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Conseil de l’UEAC : Les dossiers sur la table des ministres

La 35e session du Conseil des ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC) charrie beaucoup d’attentes. La réunion se tient dans un contexte de crise sanitaire et économique et constitue, tant pour les populations que pour les représentants des États membres de la Cemac, une formidable occasion de se prononcer sur un certain nombre de sujets d’importance. Il s’agit précisément des dossiers examinés les 4 et 5 août derniers par des experts de la Cemac. C’était au cours des travaux du Comité inter-États justement préparatoires à ladite session de l’instance communautaire.

Si l’on s’en tient au rapport ayant sanctionné les travaux des experts, les plénipotentiaires de la Cemac sont appelés à plancher sur une vingtaine de dossiers regroupés dans quatre principales rubriques. Ce sont les affaires, les textes, les nominations et les notes d’information. S’agissant des affaires, elles ont trait pour l’essentiel à l’évaluation de la situation économique, sanitaire et sociale à l’échelle régionale, ainsi qu’au financement de la Communauté. Sur ces deux aspects et à l’exception de la question relative aux sources alternatives de financement, le Comité inter-États a transmis, avec avis favorable au Conseil des ministres, les dossiers présentés par la Commission de la Cemac. Il est à noter que la problématique liée au financement de la Communauté concerne surtout «la situation de la Taxe communautaire d’intégration (TCI) et la dette de la Communauté à la fin de l’exercice 2019», précise le rapport.

Une fois les affaires épuisées, les ministres en charge de l’Économie et des Finances en zone Cemac doivent également examiner quelques textes soumis à leur appréciation. Comme on peut s’en douter, les instruments juridiques dont il est question se rapportent notamment à la libre circulation, à la surveillance multilatérale et au mécanisme d’alerte précoce des déséquilibres macroéconomiques.

Théodore Ayissi Ayissi (stagiaire)

Alamine Ousmane Mey, présidera les travaux depuis Yaoundé

La fiabilisation du cadre macroéconomique et financier pour assurer une relance économique post-Covid-19 dans les pays constitue la principale interpellation de la 35e session du Conseil des ministres de l’UEAC qui se tient ce lundi par visioconférence. D’autres dossiers de la Communauté seront également soumis à la sanction des ministres de l’Économie, des Finances et de l’Intégration.

La 35e session du Conseil des ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC) se tient au moment où le plan communautaire de relance économique proposé par la commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) entre en finalisation. Les ministres en charge de l’Économie, des Finances et de l’Intégration qui composent ce conseil doivent examiner un segment très important pour sa sensibilité. Il s’agit de la suspension, pour une période de 6 mois, de deux critères de convergence (voir tableau) du système de surveillance multilatérale de la Cemac: le solde budgétaire de référence (qui doit être supérieur ou égal à -1,5% du PIB) et l’encours total de la dette publique (qui doit être inférieur ou égal à 70% du PIB).

Le dossier a été étudié par le Comité de pilotage du Programme de réformes économiques et financières de la Cemac, lors de sa 11e session ordinaire tenue le 3 août par visioconférence. Seulement, le système de surveillance multilatérale de la Cemac est la seule compétence de l’UEAC (article 49 de la convention la régissant) dont le Conseil de ministre se veut l’organe délibérant (article 63).

Le comité Inter-États des experts, qui a préparé les travaux des ministres les 4 et 5 août par visioconférence, a livré son avis sur cette question. Les experts ont transmis la décision de suspension aux ministres. Ils ont par ailleurs «demandé que la correspondance de la BEAC [Banque des États de l’Afrique centrale] soit annexée au dossier qu’il transmet au Conseil des ministres pour décision», indique le rapport des travaux des experts dont Intégration a obtenu copie.

Débat communautaire
L’intervention de la banque centrale est déterminante, car l’institution d’émission a émis une éminente réserve sur cette mesure. Le rapport des travaux de la 11e session ordinaire du Pref Cemac, lu par son secrétaire permanent Pr Michel Cyr Djiena Wembou, indique que la Beac freine des pieds «afin d’éviter de transformer la crise budgétaire en crise financière».
La Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac), gendarme du secteur des banques, soutient cette position de son «patron».

