Penci Sport plugin only working with the Soledad theme.

Archives des Joseph Julien Ondoua Owona (stagiaire) - Journal Intégration

Journal Intégration

Étiquette : Joseph Julien Ondoua Owona (stagiaire)

  • Yaoundé : La vie dans les «Corona-hôtels»

    Yaoundé : La vie dans les «Corona-hôtels»

    La mise en quarantaine des voyageurs en provenance d’Europe consacre paradoxalement, et à la fois, quatre clichés : la naissance d’un nouveau vocabulaire au sein de l’opinion publique, la volupté et le mal-être parmi les personnes, ainsi que l’acharnement sur les réelles intentions des pouvoirs publics.

     

    Un meeting politique, forte concentration humaine à éviter.

    Quartier Mbog-Abang, à la sortie sud de Yaoundé, quelqu’un emprunte à l’ironie pour nous indiquer l’hôtel dans lequel sont confinés 22 passagers du vol international SN Brussels 369 arrivé au Cameroun dans la nuit du 17 mars 2020. «Ici, on appelle ça le Corona-hôtel. Voilà ça!», montre-t-il du doigt. Des marges de cette indication aux allures cavalières, une voix féminine enrobe l’affaire dans une couche de mépris: «Du vrai n’importe quoi!».

    Mal-être
    Cette nuit, l’entrée principale de l’établissement hôtelier grouille d’allées et venues. À l’angle, armes au poing, quatre agents de police s’avachissent sur des chaises basses. À la réception, l’ambiance n’a rien d’exceptionnel. En poste, une préposée au charme ensorcelant. Comme pour venir à bout de cette hébétude, l’on évoque le coronavirus et les dispositions prises ici pour contrer la pandémie. «Tenez votre masque, s’il vous plaît ; mettez-le et filez droit là-bas. Vous pourrez discuter avec le directeur d’exploitation dans son bureau», nous suggère la jeune dame.

    Dans la pièce qui talonne le hall, c’est le bar. Ici, une dame à la carrure dessinée dans une robe pincée à la taille déambule. Elle est au téléphone. Elle prononce un étrange serment : «Je ne quitterai pas d’ici tant qu’on n’a pas encore formellement établi que je suis malade du coronavirus! Terminé!». Puis, arrive un inspecteur de police principal. Sans masque, il tente d’encadrer cette dame chauffée à blanc afin d’infléchir sa colère dans le sens d’une plus grande maîtrise. La bruyante se mure dans un silence lourd, perdue dans ses pensées, dans une sorte de rage muette.

    Le regard acéré, elle rebondit faisant part de ses rondeurs qui ont disparu, laissant place à une maigreur révélant des rides. «À cause de cette satanée histoire de confinement!», ponctue-t-elle véhément, question de mettre en relief l’émouvante tournure que prend son séjour au Cameroun depuis le 17 mars dernier. Plongée dans l’épaisseur tragique de ce qui arrive aux personnes confinées dans les différents hôtels de la capitale, elle éprouve le sentiment de se perdre dans la suite qui leur est réservée.

    Acharnement
    Sur le coup, un homme à la voix de stentor monte à la charge: «On nous a pris ici pour aller effectuer des tests au Palais des sports. Bien curieux qu’il n’y ait pas de kits disponibles. Dans ce bordel, on est dans un grand trou noir où la contagion du coronavirus peut se jouer à tout moment». La suite de cette enflure verbale s’acharne sur les langueurs sereines des pouvoirs publics. Là encore, le phrasé de cet homme est plus profond, tant la signification des mots débouche sur la juxtaposition d’une chose et de son contraire. «On nous dit que tout est mis en œuvre pour circonscrire la maladie.

    Mais en même temps, on laisse des gens entrer ici n’importe comment. On ne communique pas assez ! Qu’on nous dise qu’on veut juste nous espionner!», peste-t-il. La vérité, selon lui, est à lire dans l’escorte militaire dont bénéficient tous les confinés. Pour cela, l’homme signale une surveillance renforcée et ne se prêtant pas aux requêtes. «C’est un spectacle qui se joue sans relâche!», assène sa puissante voix. À l’épreuve du décryptage, parmi les «confinés», la situation nourrit quelques suspicions sur les intentions réelles des pouvoirs publics.

    Sur place ici, un policier essaye de conférer une nouvelle résonnance au black-out décrié. «Cette mesure, dit-il, vise non seulement à contrôler la situation, mais aussi et surtout, elle doit être considérée comme protectrice que comme espionne». Et pour mieux lessiver les mots, le fonctionnaire de police explique que «c’est le désir de liberté et la psychose d’une éventuelle contagion». À son avis, ces deux variables additionnent leurs effets pour donner de la consistance à la colère.

    «Je carbure»
    Près du lieu-dit Carrefour Mvog-Mbi, toujours dans la capitale, en cette soirée du 21 mars 2020, quelques passagers du vol international SN Brussels 369 sont dans un autre hôtel. Sans masques, quelques-uns sont assis à l’entrée. Ici, la vie se gère au gré d’une hypothèse bricolée autour de la situation: «Si de nouveaux cas ne se signalent pas d’ici peu, on pourrait nous laisser aller dans nos familles», entend-on. À promener la vue et l’ouïe au fond du bar, une l’ambiance visiblement générée par l’imposante tournée alcoolique de ce soir s’impose. Des hommes et des femmes offrent d’eux-mêmes une image bien vaporeuse. Parfois, ils distillent à la fois une allure sévère et cool. Parfois aussi, imitant les accents français et italiens, ils adaptent leurs voix en roulant les «r» ou en roucoulant. On comprend vite que c’est un cercle de «Mbenguistes».

    Face au reporter, certains s’efforcent de s’auto-réguler dans le sens d’une ormeta bien tempérée. D’autres se protègent derrière une définition extensive de la notion de vie privée et une parfaite connaissance des enjeux du temps. Ceux qui acceptent de se faire «malmener» par des questions de journaliste versent immédiatement dans l’éloge de la mesure de confinement de tous les voyageurs en provenance d’Europe. «D’après ce que nous avons vu là-bas, il y a lieu de féliciter le gouvernement pour avoir pris cette décision», confesse un homme entre deux gorgées de scotch whisky.

    Il souhaite que prospèrent les préceptes sanitaires les plus rudes dans les prochains jours. À côté, le visage d’une femme s’éclaire de sourire lorsqu’elle nous confie que, «individuellement et quotidiennement, Paul Biya nous envoie 15 500 FCFA pour nos besoins en plus d’être bien logés et nourris». Peut-être, cela donne un nouveau ton à la vie ici et disqualifie un message qui devient banal au fil du temps: «ce sont les Mbenguistes qui viennent avec le coronavirus ici».

    Parodiant une chanteuse camerounaise, quelqu’un dans ce cercle de «Mbenguistes» dit qu’il «carbure» malgré le confinement. Et pour montrer qu’il respire l’opulence, il présente une liasse d’argent. Le geste est orné d’une question: «quelle fille peut me refuser avec ça même si j’ai le coronavirus?». Toutefois, cette interrogation sert d’amorce à la description d’un autre phénomène : celui de la stigmatisation forgée depuis peu. Dans leurs propos, les uns et les autres relèvent le déclin d’affection qu’ils vivent. «Depuis que nous sommes ici, personne ne nous appelle plus, même dans nos propres familles», regrette une dame revendiquant le statut d’aînée d’une fratrie de 8 enfants.

    Celle-ci souligne l’ignominie des attaques de quelques lutins ayant choisi contre elle un vocabulaire de haine et de mort. En tout cas, elle prétend comprendre «cette sorte de cirque où la passion du commentaire suspicieux progresse dans un contexte souillé par les fake-news et finit par remplacer toute soif de vérité». Et de conclure : «le coronavirus, c’est aussi une grande école de la vie. À l’aide de ce qui m’arrive, j’ai compris que la vie est tracée en deux cercles : celui de ceux qui vous aiment quand vous vous portez bien et celui de ceux qui vous rejettent au moindre soupçon».

    Jean-René Meva’a Amougou

    Zone anglophone

    Pas de cas de Covid-19 dans le Nord-ouest

    Contrairement aux annonces faites sur les réseaux sociaux, aucun cas n’a été recensé dans cette partie du pays.

     

    Dr Kingsley Che Soh est formel: «il n’y a jusqu’ici aucun cas confirmé de coronavirus infecté dans la région». C’est la ligne de force que le délégué régional du ministère de la Santé publique pour le Nord-ouest a signé le 20 mars 2020. Par cette note, le fonctionnaire rame à contre-courant des informations distillées sur les réseaux sociaux à propos des supposés cas de coronavirus infectés derrière St Agnes et à l’hôpital régional de Bamenda. «Tout cela est faux», martèle Dr Kingsley Che Soh.

    Dans un autre communiqué, il dévoile également quelques mesures prises pour parer à toute éventualité. «Une équipe médicale et une ambulance seront stationnées au poste de péage à Matazen (frontière Ouest et Nord-ouest Ndlr) par Santa à partir de samedi 21 mars 2020 pour des dépistages systématiques de tous les voyageurs qui entreront dans la région du Nord-ouest pour éviter tout risque potentiel de la maladie du Covid-19», y lit-on. Aussi indique-t-il que des solutions hydro-alcooliques suffisamment subventionnées par le gouvernement seront mises à la disposition des structures sanitaires publiques à partir de mardi 24 mars 2020.

    Dr Dénis Nsame Nforniwe, directeur de l’hôpital régional de Bamenda a quant à lui aménagé un centre d’isolement équipé dans cette formation hospitalière. A en croire Fung John, économe à l’hôpital régional, un comité de veille qui fonctionne 24h/24 a été mis en place ici. Aussi des outils de lavage des mains ont été placés au niveau de toutes les entrées principales de l’hôpital régional de Bamenda. Un communiqué a été commis par le directeur invitant le public à réduire à 10 le nombre de personnes devant assister à la levée de corps à la morgue, d’un membre de famille décédé. Le 19 mars, Dr Dénis Nsame Nforniwe a organisé une réunion de sensibilisation du personnel médical. Il a également proscrit les regroupements de plus de 50 personnes à l’hôpital. Il envisage un point presse mercredi prochain 25 mars avec les journalistes de Camasej ( Cameroon association of english speaking journalists).

    Il est à noter que mercredi dernier 18 mars, le gouverneur Adolphe Lélé Lafrique Deben Tchoffo a organisé une réunion de crise sur la pandémie. Il a laissé entendre que seules les réunions d’urgence seront autorisées dans la région. Il a proscrit les réunions ou regroupements de plus de 50 personnes. Aussi conseille-t-il à ceux ayant programmé les obsèques et cérémonies de mariage de les reporter à une date ultérieure. Le délégué régional de la santé publique a saisi cette perche pour rassurer quant aux mesures mises en place pour prendre soins des cas suspects de Covid-19 dans le Nord-ouest.

    Il a demandé à la population de respecter les mesures d’hygiène ( lavage constant des mains, utilisation du gel hydro alcoolique, éviter les salutations, embrassades, tousser dans un mouchoir ou au creux du coude, observer au moins un mètre d’écart face à un interlocuteur etc.). Le gouverneur a instruit le maire de la ville de Bamenda a prendre des dispositions avec ses services techniques afin de réduire le flux de personnes dans les marchés de la cité capitale. Le responsable d’Elecam a pris langue avec le numéro un de la région pour éviter le regroupement des foules devant les bureaux de vote. Les audiences ont été suspendues pour une durée d’un mois devant les tribunaux et cour d’appel dans le Nord-ouest.

    Le 19 mars 2020, lors de l’installation du maire de la commune d’arrondissement de Bamenda 1er, le préfet Simon Émile MOOH a prié les personnes venues assister à cette cérémonie de libérer la salle des actes. Une manière pour lui de respecter la prescription de 50 personnes au maximum dans toute réunion. Seuls les 32 conseillers municipaux et quelques membres de son encourage ont pris par à cette cérémonie. L’église n’est pas en reste. En plus des mesures d’hygiène soulignées plus haut, l’évêque de Kumbo et l’archevêque de Bamenda ont proscrit la réception de la communion par la bouche. Les chrétiens doivent désormais recevoir le corps du Christ dans la pomme de la main. Suspension du geste de paix du Christ (salutation avec les mains) pendant la célébration eucharistique etc.

    Zéphirin Fotso Kamga

    Covid 19

    Les chancelleries s’imposent une ligne de vie

    Autrefois figés à d’autres contrôles, les services de sécurité s’appliquent désormais les qualificatifs de «très haute sécurité» face à la maladie.

    L’ambassade des Etats-Unis à Yaoundé.

    On savait déjà qu’elles sont des forteresses pas facilement pénétrables. Ces derniers temps, à cause du coronavirus, cette image se raconte mieux aux entrées principales de toutes les chancelleries étrangères et organismes internationaux basés à Yaoundé. Pour l’essentiel, le spectre monstrueux de la maladie constitue un argument de poids parmi les personnels en faction.

    Ce 20 mars 2020, devant l’ambassade du Sénégal à Yaoundé, le flot convivial n’est presque plus le même. L’ambiance met sous les yeux des rires mécaniques, pendant que les paroles des agents de sécurité manient la palette de mesures. Plus draconiennes que par le passé, une voix assure que «tout mouvement en groupe est formellement interdit ici».

    Toujours ce 20 mars 2020, à la Rue Rosa Parks au quartier Bastos, l’angle sous lequel l’ambassade des États-Unis se révèle est à contre-fil du laisser-aller. Dans le langage précautionneux qui sied à la circonstance, un agent de sécurité nomme cela «un contexte grave». Ici, s’il est un débat qui n’arrive ni trop tôt ni trop tard, c’est bien celui sur les modes de transmissions du coronavirus. Selon le lieu où il se déroule, le contrôle des pièces se distingue du test de coronavirus. En fait, ce dernier est privilégié au premier.

    C’est également le cas à la représentation Afrique centrale de la CEA (Commission économique pour l’Afrique). Dès le perron, une note instruit l’application stricte des mesures édictées par le service de sécurité. Celui-ci, renseigne une dame de service, a d’ailleurs accru le nombre de check-points. Au milieu d’un récit amer, notre interlocutrice raconte des séquences incandescentes avec certains usagers. «Ils disent que le coronavirus se passe du tout à la sécurité; alors ils sont ramenés à l’ordre quand ils tentent de nous imposer une démarche contraire à celle prescrite par l’OMS», relate-t-elle.

    Devant l’ambassade de Chine, toujours au quartier Bastos, «pas d’affluence ici depuis deux semaines», confie un agent d’une société de gardiennage. Concentré et actif pour contrer le bruit tapageur et ravageur faisant des ressortissants chinois les «importateurs du coronavirus», l’ambassadeur a signé une note. Affichée sur la barrière, celle-ci rappelle que «sans exception, toute entrée est conditionnée par l’obtention d’un quitus du responsable de la sécurité». En approchant ce dernier, il détaille les étapes: lavage des mains, passage au test de température et contrôle des pièces personnelles.

