent souvent d’étincelle?
    Observez quelques choses. Les affrontements sanglants de janvier 1992 à Kousseri ont commencé à partir d’une dispute sur la distribution frauduleuse des cartes électorales. Des cartes d’électeurs auraient été distribuées gracieusement aux populations arabes non camerounaises (Tchad, Nigeria) avec la complicité des Arabes Choas du Logone-Chari, ce qui aurait provoqué la colère des Kotoko. 25 juin 2010: affrontements interethniques à Ebolowa, entre la communauté Bamoun et les populations locales; 10 mars 2011: affrontements entre les communautés Balikumbat et Bambalang dans la Région du Nord-Ouest du Cameroun; mai 2011: affrontements entre les Mafa et Glavda, deux peuples de l’arrondissement de Mayo-Moskota dans l’Extrême-Nord; 20 juillet 2011: dans la ville de Mandjou (département du Lom et Djerem), affrontement entre les communautés gbayas et bororos. Il faut être vigilant!

    Si vous étudiez ces incidents à la base, vous trouverez qu’il y a soit un litige foncier, soit un banal fait divers ou un accès difficile aux ressources naturelles telles que l’eau, les pierres précieuses ou les pâturages. Cela est valable partout! En 2019, des violences intercommunautaires ont fait des centaines de morts dans l’Est du Tchad. Les tensions ont notamment opposé les communautés majoritaires des régions du Ouaddaï et du Sila aux populations arabes. Loin d’être uniquement le produit de rivalités classiques entre agriculteurs et éleveurs, ces conflits révèlent de profondes fractures identitaires et une compétition pour la terre, les chefferies traditionnelles et le pouvoir local dans ces régions. Ils se doublent d’une crise de confiance entre population et autorités locales, accusées de partialité dans la résolution des litiges.

    Ces dernières années, ce genre de conflits s’est multiplié sur le continent africain. Au Burkina Faso, en Éthiopie, au Mali, et surtout au Nigeria. Dans ce pays polarisé entre un nord majoritairement musulman et un sud à dominante chrétienne, les conflits entre agriculteurs et éleveurs ont aussi une dimension religieuse et ethnique. Dans le centre du Nigeria particulièrement, ces violences ont fait des milliers de morts, et renforcé un climat de méfiance entre communautés. En 2018, un rapport de l’International Crisis Group affirmait que les conflits intercommunautaires au Nigeria avaient fait six fois plus de morts que la secte islamique Boko Haram qui sévit dans le nord du pays.

    Une certaine opinion dit que les conflits entre les communautés sont le fait des élites qui les manipulent. Que répondez-vous à cela?
    Les conflits récurrents entre communautés dans la sous-région sont les résultats de la manipulation des élites. Parce que ces dirigeants n’ont pas d’idéologie. Ils appartiennent à la mangeoire de l’État. Dans une situation pareille, puisqu’ils n’ont aucun projet, ils sont prêts à payer le prix qu’il faut. Les leaders de ces groupes communautaires (qui sont loin d’être homogènes et cohérents) jouent sur une certaine idéologie de l’ethnie et utilisent l’ensemble des instruments qu’offrent l’ouverture démocratique, la production des lois et les élections pour se valoriser, pour contrer ou réduire le poids de parties considérées comme adverses dans l’exercice du pouvoir politique, et pour l’accès aux ressources. Les faiseurs d’opinion que sont notamment les chefs traditionnels et les cadres subissent clairement l’influence de leurs référents locaux et ethniques, eux-mêmes aiguisés par les conflits fonciers et économiques en cours. Il s’agit d’une micro-escroquerie dont des milliers de personnes ont été victimes, qui se pratique systématiquement depuis plusieurs années dans nos villes et villages et qui est le fait, non d’individus isolés, mais bien de bandes organisées, qui y ont vu là une alternative plus efficace à la mendicité traditionnelle.

    Pourquoi échoue-t-on à faire taire les tensions communautaires ?
    Le recours aux mécanismes coutumiers non officiels œuvrant à la périphérie des institutions juridiques et administratives s’explique par le fait que les logiques communautaires continuent d’être développées et restent encore fortes chez les différentes populations.

    Propos rassemblés par Jean-René Meva’a Amougou

  • Économie camerounaise : dans le monde des utopistes réalistes

    Économie camerounaise : dans le monde des utopistes réalistes

    Ils ont exercé ou exercent encore un véritable magistère intellectuel dans l’espace public national, en intervenant par exemple fréquemment dans la presse. Prenant des positions argumentées sur des décisions de politiques économiques, sur l’état de l’économie nationale, ils n’ont pas été absents du travail critique fondamental. Que l’on s’appuie pour cela sur la complexité, de la technicité de leurs constructions, de leur langage et mode de raisonnement, les idées de ces personnages ont parfois fait mouche. En tant que producteurs et détenteurs d’un savoir économique, certains de nos économistes ont constaté que l’économie camerounaise est en panne. Oui, convaincus que l’activité économique qu’ils observent, mesurent et interprètent est au service du progrès humain, leurs intentions les ont amenés à déplorer que l’activité économique engendre misères et inégalités. Bien sûr, cela a souvent engendré des controverses. À tort ou à raison, l’on a bien évidemment fait de tous des pessimistes, lorsque, par exemple, certains parmi eux ont soutenu que le financement des dépenses communes par la dette est d’abord un non-dit puis un mensonge; parce qu’on engage des dépenses sans dire aujourd’hui qui les supportera demain, ensuite on laisse croire que personne ne paie ce qui justifie toutes les gabegies politiques. Juste un exemple qui permet d’expliquer les relations parfois hystérisées entre le pouvoir et eux. Le premier est accusé par les seconds de ne pas renouveler leur offre de politique économique. Le présent dossier est une galerie non exhaustive des idées de ces personnages souvent considérés comme de doux rêveurs.

    Dossier réalisé par
    Jean-René Meva’a Amougou

    Joseph Tchundjang Pouemi, l’«anti-FMI»

    Mort le 27 décembre 1984, le fils de Bangoua (département du Ndé, région de l’Ouest) a été l’un des premiers camerounais à montrer le vrai visage du Fonds monétaire international (FMI) pour y avoir travaillé en 1977. Lors d’une conférence sur son livre (Monnaie, servitude et liberté paru aux Éditions Jeune Afrique en 1980) à Yaoundé en 1980, il lança: «le Cameroun et d’autres pays africains font l’objet d’une conspiration à l’échelle mondiale, où dans les institutions monétaires les politiques édictées ont pour seul objectif l’exploitation des faibles». Cet avis proposait l’interdiction «de recourir au FMI pour financer l’économie nationale». Pour le combattre, une certaine opinion s’était fendue en une formulation «plus positive et constructive du FMI», au cours d’une autre conférence deux semaines plus tard à l’Université de Yaoundé. Aujourd’hui, plusieurs économistes qui se réclament être les disciples du disparu martèlent une prophétie: «si vous allez au FMI un jour, vous resterez pauvres pendant au moins 100 ans».


    Pius Ottou, au-delà du buzz…

    «On ne distribue pas la pauvreté, elle s’impose. On ne peut redistribuer que la richesse. Pour cela, il faut la créer. Regardez le comportement du gouvernement dans son ensemble, ce n’est qu’un comportement de consommateur». Repris à toute vitesse, digérés par les agrégateurs d’articles et autres machines à faire du buzz, ces mots ont mis le Pr Pius Ottou en position de contre-pouvoir. En se gardant bien de toute leçon professorale, l’économiste a longtemps soutenu que ce sont les privatisations qui ont plongé le Cameroun dans le chaos actuel. «Les privatisations ont consacré la fuite des capitaux vers l’étranger, en flux tendu. Je ne vous prendrai que l’exemple de la téléphonie mobile. Les deux opérateurs issus de la libéralisation du secteur ont eu, rien que pour l’année 2008, 85 milliards de bénéfices», pestait-il lors d’une interview accordée au Postcastjournal.net le 23 juillet 2009. «Malheureusement, comme je vous l’ai dit, le Cameroun est un pays aux réformes impossibles. Parce que ceux qui doivent faire les réformes refusent. C’est pourquoi l’inertie est devenue un mode de gestion… tout le monde au Cameroun se considère, en tout cas au niveau du gouvernement, comme un petit chef d’État. C’est pour cela que des gens peuvent continuer à distribuer des rentes à quelques amis et c’est toujours le peuple camerounais qui va rembourser. Et vous voyez donc le désarroi du peuple qui s’impatiente, faute de réponses à ses besoins légitimes», avait ajouté l’économiste décédé le 24 mars 2014, foudroyé par la maladie.


    Hubert Kamgang, Vision 2035 au diable!
    «Le Cameroun demeure une République bananière. Un tel pays ne peut que se porter mal pour ses habitants!». Comme dans ces propos contenus dans le Messager du 8 juin 2011, l’ingénieur statisticien-économiste (mort le 30 septembre 2020) ne voulait pas se situer à la marge d’un axe intellectuel voué à la dénonciation de ce qu’il appelait «les pratiques trompeuses». L’ancien directeur du département des statistiques et de l’informatique au secrétariat général de l’Udeac (Bangui), candidat aux élections présidentielles de 1997 et 2004 avait eu l’occasion d’être au centre d’un large débat à l’échelon national avec son brûlot intitulé : «Le Cameroun au XXIème siècle – Quitter la Cemac, puis œuvrer pour une monnaie unique dans le cadre des États-Unis d’Afrique» (paru aux Éditions Renaissance africaine, Yaoundé, 2000). Dans la sortie médiatique évoquée supra, il résumait : «M. Biya et ses idéologues ont publié en février 2009 un document intitulé: Cameroun Vision 2035. Outre que l’objectif d’un Cameroun émergent à cet horizon-là n’est pas pertinent – le pays n’a pas la masse critique nécessaire à cet effet –, le document relève à la page 56 que l’appartenance à la zone franc «obère» la compétitivité de l’économie, sans en tirer la conclusion logique que notre pays doit quitter la Cemac – puis œuvrer pour une monnaie unique dans le cadre des États-Unis d’Afrique. Or, le projet d’Hubert Kamgang part justement du constat qu’un État néocolonial ne peut pas se développer et, dès lors, pose la «dénéocolonisation» du Cameroun comme un préalable à son développement. Le projet de Kamgang vise l’horizon de la puissance !»


    Christian Penda Ekoka, arrêt sur les goulots d’étranglement
    Un cancer vient d’emporter l’ancien conseiller du président Paul Biya sur les questions économiques. À partir de cette fonction qu’il a occupée de 2010 à 2018, on peut considérer certains ressorts argumentatifs et communicationnels de l’homme. Sur sa page Facebook, la journaliste Annie Payep écrit qu’«il n’arrive pas vraiment à se formaliser de la gouvernance du système dirigeant à Yaoundé et dit régulièrement son malaise en même temps qu’il prend ses distances avec certaines décisions du pouvoir». Au cours d’une interview qu’il accorde à Vox Africa en 2018, il parlait des instructions du chef de l’État qui se perdent dans les égos; des investissements qui sont faits en marge de ce dont les populations ont besoin. «Au Palais, disait-il, il y a un vide stratégique. Le problème c’est l’organisation du travail gouvernemental; il est anormal qu’on nous parle par exemple d’un plan d’urgence et que celui-ci mette 4 ans». Sur un autre plateau, il parlait d’«obsolescence programmée, défectuosité planifiée des plans conçus au Cameroun». Pour y remédier, Christian Penda Ekoka suggérait un «tournant politique et idéologique». Sa vision sous-tendait l’idée d’un changement brutal et radical, car, disait-il, un «tournant de politique publique trouve sa source dans un changement de référentiel, entendu comme cadre d’interprétation et de pensée des acteurs».


    Dieudonné Essomba, grande gueule
    Il scande ses idées avec passion. D’après lui, le Cameroun est dans une situation terrifiante. La récession va s’aggraver. «Il y a le feu. Regardez où en sont les moteurs de la croissance. La consommation est en panne à cause du chômage, l’investissement aussi puisque les perspectives sont nulles, les exportations sont en berne car l’Europe est en récession et la dépense publique est contrainte par l’objectif de réduire les déficits». Voilà l’un des crédos de l’ingénieur principal de la statistique et ancien chargé d’études au ministère de l’Économie. Il estime que dans le système politique camerounais actuel, les cabinets ministériels constituent le premier cercle de la décision politique. En effet, pour lui, la pratique des institutions de la République a conduit à une prééminence de l’exécutif dans la production de la politique publique.

    Ainsi, les entourages ministériels ont acquis un rôle croissant depuis l’indépendance. La crise économique est là! Cette crise que j’ai passé mon temps à annoncer depuis 2010, à tue-tête, à tous les milieux dans tous les médias, elle est déjà là ! J’ai été désavoué, moqué! Tout le monde disait: «Petit haineux, depuis que tu annonces cette crise, le Cameroun va à merveille !» Quand j’avais publié mon texte en annonçant que la crise du Cameroun sera pire que celle de la Grèce en 2015, j’ai été interpellé et sommé de cesser d’ameuter les Camerounais… Nous sommes maintenant où? Le gouvernement fait semblant d’être surpris, alors que tout se dessinait: de très mauvais choix stratégiques sur le plan économique, une gouvernance faite de prédation, un entêtement à multiplier les crises comme le problème anglophone qui nous saigne à blanc… On pouvait s’attendre à quoi? Les Eurobonds et bien d’autres dettes extérieures sont arrivés à expiration et nous n’avons même pas un kopeck pour honorer nos engagements. La Trésorerie est totalement vide et les réserves extérieures n’atteignent pas 2 mois, alors que la norme est de 6 mois.



    Célestin Monga, l’homme des métaphores

    Actuellement professeur invité à la Harvard Kennedy School (USA), cet économiste séjourna en prison dans les années 1990 après qu’il eut exigé plus de liberté et de démocratie dans une lettre ouverte à Paul Biya. Avec les membres et les invités du Club des Vigilants, le 17 novembre 2020, il a partagé quelques-unes de ses convictions. Selon lui, «ce n’est pas l’agriculture traditionnelle, ce ne sont pas les matières premières et ce ne sont pas les services qui feront sortir l’Afrique de sa pauvreté et qui fourniront emplois et revenus à une population jeune en forte croissance (2,4 milliards habitants en 2050 dont la moitié de moins de 25 ans). C’est l’industrie». La suite: «Dans trop de pays d’Afrique il y a une «sclérose du politique. Rien ne change. Il faut que les populations puissent changer ceux qui ne font pas leur travail. Il y a une fausse volatilité politique». Le 14 juillet 2010, Influences (agence de presse des idées) rapporte ses idées. «Le Cameroun est la métaphore d’une Afrique qui cherche ses marques dans un monde qui la méprise». Prolongeant cela dans une tribune parue dans le quotidien le Monde le 2 septembre 2017, Monga écrit: «tout le monde ou presque doit travailler pour survivre parce que le gouvernement n’a aucune marge de manœuvre budgétaire pour mettre en place des filets de sécurité sociale».

  • Logements universitaires : Les étudiants étrangers à l’assaut des chambres

    Logements universitaires : Les étudiants étrangers à l’assaut des chambres

    La demande est forte en cette période de rentrée académique. Entre réservation sur fond de sous-traitance et acquisition «claire» d’un local, toutes les démarches sont bonnes.

    Une vue de la cité univertaire à Ngoa-Ekellé.

    La bataille est rude pour l’acquisition des chambres dans les mini-cités de la capitale politique du Cameroun. Depuis leurs pays (Tchad, Gabon, RCA, Congo, Guinée équatoriale, RDC…) les étudiants étrangers poursuivant leurs études à Yaoundé font des pieds et des mains pour des réservations. Raymond Edu est président national et régionale de l’Union des étudiants équato-guinéens résidant à Yaoundé (UEGEY). Et à l’en croire, son association s’est justement spécialisée dans ce domaine. Son rôle est alors de veiller en fonction des règles en vigueur, à ce que «tous les membres s’impliquent dans la recherche à la fois des chambres et des universités au Cameroun». Pour ce faire, explique-t-il, «il y a des relais au pays. Plus encore, il existe un groupe WhatsApp qui regroupe tous les étudiants du pays ici. Sans oublier que presque tous ces étudiants y ont des parentés».

    La chasse aux chambres n’en est encore pourtant qu’à ses débuts. «En septembre, je sais que je ne vais pas résister à la pression des parents, sans oublier l’ambassade qui va vouloir se rassurer que les étudiants et leurs enfants sont bien logés», fait savoir ce dernier pour qui «son association est en première ligne».

    Lionel Koya, étudiant centrafricain en urologie au Sénégal, en vacance à Yaoundé, confie par exemple qu’«il y a un de mes frères qui doit venir à Siantou pour faire le droit. Il a pris contact avec un compatriote qui devait l’héberger, mais ce dernier ne décroche plus le téléphone. Il m’a fait signe et je me suis porté volontaire de lui trouver la chambre. Je lui ai montré les prix de la cité où je réside (40.000 FCFA) la chambre et je suis en pleine négociation avec le concierge».

    Charlie Fort, un autre Centrafricain étudiant en master en droit humanitaire à l’Université catholique au campus d’Ayene, dit également avoir joué le même rôle. «J’ai déjà trouvé une chambre pour ma cousine qui doit venir pour Siantou parce qu’après le 15 août, c’est une guerre qui va commencer». Il ajoute qu’«au Cameroun, les prix proposés aux étrangers sont souvent augmentés, dont je suis passé par un ami».
    En la matière, les Congolais ne sont en reste. «Tous les jours, je reçois les coups de fil venant soit de Pointe-Noire, soit de Brazza. Trois connaissances ont réussi le premier concours de la ‘‘catho’’, on ne sait pas s’ils seront retenus à l’intérieur, du coup, leurs parents me demandent de réserver les chambres à proximité du campus comme ils sont trop jeunes», affirme Jules Louemba, étudiant en master en droit des affaires.

    Elisabeth Amombo, propriétaire d’une mini-cité en face de l’Université Catholique d’Afrique centrale, pense avoir compris la stratégie de certains ressortissants étrangers. Elle explique que «les Tchadiens viennent louer les chambres à l’avance et les sous-louent ensuite à leurs compatriotes plus cher». Abdul Faris, tchadien et technicien dans les organisations non gouvernementales corrobore ces propos. «Moi je propose à mes frères de trouver des chambres, je m’entends avec le bailleur sur le prix, je lui apporte le client et il ne regarde pas le reste», avoue ce dernier. Il conclut : «j’ai déjà mon groupe Facebook et je rentre en contact avec des parents qui sont sûr que leurs enfants sont dans des chambres de bonne qualité».

    André Balla Onana

    taux de réussite

    L’OBC observe une tendance haussière

    L’institution constate cette évidence pour la session 2021 des examens du Probatoire général, Bacc et Brevet de techniciens STT.

    Même si les statistiques affichent une hausse par rapport à l’année dernière où l’on se trouvait à 31,96%, les résultats du probatoire de l’enseignement général de 2021 restent en dessous des 50%. Ils se situent à 49,88%, ainsi que l’attestent les procès-verbaux publiés conjointement par l’Office du baccalauréat du Cameroun (OBC) et le ministère des Enseignements secondaire (Minsec). Dans cette mouvance, il faut également intégrer la publication des résultats du brevet de techniciens et du baccalauréat STT qui ont respectivement affiché 75,90% et 66,89%; sans oublier les brevets professionnels commerciaux de l’enseignement technique présentant pour leur part 46,70%.

    Selon les statistiques du probatoire de l’enseignement général, la région du Centre occupe la première place avec un taux de réussite de 56,04% pour un effectif de 70.656 postulants. Quant à l’Extrême-Nord, la région ferme la marche avec 35,64%, pour un effectif de 28.366 candidats. Le Nord-Ouest a présenté des effectifs de 223 candidats, tandis que l’effectif du Sud-Ouest était de 525. Ces deux régions en crise occupent respectivement la 2e et la 4e place, soit 53,70% pour la première et 49,13% pour la seconde.

    Pour ce qui est des deux autres régions septentrionales, l’Adamaoua présente 48% pour un effectif de 8.971 prétendants et occupe la 5e place. La région du Nord occupe quant à elle la 9e et avant-dernière avec un effectif de 16.936 et un taux de réussite de l’ordre de 40,18%. Le Littoral est 3e dans le classement général avec 52,92% et un effectif de 51.433 aspirants. Son poursuivant immédiat est l’Ouest dont l’effectif total est de 38.636 pour un taux de réussite de 46,45%. Les deux régions voisines et forestières que sont le Sud et l’Est sont 7e et 8e. Pour la région de l’Est, on a un effectif de 9.668 candidats pour un taux 44,60% et pour la région du Sud, elle affiche 40,46%. Pour 10.667 candidats.

    Autres résultats
    En ce qui concerne les autres résultats de l’enseignement technique et plus précisément le Bac SST qui affiche un taux global de 66,89%, la région du Nord trône à la première place avec 81,16% de taux de réussite. Ce qui contraste avec les résultats de la région de l’Adamaoua qui ferme la marche dans le classement des régions. Elle a un taux de réussite de 52,68%. Dans cet examen, la série SES est première en terme de série avec un taux de réussite de 89,10%.

    Pour les résultats du brevet de techniciens STT qui ont connu une progression considérable, on passe de 47,58% en 2020 à 75,90% en 2021. Ici la région de l’Ouest arrive en tête avec 92,70% et l’Extrême-Nord qui a 37,78% du taux de réussite ferme la queue.

    Aux Brevets professionnels commerciaux, on remarque aussi une forte progression. En 2020, on avait 28,57% de taux de réussite alors que cette année, le résultat est de 46,70%.

    ABO

  • Les crimes de l’argent venu d’ailleurs

    Les crimes de l’argent venu d’ailleurs

    Surfacturation, projets immatures, administration fiscale guère efficiente voire corruption, sont pointés du doigt comme les tristes résultats de la gestion des fonds obtenus par l’endettement.

    Le stade d’Olembe: spécimen de projets financés par la dette.

    « Nous sommes très proches du moment où nous récolterons les fruits d’années de sacrifices et d’efforts difficiles », se réjouissait Paul Biya en fin d’année 2005. Le chef de l’État, postulent quelques analystes, entrevoyait déjà l’admission de son pays à l’Initiative PPTE (Pays pauvres très endettés). Le 1er mai 2006, la « bonne nouvelle » retentit depuis les couloirs des Conseils d’administration du FMI et de la Banque mondiale. « Quand elles ont été décidées, ces actions devaient sans doute être un remède à prise unique et faire disparaître le problème de la dette au Cameroun. Or, à peine 20 ans après, nous voici revenus quasiment au point de départ », regrette Charles Bongwen Linjap.

    L’expert de la PFIAD relève que, ces 10 dernières années, le Cameroun a obtenu beaucoup d’argent des bailleurs internationaux pour réaliser ses investissements retenus dans le DSCE (Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi). « Au final, pas grand-chose hormis quelques réussites », pose Charles Bongwen Linjap. Il explique que les trajectoires prises par « cet argent venu d’ailleurs est à l’image de la série de ratés, de projets qui piétinent (autoroutes Douala-Yaoundé et Nsimalen-Yaoundé ; Stade Paul Biya entre autres) et d’opérations contestables (500 mille ordinateurs au profit des étudiants financés par un endettement de 75 milliards FCFA) ».

     

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Dette du Cameroun : Des chiffres et des mots qui parlent

    Dette du Cameroun : Des chiffres et des mots qui parlent

    Du point de vue de certaines organisations de la société civile, la marée montante de la dette publique est réelle. Refuser d’amorcer sa décrue sera fatal pour le Cameroun.

    Le panel pendant la conférence de presse.

    Yaoundé a recouru aux grands moyens pour faire fléchir ses adversaires. À Paris, en une seule journée, sa coupe a été abondamment remplie. Montant sollicité: 450 milliards FCFA. Montant souscrit: 1481,15 milliards FCFA, soit 2, 258 milliards d’euros, pour un taux de couverture de 321%. Nombre d’investisseurs participants: 205. Montant limite retenu: 450 milliards FCFA. Taux d’intérêt 5.95% (contre 9,5% en 2015); maturité: 11 ans. Les données économiques publiées le même jour par le Minfi indiquent que «l’État a atteint un taux de rachat record, qui se situe à environ 80% du montant de la souche de 2015». Et le gouvernement, à travers un communiqué, d’afficher bonne mine: «les investisseurs ont marqué leur confiance retrouvée dans la qualité de signature du Cameroun, confortée par la bonne exécution d’un premier programme, la perspective de signature d’un nouveau programme avec le FMI (Fonds monétaire international) et la mise en œuvre de notre stratégie de développement 2020-2030».