Pour les États membres et la commission de la Cemac, la mesure a déjà été adoptée dans d’autres régions (Uemoa, Union européenne). Elle devrait ainsi être soutenue. Voilà pourquoi les experts ont souhaité que la contribution de la Beac soit annexée aux documents portant sur ce sujet. Notons que c’est le Cameroun qui a, en premier, sollicité du président du Conseil des ministres de l’UEAC de bénéficier de cette dérogation conformément à l’article 60 de la convention régissant cette institution. Par lettre en date du 22 mai 2020, le ministre des Finances du Cameroun a saisi le président du Conseil des ministres, le ministre camerounais de l’Économie, Alamine Ousmane Mey. Le plaidoyer du ministre Motaze consistait à faire bénéficier à toute la communauté d’une suspension temporaire des critères de la surveillance multilatérale pour une durée de six (6) mois éventuellement renouvelable, dans le cadre de la lutte contre la pandémie liée au Covid-19.

Le membre du gouvernement a fait valoir les pondérations de la Cobac qui limite les volumes d’émissions des titres publics à lever sur le marché régional. La loi des finances rectificatives 2020 du Cameroun a revu à la hausse le déficit budgétaire (2,1% du PIB à 4,5% du PIB). Le Cameroun, comme les autres pays ayant été appelés à prendre ces lois de finances et étant confrontés à la baisse des recettes budgétaires, doit pouvoir compter sur les émissions de titres sur le marché régional d’autant plus que la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC) s’est vu inciter à émettre des titres sur le marché sous régional pour le financement des États et du secteur privé.

Le scénario majeur est celui de la validation de cette mesure ce lundi au terme du conseil des ministres. En exécution des termes de l’article 62 de la convention de l’UEAC, «les États membres sont invités à soumettre, dans un délai de quarante-cinq (45) jours, des programmes triennaux de convergence actualisés qui devront être élaborés en concertation avec la Commission de la Cemac».

Passe-droit salvateur
Globalement, la mesure discutée devrait permettre aux États de la Cemac de s’endetter suffisamment et financer les projets de relance économique. L’endettement aménagé ici s’explique d’autant plus, car la crise sanitaire a éventré les trésoreries des États. «Nos pays ont besoin de couvrir, au risque d’obérer davantage les déséquilibres macroéconomiques, un gap de financement non négligeable estimé par la BEAC à près de 1500 milliards de FCFA» a relevé Daniel Ona Ondo, président de la Commission de la Cemac, dans son allocution à l’entame des travaux du Comité inter-États des experts, le 4 août dernier.

La relance économique nécessite des investissements productifs colossaux. L’industrialisation et la transformation des matières premières en sont des axes prioritaires. Une grande initiative de règlement de la dette intérieure afin de positionner le secteur privé au cœur de la dynamique de relance est également envisagée.

Autres dossiers
La discipline budgétaire devrait rester de mise, car les ministres devront adopter le dispositif de sanctions pour les infractions aux règles de la surveillance multilatérale. Celui-ci postule que les sanctions indicatives actuelles et le processus permissif seront remplacés par un mécanisme plus réactif que pourra déclencher la commission au travers des échanges avec le pays n’ayant pas respecté les critères.

Pour ce qu’il est des sanctions, plusieurs points sont prévus: l’imposition d’un plafond de déficit budgétaire pour le prochain exercice budgétaire par la Commission de la Cemac; l’imposition par la Commission de la Cemac d’un plancher pour l’apurement du stock d’arriérés de paiement existants au cours du prochain exercice budgétaire; l’approbation préalable du projet de loi de finances de l’État concerné pour le prochain exercice budgétaire par la Commission de la Cemac avant toute soumission au parlement national. Il s’agit là d’une réelle ambition de discipline économique et financière.

 

Libre circulation des personnes

Le Schengen que prépare la Cemac

La Commission Cemac veut fixer un prix unique des titres de séjours dans toute la sous-région pour les ressortissants de la communauté, ceci en adéquation avec le projet universitaire du Pref-Cemac.

