Journal Intégration

Année : 2018

  • Ambiance : Camtel, après la minute du décret

    Ambiance : Camtel, après la minute du décret

    Le texte, signé le 14 décembre 2018 par Paul Biya, a débarqué David Nkoto Emane du poste de directeur général de cette entreprise d’État. En interne, le procès a d’ores et déjà commencé. 

    Siège de Camtel à Yaoundé

    Des histoires de fin de carrière difficile, il en existe des dizaines, voire des centaines. Celle de David Nkoto Emane, le désormais ancien directeur général de la Cameroon Telecommunications (Camtel), est bien plus singulière. Depuis 2016 en effet, il est dans le viseur de la justice, avec en bonus, une interdiction de sortie du territoire camerounais, sur instruction de Paul Biya. Après la lecture du décret le limogeant, un certain clan à la Camtel a eu le regard baissé, face à une imminente descente aux enfers. Quels que soient leur parcours, leur profil ou leur situation, pour eux tous, un même cauchemar commence. En effet, il y a bientôt deux ans, le Contrôle supérieur de l’État (Consupe) et la commission anticorruption avaient enquêté et acheminé des dossiers sulfureux (irrégularités dans la gestion des fonds, perceptions de primes non justifiées, fraudes aux frais de missions…) à la présidence de la République.

    Dans les causeries, on s’abstient d’insister sur le «cap» qu’il faudrait garder et le programme à mettre en œuvre, tant le limogeage du «boss» dit à lui seul la gravité de la situation. Dans la cour, l’on précise que David Nkoto Emane avait, lui-même, alerté sur la dangereuse issue des enquêtes du Consupe. Il appelait, dit-on, à lutter contre la spéculation financière et à créer des mécanismes de recomposition de la Camtel. «Le 10 décembre, raconte un cadre, au cours d’une réunion, on lui a dit notre exaspération de voir tout tomber de haut». Pendant une heure et demie, apprend-on encore, Nkoto Emane a écouté, sans dire un mot, le long catalogue des fautes dénoncées par quelques délégués du personnel.

    Défense ?
    À côté, d’aucuns se souviennent du temps de la splendeur de l’ex-DG et s’interrogent. «Comment la haine a-t-elle pu déborder des fenêtres de l’entreprise, quand on sait que Camtel a signé un accord avec les opérateurs MTN, Viettel et Orange ? Cet accord portait sur l’utilisation de la fibre noire, et devait générer un revenu de 15 milliards de francs CFA par an pendant dix ans», relève un cadre de l’agence commerciale et marketing de l’entreprise. S’attardant sur le parcours de David Nkoto Emane, d’autres disent que l’infortuné «est la boîte noire de la Camtel». Ceux-là allèguent que l’ancien patron paye le prix de la crise anglophone. «Sitôt qu’il est remplacé par Judith Yasonde épouse Achidi, on comprend», appuie un homme.

    Jean-René Meva’a Amougou

     

    Nominations à la tête des structures publiques 

    • Mission de développement du Nord-Ouest (Mideno)
    DG : Matoya Cletus Anye

    • École Nationale d’Administration et de Magistrature (Enam)
    DG : Soumbou Angoula Bertrand Pierre
    DGA : Harouna (Mle 689 032-R)

    • Société Cameroon Telecommunications (Camtel)
    PCA: Mohamadou Saoudi
    DG : Judith Yasonday, épouse Achidi
    DGA : Olle Daniel Désiré

    • Société Camerounaise des Dépôts Pétroliers (SCDP)
    DGA : Moampea Mbio née Manzoua Véronique

     

     

  • Leadership panafricain : La Kagame Touch

    Leadership panafricain : La Kagame Touch

    Récemment désigné leader africain de l’année 2018, le chef de l’Etat rwandais (président en exercice de l’Union africaine) boucle une année prolifique.

    Paul Kagamé, président rwandais

    Plus que 9 ratifications, et la Zone de libre-échange continentale (Zlec) sortira des tiroirs et rapports de la Commission de l’Union africaine (UA). Pas de quoi s’inquiéter pour Albert Muchanga, commissaire au commerce et à l’industrie de l’organisation continentale. En annonçant le dépôt de l’instrument de ratification de l’Ouganda et la ratification de la Namibie lundi dernier, le technicien de la Zlec fait valoir l’engagement du processus au niveau de plusieurs États africains.

    Indicateurs
    L’exploitation des programmes budgétaires de plusieurs États montre bien que les administrations se préparent à l’entrée en vigueur de la Zlec. C’est le cas au Cameroun dont le programme 1 portant sur la valorisation du potentiel de la coopération bilatérale compte comme activité phare «la participation au sommet de lancement de la zone de libre-échange continentale africaine à Niamey». Il en est de même pour les ministères des Affaires étrangères du Gabon, du Tchad, de Cote d’ivoire, du Niger, du Maroc et de l’Afrique du Sud.

    Aujourd’hui, sur les 22 dépôts d’instruments requis, la Commission de l’UA n’en a reçu que 9 (Kenya, Ouganda, Ghana, Rwanda, Niger, Sierra Leone, Eswatini, Tchad, Guinée). Mais c’est déjà 13 ratifications promulguées (Afrique du Sud, Namibie, Kenya, Ouganda, Ghana, Niger, Tchad, Mali, Cote d’Ivoire, Rwanda, Guinée, Sierra Leone, Eswatini) au total. Plusieurs États membres de l’organisation ont entamé le processus. C’est le cas du Cameroun et du Sénégal, dont les textes seront déposés au parlement en mars 2019 pour approbation de ratification. Le président Macky Sall l’a d’ailleurs affirmé lors du Conseil des ministres du 28 novembre dernier. Ce Conseil a vu l’adoption du projet de loi autorisant la ratification de l’accord de libre-échange continental (Alec). Dans le même sillage, l’Éthiopie, le Gabon, le Maroc et l’Algérie ont entamé le processus pour être de la grand-messe du commerce intra-africain de juillet 2019 à Niamey (Niger).

    Inquiétudes
    Si la dynamique est bien lancée vers la création d’un marché unique et l’intensification du commerce intra-africain, plusieurs inconnues et incertitudes demeurent. Souef Mohamed El-Amine, ministre des Affaires étrangères de l’archipel des Comores, demeure très sceptique quant à la capacité de capitalisation de ce projet intégrateur par son pays. «Si nous voulons importer du continent africain, l’important c’est la fluidité de ces échanges. Là se pose le problème des infrastructures, que nous avons déjà soulevé lors du sommet de janvier à Addis-Abeba. Lors des discussions, on a parlé de grands chantiers, de trains à grande vitesse.

    Mais dans le dictionnaire des petits États, cette notion n’existe pas. Il faut prendre en compte les spécificités de nos pays insulaires pour que cette zone de libre-échange puisse aussi nous profiter. Nous avons des produits à exporter, notamment le girofle, qui représente 45 % du volume de nos exportations, la vanille, et aussi la matière grise pour la parfumerie pour laquelle il y a un vrai marché en Afrique du Sud», indique-t-il.
    La conférence économique africaine a réuni, à Kigali (Rwanda), la société civile africaine, du 3 au 5 décembre dernier. À l’initiative du Programme des Nations unies pour le développement en Afrique (Pnud), de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) et la Banque africaine de développement (Bad), les participants ont eu pour crédo d’exhorter les États africains à investir dans sa jeunesse. Ceci permettrait de rentabiliser la Zlec à travers l’innovation, la compétitivité des entreprises, la création d’emplois et donc le bien-être.

    Zacharie Roger Mbarga

  • Diversification économique : Le leadership fait défaut à l’Afrique centrale

    Diversification économique : Le leadership fait défaut à l’Afrique centrale

    Pour la célébration de ses 60 ans, la Commission des Nations unies pour l’Afrique (CEA) a voulu tenir en haleine les gouvernements africains sur les enjeux économiques actuels. A travers son Bureau régional pour l’Afrique centrale, la CEA insiste sur l’urgence de la diversification des économies des pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC). C’était au cours d’un colloque organisé le 12 décembre dernier à Yaoundé. 

    Vulnérables aux chocs externes du fait d’une dépendance aux matières de base, les pays de la région sont quasiment tous en atonie économique. Sous ajustement budgétaire pour certains, ils sont contraints à une discipline financière et économique. Très peu parviennent à réaliser les réformes d’une diversification profonde adossée sur les ressources nationales. D’aucuns ne disposent toujours pas de stratégie nationale. Plusieurs facteurs se bousculent ici : la planification inadaptée, incapacité financière, leadership non agissant… 

    Le panel lors du colloque

    Malgré une prolifération d’études, de modèles de référence et de conseils, les Etats de la région peinent à franchir le pas.

    Pour célébrer son 60e anniversaire, la Commission des Nations unies pour l’Afrique (CEA) a organisé un colloque sur la diversification économique en Afrique centrale. A l’occasion plusieurs constats ont été faits: en Afrique, les ressources naturelles contribuent jusqu’à 25% à la richesse nationale, contre 2% dans les pays développés ; pour 23 pays africains, 10% de la production annuelle et 50% des exportations annuelles proviennent de ressources extractives.

    Ce degré élevé de concentration des exportations dans les produits primaires expose les économies aux fluctuations et à la tendance baissière des prix des produits de base. «Les variations des prix des produits de base affectent les recettes d’exportation, la balance des paiements, les finances publiques, l’inflation et les taux de change et entravent les capacités des pays à gérer leurs économies», explique Mamadou Malick Bal, économiste à la CEA. C’est la baisse du prix l’un de ces produits (pétrole) qui a d’ailleurs plongé la sous-région dans la crise économique qui secoue en ce moment la Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale (Cemac). Le problème est encore plus important en Afrique centrale qui est l’une des sous-régions les plus faiblement diversifiées du continent (voir graphique 1).

    Pour passer du cercle vicieux au cercle vertueux, une seule solution : la diversification de l’économie et l’industrialisation, préconise la CEA qui a même fait adopter le consensus de Douala, une sorte de mémorandum pour l’industrialisation de l’Afrique centrale. Sauf que «beaucoup des choses qui ont été dites ici ont déjà été entendues.

    Depuis qu’on parle en Afrique centrale, il n’y a pas de changement», fait remarquer le ministre camerounais des Finances indexant la méthode de travail de la CEA. «Est-ce que le véritable problème de la CEA n’est pas qu’il se transforme en bureau d’études?», s’interroge-t-il avant de proposer: «Je profite de la présence du représentant du président de la Commission de la Cemac pour dire que peut-être qu’il faut aller au-delà de ce rôle de producteur d’idées, pour voir comment amener les Etats de l’Afrique centrale à les implémenter. Et je crois que cela ne peut se faire qu’en introduisant vos idées dans le corpus législatif et réglementaire des Etats de la Cemac sans que ces pays aient à dire oui on fait ou non on ne fait pas». Pour Louis Paul Motaze, c’est parce que le Fonds monétaire international utilise cette méthode que les réformes qu’il apporte aboutissent.

    Mais pour certains d’experts présents au colloque, ce discours met en exergue le déficit de volonté politique des Etats de la sous-région à diversifier et à industrialiser leurs économies. Pour eux, la clé de voute c’est le leadership. Celui qui impulse et oriente. A les en croire, pour résolument s’engager dans la diversification, il faut une conviction et une détermination fortement perceptible. «Est-ce la CEA qui a porté à bout de bras les pays africains considérés comme référence et modèle», s’interroge d’ailleurs l’ancien ministre camerounais Garga Haman Adji.

    Zacharie Roger Mbarga

     

    ‘’Nous sommes dans la réflexion pour capitaliser l’économie digitale’’

    Antonio Pedro 

    Le Gabon est l’un des pays qui a réalisé de sérieuses avancées. Dans le secteur bois, le pays est déjà dans la troisième transformation. 

    Avancées, défis et perspectives de la diversification en Afrique centrale… Le directeur du Bureau sous régional de la Commission des Nations unies pour l’Afrique fait le point. 

     

    La CEA commémore ses 60 ans en Afrique. Le thème fédérateur choisi est celui de la diversification économique. Pourquoi ce choix ?
    Comme vous le savez, l’Afrique centrale a subi depuis 2014 une grande crise macroéconomique qui a créé des grandes difficultés économiques, sociales et je peux dire politiques. La cause principale de cette situation était la chute des cours du pétrole. Pour nous, une solution à cette problématique est de réduire la dépendance aux exportations des produits de base. Nous pensons que nous devrions profiter de l’heureuse occasion de cet anniversaire pour réfléchir encore une fois sur l’état des lieux de la diversification économique dans cette région-là.

    Nous avons proposé un agenda : le made in central Africa. Il postule l’intensification du taux d’industrialisation des pays de l’Afrique centrale en profitant des avantages comparatifs que les pays ont, à l’instar des ressources minérales, agricoles, hydrauliques… Ceci va promouvoir une diversification verticale c’est-à-dire augmenter le taux de valeur ajoutée dans la production des produits de consommation.

    La CEA a adopté le consensus de Douala pour passer du cercle vicieux au cercle vertueux. Quelle est situation aujourd’hui en termes d’appropriation par les Etats et de mise en œuvre des recommandations y afférentes ?