    Cercle vicieux
    «Tout cela, c’est encore une dette contractée pour rembourser d’autres dettes et c’est ce qui est inquiétant», fait valoir Félix-Marcel Obam. S’appropriant les chiffres sur le volume de la dette du Cameroun (10 574 milliards FCFA en fin mars 2021 communiqués par la Caisse autonome d’amortissement [CAA]), le président du Comité de direction de la Dynamique citoyenne fait remarquer que ces deux dernières années, 20% du budget de l’État sont consacrés au service de la dette. «C’est un montant excessif!», signale Charles Bongwen Linjap. «Le Minfi a beau rassuré sur la nature maîtrisée, soutenable et viable de cette dette, il n’en reste pas moins vrai qu’elle suscite de sérieuses alarmes de la part du FMI, de la Banque mondiale et des experts indépendants», assume-t-il. Et Félix-Marcel Obam d’assommer: «la CAA elle-même, bras armé de l’État dans la gestion de la dette a reconnu que le risque de surendettement du Cameroun est passé de modéré à élevé».

    Bilan
    Du point de vue des deux orateurs, tout se lit à l’aune de la sortie du pays de l’ajustement structurel en 2006. «En ces temps-là, brandit Charles Bongwen Linjap, la dette publique ne s’élevait qu’à 900 milliards FCFA, avant d’être démultipliée par un facteur de 12 en moins de 15 ans; ce qui représente une croissance annuelle moyenne de 18%; bien loin du taux de croissance moyen du Cameroun qui atteint difficilement 4% à la même période». Plus grave encore: «2020 et 2021 ont connu une véritable explosion de l’endettement ; au 31 décembre 2020 et alors que la dette s’élevait à 9 700 milliards FCFA, la loi de finances 2021 autorisait un nouvel endettement de 1 363,4 milliards FCFA».

    Jean-René Meva’a Amougou

     

    Le lecteur pressé pourrait se dire que nous sommes là dans le registre du dénigrement des actions du gouvernement à l’international. Ce lecteur-là nous ferait alors ce procès à l’aide de la bonne nouvelle venue tout droit de Paris le 30 juin dernier. Ce jour-là en effet, après avoir sollicité 450 milliards FCFA, le Cameroun s’est vu proposer plus du triple de ce montant, soit 1481,15 milliards FCFA. Cette performance, Louis-Paul Motaze, le ministre des Finances (Minfi) en a fait un mantra. Il l’a décrite comme «un retour apprécié sur les marchés internationaux des capitaux, notamment celui des eurobonds». Normal quand on sait que, son précédent et premier passage sur les marchés financiers international en 2015 est loin d’avoir été un succès.

    Si les échos de Paris ont été accueillis avec soulagement, un autre son de cloche perce. En provenance de la société civile, ce son alerte sur le niveau d’endettement du Cameroun. «Il est excessif», se désole Félix-Marcel Obam. Au cours d’une conférence de presse donnée à Yaoundé ce 21 juillet 2021, le président du Comité de direction de Dynamique Citoyenne dit ses inquiétudes. Pour lui, tous les arguments positifs ressassés à l’envie par certains experts et responsables politiques sur la dette du Cameroun devraient convoquer les citoyens à la prudence. C’est également la même idée que défend Charles Bongwen Linjap, économiste de la Plateforme d’information et d’action sur la dette (PFIAD). Pour sa part, il craint même un autre ajustement structurel pour le pays de Paul Biya. Les deux personnages ont choisi de s’étaler sur l’un des thèmes les plus controversés de l’actualité politico-économique, des plus abscons aussi.

  • Bonnes feuilles : Fisc souverain et souveraineté du fisc

    Bonnes feuilles : Fisc souverain et souveraineté du fisc

    David François Nyeck est Camerounais et expert-comptable émérite. Il est l’auteur de deux essais sur la fiscalité souveraine. Les ouvrages tiennent tous sur une ligne de force : une nouvelle approche relationnelle entre l’Etat et les entreprises. Extraits.

    Comprenons-nous bien : personne ne peut collecter une somme qui n’a pas été initialement facturée à un tiers. Alors l’opérateur peut-il collecter un impôt qui n’est pas inclus ses prix de vente ? Par exemple : l’impôt sur le bénéfice est évalué à combien dans vos prix de vente ? Il ne s’agit pas d’un montant imaginé, mais d’une somme d’argent parfaitement identifiée. Vous n’avez qu’à voir cet exemple de la structure du prix du carburant ! Nos prix de vente obéissent-ils à la même logique? Et comment peut-on s’acquitter convenablement de ses obligations fiscales si le prix de vente de nos marchandises n’a pas un contenu fiscal structuré ? Les opérateurs économiques ont besoin d’un coaching comme les joueurs d’une équipe de football. Le coaching est reconnu comme un maillon essentiel de l’opérationnalité et la performance d’une équipe de football.

    Pourquoi pense-t-on qu’il puisse en être autrement concernant les opérateurs économiques doivent faire face à une législation complexe et, de surcroît, instable. La réussite de la collecte des #impôts passe par là. L’Etat doit investir dans le coaching des opérateurs économiques
    Un regard sur l’Examen de conformité fiscale.

    L’examen de conformité fiscale est une mesure française récente qui «externalise» aux professionnels du chiffre et du droit, ce que l’on pourrait appeler un contrôle partiel de la comptabilité au regard des obligations fiscales qui incombent à l’entreprise. L’originalité ici étant que les redressements subséquents ne donnent pas lieu aux sanctions habituelles que sont les pénalités et les intérêts de retard. Naturellement, ce contrôle intervient après la clôture de l’exercice.

    Dans notre livre «la fiscalité souveraine», nous défendons la thèse selon laquelle, il est possible de sortir de la présomption de l’évitement ou de la dissimulation de l’impôt qui pèse sur l’opérateur économique, en adoptant une gestion prudente et responsable de la fiscalité à travers une bonne structuration du prix de vente de ses marchandises. Ceci tranche avec le concept français de l’examen de conformité fiscale, qui se réalise après la clôture de l’exercice, alors que l’argent censé financer l’impôt d’une période donnée provient exclusivement des recettes contemporaines de l’entreprise. Si d’aventure cet examen atteste qu’une partie significative des impôts de la période n’a pas été facturée et, au mieux, encaissée, comment financer cette erreur ? Tant qu’un pays vit avec le corset des importations massives et déstabilisatrices, il a peu de chances d’améliorer ses recettes fiscales. Sa consommation nationale finance les salaires dans les pays exportateurs, qui se convertissent en consommation là-bas, et non chez lui.
    La valeur ajoutée dégagée par l’activité d’achat-revente en l’état est tellement faible qu’elle est incapable de créer un niveau de pouvoir d’achat pouvant soutenir une consommation locale substantielle. Dans ces conditions, les recettes fiscales ne peuvent guère prospérer significativement.

    Plus grave encore : comment concilier la mission du commissaire aux comptes avec cet examen. N’est-ce pas insinuer que la certification de la régularité et la sincérité de l’information financière d’une entreprise peut s’autoriser l’exclusion des comptes liés à l’impôt?

    Ensuite, c’est comme s’il faudrait nécessairement l’Examen de conformité fiscale, pour que le commissaire aux comptes soit contraint de se prononcer sur régularité de l’information financière liée à l’impôt !

    Cette mesure d’amnistie fiscale exceptionnelle est à saluer. Cependant il ne faudrait pas ignorer les questionnements auxquels doit faire face l’image de la profession comptable.

    En définitive, n’est-ce pas plus indiqué, à l’avenir, de se vacciner plutôt que le risque de la respiration artificielle ?

    Comment l’État peut-il prétendre améliorer ses recettes fiscales, alors qu’il ne prend pas la peine de s’assurer que tous les prix pratiqués, sur toute l’étendue du territoire national, incluent tous les #impôts prévus par la réglementation fiscale en vigueur dans le pays?

    Les contrôleurs des prix vont dans tous les marchés, dans toutes les #entreprises pour s’assurer que les prix pratiqués respectent la réglementation en vigueur. On se demande d’ailleurs pourquoi ils ne s’intéressent jamais à la présence des #impôts dans les prix? Le jour où l’administration fiscale comprendra que c’est à travers les prix des marchandises que l’impôt est payé et collecté, sa place ne sera plus dans les bureaux, mais sur le terrain comme les contrôleurs des prix du ministère du commerce C’est vraisemblablement un levier très efficace qui devrait conduire vers une explosion des recettes fiscales.

    Beaucoup de chefs d’entreprises peinent à faire des prévisions sur leur bénéfice annuel. C’est une lacune incompréhensible, depuis l’institution du minimum de perception.

    Ce dernier est fixé à 2,2% du chiffre d’affaires. C’est-à-dire que pour l’Etat le déficit n’est pas justifiable : il a donc créé un bénéfice fiscal minimum de 6,67% du chiffre d’affaires, qui engendre le même montant d’impôt, au taux de l’impôt sur le revenu de 33%. De manière plus large, le bénéfice doit être considéré comme la rémunération des capitaux propres investis dans l’activité ; c’est une charge d’exploitation. Et par conséquent il doit être incorporé dans le prix de vente de la marchandise. Sinon il ne sera pas financé. À travers ce minimum de perception, les hommes d’affaires devraient s’apercevoir qu’il se cache certainement d’autres messages : (1) le fait que le déficit doit être assimilé à un placement des capitaux propres à un taux négatif : (2) il pourrait également être qualifié de faute lourde de gestion, étant donné que la création d’une #entreprise est motivée par la recherche du profit (3) il est la preuve de la négligence, voire d’une ignorance coupable, vu qu’il exprime une mauvaise configuration des charges de structure par rapport aux conditions réelles de fonctionnement de l’entreprise.

    Exemple : une compagnie aérienne qui gère 4 ou 5 avions avec 407 salariés. L’argent lui vient d’où pour les payer ?

    L’incorporation des impôts dans le prix de vente n’est pas une innovation. C’est une vieille pratique qui concerne toutes les charges d’exploitation. Son mécanisme s’appelle: le coefficient multiplicateur.

    Il doit être mis à jour au début de chaque exercice, avec les données de l’année précédente révisées, pour s’assurer de la pertinence de ses prix de vente (impôts inclus) tout au long du nouvel exercice. Ceci implique deux choses : (1) l’établissement d’un budget pour l’exercice ; (2) une parfaite maîtrise de la technique de calcul du coefficient. Le drame c’est que peu d’acteurs savent faire ces calculs. On dirait même que la plupart des conseils n’ont pas conscience de l’impérieuse nécessité de cet outil, ou peut-être ne sont pas au courant de son existence. Ce sont ces défaillances, qui constituent le fondement majeur des accrochages entre le fisc et les opérateurs économiques.

    En revanche, l’entreprise vit un véritable «calvaire», dans ses rapports avec l’Etat, à cause du préfinancement des impôts.

    Car, entre le moment où l’argent des impôts est avancé à l’État (selon le calendrier fiscal officiel) et la date à laquelle la marchandise porteuse de ces impôts est vendue et l’argent encaissé, il va s’écouler une semaine, un mois, une ou plusieurs années voire l’éternité. C’est ça, en fait, le terrible «goulot d’étranglement financier», que vit l’entreprise dans ses rapports avec l’État en matière d’impôt. C’est ce qu’elle appelle, à tort, la pression fiscale. Un diagnostic mal posé n’aboutit à aucune solution, c’est pour cela que le combat entre l’État et l’entreprise est sans fin.

    Il faut absolument rompre avec une certaine ambiguïté au sujet de statut fiscal de l’entreprise. Elle est le sous-traitant de l’administration en matière d’impôts, c’est-à-dire un collecteur d’impôts et non un contribuable.

    C’est d’ailleurs à ce titre que la loi lui demande de calculer tous les impôts prévus par la réglementation fiscale en vigueur concernant son activité, de les incorporer dans les prix de vente de ses marchandises, de les encaisser ors de la réalisation de la vente et d’en reverser le produit au Trésor public. Ceci n’a rien à voir avec celui qui paie ces impôts, c’est-à-dire le consommateur final. C’est-à-dire celui qui ne revend pas (sous quelque forme que ce soit) ce qu’il achète. En clair donc, l’impôt est exclusivement financé par ses ventes, parce que l’unique source de revenus de l’entreprise est son chiffre d’affaires.

    Jean-René Meva’a Amougou

  • «Racket fiscal» : Le non du Gicam

    «Racket fiscal» : Le non du Gicam

    Traiter en journaliste des rapports entre patronat et politique est une tâche délicate. C’est en effet l’archétype du sujet que l’on qualifierait volontiers de «sensible», voire «brûlant». Parfois, ceux qui bruyamment osent en parler se voient repris sur le coup. Le Gicam (Groupement inter-patronal du Cameroun) l’a expérimenté le 9 juillet dernier à Yaoundé. Préalablement intitulée «Comment sortir du piège fiscal», la conférence du patronat camerounais n’a pas reçu l’onction gouvernementale. Au point où sur le fil, les termes du libellé ont été remaniés. Et on a eu droit à des discussions autour du thème «la fiscalité en débat». Et là encore, «c’était houleux», pour reprendre la Une du journal l’Économie. Problème : les deux parties ne sont toujours pas d’accord sur les grands chantiers de réformes fiscales à mener pour le bien des entreprises locales. Parfois, l’opposition est virulente et frontale. Les arguments martelés ces dernières années par le Gicam ont été entendus. Dans leur litanie, ils incluent la preuve que le gouvernement ne maîtrise pas son sujet aussi bien qu’il le dit et que d’autres problèmes non anticipés vont surgir, dont ils feront les frais. «Asphyxiés par une dette de l’État vis-à-vis des entreprises qui ne cessent d’augmenter, ils se disent incompris, abandonnés. Ils naviguent entre la baisse de l’activité pour certains, l’arrêt complet de l’activité pour d’autres, voire le basculement dans l’informel. Malgré ce contexte, les contrôles fiscaux ont gardé la même ampleur, le même harcèlement et le même caractère tracassier pour les entreprises. Au final, face à des situations de plus en plus intenables et écartelés comme ils le sont, leur enthousiasme à la tâche s’est érodé au fil des dernières années, et la confiance est aujourd’hui fortement entamée !», déplorait Célestin Tawamba, le président du Gicam lors de la 11e édition du Cameroon Business Forum tenue le 22 octobre 2020 à Yaoundé. «Quand on interroge les entreprises, pour 95,6% de celles-ci, leur premier problème est le problème fiscal. Comment peut-on ne pas parler d’un problème qui est important pour nous», avançait-il encore le 9 juillet dernier à Yaoundé. Socle du plaidoyer : apporter davantage de sécurité juridique aux entreprises face l’extrême complexité des règles fiscales.

     

    Une fois encore, le patronat camerounais a exprimé son ras-le-bol vis-à-vis des politiques publiques en matière d’impôts auxquels sont assujetties les entreprises locales.

    «Le Cameroun a la caractéristique désolante de proposer un système fiscal qui à la fois frustre ses contribuables, coûte cher à l’administration, et nuit à l’attractivité du pays». Voilà une phrase qui a été accompagnée par une longue salve d’applaudissements à Yaoundé le 9 juillet dernier. Laure Kenmogne Djoumessi qui l’a prononcée entendait décrire, objectivement et sans considération politique, la fiscalité appliquée aux entreprises au Cameroun. Au cœur du débat, le système d’imposition: un impôt sur les sociétés de 30% pour les PME et 33% pour les grandes entreprises et un précompte de 2,2% sur le chiffre d’affaires. «C’est trop!», peste le conseil fiscal et juridique. Calculette en main, Laure Kenmogne Djoumessi schématise : «une entreprise qui a par exemple un chiffre d’affaires de 100 FCFA, pour gagner ce chiffre d’affaires, l’entreprise dépense 98 FCFA. Cela veut dire concrètement que l’entreprise en question a gagné 2 FCFA. Dans le système de la loi fiscale actuelle, l’entreprise doit payer 33% de 2 FCFA. L’actuel système prévoit que l’entreprise en question doit payer un chiffre d’affaires minimum qui est de 2%. En conclusion, l’entreprise qui a gagné 2 FCFA paiera 2,2% sur les 100 FCFA».

    En une formule, Célestin Tawamba résume: «imposer sur le chiffre d’affaires et sur le bénéfice, c’est faire une fiscalité prédatrice». «Nous n’avons pas besoin d’une fiscalité punitive. Nous avons besoin d’une fiscalité de développement qui permette non seulement aux entreprises de se développer, mais aussi à l’État d’accroître ses recettes fiscales. Personne n’est plus soucieux du devenir de l’État que l’entreprise», enchaîne le président du Gicam. C’est ce que dit, en d’autres mots, son vice-président, Emmanuel de Tailly. Dans son intervention, le directeur général du Groupe des Brasseries du Cameroun (SABC) roule pour une fiscalité dite de développement, assise sur «une politique fiscale stable, efficace et équitable».

    «Il faut revoir la gouvernance macroéconomique et bien définir le rôle de la politique fiscale et le rôle de l’entrepreneur», martèle l’économiste Dieudonné Essomba. Plus largement, selon lui, «il faut réformer le système fiscal camerounais pour réintroduire de la sérénité et avoir une économie compétitive. Il faut non seulement rétablir une justice fiscale, mais également plus d’équité dans le contentieux fiscal, en sortant de la logique de l’embuscade».

     

    Le FMI en posture d’arbitre

     

    Dans un communiqué publié depuis fin mai 2021, l’institution de Bretton Woods propose sa disponibilité à mobiliser une expertise pour un audit du système d’imposition sur le bénéfice des entreprises.

    En octobre 2018, le Fonds monétaire international (FMI) estimait que, sur les cinq dernières années précédant son rapport sur l’économie camerounaise, le taux d’imposition du pays se situait en moyenne de 13%, soit 3% en-dessous de la moyenne de l’Afrique subsaharienne. Sauf que dans son constat, l’institution de Bretton Woods a signalé qu’au Cameroun, les recettes fiscales sont faibles: elles représentaient 13,1% du PIB en 2017, tandis que seulement 110 000 personnes sur les quelque 25,9 millions d’habitants paient régulièrement des impôts. Le FMI concluait alors qu’il fallait engager des réformes au sein de l’administration fiscale. Selon le bailleur de fonds international, le succès desdites réformes dépendait en partie de l’introduction d’instruments et de méthodes permettant de mettre en œuvre des procédures efficaces, tant dans la gestion des dépenses que dans l’administration des impôts. L’amorce a été donnée en fin novembre 2020, lors de la rencontre à Yaoundé entre le président du Gicam, Célestin Tawamba et l’ancien représentant résident FMI au Cameroun Fabien Nsengiyumva. Ce dernier scandait déjà la disponibilité du Fonds à mobiliser une expertise pour un audit du système d’imposition sur le bénéfice des entreprises. La proposition est remise au goût du jour en fin mai 2021, selon l’une des lignes d’un communiqué publié à cet effet. Les idées de fond brandies par le FMI allaient de l’accompagnement d’une éventuelle transition du système fiscal vers l’abandon d’une imposition basée sur le chiffre d’affaires à la révision de la structuration de dépenses pour les aligner sur les ressources mobilisables, en passant par la nécessité d’approfondir l’analyse du système fiscal.

    A la Direction générale des impôts (DGI), le malaise autour de la suppression de l’imposition sur le chiffre d’affaires est palpable. Certains fonctionnaires en service dans cette administration publique défendent publiquement la mesure tout en confirmant, en coulisses, leur gêne. Ils se plaisent seulement de vanter la baisse des taux d’imposition qui a touché l’impôt sur les sociétés, la taxe spéciale sur les revenus et les droits d’enregistrement. Il s’agirait donc ici, clament-ils furtivement, de poursuivre une orientation de politique fiscale déjà mise en œuvre et dont les résultats se lisent sur l’évolution macro-économique dans un contexte où les exonérations fiscales sont légion. Or, du côté des entreprises du secteur privé, un glissement vers «une fiscalité qui n’exonère rien est meurtrière».

    Jean-René Meva’a Amougou

  • «En termes de mauvaise publicité, c’est parfois dur à tenir»

    «En termes de mauvaise publicité, c’est parfois dur à tenir»

    Le sociologue explique les déclinaisons qu’un scandale lié à la publication d’une sextape dans l’espace public peut avoir sur le corps social en général et des individus en particulier.

    Hans Assoumou

    Une sextape circule en boucle ces derniers temps sur les réseaux sociaux. Avec la tournure qu’ont pris les événements, cette sextape a cessé d’être un scandale pour prendre la forme d’une affaire. Comment comprendre cette mutation?
    Un scandale se transforme en affaire, dès lors que le dénonciateur fait à son tour l’objet d’une accusation de la part de l’accusé ou de ses alliés. Dans ce cas, le public tend à se diviser en deux camps, qui peuvent être fort inégaux en nombre mais n’en manifestent pas moins une rupture publique d’unanimité : le camp des accusateurs de l’accusé et celui des accusateurs de l’accusation qui le frappe.

    Pour le cas Martin Camus Mimb que vous insinuez, le scandale provoqué par une sextape tournée dans les bureaux de son entreprise est justement devenu une affaire et constitue un moment particulièrement agité de transformation sociale et de réversibilité des positions. Car une indétermination radicale est venue soudain à peser sur la désignation des places de coupable et de victime.

     

    Est-il normal qu’une société codifiée par certaines valeurs voit celles-ci bafouées par de tels scandales ou affaires ?
    Le scandale est un phénomène connu de toutes les sociétés humaines. Une fois, en effet, que nous lui reconnaissons une forme d’universalité, il devient impossible d’envisager le phénomène scandaleux comme «anormal» au sens proprement sociologique. De la même façon que le crime ou le suicide, le scandale est à concevoir comme un moment certes peu banal et particulièrement violent de la vie sociale mais néanmoins «normal».

    C’est la reconnaissance de cette normalité qui incita les anthropologues fonctionnalistes à tenter de lui attribuer une fonction (de contrôle social, de hiérarchisation, de régénération du groupe). C’est elle qui doit nous inviter à saisir positivement les logiques de la dénonciation et de la provocation publiques, plutôt que d’envisager ce type d’actes comme s’il s’agissait d’anomalies comportementales ou de manifestations collectives d’irrationalité.

    Effraction des consciences dont le surgissement brutal déroute la raison et laisse un mélange de profonde incompréhension et de perplexité abasourdie, le scandale est donc cet éclat, qui fait l’esclandre. Il est, en effet, le désordre, la rupture de l’ordre, dans le bruit du tapage comme dans le silence de la stupéfaction. Il est la transgression fracassante et imprévue d’une valeur, d’une norme, et plus généralement d’un ordre, non plus seulement religieux, mais social.

    Quel est le rôle des médias classiques et digitaux dans la propagation des contenus de sextape ?
    Le scandale ne peut se penser sans la publicité des faits. Il a bien fallu que votre confrère soit repéré par un seul groupe WhatsApp pour que la suite que vous connaissez puisse aller de soi. Le rôle de médias tous genre confondus est justement de faire de la bonne ou de la mauvaise publicité autour de ce qui s’est passé dans sa radio. Et en termes de mauvaise publicité, c’est parfois dur à tenir.

    Il couvre en effet de honte celui qui en est au cœur, car il porte irrémédiablement atteinte à sa réputation. Le scandale déshonore et peut donc mener à la mort – avant tout sociale – celui qui, toujours coupable (même par négligence), perd irrémédiablement la face. Vous avez donc des mea culpa et des séances d’explications qui résonnent comme des réponses apportées par celui qui est au cœur de la tourmente, réponses au préjudice, à ses yeux, irréparable, portés à sa réputation.

    Pourquoi cela est surtout vérifiable chez ceux qui, comme on dit, sont sous le feu des projecteurs sociaux ?
    Plus qu’une épreuve, le scandale est une expérience du trouble ressenti face à la contradiction révélée publiquement, car il n’est rien sans la dénonciation publique de la transgression, comme en témoigne ce qui s’est passé chez votre confrère. Il n’est pas besoin de rappeler combien ce scandale, présent depuis plusieurs jours sur la toile, affecte de manière puissante à la fois les concernés et d’autres univers sociaux qui y sont impliqués (le monde médical, celui de la haute administration, de la police, de la justice, l’univers associatif et celui des médias).

    Si ce scandale pèse si lourd, c’est sans doute à cause de la charge émotionnelle particulièrement forte qu’il implique et qui est entretenue, notamment par certaines personnes qui s’estiment blessées, dans les médias. Mais c’est aussi parce que pour la première fois, un journaliste est publiquement pris dans le filet ; ce d’autant plus que son aura professionnel a traversé le Cameroun. Bien sûr, on peut s’interroger sur la prolifération de scandales générés par des sextape. Cela incite à focaliser notre attention sur les trajectoires des acteurs qu’il implique, en vue de rendre explicables les attitudes que ces derniers adoptent ou ont adoptés dans un premier temps et les ressources qu’ils tentent ou ont tenté de mobiliser.

    Interview réalisée par
    Jean-René Meva’a Amougou

  • Sextape : Le casting des orgies

    Sextape : Le casting des orgies

    Les vidéos à caractère érotique circulent en boucle sur la toile. Au générique des célébrités et des anonymes.

    «Le journalisme mène à tout». L’affaire Martin Camus Mimb vient de donner toute sa pertinence à cette expression. La vidéo érotique tournée dans le bureau du patron de RSI révèle l’une des réalités d’un phénomène qui met en scènes stars et anonymes au Cameroun. «Les premiers, tout comme les seconds, sacrifient trop à Vénus et ont commencé, consciemment ou non, à le faire savoir dans la grande agora qu’est Internet», tel que le fait constater Hans Assoumou. Dans ses réflexions, le sociologue considère que si le cas Martin Camus Mimb défraie aujourd’hui la chronique, il ne faut pas oublier que d’autres célébrités ont été ou sont encore impliqués dans des scandales similaires.