    Bobo Ousmanou

    Des mots et… des Africains

    Au sein des communautés étrangères basées à Yaoundé, des réflexions pointues sur le bilan du coronavirus dans leurs pays respectifs succèdent aux réponses parfois paniquées.

    Quelques ressortissants étrangers à Yaoundé.

    Au milieu de quelques Ivoiriens basés à Yaoundé, c’est le brouhaha de la critique. En tout cas, sans les nommer, les critiques visent surtout les autorités d’Abidjan: «On n’a pas su anticiper!», fulmine Serge Diakété. Selon cet homme d’affaires, l’arrivée du coronavirus en Côte d’Ivoire résonne comme un brutal retour de manivelle dans le déroulé historique des relations avec certains pays occidentaux. «Ces gens-là nous avaient promis de nous exterminer et voilà», dit-il avec conviction.

    Au quartier Ékié, dans le 4e arrondissement de Yaoundé, une compilation des récentes actualités sur les mesures de confinement instaurées par les autorités de Kigali est au centre des commentaires entre Rwandais. Par le biais d’un langage convivial, mais mesuré, le satisfecit se lit en arrière-fond d’une petite évaluation faite par Gaston Buleli, le chef de la communauté. «Il faut cela pour que tout ne bascule pas après tant d’années d’efforts et de sang», avance-t-il confiant.

    Sa confiance est d’autant plus perceptible qu’elle valorise la fermeture des frontières du Rwanda avec ses voisins, réputés «apporteurs de tous les malheurs». «Nous avons connu le génocide, cela a été planifié à partir des officines à l’étranger. Je pense que pour le coronavirus, c’est presque la même chose, quand on sait que c’est un espion étranger qui est venu avec chez nous», assume Gaston Buleli. Instruit par l’expérience camerounaise du confinement des personnes suspectées de porter le coronavirus, Gaston Buleli se réserve le droit d’apprécier la mesure. «Cela est contraignant, mais le jeu vaut bien la chandelle ici comme dans d’autres pays africains», évalue-t-il, en plus de montrer combien il est actif pour encourager ses compatriotes au respect des mesures prises localement.

    Ce 19 mars 2020, Ali Hindraogo apprécie le quotient de détermination des autorités de Ouagadougou. À en croire le Burkinabè rencontré au quartier Tsinga (Yaoundé II), tel que relayé par les médias, le schéma de circonscription du coronavirus est à applaudir. «Notre président a bien vu», se réjouit-il, non sans mentionner que l’expérience actuelle est édifiante pour l’Afrique. En ces termes, il se lance sur une réflexion sur l’usure des anciennes politiques sanitaires ayant signé leur échec sur le VIH Sida, notamment au Burkina Faso. «Si on fermait les frontières comme cette fois, on n’allait pas avoir de nombreux cas chez nous», croit-il.

    De son côté, le Gabonais Christian Bamgoudou évite d’ériger les Africains en champions de l’excuse et de l’innocence originelle. Au contraire, il dit avoir observé «l’incrédulité continentale». «Voyez-vous, il n’est plus aisé, partout sur le continent, de reprendre la main sur une maladie autour de laquelle nous avons été tous prévenus», regrette-t-il. D’ailleurs, notre interlocuteur ne s’interdit pas de discerner les conséquences de tout cela: «au Gabon, chez moi, les gens ont passé leur temps à dire que c’est une affaire des autres; et voilà!». D’après lui, les justificatifs plus ou moins forcés ont entraîné une grande confusion, puisque les gouvernants ont actuellement du mal à répondre aux exigences optimales de la situation.

    Jean-René Meva’a Amougou

    Plateforme de cours en ligne

    Entre économies et dépenses

    Solution miracle pour les uns, l’avènement d’un espace d’enseignement virtuel à l’Université de Yaoundé I est une charge contraignante pour d’autres étudiants.

     

    Parmi les mesures barrières prises contre le coronavirus le 16 mars 2020 par Maurice Aurélien Sosso, recteur de l’Université de Yaoundé I, on a la suspension des cours en “présentiel” dans les amphithéâtres. À la suite de cette décision, et pour éviter l’interruption des enseignements, le patron de cette institution publique a prescrit «la création au Centre universitaire des technologies de l’information (CUTI), d’une plateforme dédiée à la mise en ligne des cours». Ce qui, d’une façon comme d’une autre, impacte fortement sur le vécu des étudiants.

    Sur le plan économique, l’instauration de cette méthode de transmission des savoirs est très avantageuse. C’est du moins ce qu’ont laissé entendre certains apprenants rencontrés dans la ville de Yaoundé. «Avec cette plateforme, je vais réduire mes dépenses de façon considérable. J’habite le quartier Nkoabang et je dépense près de 900 FCFA de taxi par jour pour me rendre au campus. Il me suffira d’acheter un forfait internet de 500 FCFA, pour rester connecté pendant une semaine», indique Landry, régulièrement inscrit en Licence 2 en Lettres modernes françaises (LMF) à la Faculté des Arts, Lettres et Sciences humaines. Même tendance chez Jean J. Cet étudiant de la Faculté des sciences de l’éducation estime qu’en deux semaines, il n’aura à débourser que 1000 FCFA pour avoir accès aux cours de tous ses enseignants.

    Comme ses deux camarades, Franklin voit en cette plateforme une aubaine. «Grâce à cette méthode, on ne sera plus obligé de se hâter pour nous rendre au campus. Il me suffira de me connecter à partir de mon lieu de service pour obtenir les cours et poser mes préoccupations à l’enseignant», explique l’étudiant en Master I LMF, et attaché commercial dans une structure de la place.

    Investissement
    Pour d’autres pensionnaires de cette institution universitaire, la plateforme des cours en ligne est plus une équation difficile qu’un avantage. «Pour prétendre à cette plateforme, je dois disposer d’un smartphone. Or, je n’en ai pas. Et pour avoir un bon smartphone, il faut dépenser au moins 50 000 FCFA. Cette somme représente un gros investissement, dans la mesure où il m’est déjà difficile de payer mes droits universitaires d’un trait, sans oublier le loyer et autres», explique Alain, étudiant en première année Philosophie. Pour Julien, si l’équation de la plateforme des cours en ligne est difficile à résoudre, elle n’est pas inaccessible. Bien qu’il n’ait pas de smartphone, il dit pouvoir compter sur la générosité de ses camarades et voisins de chambre. «J’ai convenu avec mes camarades d’utiliser leurs smartphones. À défaut de cela, j’irai dans un cybercafé. Je n’ai pas le choix», conclut-il.

    Joseph Julien Ondoua Owona (Stagiaire)

    Coronavirus

    Coût pour coup sur l’économie

    Depuis la survenue de la pandémie Covid-19 dans le pays, les milieux d’affaires payent un lourd tribut. Situation aggravée avec l’instauration, le 17 mars dernier, de 13 mesures barrières par le gouvernement.

    1-Transports affaiblis
    Le secteur des transports est enrhumé par le coronavirus. Les chiffres ne sont pas encore connus, mais selon les acteurs, «le coronavirus fait mal aux affaires». Et ce ne sont pas les agences de compagnies aériennes qui démentiront cette version. Elles déplorent plusieurs pertes financières dues à cette pandémie. «Des vols sont annulés chaque jour; des clients décommandent leurs billets d’avion, sur instructions de leurs entreprises ou du fait d’événements internationaux annulés. Ça crée un manque à gagner énorme», confie le responsable d’une compagnie aérienne dont la destination dominante depuis le Cameroun est la Chine.

    Agences de voyages
    Les agences de voyages elles aussi sont victimes du Covid-19. «L’un de nos plus gros clients a annulé 80% des billets réservés. Au sein de cette firme internationale, la consigne des dirigeants est de privilégier les vidéoconférences aux déplacements hors des zones de résidences», révèle une source qu’a approchée le confrère du quotidien national Cameroon Tribune.

    Taxis
    À cause du coronavirus, le transport urbain va mal. Désormais interdits d’admettre deux passagers à la cabine avant de leurs véhicules, les chauffeurs de taxi disent souffrir le martyre. C’est que les conditions sont devenues ardues. «Il n’y a ni élèves ni étudiants à transporter le matin. On dirait que les gens ont vraiment réduit leur déplacement. Et dans l’après-midi, quelques rares fonctionnaires se déplacent. Et comme si cela ne suffisait pas, on nous demande d’éviter de surcharger», explique François, chauffeur de taxi. L’impact, explique le quinquagénaire, est mesurable au niveau de la recette. «Il est prévu que je verse 50 000 FCFA de recettes chaque semaine.

    Mais à l’allure où vont les choses, je doute de pouvoir atteindre 40 000 FCFA de recettes», regrette-t-il. Sur le même sujet, Jacques réclame au gouvernement la baisse des impôts. Christian, lui aussi conducteur, souhaite pour que les propriétaires de ces véhicules réduisent le montant de la recette. Et, conclut un autre, dans un contexte pareil, «il serait plus judicieux de ne plus travailler du tout, au lieu de faire des dépenses pour acquérir du carburant, sans toutefois rentrer dans ses frais».

    2-Commerce
    Du fait de la suspension des importations de divers produits en provenance de la Chine et d’autres pays touchés par le COVID-19, une psychose s’est installée. Dans les marchés, on assiste à une flambée des prix des objets importés.

    Depuis février 2020, les prix des motos ont augmenté de façon considérable. Un commerçant rencontré à quelques encablures du quartier Briqueterie, haut lieu de vente de ces machines mobiles, s’explique. “Les importateurs ont augmenté les prix des motos. On est passé de 420 000 à 470 000. Pour celles de 460 000, le prix oscille désormais entre 520 000 et 530 000”, lance-t-il. D’une boutique à l’autre, le constat est le même: le coronavirus a enrhumé les prix. Et la raison, évoque un acteur du secteur, est “la suspension des importations de ces outils”. Les consommateurs n’ont donc d’autre choix que de se conformer à la nouvelle donne.

    Les bars au régime
    Dans le secteur des débits de boisson, les choses ne vont pas mieux. Le gouvernement camerounais a exigé que dès 18 heures précises, tous les bars soient fermés. Cela, apprend-on, concourt à limiter la propagation de la maladie. Si la mesure affecte les disciples de Bacchus, elle a aussi un impact néfaste sur les recettes des entrepreneurs, propriétaires de ces hauts lieux de jouissance.

    C’est la situation que vit Paul au quartier Carrière (Yaoundé II). “C’est dans la nuit que j’enregistre le plus grand nombre de clients. Et depuis pratiquement deux jours, je suis obligé de fermer. À cause de cela, j’ai perdu énormément d’argent”, confesse-t-il, au bord de l’indignation. Mêmes cris dans le bistrot de Jérémie, non loin du lieudit Chapelle Ngousso. “Mon chiffre d’affaires a baissé de 80 %”, explique-t-il, sans décliner les chiffres exacts. Un autre acteur de ce secteur demande au gouvernement de “voir dans quelle mesure juguler les pertes économiques” dues à ces mesures. Et il n’est pas le seul à penser ainsi.

    Commerce dans les établissements
    Pour les commerçants installés dans les établissements scolaires et universitaires, rien ne va plus. Avec la fermeture temporaire (mais non délimitée dans le temps) de ces lieux d’apprentissage, ils sont astreints aux congés forcés. Un vrai “cauchemar”, d’après une vendeuse dans un lycée de Yaoundé. “Depuis que l’école est fermée, je ne sais pas quoi faire. Je n’ai pas d’autre endroit où vendre mes beignets. Dans mon quartier, il y a déjà des femmes qui le font”, décrit-elle. Chez Hermine, vendeuse au Lycée de Ngoulmekong (Yaoundé IV), c’est le noir : «L’interruption de nos commerces a été brusque. Et ce n’est pas du tout facile pour nous qui sommes habituées à interrompre nos activités en juin, après les examens officiels”, dit-elle, avant d’ajouter: “sans cette activité, on survit seulement».

    Même situation à l’Université de Yaoundé I. Boutiques et restaurants sont hermétiquement fermés. Astreint au service minimum, le seul café ouvert peine à maintenir son chiffre d’affaires. “Je travaille habituellement avec quatre personnes, mais aujourd’hui, et jusqu’à nouvel ordre, je ne travaillerai qu’avec une seule personne”, explique M. Abé, propriétaire des lieux. Dans ce contexte, difficile d’engranger des bénéfices. La preuve, brandit-il, “mon chiffre d’affaires a chuté de 98 %”. Malgré cela, l’homme n’est pas prêt à prendre congé, puisqu’il faut satisfaire sa clientèle, désormais réduite aux seuls personnels administratifs et assimilés.

    Cosmétiques et autres
    À un taxi de là, précisément au Marché central, la situation semble stable, pour le moment. Mais les dires des uns et des autres présagent une flambée des prix dans les prochains mois. C’est le cas des produits cosmétiques, des jouets d’enfants, des vêtements, etc. Sur le même sujet, des commerçants rencontrés au marché Mokolo entrevoient, eux aussi, une inflation. “La situation est compliquée, et je pense que si ça continue ainsi, les prix vont augmenter. Et ça risque d’être encore plus difficile, dans un contexte où il n’y a même pas déjà assez d’argent en circulation”, confie Éric, vendeur des produits de beauté.

    Pourtant, lors d’une concertation entre Luc Magloire Mbarga Atangana, ministre du Commerce, et les acteurs de l’import-export et de la grande distribution, on a appris qu’il n’y a pas de raison que naisse une spéculation. Parce que, ont brandi les exportateurs, les différents stocks peuvent permettre l’approvisionnement du marché camerounais pendant quatre mois encore. Et pour s’en convaincre, le Mincommerce s’invite dans les magasins et boutiques pour déjouer les tours des inflationnistes.

    L’agroalimentaire bien portant
    De tous les secteurs, seul l’agroalimentaire peut se targuer de tenir le coup. Il en a pour un bon moment encore. À ce titre, “le coronavirus n’est pas une menace au Cameroun”, affirme Luc Magloire Mbarga Atangana, ce 11 mars 2020 à Yaoundé, aux côtés des importateurs qui s’en vantent. À contrario, le ministre camerounais du Commerce présente la situation comme une opportunité pour son pays. En effet, explique-t-il, “cette épidémie peut faire baisser les prix de certains produits parce que la demande dans les pays producteurs est faible”.

    Entre le 1er janvier et le 3 mars 2020, on a enregistré près de 41 000 tonnes de poissons importés et plus de 100 000 tonnes de riz qui comptent parmi les produits les plus consommés au Cameroun.

    Joseph Julien Ondoua Owona (Stagiaire)

     

    Lutte contre le coronavirus

    La Banque mondiale prescrit une synergie d’actions

    Avec des milliers de morts à son actif à travers le monde, le Covid19 est désormais l’épée de Damoclès qui plane sur l’économie mondiale. La situation est inquiétante. Ce d’autant plus que, «personne ne peut dire avec certitude quel sera l’impact économique réel de cette flambée épidémique. Il y a encore trop d’inconnues : durée de l’épidémie, nombre de pays touchés et capacité des pays à se mobiliser durablement pour apporter une réponse coordonnée et concertée rapide» indique Ceyla Pazabasioglu. Dans un billet publié le 09 mars 2020 sur le site de la Banque mondiale, la vice-présidente pour le pôle Croissance équitable, Finance et Institutions (EFI), de cette institution financière, fait une analyse de la situation qui prévaut dans le globe depuis décembre dernier.

