Entre les banques, les PME et les ménages : La nécessaire intermédiation de la microfinance
La capacité des Établissements de microfinance (EMF) à mettre à la disposition de ces acteurs économiques des micro crédits, fait de ceux-ci le meilleur moyen d’éponger une portion considérable de la surliquidité bancaire.
Emile Thierry Mvondo, Jacques Landry Bikai, Francis Ghislain Ngomba Bodi, Nafe Daba et Neslon Patrick Daniel Essiane ont récemment publié au travers de la Beac, trois études sur les Établissement de microfinance (EMF) et sur la surliquidité bancaire en zone Cemac. À les croire, «les EMF constitueraient une solution adéquate. Ils ont en effet la capacité de se situer entre les banques commerciales et les (très) petites et moyennes entreprises (T)PME et donc, ont un meilleur suivi des micro crédits qu’ils accordent, par ailleurs mieux indiqués pour ce type d’entreprises». Il se trouve en effet pour le FMI, que «le tissu industriel de la Cemac est dominé par les petites (voire très petites) et moyennes entreprises».
Bien mieux, «seuls 30% des firmes ont accès aux services financiers, une situation qui ne permet pas un financement bancaire des investissements pour les firmes. En outre, la proportion de firmes ayant accès aux services bancaires comprend 15% de grandes firmes dont le capital est limité quant à leurs besoins d’investissement et 15% de PME ayant essentiellement recours à l’autofinancement», apprend-on. L’étude se propose alors de mettre sur la table, «les conditions pour lesquelles les EMF de la zone pourraient drainer une partie de la surliquidité bancaire vers les PME, ainsi que pour l’amélioration de la capacité d’absorption de ces dernières».
État des lieux
Les auteurs de l’étude se déploient à partir de plusieurs postulats. D’abord, ils relèvent que «les banques sont à l’aise avec des structures présentant des états financiers fiables et validés par des commissaires aux comptes. Cela se justifie par l’influence de leur actionnariat, de leurs méthodes de travail et de leurs règles de gestion, autant que sous l’effet des réglementations de plus en plus contraignantes. Elles souhaitent en outre trouver chez leurs clients des structures bien organisées et encadrées».
Ils pensent ensuite savoir que les établissements bancaires «requièrent en permanence des entreprises qu’elles exposent une vision claire et précise de leur avenir et demandent que celles-ci disposent de fonds propres substantiels capables de faire face aux imprévus». Ceci tout en espérant «enfin, toujours appuyer leurs concours sur des garanties solides leur permettant de satisfaire les exigences de leurs autorités de tutelle».
Mais pour les auteurs, il apparaît toutefois clair que «cette vision est parcellaire, car fondée sur l’hypothèse que ces nombreuses caractéristiques sont très difficiles à réunir par les (T)PME. Pourtant, il appartiendrait probablement à ces banques de se doter de ressources humaines et financières essentiellement dédiées aux (T)PME», plaident-ils.
Complémentarité et downscaling
Au moins deux voies s’offrent aux banques commerciales pour pénétrer le secteur des microfinances. Il s’agit de la voie directe ou encore «downscaling» et de la voie indirecte ou «relations de partenariat avec les institutions de microfinance».
«Le ‘‘downscaling’’ consiste pour une banque à descendre en gamme de clientèle. Il s’agit particulièrement pour celle-ci de réduire son échelle d’intervention afin de pouvoir atteindre une niche de clientèle à revenu plus faible». La banque a ainsi pour les auteurs de l’étude, le choix entre «l’unité interne de microfinance ou incorporer un produit de microfinance dans une unité existante; la Filiale financière; la Société de services en micro finance; et des Alliances stratégiques avec des EMF».
Toutefois, la complémentarité banques-microfinance n’est pas une panacée. Elle «n’a de sens que si la liquidité qui pourrait s’échanger est absorbée par les (T)PME. C’est pourquoi le modèle qui est construit part du contexte de surliquidité dans la zone et, met en relations les banques commerciales et les EMF, sous le contrôle de la banque centrale», préviennent-ils.
