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Guerre russo-ukrainienne: l’Afrique, martyr du bon pied

Ici Addis-Abeba, ici Dmytro Kuleba ce 24 mai 2023. Au siège de l’Union africaine, le ministre ukrainien des Affaires étrangères n’enseigne pas.

 

Il élève des mots. «En étant neutre vis-à-vis de l’agression russe envers l’Ukraine, vous étendez cette neutralité à la violation des frontières et aux crimes de masse qui peuvent se produire près de chez vous, si ce n’est vous arriver. En Afrique, des pays et des gens ont de la sympathie pour la Russie, car ils font le lien entre la Russie et le soutien que ces pays ont reçus à l’époque de l’Union soviétique et le rôle de l’Union soviétique dans la décolonisation de l’Afrique. Mais la vérité est que la Russie a privatisé tout ce que l’Union soviétique a fait pour l’Afrique, ignorant le fait que l’Ukraine était membre de l’URSS et qu’elle a accueilli des milliers d’étudiants africains et envoyé en Afrique des milliers d’ingénieurs. Depuis, nous nous sommes dit que (…) nous serions toujours du côté de ceux qui risquent la famine ou la crise alimentaire parce que nous sommes passés par là en tant que nation et que ces souvenirs sont très douloureux dans notre mémoire collective», déclare-il en conférence de presse. Au risque que se culbutent la pertinence et l’impertinence, l’actuel et l’inactuel, Dmytro Kuleba arrête notre esprit. Nous force à la réception, puis à la réflexion. Qu’attend-il des pays africains? Une simple palabre ou une sortie spectaculaire? Une vigoureuse dénonciation des connivences diplomatiques entre l’Afrique et la Russie? Telles sont les questions difficiles derrière le grave problème de la position de l’Afrique dans le conflit russo-ukrainien.

La réflexion qui émerge aujourd’hui suppose de retrouver, sinon de réinventer, le pourquoi l’Afrique s’intéresse à cette affaire. Ceux qui sont mieux outillés le martèlent: on s’intéresse à la guerre entre la Russie et l’Ukraine en raison de ses conséquences économiques sur le continent. En ce sens, disent-ils, les quelques éléments disponibles, bien que renvoyant à une rhétorique de la neutralité, sont probablement à verser aux dossiers diplomatiques défendus par la Russie et l’Ukraine, ainsi que leurs alliés respectifs. À bien écouter Dmytro Kuleba, l’Afrique est soupçonnée de mener, sous les apparences d’une «neutralité», un combat diplomatique scandaleux, nuisant à la cause qu’il prétend défendre. La guerre russo-ukrainienne, au travers de sa dynamique temporelle longue, a finalement amené l’Afrique à penser autre chose: jouer les médiateurs.

On l’a appris le 25 mai 2023. Selon Pr Gilbert M. Khadiagala (spécialiste en relations internationales à l’Université du Witwatersrand aux États-Unis), le président sud-africain Cyril Ramaphosa s’apprête à prendre la tête d’une initiative de six chefs d’État africains visant à explorer la possibilité de mettre fin à la guerre entre la Russie et l’Ukraine. L’annonce a été faite à la suite de ses entretiens téléphoniques avec le président russe Vladimir Poutine et le président ukrainien Volodymyr Zelensky. La mission devrait avoir lieu en juin. Les pays belligérants ont tous deux salué l’initiative de M. Ramaphosa et des dirigeants de l’Égypte, de la République du Congo, du Sénégal, de l’Ouganda et de la Zambie. Divers observateurs ont à la fois loué et raillé l’initiative africaine. Pour les partisans, il s’agit de renforcer l’action de l’Afrique. Les voix africaines apporteraient la neutralité nécessaire pour sortir de l’impasse. Ses détracteurs y voient une initiative malavisée de la part de dirigeants africains qui ont subrepticement soutenu l’invasion de l’Ukraine par la Russie tout en revendiquant le non-alignement.

Jean-René Meva’a Amougou

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