Jean-Baptiste Martin Amvouna Atemengue : «Au lieu d’attendre des subventions ou un financement public, le financement via les tontines est mieux»
Invité comme panéliste aux journées nationales de l’économie sociale le 25 octobre 2023 à Yaoundé, le maire de la commune de Ngoumou explore la question des financements des coopératives.
Monsieur le maire, malgré les multiples actions entreprises par les pouvoirs publics qu’accompagnent les partenaires privés, la question du financement des coopératives et PME reste préoccupante. Quel regard jetez-vous sur cette situation au Cameroun?
Le problème de financement des PME au Cameroun se pose depuis les indépendances. Parce qu’effectivement, l’objectif des dirigeants a toujours été de créer un tissu économique local. C’est-à-dire, une production camerounaise faite par des Camerounais. La première génération est totalement tombée en faillite. On se rappelle du FOGAP, de la Banque agricole etc., qui étaient gérés par l’État. On a récemment créé une nouvelle Banque des PME qui est pratiquement tombée en faillite aujourd’hui et qui ne satisfait ni les attentes des PME, ni celles des artisans, encore moins celles de l’État. Donc la question se pose toujours avec acuité.
Est-ce donc à dire que c’est un problème sans solution?
Il y a eu plusieurs modes de financements. Et je pense qu’une solution intermédiaire aux modes traditionnels est possible. Pour le cas présent, ladite solution est déjà expérimenté par certains groupes notamment les tontines. Beaucoup d’entrepreneurs de la région de l’ouest en bénéficient aujourd’hui. Il est vrai que parfois les taux sont un peu élevés. Mais il y a également des cas où, quand les gens entretiennent des rapports de solidarité et de fraternité, ces taux ne sont pas exagérés. Donc je pense que c’est cette mutualité et cette solidarité qu’il faut étendre au niveau de la politique nationale pour que les personnes concernées fassent un petit effort et s’organisent mieux. Parce que si vous prenez 1000 artisans et que chacun de ces artisans cotise 10 000 ou 20 000 FCFA, vous voyez qu’ils disposent déjà d’un fonds qui va intéresser n’importe quelle banque classique. Et ensuite, à eux de négocier comment gérer tout cela. Et la banque sera intéressée d’autant plus les unités de l’économie sociale et solidaire ont vocation à grandir. En général, il vaut mieux être à l’origine d’une grande entreprise qui te sera fidèle et la banque qui accompagne l’évolution, la croissance de ce qui a d’abord été petite entreprise devienne grande entreprise cette banque tirera profit de cette croissance parce qu’elle sera le partenaire de la grande entreprise qui pourrait naitre de cette Pme. Je pense qu’au lieu d’attendre des subventions ou un financement public, le financement via les tontines est mieux. Je rappelle que nous avons déjà essayé des banques publiques qui ne peuvent pas fonctionner correctement au regard des mentalités que nous avons dans notre pays l’Etat camerounais ne peut pas gérer une banque publique. C’est d’ailleurs le même problème qui se pose partout dans le monde. Si on a privatisé les banques, c’est parce que l’Etat, à ce niveau-là, a toujours été défaillant. Ce n’est pas qu’au Cameroun.
Mais, il faut que les acteurs eux-mêmes s’organisent pour créer des microfinances, qui, bien que comprenant les spécificités des activités de leurs membres, peuvent fonctionner de manière rationnelle, comme toute entité du secteur Privé au bénéfice de ces acteurs-là. Je pense que lorsque ces acteurs auront ces microfinances, ils verront venir vers eux les banques classiques qui pourront appuyer les initiatives prises autour de leurs réseaux.
Que faire face aux dérives qui arrivent souvent dans les tontines. Je veux parlers des fonds qui disparaissent ou partent en fumée…
Quand vous choisissez de faire des affaires, il faut adopter la logique des affaires, donc des garanties. Si vous optez pour des tontines, il faut donc prendre des mesures modernes et dématérialisées aujourd‘hui qui permettent de sécuriser les recettes des tontines avec des possibilités de doubles signature pour éviter des situations où la maison prend fin, emportant les fonds d’une coopérative. Mais toujours est-il que ça doit fonctionner comme n’importe quelle administration.
Propos recueillis par Joseph Julien Ondoua Owona