    A l’en croire, il faut mettre un terme à la propagation de la maladie le plus tôt possible. Auquel cas, l’économie mondiale va s’écrouler. «Les chaînes de valeur mondiales, qui représentent près de la moitié des échanges mondiaux, commencent à pâtir de la fermeture d’usines et du redémarrage tardif de l’activité. Viennent ensuite les flux financiers étrangers, qui pourraient fuir les pays touchés par le coronavirus.

    Puis le capital humain et financier national, de plus en plus sous-utilisé avec l’arrêt des usines et le confinement des travailleurs chez eux. Il s’agit ensuite du secteur touristique et du voyage, touché de plein fouet par la baisse de la demande et des restrictions de déplacement toujours plus contraignantes, alors qu’il constitue pour de nombreux pays en développement une source importante de revenu. Et, pour finir, l’effondrement des cours des matières premières, qui va pénaliser les pays en développement tributaires de ces recettes essentielles», énumère le haut cadre de l’a société internationale.

    Dans ce contexte de haute tension, seule une réponse rapide, coordonnée et ambitieuse peut permettre de préserver les vies humaines et d’atténuer les préjudices économiques, écrit l’économiste turque. Ouvertement, l’institution de Bretton Woods appelle les gouvernements à travailler ensemble pour éradiquer cette menace commune. «Les gouvernements doivent se garder de toute tentation protectionniste, qui ne fera qu’exacerber les perturbations dans les chaînes de valeur mondiales et accentuer une incertitude déjà grande. Surtout, ils doivent éviter de restreindre les exportations de denrées alimentaires et de produits médicaux vitaux pour, au contraire, rechercher ensemble des solutions visant à accroître la production et la satisfaction des besoins là où ils sont les plus critiques», lit-on.

    Dans cette lancée, les pays développés doivent commencer à apporter leur aide bienfaisante aux pays de l’Afrique noire frappés de plein fouet par le mal.

    De son côté, la Banque mondiale rassure. Selon Ceyla Pazabasioglu, «Les pays en développement peuvent compter sur le Groupe de la Banque mondiale pour les aider à prendre les mesures nécessaires». D’ailleurs, l’institution internationale a déjà débloqué 12 milliards. Et elle ne compte pas s’arrêter à ce niveau, si les gouvernements sont favorables à son appel à la mutualisation des forces.

    Pour rappel, cette pandémie intervient dans un contexte où, l’économie mondiale commençait juste à redémarrer après la troublante crise financière de 2009.

    Joseph Julien Ondoua Owona (Stagiaire)

  • Télécommunications : D’entre les ogres

    Télécommunications : D’entre les ogres

    Avec l’arrivée d’un quatrième opérateur, le secteur est en voie d’être bousculé par une concurrence acharnée, bonne pour faire évoluer les pratiques et baisser les prix.

    Instant de remise des documents au DG de la Camtel.

    Depuis le 12 mars 2020, la Cameroon Telecommunications (Camtel) est habilitée à offrir au public de nouveaux services. Selon les clauses de trois conventions qui lui ont été octroyées par l’État, l’opérateur historique jouit d’un nouveau statut juridique qui renforce ses attributions. Celles-ci, a souligné Louis Paul Motaze, ministre des Finances (Minfi), se déclinent en l’établissement et l’exploitation de réseaux de communications électroniques fixe, mobile et de transport. En termes clairs, l’entreprise que dirige Judith Yah Sunday pourra se déployer dans la téléphonie mobile et le transfert des fonds.

    Craintes
    En face, chez d’autres opérateurs, des appréhensions se signalent en petits comités. Titulaire de trois titres d’exploitation, Camtel est déjà soupçonnée de non-transparence, voire de corruption ou de gestion non équitable des opérateurs dans les segments qui leur sont propres. Dans le fond, la société est désormais passée au scalpel compte tenu de sa position dominante sur l’échiquier de l’offre des services de télécoms au Cameroun. Pour mieux comprendre, la structure, en plus d’émarger au portefeuille de l’État depuis sa création, va continuer le développement du téléphone fixe et l’exploitation de la fibre optique. «C’est un peu trop!», peste un cadre en service chez Orange Cameroun.

    Développée par les multinationales déjà présentes sur le terrain, une autre crainte s’articule autour des prix des offres. «On va inévitablement assister à une guerre des prix, et c’est normal!», ironise un cadre de MTN Cameroon. «Mais, prévient un ingénieur de Nextell, le dernier-né des opérateurs risque bien de voir ses ventes décoller au-delà des attentes». Et de fait, les opérateurs, qui ne peuvent rivaliser avec les prix annoncés par Camtel, misent sur une montée en gamme de leurs offres.

    En effet, selon des sources proches de la Direction générale de Camtel, cette structure ne reculera devant rien pour brader ses prix sur lesquels ses concurrents misaient pour se différencier. «Nous sommes animés par une vraie volonté de changer les choses même si cela va plomber les marges des autres», assure-t-on. Fin 2019 à Yaoundé, Judith Yah Sunday l’avait d’ailleurs dit, pour esquisser sa feuille de route 2019-2025: «Nous centrons notre action sur deux piliers. Le premier (Customer centricity) met le client au centre de toutes nos préoccupations. Le second (Change management) se concentre sur la gouvernance et sur le modèle managérial. Le tout pour exploiter pleinement les avantages concurrentiels de l’entreprise».

    Personne ne sera malheureux
    C’est du moins ce que croit le Britannique Ovum. Rapportées par l’équipementier suédois Ericsson, les projections de ce cabinet (spécialisé dans l’analyse stratégique de l’industrie des réseaux et des télécommunications) montrent que sur la période 2017-2021, les parts de marché de MTN Cameroon vont baisser de 6%. Cette situation, signale Ovum, profitera à Orange Cameroun, qui grignotera près de 3% de parts supplémentaires. Dans le même temps, Nexttel (Nom commercial de Viettel) engrangera 15%.
    Dans la foulée, Camtel, qui se vante de disposer d’un patrimoine infrastructurel important, compte mettre les petits plats dans les grands afin de fructifier ses investissements.

    Joseph Julien Ondoua Owona (Stagiaire)

  • Cameroun-Bad : Vers de nouveaux horizons

    Cameroun-Bad : Vers de nouveaux horizons

    Une mission d’information de l’institution bancaire africaine a séjourné au Cameroun du 2 au 6 mars 2020 ; à l’effet de passer en revue le climat économique du pays ainsi qu’un certain nombre de dispositions de la coopération avec le Cameroun.

    Les administrateurs de la Bad en plein échange avec le Minepat le 2 mars 2020 à Yaoundé

    Yaoundé a accueilli une forte délégation des membres du Conseil d’administration de la Banque africaine de développement (Bad). Les administrateurs de l’institution bancaire sont venus pour se faire une idée de l’évolution de l’environnement économique du Cameroun. La délégation était conduite par Freddy Matungulu, administrateur pour le Cameroun, le Burundi, la République démocratique du Congo, et le Tchad. Quatre jours durant, ils ont fait le tour des administrations publiques en charge des questions économiques, question d’évaluer un certain nombre de réformes entreprises au Cameroun.

    Endettement, croissance…
    Le 2 mars dernier, la délégation de la Bad a été reçue par Alamine Ousmane Mey. Avec le ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (Minepat), plusieurs sujets ont été explorés. Ceux-ci vont des informations sur le niveau d’endettement du pays, la croissance, en passant par le portefeuille des projets développés et leur évolution.
    En réponse à ces préoccupations, le Minepat a indiqué que le taux de croissance tournait autour de 4,1% au Cameroun alors que la dette, se situe à 38% du produit intérieur brut (Pib).

    Une performance louable selon l’ancien Minfi. Parce que, a-t-il indiqué, cette dette est en deçà de la norme préconisée par le Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique centrale Cemac). Par ailleurs, Alamine Mey s’est félicité des efforts de son pays. «Tout est mis en œuvre pour contrôler le niveau d’endettement de manière à ce que cela ne porte pas atteinte aux objectifs du pays», a-t-il conclu. Du côté de la Bad, l’adhésion n’est pas complète. Parce que, il y a encore à faire.

    Dans leur recherche d’informations, les administrateurs de la Bad ont scruté le ministère des Finances. Louis Paul Motaze et ses hôtes ont également passé en revue l’état des relations entre leur institution et Yaoundé. Et, celles-ci sont jugées bonnes. Les échanges ont également porté sur les efforts que fournit le Cameroun dans la conduite du grand programme de réformes financières et économiques soutenues par le Fonds monétaire international au titre de la Facilité élargie de crédit. À ce sujet, le chef de délégation de la Bad s’est montré satisfait. D’autant plus que, a-t-il indiqué, les autorités camerounaises ont réussi à faire passer au Conseil d’administration du FMI, la 5e revue de ce programme qui permettra à leur pays de maintenir un cadre macro-économique approprié aux investissements et à la croissance.

    Bons partenaires
    Après 47 années de coopération, le Cameroun et la Banque africaine de développement sont restés de bons partenaires. Entre 1972 et 2019, la Bad a financé près de 114 opérations camerounaises, à hauteur de 2 360 milliards de francs CFA (FCFA). Selon le site de la Banque africaine de développement, «au 31 décembre 2019, le portefeuille de la Banque au Cameroun comprenait 35 opérations totalisant des engagements d’environ trois milliards dollars américains», soit 1 680 milliards FCFA. Il s’agit de 23 projets dans le secteur public, sept dans le secteur privé, et sept autres dans les opérations régionales. Pour rappel, le tout premier projet financé par l’institution bancaire sur le sol camerounais date de 1972. Il s’agit de la construction du terminal de l’aéroport international de Douala.

    Joseph Julien Ondoua Owona (stagiaire)

    Commerce

    Les entrepreneurs Camerounais à l’école de l’efficacité

    Réunis le 7 mars 2020 à Yaoundé, commerciaux et chefs d’entreprises ont été édifiés sur les techniques de la vente.

     

    Initiée par l’école de création des richesses, la rencontre du 7 mars dernier intervient dans le cadre des Journées de l’entreprenariat éthique du Cameroun (Jec). Elle avait pour objectif de donner aux participants de nouvelles orientations sur les moyens pertinents d’écouler leurs produits. Ainsi, la salle de conférences prévue à cet effet a fait le plein. Chefs d’entreprises, marketeurs, commerciaux et autres acteurs de la vente des biens et services sont venus se ravitailler auprès de Philippe Tagne, le célèbre Président-directeur général des supermarchés DOVV implanté au Cameroun.

    Les clés d’une vente
    Les débats ont convergé vers un thème : «les clés d’une vente efficace». On retient que la vente est «un cercle fermé». Pour cette raison, chaque vendeur doit tenir compte d’un certain nombre de paramètres s’il veut prospérer. Notamment, l’environnement. Dans ce sillage le pouvoir d’achat est un facteur capital. Compte tenu de leurs revenus des individus d’une certaine caste sociale ne peuvent se permettre un certain luxe. A ce facteur, s’ajoute le contexte dans lequel on évolue. Et à ce sujet, Philipe Tagne a été clair: même le plus grand vendeur ne peut vendre des biscuits pour chats dans un quartier où ces bêtes sont plus consommées qu’elles ne sont animaux de compagnie.

    Autre clé, la validité des produits. Selon l’expert en commerce, la fréquence d’achat est fonction des produits. Pour certains, elle est annuelle alors qu’elle est journalière pour d’autres. Vu sous cet angle, le vendeur de chaussure n’écoulera pas ses produits de la même manière que la vendeuse de beignets. Les besoins n’étant pas les mêmes pour le consommateur. C’est la raison pour laquelle le conférencier a rappelé à ses séminaristes de tenir compte des types de milieux. Entre autres facteurs de la vente efficace qu’a énuméré l’entrepreneur, il y a la maîtrise de la consommation. le vendeur doit donc vérifier si les produits qu’il écoule sont réellement consommés, et pas seulement acheté.

    Parce que «le consommateur reste le seul patron», Philippe Tagne a demandé à chaque commercial de «puiser dans ce qu’il est pour proposer ses produits», tout en gardant à l’esprit que «l’objectif ultime n’est pas de vendre au client mais de résoudre un problème» auquel est confronté ce dernier.

    JJOO

    La maturation des projets

    Talon d’Achille du Cameroun

    Bien que ses efforts soient appréciés par la Bad, le Cameroun a encore beaucoup à faire au niveau du murissement des infrastructures implémentées par la Bad sur son sol. Cas du barrage hydroélectrique de Memvé’élé

     

    Alamine Ousmane Mey, gouverneur de la Bad pour le Cameroun a bien failli passer à côté des dix milliards FCFA offerts par l’institution bancaire à la sous-région pour la période 2019-2021. Comme pour ses pays voisins d’Afrique centrale, le murissage des projets reste un problème épineux dans la chaussure de la coopération Bad-Cameroun. Cela se manifeste par la production au rabais de l’infrastructure, dont les effets escomptés ne sont pas produits. Ce qui nécessite des investissements supplémentaires. Il y a aussi la sous-évaluation de l’exécution financière qui entraine l’abandon du projet ou la recherche de nouveaux financements ; tout comme la sous-évaluation des obstacles physiques sur l’emprise de construction (géographie) du projet.

    Memve’ele
    Dans ce registre, s’inscrit le projet de barrage hydroélectrique de Memve’ele. Dans l’une de nos parutions antérieures sur le financement de la Bad au Cameroun, l’ouvrage est identifié comme l’illustration parfaite du manque de maturation des projets financés par l’institution financière au Cameroun. Il s’agit d’une infrastructure construite par la société chinoise Sinohydro. Cet ouvrage énergétique, d’un montant total de 420 milliards de francs CFA, a été financé en majorité par un prêt d’Eximbank China, pour environ 243 milliards de francs CFA, contre 112 milliards de francs CFA pour la Bad et 65 milliards de francs CFA pour l’État du Cameroun. Et, il devait fournir 211 MW.

    Bien que sa construction soit achevée en 2017, la mise en service du barrage hydroélectrique de Memve’ele pose des soucis. Du fait, «d’un faible débit des eaux, seules deux turbines tournent et produisent 100 MW». Afin de pallier cela, il a été préconisé «la construction d’un barrage-réservoir en aval. Celui-ci va procurer un débit fort et régulier afin de permettre une production optimale», lit-on sur le site du Journalintegration.com, édition du 20 mai 2019.

    À ce sujet le confrère agenceecofin.com précise qu’«une évaluation des travaux des ouvrages d’évacuation d’énergie (OEE) et des essais de montée en puissance au niveau de la centrale hydroélectrique sont en cours par la Sonatrel afin d’augmenter la puissance à 75 MW ». De la même source, on apprend que les infrastructures d’évacuation devraient s’achever d’ici la fin d’année 2020.

