«Les 200 plus belles citations de Paul Biya» : le livre… et cætera
Rédigé par Manaouda Malachie, le document disponible en format de poche résonne comme un espace de rappel et d’exposition des phrases-choc du président Paul Biya durant ses quarante-et-un ans d’exercice du pouvoir au Cameroun et de leadership en Afrique centrale.
«Que dire de plus au sujet de Paul Biya? Chacun est libre de répondre à sa manière à cette question qui, depuis au moins une quarantaine d’années, semble ne laisser aucun répit à de nombreuses analyses, à différentes échelles nationale et internationale». En guise de phrases inaugurales pour une cérémonie de dédicace d’un ouvrage anglé sur le chef de l’État camerounais, ces propos d’Alain Belibi laissent soupçonner, dans leur formulation, un certain embarras du journaliste émérite. «Que non!», tranche Valentin Siméon Zinga. À écouter cet autre journaliste, ce détour n’a au fond d’autre dessein que de parler d’«un livre qui dit tout, sans en avoir l’air, et qui n’impose rien au lecteur». «Les 200 plus belles citations de Paul Biya», c’est le titre. «Il va bien avec le sujet», commente Hervé-Emmanuel Nkom. Pour l’homme politique, «il résonne comme un espace de rappel et d’exposition des phrases-choc du président Paul Biya durant ses quarante-et-un ans d’exercice du pouvoir au Cameroun et de leadership en Afrique centrale».
Démarche
À Yaoundé, ce 27 octobre 2023, Manaouda Malachie, l’auteur de l’ouvrage publié aux Éditions JAE, confie n’avoir pas rédigé 208 pages comme un juré de prix. «J’ai juste revisité les prises de paroles du président de la République, afin d’identifier les phrases-choc, celles qui sont déjà connues et récitées, y compris par les plus jeunes qui n’étaient même pas encore nés, quand il les a prononcées. J’ai sélectionné 200 citations dotées d’une gravité contextuelle, d’une pertinence événementielle ou encore d’une pertinence essentielle», renseigne-t-il. Et tout en reconnaissant n’avoir pas lésiné sur les effets politiques liés à la mouvance de la commémoration du 41e anniversaire de l’accession de Paul Biya à la magistrature suprême le 6 novembre 2023, Manaouda Malachie se fait plus explicite. «Pour les 41 ans de cet homme à la tête du Cameroun, mon livre a pour rôle, d’une part, de retrouver les réserves de sens que recèlent certaines idées et certains mots du président Paul Biya; les remettre dans un rapport nouveau au passé et réanimer la profondeur de ce passé; afin de faire émerger de nouvelles manières de le comprendre. D’autre part, il permet aux citoyens qui ne font que s’informer de l’actualité et qui se méprennent notamment au sujet de sa pensée politique, d’avoir un aperçu de la stratégie de pouvoir du président Paul Biya», démontre le Minsanté.
Tenant compte des implications d’une telle démarche en termes de malentendus, d’adoubements malhonnêtes et d’anathèmes faciles, Manaouda Malachie dit s’être focalisé sur trois éléments. «Il s’agit, premièrement, de phrases à l’aide desquelles Paul Biya a façonné des imaginaires nationaux». Morceaux choisis: «Dites-moi, est-ce qu’on change une équipe qui gagne? Non! (page 10); «Le Cameroun se fera avec l’Ouest ou ne se fera pas» (page 18); «Me voici donc à Douala» (page 162); «Tant que Yaoundé respire, le Cameroun vit» (page 163).
«Deuxièmement, il y a des phrases au moyen desquelles le chef de l’État a touché les sensibilités sous-régionales», explique Manaouda Malachie. Dans cette rubrique, l’on retrouve (page 156), «Notre volonté commune de promouvoir, de façon cohérente, le développement économique et social de nos pays, à faire apparaître la nécessité de la fusion de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC».
«Troisièmement, termine Manaouda Malachie, il y a des extraits de discours du président Paul Biya qui visent à produire des modèles ou des contre-modèles dans les relations internationales». Exemple: «Là où se prennent les grandes décisions concernant l’avenir de la planète, c’est-à-dire au siège de l’Onu, à New York, la voie de l’Afrique reste faible et difficilement audible. Il en sera ainsi jusqu’au moment où notre continent (27% des membres de l’organisation mondiale) aura la représentation qui lui revient au Conseil de sécurité» (page 170).
Griefs
Après avoir écouté attentivement Manaouda Malachie, le public a son mot à dire. Dans les différentes prises de paroles, on note des états d’âme, des poses et des attitudes qui dessinent ensemble un faisceau de critiques. «C’est un livre, comme qui dirait, à double entrée: d’un côté un ministre et de l’autre, un militant du RDPC», lance Elimbi Lobe, activiste politique. «Ce livre qui peut se recommander du point de vue de son contenu, pèche par sa mauvaise pagination cruellement ressentie», juge Dr Lorraine Monkam, socio-linguiste. Selon cette dernière, «Les 200 plus belles citations de Paul Biya» passent plus rapidement sur des extraits des discours présidentiels plus lointains, avant de revenir ponctuellement en arrière puis, repartir en avant. «Au final, on boit les citations de Paul Biya comme on entre dans ses rêveries, laissant le lecteur friand d’anecdotes sur sa faim», pense l’universitaire. Toutefois, on se félicite que Manaouda Malachie ait mis de côté son profil de ministre pour écrire.
Jean-René Meva’a Amougou