L’Afrique qu’on se dispute

« Japon-Afrique : chronique d’un rendez-vous économique manqué » . Voilà ce que France 24 pense à la 8ème Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD-8) tenue les 27 et 28 août 2022 en Tunisie. Sans porter de jugement outrancier ni prétendre que le média français n’aurait que des défauts et aucun mérite, nous pouvons en revanche affirmer que c’est de bonne guerre entre les puissances occidentales. « Un plan d’investissement majeur de 30 milliards de dollars en trois ans » , voilà qu’a promis le Japon, maître d’œuvre du Ticad.

Selon France 24, ce « programme qui donne l’impression que Tokyo veut jouer un rôle économique plus important en Afrique, mais qu’il faut remplacer dans un contexte historique compliqué ». Tout en reconnaissant qu’avec Tokyo un style économique nouveau est en train de se mettre en place, les « bons connaisseurs du monde » appellent à la méfiance. « Je semble là encore y avoir un décalage entre les annonces japonaises et la réalité. Une partie des interlocuteurs africains pense que les Japonais parlent beaucoup mais demandent peu. Autrement dit, les promesses de milliards de dollars d’investissement ne se concrétisent pas toujours. Attendons de voir comment ces promesses se répercutent dans les faits », abouti-il. « Peut-être qu’il s’agit d’un véritable tournant dans l’approche japonaise en Afrique, ou alors il s’agira d’un nouveau rendez-vous raté » . Voilà ce qu’écrit France 24.

Décortiquons : France 24 reconstruit fils Ticad. Il opère en collant des mots, des formules sur un réel qui n’est pas nécessairement celui de l’histoire, et encore moins des catégories dominantes de perceptions à l’œuvre dans les couches profondes et sédimentées de l’opinion africaine. On ne peut éviter de se concentrer sur ces thèmes idéologiques obscurs pour comprendre qu’il y a là des ferments d’une lutte d’influence à rebours. Une lutte qui n’est pas le seul apanage des pays actuellement en mauvaise passe en Afrique ; l’Afrique sans protection, sans défense, malgré elle, devant les ogres économiques des marchés financiers internationaux.

Il y a là aussi un courant de pensée économique anti-asiatique qui entend imposer la hiérarchie des puissances. Ce courant tente désespérément de provoquer maintenant l’affrontement sur le continent africain, en sus de la volonté de continuer à détruire l’intérieur tout projet venu hors d’un certain cadre. Tout « étranger » est donc massacré par médias interposés. Des supports qui n’attendent qu’une telle occasion se présente pour verser de l’huile sur le feu, exprès, afin d’arriver à cette guerre économique susceptible de redorer le blason de ceux qui pensent « gouverner »» le monde. Reconvertis au rôle de grands prophètes, le seul moteur de réenchantement dont ils disposent dans une sorte de recours au tragique, pour se sauver dans un horizon assez indéterminé. Car en fait, rien ne démontre à ce stade que le logiciel déposé par ces anciens éclaireurs du monde soit adapté à l’irréductibilité de l’époque. Puisque toute époque, et il s’agit sans doute d’une époque au sens où Péguy l’entendait, est unique et celle-ci n’est pas la reproduction à l’identique, en Afrique tout au moins.

Vraisemblablement l’intensité de la menace géopolitique fait peser une inquiétude d’une autre nature qui par-delà les aspects socio-économiques, touche au ressort de la place de l’Afrique dans l’agenda des grandes puissances économiques.

Jean René Meva’a Amougou

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