    Nous sommes très contents de voir que les pays de toute la région ont adopté la diversification comme axe principale de leur politique. Depuis un an, les pays priorisent cela. Dans son discours d’investiture, le président Biya a fait de l’industrialisation la priorité des 7 prochaines années. C’est une marque du haut niveau de l’engagement politique sur l’industrialisation et la diversification. Le Cameroun a déjà un plan directeur de l’industrialisation.

    Au Tchad, nous travaillons à produire les idées. Un comité interministériel a été mis en place pour formuler le plan directeur d’industrialisation et de diversification économique du Tchad. Nous leur apportons un soutien technique. En Guinée Equatoriale, nous avons organisé en juillet un débat de haut niveau avec les hauts fonctionnaires du pays. Il a servi à déterminer les piliers et les axes principaux de l’industrialisation du pays.

    Par la suite, nous avons reçu une lettre du ministère équato-guinéen de l’Economie, du Développement et de la Planification qui a sollicité de nous un accompagnement technique. A notre niveau, une équipe a été mise sur pied et elle travaille déjà là-dessus. Au Congo, l’Etat élabore la vision 2047. Un cadre d’action et de planification de long terme. L’industrialisation y tient une place importante. Je peux dire que le Gabon est l’un des pays qui a réalisé de sérieuses avancées. Dans le secteur bois, le pays est déjà dans la troisième transformation.

    Dans nos discussions, nous sommes lancés dans la réflexion pour capitaliser l’économie digitale. J’en profite pour annoncer que notre prochain comité intergouvernemental des experts se tiendra à Malabo en juillet sur la thématique des enjeux et opportunités de la digitalisation comme ase de diversification en Afrique centrale. Nous évaluerons les politiques d’économie numérique des Etats et nous discuterons des cadres de déploiement envisageables. Nous nous adaptons à la dynamique de diversification en renforçant nous-mêmes nos capacités humaines et intellectuelles en vue d’accompagner les Etats de la manière la plus totale. Il y a beaucoup encore à faire encore de la part des Etats pour la mise en œuvre des actions concrètes d’industrialisation.

    Une des prescriptions de votre institution, c’est l’agro-industrie. Avez-vous le sentiment que les lignes bougent ?
    Déjà, partons du constat que le niveau d’échanges intrarégionaux est très bas. A peine 2,7%. Nous pensons qu’il faut faire des efforts. Certains de ces efforts passent par le développement de l’agrobusiness. Par exemple, le Gabon et le Cameroun échangent de l’huile de palme. La capacité installée de transformation du Cameroun attire mécaniquement la production de noix gabonaise. Je pense que si on augmente le commerce, ça va contribuer à développer les chaines de valeurs sous régionales et partant à intensifier le commerce intrarégional.

    Nous souhaitons étudier dans les détails ce type d’opportunités. Faire un mapping des produits pouvant induire des chaines de valeurs sous régionales. Le choix de l’agro-industrie se base sur les dotations dont regorge la sous-région. Au Tchad, on parle de 94 millions de tête des bétails. A partir de là, on peut faire des simulations pour identifier le potentiel de commerce intrarégional qui peut se faire autour de cette capacité animale. Dans le passé, le Tchad fournissait de la viande à plusieurs pays de la région notamment au Congo. Les tensions sécuritaires, économiques, sociales et politiques dans les pays de transit, de départ et d’arrivée ont contribué à estomper ce commerce-là.

    Pour que cette activité perdure et soit dynamisé, il faut régler le problème d’infrastructures. Voilà pourquoi nous disons qu’il ne s’agit pas juste de formuler des visions. Il faut avancer les processus de transformation. J’ai parlé du bois, du bétail et de l’huile de palme. Le potentiel de la sous-région est justement pris en otage par un écosystème peu disposé à fluidifier les échanges. Nous travaillons avec les pays pour identifier les opportunités, les défis et les priorités. Nous pensons que les Etats gagneraient à développer les relations Afrique centrale-Afrique centrale. Certains pays pourraient partager leurs expériences dans les domaines où ils sont les plus avancés.

    La diversification économique et l’industrialisation sont des conditions sine qua non pour permettre à l’Afrique de rentabiliser la Zlec. Quel est le niveau de préparation de la sous-région à ce grand marché unique ?

    En termes de marché, l’Afrique centrale reste étroite. 171 millions d’habitants à peine dans la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale. La sous-région devrait penser à s’insérer dans l’Afrique à travers la zone de libre-échange continentale (Zlec). Nous avons commencé à travailler avec deux pays dans ce sens : le Cameroun et le Tchad. Les deux pays formulent des stratégies nationales d’insertion dans la Zlec. En identifiant leurs avantages comparatifs et les capacités d’insertion. Dans l’agro-industrie, le Cameroun est au milieu de deux marchés à savoir le Nigéria et la République démocratique du Congo.

    Si les pays veulent bien capitaliser la Zlec, ils doivent accompagner leurs entreprises. Mieux les soutenir car c’est elles qui ont besoin de subventions, de facilités… Il faut équilibrer les appuis entre les investisseurs étrangers et les locaux. Il faut inciter à l’érection des références nationales. C’est ce qu’on fait tous les pays.
    Nous avons contribué à définir le plan consensuel des transports. Nous travaillons à modifier la configuration. Nous voulons ajouter de nouvelles variables au logiciel de liaison des capitales. Par exemple, intégrer des grands centres de consommation, les grands centres urbains, interconnectés les grandes bassins de production. Nous avons engagé la discussion avec les bailleurs de fonds (Bad, Banque mondiale, la BDEAC), les Etats…

    Après la célébration du 60ème anniversaire, quel est le nouveau cap de la CEA ? Allez-vous simplement poursuivre dans le suivi des actions actuelles ?
    Nous avons une théorie de changement. Diversifier, industrialiser intensément, digitaliser. L’objectif est d’accentuer la diversification des économies de l’Afrique centrale. Le cas du financement est encore pesant. Nous accompagnons les Etats à trouver les moyens. En Afrique, les fonds de pension ont une capacité de 400 millions de dollars. Cet argent est généralement utilisé pour construire des bâtiments. Nous proposons aux Etats de mobiliser cet argent pour améliorer le tissu productif.

    La quatrième révolution industrielle a été portée par l’économie numérique. En Afrique et particulièrement dans cette sous-région, on est resté à la première révolution industrielle. Dans certaine industrie, il y a une digitalisation du processus de production avec l’intelligence artificielle, la robotique etc…Mais il faut bien réfléchir et identifier les dangers aussi notamment la perte des emplois.

    Dans l’agrobusiness, la technologie de drone et de blockchain permettraient de quantifier et d’évaluer rapidement des ressources. Et ces données seront plus pertinentes pour l’accès à un crédit. Dans la production agricole, ces technologies permettraient de recueillir les données hydrométéorologiques, la typologie des sols… Voilà comment nous pensons que capitaliser la digitalisation pourrait accélérer la diversification économique.

    Pour y arriver, nous pensons que les pays doivent se situer sur le moyen et le long terme. Certes, il faut rétablir l’équilibre des comptes et maintenir la discipline budgétaire. Mais il est important que les Etats aient de la visibilité sur le moyen terme. La question de la qualité de la dette nous pose problème. Nous discutons avec nos partenaires du FMI et nous leur disons de prendre en compte cet aspect.

    Propos recueillis par
    Zacharie Roger Mbarga

  • Affaire Buyoya : la stratégie cache-sexe du Burundi

    Affaire Buyoya : la stratégie cache-sexe du Burundi

    Pierre Nkurunziza exige la tenue d’un sommet extraordinaire des chefs d’État des régions d’Afrique centrale et des Grands Lacs.

    Le président burundais suggère que les assises aient un seul point à l’ordre du jour: le «conflit ouvert» avec son «ennemi» et voisin rwandais. Dans sa lettre adressée le 4 décembre dernier au président ougandais Yoweri Museveni (médiateur de la crise burundaise), Nkurunziza accuse à nouveau le Rwanda de déstabiliser le pays à travers le recrutement et le soutien de jeunes réfugiés burundais.

    Le dirigeant burundais conditionne d’ailleurs la participation du gouvernement au dernier round du dialogue interburundais de sortie de crise à la tenue de ce sommet extraordinaire. Ces exigences viennent après que Bujumbura a délibérément fait avorter le sommet de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) sur la crise burundaise, qui devait se tenir fin novembre.

    Seul contre tous
    Les relations entre Bujumbura et l’Union africaine (UA) sont des plus délétères. Plusieurs observateurs soupçonnent le gouvernement burundais d’être l’instigateur des récentes manifestations contre le président de la Commission de l’UA. Son appel à la retenue, après l’inculpation de plusieurs très hauts responsables, n’a pas été bien digéré. Dans ce dossier, l’ancien président et actuel haut représentant de l’UA pour le Mali et le Sahel, Pierre Buyoya, et 16 anciens hauts gradés de l’armée burundaise sont inculpés pour l’assassinat de l’ancien président Melchior Ndadaye en 1993.

    La prise en otage des institutions communautaires est une énième stratégie du chef d’État burundais. Le dialogue avec l’opposition en exil (accusée d’intention de coup d’État) est toujours attendu. Le même chef d’État a successivement accusé les Occidentaux d’être à l’origine de la déstabilisation de son pays, car s’interdisant la réalisation du projet chinois de nouvelle route de la soie.

    Zacharie Roger Mbarga

  • Le Congo cherche 43 milliards sur le marché de la Beac

    Le Congo cherche 43 milliards sur le marché de la Beac

    Entre le 3 janvier et le 21 mars 2019, le Congo prévoit lever 43 milliards de francs CFA à travers des émissions de titres.

    Répartie sur 6 émissions de bons du trésor assimilables, l’opération vise à satisfaire la commande publique interne. Avec un budget en hausse de 44% soit 2.308,8 milliards de francs CFA, le pays table sur une reprise de la croissance pour sortir de son immersion économique actuelle.

    La dette de l’État a atteint 110% du produit intérieur brut. Le recours à la dette intérieure permet au pays de garder une petite marge de manœuvre. Même la mobilisation des ressources intérieures, notamment la fiscalité, devient très peu probable. Au mois de juin 2018, les recettes budgétaires engrangées étaient inférieures de 43% par rapport aux prévisions.

    Contracyclique
    Pour justifier la hausse du budget de près de 50%, le gouvernement table sur un baril de pétrole à 70 dollars US. Selon les autorités congolaises, les recettes budgétaires vont progresser de 46%, à 2.226,2 milliards de francs CFA, tirées par la croissance de la catégorie «autres recettes», qui devrait progresser de 82%. Comptant pour 60% des revenus publics en 2019, cette catégorie était constituée à 98% de ventes de cargaisons pétrolières en 2018. Les dépenses budgétaires n’augmentent que de 27%, à 1.656 milliards de francs CFA. Les principaux postes budgétaires sont les dépenses de transferts (36%), les dépenses de personnel (23%) et les dépenses d’investissement (21%). La charge de la dette compte pour 7,3% du budget 2019, d’après les autorités congolaises.

    Zacharie Roger Mbarga

  • Les femmes tiennent le commerce transfrontalier en Afrique centrale

    Les femmes tiennent le commerce transfrontalier en Afrique centrale

    Le commerce transfrontalier dans la région est dominé par des jeunes femmes.

    Individuellement comme en réseau, elles fournissent les marchés de part et d’autres des frontières

    Elles figurent parmi les 70% des commerçants qui affrontent les corridors sous régionaux. Dans cet effectif, 60% d’entre elles sont âgées de 25 à 40 ans. Elles sont de véritables entrepreneurs, car 99% d’entre elles travaillent pour leur propre compte et elles emploient en moyenne 2 à 3 personnes.

    S’investissant en grande majorité dans l’import, le niveau d’affaires se limite dans des stocks de très moyenne quantité et sur courte distance. Leur chiffre d’affaires est compris entre 85.000 et 3,5 millions de francs CFA. Le Cameroun fait exception, car 61% des commerçantes transfrontalières sont des exportatrices. Dans l’un comme dans l’autre cas, les femmes sont en majorité actives dans le commerce des produits vivriers (49% des produits échangés) et agroalimentaires (7% pour boissons et 16% pour autres).

    Les femmes éprouvent de sérieuses difficultés à faire décoller leur commerce. 75% d’entre elles n’ont pas de connaissances pratiques du commerce international et des instruments régionaux. L’activité est aussi dominée par des opératrices solitaires, ayant une faible culture du réseautage et des associations, d’où la nécessité d’agir.

    Capacitation
    Ce panorama sur les acteurs est livré par «l’étude sur les entraves au commerce transfrontalier en Afrique centrale, avec focus sur les femmes commerçantes». Commandée par la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), l’étude suggère d’améliorer l’information, l’organisation et le financement de l’activité des femmes commerçantes transfrontalières.

    Zacharie Roger Mbarga

  • Le plan stratégique des pesticides de la Cemac en débat

    Le plan stratégique des pesticides de la Cemac en débat

    Du 17 au 20 décembre à Douala (Cameroun), le Comité inter-États des pesticides de l’Afrique centrale (Cpac) tiendra son premier conseil scientifique depuis sa mise sur pied en 2012.

    La chenille du légionnaire, un danger pour la région Afrique centrale

    L’objectif est de donner plus d’emphase à l’action du Cpac, notamment en opérationnalisant l’aire de la planification stratégique. C’est dans cette perspective que le premier plan stratégique sera adopté. Il précisera la vision et clarifiera les objectifs, missions et indicateurs à atteindre sur la période 2020-2025.

