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Nabil Chaherli : «Le Cameroun doit capitaliser sur son potentiel hydroélectrique»

L’économiste en chef à la Banque mondiale pour le Cameroun et co-manager du CCDR fait une exégèse du Rapport national sur le climat et le développement, publié ce 4 novembre 2022.

 

Pourquoi un Rapport de la Banque mondiale aujourd’hui?
À partir de ce lundi (7 novembre 2022, Ndlr), il y a une Conférence à Charm El-Cheikh dans laquelle nous pensons que le Cameroun a une opportunité de faire un plaidoyer pour son développement et son action climatique. Nous souhaitons d’ailleurs bonne chance au Cameroun à ce forum international.
L’idée qu’on a eu d’essayer de préparer un rapport se justifie par le fait que souvent dans les débats, on parle de changements climatiques de manière séparée de l’optique de développement. Et quand on parle du développement, on n’inclut pas nécessairement les aspects du changement climatiques. C’est donc un rapport qui fait trois choses en même temps. Il fait un diagnostic de la situation, il essaye de faire des prévisions, mais surtout, il se propose d’apporter des solutions. Voilà ce que nous avons essayé de faire pour le Cameroun et nous avons bénéficié du soutien de l’administration, du secteur privé et de la société civile, ainsi que des autres partenaires techniques et financiers (PTF) qui accompagnent le Cameroun dans son développement.

Que retenir des principaux messages du Rapport et des solutions?
Ce Rapport est un diagnostic nouveau pour nous à la Banque mondiale. De manière synthétique, on essaye d’avoir une approche intégrée du développement et du changement climatique; de hiérarchiser les actions les plus efficaces pour limiter les gaz à effet de serre (GES) et stimuler l’adaptation; et de faire des analyses pointues en s’appuyant sur des bases de données rigoureuses.

On essaye également de réduire les vulnérabilités dans le pays. On s’interroge notamment sur les voies principales pour arriver à cette étape. En allant au-delà des simples risques physiques. Et en identifiant vraiment les coûts, les défis, les bénéfices et les opportunités de l’action climatique pour le développement. Il s’agit donc pour nous de démontrer qu’il faut agir vite et mieux pour pouvoir s’engager dans une transition pour une économie vertueuse, et surtout résiliente dans le contexte camerounais.

L’objectif ultime est de parvenir à répondre à la question de savoir comment attirer les financements de l’action climatique aujourd’hui. L’idée est vraiment de pouvoir mobiliser des ressources conséquentes pour les pays en voie de développement ou les pays les moins avancés, et pour un pays comme le Cameroun. Il ne participe pas de manière très importante aux émissions de gaz à effet de serre, puisqu’il ne représente que 0,01 des émissions.

Mais le Cameroun subit de plein fouet cet impact causé par d’autres. Et donc, il s’agit de voir dans quelle mesure on peut attirer des financements pour l’aider dans son adaptation. On connaît tous les ingrédients de ce changement. À savoir réduire le coût des affaires. C’est encore assez élevé au Cameroun. Améliorer l’accès aux infrastructures et aux services. Intégrer des aspects de fragilité et de bonne gouvernance dans le nouveau modèle de développement pour pouvoir capter des financements. Les besoins du Cameroun sont de 58 milliards de dollars. Les autorités camerounaises ont préparé la CDN l’année dernière lors de la Cop26 de Glasgow.

Quelles sont les propositions de votre institution pour aider le Cameroun dans ses actions d’adaptation et d’atténuation?
Nous avons proposé quatre domaines prioritaires dans lesquels nous pensons que le Cameroun a de bonnes opportunités pour affronter les changements climatiques. Nous pensons par exemple en matière de capital humain, qu’un système de protection sociale adaptatif qui inclut la notion de changement climatique est nécessaire.

Au sujet de la gouvernance, il s’agit de mettre en place une législation sur le climat, d’identifier les mécanismes de coordination, la décentralisation étant aussi un enjeu important sur lequel l’action climatique est nécessaire. Il y a enfin nécessité de promouvoir la coordination interministérielle et intersectorielle.
S’agissant des infrastructures et des investissements routiers, il va également falloir faire attention. On va poursuivre les constructions, mais il va aussi falloir les réhabiliter du fait de l’impact du climat sur la maintenance. Il y a donc nécessité d’évaluer systématiquement la vulnérabilité des routes au changement climatique.

Une bonne nouvelle dans ce rapport est que le changement climatique ne semble pas avoir d’impact négatif sur le potentiel hydroélectrique du pays. On a eu recours à des simulations et il semble en effet que le potentiel hydroélectrique n’est pas très vulnérable au changement climatique. Le Cameroun doit donc capitaliser sur cet actif. En considérant que le recours à cette énergie renouvelable est une opportunité.

 

Comment le Cameroun pourrait tirer profit des obligations carbone, à l’exemple de ce qui se fait déjà au Gabon?

On suit de très près les efforts des autres pays. Et je veux souligner l’importance de la dimension régionale. Le présent Rapport n’est d’ailleurs pas seulement pour le Cameroun, mais pour l’ensemble des pays du Bassin du Congo. En matière de gouvernance forestière cependant, force est de reconnaître que les pays sont à des niveaux différents. Il n’y a pas aujourd’hui dans la Communauté Cemac, une focalisation sur les aspects d’utilisation de la forêt du Bassin du Congo, ni un enjeu d’harmonisation des différentes politiques. Malheureusement.

Les Gabonais ont adopté depuis l’année dernière une importante loi sur les crédits carbone. Le Cameroun devrait aussi avoir la même approche. Et que peut faire la Banque mondiale dans ce processus? Nous allons apporter une assistance technique pour aider les pays à comprendre ces nouveaux instruments qui ont par exemple besoin au Cameroun d’une loi et d’une régulation pour être utilisés. Nous avons engagé des discussions avec pratiquement tous les pays du Bassin du Congo pour pouvoir les aider dans ce sens.

 

Propos recueillis par Théodore Ayissi Ayissi

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