Face à toutes ces options, les auteurs de l’étude tranchent. Ils soulignent que «de manière pratique, une approche «downscaling» est mieux indiquée pour réduire de manière efficiente la surliquidité structurelle dans la zone». Cela doit passer selon eux par «des incitations et réformes du côté des TPME; une mise en place d’un marché de refinancement des EMF; et des incitations pour le partenariat banques-microfinances».
Théodore Ayissi Ayissi
Gestion administrative et financière
Les PME à l’école des banques commerciales
C’est l’une des conditions pour pouvoir gagner en crédibilité et être en capacité de solliciter de façon pertinente les EMF, avec un effet palpable sur le volume des liquidités en caisse.
Les auteurs de l’étude proposée par la Beac ont une grande croyance dans le potentiel des établissements de microfinance (EMF), ainsi que dans celui des T(PME). Ils créditent notamment les premiers d’une «capacité à se glisser dans les segments difficilement accessibles par les banques». Seulement, «ces établissements présentent de nombreuses tares en matière de gestion administrative et financière, domaine dans lequel excellent les banques», admettent-ils. Ils reconnaissent en même temps que les «PME jouent un rôle prépondérant dans la production et la lutte contre le chômage et la pauvreté. Toutefois, ce rôle mérite d’être amélioré en vue de permettre un meilleur développement des pays de la Cemac».
Au chapitre des insuffisances relevées dans le fonctionnement des PME, l’étude met en exergue trois facteurs. À savoir, «la probabilité de survie des (T)PME qui est faible, leur durée de vie étant en deçà de l’horizon des projets financés; le mauvais montage/suivi des projets concernés; et l’absence d’une structure organisée à même d’accompagner ces établissements». À en croire les auteurs, cet état de choses entraîne de «fréquentes désillusions sur le chiffre d’affaires et sur les capacités de remboursement des concours bancaires».
Or, les EMF ne peuvent véritablement jouer leur rôle auprès des PME en permettant d’absorber une partie de la surliquidité bancaire, «que si les barrières dans ce segment de firmes de petite taille sont levées». Pour les auteurs de l’étude «point n’est en effet besoin de signaler que ces EMF pêchent souvent dans leur gestion administrative et financière» D’où justement «un besoin d’accompagnement des banques qui, à contrario, excellent dans ce domaine».
Accompagnement
Plusieurs pistes sont à envisager ou le sont déjà au niveau de la sphère financière et de la sphère réelle. Elles portent pour les unes sur «l’établissement d’un partenariat entre EMF et banques, en partant du parallélisme avec la relation Banque/Marché, pour donner une justification théorique à la complémentarité entre le secteur bancaire et celui de la microfinance». De la sorte, selon l’étude, «les banques assurent ‘‘le contrôle de gestion’’ des EMF et, ces dernières, de par leurs particularités, réduisent l’asymétrie d’information quant au suivi des projets. Ce monitoring par les pairs, et donc la délégation de surveillance qui en découle, peut être transposée de façon identique, à la relation Microfinance/secteur informel, et justifier leur complémentarité». À en croire alors les auteurs, «la relation Banque/Microfinance apparaît dès lors comme une pièce du puzzle banque-microfinance-(T)PME. Compte tenu en plus de la nécessité de confiance et de garanties».
Pour les autres pistes, elles se rapportent d’une part au «besoin de formation des dirigeants des PME, notamment en phase de démarrage, cela, dans le cadre de la conception d’une stratégie adaptée au marché». D’autre part, «une réforme a déjà été amorcée par la BEAC et les institutions publiques et internationales. Elle vise à restaurer un fonctionnement efficient du canal des taux d’intérêt et à redynamiser les canaux du crédit et des prix des actifs par le développement du système financier».
Sur la foi des indications fournies par la Banque centrale, cette réforme s’est notamment traduite par «des mesures visant l’inclusion financière des ménages et des firmes à travers des actions concertées et ciblées; l’amélioration de l’information financière à travers la mise en place d’une centrale des risques et des incidents de paiement, ainsi que des bureaux d’information sur le crédit; l’adoption par la Banque centrale du système de pilotage des taux interbancaires; et la fusion des deux bourses de valeurs mobilières de la Zone».
TAA