    Les États membres de la Cemac sont lancés dans une dynamique d’intensification de l’agro-industrie, à l’effet d’asseoir la diversification économique, qui est le cap sous-régional fixé depuis décembre 2016. Le Cpac va converger avec les cadres stratégiques des institutions communautaires et internationales telles que la Cebevirha, le Per Cemac, l’Union africaine (Agenda 2063) et l’ONU (Agenda 2030).

    Trajectoire
    En vue de se positionner matériellement comme institution de référence pour la réalisation de la sureté alimentaire, le Cpac va se doter d’une matrice d’action avec 2030 pour borne supérieure. L’atteinte de l’horizon, balisé à Douala, est subordonnée à la réalisation des orientations stratégiques qui reposent sur 4 axes : l’optimisation de la régulation commune du système de gestion des pesticides au Cpac et dans les États ; la viabilisation de l’environnement technique et infrastructurel de la filière phytosanitaire en zone Cemac ; l’assainissement de l’environnement (ou agroécosystème) et des productions agricoles ; la promotion de la lutte intégrée.

    Zacharie Roger Mbarga

  • Le droit en Afrique : rapports de force et champs d’opportunités

    Le droit en Afrique : rapports de force et champs d’opportunités

    «Le droit est le souverain du monde», disait Mirabeau. Régissant, codifiant, normalisant l’ensemble des interactions entre les individus, le droit apparaît de plus en plus comme un champ à dominer.

    conomiquement, ses subtilités permettent de structurer, protéger et maîtriser un marché concurrentiel. Utilisé comme un vecteur d’influence à des fins économiques, le droit fait l’objet d’un rapport de force entre deux visions qui s’opposent ou se complémentent, le droit de tradition civiliste francophone et la «Common Law» anglo-saxonne.

    Le développement de l’Afrique a pour originalité de mettre en exergue les velléités propres à un marché, ainsi que les différents moyens de le maîtriser. Le droit en fait partie.

    Prise de conscience et homogénéisation des modèles de gouvernance
    L’attrait des investisseurs pour le Continent a toujours été important. Néanmoins, celui-ci a, pendant longtemps, été freiné par leurs réticences, induites par les problèmes de stabilité politique et économique de certains pays, ralentissant ainsi le développement inclusif de l’Afrique. Le continent africain est depuis quelques années en complète mutation. Celle-ci s’amorce à plusieurs niveaux : politique et sociétal, mais de manière plus importante sur le plan économique. Une prise de conscience s’est effectuée au fil des années, concernant la place de l’Afrique et ses possibilités en matière de gestion des ressources, de développement économique et de modernisation. Les carences en infrastructures stratégiques se sont fait ressentir et ont ainsi accentué la nécessité de modifier les modèles de gouvernance à long terme.

    L’une des réflexions importantes de cette prise de conscience fut la nécessité de se prémunir d’un socle juridique stable et homogène. Elle s’est formalisée par la création de la zone OHADA. En optant pour une harmonisation des pratiques, ses dix-sept membres ont augmenté leurs champs des possibilités, créant de fait une zone d’échange de 9,1 millions de km², offrant une stabilité juridique propice aux investissements.
    Ainsi, les projets d’infrastructures, notamment dans les énergies renouvelables, se sont multipliés, résultants de la convergence entre ambition de développement et intérêts des investisseurs. Dans le cas présent, la régionalisation semble être une solution appropriée, afin d’entamer des mutations favorables au développement du Continent.

    Le droit, outil d’influence et de maîtrise du marché
    Le droit se révèle comme un composant de premier plan dans le mécanisme de concrétisation d’investissements locaux et étrangers. Le marché se structure autour de règles et de normes édictées par le droit appliqué. Ainsi, avoir la possibilité de structurer les règles juridiques, ou a minima les influencer, fait du droit un outil de maîtrise de la concurrence, octroyant par conséquent un avantage compétitif à certaines entreprises. Cette structuration passe par nombre d’éléments, tels que la gestion de la propriété intellectuelle par la réglementation des brevets ou la gestion des normes, qu’elles soient financières, réglementaires ou bien techniques.

    Placés en amont du marché, ces dispositifs juridiques peuvent être utilisés comme leviers afin de concurrencer d’autres entreprises, s’emparer de parts de marché ou bien le maîtriser dans son ensemble. Ce phénomène permet, par ailleurs, d’obtenir un éclairage sur l’implication des cabinets internationaux en Afrique et d’obtenir une nouvelle grille de lecture sur leur rôle et leur importance dans ce processus.

    Bien que leurs actions sur le Continent soient disséquées avec attention — comme ce fut le cas lors de la participation du barreau de Paris à la création d’un organe équivalent au sein de l’OHADA — ils agissent comme de véritables influenceurs. En augmentant la convergence entre standards internationaux et droit local, ils agissent ainsi sur les possibilités de structuration, modification et orientation des systèmes juridiques.

    Karim Bounoi, consultant en intelligence économique

    et analyste en circuits financiers
    Source Tribune Afrique

  • Corruption, restriction des libertés et du droit de vote… Dynamique Citoyenne met le doigt dans le brasier camerounais

    Corruption, restriction des libertés et du droit de vote… Dynamique Citoyenne met le doigt dans le brasier camerounais

    L’organisation non gouvernementale propose une palette d’idées capables, selon elle, d’éradiquer ces fléaux. 

    Pour une conférence de presse donnée en son siège, sis au quartier Anguissa (Yaoundé IV), Dynamique Citoyenne (DC) choisit, ce 9 décembre 2018, de parler sur fond d’anniversaire. «C’est en effet le 9 décembre 2005 que nous naissions avec pour ambition de traiter de certaines questions sous l’angle des attentes des Camerounais de bon sens», introduit d’emblée Jean-Marc Bikoko. Ce jour, le président cite, en version abrégée, la raison d’être de l’ONG qu’il dirige: «le combat contre les travers de la démocratie».

    Aux journalistes, l’intitulé de la conférence de presse est présenté de façon dramatique : «le brasier de la corruption, de la restriction des libertés publiques et de droit de vote». Selon DC, la situation actuelle demande une réflexion profonde et partagée. «À l’allure où vont les choses, s’alarme Jean-Marc Bikoko, cela impose un débat sans précédent au Cameroun». Ce 9 décembre encore, son organisation se pose en lanceur d’alerte sur «des thématiques inquiétantes».

    Parmi celles-ci, il y a la corruption. «Dans notre pays, elle a vocation à éroder sans fin les revenus du travail et à détruire tous les outils redistributifs, en particulier les services publics, sous prétexte d’ouverture à la concurrence d’une part, de maîtrise des dépenses publiques et de résorption de la dette d’autre part», estime DC. L’ONG dit ne pas comprendre la non-application de l’article 66 de la Constitution adoptée depuis 1996, d’où l’appel lancé vers Paul Biya, «pour qu’il daigne enfin signer le décret d’application de ce texte dans les brefs délais».

    Concernant la restriction des libertés publiques, DC se sert du pouls vivant de l’actualité nationale. «Arrestations, interdictions de manifester et brutalisations des citoyens sont le lot quotidien», énumère Jean-Marc Bikoko. À l’en croire, chaque jour, DC est sidérée que les Camerounais ne savourent pas les beautés de la démocratie. «Depuis 1992, dit-il, le droit de vote est confisqué à l’aide des pratiques que l’on croyait exterminées depuis». Tout en martelant que «la démocratie est un état fragile, instable, toujours confronté à des défis», le président de DC pense que pour les scrutins de 2019 au Cameroun, le pays doit s’arrimer à l’évolution technologique et en finir avec les pesanteurs géopolitiques (Code électoral au service des gouvernants, non-respect du vote des citoyens et arrestations arbitraires).

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Téléphonie mobile : Le gros œil de Paul Biya sur MTN, Orange et Nexttel

    Téléphonie mobile : Le gros œil de Paul Biya sur MTN, Orange et Nexttel

    Le président camerounais veut voir clair sur les concessions des trois opérateurs privés du pays.

    Paul Biya n’est pas convaincu…

    Dans les prochains jours, MTN, Orange et Nexttel verront défiler du beau monde dans leurs installations techniques et administratives. Chacun des trois opérateurs privés de téléphonie mobile du Cameroun devra en effet se soumettre à un audit de sa concession, selon les «hautes directives» du chef de l’État camerounais. Dans une lettre signée le 10 décembre 2018, Ferdinand Ngoh Ngoh répercute les instructions présidentielles au ministre délégué à la présidence de la République en charge du Contrôle supérieur de l’État (Consupe).

    ans sa correspondance à Rose Mbah Acha, le secrétaire général de la présidence de la République indique la composition de l’équipe qui devrait conduire cet audit. Il s’agit des représentants de plusieurs administrations (Finances, Défense, Postes et Télécommunications, Justice, Délégation générale à la Sureté nationale, secrétariat d’État à la Gendarmerie nationale et Agence de régulations des télécommunications). Selon nos informations, Paul Biya souhaiterait que cette équipe mixte lui rende sa copie au plus tard en fin février 2019.

    Soupçons de corruption
    Si la correspondance de Ferdinand Ngoh Ngoh reste muette sur les motivations de cet audit des concessions de MTN, Orange et Nextell, des sources proches du dossier s’attardent sur son déroulé. Il s’agit, prévoit-on, de vérifier le taux de couverture, afin d’apporter des détails sur les capacités réelles desdits opérateurs (accueil d’appels, possibilité d’en passer, accès au haut débit…). Paul Biya, dit-on, serait très remonté. La preuve, il n’a toujours pas signé les décrets d’approbation des contrats de concession de MTN et Orange, depuis leur signature en 2015, comme le prévoit la loi de décembre 2010, régissant les télécommunications électroniques au Cameroun.

    La signature de ces contrats avait été accompagnée de dénonciation indiquant que l’État avait été floué dans la transaction. Des soupçons de corruption entourent aussi la procédure qui a conduit à l’attribution de la licence à Viettel Cameroun en 2012. MTN et Orange ont payé, chacun, 75 milliards de francs CFA pour le renouvellement de leurs licences, ce qui les autorise à déployer les technologies 3G et 4 G. Viettel, évoluant sous le nom commercial « Nexttel », a pour sa part, déboursé 20 milliards de francs CFA pour obtenir la licence 3 G.

    Selon nos sources, l’ire présidentielle proviendrait aussi des grommellements des consommateurs par rapport à l’offre des opérateurs. Vis-à-vis de ces derniers, l’insatisfaction est grandissante. Elle se concentre d’abord sur les factures. Au manque de transparence des politiques tarifaires (forfait mal défini dans les notices d’informations) s’ajoutent des communications surtaxées liées aux appels à l’étranger ou aux arnaques de certains opérateurs de services. L’absence d’information sur le verrouillage de l’internet mobile ou d’alerte en cas de dépassement constitue un facteur aggravant. Selon la Ligue nationale des consommateurs, le secteur détient, entre janvier et septembre 2018, la palme des réclamations (44 %), devant la grande consommation (22 %).

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Yaoundé : L’empereur japonais embarrasse Paul Biya

    Yaoundé : L’empereur japonais embarrasse Paul Biya

    Le souverain nippon a fêté, le mardi 11 décembre, ses 85ans. Le dernier en tant que monarque. Au Cameroun, cette célébration a été très peu courue. 

    Coupure du gâteau

    Très peu de membres du gouvernement camerounais ont fait le déplacement de l’hôtel Hilton en début de soirée du 11 décembre dernier. Dans l’une des salles était organisée la réception en l’honneur du «85eanniversaire de Sa Majesté l’empereur du Japon», avec comme hôte, l’ambassadeur de l’empire à Yaoundé. Seuls quelques ministres étaient présents ; à l’instar de Felix Mbayu, ministre délégué auprès du ministre des Relations extérieures, chargé des relations avec le Commonwealth -représentant le gouvernement-, de Mama Fouda, ministre de la Santé publique, ou encore Grégoire Owona, ministre du Travail et de la Sécurité sociale.

    Il faut dire que pour les officiels de l’ambassade du Japon, l’organisation de cette réception n’a pas du tout été aisée, et ce jusqu’à la dernière minute. Les diplomates craignaient en effet qu’un remaniement ministériel post-élection présidentielle vienne redessiner la carte des invités à cet anniversaire, les invitations ayant été envoyées des semaines plutôt. L’objet de l’anniversaire explique également ce faible déploiement des membres du gouvernement.

    Tabou
    D’après OsawaTsutomu, le plénipotentiaire nippon à Yaoundé, «la réception en l’honneur de l’anniversaire de Sa Majesté Akihito de cette année est plus particulière que les précédentes. En effet, Sa Majesté l’empereur, qui a accédé au trône en janvier 1989 abdiquera en avril 2019. Après son abdication, son altesse impériale le prince héritier va accéder au trône impérial en mai 2019».

    Au Cameroun, le président Paul Biya est âgé de 85 ans. En poste depuis 1982, l’homme brigue actuellement un énième mandat présidentiel qui devrait le maintenir à la tête de l’État jusqu’en 2025. Au sein du sérail, évoquer la succession du chef de l’État est un impair qui peut, au mieux, vous écarter de la gestion des affaires, au pire vous valoir d’être embastillé sous de nombreux prétextes.