    Yolande Bodiong, la DG de SUN Plus TV a vu ses nudes «accidentellement» tourner en boucle dans un groupe WhatsApp la semaine dernière. Pour se défendre, la concerné a expliqué que son téléphone avait été volé et que c’est ainsi que ces images intimes se sont retrouvées sur la place publique. Comme celle de Yolande Bodiong, la sextape de Clinton Njie s’était accrochée à une erreur de manipulation du téléphone du footballeur camerounais. Clinton Njie et sa partenaire s’étaient mis en scène en juillet 2019.

    Le 15 novembre 2017 apparaissait Vincent Sosthène Fouda, homme politique dans une posture pour le moins étrange, voire troublante. L’affaire fait grand bruit dans les réseaux et les médias traditionnels à telle enseigne que la chaîne de télévision privée Vision 4 en a fait largement écho.
    Et puis, il y a l’affaire déclinée en «Foot, sexe, argent». Dans un livre en décembre 2016 aux Editions du Moment, Nathalie Koah, l’ex de Samuel Éto’o, raconte le chantage à la webcam, les photomontages dégradants. On l’aura compris : l’ancienne hôtesse de l’air dit comment, sans son consentement, des images très osées d’elle ont été publiées à la suite de sa séparation d’avec l’ancien capitaine des Lions indomptables mû (selon la jeune écrivaine) par une volonté de l’humilier.

    Inconnus
    Dans ce tableau, le scandale le plus récent vient de Nkongsamba (région du Littoral) où, le 24 juin dernier, un homme a publié les images de son épouse en compagnie de son amant. On n’oublie pas les scènes tournées en mars 2021 par des élèves du Lycée bilingue de Kribi (région du Sud) où un montage vidéo présentait très explicitement 14 apprenants dans un registre très cousin de la pornographie.

    En septembre 2020, un enseignant du Cetic de Kombo Laka (à Meiganga dans la région de l’Adamaoua) est accusé d’avoir publié une vidéo tournée le 8 mars 2020. Le document le montrait dans ses ébats sexuels avec une jeune dame.

    Ongoung Zong Bella

     

    Des vidéos, des réquisitoires et des plaidoiries

    Face à leurs contenus moralement équivoques, les uns veulent faire comprendre que les sextapes sont dans l’air du temps, alors que pour d’autres, au contraire, elles sont dégradantes.

    «Le sexe, c’est être grand, se le prouver à soi-même, et le montrer aux autres. On est dans un véritable cercle vicieux : il y a des gens qui aiment et d’autres pas». De par son phrasé, Hans Assoumou brosse le schéma du discours social au Cameroun. Selon le sociologue, «ce discours se construit sur différents plans, à commencer par le discours émanant des institutions, dont notamment des médias, des services de santé et de justice ; ensuite aussi celui des acteurs, distributeurs et consommateurs de sextape eux-mêmes».

    Pour les premiers, affirme l’universitaire, tout tourne autour des motifs les plus hauts, les plus nobles et l’ardent souci des grands intérêts publics. «Le juriste voudra réprimer ; le journaliste voudra commenter ; le médecin voudra montrer les effets sur la santé mentale à côté de la famille qui criera au scandale», esquisse Cyr Deutchoua, chercheur en sciences de l’éducation.

    Pour le cas de la presse notamment, notre source affirme : «le traitement journalistique de la publication d’une sextape entre dans l’air du temps, même si le sexe reste fondamentalement tabou dans nos sociétés. De nombreux journalistes s’en saisissent». Pour les seconds, affirme Hans Assoumou, une sextape anime la galerie des faits divers et fait prévaloir une société qui tend à renvoyer la gestion du problème à la responsabilité individuelle. «Surtout quand un homme ou une femme publique y est impliquée directement ou indirectement.

    À travers le monde, des hommes ordinaires de la classe moyenne laborieuse jusqu’à la classe miséreuse sont attirés par le scandale produit par la nudité des hommes de pouvoirs ou des stars», explique-t-il. Cependant, il y a une importante nuance: «dans un groupe comme dans l’autre, tout se passe aujourd’hui comme si les valeurs morales de chacun faisaient office de connaissances suffisantes pour débattre et décider du sort des acteurs de sextape et leurs réseaux».

     

    À chaque jour suffit son buzz. Il y a quelques jours, le cyberespace camerounais a été submergé par un soubresaut de l’actualité plus ou moins anecdotique. Des images osées tournées dans ce qui fait office de bureau de Martin Fleur Mimb Hiol, alias Martin Camus Mimb, journaliste sportif et écrivain camerounais, promoteur de RSI (Radio Sport Info) émettant à Douala (région du Littoral). Fait divers monté en épingle, vies privées piétinées…

    Les faits qui remontent à l’après-midi du 16 juin 2021 suscitent d’intenses commentaires dont l’écho envahit le Cameroun tout entier. Consommé avec fracas par les principaux concernés, le scandale engendre des démissions à divers niveaux. Dans divers cénacles, ce n’est même plus l’affaire de la sextape de Martin Camus Mimb. C’est l’affaire Malicka Bayemi.

    Pour alimenter le tumulte, Paul Chouta (un autre homme de médias) ajoute un épisode supplémentaire dans le feuilleton qui agite l’opinion publique. Aux yeux d’une bonne partie de celle-ci, tout cela forme une salade, un gâchis et une macédoine d’obscénités. Entre-temps, pour que le plat soit plus relevé, vérités et contre-vérités ajoutent le ragoût de leurs sauces et de leurs plus corrosives épices.

    Les uns s’excitent. D’autres se déchaînent. Exaspérés ou non, d’autres encore chatouillent les présumés auteurs, les victimes et les distributeurs tous aussi présumés de sextape sur la toile. Faut-il rouler des yeux et passer à autre chose? Certainement oui! Une telle réponse commande que l’on s’arrête sur un phénomène qui prend de l’ampleur au Cameroun. Telle est la grande ligne du présent dossier.

  • «Le Brenuac entend resserrer son partenariat avec la CEEAC»

    «Le Brenuac entend resserrer son partenariat avec la CEEAC»

    Les efforts conjoints entrepris par le Brenuac, l’Unowas et d’autres entités des Nations unies dans la région, y compris les activités d’analyse, de plaidoyer et de programmation conjointes, restent essentiels… Toutes les parties prenantes doivent mettre en œuvre la Stratégie régionale en faveur de la stabilisation, du redressement et de la résilience des zones du Bassin du Lac Tchad.

    Après son appel à un cessez-le-feu mondial répercuté par son représentant spécial en Afrique centrale, François Louncény Fall, le secrétaire général des Nations unies revient à la charge à la faveur de l’évolution inquiétante de la situation humanitaire et des droits de l’Homme dans la sous-région, et plaide à nouveau pour une prise de conscience et une synergie d’actions.

    Antonio Guterres

    Des élections ont été organisées par plusieurs pays d’Afrique centrale. Dans certains cas toutefois, d’importantes restrictions à l’exercice des droits civils et politiques ont été observées et des griefs de plus en plus répandus se sont fait entendre au sujet de la gestion des élections. Cette situation a frustré les aspirations démocratiques et a conduit plusieurs acteurs et partis politiques à ne pas prendre part aux processus électoraux ou à se retirer de la course. Les États de la sous-région sont encouragés à promouvoir activement les droits et libertés civils et politiques de leur population, organiser des élections conformément aux délais constitutionnels et mettre en œuvre, dans le cadre d’un dialogue ouvert à toutes et à tous, des réformes électorales consensuelles favorisant des élections pacifiques, inclusives et crédibles qui préservent la paix et contribuent à la réalisation des objectifs de développement durable.

    L’Onu encourage la mise en avant de plateformes régionales qui permettent de partager les meilleures pratiques dans le domaine des élections démocratiques ainsi que de règles qui régissent et instaurent des élections crédibles, transparentes, inclusives et pacifiques, conformément aux normes pertinentes en vigueur sur le continent et à l’échelle internationale. Mon représentant spécial continuera de mobiliser toutes les entités des Nations unies compétentes pour appuyer les efforts déployés dans ce domaine, notamment par la mise en œuvre de la Déclaration de Malabo sur les élections démocratiques et pacifiques comme moyen de renforcer la stabilité et d’atteindre les objectifs de développement durable en Afrique centrale, et de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Dans ce contexte, l’action constante de l’Union africaine, de la CEEAC et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, ainsi que le soutien des partenaires internationaux, sont essentiels, et une coordination renforcée entre tous les partenaires est nécessaire.

    En dépit des efforts importants déployés à ce jour, la pandémie de Covid-19 continue de compromettre la stabilité politique et le progrès économique des États d’Afrique centrale. Essentielles pour juguler les répercussions sanitaires du virus, les mesures adoptées par les gouvernements afin de contenir la propagation de la Covid-19 ont néanmoins remis en cause les libertés fondamentales et accentué la pauvreté et les inégalités, en particulier chez les femmes et les jeunes. Les États membres de la CEEAC sont encouragés à faire en sorte que les stratégies adoptées pour lutter contre la pandémie soient conformes aux obligations qu’ils ont contractées en matière de droits humains et à promouvoir des stratégies de relèvement post pandémie qui donnent la priorité aux populations vulnérables, notamment les femmes et les jeunes.

    La persistance des violences armées, y compris des mouvements internes et transfrontières de groupes armés, dans diverses parties de l’Afrique centrale, constitue une menace sérieuse pour la stabilité de l’ensemble de la sous-région, qui peut être lourde de conséquences dans une situation humanitaire déjà précaire, détériorée par les répercussions de la Covid-19. Les attaques terroristes de Boko Haram au Cameroun et au Tchad continuent de prélever un lourd tribut parmi les civils. La coordination entre les pays et les partenaires de la région du Bassin du Lac Tchad est essentielle si l’on veut parer à la menace que représente Boko Haram, s’attaquer à ses causes profondes et remédier à ses incidences sur les populations et les pays touchés.

    Les efforts conjoints entrepris par le Brenuac, l’Unowas et d’autres entités des Nations unies dans la région, y compris les activités d’analyse, de plaidoyer et de programmation conjointes, restent essentiels pour faire face à l’impact de Boko Haram. Toutes les parties prenantes doivent mettre en œuvre la Stratégie régionale en faveur de la stabilisation, du redressement et de la résilience des zones du Bassin du Lac Tchad touchées par Boko Haram, notamment en achevant l’élaboration des plans d’action territoriaux et en les mettant en œuvre.

    Je condamne les violences incessantes dirigées contre les civils, les écoles et le personnel et les biens des Nations unies et des organisations humanitaires dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest du Cameroun. Il n’y a pas de solution militaire à la crise qui sévit dans les deux régions. Les autorités camerounaises sont encouragées à donner la priorité au dialogue inclusif et à la réconciliation et à les promouvoir, ainsi qu’à poursuivre la mise en œuvre des recommandations issues du grand dialogue national. Conformément à ces recommandations, les autorités camerounaises sont également encouragées à tendre la main aux membres de la diaspora camerounaise, qui n’ont pas participé audit dialogue et continuent d’en rejeter l’issue, afin d’aborder les questions en suspens qui sous-tendent la crise.

    J’exprime à nouveau mes plus sincères condoléances au peuple et au gouvernement tchadiens pour le décès du président Déby. Toutes les parties prenantes au Tchad doivent poursuivre la mise en œuvre d’un processus pacifique, inclusif et consensuel en vue d’un prompt retour à l’ordre constitutionnel et au régime civil. J’espère que les acteurs tchadiens feront preuve de la hauteur de vues, du dévouement à l’intérêt national, du courage et de la détermination nécessaires pour faire de ce moment charnière pour le Tchad une chance, pour tous les Tchadiens et Tchadiennes, d’avancer sur la voie d’une paix durable et d’un développement partagé.

    Je demande à tous les acteurs de respecter l’intégrité territoriale du Tchad et de s’abstenir de recourir à la violence à des fins politiques. Le Tchad demeure lié par les obligations qui lui incombent, en droit international, de mettre en œuvre, de protéger et de respecter les droits humains, y compris le droit à la vie et le droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique. L’Onu se tient aux côtés du peuple tchadien et continuera de collaborer étroitement avec l’Union africaine et la CEEAC pour aider le pays à construire un avenir pacifique et prospère.

    L’Onu se félicite des initiatives prises à l’échelle régionale pour soutenir le processus de paix en République centrafricaine. La coordination des acteurs régionaux, agissant en étroite coopération avec l’Onu et les autres parties prenantes, reste essentielle pour une mise en œuvre intégrale du processus de paix. L’amélioration continue de la coopération bilatérale et régionale entre la République Centrafricaine et les pays de la région, y compris ses voisins, est encouragée.

    La mobilisation internationale dans la lutte contre l’Armée de résistance du Seigneur demeure cruciale puisque le groupe armé continue de représenter une menace pour la paix et la sécurité en Afrique centrale et au-delà. Les partenaires régionaux, y compris l’Union africaine et la CEEAC, avec le soutien des partenaires internationaux, devraient renforcer les efforts et les synergies requis pour faire face à cette menace.

    Les contributions notables de la CEEAC à la paix et à la stabilité en Afrique centrale ainsi que l’adoption de son plan stratégique conjoint avec le Brenuac pour 2021-2025 sont dignes d’éloges. L’Onu reste déterminée à aider la sous-région dans ses efforts vers une plus grande stabilité. J’appelle les États membres de la CEEAC à continuer de promouvoir et de consolider l’intégration régionale, qui est un facteur de paix et de prospérité durables.

    Pour appuyer ces efforts, le Brenuac entend resserrer son partenariat avec la CEEAC aux fins de la prévention des conflits et du maintien de la paix en Afrique centrale, du renforcement de la gouvernance nationale et régionale, du relèvement des défis en matière de sécurité transfrontalière et de la promotion de la participation des femmes, des jeunes et de la société civile aux mécanismes d’alerte rapide ainsi qu’à la consolidation et au maintien de la paix.

    En dépit de progrès notables et d’avancées institutionnelles observés en la matière au cours de ces dernières années, la fragilité persistante de la paix et de la sécurité en Afrique centrale motive l’Onu à poursuivre le soutien qu’elle y apporte, en particulier dans les domaines de la diplomatie préventive et de la consolidation de la paix. Par conséquent, je recommande que le mandat du Brenuac soit encore prorogé de trois ans, pour une période allant du 1er septembre 2021 au 31 août 2024.

    Je voudrais remercier les gouvernements des pays de la sous-région, l’Union africaine, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, la Commission du Bassin du Lac Tchad, la Commission du Golfe de Guinée et les autres institutions régionales et sous-régionales de leur collaboration constante avec le Bureau régional des Nations unies pour l’Afrique centrale. Je tiens également à exprimer ma gratitude à la Force multinationale mixte et aux pays fournisseurs de contingents pour leur dévouement et leur engagement au service de la paix et de la stabilité.

    Je remercie en outre le gouvernement et le peuple gabonais de leur généreuse hospitalité et de leur soutien au Bureau régional. Je salue les diverses entités du système des Nations unies présentes en Afrique centrale, notamment les chefs des opérations de paix des Nations unies, des bureaux régionaux, des équipes de pays et d’autres entités, pour leur appui au Brenuac et leur collaboration avec ce dernier.

    Enfin, je tiens à remercier mon représentant spécial, François Louncény Fall, et le personnel du Bureau régional, pour l’action qu’ils continuent de mener au service de la paix et de la sécurité en Afrique centrale.

     

    Source : Brenuac/Unoca

  • La crise humanitaire aux portes de la sous-région

    La crise humanitaire aux portes de la sous-région

    Le nombre de victimes, de réfugiés et de déplacés déjà exprimé en millions de personnes ne cesse d’augmenter au gré de la multiplication des foyers de tension et de la survenue des catastrophes. Les gouvernements sont sous pression et l’Onu craint un désastre.

    Des conditions de vie difficiles pour les réfugiés du Camp de Minawaou au Cameroun.

    «La persistance des violences armées, y compris des mouvements internes et transfrontières de groupes armés, dans diverses parties de l’Afrique centrale, constitue une menace sérieuse pour la stabilité de l’ensemble de la sous-région, qui peut être lourde de conséquences dans une situation humanitaire déjà précaire, détériorée par les répercussions de la Covid-19». Ce regard du secrétaire général de l’Onu est neuf. En rendant compte de la situation en Afrique centrale telle qu’il l’a perçue entre décembre 2020 et mai 2021, Antonio Guterres donne aussi des indices sur une réalité humanitaire alarmante qui touchent des millions de citoyens communautaires. De tous les pays de la sous-région concernés cependant, trois d’entre eux semblent se détacher du lot et particulièrement inquiéter les Nations unies. Il s’agit d’une part du Cameroun et du Tchad, en raison de leur position et de leur rôle dans le Bassin du Lac Tchad et le Golfe de Guinée, et d’autre part, de la République Centrafricaine (RCA).

    Cameroun et RCA
    L’exploitation du 20e rapport du secrétaire général des Nations unies sur la situation en Afrique centrale et sur les activités du Brenuac permet de constater que le Cameroun, le Tchad et la RCA totalisent dans la sous-région le plus grand nombre de réfugiés et de déplacés. Les deux premiers étant à la fois des pourvoyeurs et des terres d’accueil.

    Pour le cas du Cameroun, l’Onu a notamment observé que «les crises dans les régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ont fait plus d’un million de déplacés et 466 000 rapatriés. Pour 2021, 362 millions de dollars sont requis au titre du plan d’action humanitaire qui, à la mi-mai, avait été financé à 18%». Grâce à l’organisation internationale, on sait également que «4,4 millions de personnes auront besoin d’une aide humanitaire au Cameroun. Et que les partenaires humanitaires ont prévu de cibler 3 millions de personnes parmi les plus vulnérables».

    Cela dit, plusieurs autres données datant du 30 avril 2021 permettent aussi d’avoir une idée plus précise de la forte pression humanitaire qui s’exerce sur le gouvernement camerounais. À cette date, en effet, «le Cameroun accueillait près de 447 000 personnes réfugiées ou en quête d’asile, dont près de 322 000 réfugiés venus de la RCA et près de 117 000 venus du Nigéria… Plus de 6 500 nouveaux réfugiés centrafricains étaient arrivés au Cameroun au 30 avril», à en croire le HCR.

    Tchad et Congo
    La situation humanitaire au Tchad soulève aussi des inquiétudes. «Au 14 avril, quelque 4 754 nouveaux réfugiés arrivés du Soudan avaient été signalés dans l’est du Tchad, à la suite d’attaques menées par des milices armées dans le Darfour occidental». Désormais, «il faudrait mobiliser 617,5 millions de dollars, destinés à 4 millions de personnes sur les 5,5 millions qui ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence, aux fins du plan d’action humanitaire révisé pour 2021».
    S’agissant enfin du Congo Brazzaville, le rapport de l’Onu laisse entendre qu’«au 30 avril, il avait été procédé à 8500 nouveaux enregistrements de réfugiés, dont 2700 enregistrements biométriques. Le Congo comptait alors environ 361 000 réfugiés, demandeurs d’asile, déplacés internes et autres personnes relevant de la compétence du HCR».

    Droits de l’Homme
    Le Brenuac a relevé, pour le déplorer, plusieurs situations de violations des droits de l’Homme dans la sous-région. Ainsi en est-il «des groupes armés non étatiques, dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest du Cameroun, qui ont continué d’attaquer les forces gouvernementales et les civils, se rendant coupables de meurtres, d’actes de torture et de mauvais traitements à l’encontre de civils, d’enlèvements contre rançon, d’imposition de blocus et d’utilisation d’engins explosifs improvisés». Mais à l’encontre du gouvernement, l’Onu retient également «au moins 10 personnes, le 10 janvier, dont des femmes et des enfants qui auraient été tuées à Mautu, dans la région du Sud-Ouest; et quatre adolescents, le 23 janvier, lors d’un raid à Bamenda, dans la région du Nord-Ouest. Le gouvernement a affirmé que ces personnes étaient membres de groupes armés non étatiques».

    En Angola, l’institution internationale a noté que «le 30 janvier, une manifestation organisée par le Mouvement du protectorat des Lunda-Chokwe a été violemment dispersée par la police à Cafunfo. Les faits se sont soldés par au moins six morts et plusieurs blessés. Les autorités ont ouvert une enquête». Au Tchad, «l’enquête sur la mort survenue en détention de 44 des 58 membres présumés de Boko Haram en mars 2020 n’est pas terminée. Les 14 survivants sont toujours détenus dans la prison de haute sécurité de Koro Toro, dans l’attente de leur procès».

    Au Congo, «le 3 mai, le rédacteur-en-chef du journal Sel-Piment, arrêté le 5 février pour diffamation présumée visant un haut responsable du gouvernement, a été condamné à six mois de prison». Tandis qu’au Gabon, «deux contrevenants au couvre-feu ont été abattus le 18 février lors de violentes manifestations organisées pour contester les restrictions imposées au titre de la Covid-19 dans certains quartiers de Libreville», rapporte enfin le Bureau régional de l’Onu en Afrique centrale.

    La veille humanitaire du Brenuac
    Bons offices, médiation et diplomatie préventive ont caractérisé l’activité du Bureau régional des Nations unies pour l’Afrique centrale (Brenuac/Unoca) entre décembre 2020 et mai 2021. En puisant dans cette palette de moyens diplomatiques, l’intention des responsables onusiens était aussi de contribuer à décanter une situation humanitaire demeurée préoccupante. Au Cameroun par exemple, «des conditions humanitaires très complexes persistent du fait de l’insécurité généralisée, des épidémies et des inondations. En 2021, 4,4 millions de personnes auront besoin d’une aide humanitaire», à en croire Antonio Guterres, secrétaire général de l’Onu.

    L’observation est consignée dans le 20e rapport sur la situation en Afrique centrale et sur les activités du Brenuac présenté au Conseil de sécurité le 1er juin dernier par son représentant spécial, François Louncény Fall.

    Parmi les facteurs ayant, en effet, contribué à faire le lit de cette inhumanité, figurent les changements climatiques, écologiques et autres catastrophes naturelles, mais surtout les crises politiques et sécuritaires dans la sous-région, dans le Bassin du Lac Tchad et dans le Golfe de Guinée. Antonio Guterres relève par ailleurs que l’on est en présence d’«une situation humanitaire déjà précaire, détériorée par les répercussions de la Covid-19».

    Ainsi, dans les pays de la Cemac, mais aussi en Angola, au Rwanda et au Burundi, un front humanitaire a été ouvert. Avec l’aide des partenaires et des États concernés, des missions de travail conjoint ont été déployées et des consultations d’experts ont été engagées, notamment en matière de poursuites, de réadaptation et de réintégration des personnes associées à Boko Haram. Et pour rétablir la sécurité climatique, «le Brenuac a achevé la première phase d’un projet de deux ans en cours d’exécution depuis octobre 2020. Cela a permis de recenser les principaux liens entre les effets des changements climatiques et les problèmes tels que les conflits fonciers, l’insécurité liée au pastoralisme, l’insécurité maritime, l’urbanisation sauvage et la montée des groupes armés non étatiques». Le présent zoom se borne alors simplement à rendre compte de l’étendue du sinistre dans la sous-région.

    Théodore Ayissi Ayissi

    La situation humanitaire de la sous-région en chiffres

  • Dans son rapport technique du programme « Afrique Villes Durables », Urbaniste Sans Frontière (USF), dévoile six « priorités » pour la ville durable au Cameroun. En tête, figure, la « gestion foncière ». L’urbanisation accélérée des villes camerounaises crée un fort besoin foncier.

    Dans son rapport technique du programme « Afrique Villes Durables », Urbaniste Sans Frontière (USF), dévoile six « priorités » pour la ville durable au Cameroun. En tête, figure, la « gestion foncière ». L’urbanisation accélérée des villes camerounaises crée un fort besoin foncier.

    Dans son rapport technique du programme « Afrique Villes Durables », Urbaniste Sans Frontière (USF), dévoile six « priorités » pour la ville durable au Cameroun. En tête, figure, la « gestion foncière ». L’urbanisation accélérée des villes camerounaises crée un fort besoin foncier.

    Benjamin Ombe

    Le Cameroun fait face, depuis plus d’une décennie, à une urbanisation galopante. Cette forte croissance de la population urbaine est la conséquence d’une part de la croissance démographique du pays et d’autre part du niveau de pauvreté en zone rurale. D’après les estimations de la Banque mondiale (BM), en 2019, la population du Cameroun était estimée à près de 25 millions d’habitants. Cette population est majoritairement urbaine. Selon des projections de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), en 2020, Yaoundé, la capitale politique du Cameroun comptait 3,2 millions d’habitants et Douala 3,1 millions. « Toutes les villes du pays voient leur population littéralement exploser. Mbouda, dans l’Ouest du pays, a ainsi un taux de croissance annuel de +7,8 %, le plus élevé du continent africain », martèle l’institution onusienne. Selon les projections de la CEA, la population urbaine représentera 57% de la population totale en 2035.