    Même après sa livraison en 2017, l’infrastructure a continué d’engloutir des milliards. La période finale du financement des constructions d’évacuation s’élève à 9,5 milliards FCFA. Du fait de ces incessants financements, «l’aménagement hydroélectrique de Memve’ele est cité, par la Banque mondiale, comme l’un des projets camerounais, dont les coûts sont deux à six fois supérieurs à ceux réalisés dans les pays ayant le même niveau de développement que le Cameroun», écrit agenceecofin. Pour tout dire, le Cameroun a encore du chemin à faire s’il veut bénéficier continuellement du financement de l’institution bancaire africaine basée en Côte d’ivoire.

    JJOO

  • Produits halieutiques et autres : La flambée des prix, une épée de Damoclès sur le Cameroun

    Produits halieutiques et autres : La flambée des prix, une épée de Damoclès sur le Cameroun

    Du fait de l’interdiction de l’importation des denrées alimentaires en provenance de la Chine et autres pays touchés par le coronavirus, le coût du poisson et de la viande pourrait augmenter sur l’étendue du territoire.

    Le poisson et la viande bientôt en cher et en hausse au Cameroun.

    Bien qu’aucun cas de la maladie ne soit déclaré au Cameroun jusqu’ici, le pays est en voie de subir les affres du coronavirus sur son économie. En effet, le Cameroun aussi fait partie des pays qui ont dû suspendre les échanges commerciaux avec la chine et d’autres nations touchées par l’épidémie. À cause de cela, il risque de payer le prix fort.

    Certaines denrées alimentaires, pourtant très consommées, verront leur coût grimper sur le marché. L’information, contenue dans une note publiée par l’Institut national de la statistique, est rapportée par le site d’information agenceecofin.com, édition du 28 février 2020.

    Poisson
    Parmi les aliments qui pourraient désormais être de moins en moins accessibles dans les prochains jours, il y a le poisson. Selon une note de l’Institut national de la statistique, l’interdiction, début février, de l’importation des produits halieutiques frais ou congelés va engendrer la hausse des prix de cette denrée alimentaire au Cameroun d’ici quelques jours.

    Or, nous apprend l’INS, la Chine constitue le deuxième fournisseur du Cameroun en poissons, avec près de 19,6%. Ce qui revient à dire que les mégalopoles camerounaises devront se contenter de consommer le strict minimum. Il s’agit de 50,6% de poisson que leur fournissent la Mauritanie et le Sénégal, en plus des 12,9% en Europe (Irlande), avec à la faible production locale estimée à 292 675 tonnes en 2018. Selon le ministère de l’Élevage, des Pêches et des Industries animales (Minepia), le Cameroun importe 200 000 tonnes de poissons par an, soit 170 milliards FCFA chaque année. Malgré cela, la demande reste forte dans le pays. L’INS l’estime à 400 000 tonnes par an.

    La viande importée
    Entre autres produits qui connaitront une flambée des prix, il y a également la viande. Dans un communiqué signé le 3 février 2020, Dr Taïga annonce la suspension, «jusqu’à nouvel ordre», de la délivrance «des avis techniques d’importation d’animaux vivants, de produits d’origine animale et halieutique frais ou congelés et non manufacturés», issus «des pays abritant des foyers actifs» du coronavirus. Ce n’est pas tout. Dans la même note, le ministre de l’Élevage, des Pêches et des Industries animales (Minepia) du Cameroun appelle ses collaborateurs à «prendre toutes les dispositions nécessaires pour maintenir la veille sanitaire active des services vétérinaires sur toute l’étendue du territoire national, et de renforcer les mesures d’inspection et de contrôle sanitaire vétérinaire aux frontières portuaires, aéroportuaires et terrestres, ainsi qu’aux différents postes de contrôle sanitaire».

    S’il y a augmentation des prix, cela aura une incidence sur le taux d’inflation cette année. En effet, l’INS a annoncé que l’inflation pourrait se replier au Cameroun autour de 2% en 2020, contre 2,5% en 2019. L’épidémie chinoise pourrait encore impacter davantage le climat économique du pays, si elle perdure.

    Joseph Julien Ondoua Owona (stagiaire)

     

  • Reboisement : Le Cameroun manque à ses engagements

    Reboisement : Le Cameroun manque à ses engagements

    En 2019, le pays affiche 0% de réalisation en termes de plantation forestière.

    Bien que résolu à lutter contre la déforestation, le Cameroun a manqué à ses engagements en 2019. Sur les 200 hectares de plantation que le ministère en charge des Forêts a prévu de créer sur l’ensemble du territoire l’année dernière, aucun bourgeon n’a été mis en terre. C’est précisément ce qu’a révélé Joseph Nnongwé, le 17 janvier 2020. Ce jour-là, le secrétaire général du ministère des Forêts et de la Faune (Minfof) dressait le bilan des activités de l’année 2019, lors de la traditionnelle cérémonie de présentation des vœux à Jules Doret Ndongo.

    Tensions de trésorerie
    À en croire joseph Nnongwé, aucun m2 de plantation forestière n’a été créé, à cause des lenteurs administratives. D’ailleurs, «les procédures sont en cours pour le déblocage des financements de 2018», va-t-il justifier. Dans la même lancée que son collaborateur, Jules Doret Ndongo va indiquer que cette situation est due aux tensions de trésorerie qu’imposent les conflits sociopolitiques dans les régions du Noso (Nord-Ouest et Sud-Ouest), ainsi que dans l’Extrême-Nord.

    En 2018, le Minfof promettait de planter plus de 550 000 arbres dans le pays, grâce à un financement de 600 millions FCFA. Ainsi, 40% de cette plantation étaient prévues pour les régions du septentrion (Adamaoua, Extrême-Nord, Nord) menacées par l’avancée du désert, tandis que les 60% restants seraient répartis dans les sept autres régions du pays. Compte tenu de la performance zéro enregistrée en 2019, le Cameroun, en termes de reboisement, n’a pas bougé.

    Depuis 2006, année de lancement de la campagne de reboisement, seuls quatre millions d’arbres ont été plantés dans le pays sur 30 000 hectares, indique le ministère en charge des Forêts.

    Joseph Julien Ondoua Owona (stagiaire)

  • BVMAC : Une opportunité pour l’économie sous régionale

    BVMAC : Une opportunité pour l’économie sous régionale

    La culture boursière s’incruste en zone Cemac

    L’unification des marchés financiers de la Cemac ne suffira pas à faire de la sous-région un espace économiquement dynamique. En effet, les pays de l’Afrique centrale ont encore du chemin à faire en la matière. C’est du moins, ce que laisse entendre Charles Etoundi.

    Selon cet analyste financier, très peu de personnes parviennent réellement à cerner les enjeux de la bourse des valeurs dans cet espace communautaire. «Nous n’avons pas encore une culture de patrimoine, une culture boursière, une culture de gestion des actifs». Cela, ajoute-t-il, se justifie davantage par la présence d’entreprises «familiales» dans les pays de la communauté.

    Réticence
    Parce qu’elles sont des entreprises familiales, très peu d’entre elles sont prêtes à s’engager sur le marché financier sous-régional. En réalité, explique l’écrivain les entrepreneurs de la sous-région maitrisent très mal la cotation en bourse. À ce sujet, indique Dr Alban Lukang de la faculté des Sciences juridiques et politiques de l’université de Yaoundé II, «une étude menée sur 1000 entrepreneurs locaux démontre que 80 % d’entre eux sont au courant de l’existence de la Bvmac, mais ignorent en quoi elle consiste et quels peuvent être ses apports à leurs activités». Par conséquent, ils craignent de perdre leurs entreprises si jamais ils entrent en bourse. Pour tout dire, l’Afrique centrale est caractérisée par le manque de la culture boursière.

    Formation en bourse
    Et pour pallier ce gap, l’essayiste camerounais recommande que soient formés les différents acteurs intervenants dans la chaine boursière. Il s’agit notamment des consommateurs, des entreprises et des administrations. Dans le même élan, Charles Etoundi pense qu’il faut former les citoyens de la Cemac sur la culture boursière. Et cela, précise-t-il, doit commencer par les écoles. «Je pense que les universités et les grandes écoles devraient intégrer ce volet formation pour tous les étudiants».

    Joseph Julien Ondoua Owona (stagiaire)

    L’auteur en pleine dédicace spéciale.

    À Yaoundé, le 26 février 2020, lors de la dédicace de son livre, Charles Etoundi, analyste financier, a démontré le réel enjeu de l’unification des bourses de l’Afrique centrale.

    L’unification de la Douala Stock Exchange et de la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale sonne le glas de l’économie de la Communauté. On le retient des explications de Charles Etoundi. Face au public le, 26 février dernier à Yaoundé, l’auteur du livre «Fusion des bourses de valeurs mobilières en Afrique centrale, enjeux et opportunités» a présenté la thèse qu’il soutient dans cet essai, paru il y a quelques semaines.

    Entreprises
    Dans son ouvrage, l’analyste des marchés financiers présente et explique les mécanismes de la bourse des valeurs de la sous-région. D’ailleurs, l’expert brandit la bourse comme un modèle économique futuriste à même de combler les difficultés de financement des entreprises. «L’entrepreneur ou le propriétaire d’une PME qui a besoin de financement va résoudre son problème grâce à la bourse. Son entrée en bourse lui permet d’obtenir des financements. Et il les obtient en augmentant son capital. Parce que, plus il augmente son capital, plus il alimente son entreprise avec les fonds propres. Parce qu’il fait une émission d’actions, et les gens viennent acheter ces actions. L’argent qu’il recueille devient le capital de l’entreprise, c’est-à-dire les fonds propres que l’entreprise peut investir dans ses plans de fonctionnement. Voilà exactement ce que le propriétaire d’une PME obtient», explique-t-il.

    Affranchissements des États
    Dans le même sens, Charles Etoundi explique que la BVMAC de Douala va permettre aux États membres de la Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) de s’affranchir des financements extérieurs souvent conditionnés. «La fusion des bourses vient concrétiser la libre circulation des capitaux, tout en affranchissant les États et les acteurs des multiples conditionnalités souvent liées aux financements bilatéraux et multilatéraux», soutient-il.
    Parce que son œuvre vient démystifier le principe de bourse de valeur très mal connu, l’essai de Charles Etoundi marque un point.

    Dans sa posture de critique, Protais Ayangma Amang, auteur de la préface de cet ouvrage à caractère pédagogique, ne dit pas le contraire.

    Pour lui, le livre intervient «… au moment où les lignes commencent enfin à bouger avec la décision de fusionner les deux bourses de l’Afrique centrale (…)». Même si, pense-t-il, il faut prolonger la pensée de l’auteur.

    Déclinée en trois grandes parties, l’œuvre publiée aux éditions Les Presses de l’Ucac s’étend sur 237 pages. Dans la première partie, il retrace la marche de la Cemac vers le marché financier. Dans la deuxième, Charles présente le modèle de marché et de financement alors que dans la dernière partie, le natif d’Awae propose quelques solutions salutaires à la bonne appropriation des mécanismes du marché financier.

    Joseph Julien Ondoua Owona (stagiaire)

     

    Les bonnes feuilles

    «Après une observation de la scène sous-régionale ces dix dernières années, tant sur la structure que l’origine et la qualité du financement de l’activité économique, nous sommes encouragés par la position de plus en plus claire de la volonté politique relative à la situation des Bourses des valeurs en Afrique centrale. Un désir d’unification est exprimé par les acteurs institutionnels du système financier et les États. La décision des politiques a, après de longues tergiversations, aboutie à un consensus sur le fonctionnement d’un seul marché financier dans la sous-région.

    La fusion des bourses de Libreville et de Douala prise comme prétexte, il est permis sans que cela soit un optimisme béat, de croire que l’économie et le marché financier vont permettre à l’Afrique centrale de faire sa mue vers la construction d’une nation sous régionale objective et d’une Afrique centrale financièrement libérée. La question étant d’une grande importance, les bourses de Douala et de Libreville pouvaient-elles véritablement coexister dans une logique concurrentielle ou mieux fusionner dans une synergie d’actions et d’opérations, pour faire usage de leur potentiel commun, générateur de financements à long terme?»

    «… en matière de financement, il se poursuit un travail de coaching technique et financier international, malheureusement source de pesanteur exogène, pour les pays de la sous-région Afrique centrale en particulier. Cette démarche confine ces derniers à de médiocres performances. Il était tant que toute la zone se constitue en un bloc et formule un ensemble de politiques de convergences suffisamment sincères, gage de capitalisation de cette puissance économique participative célébrée dans le discours. L’on ne peut s’empêcher de relever quelques avancées à travers des actes concrets, non seulement du point de vue de la libre circulation des personnes et des biens, mais aussi par l’unification des marchés financiers.

    La fusion des bourses vient concrétiser la libre circulation des capitaux, tout en affranchissant les États et les acteurs des multiples conditionnalités souvent liées aux accords bilatéraux et multilatéraux. Le marché financier est donc la place où l’on vend des sociétés, lesquelles sont, avant toute autre considération, un capital social réunissant les actionnaires. Il n’y a pas de société sans capital social. Ainsi, la zone se doit d’utiliser ses pleines capacités de financement disponible dans les États de la Cemac, avec une projection vers la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Ceeac), les investissements directs étrangers et ceux de la diaspora. Ce qui fera de la bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale une plateforme à travers laquelle l’épargne et les investissements des particuliers sont canalisés dans les propositions d’investissement productif permettant la formation du capital…»

    Résumé: «l’avènement du marché financier communautaire en Afrique centrale est une bonne nouvelle et donne à croire au potentiel économique de la Cemac, longtemps ignoré par les acteurs internes et externes. L’ouverture bien tardive de la sous-région au marché financier comme outils modernes de financement des entreprises et de l’État offre de réelles opportunités pour les acteurs. Mais tout accouchement se faisant avec douleur, l’avènement d’une bourse commune s’est faite dans un contexte de rivalité et égos nationaux ayant conduit à la création de deux bourses: une à Douala au Cameroun et l’autre à Libreville au Gabon.

    La Douala Stock Exchange (DSX) et la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC) ont révélé des limites dans l’animation du marché par un nombre limité d’introduction des valeurs d’entreprises, et enregistré de bons points en termes d’appels publics à l’épargne, plusieurs emprunts ayant été expérimentés avec succès. Le besoin de financement étant constant, le secteur privé en particulier et le Cameroun, leader de la Cemac, aspirent à un actionnariat qui permettra aux citoyens de participer à la construction de la croissance et d’en partager les fruits par la valorisation boursière des actifs. Le marché peut offrir un financement direct à l’économie pour laquelle la bourse constitue un moyen efficace. Les premiers pas de ce marché constituent donc un enjeu important. Car, son appropriation nationale au niveau de chaque État membre n’est pas chose acquise. La volonté politique expressive doit impérativement se traduire en actes, pour ainsi transformer le potentiel de la Cemac en opportunités.»

     

    Charles Etoundi

    Mais, il y a un véritable travail d’éducation à faire, parce que la culture boursière n’existe pas en Afrique centrale. Il faut bien qu’on y arrive.