    C’est le cas de Marafa Hamidou Yaya, ancien secrétaire général de la présidence de la République (SGPR) et ancien ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Il purge une peine de 25 ans de prison pour «complicité intellectuelle de détournement», après avoir ambitionné de remplacer le chef de l’Etat.

    Quant à Jean Marie Atangana Mebara, lui aussi ancien SGPR tout aussi prisonnier, révélait sans ses mémoires : «quelques semaines après ce congrès extraordinaire (juillet 2006, NDLR), je me trouvais à l’aéroport, attendant l’arrivée du président qui devait voyager. Le secrétaire général du Rdpc, monsieur Joseph Charles Ndoumba, de son pas lent, se dirige vers moi. ‘Monsieur le ministre d’État, comment allez-vous ?’ Je lui réponds que je vais bien. Puis, de manière tout à fait surprenante, il me dit ‘monsieur le ministre d’État, je voulais vous dire de ne pas commettre l’erreur de penser comme certains que la succession est ouverte ; la succession n’est pas ouverte ! Puis il termine, ‘vous qui avez fait vos classiques vous savez qu’il ne faut pas trop se rapprocher du soleil, il finit, comme dans le cas d’Icare, par vous brûler les ailes… Vous voyez ce que je veux dire».

    Bobo Ousmanou

  • 289

    289

    Paul Biya a décidé, en fin de semaine dernière, l’arrêt des poursuites contre 289 personnes arrêtées pour divers délits commis dans le cadre de la crise sociopolitique dans les régions du Sud-ouest et du Nord-ouest. Le ministre délégué à la présidence de la République chargé de la Défense (Mindef) renseigne sur le nombre et les lieux de détention des prévenus. Ceux-ci sont disséminés dans les prisons de Bafoussam, Yaoundé, Bamenda et Douala. Dans les pénitenciers desdites villes, les personnes détenues sont respectivement au nombre de 6, 120, 49 et 14. Selon Joseph Beti Assomo, les bénéficiaires sont les personnes sur lesquelles pèsent des charges d’«une gravité relative». Au-delà, poursuit-il, les auteurs d’assassinats, de crimes et de terrorisme auront toujours la justice à leurs trousses.

  • Vivian Loss Sanmartin et Khare Diouf

    Vivian Loss Sanmartin et Khare Diouf

     

     

     

     

     

     

    Une dame et un monsieur. Ils sont les nouveaux ambassadeurs, respectivement du Brésil et du Sénégal au Cameroun. Née le 12 mars 1965, la première est une diplomate de carrière, diplômée de l’Institut diplomatique de Rio Branco au Brésil. Elle est mariée et mère de deux enfants. À 46 ans révolus, le second était, avant sa nomination, ministre conseiller à l’ambassade de son pays à Bruxelles (Belgique). Il est diplômé de l’École nationale d’administration (ENA) de Dakar.

     

  • Kum’a Ndumbe III

    Kum’a Ndumbe III

    Ce fils du canton Bèle Bèle (Douala IV) a fêté ses 50 ans d’écriture politique «sans compromission» vendredi dernier. Un parcours jalonné de points saillants. Exemple: le 14 septembre 1983 quand, dans un discours, le président Biya dit ce qu’il attend des intellectuels, ce professeur commet, en guise de réponse trois semaines après, l’ouvrage «L’Afrique relève le défi».

    Ce livre sera très remarqué. Quand encore le président Biya demande: «Quel Cameroun voulons-nous pour nos enfants?», il réunit en janvier 1985, à titre de président de l’APEC, tous les écrivains au Palais des Congrès, et qui répondent par 21 propositions. D’autres ouvrages politiques ou de sciences politiques suivront. Seulement, ce Camerounais ayant obtenu l’habilitation en sciences politiques à Berlin en 1989 et qui a formé plusieurs générations d’étudiants en France et en Allemagne, n’a jamais pu dispenser son savoir au Cameroun.

  • 30

    30

    C’est le nombre de fauteuils roulants offerts aux enfants handicapés du centre de formation Promhandicam de Yaoundé. Pour remettre le don le 6 décembre dernier, S.E Ran Gidor, ambassadeur d’Israël au Cameroun, a fait le déplacement.

    À l’en croire, « tout cela n’a pas un volet commercial, mais est le fruit du travail des ONG israéliennes Mashav et Wheel Chairs of Hope, qui fabriquent des chaises pour les enfants des pays en développement ou des milieux défavorisés, où la route n’est pas praticable ». Avant ce paquet, l’ambassade d’Israël était déjà au centre de formation Promhandicam le 1er août dernier, pour y apporter des équipements aux enfants handicapés visuels. Ces derniers avaient reçu un matériel informatique pour l’imprimerie Braille.

  • Lutte contre la corruption : Tradex et Guinness font figure d’exemples

    Lutte contre la corruption : Tradex et Guinness font figure d’exemples

    Les deux multinationales disent avoir réduit ce fléau en interne.

    Le panel face à la presse

    De concert avec la communauté internationale, le Cameroun a célébré, le 9 décembre dernier, la journée internationale de lutte contre la corruption. En prélude à l’événement, la Business Coalition pour la bonne gouvernance, Tradex et Guinness se sont présentées à la presse le 4 décembre 2018. L’objectif de ces mastodontes était d’expliquer les méthodes mises sur pied pour éradiquer la corruption au sein de chacune de ces entreprises. Toutes choses qui corroborent avec la volonté des Nations unies: «Nous ne pourrons atteindre les objectifs de développement durable d’ici 2030 que si toutes les nations disposent d’institutions fortes, transparentes et inclusives, basées sur la règle de droit et soutenues par le public», déclare Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU.

    Jean Perrial Nyodog, président de Business Coalition for Good Governance (BCGG) et directeur général de Tradex, se rappelle qu’il y a quelques années, «notre pays a été indexé comme le pays le plus corrompu au monde, dans un classement international. Il fallait réagir. Depuis lors, beaucoup d’actions sont entreprises par les pouvoirs publics pour réduire le taux de corruption dans notre pays. Les hommes d’affaires ont pensé aussi à lutter à leur niveau contre ce fléau». Dans cette optique, la BCGG a établi un mode de conduite et un code éthique à respecter au sein des entreprises et des PME membres.

    À Tradex, le directeur général précise la stratégie : «nous avons commencé en 2014 par définir un code de conduite, et nous avons mis en place une équipe chargée du contrôle de conformité et des pratiques d’éthique. En 2015, nous avons déployé des stratégies pour nous assurer que nos partenaires, le personnel, agissent en conformité avec tout ce que nous avons mis en place. Pour déployer ce programme, nous avons commencé par la formation et la sensibilisation de tous les collaborateurs.

    Une équipe à était mise en place, chargée de recevoir toutes les informations des pratiques qui ne rentrent pas dans notre code. Nous avons également mis en place des outils pour détecter ce qu’il se passe, savoir qui respecte ou ne respecte pas le code. Au terme de cette étape, il y a une phase de sanction négative et positive pour ceux qui respectent la conformité.» Raison pour lui de se vanter de diriger une multinationale «où le niveau de corruption est à zéro» et d’annoncer sa détermination à continuer cette lutte. «Nous sommes déterminés à remporter cette guerre».

    L’approche est différente à Guinness. De son directeur général, Kirore Kimani Mwaura, on apprend que l’entreprise met l’accent sur l’enquête de moralité des collaborateurs. «Nous n’encaissons pas de paiement cash, parce s’il n’y aura pas de traçabilité, et ça favorise la corruption. Nous ne payons jamais les gens dans les comptes inconnus. Nous refusons les pots-de-vin. Il y a un code de bonne conduite que chaque employé signe annuellement, y compris moi», expose Kirore Kimani Mwaura.

    «En matière de bonne gouvernance, les gouvernements, le secteur privé, les organisations non gouvernementales, les médias et les citoyens du monde entier unissent leurs forces pour combattre ce fléau. Nous sommes convaincus que si nous réduisons aujourd’hui la corruption qui peut passer par les entreprises, nous aurons touché suffisamment d’acteurs qui sont liés à la corruption», assure Jean Perrial Nyodog, pour inviter les chefs d’entreprises à rejoindre la coalition, qui compte déjà 140 membres inscrits sur 400 sociétés répertoriées.

    La vision de BCGG est de créer au Cameroun un environnement commercial dénué de corruption. Il a pour mission d’évaluer et de communiquer sur les avantages économiques et commerciaux d’un climat économique sans corruption, et changer progressivement l’état d’esprit le plus répandu de toutes les parties prenantes.

    Alain Biyong

  • Cacao-café : Le Port autonome de Kribi s’ouvre aux acteurs du secteur

    Cacao-café : Le Port autonome de Kribi s’ouvre aux acteurs du secteur

    Afin de contribuer à la relance de la filière et créer un cadre d’action concertée avec les exportateurs, le top management de l’infrastructure a, du 29 au 30 novembre 2018, initié un forum d’opportunités dans la cité balnéaire. 

    Face à ses interlocuteurs, Patrice Melom a d’emblée voulu être clair : «Il ne s’agit pas que d’une simple offensive commerciale pour un port qui recherche des clients, mais d’une approche de fond qui consiste, pour le Port autonome de Kribi (PAK), à être partie prenante d’un effort d’ensemble et d’une dynamique globale de stimulation de la productivité générale du pays, ceci à travers l’inversion progressive de son déficit commercial». Plus prosaïquement: l’infrastructure portuaire veut servir de béquille à un secteur qui a du mal à décoller. L’offre que présente Patrice Melom s’inspire d’une situation critique, unanimement expliquée par les acteurs majeurs du secteur (Sodecao, Conseil Interprofessionnel du cacao et du café (CICC) et de l’Office national du cacao et du café (ONCC): «à la fin mai 2018, c’est-à-dire à deux mois de la fin de la campagne cacaoyère 2017-2018, seulement 23.413 tonnes de fèves de cacao ont été reçues au port de Douala. Comparativement à la campagne cacaoyère 2016-2017 durant laquelle 249.573 tonnes ont été exportées à partir du port de Douala, il y a une baisse de 10%».

    Pistes
    Pour le patron du PAK, il y a une grille de solutions à court, moyen et long termes. Lesdites solutions vont, selon lui, de la valorisation du potentiel de cette filière par une détermination de la taille du marché, à l’identification et le référencement de l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur du cacao-café, en passant par la segmentation des produits (fèves, poudre et beurre de cacao).

    D’autres horizons du PAK ont été également exposés. Patrice Melom a vanté son anticipation avec la construction de nouveaux terminaux, et l’accélération des finitions du premier lot de l’autoroute Kribi-Edea. En attendant la livraison de cette dernière, l’accent est mis sur un rendement optimal du réseau routier, qui dessert actuellement le site portuaire de Mboro, situé à une trentaine de kilomètres au sud de la cité balnéaire.

    Damien Tonyé, à Kribi

  • Migration irrégulière : Près d’un million de ressortissants de la CEEAC à l’assaut de l’Europe

    Migration irrégulière : Près d’un million de ressortissants de la CEEAC à l’assaut de l’Europe

    L’estimation est de Mixed Migration Centre. Cette structure, dirigée par le Conseil danois pour les réfugiés, a été créée en février 2018, dans le but de constituer une source majeure de données, d’informations, de recherches et d’analyses indépendantes et de haute qualité sur la migration mixte.

    Les migrations, l’autre absence de l’Afrique centrale

    Mixed Migration Centre (MMC) a publié, le 9 novembre dernier, sa première revue sur la migration mixte dans le monde, dénommée Mixed Migration Review 2018. Selon ce document, au 31 décembre 2017, près d’un million de candidats à l’aventure de la méditerranée sont originaires des pays de l’Afrique centrale. Ils sont en séjour temporaire en Algérie, en Libye, au Maroc et au Niger, pays à partir desquelles ils rejoignent clandestinement l’Europe ou le Moyen-Orient. Pour arriver à cette estimation, MMC s’appuie sur les chiffres des migrants clandestins identifiés dans les camps et en dehors. L’organisation y ajoute également des estimations de migrants (sur la base des témoignages des passeurs, des services de police des pays de transit, des anonymes, etc.) qui fuient les camps par crainte de rapatriements forcés.

    Des 11 États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), le Tchad, le Burundi, la Centrafrique et la République démocratique du Congo constituent les principaux fournisseurs de migrants. Ceci est sans doute dû à la situation sécuritaire et économique en cours dans ces pays. Cette population est en majorité jeune, entre 24 et 38 ans, essentiellement en quête d’un mieux vivre ponctuel pour leurs familles.

    Mobiles
    Plusieurs raisons expliquent les départs vers la méditerranée. On peut citer les raisons économiques, l’insécurité générale, le non-respect des droits humains, les raisons personnelles et/ou familiales, la carence en services sociaux, l’influence des compagnies, les facteurs environnementaux et climatiques.
    Au prorata de la réalité en Afrique centrale et selon les estimations du Mixed Migration Review 2018, les mobiles de migration clandestine en Afrique centrale obéissent à la classification suivante : raisons économiques (87,3 %), insécurité (10 %), absence de protection judiciaire (4,6 %), raisons personnelles et/ou familiales (21,2 %), carence en services sociaux (8 %), l’influence des compagnies (8,9 %), les facteurs environnementaux et climatiques (1 %). L’enquête a été réalisée sur 4451 candidats à la migration sur 7 routes migratoires.