    À côté des enjeux démographiques, le rythme de pauvreté en zone rurale est très accentué. Alors que le niveau de pauvreté global du pays est estimé à 35% en 2018 (Minepat, 2018) touchant près de 8 millions d’habitants, le seuil de pauvreté du pays présente une situation de déséquilibre manifeste en fonction du milieu de résidence. En effet, près de trois personnes sur cinq (56,8%) vivant en milieu rural sont pauvres, contre 8,9% en milieu urbain. Il y a lieu de relever que les deux grandes métropoles, Douala et Yaoundé, sont celles où l’on rencontre moins de pauvres (respectivement 4,2% et 5,4% de pauvres).

    Dans cette configuration, pour mieux aborder la problématique de l’exode rural et réduire les inégalités de tout genre entre milieu urbain et zone rurale, le Cameroun s’est engagé à la mise en œuvre de la décentralisation telle que prévue dans la constitution de 1996. Le parachèvement institutionnel de ce processus s’est matérialisé avec la création et l’installation des conseils régionaux. L’achèvement de cet important processus laisse place à la question de la gouvernance des villes, capables de répondre aux attentes économiques et environnementales. La question est de savoir : comment transformer les 312 villes que compte le Cameroun en zone d’attractivité et creuset de développement social-économique durable?

    Dans son rapport technique du programme « Afrique Villes Durables », Urbaniste Sans Frontière (USF), dévoile six « priorités » pour la ville durable au Cameroun. En tête, figure, la « gestion foncière ». L’urbanisation accélérée des villes camerounaises crée un fort besoin foncier. Pour remédier à cette situation, le « gouvernement a initié plusieurs programmes, à l’instar du Programme de constitution des réserves foncières destinées au développement des projets d’intérêt général, qui vise d’une part à satisfaire la forte demande exprimée par les promoteurs des projets structurants, notamment l’habitat social dont la demande est estimée à 2 000 ha de terrain à l’horizon 2020 et , d’autre part à favoriser l’accroissement substantiel de l’offre de terrain pour les projets de développement de l’Etat, des autres personnes morales de droit public et des promoteurs privés » .

    Dans la même optique, il a été lancé le programme d’aménagement de 50 000 parcelles constructibles qui vise à pallier les effets de la suspension de la politique de production des parcelles sociales par l’État et le Projet d’appui à la modernisation du cadastre et au climat des affaires (PAMOCCA), qui a pour objectif de valoriser le capital foncier du Cameroun afin d’améliorer la croissance de manière durable et de réduire la pauvreté.

    Le rapport de l’USF place la question de « l’emploi et l’économie circulaire » en seconde place des priorités pour le développement des villes camerounaises. La courbe du chômage du pays connaît une croissance haussière depuis plus d’une décennie. Le taux de sous-emploi global est passé de 71,1% en 2007 à 79,0% en 2014, soit une augmentation de 7,9 points. Les jeunes sont les plus affectés. Le taux de chômage des jeunes (15-24 ans) était de 8.9% en 2017 (PNUD, 2018) alors qu’il est seulement de 3,8% pour l’ensemble de la population.

    D’après l’Organisation internationale du Travail (OIT), le Cameroun figure en deuxième place des pays ayant le plus fort taux de travailleurs indépendants avec un indice de 76,8%. L’économie circulaire ne figure pas encore dans les priorités de développement du Cameroun. Selon une étude réalisée par l’INS en 2014, à peine 2,1% de la quantité des ordures produites en 2014 ont été recyclés sur l’ensemble du territoire. Au-delà des problèmes d’ordre sanitaires que cela pose, cette situation est source de pollution atmosphérique et donc un vecteur des changements climatiques.

    L’épineux problème de « l’accessibilité à l’eau potable » ressort à la troisième position des priorités des villes camerounaises selon l’USF. En 2019, sur une population de près de 24 millions d’habitants, environ 9 millions de Camerounais n’ont pas toujours accès à un service d’eau potable selon l’ONG, African Center for Advocacy (ACA). Le taux d’accès à l’eau potable au niveau national était estimé à 72,9 % en 2018.

    « Les énergies renouvelables » occupent la quatrième place. Le taux des sources d’énergie propres dans le mix énergétique disponible à la consommation est passé de 1% en 2013 à environ 5% en 2019. Ces énergies servent principalement pour l’électricité, le chauffage et l’alimentation des technologies liées au transport de masse. Dans le cadre de sa politique de promotion des énergies propres, le gouvernement a mis en place le projet d’électrification de 1 000 localités par système solaire photovoltaïque d’une capacité de 11,2 MW dont la phase II est lancée après l’achèvement de la phase pilote qui couvrait 166 localités.

    L’objectif du gouvernement est de porter le taux d’utilisation des sources d’énergie renouvelable à 25%, soit 11% pour l’hydroélectricité, 7% pour la biomasse, 6% pour l’énergie solaire photovoltaïque et 1% de l’énergie éolienne à l’horizon 2030. Cette ambition est exprimée dans son Plan de développement du secteur de l’électricité à l’horizon 2030 (PDSE, 2030).
    En cinquième position, la «gestion des déchets». D’après l’Atlas des statistiques de l’environnement (INS, 2016), la production de déchets ménagers est passée de 972 000 tonnes en 2008 à 1 327 400 tonnes en 2014. En 2016, seulement 32,6% des ménages avaient accès au service d’évacuation/ramassage des ordures ménagères.

    Le nœud des priorités des villes camerounaises est la «participation citoyenne» qui occupe la sixième place. Bien que les indicateurs pour mesurer la participation citoyenne soient manquants, sur la base de l’observation, il ne s’agit pas encore d’une culture partagée au Cameroun. La population reste majoritairement demandeuse de service public au lieu d’être pourvoyeuse. L’atteinte des objectifs de développement durable demande la mobilisation de tous les acteurs (étatiques, non étatiques et citoyens). Sans une véritable participation citoyenne, les villes camerounaises ne connaîtront pas un essor économique à la hauteur de leur potentialité.

    Benjamin Ombe-Journaliste-Auteur de l’essai

    «Le Cameroun en prospective :

    Evaluation critique des objectifs du développement durable»,

    Harmattan, septembre 2020.

  • La grise mine des villes de la sous-région

    La grise mine des villes de la sous-région

    «The Economist Intelligence Unit», la division de recherche et d’analyse de «The Economist Group» est l’une des plus grandes bases de données participatives sur les villes et les pays du monde. La plateforme vient de dévoiler son classement 2021 des villes les plus sûres grâce à une estimation du niveau global de la qualité de vie sur un territoire donné. Un bon indicateur pour qui ambitionne de s’expatrier.

    Les mesures sanitaires imposées par les autorités depuis le début de la pandémie de coronavirus en mars 2020 continuent d’impacter la qualité de vie des citoyens des différents pays du monde. Mais tous les États n’ont pas géré cette crise de la même manière et les taux d’incidence varient eux aussi d’un pays à l’autre. C’est donc sans surprise que la Nouvelle-Zélande, plusieurs fois érigée en exemple pour sa gestion de l’épidémie, se classe en tête du classement. Les données permettant d’établir cette enquête ont été recueillies entre le 22 février et le 21 mars 2021. Les résultats s’appuient sur une trentaine de critères comme : la gestion de la crise sanitaire; l’efficacité et la rapidité à mettre en place des campagnes de vaccination; la capacité à enrayer la propagation du virus et donc à lever les restrictions le plus tôt; l’accès aux soins de santé, l’éducation; la culture et l’environnement; la stabilité politique.

     

    Elles se retrouvent pour la plupart dans le bas du tableau, la ville de Bangui, capitale de la RCA, occupant la dernière position mondiale.

    Une vue de Libreville, la capitale gabonaise.

    Libreville (Gabon)
    Libreville compte un peu moins d’un million d’habitants. Le pays est très urbanisé en comparaison de ses voisins, avec un taux d’urbanisation à 87,1%. De plus, Avec un score de 56,67 points sur 100, la capitale gabonaise se classe au 1er rang en Afrique centrale en termes de qualité de vie. Libreville offre également une qualité de vie supérieure aux métropoles africaines comme Dakar, Abidjan, Accra, Nairobi, Lusaka ou encore la ville pétrolière nigériane de Port-Harcourt.

    D’autre part, selon les statistiques du Fonds monétaire international pour l’année 2020, les Gabonais sont les citoyens les plus nantis de la sous-région avec un PIB/habitant de 7185 dollars (4,3 millions FCFA) contre 7131 dollars (4,2 millions FCFA) pour les voisins Équato-guinéens. Cependant, la redistribution de cette richesse est particulièrement inégale, ce qui contribue à l’augmentation de la pauvreté dans les zones rurales, mais aussi, de plus en plus, dans les bidonvilles qui s’étalent à Libreville la capitale, et à Port-Gentil, la capitale économique du pays et la principale zone d’exportation du pétrole.

    Yaoundé (Cameroun)
    La capitale camerounaise qui arrive au 24ème rang africain est l’endroit où il fait bon vivre au Cameroun. Elle est talonnée à l’échelle africaine par la ville de Douala, selon le cabinet de conseil en ressources humaines, en santé, en retraite et en investissement Memer. L’état de satisfaction des ménages en matière de besoins minimums dans les domaines de l’alimentation, de l’habillement, du logement, de l’équipement du ménage, de la santé, les soins du corps, le transport, la communication, le loisir, l’éducation et les réseaux relationnels, révèle que près de quatre ménages sur 10 se déclarent non satisfaits en ces besoins minimums, hormis la santé où l’on a 43,1%.

    Quel que soit le poste de dépense considéré, les non pauvres se déclarent plus fréquemment satisfaits que les pauvres. S’agissant de perception qu’ont les ménages de l’aisance dans laquelle ils vivent, près de sept ménages sur 10 s’estiment pauvres. Au sujet des causes de la pauvreté, les trois principales causes citées sont, par ordre d’importance décroissante : le manque d’emploi, la corruption ou la mauvaise gestion, et la baisse ou l’insuffisance de revenus. La principale action attendue du gouvernement par les ménages est la création des emplois.

    Brazzaville (Congo)
    La capitale Brazzaville, située juste en face de celle de la République Démocratique du Congo, Kinshasa et ses plus de 12 millions d’habitants, a vu sa population exploser ces dernières années et connue une forte hausse d’insécurité alimentaire. Selon les études, on estime que plus du tiers (35,3%) des ménages de Brazzaville sont en insécurité alimentaire, soit environ 700 000 personnes. 78% des ménages déclarent que leurs revenus ont diminué au cours des trois derniers mois. 83% des ménages ont contracté des dettes au cours des trois derniers mois (40% emprunt d’argent pour achat de nourriture et 34,5% pour des dépenses de santé).

    Nutrition des enfants de moins de cinq ans Seuls 48,2% des enfants âgés de 6 à 23 mois ont un régime alimentaire minimal, c’est-à-dire qu’ils ont consommé au moins quatre groupes alimentaires et au moins deux repas par jour. Les arrondissements les plus affectés sont les trois arrondissements périphériques de Madibou, Djiri et Mfilou, où plus de 50% des ménages ne mangent pas à leur faim. Elle devrait atteindre les 2 millions d’habitants prochainement. Les infrastructures sanitaires et sociales sont très en deçà de ce que l’on pourrait attendre d’un pays riche en ressources et dont le développement économique, même s’il repose essentiellement sur l’exportation de cette richesse brute, est en pleine expansion.

    Transports, écoles, hôpitaux, infrastructures diverses, tout manque et n’est pas à la hauteur des attentes de la population, qui peine à joindre les deux bouts. La population autochtone, les fameux Pygmées, comptait 43 378 personnes sur le territoire lors du dernier recensement de 2007, soit seulement 1,2% de la population totale du pays. Elle est principalement présente dans les régions nord du Congo.

    Ndjamena, Tchad
    La ville de Ndjamena, quoique capitale, est une petite bourgade. La ville est confrontée à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire, de malnutrition et de graves lacunes dans la fourniture de services sociaux de base tels que l’éducation, la santé et la protection sociale. Les ménages agro-pastoraux pauvres de la bande sahélienne touchés par les chocs climatiques doivent généralement faire face à la migration vers les centres urbains pour chercher du travail et envoyer des fonds aux membres de la famille qui sont restés dans les villages. Cette migration se fait beaucoup en direction de la ville de Ndjamena.

    Les conséquences sociales de la COVID-19 touchent la santé, la nutrition, l’éducation entre autres. Pour ce qui est de l’alimentation, sur le plan national, l’analyse consensuelle utilisant l’outil Cadre Harmonisé a fait ressortir 15 départements en crise et 38 départements en phase sous pression. En outre, environ 82 000 travailleurs journaliers à Ndjamena ont vu leurs revenus affectés par la crise. D’un autre côté, la ville fait face aux défis d’inondations en saison pluvieuse. Comme en novembre 2020 où plus de 2000 ménages étaient sans abri à Ndjamena. Le PIB par Tchadien progresse de 10,9% pour s’élever à 710 dollars en 2021. Un chiffre qui vaut au pays la 16e place au triste classement des nations les moins riches de la planète.

    Bangui (RCA)
    Les conditions de sécurité sont précaires dans l’ensemble du pays et peuvent se dégrader soudainement. À Bangui, malgré une importante présence des forces de sécurité, le risque de violences incontrôlées reste élevé. En termes de qualité de vie, l’analyse permet de constater que la moitié de la population de Bangui est pauvre. La capitale concentre 16% de la population du pays et près de 12% des pauvres. Le milieu urbain compte environ 60% de pauvres dans sa population. À l’opposé, le milieu rural connaît un taux de pauvreté de près de 72%. Avec un poids démographique équivalent à 62% de la population du pays, le milieu rural concentre près des deux tiers des pauvres. Cette forte concentration des pauvres en milieu rural découle de la combinaison d’un taux de pauvreté plus élevé et d’un poids démographique important.

    Au niveau national, les inégalités en RCA sont importantes mais restent dans la moyenne de ce que l’on rencontre généralement en Afrique subsaharienne. Le niveau moyen de consommation par équivalent adulte des 20% des ménages les plus riches est près de dix fois plus élevé que celui des 20% les plus pauvres. Un examen des inégalités au sein des régions (cf. Tableau 1) tend à montrer que les régions les plus pauvres ne sont pas nécessairement les plus inégalitaires. Ainsi, la région 6, la deuxième région la plus pauvre, possède l’indice de Gini le plus faible (répartition de la richesse la moins inégalitaire), tandis que la Région 3, la plus pauvre, affiche un indice de niveau moyen. A contrario, à l’exception notable de Bangui, la pauvreté est la moins importante dans les autres régions où les inégalités tendent à être élevées.

    Landry Kamdem

  • Aide publique : De la tragédie à la farce

    Aide publique : De la tragédie à la farce

    La grave crise que traverse le secteur de la presse privée invite à questionner les instruments de soutien inventés par la puissance publique et à mesurer leur efficacité.

    La presse privée aboie et la caravane passe. Ce n’est pas juste une attaque de papier bancale tristement armée d’une formule éculée, ce sont les faits. La crise de langueur que connaissent, de longue date, les médias privés camerounais est rendue intenable par le cycle baissier. Le dernier en date , par son outrance, laisse transparaître le mépris pour la presse privée au Cameroun et l’envie de la garder dans une brumeuse galère. 120 millions ! De manière générale, pour le gouvernement, cet argent est censé financer les organes dont les dossiers (coûteux dans leur confection) avaient été validés.

    Pour certains directeurs de publication et autres promoteurs de structures cybernétiques ou audiovisuelles, L’Histoire de la subvention de l’État se répète toujours. «Avant c’était sous forme de tragédie, cette année c’est sous forme de farce», peste Ambroise Manga, patron de l’hebdomadaire Leader Presse. Ce dernier dénonce la mise à disposition des fonds, d’un volume toujours modeste. «De même, ajoute-t-il, ce que le gouvernement donne n’a malheureusement pas permis une amélioration substantielle de la condition des médias privés».

    De quoi s’interroger. Pour Jean-François Channon, peut-on véritablement affirmer que le gouvernement travaille pour consolider l’avenir de la presse privée? «L’exécutif a en échange demandé aux groupes de presse de réduire la précarisation des journalistes, est-ce possible à proprement parler dans les conditions actuelles ? Pourquoi vouloir nier à la presse privée locale la spécificité d’une forme de service public?», questionne encore le directeur de publication de Le Messager.

    Ongoung Zong Bella

     

    Dr Olivier Bilé

    «Il est souhaitable que l’aide publique à la communication privée soit revue à la hausse»

    L’enseignant de journalisme à l’Esstic, par ailleurs homme politique, fait une projection d’une dizaine d’années dans la pratique du journalisme au Cameroun et décrit à l’aune de sa grille d’appréciation, la profession dans les évolutions qu’elle aura connues.

     

    Grâce à une concertation de dernière minute, le ministre de la Communication a réussi à éviter de justesse un mouvement d’humeur des patrons de presse réunis dans le cadre du REPAC. Qu’est-ce que cela vous inspire?
    Ce mouvement d’humeur des patrons de presse du Cameroun est tout à fait justifié. Parce qu’en effet, la situation économique de nos médias qui déjà n’était pas très reluisante, très folichonne, s’est davantage détériorée en raison de la persistance de la crise liée au phénomène Covid-19. L’activité générale qui connaît une situation de morosité impacte certes tous les secteurs, tous les pans de l’activité économique de notre pays, mais de manière assez singulière le monde de la presse. Parce que les activités publiques ont été considérablement restreintes et cela a évidemment pour effet de réduire les recettes économiques de ces médias-là. Je crois que cela vient soulever de manière encore plus pressante et cela pose avec une plus grande acuité, le problème de la viabilité économique de nos médias. C’est une problématique qui est fondamentale et que je crois les pouvoirs publics, en concertation avec les médias, devraient tenter d’adresser. Nous ne pouvons pas nous permettre cette espèce d’ultra libéralisme médiatique qui consiste à laisser créer des journaux chaque jour sans que l’on s’assure que ces journaux puissent avoir le minimum de viabilité économique.

    Ce qu’il y a donc lieu de comprendre dans un premier temps, c’est que dans le contexte qui est celui que subissent ainsi nos médias et notre presse, il est tout à fait justifié comme on peut le voir à travers le monde, que l’État soutienne les entreprises de presse et notamment celles qui sont les plus sérieuses et les plus régulières du point de vue des publications. Il est souhaitable que l’aide publique à la communication privée soit revue à la hausse. Il est vrai que l’État lui-même n’est sans doute pas dans la position la plus confortable possible. Mais dans tous les cas, il y a sans doute un ensemble d’économies qui sont réalisées çà et là et il y a lieu de soutenir ces médias.

    Au-delà de ce soutien, il me semble indispensable de reposer sur la table la problématique fondamentale de la viabilité économique de nos entreprises médiatiques et je pense que l’un des éléments de réglage de cette question essentielle, c’est la mise sur pied d’un cadre juridique imposant un niveau de capacités capitalistiques qui devraient être mobilisées par des acteurs pour pouvoir fonder un média. Cela pourrait également poser la problématique de la fusion pour ceux des médias qui ne pourraient pas mobiliser ce type de capital. Et il me semble qu’à partir de cela, on pourrait avoir des médias dotés de moyens financiers plus conséquents et en mesure de payer à la fois leur personnel, mais plus généralement, de pouvoir subvenir à l’ensemble de leurs charges.

    Comment faire pour sortir les médias et la presse camerounaise de ce marasme?
    En plus de ce que j’ai déjà mentionné plus haut, j’ajouterai que dans ce travail de régulation économique de l’accès à la création des médias au Cameroun, il me semble qu’il y a aussi aujourd’hui une exigence fondamentale que le Conseil national de la Communication s’inscrive dans un travail de régulation plus systématique. Qu’il ne soit plus simplement dans une logique du gendarme qui veille à ce que disent les uns et les autres par rapport au gouvernement. Il me semble que la régulation devrait s’inscrire dans une logique plus large pour régler les problèmes mentionnés plus haut. Et notamment les problèmes qui sont liés au tribalisme médiatique, l’autoritarisme médiatique d’un ensemble de patrons de presse, le black-out que certains médias peuvent exercer relativement à certains acteurs de notre scène, mais plus généralement, le respect de l’équilibre dans l’accès des forces vives du pays à ces médias-là. Je crois qu’il y a là un chantier absolument crucial et fondamental qui relève des prérogatives du Conseil national de la communication.

    Et, enfin, comment entrevoyez-vous la profession de journaliste dans une dizaine d’années au Cameroun?
    C’est une question de prospective qui me laisse simplement penser que dans une dizaine d’années, le journalisme au Cameroun se sera davantage libéré. Je crois que la liberté de la presse sera plus conséquente. Sans doute parce que je crois que les dynamiques sociopolitiques en vigueur auront connu des mutations assez considérables.

    La deuxième chose que je peux dire, c’est que ce journalisme-là s’orientera davantage vers des dynamiques de spécialisation. Spécialisation dans l’utilisation même des outils technologiques. On va davantage s’acheminer vers des journalistes ayant des capacités de polyvalence à l’instar des JRI. Le numérique qui s’est imposé comme la technologie du futur est cet élément qui est de nature à favoriser ces types d’évolution incontestablement.

    Donc, je vois davantage de polyvalence. Je vois aussi davantage de transversalité au niveau des supports. C’est-à-dire que nous aurons des journalistes qui vont davantage travailler sur les différents supports qui sont ceux de l’écrit, de l’audiovisuel et du monde cybernétique. Je vois donc une évolution plus forte vers les dynamiques cybernétiques, incontestablement, avec sans doute une multiplication assez poussée, assez considérable des sites d’information. Mais je pense aussi que les médias traditionnels ne vont pas disparaître pour autant. Ils vont continuer à faire leur travail, même si la convergence entre les différents modes de production de l’information et de service de l’information au récepteur, va connaître certainement une intensification significative.

    Donc on peut considérer qu’au regard de toutes ces évolutions à la fois technologiques et sociopolitiques, que la pratique du journalisme au Cameroun demain, sera certainement plus exaltante qu’aujourd’hui, plus passionnante. Sans doute aussi parce que je crois que l’indispensable réflexion autour de la viabilité économique de nos médias aura été menée et que nous aurons à ce moment-là, à la faveur aussi d’une évolution plus vertueuse de notre économie, des acteurs journalistiques qui pourront s’exprimer de manière plus optimale, me semble-t-il.

    Propos recueillis par
    Théodore Ayissi Ayissi

  • Diagnostic : Peur dans la presse à capitaux privés

    Diagnostic : Peur dans la presse à capitaux privés

    Peur dans la presse privée, les patrons de presse l’ont encore dit au Mincom le 29 avril dernier.

    Précarité croissante, c’est toute l’identité d’un secteur qui cherche encore son modèle de développement au Cameroun.

     

    « L’expansion du nombre de journalistes précaires n’est pas le résultat d’une application laxiste du statut professionnel, mais d’une dérégulation générale du marché de travail journalistique que l’application de la loi n’a pas vocation à combattre. Ce sont les entreprises qui, par leurs politiques d’emploi, placent de plus en plus de journalistes dans la précarité ». En mai 2009, voilà ce que disait Jean-Pierre Biyiti Bi Essam. L’ancien journaliste, officiant alors comme ministre de la Communication (Mincom), soulignait qu’au Cameroun, « le statut de l’entreprise de presse privée est un critère délicat à manier ». S’il s’est gardé de répondre à la question de savoir pourquoi le pouvoir reste muet au sujet de la subvention des médias à capitaux privés, l’ex-Mincom a surtout évité de poser un même problème de bouteille à moitié vide ou à moitié pleine.

    Réalités Réalités
    Pour le gouvernement, beaucoup est fait pour soutenir les entreprises de presse privées. À écouter le discours officiel, il y a lieu pour les acteurs du secteur de se défendre des concurrences sur le marché de la communication et en contrôler les développements. Entre les mots, faire dans la presse privée est une activité qui mène à tout… surtout à la subordination aux humeurs des propriétaires de médias. « Dans le privé, le salaire des journalistes est a choisi malaisée, plus particulièrement quand l’on touche aux différents modes de rémunération », déplore un journaliste du quotidien basé à Yaoundé. De son point de vue, « l’échelle de salaire est fixée par un directeur de publication soucieux de piocher dans le moins disant ». Pour un autre journaliste travaillant dans une radio urbaine émettant à partir de Douala, « les différentes règles qui régissent la durée du travail dans les médias à capitaux privés et la grille des salaires des journalistes constituant des cadres de référence communs à l’aune desquelles les pratiques arbitraires peuvent être observées ».