    Analyste financier et auteur du livre Fusion des bourses de valeurs mobilières en Afrique centrale, enjeux et opportunités décrypte la situation actuelle marquée par l’unification de l’Afrique centrale.

     

     

    «Il faut que l’entrepreneur soit formé»

    Au-delà de tout ce qui a été dit au sujet de la BVMAC, proposez-vous une nouvelle grille de lecture de sa fusion?
    De mon point de vue, la fusion des deux bourses devrait être abordée, pour être mieux comprise, à deux niveaux. D’abord, il faut savoir que s’il y a eu retard, le retard ne peut pas être dans le processus en tant que processus de fusion. Mais c’est davantage le retard des politiques à pouvoir se décider à aller à la fusion. Je pense que dès le départ, on n’aurait pas dû créer deux bourses parce que lorsque la Douala Stock Exchange nait en 2001, il y avait déjà problème. Mais sur le plan technique, on avait décidé que le siège de la bourse serait au Cameroun, précisément à Douala.

    Mais le Cameroun a décidé, une fois la réunion de Libreville terminée, de créer une bourse au Cameroun. On peut observer que les mêmes problèmes qui ont conduit à la création de deux bourses en Afrique centrale ont constitué ce qu’on peut considérer comme un retard des politiques. Parce qu’en fait, le politique avait un rôle essentiel à jouer à ce niveau. Sur ce plan-là, il s’agissait d’arriver à la décision qui était déjà appuyée par tous les experts. Il me souvient qu’en 2006, la Banque mondiale avait déjà demandé qu’on puisse commencer à intégrer les deux marchés financiers, parce c’était une ambigüité qu’on trouve deux marchés financiers dans un espace économique aussi réduit.

    À cette époque, cela a créé ce que ça a créé, et aujourd’hui, après moult tergiversations on est parvenu à la décision de créer une bourse communautaire, et c’est cela que je peux considérer comme un retard. Mais le processus en lui-même en tant qu’opération de fusion c’est un processus à mon sens qui a réussi. Parce qu’elle a tenu compte des instances qui étaient en jeu. Et je rappelle qu’il y avait trois entités qui étaient en jeu. D’abord les institutions de service public, qui était la Commission des marchés financiers du Cameroun et la Cosumaf.

    À un autre niveau, c’étaient les institutions financières, c’est-à-dire, le dépositaire central et au troisième niveau, les entreprises de marché qui étaient la Douala Stock Exchange et la BVMAC. Je dois dire que pour ces deux entreprises de marché, la fusion était plus complexe. Compte tenu des délais qui avaient été donnés à l’équipe chargée de mener les opérations de fusion au plan technique, je dirais que cette opération a été réussie, vu que les délais ont été tenus. Sauf qu’il y avait plusieurs possibilités de parvenir à une seule entreprise de marché.

    En effet, au niveau des institutions, ça ne posait pas trop de problèmes à tout remettre à la Cosumaf, qui avait la primeur sur les activités au niveau de la Cemac. Mais au niveau de l’entreprise de marché, il y avait plusieurs possibilités de fusion. Mais celle qui a été choisie n’est pas mauvaise. Parce qu’il y a eu absorption par la société qui avait une dimension communautaire, c’est-à-dire la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale.

    Cette absorption a été faite avec une reconfiguration du capital qui permettait de réunir à la fois le capital de la Douala Stock Exchange et celui de la BVMAC. Et il y a eu augmentation du capital avec une émission d’un certain nombre d’actions. Mais ce que je déplore, et je pense que ça aurait dû être un cas d’école, c’est-à-dire une action qui devait avoir un sens pédagogique pour le marché en lui-même, c’est qu’on aurait dû faire une ouverture du capital en lançant une souscription publique.

    En effet, dans la mesure où les décisions communautaires sont applicables de manière directe, s’imposent aux États et donc au niveau de la Cosumaf et de la Commission des marchés financiers, la Cosumaf avait une primeur sur la Commission des marchés financiers. Encore que la Cosumaf était issue de la décision communautaire d’intégration. Elle s’imposait donc totalement à l’État. Ce qui veut dire qu’il n’y avait pas de problème à ce niveau. On a simplement annulé la CMF au Cameroun et coté l’entreprise de marché qui est installée et qui devait donner une autre dimension à cette opération. Peut-être avec les délais, l’équipe chargée de la fusion n’a pas jugé vraiment nécessaire de lancer ladite opération. Je pense que le processus n’est pas encore achevé, et à ce niveau, il y a encore des attentes.

    Ne pensez-vous pas que finalement il se pose un problème de pédagogie qu’il faut mettre en œuvre pour que la bourse soit véritablement opérationnelle?
    Il y a effectivement un travail à la fois de sensibilisation d’éducation, de formation à faire à tous les niveaux. En effet, si en Afrique centrale, on découvre le marché financier à partir des années 2000, puisque la Douala Stock Exchange nait en 2001 et la BVMAC en 2003, leur activité commence effectivement dans les années 2006. Alors que dans des zones comme l’Afrique de l’Ouest, c’était dans les années 1971.

    Il y a véritablement un travail d’éducation et de formation à faire, et cela constitue un problème, parce que ça n’a pas encore commencé. Normalement, il était dit qu’à partir du 30 juin 2019, un certain nombre d’opérations devaient être entreprises. Mais étant donné que le marché est nouveau et que les services mêmes du marché sont encore en train de s’installer, on espère que les gens chargés d’assurer les volets communication, formation et promotion du marché feront effectivement leur travail. Mais, il y a un véritable travail d’éducation à faire, parce que la culture boursière n’existe pas en Afrique centrale.

    Il faut bien qu’on y arrive. Le marché financier est un lieu stratégique à la fois pour les États et pour les entreprises et même monsieur tout le monde. Nous n’avons pas encore une culture de patrimoine, une culture boursière, une culture de gestion des actifs. Je pense que les universités et les grandes écoles devraient intégrer ce volet formation pour tous les étudiants. Chaque entreprise devrait avoir un personnel formé sur les activités du marché financier, car toute entreprise qui veut grandir a une voix au niveau de la bourse. Si l’entrepreneur introduit sa société en bourse, il faut que ledit entrepreneur lui-même soit formé.

    Au niveau de la mise en œuvre, la faute ne revient-il pas aux dirigeants qui n’appliquent pas véritablement cette disposition de l’Acte additionnel de 2018 dont vous parlez?
    Effectivement, à ce niveau, il y a quelque chose à déplorer. Parce que normalement, dès la publication de l’Acte additionnel, les États avaient un délai de 24 mois. Ce délai a expiré. Donc, aujourd’hui, les États sont dans une situation complexe. Mais au moins, dans la constitution du capital de l’entreprise des marchés qui est la BVMAC, les États ont souscrit effectivement à leur 30%. Chaque État devait souscrire à un volume de 5% du capital, et donc, pour six États, on a 30%, ce qui a été fait. Mais il y a cette instruction qui demande aux États de mettre en place des actifs réglementaires qui permettent à toutes les entreprises qui ont une certaine envergure de s’introduire dans le marché financier. Rien n’a été entrepris jusque-là, car aucun État n’a voté une loi qui, justement, détermine le cadre ou alors le niveau des entreprises qui doivent faire leur introduction en bourse.

    Est-ce que vous avez l’impression que la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale pourra, un jour, atteindre le niveau des autres bourses dont nous avons connaissance de par le monde?
    Effectivement, toute activité a besoin d’être soutenue. La bourse de l’Afrique centrale a face à elle un potentiel énorme. Je déplore qu’on n’émette pas beaucoup, qu’on ne crée pas assez. Dans la création monétaire, par exemple, il y a ce qu’on appelle la contrepartie. Vous ne pouvez pas créer de la monnaie sans la contrepartie. Et en Afrique centrale, on ne crée pas beaucoup. Je prends le cas de la dernière loi sur les zones économiques au Cameroun, qui date de quelque temps. Je constate qu’aucune zone économique n’a véritablement été créée au Cameroun. Pourtant c’est un potentiel.

    Si vous prenez le cas du Gabon, lorsqu’il y a eu la loi de création de la Zone économique, cette entité, qui est cotée en bourse, a fait un emprunt obligataire de cette zone économique du Gabon. Donc, si on crée au Cameroun, deux, trois ou quatre zones économiques, ça peut se créer davantage. Voilà un potentiel. Il y a le nombre d’entreprises qui est là, il y a même l’exploitation des ressources naturelles au Cameroun et en Afrique centrale. Tout cela devrait intéresser le marché financier. Et c’est de là que viennent les fonds et les financements qui donnent une attractivité à un marché financier. Lorsqu’on veut atteindre un certain niveau dans un marché financier, il faut qu’il y ait une volonté à la fois politique et même législative.

    Parce que l’État qui fait les lois à la possibilité d’orienter l’activité économique d’un pays. Il y a le potentiel, il faut seulement donner à ce potentiel une chance d’être véritablement exploité. Et le marché financier aura tout son sens parce qu’il est adossé à une activité économique. Si l’activité économique se porte mal, le marché aussi se portera mal. Si elle est robuste, le marché aussi le sera. Mais, quand vous jetez un regard sur la dématérialisation des valeurs mobilières, vous voyez qu’elle a un objectif qui est celui de permettre à l’État de déterminer le volume du capital qui est investi dans les entreprises au Cameroun.

    Aujourd’hui, pour créer une entreprise, il faut aller voir un notaire qui vous dresse un acte de création qu’on publie dans le journal d’annonces officielles. Et tout cela n’entre dans aucun fichier global. La dématérialisation a pour objectif de recréer toute l’information dans la constitution du capital, pour le volume du capital investi dans les entreprises. Et cela permet à l’État de déterminer la capacité de financement interne d’un pays, de dire quel est l’apport direct dans la constitution du capital au Cameroun. Aujourd’hui, tous les marchés financiers se digitalisent pour la cotation.

    La cotation est même désormais électronique; la bourse est désormais en ligne, tout comme les ordres, les transactions, le crédit. La bourse en ligne prend de plus en plus d’ampleur dans toutes les places financières. Par conséquent, si la bourse est en ligne et les valeurs mobilières sont physiques, cela n’aura aucun sens. Donc il faut bien que la dématérialisation soit effective pour mieux alimenter le marché, parce que le marché se développe dans les transactions dématérialisées qui sont faites en ligne.

    Alors, s’il fallait s’adresser à l’entrepreneur le plus bas, qu’est-ce qu’il gagne en entrant en bourse?
    L’entrepreneur ou le propriétaire d’une PME qui a besoin de financement va résoudre son problème grâce à la bourse. Son entrée en bourse lui permet d’obtenir des financements. Il les obtient en augmentant son capital. Parce que, plus il augmente son capital, plus il alimente son entreprise avec les fonds propres. Parce qu’il fait une émission d’actions, et les gens viennent acheter ces actions. L’argent qu’il recueille devient le capital de l’entreprise, c’est-à-dire les fonds propres que l’entreprise peut investir dans ses plans de fonctionnement. Voilà exactement ce que le propriétaire d’une PME obtient.

    Il faut toutefois relever que la bourse c’est la crème de l’entreprise. Ce sont les meilleures entreprises qui sont cotées en bourse. Et lorsque vous êtes coté en bourse, vous avez une valeur aux yeux de vos partenaires, parce que lorsqu’on traite avec votre entreprise, on ne la cherche pas. Pour la retrouver, il suffit de faire une recherche sur le web en tapant «bourse de l’Afrique centrale» pour que votre entreprise apparaisse. Et là, on peut vous faire confiance. Donc il y a cette valorisation de l’entreprise par le marché financier et cette valorisation est à deux niveaux: la valorisation en termes de valeur économique, puisque que si vous êtes bien coté et que vos actions augmentent tous les jours. Cela aura des conséquences pour votre entreprise.

    Elle sera désormais crédible auprès de ceux qui souhaitent vous accorder des financements. Même lorsque vous allez demander du crédit à la banque, le fait que vos actions aient une valeur croissante de l’ordre de 15, 20 % par an peut amener le banquier à vous accorder le crédit. Quel que soit le bailleur de fonds que vous sollicitez, il va vous accorder le crédit. Donc la bourse attribue une valeur économique à l’entreprise. Mais aussi, il y a la visibilité pour la promotion de votre entreprise. Parce qu’on la verra partout, parce que la bourse constitue également une vitrine pour l’entreprise. Voilà à trois niveaux, ce que peut gagner un entrepreneur.

    Mais comme je le disais, il faut que le concerné soit suffisamment formé sur les mécanismes de la bourse pour qu’à chaque fois, lui-même soit capable de maitriser les activités de ce marché et ne pas courir le risque de perdre son entreprise. Parce que si d’autres personnes viennent mettre plus d’argent que lui dans son entreprise, forcément il sera minoritaire, voire même dépossédé de son entreprise.

    Doit-on s’attendre à des extensions de ce document?
    J’avoue que lorsque j’ai terminé cette publication, je me suis rendu compte que je n’avais fait que commencer quelque chose qui devrait se poursuivre. D’abord le marché financier en lui est très dynamique. Ce qui veut dire que ce qui a été dit aujourd’hui peut évoluer demain. Parce que le marché financier exige des adaptations et lorsque le nôtre va évoluer, il faudra bien expliquer aux gens ce qui a évolué. Et le travail va continuer certainement.

    Propos recueillis par
    Jean René Meva’a Amougou

  • Crise anglophone, affaire Kamto… Paris éternue, Yaoundé s’enrhume

    Crise anglophone, affaire Kamto… Paris éternue, Yaoundé s’enrhume

    Interpellé par un activiste camerounais, Emmanuel macron dit être résolu à forcer la main à Paul Biya au sujet de la crise anglophone. De son côté, Yaoundé met en garde contre les fausses allégations du quidam.

    Un président français n’a jamais été aussi direct sur les affaires politiques au Cameroun comme l’a fait Emanuel Macron. Le 22 février 2020, un activiste camerounais, présent au Salon de l’agriculture de Paris, a profité de la visite du président français pour solliciter son soutien contre le régime de Yaoundé au sujet de la crise anglophone et notamment des morts de Ngarbuh dans le village de Ntumbo, (survenu le 14 février dernier). En réaction, le président de la République française a fait des promesses. «Je vais appeler la semaine prochaine le Président Biya et là, on mettra le maximum de pression pour que cette situation cesse. Je suis totalement au courant et totalement impliqué sur les violences faites aux Cameroun et qui sont intolérables. Et vraiment, je fais le maximum», a-t-il indiqué.

    La France paternaliste
    La France s’est souvent prononcée sur la crise sociopolitique du Noso. En effet, le 30 juillet 2019, le gouvernement français se montrait très préoccupé par la situation sociopolitique au Cameroun. Paris avait d’ailleurs dit conjuguer des efforts «pour convaincre le gouvernement camerounais de prendre des initiatives en vue d’un règlement politique durable de la crise».
    La tuerie de Ngarbuh (nord-ouest Cameroun) est du pain béni pour Paris, dans sa pression sur Yaoundé. Surtout que, selon le locataire de l’Élysée, son homologue d’Etoudi ne fait pas grand-chose pour solutionner la crise. «j’ai dit au président Paul Biya d’ouvrir le jeu, il doit décentraliser, il doit libérer les opposants politiques, il doit faire respecter l’État de droit. Je mettrai tout ce qui est en mon pouvoir pour le faire. Je veux vraiment que vous le sachiez», a promis Macron.