    Rapatriements
    «Il est une certitude, moins de 15.000 migrants originaires de l’Afrique centrale ont été rapatriés vers leur pays d’origine», estime Dr Yves Tsala, président de l’ONG SMIC (Solutions aux migrations clandestines). Deux raisons principales justifient cette situation : les rapatriements se font sur une base volontaire. En plus, une bonne brochette des migrants clandestins dans leur pays de transit est très peu identifiée, et les expulsions dans certains pays favorisent un suivi délicat des activités. Dans le rapport sur la Libye, présenté par Denis Sassou Nguesso en janvier 2018, il y avait une crainte de ruissellement. Les migrants refoulés optent généralement pour un séjour temporel prolongé dans les pays, avant de tenter une nouvelle aventure. Cette situation entraine l’érection des pays réservoir par procuration. C’est le cas des pays tels que le Niger, la Mauritanie, le Soudan…

    Le Cameroun parvient à avoir des chiffres. De l’avis de Seydou Boubacar, représentant résident de l’Organisation internationale des migrations (OIM) au Cameroun, à peine 2400 migrants ont pu regagner leurs familles. La RDC et le Tchad avoisinent le même taux.

     

    À propos du Mixed Migration Centre

    Le Mixed Migration Centre (MMC) a été créé en février 2018. Il regroupe diverses initiatives régionales existantes, hébergées ou dirigées par le Conseil danois pour les réfugiés (CDR) — une ONG à but non lucratif fondée en 1956 — déjà engagées dans la collecte de données, la recherche, l’analyse et l’élaboration de politiques sur les questions de migration mixte. Cela inclut RMMS Afrique de l’Est et Yémen, RMMS Afrique de l’Ouest, la Plateforme de migration mixte (MMP) au Moyen-Orient, le Secrétariat mondial pour la migration mixte (GMMS) à Genève, et différents programmes de l’Initiative de mécanisme de surveillance de la migration mixte (4 Mi).

    La MMC fait partie du Conseil danois pour les réfugiés et est régie par celui-ci. Malgré ce lien institutionnel, le CDR assure que le travail de MMC est ancré dans la réalité opérationnelle. Il constitue une source indépendante de données, de recherche, d’analyse et de développement de politiques sur la migration mixte pour les décideurs, les praticiens, les journalistes et le secteur humanitaire en général. La MMC a des équipes à Genève et dans ses centres régionaux d’Amman, de Dakar, de Nairobi, de Tunis et de Kaboul où elle travaille en étroite coopération avec les partenaires régionaux, les parties prenantes et les donateurs.

    Zacharie Roger Mbarga

     

    Régulation de l’immigration

    L’Afrique centrale désarmée

    La région peine à déterminer des stratégies à l’échelle nationale et régionale pour endiguer le phénomène migratoire, qu’il soit d’émigration ou d’immigration. 

    Alors que le monde se dirige vers un plan mondial des migrations, l’Afrique centrale ne dispose pas de politique migratoire tant à l’échelle régionale que nationale. Les pays et leurs institutions communautaires se contentent de gérer les flux migratoires liés aux accords de mobilité préférentielle, ou alors aux vagues de réfugiés. La Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) dispose toutefois d’un document d’orientation régionale devant servir de support à l’érection d’une stratégie régionale des migrations. L’Afrique est toutefois en attente d’une position commune sur le Pacte mondial des migrations. Cette position devrait inspirer l’ensemble des États et des communautés économiques régionales.

    Architecture
    En Afrique centrale, la gestion des migrations demeure abrupte. Les questions d’émi-immigration demeurent l’apanage des forces de sécurité, tandis que la gestion des réfugiés est du ressort des administrations territoriales et des affaires étrangères. Dans bien des cas, la cohérence entre les différents déploiements se pose sur le terrain. On peine notamment à faire la différence entre un migrant économique et un réfugié économique ou politique. Dans un monde sans cesse en mutation, l’absence de politique migratoire retarde également la capitalisation des avantages tels que les envois de fonds, la détermination des codes civils et des régimes de nationalité…

    Au regard d’un manque d’empressement à ériger des politiques migratoires, devrait-on conclure, comme Mandiogou Ndiaye et Nelly Robin, que «l’Afrique n’a pas de problème migratoire» ? «De tout temps, elle a abrité des flux migratoires, parfois plus importants que ceux qui ont cours à l’heure actuelle. Le seul problème dont souffrirait l’Afrique c’est d’adapter ses migrations à ses défis de développement», expliquent-ils. Pour le Pr Yves Mandjem, «du point de vue empirique, on peut déjà estimer que l’action de terrain des administrations publiques, pour la gestion des réfugiés et l’exécution des accords régionaux, est une régulation et donc une politique de migration».

    Enjeux
    L’Afrique centrale est l’une des régions les plus accueillantes, avec 4,1 millions de migrants internationaux en séjour. C’est également une région pourvoyeuse de travailleurs migrants en Afrique. Ceci est attesté par l’origine des fonds en direction de l’Afrique centrale. Près de 5 millions de ressortissants de la sous région s’activent dans d’autres régions, selon le dernier rapport de l’Organisation internationale du Travail intitulé «Estimations mondiales concernant les travailleuses et les travailleurs migrants», paru le 5 décembre 2018.

    Zacharie Roger Mbarga

    Immigration clandestine

    Une phobie européenne 

    Face à l’afflux des migrants sur son sol, l’Union européenne plaide pour la régulation des migrations. Ce plaidoyer ne devrait pas faire oublier les enjeux africains. 

    En proie au débordement, l’Europe réussira-t-elle à mondialiser la crise

    L’Europe est en ébullition! Les premières contestations sur le pacte mondial des migrations se font déjà entendre. C’est le cas au sein du mouvement des gilets jaunes en France ou encore des pro-Brexit en Grande-Bretagne. Le discours sur les dangers de l’immigration et les bienfaits de l’autodétermination dans son pays est intéressant pour les pays de l’Union européenne (UE) qui sont à couteaux tirés sur le sujet. Depuis le sommet de la valette (Malte) de 2015, la question migratoire est passée de stratégie de recapitalisation du capital humain à sujet européen de friction. En pleine atonie économique, la question migratoire est un épouvantail auquel le vieux continent s’est progressivement accommodé.

    Rassurer l’opinion
    L’Europe a toujours été, malgré lui, un continent d’immigration. Le vieux continent a longtemps été une terre de départ vers le Nouveau Monde et les colonies, avant de devenir une terre d’accueil. En devenant l’une des premières destinations pour l’immigration au monde, l’Europe peine à définir ses politiques de flux et les modalités du vivre ensemble. Tout cela se passe dans un contexte de difficultés continues à mettre en œuvre des instruments de régulation des flux en commun avec les pays proches.

    Les influences contradictoires du vieillissement, des pénuries de main-d’œuvre, du contrôle d’une opinion publique gagnée par le syndrome sécuritaire et les défis de l’ethnicisation de la pauvreté, amplifient l’affrontement quotidien d’une Europe prise au piège de ses propres contradictions. Confrontée à la mondialisation des flux migratoires, ce continent est un carrefour de liens : familiaux, économiques, géographiques, historiques, culturels divers, avec les régions de départ et de transit, mais continue souvent à considérer l’immigration comme une donnée temporaire alors qu’elle est devenue constitutive de son identité.

    L’Europe attire donc par elle-même. La fermeture des frontières aux travailleurs étrangers, il y a près de trente ans, a eu pour effet d’accélérer le regroupement familial (plus de 50 % des entrées légales annuelles), de provoquer leur sédentarisation, et n’a pas empêché la venue d’autres flux : réfugiés, illégaux, experts, étudiants. Le débat sur la migration déchaine des passions et le politique s’y est englué. Pour donner des gages et rassurer l’opinion, il faudra agir et vite, pour empêcher l’instabilité politique. La France est l’exemple le plus patent depuis plusieurs années. Les étrangers n’en finissent plus de boire la coupe.

    Externalisation du combat
    Cette discrimination positive s’accompagne d’une action extérieure qui consiste à tuer le mal dans l’œuf. En investissant dans les causes profondes à l’immigration clandestine en Afrique et ailleurs, l’UE combat à l’extérieur ses démons de l’intérieur. Sauf que la pilule est souvent vendue comme un mal planétaire. Ce qui est loin d’être le cas à en croire de nombreux spécialistes. En revanche, elle est symptomatique et caractérielle des déséquilibres de développement dans le monde. Plus intéressant encore, les destinations migratoires sont consubstantielles à l’histoire des relations entre les peuples.

    L’internationalisation du problème migratoire en Europe est une savante construction qui vise à engager toutes les parties dans la diminution des arrivées en Europe. Et pourtant, l’Europe a besoin de ces migrants. Ils l’enrichissent culturellement et industriellement. À travers le paiement des taxes et autres exigences, les migrants contribuent au financement du système européen de sécurité sociale. À titre d’illustration, les transferts de fonds des travailleurs migrants vers l’Afrique en provenance d’Europe génèrent des recettes intéressantes qui permettent la compétitivité d’un secteur d’activité en constante mutation.

    Zacharie Roger Mbarga

    Migration intra-africaine

    Le vrai sujet 

    L’Afrique devrait valoriser les déplacements sur le continent -qui sont deux fois plus importants- au lieu de céder à l’alarmisme européen. 

    Première destination des migrants, l’Afrique peut capitaliser sur les nouveaux traits d’union économique

    Les migrations intra-africaines et leurs dimensions économiques et commerciales trouvent très peu d’écho. Le dernier rapport de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced) démontre qu’en 2017, 25 millions d’Africains se sont déplacés à travers le continent. La Cnuced ajoute que les migrations extracontinentales (hors du continent) ne représentent que 13 millions d’Africains. L’étude de la Cnuced va clairement à contre-courant d’une vision pessimiste du phénomène migratoire, vision qui souligne habituellement des problèmes majoritairement fantasmés de non-assimilation, de perte d’emplois, de lutte entre les populations immigrantes et les locaux pour les ressources publiques, de déséquilibres des systèmes de santé et de protection sociale, de frictions culturelles…

    Gains
    Pour la Cnuced, les migrants économiques représentent 85 % de la migration intra-africaine. Les réfugiés et les migrants climatiques constituant les 15% restant. Dans l’Afrique d’aujourd’hui, les migrants économiques sont principalement des jeunes, dont un grand nombre de nouveaux arrivants sur le marché du travail. L’âge médian des migrants africains était de 31 ans en 2017. Les compétences sont un aspect très important de la migration économique contemporaine en Afrique. Par leurs qualifications d’origine ou de fortune, la ressource humaine issue de l’immigration répond à l’appel des secteurs économiques phares de certains pays pour lesquels la main-d’œuvre se tarit.

    À défaut d’être une migration d’investissement, les mouvements actuels impactent à la fois sur le produit intérieur brut des pays de départ et d’accueil. Les migrants constituent un trait d’union économique entre les pays d’origine et d’accueil, ainsi qu’un moteur de croissance singulièrement efficace pour les exportations de leur pays d’origine. L’idée que l’entrée de populations nouvelles déstabiliserait les équilibres sociaux est invalidée par ce constat.

    Pour les pays d’origine, la migration économique contribue au renforcement des liens économiques et commerciaux avec les pays d’accueil, au transfert de connaissances et de compétences, susceptible de stimuler la productivité. Grâce au transfert de fonds, l’émigration peut aider à la naissance de l’industrie de transformation, notamment l’industrie agricole. C’est aussi une contribution aux systèmes sociaux des pays d’origine.

    Perspectives
    Le défi à relever est de la responsabilité des États. Certains ont déjà commencé à adapter leur législation, dans le but d’accompagner ce mouvement. D’autres n’ont pas encore compris les bénéfices qu’ils pourraient en tirer. La Zone de libre-échange continentale (Zlec), le protocole sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d’établissement ainsi que le passeport panafricain, vont dynamiser les effets positifs de cette mobilité, par le truchement du marché unifié continental. Tout ceci se fera grâce à l’harmonisation des normes, la disparition des barrières douanières, la libre circulation des personnes et des capitaux. Ibrahim Mayaki pense que «l’intégration par le travail est accélérée pour les migrants sur un marché qui leur permet de développer des compétences auxquelles ils n’auraient pas eu accès dans leurs pays d’origine. C’est d’ailleurs grâce à cette montée en compétences que les équilibres macroéconomiques, loin d’être déstabilisés par l’arrivée de nouvelles populations, en sont renforcés dans le pays d’accueil, tout comme dans le pays d’origine. Ceci est une incitation et un message pour certains pays africains, qui sont encore trop frileux dans leur gestion de la migration africaine».

    Zacharie Roger Mbarga 

  • CEA : 60 bougies sous le combat de la diversification économique

    CEA : 60 bougies sous le combat de la diversification économique

    La Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) et ses bureaux régionaux vont célébrer les 60 ans de l’institution onusienne sur le continent noir.

    Le thème central de cette commémoration est la diversification économique en Afrique. Un combat ancien que mène cette institution depuis des décennies.