    En jetant un coup d’œil sur les organigrammes en vigueur dans certaines maisons de presse privées au Cameroun, des syndicats de journalistes y ont toujours vu une profession stratifiée en trois groupes. « Il y a l’élite, le très petit bataillon des salariés de l’information, et enfin les pigistes « , dénonce Denis Kwebo. Selon le président national du Syndicat national des journalistes du Cameroun (SNJC), la montée de la précarité dans les entreprises de presse privées apparait comme un phénomène conjoncturel et structurel résultant des effets inéluctables de la récession économique, mais aussi des modes précaires de gestion. Il prend l’exemple de certains journalistes qui font des « carrières » de pigistes.

    Ongoung Zong Bella

    Peur sur la presse…

    En 2013, CareerCast a publié son classement des meilleurs métiers et des plus pénibles. Conclusion du site d’emploi américain : le métier de journaliste est le premier d’une série de 30. « Travailler dans un journal est le job rêvé de nombreux jeunes, mais la réalité n’est pas si rose. Faible salaire, stress élevé font partie du quotidien des journalistes. Le journalisme a perdu de son prestige d’antan. Les journaux papier sont en perte de vitesse. Ils disparaîtront certainement d’ici 10 ans », écrivait CareerCast.

    Détestés, précarisés, usés… Résultat : les journalistes exercent le pire métier du monde ! Les raisons qui poussent les journalistes à réfléchir à « l’après » sont nombreuses. Sur demande se: mais alors, à quoi bon? C’est un métier qui n’a pas vraiment d’avenir, surtout dans la presse à capitaux privés. Au Cameroun, c’est comme si tout le monde avait intégré qu’on était en voie d’extinction et que l’objectif principal était juste de survivre, à plus ou moins court terme. Au Cameroun toujours, même si les journalistes exerçant dans le secteur privé n’ont jamais compté leur temps et sont habitués au stress, la mauvaise reconnaissance, notamment de la part des pouvoirs publics, accentue dépit leur.

  • Zone Cemac : Le Cameroun absent du fichier légal

    Zone Cemac : Le Cameroun absent du fichier légal

    Le pays ne figure nulle part sur les documents attestant de sa gouvernance transparente en matière d’exploitation aurifère.

    Ainsi donc, selon l’institut d’émission des six États de la Cemac, le Cameroun n’est reconnu de manière officielle ni comme producteur ni exportateur d’or. Pourtant, le pays a agréé de nombreuses sociétés minières qui exploitent de l’or dans la région de l’Est, aux côtés des milliers d’orpailleurs artisanaux. À en croire le ministère chargé des Mines, au premier semestre 2019, le Cameroun a produit 224,6 kg d’or, en baisse de 30,4% en glissement annuel. Cette production était de 448,2 kg en 2018, en baisse de 37,1% par rapport à 2017, selon la même source.

    Au demeurant, en dépit de cette production existante, les autorités publiques camerounaises confessent que le commerce de l’or dans le pays est très ancré dans l’informel. Officiellement, à peine 5% de la production aurifère nationale est écoulée dans les canaux formels, ce qui peut justifier l’absence du pays du fichier officiel des producteurs et exportateurs d’or dans la zone Cemac. Afin d’inverser cette tendance aux trafics divers et à la vente informelle dans le secteur de l’or, le Cameroun a créé depuis plusieurs années le Cadre d’appui à l’artisanat minier (Capam), programme gouvernemental permettant de sortir des circuits informels l’or produit sur le territoire national.

  • Trafic illégal : L’âge d’or en Afrique centrale

    Trafic illégal : L’âge d’or en Afrique centrale

    Malgré la pandémie du coronavirus, la demande d’or continue de grimper. Le repli vers le métal jaune en temps de crise reste une constante. «La pandémie aura probablement un effet durable sur l’allocation des actifs. Elle renforcera également la valeur de l’or en tant qu’actif stratégique», relevait ainsi, le 14 juillet, le World Gold Council, quelques semaines avant que l’or n’atteigne le plus haut prix jamais enregistré – 2 048 dollars l’once –, le 5 août. Mais alors que cette dynamique se traduit, la pépite reste un métal difficile à tracer en Afrique centrale. Du Cameroun à la RDC en passant par la RCA et le Rwanda, de nombreux trafics illicites sont à déplorer. Dans un rapport paru en février, l’ONG américaine The Sentry estime à 4 milliards de dollars les transactions annuelles d’or «à haut risque» provenant d’Afrique centrale et d’Afrique orientale sur les marchés internationaux, notamment vers les États-Unis, l’Inde, le Moyen-Orient, l’Europe et la Chine. En zone CEMAC, cette étude de The Sentry vient conforter une décision de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) qui a exclu le Cameroun du fichier officiel des producteurs d’or dans la sous-région à cause du commerce informel et trafics divers.

    4 milliards de dollars

    La fuite illicite de capitaux se paie au prix d’or

    Plusieurs pays de la sous-région doivent de toute urgence s’attaquer au problème, indique le rapport de The Sentry publié en février 2021.

    De l’or saisi par la douane.

    Le rapport estime que 4 milliards de dollars d’or à haut risque en provenance d’Afrique centrale et orientale sont acheminés vers les marchés internationaux chaque année, notamment vers les États-Unis, l’Inde, le Moyen-Orient, l’Europe et la Chine. Le commerce de l’or de conflit ne sera jamais éliminé, mais une meilleure diligence raisonnable de la part des gouvernements et du secteur privé peut le réduire considérablement tout en favorisant le commerce artisanal de l’or, soutient The Sentry. Les quatre principaux «minéraux de conflit» sont l’or, l’étain, le tantale et le tungstène.
    L’or s’est révélé le plus difficile à traiter, car il est facile de faire de la contrebande et de le vendre pratiquement n’importe où. Lorsqu’il est raffiné, l’or perd toute trace de son origine et est échangé comme produit standard. Des chercheurs dirigés par Nicolas Berman ont montré que l’extraction des minerais de conflit augmente les chances de début de violence, puis se propage et perpétue la violence en renforçant les capacités financières de ceux qui combattent. Entre 1997 et 2010, montre Berman, jusqu’à un quart des niveaux de violence dans les pays africains s’expliquait par la hausse des prix de l’or. Or, parmi ces minéraux de conflit, l’or est particulièrement difficile à traiter, car il est facile à passer en contrebande et à vendre pratiquement n’importe où. Lorsqu’il est raffiné, il perd toute trace de son origine et est commercialisé comme un produit standard.

    Centres de lingots
    En novembre, la London Bullion Market Association (LBMA) a publié des recommandations pour les centres d’investissement tels que Dubaï avec trois objectifs principaux: l’approvisionnement responsable en or recyclé, l’élimination des transactions en espèces et le soutien à l’exploitation minière artisanale et à petite échelle. La LBMA affirme qu’elle n’utilisera que ses raffineurs de bonne livraison (GDL) à s’approvisionner en matières premières auprès de centres de lingots qui répondent aux normes de l’OCDE.

    L’initiative LMBA fournit un «levier utile» pour amener le centre de lingots à se conformer, dit The Sentry. Mais il reste encore beaucoup à faire.
    Les politiques gouvernementales dans la région font qu’il est difficile pour les mineurs de s’enregistrer légalement et de garantir leurs droits de propriété. «La corruption du gouvernement aggrave ces défis», déclare The Sentry. Les gouvernements donateurs devraient travailler avec les ministères africains des mines pour créer des politiques visant à officialiser l’exploitation minière artisanale, indique le rapport. Cela peut être fait en réduisant le fardeau bureaucratique qui pèse sur eux, en réduisant les coûts d’enregistrement et en renforçant les droits de propriété.

    Le rapport fait état d’un grave manque de financement pour l’exploitation minière artisanale sans conflit en Afrique orientale et centrale, laissant la porte ouverte à des sources de financement illégitimes. Les entreprises de bijouterie et d’électronique devraient cesser de s’approvisionner auprès de raffineurs qui ne peuvent pas présenter un audit indépendant crédible, dit The Sentry, car cela a aidé à nettoyer le commerce d’autres minéraux du conflit. L’absence de conséquences réelles de la participation permet à la contrebande de se poursuivre. Selon le rapport, les raffineurs et les négociants qui vendent de l’or dans les conflits ont été confrontés à peu de conséquences, voire aucune, en contribuant au conflit armé. Les écarts importants entre les régimes africains de taxe sur l’or sont une invitation permanente aux contrebandiers.

    Landry Kamdem

  • Pro et anti-vaccins au Cameroun : Visages et lignes de défense

    Pro et anti-vaccins au Cameroun : Visages et lignes de défense

    Prenant avantage de la controverse sur le vaccin AstraZeneca, certaines figures et idées ont fini par s’imposer dans l’espace public local.

    Pr Tetanye Ekoe: pour…

    AstraZeneca ! Ce nom est devenu le symbole de la contestation contre l’inoculation aux populations camerounaises des vaccins étrangers. Sur les réseaux sociaux ou dans les médias classiques, il ne se passe plus un jour sans que l’on ne recense des inquiétudes et critiques formulées en des termes plus ou moins courtois à l’égard du gouvernement. Et si c’est le Minsanté qui est surtout visé, c’est bien parce que c’est ce membre du gouvernement qui a annoncé en pleine polémique sur l’efficacité du vaccin britannique, l’arrivée «dans deux semaines des premières doses», dans le cadre de l’initiative Covax. Nous étions alors le 5 mars 2021. Depuis lors, en effet, la tension est montée d’un cran, mettant aux prises d’un côté le gouvernement et les pro-vaccins, et de l’autre, les vaccino-sceptiques.

    «Le monde de la santé forcément d’accord avec les recommandations des autorités». Dans le livre «Oiseau d’Émeraude» (Malika Dooray, 1812), cette phrase reste d’actualité. En posture de pro-vaccin, Pr Tetanye Ekoe, s’est vu octroyé un important espace dans Cameroon Tribune (CT) du 9 mars 2021. Dans le quotidien à capitaux publics, on sent le pédiatre-hématologiste émérite préoccupé par le faisceau de traits négatifs qui fragilise forcément la capacité communicante du gouvernement. Membre du Groupe technique consultant national pour la vaccination, il montre comment la vaccination contre le Covid-19 repose sur la confiance des citoyens dans le vaccin et plus largement dans l’action publique qui sous-tend la politique vaccinale. Il propose également des pistes concrètes sur l’organisation collective à mettre en place pour faire de cette campagne de vaccination une réussite.

    Calixte Beyala: contre…

    Contre
    En face, il y a Paul Ella. Vigoureusement, président de l’Association African Revival scande son dédain pour le vaccin anti-Covid-19, quel qu’il soit. Pas moins qu’une lettre ouverte assortie d’une pétition (ayant déjà recueilli 256 signatures au 14 mars 2021) adressée au Minsanté. Paul Ella prétend parler au nom de «millions de Camerounais, soit l’écrasante majorité», au sujet «d’une obsession à faire vacciner une population dont les chiffres officiels rapportent que plus de 90% des malades en guérissent sans vaccin». Cela ne va pas sans dénonciation :«le Cameroun ne se concentre pas sur ses priorités sanitaires et choisisse d’importer des paniques virtuelles; et que le Cameroun fasse le jeu d’une vaste mafia mondiale organisée par la haute finance internationale et le Big Pharma».

    Calixte Beyala qui fait alors ici figure de pionnière ou de précurseur du mouvement anti-vaccin. Egalement méfiante, voire hostile à l’égard des vaccins qui déferlent sur le continent à grand renfort diplomatique, la Franco-Camerounaise avait appelé les dirigeants du monde à «un peu d’honnêteté». Pour l’écrivaine, en effet, «il n’existe pas de vaccin anti-Covid-19».

    Théodore Ayissi Ayissi

    Quelle débandade !

    Est-il en passe de devenir le plus mal aimé des vaccins ? Voici AstraZeneca sous le feu des critiques concernant ses supposés effets secondaires. À cette heure, en plus des quatre pays européens et un pays d’Asie qui ont décidé d’interrompre toute utilisation du vaccin b, sept autres à travers le monde l’ont tout simplement retiré des lots. Partout, AstraZeneca, développé par un laboratoire britannique, traîne derrière lui son lot d’inquiétudes et de critiques. Selon la newsletter éditée par le quotidien français Libération du 13 mars 2021, trois membres du personnel de santé ont récemment été admis à l’hôpital universitaire d’Oslo pour des caillots sanguins, après s’être vus administrer le vaccin AstraZeneca. Un décès est également survenu à la suite d’une hémorragie cérébrale. Au milieu de tout ceci, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a quant à elle déclaré le 12 mars dernier qu’il n’y avait «pas de raison de ne pas utiliser» le vaccin AstraZeneca et qu’aucun lien de cause à effet sur la formation de caillots sanguins n’avait pour l’instant été trouvé.

    Au Cameroun, vu le niveau de méfiance des populations face à la vaccination, les autorités disent attendre «un peu». Au sein de l’opinion publique locale, on a vite fait de comparer l’adoption, à la va-vite, du vaccin AstraZeneca à «la roulette russe». Un tel parallèle avec un jeu de hasard meurtrier souligne une crise systémique de la confiance où la méfiance alimente la méfiance, la reproduit, et la densifie en boucle. La méfiance de la société réveille celle des décideurs qui en retour renforce le doute des opinions. Dans ce contexte, un écosystème médiatique, où la confusion des contenus ne facilite pas les conditions d’appropriation d’un débat serein, a fini par être activé. Voilà qui constitue la ligne de force du présent dossier.

     

  • Faciliter l’adhésion par l’émotion

    Faciliter l’adhésion par l’émotion

    Depuis les travaux fondateurs de Gabriel Tarde, sociologue français du XIXe siècle, et en particulier son ouvrage Les lois de l’imitation, le recours à la représentation physique du leader d’opinion pour faciliter l’adhésion par l’émotion est un procédé bien connu. Il s’avère même très ancien. L’exposition des représentations du corps du Christ et des saint(e)s, des rois et des reines, et même de simples défunts ont tour à tour sidéré les collectifs.

    Émouvoir pour faire agir repose sur un besoin social d’imitation afin de se sentir appartenir à un collectif. Toute communauté s’identifie à la figure charismatique ou au leader en qui elle a confiance. Le passage à l’action sur ordre du leader se diffusera par imitation entre les individus qui se sentent ainsi appartenir à la communauté.

    Par la professionnalisation de la communication, comment accentuer le pouvoir affectif du leader? En «spectacularisant» son apparence. La projection affective est d’autant plus aisée qu’elle se trouve sémiotiquement construite afin de déclencher les émotions rassurantes. La campagne de François Mitterrand par Jacques Séguéla «La force tranquille» inaugure l’usage des corps pour déclencher les émotions désirées.

    Le recours à l’image de la Reine Élisabeth II pour inciter les Anglais à respecter les règles imposées par la Covid-19 repose sur le même mécanisme. En 2021, l’image des corps construits des sportifs, des acteurs et autres célébrités est régulièrement associée à des campagnes de communication dans le but de favoriser l’imitation. Le mécanisme est d’autant plus efficace à mesure que le spectateur est anxieux, inquiet, voire apeuré face à une situation qu’il ne maîtrise pas. S’il n’est pas en mesure de décider, car émotionnellement fragilisé, il délègue plus facilement sa confiance sur une personnalité qu’il estime source de confiance, ou qu’il juge authentique. Son jugement repose alors sur les émotions qu’il ressent et dont la valeur de vérité l’emporte sur les arguments verbaux.

     

    Sens interdit au Covid

    Prises le 10 mars dernier, les interdictions et obligations formulées par le Mintransports à l’endroit «des usagers de tous les modes de transports», peuvent être regroupées en mesures d’ordre général et mesures d’ordre spécifique. Pour la première catégorie et sans être exhaustif, on retrouve par exemple des obligations liées au port du masque, à la désinfection quotidienne et systématique des mains, à la mise en place des dispositifs y afférents, à l’organisation des embarquements et débarquements, ainsi que des interdictions liées à la surcharge et au regroupement de plus de 50 personnes dans le hall d’embarquement.

    Pour leur part, les mesures d’ordre spécifique concernent des cibles clairement identifiées à l’instar des Centres de formation professionnelle du secteur des Transports; le transport interurbain, périurbain, urbain et rural de personnes; et le transport des marchandises en transit. En plus d’intégrer toutes les prescriptions d’ordre général, ces mesures imposent également pour le cas des marchandises, un contrôle sanitaire systématique des équipages des camions aux checkpoints conventionnels et aux frontières. Désormais, il appartient aux «responsables des services centraux, déconcentrés et des structures sous-tutelle du Mintranports, aux autorités administratives, aux collectivités territoriales décentralisées et aux forces de maintien de l’ordre», de veiller à la stricte application desdites mesures gouvernementales.

    Théodore Ayissi Ayissi


    Les élèves déficients auditifs abandonnés

    La lutte contre le covid-19 est difficile pour le personnel en charge d’éduquer les enfants déficients auditifs. Pour la simple raison, le gouvernement n’apporte aide supplémentaire à l’École spécialisée pour enfants déficients auditifs (Eseda) de Yaoundé. Depuis le début de la pandémie, cet institut est abandonné ni matériel désinfectant, et masques n’ont été distribués par les autorités. «J’avoue que le gouvernement ne nous a pas encore apporté un appui substantiel. Parce que en fait, on se serait attendu qu’il nous donne les masques pour les enfants, mais nous n’avons rien reçu, on se serait attendu que le gouvernement nous donne les désinfectants comme les gels hydro alcooliques, seaux pour laver les mains et même du savon, jusqu’à présent nous n’avons reçu aucun apport venant du gouvernement. Nous nous battons avec le peu de moyens que nous avons pour appliquer les mesures barrières édictées par le gouvernement», déclare le Paul Njock Secrétaire exécutif de la Fondation Hélène Ressicaud pour l’Education et la Promotion des Personnes déficientes auditives (Feppda), fondatrice de l’Eseda.

    Olivier Mbessité

  • Décryptage : Le gouvernement victime de lui-même

    Décryptage : Le gouvernement victime de lui-même

    Quelle débandade !

    Est-il en passe de devenir le plus mal aimé des vaccins ? Voici AstraZeneca sous le feu des critiques concernant ses supposés effets secondaires. À cette heure, en plus des quatre pays européens et un pays d’Asie qui ont décidé d’interrompre toute utilisation du vaccin b, sept autres à travers le monde l’ont tout simplement retiré des lots. Partout, AstraZeneca, développé par un laboratoire britannique, traîne derrière lui son lot d’inquiétudes et de critiques. Selon la newsletter éditée par le quotidien français Libération du 13 mars 2021, trois membres du personnel de santé ont récemment été admis à l’hôpital universitaire d’Oslo pour des caillots sanguins, après s’être vus administrer le vaccin AstraZeneca. Un décès est également survenu à la suite d’une hémorragie cérébrale. Au milieu de tout ceci, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a quant à elle déclaré le 12 mars dernier qu’il n’y avait «pas de raison de ne pas utiliser» le vaccin AstraZeneca et qu’aucun lien de cause à effet sur la formation de caillots sanguins n’avait pour l’instant été trouvé.

    Au Cameroun, vu le niveau de méfiance des populations face à la vaccination, les autorités disent attendre «un peu». Au sein de l’opinion publique locale, on a vite fait de comparer l’adoption, à la va-vite, du vaccin AstraZeneca à «la roulette russe». Un tel parallèle avec un jeu de hasard meurtrier souligne une crise systémique de la confiance où la méfiance alimente la méfiance, la reproduit, et la densifie en boucle. La méfiance de la société réveille celle des décideurs qui en retour renforce le doute des opinions. Dans ce contexte, un écosystème médiatique, où la confusion des contenus ne facilite pas les conditions d’appropriation d’un débat serein, a fini par être activé. Voilà qui constitue la ligne de force du présent dossier.

     

    L’exécutif rattrapé par ses propres turpitudes, valide une certaine analyse.

    Manaouda Malachie, le Minsanté

    « Au moment où les effets secondaires du vaccin AstraZeneca continuent d’alimenter les débats, je tiens à préciser que j’ai saisi le Conseil Scientifique et le NITAG, pour avis. Il reste attendu que nous n’allons pas utiliser ce vaccin tant qu’il subsiste des doutes sur ses effets». Il y a une erreur dans ce tweet de Manaouda Malachie. Le ministre de la Santé publique (Minsanté) y annonce qu’il a «saisi le Conseil Scientifique et le NITAG pour avis» sur les effets secondaires du vaccin AstraZeneca. Il faut lire en fait: le gouvernement n’est plus sûr de l’efficacité du vaccin britannique. L’annonce est d’autant plus choquante que son fabricant projetait déjà de gras bénéfices au Cameroun, pays de près de 25 millions d’habitants. Selon nos informations, le laboratoire AstraZeneca est à la recherche d’une nouvelle donne, pour pulvériser ses concurrents grâce au souffle de nouveaux arguments sur l’efficacité assurée de son produit. D’où la mousse médiatique qui, ces derniers temps, place sur le devant de la scène des émetteurs apolitiques, notamment scientifiques.

    Dans les allées du pouvoir, l’on assure avoir pris la décision de suspendre le vaccin AstraZeneca en toute indépendance. «C’est là où l’arbrisseau cache la forêt», coupe rapidement Belinga Zambo. À en croire le politologue, «le gouvernement s’est engagé trop vite d’un côté, trop lentement de l’autre». Pour bien comprendre, il n’y a qu’à lire le tweet du Minsanté du 11 mars 2021: «ce vaccin est actuellement utilisé dans bien des pays aussi bien occidentaux qu’africains, sans soucis majeurs». «Maintenant que, , les soupçons sur la nocivité du AstraZeneca sont manifestes, documentés, étayés, l’exécutif veut faire figure de timonier solide dans l’embarras de choix; du coup, son attelage fait semblant de tirer dans le sens de l’intérêt des populations», critique aussitôt Belinga Zambo.

    Sur la même veine, Thadée Ebode, épidémiologiste, estime que le gouvernement se donne juste une période intermédiaire avant la validation ou non d’un autre produit anti-Covid-19. «Sans augurer sur la bonne ou la mauvaise foi du pouvoir, il reste que la question de la procédure à appliquer se pose tout naturellement pour clamer, sur la place publique, son amour ou son désamour pour le vaccin AstraZeneca», émet l’homme de science.

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Vox populi : Que l’exemple vienne d’en haut !

    Vox populi : Que l’exemple vienne d’en haut !

    D’après un certain courant d’idées, il faut utiliser le corps des politiques comme support de communication pour convaincre dans un contexte de grandes angoisses collectives.

    Au Cameroun, on laisse tranquille ceux qui ont fabriqué le ou les vaccins et on interpelle ceux avec qui ils ont négocié. «L’effort commercial des vendeurs de vaccins est intensif, habile et hautement organisé. Ils sont dans leur rôle. Mais que font leurs hommes de main qui nous gouvernent ?», s’interroge Cyr Mbiangoup, cadre d’entreprise à Yaoundé. D’après lui, l’attitude des gouvernants vis-à-vis du coronavirus est à la fois décalée et impertinente. «L’élaboration du discours sur tel ou tel autre vaccin devrait se marier à des éléments de fond comme l’image du corps des politiques», suggère-t-il. Et le contenu qu’il donne à l’expression «éléments de fond», ce sont les hautes personnalités en majesté dans le décor national. Sur cet aspect, Yvan Biyiha, pasteur dans une congrégation pentecôtiste à Mbankomo (près de Yaoundé) tient des exemples. «Aux États-Unis, face au renforcement des mouvements anti-vaccins-Covid-19, trois anciens présidents Obama, Bush, Clinton ont déclaré publiquement vouloir se faire vacciner, et ce devant les caméras», clame le dignitaire religieux. Il s’insurge de ce que «dans un environnement où les représentants de l’État préfèrent l’argumentation verbale à la communication émotionnelle, la campagne autour du vaccin prend seulement les allures d’une foire grossière où l’enfer, c’est les autres».

    Cruellement ironiques à l’égard de Manouada Malachie, quelques citoyens arguent que le ministre de la Santé publique (Minsanté) constitue «un bon cobaye pour le vaccin AstraZeneca». D’où le conseil prodigué par Djida Nanga, infirmier diplômé d’état exerçant à Mora (Extrême-Nord) : «Pour faire avaler facilement une pilule amère à un malade, on la goûte devant lui sans froisser le visage. Alors, le Minsanté devrait être le premier à se faire vacciner pour que les autres suivent».

    Sur le même fil, Wilfried Nkili, homme politique proche de l’opposition résidant à Mfou (Mefou-et-Afamba) croit que «le Minsanté, adepte de longues démonstrations, reste dans une position défensive qui montre bien qu’il ne saurait être le premier à se faire vacciner». Reprenant les éléments de la construction anthropologique beti selon laquelle «la musique s’exécute bien quand le musicien en chef donne le tempo», Wilfried Nkili exhorte les membres du gouvernement à être les premiers à prendre leurs doses de vaccins anti-Covid-19.

    Dans ce qui paraît être le procès de discours sur l’arrivée des doses du vaccin AstraZeneca au Cameroun, Armand Tcheuffa Fils, géomètre à Bamendjing (Menoua), dit craindre pour leur authenticité. «Si le Minsanté dit vrai, qu’il prenne sa dose immédiatement à l’aéroport devant la presse», lance-t-il.