    Affaire Kamto
    A l’en croire, ce n’est pas la première fois qu’il contraint le président de la République du Cameroun à revoir ses décisions. Il a dit l’avoir déjà fait pour la libération de Maurice Kamto, président du Mrc (Mouvement de la renaissance pour le Cameroun). « J’ai mis la pression sur Paul Biya pour qu’il traite le sujet de la zone anglophone et ses opposants. Je lui avais dit que je ne voulais pas le recevoir à Lyon, tant que Maurice Kamto n’était pas libéré. Et il a été libéré parce qu’on a mis la pression. Et là, la situation est en train de se re-dégrader », a confessé Emanuel Macron.

    La réaction de Yaoundé
    Dans un communiqué rendu public ce dimanche 23 février 2020, au journal de 20h de la radio nationale CRTV, le porte-parole du gouvernement camerounais a réagi suite à la vidéo qui défile dans la toile. Tout en dénonçant les «contrevérités proférées par ce prétendu activiste», le ministre René Sadi réfute la moindre «inféodation» du Cameroun à la France. Et pour cause, précise le communiqué, «des sollicitations émanant d’amis anciens et sûrs n’est nullement céder à des pressions».
    Par ailleurs, le gouvernement de John Ngute demande à ses partenaires «de ne point accorder du crédit à des activistes, des aventuriers ou des forcenés manipulés et instrumentalisés, avides de notoriété, et dont les menées ne visent qu’à nuire à l’image du Cameroun, à la stabilité de nos institutions, à la paix et la cohésion nationales, au risque d’être piégés et de faire preuve d’une candeur voire d’une inimitié susceptibles de porter préjudice aux bonnes relations du Cameroun avec ces pays et partenaires, et auxquelles le Cameroun attache du prix», précise la note signée de René Emanuel Sadi, ministre de la communication.

     

    Joseph Julien Ondoua Owona (stagiaire)

  • Surveillance multilatérale : Le Cameroun évalué par la Cemac

    Surveillance multilatérale : Le Cameroun évalué par la Cemac

    Depuis le 10 février 2020, une mission de surveillance multilatérale de l’institution sous régionale séjourne dans le pays pour s’enquérir de la situation économique.

     

    Après avoir fait des recommandations lors de leur passage au Cameroun en juillet 2019, la délégation conduite par Jean-Claude Nguemeni revient sur ses pas. Du 10 au 21 février 2020, le directeur de la surveillance multilatérale de la Cemac et son équipe vont s’entretenir avec les pontes de l’économie camerounaise. Il est question de voir si toutes les grandes orientations de politique économique (Gope) des États membres et de la Communauté pour 2020 sont appliquées au Cameroun.

    Objectifs
    Au cours de son séjour en terre camerounaise, le démembrement de la Cemac doit précisément inspecter les perspectives économiques du pays pour 2020 et 2021 et faire l’évaluation de l’état de conformité du Cameroun en 2019 aux critères de convergence de la Communauté. «Nous allons également profiter pour évaluer les dispositions qui sont prises au niveau national pour la conclusion de la 6e revue du programme avec le FMI. Nous verrons également la mise en œuvre d’autres recommandations qui avaient été prises ici en novembre 2019 par les chefs d’État, notamment à poursuivre la coopération avec les institutions financières internationales au terme des programmes qui vont arriver à échéance», explique-t-il. Ce n’est pas tout. La mission multisectorielle envisage aussi d’examiner l’implémentation des différentes réformes structurelles engagées, ainsi que quelques divers piliers du Programme des Réformes économiques et financières de la Cemac.

    Contexte
    À bien regarder, cette visite de l’équipe de surveillance se prête au contexte actuel dans le pays. Effectivement, le Cameroun est marqué par la persistance de la crise sociopolitique dans le NOSO (Nord-ouest/Sud-ouest), sans oublier les attaques de la secte terroriste Boko Haram dans le septentrion. À cela, s’ajoute l’interruption temporaire de l’activité de raffinage par la Sonara (Société nationale de raffinage) suite à l’incendie survenue dans ses unités de production le 31 mai 2019.

    Au-delà de ce tableau sombre, se trouvent des projets qui méritent une meilleure orientation. Il s’agit de la mise en service de grands projets structurants tels que le Port en eau profonde de Kribi, le deuxième pont sur le Wouri et les entrées ouest et est de la ville de Douala. On a également la poursuite de la transposition dans la législation nationale des directives du Cadre harmonisé de gestion des finances publiques de la Cemac.

    On note également l’adoption par le gouvernement de la stratégie nationale de développement 2020-2030 et l’achèvement par le Conseil d’administration du FMI (Fonds monétaire international), le 22 janvier 2020, de la cinquième revue du programme du Cameroun au titre de la Facilité élargie de crédit.

    Joseph Julien Ondoua Owona (Stagiaire)

    Jean Claude Nguemeni 

    4,9% de croissance pour le Cameroun en 2020

    Les explications du directeur de la surveillance multilatérale à Commission de la Cemac.

     

    «Les perspectives macro-économiques du Cameroun sont globalement favorables». C’est en ces mots que Jean Claude Nguemeni a résumé la situation globale de son pays face à la presse le… février 2020.

    Pour lui, l’économie camerounaise pourrait enregistrer un taux de croissance de plus de 4 % au cours de cette année. «Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, les efforts ont été consentis dans le cadre du maintien de la croissance économique, puisque le ralentissement de la croissance s’est estompé en 2018, avec un taux de croissance de 4,1 % contre 3,5 % en 2017 et on prévoie environ 4,9 % pour ce qui est de 2020.»

    Si le Camerounais n’a pas mentionné les facteurs de cette grimpée du taux de croissance, il est clair que le taux de progression de l’économie du pays en 2020 sera supérieur à celui enregistré au cours des années antérieures. Puisque, «dans le cadre du rapport définitif de surveillance multilatérale 2018 et perspectives pour 2019, l’économie camerounaise continuait d’enregistrer une certaine résilience avec une croissance que nous avons prévue à cette époque à 4,1 %, tout comme en 2018».

    Réduction du déficit budgétaire et solde
    En dressant le bilan des années antérieures, l’ingénieur statisticien a fait observer que le climat économique camerounais s’améliore peu à peu. «Nous avons constaté une forte réduction du déficit budgétaire, mettant ainsi en œuvre les mesures de consolidation budgétaire qui avaient été prises lors de la Conférence des chefs d’État de décembre 2016 à Yaoundé. Le déficit budgétaire étant parti de 6,4 % du PIB en 2016 à pratiquement 2,3 % en 2018 et ainsi resté pratiquement au même niveau en 2019».

    JJOO

  • Guerre hybride : La menace qui pèse sur l’Afrique

    Guerre hybride : La menace qui pèse sur l’Afrique

    Depuis plus d’une décennie, l’Afrique connaît une pléthore de conflits, allant des soulèvements aux génocides, en passant par des attaques terroristes, des manipulations, des guerres sécessionnistes et des coups d’État. Selon le professeur Nkolo Foé, enseignant des universités et chercheur, ces guerres, perpétrées par les bandes armées et autres mouvements de soulèvements populaires, sont commanditées par des institutions internationales. Leur visée est de déstabiliser les pays africains pour instaurer l’anarchie totale où règneront mort et désolation. À l’en croire, tout cela participe de la guerre hybride, c’est-à-dire une nouvelle forme de conflits qui vise la destruction de la hiérarchie sociopolitique.

    En Afrique, cela se manifeste par des manipulations de l’opinion publique à travers les réseaux sociaux et les médias. Le but est d’inciter les populations à se soulever contre leurs dirigeants qualifiés de dictateurs. Et ces derniers temps, les peuples africains semblent plus que jamais déterminés à éjecter les «dictateurs» de leurs sièges.

    Pour parvenir à cet objectif, des mécanismes de financement sont mis en place par les commanditaires du chaos en Afrique. Il s’agit des activités illicites criminelles: trafics d’ossements et d’êtres humains, commerce de stupéfiants de toutes sortes qui poignent dans les pays africains actuellement. Lesdites activités permettent ainsi de financer l’achat des équipements, de procéder au recrutement des mercenaires, de corrompre les autorités locales, etc.

     

    Frappé de plein fouet par le terrorisme et les guerres sécessionnistes, le continent noir subit les outrages des ONG et autres instances internationales, rongées par le désir de contrôler les ressources du sous-sol africain.

    «La guerre hybride» en débat

    Les États d’Afrique sont menacés de destruction par des institutions internationales. On l’a appris le 29 janvier 2020, du philosophe chercheur camerounais Nkolo Foé. Au cours d’une conférence-débat qu’il a donnée sur le thème «Guerre hybride et théorie du fragment: un défi pour les sciences sociales et les cultures en Afrique», l’homme de science a mis à nu les idéologies sordides entretenues par des instances internationales tapies dans l’ombre.

    À l’en croire, tous les conflits armés qui endeuillent des milliers de familles africaines actuellement ne sont pas des faits anodins. Ce sont des scènes qui participent d’une nouvelle forme de guérilla: la guerre hybride. «Les crises qui secouent actuellement les régions du golfe de Guinée, du sahel, du Maghreb, présentent tous les symptômes d’une guerre hybride, entendue comme aspect essentiel d’une économie néolibérale, qui s’est répandue au cours de ces dernières décennies pour défendre son régime décadent».

    Objectif
    Les crises précédemment indexées sont multiformes. Parce qu’elles sont politiques, sécuritaires, identitaires, elles se manifestent par la prolifération des bandes armées, l’intensification des activités terroristes, la montée en puissance des mouvements insurrectionnels de type séparatistes. L’objectif est d’assassiner purement et simplement les États d’Afrique, garants de la justice sociale, au profit de l’anarchie et du chaos. Dans leurs pensées tordues, les commanditaires de ces crimes envisagent de mieux piller les richesses du sous-sol.

    Milices non identifiables
    Pour parvenir à décapiter les États africains, soutient le philosophe, les organismes tapis dans l’ombre s’adonnent à la pratique du terrorisme. Et pour mieux opérer sans se faire identifier, les multinationales, donneurs d’ordre aux milices, optent pour des groupes armés hétérogènes. On peut donc comprendre pourquoi, poursuit l’enseignant, on ne parvient pas à découvrir l’identité réelle de la secte Boko Haram, des djihadistes du Mali, des bandes de RCA, etc.

    L’éducation spoliée
    Déstabiliser les régimes africains passe également par l’aliénation de l’éducation. En ce sens, les principaux acteurs des guerres hybrides se montrent particulièrement efficaces en Afrique.

    Selon l’ancien vice-président du Codesria (Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique), plusieurs théories élaborées contre les systèmes étatiques sont promues dans les écoles et universités. C’est ce qui explique que plusieurs intellectuels critiquent les régimes de leurs pays, et vont jusqu’à insulter les dirigeants, sans toutefois proposer mieux. En réalité, soutient-il, ces «pseudo intellectuels» sont programmés pour détruire leurs pays de l’intérieur en suscitant une haine contre leurs régimes dans leurs pays respectifs. Et cela, explique-t-il, constitue des théories philosophiques postcoloniales consistant à remettre en question les régimes africains. C’est à ce titre qu’on peut aujourd’hui avoir des intellectuels tels que Patrick Nganang (Camerounais) et autres, qui soutiennent la mort des États dont ils sont originaires.

    Joseph Julien Ondoua Owona (Stagiaire)

     

    Les pays africains victimes de leur développement 

    À Yaoundé, il a été établi que les États victimes d’exactions représentent des modèles en termes de démocratie et de développement.

     

    Contrairement à ce qu’une certaine opinion laisse entendre, l’avènement des conflits en Afrique n’est pas la conséquence de la mal gouvernance. Ce postulat est celui que défend le Pr Nkolo Foe, enseignant-chercheur en philosophie, à l’École normale. Ce 29 janvier, face à un parterre de chercheurs, journalistes et étudiants, l’homme de sciences n’est pas allé par quatre chemins pour déconstruire les thèses infondées. Face à lui, le Pr Ndzie. L’enseignant d’histoire, lui aussi, soutient que la mal gouvernance tient un grand rôle dans la guerre hybride dont sont victimes les régimes africains.

    Malversations
    Pour cet historien avisé, les pays africains souffrent de ce phénomène à cause de la mal gouvernance, de la corruption, des malversations financières et autres mauvaises pratiques observées dans ces pays. Pour davantage s’en convaincre, l’enseignant prend l’exemple des crises au Cameroun, nées selon lui de la forte promiscuité et du manque d’infrastructures dans le pays. Ce que l’orateur principal ne partage pas.

    Guerre capitaliste
    Question: S’il y avait eu une gouvernance qui permet d’avoir les écoles partout dans nos pays, est-ce que les phénomènes tels que Boko Haram seraient nés? OUI, renchérit le philosophe. À bien comprendre, la guerre hybride qui sévit en Afrique actuellement n’a rien à voir avec la gouvernance. Elle est plutôt le fait d’institutions étrangères dont la cupidité est sans fin. D’ailleurs, brandit-il, si les États africains sont ainsi visés par la guerre hybride, c’est parce que le sous-sol des pays du continent noir regorge d’un grand nombre de richesses. C’est une guerre capitaliste, nous apprend-on.
    Ce n’est pas tout. Parlant de la gouvernance en Afrique, le professeur d’université estime que les pays africains sont mieux gérés que partout ailleurs dans le monde. Prenant le cas du Mali, le scientifique va affirmer que c’est l’un des États les plus démocratiques en Afrique. Pourtant, poursuit-il, ce pays est en train de sombrer dans le chaos.
    Poursuivant son argumentaire, l’homme va indiquer que les théories selon lesquelles l’Afrique a une mal gouvernance sont tout simplement le fait de la guerre hybride. Il est question des manœuvres de manipulations pures et simples, visant à retourner les peuples africains contre leurs dirigeants.

    Joseph Julien Ondoua Owona (Stagiaire)

     

    «Le but des attaques terroristes est de précipiter l’effondrement des régimes africains»

    Pr Nkolo Foe

    c’est précisément parce que ces États sont mieux gérés et qu’ils font des progrès extrêmement rapides qu’ils sont la cible des guerres hybrides

    L’enseignant chercheur en service à l’École normale supérieure de Yaoundé a donné une conférence-débat sur le thème: «Guerre hybride et théorie du fragment: un défi pour les sciences sociales et les cultures en Afrique». Il revient sur les sources des guerres dont souffrent les pays africains ces dernières années.