    La CEA est connue pour ses nombreuses publications et conseils aux gouvernements africains. La verticalité et l’étroitesse des structures des économies africaines exposent bien de pays à des chocs exogènes souvent causes d’endettement boulimique et d’instabilité sociale. Après la conjoncture des programmes d’ajustements structurels des années 80, la dépréciation des cours des produits de bases en 2014 a remis au goût du jour l’impérieuse nécessité de la multiplication des supports/leviers des économies africaines.

    Contexte géographique
    En Afrique centrale, la préoccupation est restée constante. Elle est d’ailleurs devenue pesante. La dernière publication du bureau sous-régional de la CEA est le Consensus de Douala pour la diversification des économies, adopté au 33e Comité des experts en 2017. L’organisation onusienne a invité les pays de la sous-région à passer «du cercle vicieux au cercle vertueux».

    Afin de promouvoir le made in central Africa, la CEA suggère la transformation des produits de bases, et met un point d’honneur sur l’agro-industrie, une option qui permettrait une optimisation inclusive du développement économique. Toute chose qui occasionnerait la transformation structurelle des sociétés africaines, le nouveau paradigme actuellement promu par l’organisation.

     

    Zacharie Roger Mbarga

  • La résurgence de Boko Haram préoccupe l’Afrique centrale

    La résurgence de Boko Haram préoccupe l’Afrique centrale

    Face au dynamisme retrouvé de la nébuleuse terroriste islamiste Boko Haram, l’Afrique centrale tente de se prémunir.

    Une stratégie de lutte contre le terrorisme et la prolifération des armes légères et de petit calibre (ALPC) est en adoption par l’ensemble des 11 États et les structures opérationnelles de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Aujourd’hui concrètement, seuls la République centrafricaine (avec deux décrets de mise en œuvre de la stratégie de lutte contre les APLC) et le Burundi (avec le Plan national de lutte contre le terrorisme) ont marqué des avancées. La 47e réunion du Comité consultatif permanent de l’ONU chargé des questions de sécurité en Afrique centrale (UNSAC), tenue du 3 au 7 décembre 2018 à N’Djamena au Tchad, a permis un échange de vues entre les experts en sécurité d’une part et les ministres des Affaires étrangères d’autre part.

    Situation
    Quelques jours auparavant, le sommet extraordinaire de la Commission du bassin du Lac Tchad (CBLT) a achevé de convaincre sur la préoccupation qu’ont les États sur les nouvelles menées de la secte islamiste. Illustration faite avec les nouveaux enlèvements, les attaques nouvelles au Cameroun, au Tchad et au Niger. L’organisation hydrodiplomatique a d’ailleurs changé de stratégie, en mettant désormais l’accent sur la coopération opérationnelle, notamment en matière d’information et de renseignement. L’Afrique centrale, pour sa part, mise sur l’adoption des stratégies nationales par les États.

     

    Zacharie Roger Mbarga

  • Premiers coups de pelles pour relier Kinshasa à Brazzaville

    Premiers coups de pelles pour relier Kinshasa à Brazzaville

    La signature de l’accord de financement, d’un montant de 550 millions de dollars, à Johannesburg en novembre dernier a permis aux travaux de démarrer la semaine dernière.

    La République démocratique du Congo, la République du Congo et Africa 50 (plate-forme panafricaine d’investissements en infrastructures, détenue par la Banque africaine de développement) ont conclu cet accord, à l’occasion de l’Africa Investment Forum 2018. L’infrastructure en construction comprendra un pont à deux péages, une voie ferrée, une route à deux voies et un trottoir.

    Valeur ajoutée
    Une fois l’infrastructure livrée, elle devrait induire un accroissement substantiel des flux entre les deux pays. À titre d’illustration, d’ici 2025, le trafic devrait passer à 3 millions de personnes par an et à 2 millions de tonnes de fret (biens échangés). Actuellement, 750.000 personnes et 340.000 tonnes de fret vont de part et d’autre de la frontière entre les deux pays. Les deux capitales se tiennent pourtant sur 4 km. Autre révolution attendue de cette interconnexion régionale, c’est la connexion de Kinshasa au port en eau profonde de Pointe-Noire en une seule ligne ferroviaire. Une aubaine pour les opérateurs économiques et le marché unique de l’Afrique centrale.

    Zacharie Roger Mbarga

  • Les banques en liquidité malgré la crise

    Les banques en liquidité malgré la crise

    Le niveau élevé des avoirs des établissements de crédit, au 26 novembre 2018, intrigue, dans le contexte de crise et d’exiguïté des capacités de refinancement des économies de la sous-région.

    Comme l’indique le tableau ci-contre, le solde des comptes courants frôle les 1575 milliards de francs CFA. Le niveau des réserves obligatoires à constituer, lui, est de 571,3 milliards, avec des soldes moyens des comptes courants de quelques 1431,8 milliards, de réserves excédentaires dépassant les 860 milliards, avec des concours au système bancaire sous-régional de l’ordre de quelque 490,6 milliards.

    Selon le rapport annuel 2017 de la BEAC, la sous-région compte 52 banques réparties comme suit : 15 au Cameroun, 11 au Congo, 9 au Tchad, 8 au Gabon, 5 en Guinée Équatoriale et 4 en République centrafricaine. Le total agrégé des bilans a enregistré une inflexion de 0,3 %. Au 31 décembre 2017, 40 de ces établissements ont affiché un rapport de liquidité supérieur ou égal au minimum réglementaire de 100 %.

    Zacharie Roger Mbarga

  • Retrait de la Can 2019 au Cameroun : Les remugles des investissements à perte

    Retrait de la Can 2019 au Cameroun : Les remugles des investissements à perte

    Bon nombre de particuliers et leurs partenaires évaluent le coup et le coût de la non-organisation de la compétition au pays des Lions indomptables. 

    Une conférence de presse pour annoncer à l’opinion publique nationale et internationale la fermeture d’un restaurant sis au quartier Olembé (Yaoundé I). Des enseignes lumineuses parées aux couleurs de la Can 2019 se sont éteintes, en face du stade Omnisports Ahmadou Ahidjo où elles trônaient il y a quelques jours. L’ivresse commerciale qui s’était emparée de la capitale «quand le Cameroun tenait encore sa Can» retombe peu à peu. Au lendemain du retrait de l’organisation de la compétition au pays des Lions indomptables, déceptions, frustrations et regrets jalonnent le parcours émotionnel des investisseurs.

    Revers
    Si aucune étude n’évalue clairement l’impact de ce «coup de massue» sur les affaires dans lesquelles ces derniers se sont engagés, il n’en demeure pas moins que l’élan euphorique des uns et des autres n’est plus le même. «Après avoir énormément investi pour accueillir la Can, nous avions beaucoup misé sur l’effectivité de l’organisation de ce tournoi ici afin de booster nos affaires. Voilà, nous sommes repartis clairement à la baisse», peine à dire Olga, une Camerounaise de la diaspora. Son affaire : les paquets de cartes Can 2019. Sur la foi de ses propres évaluations, la trentenaire confie que dans les supermarchés de Yaoundé, entre juin et octobre 2018, son « produit » était le jouet le plus vendu avec 400.000 paquets écoulés, tous formats confondus. «L’effet Can était particulièrement perceptible sur les ventes. À ce jour, plus l’ombre d’un client alors que nos projections s’établissaient à +50 % à un ou deux mois du coup d’envoi», avance mollement la jeune femme d’affaires.

    Chez les vendeurs de maillots, on s’était déjà félicité de l’effet boule de neige de la Can féminine de 2016 au Cameroun. Fréderic Wamba, le président du Syndicat des vendeurs des articles de sport du marché central de Yaoundé (Syvasmy) avait, en compagnie des représentants d’un label international, mesuré une croissance de 80 % dans ce domaine lors de la Can masculine. «En une semaine, tout est tombé dans la sauce», feint-il d’ironiser. À la vérité, l’annonce du retrait de l’organisation de la compétition au Cameroun constitue un revers pour la stratégie commerciale des grandes firmes, avec lesquelles les locaux avaient noué de juteux partenariats. «Nos associés et nous-mêmes voyions en la Can une opportunité économique très forte au niveau national, compte tenu de la durée de la compétition et la très grande taille du marché», regrette Frédéric Wamba.

    Derrière les mots, l’on peut deviner que le retour sur investissement est désormais plus nuancé. Quelques magnats qui avaient flairé le filon se sont refroidis. Pour Marie-Noëlle Voundi, «le coup et le coût sont énormes». La Camerounaise, qui avait mis du fric dans une application de réservation de taxis dans des villes désignées pour abriter des matches, est désabusée. Pour cela, elle dit s’être appuyée sur une élite composée de banquiers d’affaires, de gérants de fonds d’investissement, de capital-risqueurs et de start-uppers à succès. Par conviction, sans aucun doute, elle savait que la Can se jouerait dans son pays. «55 millions de francs CFA… en pure perte», lâche-t-elle difficilement.

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Luc Assamba

    Luc Assamba

    Jusqu’au soir du 16 novembre 2018, il officiait comme maire de la commune urbaine d’arrondissement de Yaoundé II. «Le baobab Tsinga», comme on l’appelait, a été foudroyé par une attaque cardiaque au Centre des urgences de Yaoundé (Cury) où il avait été interné quelques jours plus tôt. Grand bâtisseur, il aura concrétisé son projet de doter la mairie de Yaoundé II d’un siège moderne, après 25 ans de location. Il était aussi le président de l’Association des clubs de football d’élite de la région du Centre, et ancien président de la Ligue régionale de football du Centre. Il dirigeait le club Yaoundé II, relégué la saison dernière en Elite Two.

  • Cameroun-France : Une tradition des audiences postélectorales

    Cameroun-France : Une tradition des audiences postélectorales

    Selon des analystes, les lendemains d’élections présidentielles signent toujours de longues entrevues entre le chef de l’État camerounais et les chefs de la diplomatie française accrédités à Yaoundé. 

    Au Palais de l’Unité, Paul Biya a accordé une audience à Gilles Thibault en début d’après-midi du 6 décembre dernier. La chronique retient que l’entretien entre le président camerounais et l’ambassadeur de France au Cameroun a duré près de trois heures. Pendant ce long moment, les deux hommes ont (officiellement) parlé de la situation sociopolitique dans leurs pays respectifs, ainsi que les lignes de la coopération que ces derniers entretiennent.

    Regards
    Reste que, pour les observateurs, cette actualité n’est pas inédite. Entre le chef de l’État camerounais et les plénipotentiaires français en poste à Yaoundé, disent-ils, c’est une tradition de longues audiences. Dans leurs analyses, ils ne dissocient pas «les après-élections» et ces entretiens-fleuves. De l’avis de Pierre Bell, «le bon viatique est d’admettre que comme en 1992, 1997, 2004 et 2011, les écailles d’un ordre ancien sont toujours présentes pour comprendre le timing de l’audience du 6 décembre 2018». Le spécialiste camerounais en relations internationales s’en explique : «Ce n’est pas une polémique subalterne lorsqu’on établit qu’au Cameroun s’est tenu un scrutin présidentiel au cours de chacune de ces années-là».

    De son côté, Martin Joël Kessack lit la durée de ce qu’il appelle «audiences post-présidentielles» sous le prisme du quant-à-soi privé des deux pays. «Par les trous de serrures du Palais de l’Unité fuitent souvent des scènes de grande lessive», assume le diplomate à la retraite. Sur le coup, il retient qu’en fin novembre 1992, Yvon Omnès (alors ambassadeur de France au Cameroun) avait été reçu par le locataire d’Etoudi, pendant deux heures trente. Martin Joël Kessack se remémore qu’en décembre 1997, Philippe Selz (ambassadeur de France au Cameroun entre octobre 1995 et avril 1998) s’était entretenu avec Paul Biya… pendant deux heures.

    En fin novembre 2004, Jean-François Valette (un autre ambassadeur de France au Cameroun, 2003-2006) avait longuement échangé avec le président camerounais au Palais de l’Unité. En fin 2011, avec Bruno Gain (ambassadeur de France au Cameroun entre 2009 et 2013), Paul Biya discutait pendant deux heures. «À chaque fois, une logorrhée officielle avait été charriée sur fond de coopération bilatérale en lieu et place de la gestion de la place de la France durant le mandat qui s’ouvrait», croit savoir Martin Joël Kessack.

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Zone de libre-échange continentale : L’Union africaine table sur juillet 2019

    Zone de libre-échange continentale : L’Union africaine table sur juillet 2019

    UE-Afrique

    Les sillons du nouveau partenariat 

    Négociations et concertations se poursuivent pour la détermination du nouveau format de coopération après l’expiration de l’accord de Cotonou en 2020.

    Le couple Europe-Afrique file toujours le bon amour. Mais les lignes bougent. À l’occasion de la 36e session de l’Assemblée parlementaire paritaire Afrique-Caraïbe-Pacifique et Union européenne (ACP-UE) tenue à Cotonou (Bénin), le sujet de l’évolution du partenariat a réussi à se glisser dans l’ordre du jour réservé exclusivement au défi de changement climatique.