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Christophe Guilhou : Lignes de faille d’une interview

    Christophe Guilhou : Lignes de faille d’une interview

    La récente sortie médiatique de l’ambassadeur de France au Cameroun donne des repères pour décoder les ambitions de Paris par rapport à la crise anglophone.

    L’ambassadeur de la France au Cameroun, Christophe Guilhou

    Sur les réseaux sociaux, l’on a bien senti que, bien avant sa diffusion, l’entretien qu’a accordé Christophe Guilhou à la chaine de télévision privée Vision 4, le 30 octobre dernier, constituait une bonne nouvelle pour le débat public. Dans l’embrasure de l’actualité sociopolitique dans son pays d’accueil, l’ambassadeur de France au Cameroun a misé sur des réponses courtes, comme s’il avait réfléchi à certaines formules pour répondre à des dilemmes pointus. Et parmi ces dilemmes, il y avait le rôle de Paris dans la crise anglophone.

    Regards
    Sur ce sujet, le diplomate français, voulant expliquer le sens de la position de son pays, a laissé entendre une forme d’humilité en déclarant: «Pour l’instant, personne ne nous a rien demandé!». Parce qu’en diplomatie, il ne faut jamais prendre pour acquis la sincérité réelle des acteurs, certains comme Aristide Mbita peuvent alors se permettre d’irriguer autrement la réflexion et maintenir le lien de celle-ci avec la sortie de Christophe Guilhou. Pour le spécialiste de la communication diplomatique, «cette déclaration tente de faire preuve d’empathie envers le peuple camerounais, en développant l’idée que son impatience et sa colère ne sont pas dirigées vers la France, mais vers les problèmes non réglés par les Camerounais eux-mêmes».

    À la suite de cette analyse, Aristide Mbita souligne que l’interview de l’actuel patron de la diplomatie française sur Vision 4 a révélé «une donnée essentielle»: «la France veut compter, agir, être un acteur décisif pour la résolution de la question anglophone, une puissance diplomatique fournissant une vision alternative». On se souvient à cet effet que, interpelé à Paris par un activiste, le 22 février 2020, Emmanuel Macron avait ouvertement mis les pieds dans l’affaire. «J’ai mis la pression sur Paul Biya pour qu’il traite le sujet de la zone anglophone (…) Là, la situation est en train de se dégrader. Je vais appeler, la semaine prochaine, le président Biya, et on mettra le maximum de pression pour que cette situation cesse. Je suis totalement au courant et totalement impliqué sur les violences qui se passent au Cameroun et qui sont intolérables», avait confessé le président français ce jour-là.

    Évitement
    Face à Bruno Bidjang, Christophe Guilhou a surtout été soucieux de retourner en arguments rhétoriques positifs les raisons pour lesquelles la France décline sa responsabilité dans la crise au Nord-Ouest et au Sud-Ouest du Cameroun. «Il est même parvenu à s’investir dans un créneau langagier qui a évité de reconnaitre les échecs du Grand dialogue national (GDN)», souligne André-Michel Bessong. «En tout cas, commente ce spécialiste camerounais de la communication politique, Paris, via son ambassadeur, ne donne pas l’impression d’être disposé à rebondir favorablement sur les recommandations du GDN». Et à écouter Christophe Guilhou, l’on se surprend à entendre que «la France soutient les efforts pour ramener la paix dans le NOSO (…) Elle est disponible pour accompagner, pour soutenir tous les efforts de bonne volonté».

    Dans le fond, décrypte encore André-Michel Bessong, pour la France, l’objectif de cette sortie médiatique était de se relancer et accroitre sa valeur sur le marché diplomatique. «Après les vrais-faux scandales qui lui ont été attribués, l’ambassade de France au Cameroun est dans une phase de reconquête de l’opinion, ce qui passe notamment par la presse. Il y a une volonté de prévenir une éventuelle déception, en étant au plus proche de ce que la presse va dire. Il s’agit d’un moyen d’atténuer les coups», dit l’universitaire.

    Rémy Biniou

    Restez chez vous!

    L’ambassade de la France au Cameroun fermée aux demandeurs de visas

    «À mon avis, il vaut mieux être en France plutôt qu’au Cameroun». C’est doux, mais c’est également amer pour ceux qui ambitionnaient séjourner dans le pays d’Emmanuel Macron. Selon Christophe Guilhou, la Covid-19 a resserré les entrées de son pays pour une période que le diplomate n’a pas précisée. Tout au plus, a-t-il indiqué, les Camerounais détenteurs d’un visa d’entrée valide dans l’Hexagone devront rester chez eux en attendant que les restrictions dans l’espace Schengen (en vigueur à compter du 30 octobre, et jusqu’au 1er décembre minimum) s’assouplissent. Et par conséquent, avise l’ambassadeur de France au Cameroun, les services consulaires français de Yaoundé et de Douala ne peuvent plus délivrer de visas.

    Toutefois, «les vols ne sont pas interdits entre la France et le reste du monde», nuance Christophe Guilhou. «Les Français qui sont ici au Cameroun et qui veulent rentrer en France vont pouvoir continuer à le faire grâce aux liaisons, notamment avec la compagnie Air France», précise-t-il. L’«embellie» annoncée le 29 juin 2020 n’a duré que quelques mois.

    Reste que la difficulté d’obtention du visa pour la France ne coïncide pas seulement avec la pandémie du coronavirus. En mars 2017, Gilles Thibault (prédécesseur de Christophe Guilhou à la tête de la représentation diplomatique française à Yaoundé) faisait savoir que 50% des demandes de visa introduites dans les représentations diplomatiques françaises au Cameroun par des Camerounais contiennent de faux documents. Il s’agit notamment de faux actes de naissance, de faux diplômes ou de faux relevés bancaires.

  • Colloque international De Gaulle et Brazzaville une mémoire partagée entre la France, le Congo et l’Afrique : le verre à moitié plein

    Colloque international De Gaulle et Brazzaville une mémoire partagée entre la France, le Congo et l’Afrique : le verre à moitié plein

    Le Drian (à gauche), Denis Sassou Nguesso (à droite) à l’entame du colloque

    En présence des chefs d’Etat du Congo Démocratique, du Tchad, de la République Centrafricaine, des Premiers ministres gabonais et camerounais en représentation de leurs chefs d’Etat respectifs, de la secrétaire générale de l’organisation internationale de la Francophonie, du ministre français de l’Europe et des affaires étrangères, du Président de la fondation Charles de Gaulle, du maire de Brazzaville, du corps diplomatique accrédité au Congo, des diverses autorités congolaises et des personnalités scientifiques congolaises et étrangères, à Brazzaville la capitale politique de la République du Congo, le Président congolais hôte, Denis Sassou Nguesso, a ouvert le 27 octobre 2020 le colloque international « De Gaulle et Brazzaville, une mémoire partagée entre la France, le Congo et l’Afrique ».

    Alors que la population congolaise ne se sentait pas du tout concernée par cet événement, puisque beaucoup de Congolais trouvaient l’organisation de ce colloque inopportune, un véritable gâchis financier au moment où leur pays a besoin de fonds pour résoudre les problèmes liés à la crise sanitaire de la covid -19. Et de questionner la nécessité de ce colloque aujourd’hui pour le Congo, l’Afrique et la France ? Oui pourquoi c’est seulement 80 ans après, qu’il est devenu important de commémorer en grande pompe le Manifeste de Brazzaville du 27 octobre 1940 ? Quelle est la portée réelle de ces commémorations ? Que pourraient en tirer le Congo, l’Afrique et la France ?

    Le colloque international de Brazzaville, en cette année 2020 décrétée année De Gaulle, une nécessité urgente pour la France.
    Bien que relativement encore bien positionnée dans ses différents bastions du continent, la France critiquée de partout, est de plus en plus consciente qu’elle est en train de perdre la bataille de l’Afrique. Conçu et préparé en cette année De Gaulle comme une opération de charme en vue d’une exaltation exagérée du général Charles De Gaulle et de la France, le colloque de Brazzaville a été très rapidement rattrapé par le triste bilan négatif en Afrique subsaharienne de la politique française et de l’héritage funeste du général du 18 Juin 1940.

    Certes, d’entrée de jeu, le Président de la fondation De Gaulle et le maire de Reims, ville jumelée à Brazzaville ont reconnu que la France Libre a été essentiellement africaine. « Sans l’Afrique, l’Appel du 18 Juin ne serait resté que l’éternelle supplique des peuples qui ne veulent pas mourir « , a lancé Arnaud Robinet, maire de Reims. L’appel du ministre français de l’Europe et des affaires étrangères, Yves Le Drian, a montré toutes les limites actuelles de la diplomatie française, caractérisée par l’arrogance et le mépris des aspirations africaines.

    Ignorant magistralement la réalité des prédations françaises vécues par nos populations depuis cette année 1940, Le Drian a osé inviter de nouveau l’Afrique à faire bloc avec la France, car « C’est ça aussi l’esprit du Manifeste de Brazzaville, la meilleure manière de faire bloc c’est de nous retrouver autour de ce modèle que des français et des africains, après le Manifeste du général De Gaulle, ont défendu ensemble depuis Brazzaville il y a 80 ans…une manière qui, hier, nous a permis de reprendre la maîtrise de nos destins et qui, aujourd’hui, nous permet si nous le voulons, de nous donner à nouveau un destin commun « .

    La France a certes repris son destin en mains après la Deuxième Guerre Mondiale, mais elle a, avec le général De Gaulle, par tous les moyens, empêché les pays africains d’être maître du leur, en imposant à ces pays le même régime politique, économique et financier fasciste qu’elle avait, aux côtés des africains, combattu lors de l’occupation nazie de la France. Il suffit simplement de comparer ce qu’étaient la France et ces pays africains en 1940 et ce qu’ils sont devenus aujourd’hui.

    Convaincu que les africains aiment les belles paroles et ne vivent que d’émotions, Yves Le Drian a plongé dans une phraséologie mielleuse : »Brazzaville, à mes yeux, mérite une place pleine et entière parmi les lieux de mémoires qui comptent pour la France. Car, s’il y a une ville d’Afrique où s’est joué le sort de mon pays, une ville d’Afrique à laquelle nous devrons continuer à écrire notre histoire contre l’adversité, c’est bien celle-ci. » Paroles, paroles, paroles pour Brazzaville et pour les africains. Lorsqu’il s’agissait de s’adresser à Londres et aux Britanniques, le Président Macron s’est déplacé lui-même avec une médaille dans la poche !

    Le ministre français visiblement très agacé par les faits historiques mis à nus ces dernières années par les historiens honnêtes et contraint d’accepter la réécriture de l’histoire commune a ajouté : « Afin d’éviter que les histoires partielles continuent à faire le lit des histoires partiales ». Tel un voleur pris la main dans le sac qui cherche des coupables à ses propres souillures et turpitudes, la France officielle insiste dans le déni, au lieu de suivre les pas de sa société civile, en reconnaissant publiquement que la France Libre a été essentiellement africaine, et demander des excuses à l’Afrique pour avoir occulté ce pan de l’histoire.

    À qui la faute aujourd’hui si les africains avec leurs propres moyens cherchent à reconstituer leur histoire que la France tient à camoufler ? Au Cameroun par exemple, pourtant territoire officiellement sous le mandat des Nations unies, mais administré en réalité avec une main de fer par la France, la plupart des principaux acteurs de la libération de la France et de l’Europe du fascisme allemand ont tous été exterminés dans les maquis par l’armée coloniale française, lorsqu’ils ont revendiqué l’indépendance de leur pays. Qui a réellement intérêt à ce que cette histoire commune ne soit jamais connue ? N’est-ce pas la France ?

    L’Afrique insatisfaite par une France qui l’invite de nouveau à sa duperie de 1940.
    Selon un dicton des Bassa’a du Cameroun, « on ne trompe pas un adulte deux fois avec le même mensonge « . Le Président Denis Sassou Nguesso a clairement demandé de « rétablir la réalité de l’épopée de la Seconde Guerre Mondiale avec ce que fut la contribution de l’Afrique ». On retiendra aussi de l’allocution du Président congolais la revendication d’une pleine reconnaissance du rôle de l’Afrique dans la libération du Monde du nazisme, et sa réclamation d’une participation africaine à la prise des décisions planétaires, avec droit de véto au Conseil de Sécurité des Nations unies. Quant au Président tchadien, Idriss Deby Itno, il espère voir ériger en France une stèle mémorielle à la hauteur de l’engagement des africains, « pour immortaliser cet acte exemplaire de solidarité humaine marqué du sceau de sacrifices immenses », car pour lui,  » il n’est pas concevable que l’image du soldat tchadien, centrafricain, congolais, camerounais ou gabonais soit effacé de la mémoire collective ».

    Il faudrait le dire sans détour, l’importance de la France aujourd’hui, son rayonnement au niveau international et sa place au Conseil de Sécurité des Nations unies sont la conséquence directe de l’implication des soldats africains dans sa libération de l’invasion nazie. Il apparaît ainsi clairement aujourd’hui que quelque chose n’a pas marché pour notre continent après la décisive contribution des soldats africains dans la libération de la France et de l’Europe du fascisme allemand.

    La France est rattrapée aujourd’hui par l’ingratitude de sa classe dirigeante depuis le général De Gaulle jusqu’à nos jours et par sa politique de prédation de l’après-guerre. Une politique qui est à l’origine du contentieux historique franco-africain, un litige susceptible d’être porté dans les instances juridiques internationales, à cause des exactions françaises en Afrique et de la volonté manifeste de la France de maintenir les États africains sous sa domination.

    L’allocution sobre et fort intéressante du Premier ministre camerounais, qui pourtant aura manqué une opportunité souveraine de dire à l’Afrique, sa jeunesse et au monde entier que sans Douala, la généreuse du 27 août 1940, il n’y aurait certainement jamais eu le Manifeste de Brazzaville du 27 octobre 1940.

    Daniel Yagnye TOM
    Représentant spécial de l’Union des Populations

    du Cameroun en Afrique Centrale et Australe.
    Président de l’Alliance Patriotique.

    Et l’après Brazzaville interpelle déjà

    L’Alliance Patriotique a commémoré cette année le 27 août 1940 à Douala et à Yaoundé respectivement. Espérons qu’après ce colloque de Brazzaville, le gouvernement camerounais s’impliquera davantage aux côtés des autres gouvernants de la sous-région pour commémorer le 27 août 1940 en 2021. Bien entendu, il faudrait éviter le piège des rivalités africaines, qui profitent surtout aux prédateurs étrangers, car il est bien connu qu’ils vivent bien dans notre continent de nos divisions.

    La réécriture de l’histoire de la Deuxième Guerre Mondiale est désormais un acquis et tout le monde comprend cette nécessité! Après de belles paroles, il appartient désormais aux pays africains de mettre à la disposition des chercheurs les moyens adéquats pour ce travail. Il n’est pas prudent, ni opportun, de laisser la responsabilité de la réécriture de cette histoire à la France.

    Aux chercheurs africains, il revient le devoir de créer des synergies afin de relever le défi d’honorer les sacrifices des populations africaines lors de la Deuxième Guerre Mondiale. Comme partout ailleurs, il nous faudra connaitre le nombre de participants à la guerre pays par pays, les circonstances de la mort des soldats, tout comme l’effort de guerre des différents pays. Il serait extrêmement important d’évaluer le nombre de soldats ayant reçu les pensions et leurs montants de la France, ainsi que ceux qui n’ont rien reçu, etc. Un véritable défi pour nos chercheurs, mais une œuvre exaltante pour l’avenir de notre continent, car à partir d’elle, rien ne sera plus comme avant.

    On s’attendait à plus à Brazzaville, toutefois le verre n’est pas vide. Il est à moitié à moitié plein. L’Afrique a gagné la réécriture de son héroïque participation dans la Seconde Guerre mondiale. Oui, le train est finalement sorti de la gare !!!

     

  • Noso : La Diaspora séparatiste divisée sur la rentrée scolaire

    Noso : La Diaspora séparatiste divisée sur la rentrée scolaire

    Alors que les carillons de la reprise des classes sonnent ce lundi 5 octobre 2020 sur l’ensemble du territoire national pour le compte de l’année scolaire 2020/2021, dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, on est encore dans l’expectative.

    Dr Sako Ikome, un des leaders séparatistes à l’étranger, milite pour la reprise des cours le 5 octobre 2020

    La crise sociopolitique et sécuritaire qui prévaut depuis pratiquement quatre ans dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, a donné lieu au boycott des classes institué par les leaders séparatistes de la République imaginaire d’Ambazonie. La question qui taraude alors les esprits est celle de savoir si les cours vont reprendre sereinement ou pas dans ces deux régions ce lundi 5 octobre ? Rien n’est moins sûr. Et pour cause, les leaders séparatistes tapis en Hexagone sont toujours divisés sur la question de la rentrée scolaire dans la zone anglophone du Cameroun.

    Depuis les États-Unis, Eric Tataw, l’une des voix les plus écoutées de la cause anglophone et qui, les années antérieures prônait le boycott, a, par un tweet sur les réseaux sociaux le 28 septembre dernier, déclaré : «sur la question de la reprise des classes, je peux dire de manière catégorique que l’Ambazonie a perdu. Cela a été une stratégie avec effet boomerang sur nous. Changeons de stratégie. Laissons les enfants allez à l’école». Et le leader séparatiste d’ajouter que «le président du gouvernement intérimaire ne va pas traîner nos enfants dans la sombre antiquité avec des stratégies redondantes. Que les écoles rouvrent pacifiquement».

    Dr Sako Ikome, président du gouvernement intérimaire de la République virtuelle reconnait : «j’ai combattu la décision qui consiste à permettre aux enfants d’aller à l’école sur notre territoire». Toutefois, poursuit-il dans son tweet : «j’autorise les forces de restauration et tous les activistes d’encourager la reprise des classes en protégeant nos enfants contre le barbarisme de nos voisins la République du Cameroun». Mark Bareta, quant à lui, relativise. «Comme je l’ai dit avant, le boycott des classes n’est plus une arme de notre combat pour l’indépendance. Ainsi, là où c’est possible, les forces ambazoniennes doivent permettre l’éducation et encourager la reprise des classes. Ceci doit être fait en fonction de la réalité et de la situation sécuritaire dans chaque zone», a fait savoir le leader indépendantiste.

    Pour sa part, Emmanuel Ndong alias Capo Daniel, de la faction du Dr Ayaba Cho, rame à contrecourant. «Pas de reprise de classes sous le Cameroun français. Nous n’allons pas tolérer la traîtrise», martèle-il. Et le chef sécessionniste de menacer alors: «l’interdiction des classes sous le ministère de l’Education nationale du Cameroun français est indéfinie. Toute enseigne qui dispense les cours sous l’autorisation du Cameroun pourra être mis aux arrêts».

    C’est ce micmac et cette guéguerre entre les différentes factions séparatistes qui a toujours semé le doute, poussant de nombreux parents à envoyer leur progéniture poursuivre leur scolarisation dans la partie francophone. Et depuis quatre ans environ, l’école dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest a pris un sérieux coup, surtout dans les zones rurales où plusieurs établissements scolaires ont déjà mis la clé sous le paillasson, chaque leader séparatiste s’arrogeant le contrôle du terrain. On a ainsi vu ces derniers week-ends les agences de voyage débordées par une clientèle qui, pour la plupart, était constituée d’élèves. Ils ont quitté les deux régions anglophones en conflit sécuritaire pour la partie francophone, pour poursuivre leurs études.

    Zéphirin Fotso Kamga

     

    Rentrée scolaire au Noso

    Le calvaire des parents d’élèves

    Alors que la crise perdure et que les villes mortes les privent de sources de revenus, le paiement des frais d’inscription de leurs enfants apparaît comme une équation difficile à résoudre.

    Villes mortes dans le Noso: les parents d’élèves en difficulté financière

    «Je comptais me battre au cours du mois de septembre pour avoir un peu d’argent qui va me permettre de préparer la rentrée scolaire de mes enfants. Me voici terré à la maison depuis pratiquement un mois à cause des villes mortes imposées par des séparatistes. Sans activité génératrice de revenus, je ne sais à quel saint me vouer pour envoyer mes enfants à l’école le 5 octobre. Je n’ai pas de moyens financiers». Ce sont là les cris de détresse de Dzozeka Wilfried, parent d’élèves résident à Bamenda. En cette veille de la reprise de l’école, il a perdu le sommeil, parce que incapable d’assurer l’inscription de deux de ses enfants. Il pointe un doigt accusateur sur la crise sociopolitique qui fait du Nord-Ouest une zone économiquement sinistrée. Il ne compte que sur la providence pour le tirer de ce dilemme. Comme lui, nombreux sont les parents qui ne vont pas envoyer leurs enfants à l’école dans les zones rurales de la région. Non seulement faute de moyens, mais aussi et surtout parce du fait de la crise, les écoles ont fermé depuis quatre ans.

    Fred Ebai, quant à lui, était dans l’attente des résultats du General certificate of education ordinary level (Gce Ol) pour engager les préparatifs de la rentrée et partant l’inscription de son fils. «les résultats du Gce Ol ont été publiés seulement vendredi dernier. Mon fils a réussi et le temps est encore à la jubilation. Dans tous les cas, mon fils ne pourra que prendre le train de la rentrée scolaire en marche, car ce n’est que mardi (lundi étant ville morte) que je vais me rendre au lycée pour l’inscrire». Face aux difficultés financières par contre, Pius Amungwa s’est rabattu vers une réunion associative. «J’ai pu obtenir un prêt de cinq cent mille francs de notre association.

    Cela va me permettre de régler les formalités d’inscription de ma fille à Form 5, ainsi qu’à acheter ses fournitures scolaires et sa tenue. Je vais aller la déposer ce samedi (dernier Ndlr) puisqu’elle va fréquenter dans un collège missionnaire à régime interne de la ville». Toujours est-il que ce ne sont pas tous les élèves qui auront l’opportunité de reprendre le chemin de l’école ce lundi. C’est le cas par exemple des orphelins dont les parents sont tombés du fait de la crise sécuritaire dans le Nord-Ouest. A moins que des âmes de bonne volonté leur viennent en aide.

    C’est, en tout cas, dans cette veine que le député Oliver Agho de la circonscription électorale de Bafut-Tubah dans le département de la Mezam, a offert le 27 septembre dernier des cartables contenant chacun des cahiers, bics, crayons, gommes, boîtes académiques et des cache-nez à deux cents orphelins de la guerre du Noso. Un geste qu’a salué le sous-préfet Garga Alim de l’arrondissement de Tubah, tout en invitant l’élite à suivre cet exemple. Reste alors les frais d’inscription. Un véritable casse-tête pour ces enfants dont les parents ont perdu la vie dans une guerre honteuse qui n’a que trop duré.

     

     

  • 5 octobre 2020 au Cameroun : Coup double ou coup dur pour les enseignants

    5 octobre 2020 au Cameroun : Coup double ou coup dur pour les enseignants

    Comme rarement par le passé, ce jour est considéré par certains «seigneurs de la craie» comme le symbole de leur tiraillement entre une rentrée scolaire 2020-2021 qu’ils souhaitent effective, et leurs conditions qu’ils veulent voir améliorées à la faveur de la Journée mondiale à eux dédiée.

    La rentrée des enseignants au Lycée classique de Nkolbisson

    Il y a du monde ce jeudi 1er octobre 2020 au Lycée classique de Nkolbisson. C’est que depuis la veille, les enseignants effectuent leur rentrée. Et ici, cela signifie, entre autres, «se faire enregistrer et prendre service», indique au pas de course l’un d’entre eux. Comme pour ce dernier, les «seigneurs de la craie» présents cet après-midi dans l’enceinte de l’établissement semblent n’avoir la tête qu’à une chose: à la rentrée scolaire de ce 5 octobre. On les voit alors se soumettre de bonne grâce aux formalités d’usage, notamment administratives ou encore, nouveauté, celles relatives au test de dépistage du Covid-19. Et Njoya Ahmed, enseignant d’EPS confirme cette impression. «La priorité pour nous, c’est le démarrage effectif de l’année scolaire 2020-2021. Pour l’instant, nous n’avons pas le temps de penser à autre chose», confie-t-il.

    Lui emboitant le pas, un de ses collègues, enseignant de français, mais ayant requis l’anonymat, confirme cet état d’esprit et fait, dans la foulée, le lien avec la Journée mondiale de l’enseignant, célébrée chaque année depuis 26 ans. «Ce qui nous préoccupe le plus en ce moment, c’est la reprise des cours. Il est vrai que c’est inédit. C’est la première fois, à ma connaissance, que la rentrée scolaire au Cameroun coïncide avec notre journée, la Journée mondiale de l’enseignant. Ce n’est pas plus mal, la célébration se fera la craie à la main», lance-t-il alors.

    Mais au-delà de l’amour déclamé de ces enseignants pour leur profession et de l’expression de leur sens élevé du professionnalisme, une donnée objective permet également de tenir pour sure, la présence du staff administratif et, plus encore, des enseignants dans les salles de classe ce 5 octobre. En clair, elle tient au fait que la rentrée scolaire au Cameroun donne toujours lieu à des descentes sur le terrain des ministres sectoriels et des autorités administratives pour s’assurer de l’effectivité de celle-ci sur l’ensemble du territoire de la République. Et s’agissant justement des établissements souvent visités par la ministre des Enseignements secondaires, Pauline Nalova Lyonga, il y a le Lycée technique de Nkolbisson, juste à un jet de pierre du Lycée classique.