     

    «Guerre hybride et théorie du fragment: un défi pour les sciences sociales et les cultures en Afrique». Tout au long de votre exposé, vous avez parlé de guerre hybride. Que doit-on comprendre, professeur?
    Le concept de guerre hybride est apparu il y a une vingtaine d’années, à la faveur de l’occupation de l’Irak par l’armée américaine. Les guerres hybrides désignent les nouvelles formes de conflits qui opposent, non plus les États ou les entités politiques, mais les communautés culturelles. Il y a actuellement dans le monde en général et en Afrique particulièrement, un processus de culturalisation. C’est-à-dire que les conflits qui à l’origine étaient politiques prennent une coloration culturelle ou religieuse. C’est la raison pour laquelle, nous parlons de la cléricalisation et la confessionnalisation des conflits. C’est aussi la raison pour laquelle ces conflits sont de plus en plus insolubles ou du moins difficiles à régler. Parce qu’il s’agit des conflits d’identité qui opposent des entités culturelles. Pour ces dernières, l’harmonie entre les peuples, les groupes ethniques et les communautés linguistiques est impossible, au nom de ce qu’ils appellent l’incommensurabilité des cultures.

    Quel peut être l’objectif de ce que vous décriez?
    Avec des guerres hybrides, l’objectif c’est le démantèlement des États, des nations, des communautés, pour mettre en place des sociétés réduites à leur plus simple expression, organisées autour de l’ethnie, autour de la tribu, de la langue. C’est la raison pour laquelle en Afrique, dans certains États comme au Cameroun, il y a des gens qui parlent d’un fédéralisme à dix États, d’un fédéralisme communautaire.

    Et à ce niveau, je pense qu’il s’agit là d’une régression. En effet, l’humanité a progressé par le rassemblement des hommes, le rassemblement des cultures, mais également le rassemblement des peuples; l’humanité est une. Cette humanité doit affirmer son unité à travers la construction de grands ensembles, de grands États continentaux, à l’exemple d’un État panafricain.

    Qu’est-ce qui vous fait dire que les conflits vécus en Afrique aujourd’hui sont le fait de la guerre hybride? Comment la reconnaitre?
    L’on reconnait la guerre hybride à certains faits. Il faut d’abord savoir que la guerre hybride est une guerre par procuration. Il s’agit d’une guerre menée par des groupes armés, des milices, au nom de certains États ou des groupes d’intérêts tels que les multinationales, les ONG et autres entités.

    Le deuxième trait caractéristique porte sur la nature multinationale des groupes armés. Dans les guerres hybrides, les États cibles font face à des individus recrutés dans plusieurs pays. Le caractère multinational des groupes armés permet de mieux dissimuler l’identité véritable des agresseurs et des commanditaires. On s’est souvent questionné sur l’identité véritable des mouvements insurrectionnels qui débarquent dans les pays. L’expérience et l’observation du phénomène ont permis de dégager une constance: les groupes armés impliqués dans des guerres hybrides opèrent souvent dans le strict anonymat ou sous une fausse identité. Il en est de même de l’équipement militaire sans estampille, dans le but de camoufler l’identité des agresseurs et des commanditaires. Par exemple, on peine aujourd’hui à savoir quelle est l’entreprise ou l’institution qui se cache derrière les mouvements sécessionnistes dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun.

    L’autre fait est que nous avons affaire à des milices sous-formées qui exercent un terrorisme sous faux drapeau. Le terrorisme sous faux drapeau est une composante essentielle de la guerre hybride, qui implique le recourt à une violence accrue pour atteindre des objectifs politiques, économiques et culturels.

    Les auteurs d’actes terroristes recourent aussi à la violence pour désorganiser la société, à travers l’informatique. C’est la raison pour laquelle on parle de cyberterrorisme. L’objectif est de créer un climat général d’insécurité et de terreur, en lançant des attaques sur les hôpitaux, les hôtels, les marchés. Ces actes peuvent également consister en l’intimidation, au harcèlement dans le domaine idéologique, culturel, intellectuel, spirituel, esthétique et même stratégique. On a comme exemple les cas de destruction des laboratoires, l’assassinat des chercheurs, etc.

    Je voudrais également faire allusion à des milices qui ont été formées pour harceler psychologiquement les autres citoyens, précisément les artistes et les personnes qu’ils soupçonnent de soutenir les «régimes dictatoriaux» africains. La plus célèbre en la matière est la Brigade anti-sardinards d’origine camerounaise qui s’est constituée suite à l’élection présidentielle du 7 octobre 2018 au Cameroun. Le but ultime des attaques terroristes, je le rappelle, est de déstabiliser psychologiquement les populations africaines et précipiter ainsi l’effondrement des régimes africains.

    La quatrième caractéristique est une guerre d’information, de la communication et de la cybersécurité. Toute guerre hybride authentique ne peut se passer de la guerre de communication et de l’information. Ceci consiste à contrôler la circulation des messages, de les orienter et de les dénaturer. L’on a découvert, il y a peu de temps, que la guerre hybride se manifeste avec la diffusion de fausses nouvelles que l’on appelle fake news, visant à désinformer, à manipuler l’opinion publique. Dans ce sens, les réseaux sociaux sont d’une véritable efficacité. N’oublions pas que ces ONG et institutions internationales disposent des moyens nécessaires pour prendre le contrôle des systèmes informatiques de nos pays.

    Vous identifiez la mal gouvernance comme l’une des causes de la guerre hybride. Pensez-vous que cela s’applique au cas de l’Afrique? La mal gouvernance est-elle la cause du terrorisme qui y sévit?
    Non. Ce que vous évoquez là fait partie des discours qu’on nous sert au quotidien. On entend souvent dire que nous sommes nous-mêmes à l’origine de ce qui nous arrive en Afrique. Par exemple, que Boko Haram est arrivée parce qu’on gère mal nos États; parce que, disent-ils, nous ne savons pas gérer, on ne démocratise pas les États. Je voudrais qu’on s’arrête sur le cas du Mali. Lorsque les djihadistes arrivent au Mali, ce pays est quand même l’un des États les plus démocratiques et l’un des régimes les plus vertueux que le continent africain n’ait jamais eus, sous le président Touré.

    Je pense qu’en Afrique, nous avons les États les mieux gérés au monde. Je suis totalement opposé à l’idée selon laquelle il n’y a pas de démocratie en Afrique. Je pense même que le degré de démocratie que nous avons dans nos États est rarement présent ailleurs. Je le dis parce que j’ai vécu dans les Amériques du Nord et du Sud, en Europe et en Asie. J’ai pu obtenir des poignées de comparaison. Et je constate que nos États sont parmi les mieux gérés. Mais il se trouve que c’est précisément parce que ces états sont mieux gérés et qu’ils font des progrès extrêmement rapides qu’ils sont la cible des guerres hybrides. Ce qu’il faut dire aux gens c’est que si la Libye a été détruite, c’est parce qu’elle était bien gérée. Il en est de même pour mon pays le Cameroun.

    Je pense que si le Cameroun est victime des guerres hybrides, c’est parce qu’il est bien géré sur les plans économique, politique, culturel, etc. il suffit de comparer nos États à d’autres pays pour comprendre que nos pays ne sont pas ce qu’on nous fait croire en matière de gouvernance. Permettez que je prenne le cas du gouvernement camerounais que je connais bien. Pourquoi les Camerounais ont-ils l’impression que le Cameroun est l’un des États les plus corrompus au monde? C’est parce que le gouvernement et la justice ont décidé d’être transparents. C’est l’un des rares pays au monde où l’on compte autant d’anciens ministres dans les prisons de la nation. Ailleurs, on n’en trouve pas.

    À vous entendre parler de guerre hybride, du point de vue de la cyber guerre, on s’interroge sur les bienfaits de l’informatique pour les États africains. L’informatique ne constitue-t-elle pas une arme de destruction massive?
    L’informatique a permis les progrès les plus fulgurants de l’humanité. L’évolution cybernétique est quand même quelque chose d’extraordinaire et que l’humanité même, dans les rêves les plus fous, n’aurait jamais imaginé. Grâce à l’informatique, l’espace s’est considérablement réduit. Bien sûr que l’impérialisme est passé par là. On a aujourd’hui la guerre hybride qui met ce canal à profit. Mais je voudrais surtout m’intéresser au côté positif de l’informatique. On ne peut vivre sans informatique. Parce que les progrès politiques, les progrès économiques, scientifiques, passent aussi par la maitrise de l’outil informatique. Bien entendu il faut se parer à toute éventualité. Dans ce sens, la Chine met actuellement sur pied un dispositif très efficace contre la cybercriminalité. Lorsqu’on appose des caméras dans des villes, il y a des systèmes de protection. J’ai des connaissances de nationalités chinoises qui m’ont dit récemment que «nous savons qu’en Afrique vous êtes vulnérable parce que la sécurité de vos données n’est pas garantie. On va vous doter de la 5G et là vous serez protégé. Je pense que l’informatique est une arme de destruction massive, mais elle apporte aussi des solutions aux maux qu’elle génère. Voilà ce que je peux dire à ce sujet.

    Quelles sont les propositions que vous formulez à l’endroit des dirigeants et des peuples africains pour résister à la guerre hybride?
    Il faut déjà un renforcement de nos États. Il y a le renforcement de forces armées, ça, c’est capital. Sans vouloir vanter mon pays, je pense que si le Cameroun résiste mieux que les pays d’Afrique de l’Ouest, c’est parce que le pays a la chance d’avoir une armée professionnelle, une armée bien formée, une armée bien équipée. Je crois que l’Afrique de l’Ouest, en particulier le Mali, le Burkina Faso, devrait s’inspirer du Cameroun. C’est l’un des pays africains qui résistent mieux à la guerre hybride en Afrique. À défaut de prendre l’exemple les uns des autres, les États africains doivent se regrouper et surtout résister.

    Propos recueillis par
    Joseph Julien Ondoua Owona

  • Décentralisation : Le Minfi avise contre l’effet domino

    Décentralisation : Le Minfi avise contre l’effet domino

    À Yaoundé le 31 janvier 2020, Louis Paul Motaze a mis ses collaborateurs en garde contre les doubles décaissements et surfacturations sur le dos du processus d’asssainissement des finances publiques au Cameroun.

    Louis-Paul Motaze

    Le message est clair : «la décentralisation ne doit pas apporter une juxtaposition des dépenses, c’est-à-dire sur des dépenses qui existent on en ajoute d’autres». Pour Louis Paul Motaze, le processus de décentralisation ne doit pas avoir raison de la discipline dans la gestion des dossiers y relatifs. Devant ses collaborateurs des services centraux et extérieurs, le ministre des Finances (Minfi) s’est arrogé la responsabilité de le dire clairement aux gestionnaires des dossiers relatifs au transfert d’au moins 15% des recettes annuelles de l’État aux Collectivités territoriales décentralisées (CTD), au titre de la dotation générale de la décentralisation. Il ne faudrait pas que celle-ci devienne un gouffre à sous.

    Pour 2020, Louis Paul Motaze a dit vouloir avancer avec des idées simples dans le mode opératoire de budgétisation, d’exécution et de suivi des ressources d’investissements publics transférées aux CTD. «Toutes les dépenses qui pourront être transférées vers les communes ou les régions, l’administration et les services centraux doivent mettre ces ressources à due concurrence. C’est-à-dire que si les ressources partent vers une commune, vers une région, il ne faut pas qu’on retrouve ces même ressources au niveau des services centraux si non, ça va être une addition des dépenses face à des ressources qui elles ne sont pas [suffisantes]», a-t-il énoncé durant la conférence annuelle des services centraux et extérieurs du Minfi. Déclinant l’objectif de sa pensée, le membre du gouvernement a instruit que des évaluations soient faites pour ressortir les crédits ayant fait l’objet d’exécution sur la base des pièces justificatives et d’annuler ceux dont aucune action en faveur de leur consommation n’a été initiée.

    Joseph Julien Ondoua Owona (stagiaire)

  • Pr Étienne Dassi : Le roi de la grammaire française est mort, vive le roi!

    Pr Étienne Dassi : Le roi de la grammaire française est mort, vive le roi!

    Depuis l’annonce du décès du chef de département de français de l’Université de Yaoundé I, sa famille universitaire durement éplorée exalte le défunt.

    «Nous sommes en deuil, le Pr Dassi nous a quittés!». À elle seule, cette annonce a suffi pour assombrir le ciel du département de Français de l’université de Yaoundé I. C’était le 17 novembre 2019. En cet après-midi, un délégué de niveau 4 se prêtait à l’exercice de l’oiseau de mauvais augure.

    Nouvelle choquante
    Comme une trainée de poudre, la nouvelle, accompagnée d’un nuage de tristesse, s’est répandue, laissant auprès de ceux qui l’ont connu, consternation et grincements de dents. Les réseaux sociaux étant devenus des moyens d’expression pour tous, plusieurs apprenants en ont envahi les plateformes.

    «C’est une bien choquante nouvelle que j’apprends là, mais je souhaiterais quand même savoir dans quelles circonstances ce décès a eu lieu, sans vouloir discréditer qui que ce soit svp», dixit un étudiant dans un groupe WhatsApp des étudiants de lettres modernes françaises. Celui qui, au départ, se montrait dubitatif, l’est moins, lorsqu’un autre délégué, auxiliaire de l’administration, rajoute: «Vraiment le départ du Pr Étienne Dassi crée un grand vide dans notre département, car il a œuvré de façon inédite; il a achevé sa course, bref c’est la disposition de Dieu, l’on ne peut faire autrement. Que la terre de nos ancêtres lui soit légère. C’est tout le département de Français qui est endeuillé. Les mots me manquent…». Tout est dit et la pluie de pleurs et de condoléances se déchaine.

    Sur la plateforme Facebook, l’effervescence est la même. «J’ai le cœur qui pleure et les nerfs qui coulent; grande est ma douleur, pour vous notre ampoule…», déclame celui qui se fait appeler Le Griot. Léon Souba, un étudiant, reste abattu par cette «disparition très tôt du chevronné professeur». Comme eux, plusieurs autres couchent leurs larmes dans les commentaires du réseau social.

    Hommage
    Du côté de l’institution universitaire de Yaoundé où le professeur d’essaimage de la langue française a officié jusqu’au moment de sa disparition, la douleur se lit sur les visages des uns et des autres. Ce 21 novembre au département de Français, le Pr Atangana Kouna, collaborateur du défunt, ne trouve pas les mots. Quelques étudiants rencontrés sur les lieux semblent unanimes: «le Père-là n’aurait pas dû mourir aussi tôt», dixit un disciple du disparu. De même avis que son compère, un autre étudiant ajoute: «Il est désormais de notre devoir de lui préparer un bel hommage. Alors, réunissons-nous».

    Le «roi de la grammaire»
    Directeur fondateur du laboratoire LNOU (Linguistique, Identité, Normativité et Ouverture), Pr Étienne Dassi était docteur de troisième cycle et docteur d’État ès lettres, par ailleurs professeur titulaire des universités en sciences du langage. Il aura su concilier son poste de chef du département de Français de l’université de Yaoundé I, à celui de «père», ami, conseiller, leader et bâtisseur au sein de la communauté universitaire.