    Insights
    Dans sa tribune contenue dans le magazine jeune Afrique, Carlos Lopes, haut représentant de l’Union africaine pour les négociations UA-UE post Cotonou, présente le squelette du nouveau partenariat. Pour lui, les relations entre l’Afrique et l’Europe doivent évoluer pour prendre en compte les évolutions qui ont eu lieu en Afrique au cours des vingt dernières années, et permettre de construire un partenariat diversifié, au-delà d’une relation de dépendance fondée presque exclusivement sur l’aide au développement.
    Les relations entre l’Afrique et l’Europe ne peuvent pas rester figées comme elles l’étaient à la fin du siècle dernier. La bonne nouvelle est que la situation actuelle — qui incite tant aux questionnements qu’aux réformes sur chacun des deux continents — nous permet d’amorcer un dialogue qui devrait nous guider vers un nouveau paradigme. Ce dernier devra prendre en compte les évolutions qui ont eu lieu en Afrique au cours des vingt dernières années sur les plans économique, social, politique et institutionnel, culturel et militaire.

    ZRM

     

    Plusieurs indices probants concordent à faire du sommet de juillet 2019 à Niamey, celui de l’entrée en vigueur du marché unique du continent. Mais des inquiétudes demeurent. 

    L’Afrique est en passe de réaliser son marché unique

    Plus que 9 ratifications, et la Zone de libre-échange continentale (Zlec) sortira des tiroirs et rapports de la Commission de l’Union africaine (UA). Pas de quoi s’inquiéter pour Albert Muchanga, commissaire au commerce et à l’industrie de l’organisation continentale. En annonçant le dépôt de l’instrument de ratification de l’Ouganda et la ratification de la Namibie lundi dernier, le technicien de la Zlec fait valoir l’engagement du processus au niveau de plusieurs États africains.

    Indicateurs
    L’exploitation des programmes budgétaires de plusieurs États montre bien que les administrations se préparent à l’entrée en vigueur de la Zlec. C’est le cas au Cameroun dont le programme 1 portant sur la valorisation du potentiel de la coopération bilatérale compte comme activité phare «la participation au sommet de lancement de la zone de libre-échange continentale africaine à Niamey». Il en est de même pour les ministères des Affaires étrangères du Gabon, du Tchad, de Cote d’ivoire, du Niger, du Maroc et de l’Afrique du Sud.

    Aujourd’hui, sur les 22 dépôts d’instruments requis, la Commission de l’UA n’en a reçu que 9 (Kenya, Ouganda, Ghana, Rwanda, Niger, Sierra Leone, Eswatini, Tchad, Guinée). Mais c’est déjà 13 ratifications promulguées (Afrique du Sud, Namibie, Kenya, Ouganda, Ghana, Niger, Tchad, Mali, Cote d’Ivoire, Rwanda, Guinée, Sierra Leone, Eswatini) au total. Plusieurs États membres de l’organisation ont entamé le processus. C’est le cas du Cameroun et du Sénégal, dont les textes seront déposés au parlement en mars 2019 pour approbation de ratification. Le président Macky Sall l’a d’ailleurs affirmé lors du Conseil des ministres du 28 novembre dernier. Ce Conseil a vu l’adoption du projet de loi autorisant la ratification de l’accord de libre-échange continental (Alec). Dans le même sillage, l’Éthiopie, le Gabon, le Maroc et l’Algérie ont entamé le processus pour être de la grand-messe du commerce intra-africain de juillet 2019 à Niamey (Niger).

    Inquiétudes
    Si la dynamique est bien lancée vers la création d’un marché unique et l’intensification du commerce intra-africain, plusieurs inconnues et incertitudes demeurent. Souef Mohamed El-Amine, ministre des Affaires étrangères de l’archipel des Comores, demeure très sceptique quant à la capacité de capitalisation de ce projet intégrateur par son pays. «Si nous voulons importer du continent africain, l’important c’est la fluidité de ces échanges. Là se pose le problème des infrastructures, que nous avons déjà soulevé lors du sommet de janvier à Addis-Abeba. Lors des discussions, on a parlé de grands chantiers, de trains à grande vitesse. Mais dans le dictionnaire des petits États, cette notion n’existe pas. Il faut prendre en compte les spécificités de nos pays insulaires pour que cette zone de libre-échange puisse aussi nous profiter. Nous avons des produits à exporter, notamment le girofle, qui représente 45 % du volume de nos exportations, la vanille, et aussi la matière grise pour la parfumerie pour laquelle il y a un vrai marché en Afrique du Sud», indique-t-il.

    La conférence économique africaine a réuni, à Kigali (Rwanda), la société civile africaine, du 3 au 5 décembre dernier. À l’initiative du Programme des Nations unies pour le développement en Afrique (Pnud), de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) et la Banque africaine de développement (Bad), les participants ont eu pour crédo d’exhorter les États africains à investir dans sa jeunesse. Ceci permettrait de rentabiliser la Zlec à travers l’innovation, la compétitivité des entreprises, la création d’emplois et donc le bien-être.

    Zacharie Roger Mbarga

     

    La grande famille Mouotsoung, la famille Tabi à Nkongsamba, la famille Biyong à Douala remercient tous ceux qui ont pris part aux funérailles de leur père, mère, beau-père, belle-mère, frère et beau-frère Njié Fabien, Masseck Anne et Nkeng Sébatien à Balé le week-end dernier.

    Que la terre de nos ancêtres leur soit légère.

  • Politique climatique : comprendre la Cop

    Politique climatique : comprendre la Cop

    La Cop, ou conférence des parties, dérive de l’acronyme anglais (conference of the parties). Elles sont nées en 1992, au cours de la rencontre de 178 pays, lors du sommet de la terre de Rio De Janeiro au Brésil.

    Elle est encore appelée Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNCC), ayant pour objectif de reconnaitre que c’est l’homme qui est à l’origine de ce changement climatique. On établit alors, les droits et les devoirs de chaque pays en matière d’environnement lors de cette conférence. Mais il est dit que les pays développés doivent prendre la responsabilité de trouver une issue à ce problème, car ces pays sont les plus grands pollueurs de la planète. Ainsi, cette conférence s’est tenue pour la première fois à Berlin, dans la capitale allemande, en 1995. On y a fixé les objectifs chiffrés en matière d’émission des gaz à effet de serre pour chaque pays ou régions. Rendus à ce jour, nous sommes à la 24e Cop qui se tient actuellement à Katowice en Pologne.

    De manière générale, l’objectif primordial de cette organisation onusienne est de réduire les émissions de gaz à effet de serre (ce sont des composants gazeux qui bloquent le rayonnement infrarouge émis par la surface terrestre et contribuent à l’augmentation de leurs concentrations dans l’atmosphère terrestre). Ces changements climatiques sont provoqués par l’utilisation des énergies fossiles (pétrole), les gaz naturels, la déforestation, l’élevage et l’agriculture intensive. Pour ce faire, les phénomènes naturels entrainent l’implication des actions humaines, qui conduisent au réchauffement climatique. Par conséquent, cela provoque des effets néfastes sur l’environnement, à savoir : le dérèglement des saisons, l’augmentation du niveau de la mer et l’avancée du désert, l’augmentation des températures. Tous ces dérèglements impactent sur les activités humaines à l’instar de l’Agriculture.

    La Conférence des parties est une rencontre qui se tient une fois par an dans une ville choisie, sous l’égide des Nations unies. Son rôle est double: – permettre aux États de faire le point et de statuer sur la lutte contre le réchauffement climatique ; – maintenir les efforts internationaux au cours des ans, afin de faire face aux changements climatiques.

    Pour y parvenir, la Cop évalue les résultats des mesures écologiques prises par chaque pays, ainsi que l’avancée globale vers les objectifs fixés. C’est pendant la tenue d’un sommet que le lieu et la date de la prochaine conférence sont choisis, avec un agenda bien déterminé.

    Parmi les acteurs impliqués dans la Cop, on retrouve tous les pays du monde, les collectivités territoriales, les organisations non gouvernementales et une communauté scientifique (le GIEC) qui est un groupe international d’experts sur l’évolution du climat. Ces derniers jouent un rôle important dans l’implémentation des résolutions de ces problèmes dans le monde ou dans des régions géographiques spécifiques telles que les îles, les montagnes, les écosystèmes marins.

    André Balla

  • Crise anglophone : La déflagration

    Crise anglophone : La déflagration

    La méthode Biya face à la crise dans les régions anglophones agace une partie du corps diplomatique accrédité à Yaoundé. Lors d’échanges informels, certains diplomates disent leur incompréhension face à ce qu’ils considèrent comme du laxisme devant une situation qui va en vrille. Même le Comité national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (CNDDR), la dernière carte sortie le 30 novembre dernier du chapeau par le président camerounais, n’a de grâce à leurs yeux. Coordonné par l’ancien gouverneur Francis Fai Yengo, le Comité est considéré par beaucoup d’experts comme une charrue mise avant les bœufs. Pour eux, Paul Biya, qui refuse tout dialogue sur la forme de l’État (une partie des anglophones souhaitent un retour au fédéralisme et ce serait faute d’une oreille attentive que les rangs des combattants séparatistes s’allongeraient), continue dans sa fuite en avant, en jouant la carte de l’usure. Sur le terrain, le conflit armé se généralise, entrainant une crise humanitaire sans précédent.

     

    L’entrée en scène des unités d’élites est loin d’avoir ramené la quiétude

    Selon une note interne du système des Nations unies, produite le 25 novembre 2018, le conflit armé se généralise dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Conséquence, le nombre de déplacés a explosé, passant de 40.000 à 440.000. 

    « La situation est sous contrôle. Mais ces gens veulent nous créer des élongations. Je crois qu’il faut monter en puissance…», évalue une source autorisée au ministère camerounais de la Défense. Nous sommes le 30 novembre 2018, soit un peu plus d’un an après la transformation en conflit armé, sous fond de revendications séparatistes de la crise sociopolitique débutée en fin d’année 2016 dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Une crise née du fait que des ressortissants de ce territoire, placé sous tutelle britannique de 1922 jusqu’à son union avec la partie du pays sous domination française le 1er octobre 1961, se plaignent de la disparition progressive de l’identité héritée du colon britannique au profit de l’héritage français.

    En langage militaire, une élongation est un étirement de la ligne de front, synonyme d’une propagation du conflit vers d’autres localités. C’est ce qui ressort d’ailleurs d’une note interne du système des Nations unies, produite le 25 novembre 2018, dont nous avons obtenu copie. Selon le document, depuis juin 2018, les groupes armés qui affrontent les forces gouvernementales ont étendu leurs activités notamment autour de Kumba, Buea et Mamfe, dans la région du Sud-ouest. «Les attaques étaient auparavant limitées aux régions isolées, limitrophes du Nigeria et autour de Bamenda, la capitale de la région Nord-ouest», précise la note. Pour l’Organisation des Nations unies (Onu), cette généralisation du conflit est le fruit du renforcement des capacités militaires de certains groupes armés. À cela, il faut associer le fait que les forces de sécurité gouvernementales seraient «débordées» par la situation et la naissance des groupes criminels opportunistes qui ont également intensifié leurs activités.

    Crise humanitaire
    La situation est telle que le nombre de déplacés aurait été multiplié par onze. Selon, la note de l’Onu, «alors que seulement 40.000 personnes déplacées avaient été signalées en mars 2018, leur nombre actuel est d’environ 440.000, dont 80.000 dans les régions de l’Ouest et du Littoral (Régions francophones voisines), la majorité restant dans les régions de Nord-Ouest et Sud-Ouest».

    De source diplomatique, la gravité de la situation aurait poussé le gouvernement à infléchir sa position sur l’accès des travailleurs humanitaires aux deux régions anglophones. Le Programme alimentaire mondial (PAM) qui était jusqu’ici interdit d’accès à la zone, officiellement pour des raisons sécuritaires, vient de recevoir le feu vert de Yaoundé pour y mener des activités. Le PAM annonce en effet, dans les prochains jours, la distribution de 1620 tonnes de nourritures à 50.000 déplacés internes installés dans les localités de Mamfe et de Kumba dans le Sud-ouest.

    Cette dotation constitue une ration alimentaire pour deux mois seulement. Il faut donc se préparer à y refaire un autre tour. Il faut aussi repenser aux déplacés situés dans les régions du Littoral et de l’Ouest, à qui l’agence onusienne a distribué le mois dernier un peu plus de mille tonnes de vivres, ce qui demande des moyens colossaux. Pour s’occuper des déplacés internes de la crise anglophone, le PAM estime ses besoins de financement à 50 millions de dollars américains (près de 29 milliards de francs CFA à la valeur du dollar au 4 décembre). Pour l’instant, seuls 2,1 millions sont disponibles, soit à peine 4 % du montant total.

    Aboudi Ottou

     

    Comité DDR 

    La charrue avant les bœufs 

    La mise en place de cette instance défie toutes les règles en matière de règlement de conflit. C’est ce que relèvent des analystes qui dénoncent une démarche prématurée et un nouveau passage en force.

     

    Joseph Léa Ngoula, analyste politique et expert sécurité, est pour le moins dubitatif : «[ … ] On a le sentiment, au regard de l’évolution inquiétante de la situation dans les régions anglophones, que le moment n’est pas propice à la mise en œuvre d’une campagne de DDR (désarmement, démobilisation, réintégration, NDLR) car les conditions opérationnelles et politiques ne sont pas réunies». Selon ce spécialiste des questions de sécurité, il est «[ … ] urgent de créer un climat propice au rapprochement des deux parties, afin d’engager les discussions sur les conditions d’un cessez-le-feu ou d’un arrêt définitif des hostilités, préalables à la réussite du DDR».