    Rentrée symbolique
    Cela dit, il n’est toutefois pas possible de balayer d’un revers de la main ce que d’aucuns qualifient de «frustrations». «Quand on place la rentrée scolaire le jour de la fête des enseignants, cela ne peut pas être vu comme une bonne chose. Il y a certains enseignants qui aiment se retrouver et s’amuser. Et quand on leur dit ce jour-là qu’ils doivent tenir la craie, le cœur n’est pas totalement à la rentrée», s’indigne Michel Nyobè Mandeng, également professeur d’EPS. Mais l’enseignant du Lycée classique de Nkolbisson rassure tout de suite: «Ce qui est sûr, dès le lendemain, précisément le 6 octobre, les choses vont revenir à la normale».

    Le Dr Léon Mouaffo Timo partage également cette façon de voir et pense même que le 5 octobre ne sera au final qu’une rentrée symbolique, les véritables activités devant démarrer le lendemain. «En fait, le premier jour de la rentrée est un jour de prise de contact avec les élèves. De ce fait, il n’y a pas grand-chose à faire. L’enseignant prend donc contact, rentre chez lui et le lendemain, le 6 octobre, les choses reprennent alors de la plus belle des manières», indique l’enseignant de sciences physiques au Lycée de Mengang, dans le Nyong-et-Mfoumou.

    Comme plusieurs de ses confrères rencontrés dans les établissements de Yaoundé, ce dernier regrette la façon dont se célèbre la Journée de l’enseignant au Cameroun. Il n’éprouve de ce fait aucune gêne à faire l’impasse dessus. «Moi, je ne m’y intéresse plus parce que je sais comment cela se passe chez nous. Cette journée devrait être une journée de réflexion sur la situation de l’enseignant et pas forcément une journée de fête, comme on le pense», regrette alors l’enseignant.

    Mais à Mengang, Nkolbisson, comme partout ailleurs au Cameroun, les enseignants ont désormais les regards tournés vers la journée du 2 octobre. C’est ce jour-là que se tient l’assemblée générale de chaque établissement. C’est également à cette occasion qu’ils seront définitivement fixés sur la conduite à tenir ce 5 octobre, qu’ils aient ou pas, le cœur à la fête.

    Théodore Ayissi Ayissi (stagiaire)

    Rentrée scolaire en zone anglophone

    Plus noire que la nuit

    Dans cette partie du pays, la communauté éducative est à la fois bercée par le discours des autorités publiques et l’intransigeance des séparatistes ambazoniens.

     

    C’est la stratégie du coup de dés. En annonçant que l’école reprend sur toute l’étendue du territoire ce 5 octobre 2020, le gouvernement a pris une série de paris. Celui, d’abord, que les moyens logistiques suivraient. Ensuite, que la sécurité des élèves et enseignants serait garantie partout. Enfin, que tout serait mis en œuvre pour le respect du calendrier scolaire. Le défi est immense. «Il est beaucoup plus immense pour nous qui officions comme enseignants dans la partie anglophone de notre pays» alerte Jonathan Bongwa, professeur vacataire au Lycée de Malende (Sud-Ouest). Dans cette déclamation se profile avant tout un certain degré d’incertitude. Celle-ci marque l’éventualité, la probabilité qu’un retournement de situation ne se produise dans les écoles, lycées et collèges de la zone anglophone. «La reprise des classes est un véritable saut dans l’inconnu. Elle est par essence l’instant de toutes les suppositions», décrit Jonathan Bongwa.

    Dans le fond, il apparait que de gros risques se jouent d’abord sur la scène communicationnelle. Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux le 26 septembre 2020, quelques activistes séparatistes ont dit être en faveur de la reprise des cours. Sauf que dans le verbe comme dans le geste, l’intransigeance des «Amba Boys» est là. Ils ont établi des règles strictes qui doivent être suivies pour que les écoles reprennent efficacement dans les régions anglophones sans perturbation. «Aucune école gouvernementale ne rouvrira, à moins qu’elle ne change de nom en “écoles communautaires”; toutes les écoles doivent respecter toutes les journées de villes-mortes; pas d’enseignement de l’histoire du français et du Cameroun francophone dans les écoles; l’enseignement des langues maternelles doit être encouragé et pas de chant de l’hymne national camerounais dans les écoles», exigent les séparatistes.

    «Chacun l’a bien compris. Il s’agit bien plus d’un retour à la case départ que d’une véritable sortie de crise; et le plus dur est devant nous», s’inquiète Andrew Akem Ngenko, enseignant de mathématiques au Sacred Heart College de Makon (Nord-Ouest). Depuis Yaoundé, où il est encore en congé, il dit comprend mal l’enjeu d’une rentrée «à tout prix dans ces conditions, dans une zone où l’école a été mise sous cloche depuis». De cette situation hantée par l’angoisse du vide, l’ensemble des sujets relatifs à la réouverture des salles de classe dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest rend compte d’une difficulté à accepter le discours des autorités publiques. Parmi les parents et élèves, des mécanismes constitutifs de la peur sont présents, et même massivement présents. «On ne sait pas ce qu’il va se passer; on est là comme ça!», avance fébrilement Marguaret Ashu, mère de famille rencontrée à Yaoundé.

    Ongoung Zong Bella

     

    Manuels scolaires

    Brillants par la gratuité et l’absence

    À côté d’un geste aux allures d’endettement de l’État, l’offre reste modeste pour soutenir la demande nationale.

     

    La bonne nouvelle est tombée le 28 septembre 2020. Au courant de cette année 2020/2021, 13 000 écoles primaires publiques des sous-systèmes anglophone et francophone vont recevoir gratuitement des livres. «Il s’agit des manuels de sciences, de technologie, d’informatique. Soit un total de cinq manuels scolaires pour les ZEP (zones d’éducation prioritaire, NDLR), et trois manuels des régions du territoire national», a expliqué Laurent Serge Etoundi Ngoa, le ministre de l’Éducation de base. Soutenue par la Banque mondiale à hauteur de 7,5 milliards FCFA, l’opération est prévue pour s’étendre du 30 septembre au 30 octobre 2020 sur toute l’étendue du Cameroun. De par son esprit et sa lettre, cette initiative fait souffler un petit air de joie en ce début d’année scolaire 2020/2021.

    Reste que dans des librairies formelles ou informelles, l’indisponibilité de certains manuels est encore rayonnante. Selon des sources de la chaine du livre, il est hautement improbable que la demande nationale soit satisfaite au moins à 40% d’ici fin octobre 2020. «On croyait pouvoir les avoir tous, mais ce n’est pas le cas. On perd l’espoir d’entrer en possession de tous ces manuels manquants, et pourtant c’est déjà la rentrée scolaire», s’inquiète Jean Bosco, libraire.

    Le 9 septembre dernier à Yaoundé, Marcelin Vounda Etoa, secrétaire général du Conseil national d’agrément du manuel scolaire et du matériel didactique (CNAMSMD), expliquait que «si vous devez tirer seul un livre au programme pour un niveau du primaire ou du secondaire, pour couvrir le territoire national, il vous faut un minimum de 100 000 exemplaires pour le premier et 50 000 exemplaires pour le second. Ce qui pose le problème de la disponibilité des moyens pour les éditeurs locaux. Pour celui qui s’engage à produire ces livres scolaires, il lui faut avoir un chiffre d’affaires conséquent avoisinant les 10 000 000FCFA, pour s’en sortir».

    Bobo Ousmanou

  • Demi-journée de cours : Dans l’inconnu  de l’après-midi

    Demi-journée de cours : Dans l’inconnu de l’après-midi

    Compilation compliquée

    Tous les élèves devraient reprendre, ce 5 octobre 2020, le chemin de l’école. Des millions d’élèves camerounais vont faire leur rentrée, après de longs mois sans école ou presque. Parce que cette séquence importante de la vie nationale est escortée par l’épidémie de coronavirus, il s’agit d’une rentrée inédite. Mais, espère le gouvernement, elle se veut «la plus normale possible». Elle a été «bien préparée», ont sereinement affirmé Pauline Nalova Lyonga et Manaouda Malachie lors de la cérémonie d’ouverture de l’atelier d’harmonisation des activités de santé scolaire, le 18 septembre 2020 à Yaoundé.

    En tout cas, à l’aune de la crise du Covid-19, une mécanique a été élaborée. Elle a entrainé des choix… et une longue liste d’incertitudes: transports, aménagements dans les écoles, jauges dans les activités sportives ou culturelles, retour au rythme de l’école compliqué pour certains enfants, etc. Ici et là, les uns et les autres dénoncent les nombreuses réformes mises en place en urgence, faites sans moyens, dans des écoles, collèges et lycées du pays.

    Ici et là, le flou des modalités agace, parce que laissé à l’interprétation en fonction des moyens localement disponibles. Coronavirus oblige, les élèves prétendront au mieux à un enseignement hybride, en présentiel et à distance. Avec tout ce que cet enseignement comporte comme failles dans l’application du programme, difficultés d’adaptation pour les enseignants, de compréhension pour les élèves, sans compter les problèmes techniques liés à la connexion internet, à la pénurie d’électricité, au coût élevé des équipements électroniques…

    raisemblablement, les autorités ont fondé leur scénario sur la base d’une «année scolaire normale» en privilégiant par exemple la présence alternée des élèves dans les salles, le matin et l’après-midi.

    Chez les parents, le stress est à son summum. Les pédagogues alertent quant à l’expansion du phénomène de décrochage. Sur les réseaux sociaux, certains enseignants dénoncent cette impréparation. Dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, c’est la peur. «On ne sait pas ce qu’il va se passer. On est là!». Une compilation compliquée qui nécessite des mesures d’accompagnement et l’investissement de tous.

    Jean-René Meva’a Amougou

     

    Les enseignants et élèves du second groupe de la journée devront composer avec des défis tels que le climat, la charge de travail, la nutrition, la mobilité urbaine, la sécurité…

    Sortie des classes, phase délicate du système de la mi-temps

    La deuxième demi-journée de cours ira de 13 h à 16 h 30, selon la ministre des Enseignements secondaires, Pr Pauline Nalova Lyonga. C’était le 23 septembre dernier à Yaoundé, au cours de la cérémonie de la rentrée pédagogique solennelle couplée au lancement de l’année scolaire 2020/2021. Des parents d’élèves, enseignants et sociologues rencontrés confient leurs inquiétudes face à la grande inconnue que revêt le changement introduit pour cette année scolaire.

    Un enseignant de mathématiques en service au Lycée d’Ekounou à Yaoundé (Cameroun), ayant requis l’anonymat, indique: «jusqu’à ce jour (mercredi 30 septembre 2020), à 4 jours de la rentrée, nous n’avons pas encore les emplois de temps ni les horaires de cours. Les conditions ne sont pas précises. On ne sait pas comment ça va se passer pour les élèves qui n’ont eu que 6 mois cumulés de cours». Le pédagogue ne manque pas d’évoquer ses doutes quant à la clôture des cours à 16h30.

    La chaine d’anxiété s’étend aux parents d’élèves. Anne Messomo, habite le quartier Mimboman à Yaoundé. Son fils va en classe de 2de au Lycée d’Anguissa, un autre quartier dans le 4e arrondissement de la ville de Yaoundé. Ce parent d’élève avoue dire le chapelet afin que l’année scolaire s’achève bien. «J’espère qu’on ne va pas augmenter la pension. J’espère qu’il va fréquenter en journée. Parce que j’ai peur des histoires qu’on entendait l’année passée comme les drogues, l’insécurité», lance-t-elle, angoissée.

    Sécurité
    La préoccupation de ce parent rejoint ce que le doctorant en sociologie de l’Université de Douala, Yves Mbede Nsizoa, qualifie d’«éléments parallèles de construction». Il fait référence à la mobilité urbaine et à la sécurité des élèves et écoliers. En effet, désormais, les cours au secondaire et au primaire, pour les écoles qui appliquent le système de mi-temps, vont officiellement s’achever à 16 h 30, voire plus. «Pour des villes comme Yaoundé, Douala, Bafoussam, Ebolowa, Buea et Bamenda, la mi-temps a des implications de sociétés.

    La préparation de la rentrée à Douala donne déjà lieu à des embouteillages monstres. Imaginez un tant soit peu, ce qu’annonce le rythme scolaire nouveau». Il y aura désormais 3 grands «moments de pointe» comme les appellent les professionnels de taxi: 7 h, 12 h 30 et 16 h 30. Une situation qui entraine toujours une sursollicitation des artères des villes. Pour le sociologue, «les forces de police compétentes de la régulation de la circulation, doivent être intégrées dans la gestion de l’année académique». Elles pourront également être utiles pour prévenir «le danger d’insécurité qui plane sur ces enfants qui vont être obligés de rentrer à la maison après 17 heures voire 18 heures».

    Autres
    Dans l’après-midi, les enfants auront sans doute l’obligation de se nourrir à la maison. Car la cantine scolaire aura besoin de s’adapter aussi au retour à la mi-temps. Chez les enseignants, on est bien conscient qu’un recrutement conséquent n’a pas accompagné la décision de passer à la demi-journée. M. Essama, enseignant vacataire d’histoire au collège Frantz Fanon, campus de Kondengui, nous confie: «on aura chaud dans l’après-midi avec le cumul de charge de travail, la chaleur et peut-être l’absence de l’énergie électrique en cas de pluie».

    Catherine Awoundja Nsata, inspecteur général des enseignements au ministère des Enseignements secondaires, rassure: «avec les inspecteurs pédagogiques, nous avons concrètement examiné dans quelles mesures les enseignants vont gérer cette année dans les salles de classe, quelles sont leurs difficultés, comment ils peuvent aller au-delà et avoir les résultats que nous attendons tous».

     

    Niveau des élèves

    Géomètres ou pas, tous entrent ici!

    Sur la base de quelques indicateurs globaux dégagés, certains responsables d’établissements scolaires de Yaoundé et ses environs montrent l’impact du confinement sur les performances des apprenants.

     

    C’est une réalité factuelle, établie statistiquement par un groupe scolaire primaire et secondaire basé à Nkongoa (sur l’axe routier Yaoundé-Mfou). «À l’issue d’un test de sélection que nous avons organisé la semaine dernière, seulement 15% des candidats ont obtenu une moyenne proche de 11/20 au cours de l’année dernière. Pour le reste, nous déplorons que le niveau soit désormais proche du néant. Mais il faut bien faire du chiffre et nous avons délibéré et avons accepté environ 40% d’entre eux en classes supérieures», confesse le préfet des études.

    S’il y a bien une chose qui respire le doute en cette rentrée scolaire au Cameroun, c’est bien le niveau des élèves. Assis sur la résignation, le ressenti des enseignants trahit leur désillusion. «À l’annonce de la fermeture des établissements, on ne va pas se mentir; au début beaucoup étaient contents de ne plus avoir cours. Moi-même je me suis dit que c’était pas mal, que ça permettait de faire une pause. Mais là, le nombre de cancres a presque doublé», affirme Xavier Simo. Selon cet enseignant de mathématiques, la continuité pédagogique a «vraiment crashé avec la pandémie du coronavirus».

    Effet de contexte
    Loin de les remettre en selle, la crise sanitaire a considérablement entravé la progression des élèves. Bref, le chef d’accusation contre une année scolaire qui s’est plus ou moins arrêtée à mi-mars est lourd: «le niveau des élèves a vraiment baissé», reconnait Protais Assomo, professeur des lycées. Pour lui, parce que l’impact du confinement s’est uniformément répandu, la seule issue qui pourrait contenter les parents et les élèves eux-mêmes est d’admettre ces derniers en classes supérieures en cette rentrée 2020/2021.

    Sur ce point, il s’agit donc clairement d’une perspective tournée vers «la récupération de tout le monde». Dans un groupe scolaire basé au quartier Nkomkana (Yaoundé II), l’on admet aujourd’hui qu’il faut «ajuster» les effets du Covid-19 dans les différents degrés de scolarisation. «Nos indicateurs montrent que nos anciens élèves du primaire sont allés très bas. De même, ceux du secondaire, dans les classes intermédiaires notamment, méritent une mise à niveau très soutenue, parce qu’ils n’ont pas achevé les programmes», renseigne le principal.

    Ongoung Zong Bella

  • Août – septembre 2020 : Daniel Ona Ondo au four et au moulin

    Août – septembre 2020 : Daniel Ona Ondo au four et au moulin

    L’agenda du patron de l’institution communautaire a été très chargé ces derniers mois. Retour sur les faits marquants de son déploiement.

    Le président Ona Ondo aux obsèques du premier président de la Cour des comptes de la Cemac

    Leadership. C’est ce qui caractérise ces derniers mois la Commission de la Cemac. Entre août et septembre précisément, on a pu observer que la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale a continué à relever de nombreux défis. Au rang de ceux-ci, figurent la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19; la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux; la recherche des financements destinés aux projets intégrateurs; les réformes économiques et financières, etc. Et sur tous ces sujets d’importance pour le devenir de la Communauté, le président de la Commission a été aux avant-postes.

    En effet, au cours de la période indiquée, le dirigeant communautaire s’est illustré par une intense activité, portant la voix de l’institution qu’il représente partout où ses fonctions l’ont appelé. Plusieurs capitales sous-régionales se sont ainsi honorées de l’accueillir au cours des trente derniers jours. A Bangui, par exemple, le Pr. Daniel Ona Ondo a effectué une visite au siège de la Cemac où des travaux de rénovation sont en cours. A Yaoundé, le diplomate a eu des échanges avec l’ambassadeur d’Allemagne auprès de la Commission de la Cemac. Et en Guinée Equatoriale, le président de la Commission est allé rendre un dernier hommage au nom de l’ensemble de la Communauté, au tout premier président de la Cour des Comptes décédé en mars dernier.

    Retour au bercail
    «Les premiers mouvements du personnel ont débuté ce mois et il faut que tout soit prêt dans les meilleurs délais». C’est en direction des responsables du chantier de rénovation du siège de la Commission de la Cemac à Bangui que le Pr. Daniel Ona Ondo a tenu ces propos. C’était le 12 septembre dernier à l’issue de sa visite d’inspection et d’évaluation à la Cité de la Cemac, à la villa du président et à celle de Ngarakba. Le président de la Commission s’appuyait ainsi sur le rapport sur les dispositions logistiques et sécuritaires, ainsi que sur le chronogramme du processus de retour du personnel à Bangui.

    Au cours de sa descente sur le terrain, le dirigeant communautaire a pu vérifier que les travaux de réfection du patrimoine de l’institution dont il a la charge progressent bien. «Les travaux sont réalisés à plus de 70% sur l’ensemble des sites. A ce niveau, le gros œuvre est fini et les travaux de finition sont déjà en cours», ont détaillé à son endroit les responsables du chantier. Ces derniers ont par ailleurs fait valoir le fait que c’est en raison de la survenue de la pandémie de Covid-19 que l’élan des constructions a été entamé. Sans quoi, ont-ils conclu, «le chantier serait pratiquement achevé».

    Pour le président de la Commission de la Cemac, l’intérêt de cette visite d’évaluation résidait aussi dans le contrôle de la qualité des réalisations. Le Pr. Daniel Ona Ondo a alors mis un point d’honneur à ce que «les normes des travaux répondent aux conditions nécessaires pour que les responsables et fonctionnaires de la Cemac puissent travailler et y vivre dans de bonnes conditions», a-t-il fait savoir sur ce point.

    Coopération allemande au beau fixe
    Pour magnifier la coopération allemande et discuter des sujets d’intérêt commun, le président de la Commission, le commissaire Shey Jones Yembe et la représentante de la Cemac au Cameroun, Malaïka Ndoumbe épse Ntsama Etoudi étaient le 4 septembre dernier à l’ambassade d’Allemagne au Cameroun, en République centrafricaine et auprès de la Commission de la Cemac. Ce jour-là à Yaoundé, Daniel Ona Ondo et Corrina Fricke ont notamment échangé sur la situation économique qui prévaut dans la sous-région depuis la survenue de la Covid-19, sur le climat sécuritaire en Afrique centrale et sur la réforme du franc CFA. Et sur tous ces aspects, le dirigeant communautaire a mis en avant, en guise d’information, le plan régional de riposte contre la Covid-19 adopté en mars 2020 à Douala par les ministres de tutelle, mais également le plan de relance économique validé le 10 août dernier par le Conseil des ministres de l’UEAC.

    Les deux diplomates gabonais et allemand ont par ailleurs abordé à l’occasion de cette audience, les questions de coopération, et notamment la mise en œuvre des projets et programmes financés par la GIZ. Sur ce dernier point, le Pr. Daniel Ona Ondo et Corrina Fricke se sont félicités de l’excellence des relations bilatérales. En matière de santé, en effet, la Cemac peut se vanter d’avoir bénéficié de l’appui constant et multiforme de la République fédérale d’Allemagne. Ce soutien s’est précisément traduit par une contribution substantielle de 10,1 millions d’euros sur des fonds de la coopération. C’était pour la réalisation du Programme pour combattre les maladies tropicales négligées, un programme mis en œuvre par l’OCEAC.

    Le secteur du Commerce et celui minier ont aussi tiré profit de la coopération allemande. Pour le premier, un montant d’1 million d’euros a été disponibilisé et est destiné au projet de mise en place d’un système régional de métrologie visant à soutenir le processus de l’APE dans la Cemac. Quant au secteur minier, la Cemac va pouvoir poursuivre le projet de renforcement des industries extractives en Afrique centrale, en plus du code minier. Ce sera grâce à l’intervention de la GIZ qui a affecté à cet effet un montant de 5 millions d’euros.

    L’émoi du président
    L’agenda du président de la Commission de la Cemac marque également un passage remarqué en terre équato-guinéenne. A San Carlos II où il s’est rendu le 30 août dernier, le Pr. Daniel Ona Ondo a pris part à la cérémonie d’hommage officiel de la Communauté au premier président de la Cour des Comptes de la Cemac. Juan Carlos Owono Ela Mangue est, en effet, décédé en Espagne le 20 mars dernier à l’âge de 53 ans. De l’illustre disparu, le président de la Commission a indiqué qu’il gardait «le souvenir d’un homme d’exception, qui aura su laisser une empreinte indélébile durant son passage sur terre et encore plus au sein de la Cemac».

    Au moment de l’inhumation et en raison de tout ce que Juan Carlos Owono Ela Mangue a représenté pour la Communauté, son cercueil a été recouvert du drapeau de la Cemac par le président de la Commission. L’illustre disparu a dans la foulée été élevé à la dignité de Grand officier et décoré de l’Ordre du mérite communautaire par l’ambassadeur du Cameroun en Guinée Equatoriale. Le diplomate camerounais représentait à cette occasion le président Paul Biya, président en exercice de la Conférence des Chefs d’Etat de la Cemac.

    Tripartite avec la France
    L’exécution des projets financés par des fonds français au titre de l’Aide budgétaire globale (ABG), était au centre d’une tripartite le 26 août dernier. La réunion annuelle tenue par visioconférence a regroupé la Commission de la Cemac, la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (Bdeac) et le Trésor français. L’institution française était représentée à ces assises par le conseiller financier pour l’Afrique du Trésor français, accompagné pour la circonstance du directeur de l’Agence française de développement (Afd) de Bangui. Prenant part aux travaux, le Pr. Daniel Ona Ondo a présenté le bilan technique et financier de l’exécution desdits projets. De son exposé, on retient que le plan régional de riposte contre le Covid-19, ainsi que les efforts de consolidation de l’intégration en Afrique centrale, ont obtenu le soutien financier de la France, à hauteur d’un milliard FCFA.

    En début d’année par exemple, la Commission de la Cemac a bénéficié au titre de l’ABG d’une allocation d’un montant de 3,4 milliards FCFA sur une enveloppe de 5,3 milliards FCFA. Ces fonds sont destinés à la réalisation des activités portant notamment «sur le renforcement des capacités de la Commission et des administrations douanières de la Cemac, sur l’amélioration de l’environnement des affaires et sur des projets intégrateurs dont le programme de développement intégré des trois frontières, Cameroun-Gabon-Guinée Equatoriale», a reconnu le Pr. Daniel Ona Ondo. Quoi qu’il en soit pour la partie française, un accord de principe a également été donné au sujet du financement de certains projets, en attendant que des informations complémentaires soient communiquées à l’institution française.

    Le président Ona Ondo sur le chantier au siège de la Commission à Bangui

    Projets intégrateurs et Pref-Cemac
    Comme avec les représentants du Trésor français, la question des financements des projets intégrateurs a également préoccupé la Commission de la Cemac. Désormais, l’institution a le regard tourné vers Bruxelles où une table ronde des investisseurs sera organisée en décembre prochain. Mais pour en arriver là, le Programme des réformes économiques et financières de la Cemac (Pref-Cemac) a joué un rôle décisif aux côtés du président de la Commission.