    Pour avoir appris, compris et transmis des connaissances de la langue française, le promoteur de l’éthique du vivre ensemble aura conquis les cœurs de ses pairs dans le monde entier. Ses savoirs savants sur la dynamique, l’histoire, l’essaimage de la langue française l’ont hissé au trône. On l’appelait donc le roi de la grammaire française, et il restera gravé dans nos mémoires!

     

    Joseph Julien Ondoua Owona (Stagiaire)

  • Catastrophe de Gouachié : Le plaidoyer des urbanistes

    Catastrophe de Gouachié : Le plaidoyer des urbanistes

    Au cours d’un point de presse tenu le 8 novembre 2019 à Yaoundé, le Pr Yimgaing Moyo, président du Conseil de l’Ordre national des architectes-urbanistes du Cameroun, décline toute implication des membres de son organisation et revendique leur inclusion dans la planification urbaine.

    Des victimes de trop !

    Face à la presse le 8 novembre 2019, le Pr Yimgaing Moyo a été suffisamment clair. Selon lui, le drame de Gouachié était une «catastrophe prévisible», au regard du non-respect d’un certain nombre de précautions. La preuve, révèle-t-il, «il y a plus de 30 ans, la zone de Bafoussam fut déclarée zone à risque et interdite de construction». Pour lui, la présence d’habitation dans cette zone dangereuse constitue une entorse au règlement en matière de zones dites à risque.
    Puisque chaque partie doit prendre ses responsabilités, les experts en urbanisme prennent le contrepied d’une certaine opinion qui leur attribuait déjà une implication dans cette affaire. «Dans le contexte actuel, nous ne voulons pas assumer une responsabilité qui n’est pas la nôtre», a déclaré le Pr Yimgaing Moyo.

    Causes
    Pour les concepteurs de la ville, cet accident mortel est dû à un manque de vigilance de la part de certaines institutions. Il s’agit notamment des institutions chargées de la délivrance des autorisations de bâtir. Cas de Gouachié: «le problème de Bafoussam n’est pas dans la déclaration de zone à risque, mais au niveau de l’autorisation de construire. Le gouvernement doit empêcher les populations de construire dans des zones dangereuses», a soutenu le président du Conseil national de l’Ordre des architectes-urbanistes du Cameroun.

    Plaidoyer
    En tirant la sonnette d’alarme, les urbanistes camerounais, à travers leur président, reviennent sur le rôle qui est le leur, avant de lancer un appel à l’endroit du gouvernement camerounais pour instaurer une meilleure collaboration. «Les urbanistes ont leur rôle à jouer dans le développement du pays. L’ordre des urbanistes ne demande qu’à jouer ce rôle, si on nous en donne la latitude. Parce que ce n’est pas toujours le cas. Les urbanistes, qui sont les concepteurs de la ville, sont souvent relégués au rôle de techniciens. Or, ils sont formés pour concevoir. On est technicien certes, mais on est aménageur de ville… Il est donc nécessaire que les pouvoirs publics fassent appel aux urbanistes… nous n’avons pas le pouvoir régalien pour mettre en place une police des risques, pour décider de ce que doit être une ville. Pourtant, nous avons le rôle de conseil, nous voulons des villes équilibrées». L’objectif étant d’éviter des «homicides involontaires» comme ceux de Gouachié, a précisé Yimgaing Moyo.

    Joseph Julien Ondoua Owona (stagiaire)

    Yaoundé, énorme zone à risque 

    Selon le président du Conseil de l’Ordre national des architectes-urbanistes du Cameroun, derrière le calme apparent qui règne dans la capitale du Cameroun, se cachent plusieurs zones déclarées à risque.

    Le Pr Théodore Yimgaing Moyo (au centre) pendant la conférence de presse

    «Habitations sur des flancs de rochers, prolifération des dépôts pétroliers et stations d’essence… Nous avons des situations qui vont être, dans un proche avenir, dangereuses». À travers cette prévision, le Pr Théodore Yimgaing Moyo tire une sonnette d’alarme face à ce qu’il considère comme un calme apparent, parlant de la ville d’«Ongola» (Yaoundé en dialecte Ewondo). En effet, estime-t-il, comme plusieurs autres villes du Pays, la capitale politique est devenue une zone à haut risque.
    Au cours de son adresse le 8 novembre dernier au sujet du glissement de terrain ayant tué une quarantaine de personnes à Gouachié, l’expert ne va pas de main morte. Selon l’urbaniste, «l’évolution des paysages urbains [au Cameroun] montre clairement l’incapacité des acteurs à pouvoir penser et à réaliser la ville pour un développement cohérent, harmonieux et surtout équilibré». De ce fait, ajoute-t-il, le gouvernement est soumis à un «urbanisme de rattrapage (c’est-à-dire, le fait de chercher des stratégies à la hâte, au lendemain d’un drame)».

    Sites à risques
    Le siège des institutions du Cameroun comporte un trop plein de sites favorables à des hécatombes humaines. Parmi lesdits sites, il y a par exemple, le marché central et le marché Mokolo. Selon le Professeur Moyo, ces deux espaces commerciaux abritent des constructions anarchiques, favorables à un grave incendie: aucune distance de sécurité respectée, branchements électriques mal construits, etc.

    Autre site d’hécatombe, le quartier Mont Fébé (Fébé village) situé sur le flanc de la colline éponyme. Pour le président des architectes-urbanistes, c’est un quartier dans lequel la vie de la masse populaire ne tient qu’à un fil. Selon lui, ceux qui ont bâti leurs maisons sur les collines sont des personnes nanties disposant des moyens nécessaires. En implantant les fondations desdites maisons dans ces roches, ils laissent libre cours à l’eau de circuler dans la roche pour stagner vers les zones basses du flanc. Ce qui, à coup sûr, occasionne un éboulement au bout d’une certaine période. Or, c’est précisément dans cette zone du quartier Fébé que réside la majeure partie des populations.

    Ce n’est pas tout. Il y’a également le problème des dépôts pétroliers. «Comment est-il possible que dans chaque coin de rue qu’on ait des stations-service. Imaginez un seul instant qu’une seule de ces stations-service prenne feu, il n’y aura pas assez de gens pour pleurer les morts», regrette l’urbaniste. Le plus dramatique, assure-t-il, c’est le non-respect des moindres règles de sécurité. La preuve, autour de ces distributeurs d’essence, foisonnent des commerces (vente de poisson braisé, de maïs braisé, des cigarettes…)

  • Croissance en zone Cemac : La BEAC projette 2,7 % en 2019

    Croissance en zone Cemac : La BEAC projette 2,7 % en 2019

    En 2019, l’économie mondiale ne sera pas au mieux, mais celle des pays de la Cemac a des perspectives relativement bonnes.

    Abbas Mahamat Tolli, le gouverneur de la Beac

    2,7 %, c’est à cette barre que la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) situe le taux de croissance au cours de cette année dans cette zone. Abbas Mahamat Tolli, qui fait cette annonce ce 8 novembre 2019 à Yaoundé, dit s’inspirer des relevés de la situation économique et monétaire récente dans la sous-région.

    Rapportant les travaux de la 3e réunion ordinaire du Comité de politique monétaire (CPM) Du 08 novembre dernier, le gouverneur de la Banque centrale avise: «dans l’exercice d’évaluation du climat économique de la Cemac, les experts ont raisonné de façon paramétrique».

    Les commentaires qu’il en fait confirment davantage le chiffre de 2,7% contre 1,8% en 2018. La suite révèle que dans la sous-région, en 2019, l’inflation se maintiendra à 2,5% (contre 2,2% en 2018), bien en dessous du seuil communautaire fixé à 3%. Débitée par Abbas Mahamat Tolli en posture de président du CPM, la gamme de bonnes nouvelles s’arrête sur le solde budgétaire base engagements. Pour 2019, un excédent de celui-ci remonterait à 0,8% du PIB, contre 0,3% en 2018.

    En ce qui concerne le creusement du déficit du compte courant, le gouverneur de la BEAC informe qu’il passe de 2,7% du PIB en 2018 à 3,6% en 2019. Dans l’espace communautaire, projette-t-il, l’on devrait assister à une expansion de la masse monétaire de 8,3%, pour un taux de couverture de la monnaie qui, lui, se situerait autour de 68,5% à la fin 2019.

    Maintien
    En possession d’autres indicateurs sur le fonctionnement du marché monétaire et des facteurs de risques pesant sur la stabilité monétaire, le Tchadien dévoile: «les taux d’intérêt des appels d’offres, de la facilité de prêt marginal, celui de la facilité de dépôt ainsi que les coefficients des réserves obligatoires restent inchangés». Le CPM a décidé de les maintenir respectivement à 3,50%, 6%, 0% et 7%. Bon à savoir: le taux de 4,5% sur les exigibilités à vue et à terme est également maintenu.

    Pour amortir les chocs conjoncturels et développer les investissements, l’institution bancaire sous-régionale dit continuer de resserrer sa politique monétaire en vue de faire remonter ses avoirs de réserves à un niveau adéquat, soit à un niveau minimal correspondant à 3 mois de couverture des importations de biens et services et du service de la dette publique extérieure.
    Au-delà, Abbas Mahamat Tolli précise que le CPM a soutenu les mesures envisagées par la BEAC pour résorber la liquidité excédentaire des banques.

    Dans le registre des annonces, on retient que durant la réunion de ce jour, les actions de la Banque centrale ont été actées. Le but de ces actions est de renforcer le secteur financier et améliorer le fonctionnement du marché interbancaire. Les projets de textes du cadre réglementaire révisé relatif au taux global, à la répression de l’usure et à la publication des conditions de banque dans la Cemac ont aussi été validés. En outre, la charte de bonne conduite des acteurs du marché monétaire de la sous-région a été adoptée. Plusieurs projets de textes réglementaires encadrant le fonctionnement du marché des valeurs ont également été validés.

    Bobo Ousmanou

    Réglementation des changes

    Les entreprises extractives coopèrent à la mise en œuvre

    Parce que très contraignante, la nouvelle ligne contraint ces compagnies à s’arrimer à ses exigences.

     

    Abbas Mahamat Tolli et Daniel Ona Ondo étaient à Washington le 18 octobre dernier. Dans la capitale américaine, le gouverneur de la BEAC et le président de la Commission de la Cemacont enfourché la trompette pour l’urgence économique du moment dans la sous-région: la mise en œuvre de la réglementation des changes. En guise de compte-rendu, Abbas Mahamat Tolli ouvre, ce 8 novembre 2019 à Yaoundé, les coulisses du séjour américain des deux personnalités aux journalistes. «Cette expédition avait pour objet la sensibilisation de la communauté des affaires».

    Aux premières loges de cette communauté des affaires se trouvaient d’éminents acteurs de la Corporate Council on Africa et de la Chambre de commerce des États-Unis. De la bouche du patron de la BEAC, il ressort de cela que les discussions ont globalement porté sur certaines dispositions de la réglementation des changes en zone Cemac; il est vrai que celle-ci reste une préoccupation majeure pour les entreprises pétrolières et minières. «À travers une démarche participative, il était de bon ton de sensibiliser les patrons des compagnies exploitant les ressources naturelles à s’arrimer à la légalité, à favoriser une application effective et harmonieuse de la réglementation des changes, en ligne avec les axes du Programme de réformes économiques et financières de la Cemac (PREF-Cemac)», amorce Abbas Mahamat Tolli. Enjeu décliné: «établir un dialogue constructif et aplanir les divergences d’interprétation».

    Le tout, insiste le gouverneur de la Banque centrale, sur un double fond fait de fermeté et de souplesse. Au finish, remarque réjouissante: «les entreprises comprennent et se déploient dans cet effort communautaire en rapatriant régulièrement les recettes d’exportation des ressources naturelles dans les pays où ils opèrent (…) En tout cas, l’érosion dangereuse des réserves de change s’est considérablement estompée. De quoi se féliciter des retombées du sommet de crise des chefs d’État de la Cemac, tenu en décembre 2016 à Yaoundé».

    À l’examen, Abbas Mahamat Tolli et Daniel Ona Ondo ont voulu réitérer le discours de la 5e session du Comité de pilotage des programmes économiques et financiers de la Communauté, tenue le 22 juin 2018 à Douala. À cette occasion-là, constat avait été fait quant au non-respect de la «nouvelle ligne» par des entreprises qui concluent des accords avec certains États. Aussi, la présentation du rapatriement des recettes d’exportation des ressources naturelles comme «une exigence communautaire» avait-elle nourri des débats houleux.

    Bobo Ousmanou

    Zone Cemac

    Vers une régression de la croissance économique en 2020

    Selon le rapport Commodity Markets Outlook publié par la Banque mondiale, les prix du pétrole seront revus à la baisse en 2020, du fait du ralentissement de la demande.

     

    S’exprimant sur la situation économique de la sous-région lors de la cérémonie d’ouverture de la 34e session du comité Inter-États de Yaoundé (du 31 octobre au 2 novembre 2019), le Pr Daniel Ona Ondo laissait entendre que la Cemac augure des lendemains meilleurs. Bien que modérément optimiste, le président de la Commission économique de la Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) a déclaré: «on relève l’évolution, bien que faible, de la croissance économique portée par le secteur pétrolier».

    Contrairement à cette peinture de lendemains prometteurs dans la sous-région, une certaine analyse prédit un avenir économique moins reluisant dans la zone Cemac en 2020.Cas du rapport Commodity Markets Outlook, produit par la Banque mondiale. Dans sa publication du 29 octobre 2019, ledit rapport prévient sur la chute des prix de ressources pétrolières, en raison d’une croissance mondiale plus faible qu’anticipée et du relâchement de la demande qui en découlerait.

    «Le prix du baril de pétrole brut devrait s’établir en moyenne à 60 dollars en 2019, avant de fléchir à 58 dollars en 2020, soit un niveau inférieur de 6 et 7 dollars respectivement par rapport aux prévisions du mois d’avril dernier. À la suite du ralentissement de la croissance mondiale, la consommation de pétrole devrait progresser à un rythme bien plus faible qu’anticipé auparavant, avant de croître modérément l’année prochaine», lit-on dans l’analyse.

    Cette prévision est d’autant plus alarmante que l’économie de la sous-région est tirée par les ressources pétrolières. «La croissance du secteur hors pétrole a enregistré un ralentissement en 2018 de 1,7% après 2,3% en 2017», a précisé le Pr Daniel Ona Ondo. De plus, «les économies en développement, qui sont tributaires des recettes d’exportation provenant d’un petit groupe de produits de base, sont vulnérables, car la poussée de la demande et la hausse des prix sont des facteurs susceptibles de stimuler l’innovation et de faciliter la substitution d’un produit de base par un autre», explique Ayhan Kose, directeur du groupe d’étude des perspectives à la Banque mondiale.

    Publié deux fois par an (avril et octobre), Commodity Markets Outlook, rapport du groupe de la Banque mondiale, fournit une analyse de marché détaillée pour les principaux groupes de produits parmi lesquels l’énergie, l’agriculture, les engrais, les métaux et les métaux précieux.

    Joseph Julien Ondoua Owona (stagiaire)