    Cet expert livre ainsi son analyse sur la création, par décret présidentiel, d’un Comité national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (CNDDR), le 30 novembre dernier. Placé sous l’autorité du Premier ministre, et ayant à sa tête un coordonnateur national, ledit comité a pour mission «d’organiser, d’encadrer, et de gérer le désarmement, la démobilisation et la réintégration des ex-combattants du Boko Haram et des groupes armés des régions du Nord-ouest et Sud-ouest, désireux de répondre favorablement à l’offre de paix du chef de l’État, en déposant les armes».

    «L’impuissance de la puissance»
    Une démarche qui interloque les spécialistes qui questionnent l’opérationnalité d’un DDR dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Joseph Léa Ngoula pointe au moins deux freins à la mise en place du DDR dans ces régions. Sur le plan opérationnel, «la surenchère meurtrière entrave tout effort de désescalade et situe le conflit anglophone sur la phase “ impasse ”… Un tel contexte de montée aux extrêmes ne favorise pas les politiques de réédition volontaire à plusieurs titres». Au plan politique, «on note un dialogue de sourds entre le gouvernement et les leaders du mouvement anglophone. Aucune initiative, même sécrète, n’est engagée entre l’État-major des ambazoniens et les autorités camerounaises». En clair «le succès d’un tel processus dépend du consentement des deux parties».

    Aussi conclut-il, «on doit trouver un moyen de les rapprocher, de négocier un cessez-le-feu, et même un accord de paix comme cela a été le cas dans des pays qui ont également connu des rébellions séparatistes. Cette condition fondamentale et d’autres ne sont pas réunies, ce qui laisse des doutes sur l’efficacité de cet acte».

    «On doit sortir des DDR classiques, qui sont généralement adaptés aux conflits classiques, on doit mettre en place des mécanismes ingénieux», souligne pour sa part Raoul Sumo Tayo. Mais cet autre expert des questions de sécurité relève que dans le cas camerounais, cette autre mesure démontre qu’«on est clairement dans l’impuissance de la puissance». «Cela devrait s’inscrire dans un plan d’ensemble», préconise-t-il.

    Les opérations de DDR ont en effet été conceptualisées au sein des missions de recherche et de maintien de la paix de l’Organisation des Nations unies (ONU). «Les activités de DDR constituent un volet capital aussi bien pour la stabilisation immédiate d’un pays que pour son développement à plus long terme», établit l’ONU. «Ces activités sont intégrées à l’ensemble du processus de réconciliation, depuis l’ouverture des négociations de paix jusqu’à la consolidation de cette dernière, une fois achevées les opérations de terrain».

    Ifeli Amara

    Propositions de sortie de crise

    Yaoundé fait la sourde oreille 

    Etoudi ignore les multiples missions de bons offices, qu’elles viennent du gouvernement, des organisations internationales ou de la société civile.

    Mission d’écoute de la Commission Musonge à Bamenda le 31 mai 2018

    En janvier 2017, plus de quatre mois après les manifestations des avocats anglophones qui ont débouché sur des émeutes, le gouvernement donne un coup de barre à droite dans son approche de la crise. Tous les leaders du «Consortium», engagés dans des pourparlers avec des émissaires de Yaoundé sont arrêtés et jetés en prison. Le mouvement est déclaré illégal et l’accès à internet coupé dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Le durcissement de la position des autorités camerounaises entraine une radicalisation du mouvement coté anglophone, puis à un conflit ouvert entre l’armée et des séparatistes. Devant des positions qui deviennent aussi difficiles à rapprocher que les deux rives du Moungo, des initiatives se multiplient pour mettre fin au bain de sang.

    La commission Musonge ignorée
    La dernière en date est celle du Cardinal Christian Tumi. En juillet dernier, le prélat a annoncé son intention de créer, avec d’autres leaders religieux, un cadre de dialogue entre toutes les parties prenantes au conflit. Avec le pasteur Babila George Fochang, de l’Église presbytérienne du Cameroun (EPC), l’imam Tukur Mohammed Adamu, de la mosquée centrale de Bamenda, et le chef imam Alhadji Mohammed Aboubakar, de la mosquée centrale de Buea, il lance l’idée d’une conférence générale anglophone, une idée plébiscitée par de nombreux Camerounais. «Je crois que les politiciens n’ont pas pu résoudre le problème», soutient-il. Et d’ajouter : «Il est incompréhensible que le problème n’ait jamais été discuté même à l’Assemblée nationale, alors qu’en Angleterre, on est en train de discuter de cette affaire». Après des renvois, la conférence, qui devait se tenir à Buea (dans le Sud-ouest) les 21 et 22 novembre, n’a pas reçu l’autorisation du gouvernement. Avant cela, au cours de la session parlementaire du mois de novembre 2017, le pouvoir s’est appuyé sur sa majorité obèse pour empêcher l’opposition d’inscrire la crise anglophone à l’ordre du jour.

    Ces initiatives ne sont pas les seules tentatives. Même au sein du pouvoir, les autorités se mordent la queue. Ainsi en 2017, pas moins de deux missions, engagées par la présidence de la République et conduites par le Premier ministre, ont été déployées dans le Nord-ouest et le Sud-ouest. Les résolutions qui sortiront des échanges avec les populations de ces deux régions vont être adressées au président de la République, sans qu’elles soient suivies d’effet. Le même sort a été réservé aux conclusions de la «mission d’écoute» de la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme, créée comme réponse à la crise anglophone. En juin dernier, après avoir recueilli les propositions des populations anglophones, la Commission, dirigée par l’ancien Premier ministre Peter Mafany Musonge, les a adressées au chef de l’État. Aucune des recommandations retenues n’a été mise en œuvre à ce jour.

    Les diplomates priés de circuler
    Fin de non-recevoir également pour des propositions de la communauté internationale. Au cours d’une de ses nombreuses missions au Cameroun en 2017, dans le cadre de cette crise, François Louncèny Fall, envoyé spécial du secrétaire général de l’Onu pour l’Afrique centrale, se montre optimiste et déclare que «des échanges fructueux et pleins d’espoirs» ont eu lieu avec les autorités camerounaises. Il appelle le gouvernement à trouver des solutions pour mettre fin au conflit. Mais du côté camerounais, on s’attèle surtout à montrer que les torts viennent d’en face et que l’État ne fait que se défendre. C’est dans la même logique que le gouvernement reste sourd aux recommandations du Commonwealth, dont la secrétaire générale a effectué une visite de travail en décembre 2017. Patricia Scotland a demandé à Yaoundé d’ouvrir un «dialogue sans condition».

    Les appels incessants des partenaires traditionnels du Cameroun, à l’instar de l’Union européenne, de la France, des États-Unis, ou encore de l’Allemagne, n’auront pas plus de succès. Ces derniers ont, à plusieurs reprises, pressé le gouvernement de trouver une solution politique à la crise. Mais Yaoundé ne prête l’oreille qu’aux voix qui confortent les autorités dans l’option militaire. Toute autre approche est rejetée dans cette crise et est dès lors perçue comme une tentative d’ingérence. Pour l’heure, rien n’indique un infléchissement de cette position et les opérations militaires se poursuivent ;
    le décompte macabre aussi.

    Ifeli Amara

     

    Etoudi dans la logique du «œil pour deuil» 

    Alors que des morts se comptent à la pelle, aucune action d’envergure pour un retour à une situation de paix durable dans la zone en crise n’a été mise sur pied. Des citoyens crient au laisser-faire volontairement entretenu.

    Le palais présidentiel: coeur du pouvoir au Cameroun

    Dans leur tentative de dire ce qui caractérise Paul Biya, il y a un point central sur lequel d’aucuns s’épanchent : le président de la République reste le mieux placé pour juger de l’opportunité d’engager toute action au bénéfice du Cameroun. «S’il y a une bonne part de vérité dans ce postulat, il n’en demeure pas moins que face aux urgences du moment, cela mérite un beau débat», postule Rémy Massoma Ma Mbea. L’argumentaire de cet internationaliste pointe «la méthode Biya, consistant à ignorer souvent la résonnance des élans du peuple».

    Et dans cette posture, la passerelle avec «la gestion présidentielle de la question anglophone» est vite trouvée. Depuis fin 2016, les événements s’accélèrent de façon diabolique, dans un enchevêtrement foisonnant. Assassinats, kidnappings, menaces de tous genres sont le lot quotidien des populations des régions du Sud-ouest et du Nord-ouest. «Jusqu’ici, aucun changement d’ampleur n’a vu le jour, rien n’a été appliqué dans la durée, avec le soin nécessaire», se désole Louis Yapseu, chercheur au Cercle d’études sécuritaires du Cameroun (CESCA).

    À la vérité, l’universitaire stigmatise «l’immobilisme incompréhensible du président», dénonce «une cacophonie assourdissante au sein du gouvernement, pendant que des hommes, mus par une idéologie séparatiste ou fédéraliste, forcent les lignes au bulldozer et la kalach». Dans cet élan, il conclut: «C’est l’illustration de la méthode Biya, qui se veut habile, mais finit par tourner à vide à cause de l’enracinement d’un malaise social sans perspective». Le descriptif de cette méthode propose un visage présidentiel balafré d’un sens de l’esquive qui ne s’est, depuis, pas démenti. On se souvient qu’au début de la crise, Paul Biya, pour tenter de calmer les citoyens de la partie anglophone, avait tiré son écritoire et sorti sa plume. Il avait alors nommé, çà et là, des fils et des filles de cette zone à des postes de responsabilités. Deux de ses décrets consacraient la création de la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme (CNPBM) et la mise sur pied d’un Plan humanitaire d’urgence.

    Portant son regard sur ce «nouveau gadget», Jean-Marc Bikoko, le président exécutif de Dynamique citoyenne, s’en était pris à la «méthode Biya». «Ce type de dispositif, disait-il alors, a surtout pour but d’essayer d’éteindre un incendie, mais ne traite jamais le problème à la racine. C’est juste des saupoudrages successifs au lieu de réformes profondes et utiles pour le long terme».

    Dans la même veine, Josué Ngounang, président de l’ONG «Cameroon First», soufflait que la pression de la crise dans la partie anglophone du pays oblige le président de la République à jouer son va-tout, en espérant obtenir des résultats immédiats. De son point de vue, le Plan d’urgence humanitaire et les nominations d’anglophones aux fonctions stratégiques se révèlent hors d’atteinte, faute d’avoir établi une stratégie de longue haleine.

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Sanction : Des multinationales interdites d’activités douanières

    Sanction : Des multinationales interdites d’activités douanières

    Perenco Rio Del Rey, Sogea Satom, Egis Cameroun, Sosucam et une cinquantaine d’autres entreprises sont accusées d’insolvabilité. 

    Sogea Satom, la firme francaise du BTP parmi les entreprises suspendues

    Le 5 décembre dernier, le directeur général des douanes a signé deux décisions. Elles suspendent «de toutes les activités en douane», 59 entreprises. En clair, ces sociétés ne peuvent plus ni importer ni exporter des biens. Ce qui peut entrainer leur banqueroute, particulièrement pour les entreprises spécialisées dans l’import-export comme Africa Food Industry. Il est reproché à ces sociétés le «non-paiement des droits, taxes de douane et intérêts de retard dus au Trésor public», renseignent les deux notes de Fongod Edwin Nuvaga. Dans la liste, on retrouve des filiales des multinationales (Perenco Rio Del Rey, Sogea Satom, Egis Cameroun, Sosucam), des entreprises publiques (Sopecam, Imprimerie Nationale…) ou encore des grandes entreprises comme Buns.

    Selon le rapport d’évaluation du système de gestion des finances publiques publié en 2017, les restes à recouvrer dus à la direction générale des douanes se sont chiffrés à 218,4 milliards de francs CFA en fin 2016. En principe, explique le rapport, «tous les droits sont payés avant enlèvement de marchandises ; les crédits d’enlèvement ont été suspendus depuis 1995, en raison des abus qui avaient été constatés». Mais des arriérés de recouvrement sont cependant enregistrés, en raison de «l’existence de cas où les enlèvements sans paiement préalable sont autorisés sous caution donnée par des opérateurs ou agents dûment identifiés».
    Pour justifier leur insolvabilité vis-à-vis du fisc, les entreprises brandissent les arriérés de paiement accumulés par l’État ou encore le non-remboursement de crédits TVA. Beaucoup de sociétés ne comprennent donc pas cette décision jugée extrême du directeur général des douanes. Elles estiment par exemple qu’on aurait pu procéder par des opérations de compensation des dettes croisées. Sauf que ces opérations sont jugées non conformes aux normes en matière de gestion des finances publiques.

    Dans le cadre de son programme économique et financier avec le FMI, le gouvernement camerounais s’est d’ailleurs engagé à «inscrire toutes les recettes et dépenses dans le budget, en évitant les compensations directes, en particulier entre le gouvernement central et les entreprises publiques» et «en éliminant les annulations de dettes croisées entre l’État et les entreprises publiques». Objectif : améliorer la lisibilité et la transparence dans l’exécution du budget, et renforcer le contrôle des risques budgétaires.

    Aboudi Ottou