    Cependant, plusieurs autres problématiques ont été abordées lors de la 11ème session ordinaire du Copil Pref-Cemac tenue en visioconférence le 3 août dernier. Elles tournaient pour l’essentiel autour des grandes orientations du nouveau cadre stratégique pour les accords de seconde génération entre les Etats de la Cemac et le FMI; du renforcement de l’intégration; de la diversification des économies de la sous-région Afrique centrale et du plan communautaire de relance de l’économie post Covid-19. Sur toutes ces questions, le Pr. Daniel Ona Ondo a également défendu la position de la Commission, avec toujours comme principale motivation l’intérêt et le vivre ensemble communautaire.

    60 ans d’indépendance
    Plusieurs Etats membres de la Cemac ont récemment célébré leurs 60 ans d’accession à la souveraineté internationale. C’est en tenant compte de l’importance de ce moment et du souci du vivre ensemble communautaire que le Pr. Daniel Ona Ondo a convié les ambassadeurs et chefs des missions diplomatiques de ces pays en poste à Malabo à une cérémonie. C’était précisément le 19 août dernier. A cette occasion, le président de la Commission a fait valoir à son assistance que «60 ans d’indépendance ça se fête. J’ai jugé opportun qu’on se retrouve pour communier ensemble, pour marquer ces réjouissances du sceau de la fraternité et du partage». Le dirigeant a également insisté sur le fait que la Communauté «c’est l’union, c’est la solidarité. A la Cemac, le maître-mot c’est le vivre ensemble», a fini par marteler le Pr. Daniel Ona Ondo.

    Théodore Ayissi Ayissi (stagiaire)

  • Revalorisation présidentielle des pensions au Cameroun

    Revalorisation présidentielle des pensions au Cameroun

    Nécessité d’un accompagnement communicationnel scientifique et stimulateur des effets sociopolitiques régulateurs et limiteurs

    Introduction
    On a pu constater que les acteurs de la scène politique camerounaise suivent avec un intérêt particulier l’actualité nationale, qui par conséquent provoque entre eux les discordes idéologiques qui souvent se manifestent dans les débats politiques. Ces débats prennent généralement différentes formes: débats politiques, disputes, discussions contributives ou discordes. Tous les espaces et supports communicationnels sont permis: plateaux de télévision, internet, Whatsapp, YouTube, journaux et magazines. Le débat touche tous les domaines de la vie publique, de l’économie à la politique en passant par la religion et le sport. Aucun secteur ne lui échappe.

    La sécurité sociale semble pourtant faire exception. Alors même qu’elle figure parmi les institutions les plus inclusives, touchant les citoyens à tous les moments de leur vie, la manière dont elle est gouvernée est méconnue. La manière dont les différentes branches de la sécurité sociale sont organisées et administrées et la façon dont les politiques publiques de sécurité sociale sont définies demeurent dans l’ombre.

    L’opacité où semble plongée la sécurité sociale et son mode de gouvernement repose, en partie, sur une série d’ambigüités quant aux objectifs qui lui sont fixés et surtout aux acteurs qui doivent les mettre en œuvre (le patronat, l’État et les syndicats). Pour renforcer encore les difficultés de compréhension, le rôle et l’influence de certains acteurs vont tenter, au cours de ces cinq dernières années, au nom des réformes, de faire évoluer un système de protection sociale de façade, embryonnaire, importé et non adapté aux réalités de la société camerounaise, malgré son âge avancé d’au moins 60 ans.

    L’histoire retiendra par contre que, par décret n°2020/376 du 8 juillet 2020, certaines pensions de vieillesse, d’invalidité et de décès ont été revalorisées. L’histoire retiendra également que c’est par la volonté d’un homme, Monsieur Paul BIYA, que la branche vieillesse a connue deux revalorisations en l’écart de cinq ans.

    L’objet de notre recherche est tout d’abord d’expliciter l’intérêt que nous portons à l’intervention du président de la République dans le système de sécurité sociale camerounais, et en suite de mettre en exergue le positionnement que nous avons adopté pour cette recherche.

    Certains responsables et analystes ont trouvé nécessaire d’analyser l’objet sous le seul flanc des implications financières, mais le regard peut aussi se poser sur un plan «socio-sécuritaire». Il faut alors s’intéresser aux enjeux actuels des interventions du chef de l’État et à la portée idéologique de ses décrets présidentiels en sécurité sociale.

    Notre problématique consiste ici à nous interroger sur les critères explicites et implicites qui interviennent dans la construction de la volonté du président de la République à intervenir dans la sécurité sociale. Reposent-ils simplement sur la seule logique financière d’augmentation de 20% du coefficient? Ou se fondent-ils aussi et en même temps sur la conformité à sa vision des politiques sociales? Ou alors l’acteur de cette intervention est-il entièrement déterminé par ses actes, son statut et son rôle à déplacer le débat politique et les recherches scientifiques vers un pôle plus important, le pôle social — «le social sacré»?

    En conséquence, l’hypothèse centrale que nous faisons est que la question de l’intervention du chef de l’État dans le système de sécurité sociale relève, au-delà des aspects techniques, hiérarchiques et rationnels ci-dessus évoqués, d’une problématique plus large de nature psychosociologique ou sociocognitive.

    Il est ainsi légitime de se poser la question suivante: quels sont les enjeux actuels de l’intervention directe du chef de l’État et la portée idéologique des décrets présidentiels en matière de sécurité sociale dans la construction du processus itératif entre justice sociale, paix sociale, cohésion sociale et équité sociale?

    Aussi, avant d’analyser au font l’acte du chef de l’État, il est intéressant de s’appesantir d’abord sur la situation de la vieillesse au Cameroun et apporter une orientation nouvelle à la situation sociopolitique du pays.

    I. Les vieux, les retraités au Cameroun: paradoxe d’une situation naturelle.

    1. Vivre vieux et en bonne santé, tel est l’espoir de tous.

    À Ndengue au pays Bulu, au Sud du Cameroun, nous nous rappelons, alors que nous étions enfant, des paroles des patriarches invoquant les ancêtres en ces termes pendant les séances d’initiation:

    «Qu’il vive longtemps, ait de l’intelligence, ait plus de jours que les plus âgés du village. Qu’il soit vieux au point que sa tête soit toute fleurie, au point qu’il ne puisse plus marcher».

    On suppliait les dieux ou les ancêtres de voir les enfants de ses enfants mettre au monde d’autres enfants. On ne saurait espérer de plus belles bénédictions.

    Vivre vieux s’apprécie donc comme un don des dieux. On dit aussi qu’un vieillard doit sa longévité au fait qu’il a vécu conformément à la loi des ancêtres.

    Sur le plan économique, le vieillard, tout d’abord, reste productif; il n’est pas exclu du circuit de la production. Sans doute lui évite-t-on les travaux pénibles de la culture, de la pêche ou de la chasse. Mais en revanche, il sait se rendre utile et on lui confie volontiers des tâches comme la vannerie, le tissage, le cordage, la poterie, la teinture, la surveillance de la cuisson, la garde d’enfants, la pratique de la pharmacopée.

    Le vieillard rempli aussi les fonctions éducatives parce qu’il dispose de temps: temps d’éduquer, mais surtout temps d’apprendre. Au cours de son existence, le vieillard capitalise savoir et expérience.

    De fait, dans le Cameroun traditionnel, le vieux demeure le garant de la tradition et donc de la stabilité sociale. L’image valorisante du vieillard ne lui vient pas seulement de son savoir (notamment le savoir social) ou de son dire (éloquence), mais aussi de l’exemple qu’il donne. Sur ce point encore, tous les anciens ne se valent pas.

    2. Vieillir au Cameroun est-il devenu une malédiction qui vient du ciel?
    C’est la grande question! Deux approches philosophiques de la vieillesse se sont toujours affrontées: celle de Cicéron, qui la décrit comme une période de sagesse, de chaleur et d’humanité, et celle de Simone de Beauvoir, qui la considère comme une déchéance, synonyme de marginalisation. Au fil des époques, la société camerounaise, un peu perdue sur le sujet (nous y reviendrons dans nos prochains articles) a balancé entre ces deux lectures. Mais il semble que ces dernières décennies, la vision négative s’est imposée.

    Cela suscite plus d’un paradoxe. Au Cameroun, la plupart des gens ont peur de vieillir. Les raisons évoquées sont les suivantes: les systèmes traditionnels de prise en charge des veuves et vieillards sont tombés en désuétude et ils sont obligés de subvenir eux-mêmes à leurs besoins. Les femmes âgées sont aussi plus vulnérables que les hommes, car en général moins instruites. Cette vulnérabilité est accrue lorsque les femmes sont sans enfant. Au Cameroun, tout vieillard est reconnu sorcier, tueur d’enfants et des élites, ce qui augmente leur solitude.

    Faire face aux conséquences sociales du vieillissement nécessite une meilleure connaissance des conditions de vie des personnes âgées, des solidarités mobilisées en situation de dépendance, des relations intergénérationnelles complexes qui accompagnent la vieillesse.

    3. La prise en charge des séniors n’est pas considérée comme prioritaire. Plusieurs raisons sont avancées:

    Premièrement, la faiblesse du système de protection sociale, qui couvre les seuls travailleurs et les fonctionnaires. Parmi les travailleurs, la couverture varie entre 10 et 20% avec des prestations relativement faibles, ne pouvant pas permettre aux assurés de satisfaire leurs besoins élémentaires. Il est démontré une inexistence totale des institutions d’accueil de ces personnes en état de besoin.

    Deuxièmement: la diabolisation de ces vieillards.
    Troisièmement: les décideurs se sentent plus à l’aise d’intervenir dans les domaines qui leur procurent des intérêts personnels; la gestion de la vieillesse, appartenant au domaine de solidarité nationale, est reléguée au dernier plan.

    4. Les retraites: une histoire récente, une situation très fragile.
    Ce n’est que neuf ans après les indépendances par la loi fédérale n° 69/LF/18 du 10 novembre 1969 que le «jeune législateur» camerounais instituera un régime d’assurance pension au Cameroun. Le décret d’application n° 74/759 sera signé le 26 aout 1974, cinq années plus tard. Il ressort de cet exposé que le législateur et les dirigeants camerounais, pour prendre des mesures urgentes menant à réguler le système en difficulté, ne se pressent pas dans la démarche de construction du système.

    Le désintéressement de la situation de nos vieillards n’est pas une chose nouvelle. il est lié à la culture. Ce qui est nouveau, c’est l’indifférence de toute la société. Ce qui est encore nouveau, c’est le cynisme qui entoure le dossier de nos séniors. Dire qu’ils vont bien quand tout va mal. Ce qui est nouveau enfin, c’est le silence de ceux qui doivent parler, l’inaction de ceux qui doivent agir, la désinformation de ceux qui doivent informer, le refus de chercher les solutions de ceux qui doivent chercher (les chercheurs, les intellectuels et les experts) pour éclairer la société.

    II. La revalorisation présidentielle des pensions au Cameroun: pourquoi peu d’écho?

    1. Mauvaise foi ou ignorance?
    À la suite du décret présidentiel revalorisant les pensions, il était attendu, comme de coutume, des débats houleux sur le sujet. Ce qui était plus attendu était non pas le débat lui-même, mais les différentes positions des acteurs au débat. On s’attendait selon (Gauthier et Gosselin, 1996) que les justifications des contradicteurs mobilisent des arguments de mérite (mise au crédit de Paul Biya d’un état de choses qualifié positivement) ou d’innocence (refus d’endosser une négativité attribuée au contexte défavorable), ou alors faire des accusations, des arguments de responsabilité (imputation à l’auteur du décret d’un état de choses qualifié négativement) ou de chance (refus de créditer l’auteur d’une positivité attribuée au contexte favorable).

    Malheureusement, nous avons assisté à un écho moins amplifié. Cette situation vient donc déconstruire la logique de Pierre Louis de Lacretelle (les pensées et réflexions [1817]) selon laquelle «la mauvaise foi ne peut s’accommoder de la saine logique».

    2. Comprendre le décret présidentiel du 8 juillet 2020
    La protection sociale a à la fois des objectifs matériels (permettre aux individus de survivre quand ils sont malades, ou âgés, ou chargés de famille nombreuse, par exemple) et des objectifs sociaux (réduire l’inégalité face aux risques de la vie) et assurer aux individus un minimum de revenus leur permettant de subvenir à leur besoin.

    Le travail a généralement pour effet l’usure du corps du travailleur. Il convient de préciser le contenu de ce terme qui est souvent mis en relation avec les notions de pénibilité et de parcours professionnel. Le terme d’usure est utilisé en sciences humaines pour désigner tantôt un processus d’érosion psychologique (Dejours, 1980) et tantôt celle des capacités physiques (Cottereau, 1983). On ne cherchera pas à séparer les aspects physiques et psychologiques qui sont interdépendants, tout en considérant et en insistant que sur le fait, c’est tout le corps qui est engagé dans le travail (Guibert, 1992). Du point de vue physique, l’usure est envisagée comme un processus de vieillissement. On distingue le vieillissement «naturel» sous l’action de facteurs internes, biologiques, et le vieillissement «produit», c’est-à-dire influencé par des facteurs externes de l’environnement dans lequel on vit, et surtout dans lequel on travaille» (Teiger, 1989, p.21).

    Les travailleurs concernés par la valorisation des pensions ont tous passé chacun au moins 15 années au travail produisant de la richesse appartenant à la nation. Ces travailleurs, vieillards aujourd’hui, ont construit le Cameroun. Mis à la retraite, ces ex-travailleurs perçoivent plus ou moins la valeur du tiers de leur salaire appelé cette fois pension. À l’état actuel des choses, ce revenu ne peut pas couvrir les besoins du retraité, au moment où, dans le vieillissement, il en a le plus besoin pour assurer la santé, la sécurité de sa personne et de sa famille. Il y a lieu de s’étonner du paradoxe et de l’injustice.

    Le décret présidentiel de revalorisation des pensions vient donc rétablir la justice sociale, redonner aux retraités la dignité perdue, l’objectif étant l’inclusion sociale qui est un vecteur d’une cohésion sociale, qui elle-même garanti ou rétabli la paix sociale.

    3. Sécurité sociale: les actes du chef de l’État sont revêtus de la valeur universelle incarnée automatique.
    La valeur est certes le résultat d’un jugement. Mais on ne peut penser que ce jugement est arbitraire sans détruire d’emblée l’idée même de valeur. Les valeurs renvoient aux «valeurs morales» qui, en tant que telles, ne peuvent, sans être altérées, souffrir le relativisme.

    Les valeurs ne préexistent pas au jugement, qui les reconnait comme telles. Mais elles renferment une exigence d’universalité au moins virtuelle, qui en fait l’objet d’une recherche indéfiniment recommencée.

    À ce point de la réflexion, on peut penser que l’idée de valeur traduit la recherche «d’universalisables» (ABOU, 1992). La valeur est donc «ce qui peut être universalisé». Elle s’apparente alors à l’impératif catégorique kantien. La «valeur» correspondrait à ce que la volonté de tout être raisonnable pourrait légitimement postuler comme universel en sorte de ne jamais traiter autrui uniquement comme un moyen, mais toujours en même temps comme une fin. Or, ce qu’on nomme ordinairement «valeurs» correspond à autre chose que cette pure forme, et appelle d’emblée des contenus plus précis, tels que «dignité humaine», «respect de la liberté», «égalité en droit», «honnêteté», «savoir» et «vérité».

    Peut-être faut-il en effet, dans la notion de «valeur», distinguer plusieurs degrés dans la proximité à l’universel. Si le décret présidentiel de Paul BIYA intervenant dans la sécurité sociale n’est pas en lui-même une valeur, il est par essence l’incarnation de quelques principes (liberté de conscience, respect de l’autre, dignité, justice sociale…) assimilés à des valeurs en ce qu’ils sont, sans nuire à l’humanité de chaque homme, universalisables.

    Bien que l’idée de valeur recèle une présence implicite de l’impératif catégorique, elle s’accompagne aussi d’un effort d’«incarnation». Mais une valeur est aussi ce qui doit être respecté par tous, et surtout préservé à tout prix par tous.

    4. Savoir déceler les décisions «Universalisables», «Discutables» et «Négociables» du chef de l’État.
    Analyser les actes du chef de l’État dans le système de sécurité sociale, c’est interroger explicitement les orientations sur lesquelles sont fondés les choix de vie qu’il fait pour les assurés sociaux en particulier et ses concitoyens en général. Or, on a vu que cela revient à se demander si ce qui est désigné comme «valeur» peut être partagé par tous ou au moins n’être nuisible à personne.

    Pourquoi avoir choisi instamment de valoriser les pensions au lieu d’instaurer l’assurance chômage. L’universel abstrait n’est qu’une orientation formelle, qui sert de support à la recherche d’universalisables. L’universel peut être pensé comme principe régulateur des choix particuliers que le chef de l’État fait en son nom pour assainir et apaiser le climat politique.

    L’universalisable n’est pas facile à déceler. Il doit être en accord avec le principe de respect de la personne, c’est-à-dire à la fois désirable, et non nuisible. Ce sont des actes pris généralement dans le domaine des droits des personnes. Mais en même temps, il prend des formes diverses, car l’universel peut s’incarner de multiples façons.

    Par contre les actes négociables du chef de l’État dans la sécurité sociale sont des actes à valeur universelle mesurable, par conséquent négociables: à quoi peut-on renoncer, sur quoi ne doit-on rien transiger? Ce sont généralement des actes participant à la création des droits. Par ailleurs, les actes discutables sont l’aboutissement des consensus ou de désaccord des partenaires sociaux sur un sujet dont la décision lèse une des parties.

    Le décret du chef de l’État revalorisant les pensions est bel et bien revêtu d’une valeur universelle incarnée automatique.

    III. Nécessité d’une communication scientifique des actes du chef de l’État pour stimuler les effets sociopolitiques régulateurs et limiteurs.

    Qu’est-ce que communiquer scientifiquement?
    Les actes d’un chef d’État en tant qu’homme politique ont généralement deux objectifs: premièrement, produire des effets sociaux pour l’amélioration de la qualité de vie de ses concitoyens, ce qui favorise la cohésion sociale et la paix sociale. Deuxièmement, produire des effets retours bénéfiques pour lui sur le plan politique. Prendre des actes bénéfiques pour la société est une chose noble, mais si ces actes n’atteignent pas la cible (soit parce que la cible est très loin, soit parce que celle-ci ne comprend pas la chose qui lui a été donnée), ce serait bien regrettable. En effet, la conséquence sera une relation d’incompréhension entre le chef et le peuple.

    Pourquoi donc communiquer scientifiquement? La communication scientifique permet de mieux communiquer auprès de ses paires, de la cible choisie et surtout auprès du grand public. Il a été démontré qu’elle est très efficace sur le plan politique et ses avantages sont nombreux, parmi lesquels:

    Comprendre son public: qui est le public et quelles sont ses attentes? Comme le rappelle Matthew S. Savoca, postdoctorant à l’Université de Stanford, en communication scientifique, il faut adapter «ce que l’on dit» et «la façon dont on le dit» à son auditoire.

    Par rapport aux actes du chef de l’État, quand nous préparons une communication, nous devons penser à notre auditoire et nous mettre à leur place. Le grand public est intéressé par la manière dont le décret présidentiel va affecter leur vie et la société à court, moyen ou long terme.

    Élaborer votre message: comme l’auditoire ne retient pas tout ce que nous avons à dire, il nous revient de choisir ce dont nous voulons qu’il se souvienne. Pour qu’il ait un écho social de l’acte du chef de l’État que vous voulez faire passer».

    Créer un lien avec le public: nous devons toujours nous demander «Qui est la personne à qui je parle? Pourquoi devrait-elle se soucier de mon travail?» Une communication efficace ne s’appuie pas uniquement sur des faits et des chiffres, mais doit intégrer une part d’empathie. Comme le dit Laura Lindenfeld, directrice du Alan Alda Center for Communicating Science, «Nous partons généralement du principe que les humains sont des êtres pensants qui, en plus, ressentent des émotions. Mais nous sommes des êtres d’émotion qui pensent aussi», ajoute-t-elle.

    Nous nous intéresserons particulièrement aux actes du chef de l’État dans le système de sécurité sociale. En effet, l’innovation, qui apparait aujourd’hui comme un impératif catégoriel, est essentielle à la modernisation de celui-ci, mais elle implique une prise de risque réfléchie qui intervient dans un environnement turbulent où il est difficile de faire la part entre le poids des incertitudes, la perception du risque et les bienfaits incontestables des actes du chef de l’État. Dans ce cadre, la communication devient une part significative de la gestion du système au plus haut niveau, tant vis-à-vis de ses partenaires sociaux que vis-à-vis des pouvoirs publics et la loi, qui sanctionne de plus en plus lourdement les imprudences et les omissions.

    Or la communication ne peut être dissociée de la conduite globale de la caisse de sécurité sociale dans un climat politique tendu. Elle fait en effet partie de l’ensemble des moyens mis en œuvre pour maitriser les risques auxquels l’institution de sécurité sociale est confrontée, mais elle conduit inéluctablement vers la décrispation du climat politique.

    Il faut changer de paradigme et de logique des choses
    Cette vision impose cependant de nouveaux devoirs à un grand nombre d’acteurs, dont notamment celui d’informer. Les caisses sont alors confrontées à différents dilemmes: faut-il parler? Faut-il se taire? Comment et jusqu’où aller dans l’explication? Des informations très documentées sur les interrogations du public peuvent-elles être communiquées sans crainte d’effets pervers? Alors que la perception de la situation sociale par les individus se révèle souvent décalée par rapport à sa véritable ampleur, soit en raison des angoisses irrationnelles que suscite le risque, ou inversement de la griserie qu’il procure parfois, le tout généralement amplifié par l’effet médiatique. Cependant si la crise survient, la communication ne peut plus être occultée; elle s’impose même dans les pires conditions.

    Mais la communication dans un contexte de climat social et politique perturbé n’est pas un simple exercice de transparence. Elle ne se réduit pas à informer, à rendre compte des situations, à présenter le rapport des aléas types. Elle doit agir au contraire sur la perception de la situation sociale. Et pour ce faire, elle doit interpréter de manière à ce que les acteurs sociaux, politiques et économiques l’acceptent comme un défi collectif. Mais comment convaincre les individus d’adhérer à une telle cause? On ne parlera pas de manipulation, mais plutôt de contrainte ritualisée, ou encore de communication coercitive qui doit déboucher sur un résultat inversé (et un peu paradoxal: Beauvois et Joule sont cités): faire en sorte que chacun des acteurs s’approprie les raisons du succès. Cette dynamique doit se dérouler dans un climat consensuel, au moyen d’une démarche qui permet de dépassionner les débats, de favoriser le comportement de diagnostic, de conduire à l’interprétation objective des faits (ce sont les buts opératoires de la méthode Delphi). Mission difficile si l’on sait que la communication sur les problèmes sociaux en relation avec la politique peut avoir des effets aggravants, anxiogènes, pathologiques, mais aussi culpabilisants.

    1. Qu’est-ce qu’un effet régulateur et limiteur permettant de maitriser le risque?
    En sécurité sociale, prendre des actes qui améliorent les conditions de vie des assurés produit des effets régulateurs pour toute la société. En effet, l’intervention du chef de l’Etat dans ce domaine est caractérisée par une force morale et intellectuelle qui rend régulier et conforme à la norme l’activité, le comportement, la pensée de tout un chacun et, comme le dit Cournot (Fond connaissance, 1851 P480) ces actes génèrent les idées régulatrices de l’entendement humain. Les effets limiteurs tant cherchés en sécurité sociale viennent de la conscientisation des individus qui, par le fait de la panoplie des droits et avantages procurés par le système de sécurité sociale, sont incapables de dépasser un seuil de nuisance sociale.

    Conclusion
    Si le risque vieillesse touche une catégorie de personne dite «vieux», la problématique qu’il pose touche la société entière et mérite une attention particulière des pouvoirs publics. Les réformes initiées par le chef de l’État dans le domaine de la sécurité sociale ouvrent une nouvelle ère au Cameroun. Une ère pleine d’espoir pour tous les Camerounais.

    Ce qui est important de savoir est que, je suis convaincu que le Cameroun fera sa mue avec la sécurité sociale ou ne la fera pas du tout. Tous les projets engagés et autres initiatives prises sur le plan entrepreneurial n’impacteront pas de façon significative, sans la mise en œuvre d’une politique viable et fiable de sécurité sociale. Ce qui nous amène à conclure que «le vrai critère de réussite d’une société moderne est l’extension de sa sécurité sociale, sa capacité à ne pas exclure et à préserver la dignité humaine». À la suite de cette pensée, ne sommes-nous pas en droit de penser qu’une réforme profonde de notre système de sécurité sociale est impérative?

    Joseph MEYE
    Enseignant, Chercheur à l’Université Paris 13.
    Expert de Sciences de l’Information et de la Communication
    Spécialiste de la sécurité sociale
    Administrateur de sécurité sociale
    Président du Laboratoire de recherche culture, société, sécurité sociale
    Président de l’IRESSS.