La dynamisation de la libre circulation des personnes passe aussi par le cout des titres des séjours. La Commission de la Cemac propose aux États de l’harmoniser sur l’ensemble de l’espace communautaire à 100 000 FCFA pour les ressortissants de la communauté. L’harmonisation des titres et tarifs de séjour dans les pays membres de la Cemac, au profit des citoyens communautaires, est conforme à la politique commune d’émigration, d’immigration et de protection des frontières. Elle a été adoptée en 2019 au lendemain de la session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État du 24 mars 2019. L’Acte additionnel n°05/19 — Cemac-070 U-CCE-14 du 1er avril 2019, portant adoption de la politique commune d’émigration, d’immigration et de protection des frontières de la zone Cemac.

Au Cameroun, le droit de timbre fixé par la loi de finances est de 200 000 FCFA pour les ressortissants français et 250 000 FCFA pour les autres nationalités. Certes le Cameroun est lié à certains pays par des conventions qui exonèrent ou abaissent le prix du droit de timbre (frais de la carte de séjour).

Pour la Cemac, il s’agit d’un premier pas pour la migration de la libre circulation des personnes vers le libre établissement. Cette migration pourrait accompagner la mise en place de la grande université sous régionale.

Pour les experts, réunis en comité inter-États les 4 et 5 août dernier, la mesure pourrait être validée. Toutefois, dans le but de décider après appréciation des incidences, les ministres doivent prendre connaissance du rapport du comité ad hoc regroupant tous les acteurs (police, fisc).

Grand Erasmus
Les pays de la Cemac projettent également la création de la grande université d’Afrique centrale. Chaque pays aurait ensuite un campus qui serait spécialisé dans un domaine bien précis. L’idée a été débattue lors de la 11e session ordinaire du Programme de réformes économiques et financières de la Cemac (Pref-Cemac). Dans le cadre du plan communautaire de relance économique post-Covid-19, un pan entier sera consacré à la formation des compétences nécessaires à la transformation structurelle et principalement au développement des compétences devant accompagner l’industrialisation et la diversification économique.

Le communiqué final précise «une grande université d’Afrique centrale avec des campus de spécialisations dans chaque pays et pouvant attirer les meilleurs professeurs des universités les plus prestigieuses du monde, pouvant attirer les cerveaux de l’Afrique centrale qui sont à l’étranger et pouvant former les meilleurs étudiants de la sous-région choisis sur une base scientifique rigoureuse. Les former dans les domaines techniques et scientifiques pointus. Dans la mesure où il est impossible d’avoir le développement économique et social sans le capital humain».

Cette orientation des ministres de l’Économie, des Finances et de l’Intégration des 6 États membres de la Cemac demeure certes au stade d’une idée. Mais sa matérialisation exige que les conditions d’établissement soient renforcées, notamment en termes de mobilité estudiantine et des chercheurs. À défaut d’approfondir les conditions de libre circulation des personnes par l’extension de la suspension de visa à plus de 90 jours, les pays de la Cemac pourraient faire preuve de flexibilité en créant une disposition spéciale sur la mobilité des étudiants et des chercheurs. Il s’agira de leur réserver une suspension de visa sur l’ensemble du territoire communautaire, puisque l’université est sous régionale. La suspension correspondrait également à la durée des études. La délivrance du titre de séjour serait gratuite ou alors les documents des étudiants feraient foi.

Deux mesures supplémentaires et ambitieuses de relance ont également été proposées par le comité de pilotage: «le secteur industriel tout d’abord avec un grand projet d’industrialisation communautaire et le développement des chaines de valeurs qui se fonderait sur la transformation des matières premières dont regorgent les États de la Cemac, et la mise en place des segments de ces chaines de valeurs dans les différents États membres. Deuxièmement, une grande initiative de règlement de la dette intérieure qui fera appel à de nouveaux mécanismes de financement».

Bobo Ousmanou

 

Dématérialisation des corridors

Les frontières mixtes sont là

La lutte contre les barrières non tarifaires (BNT) le long des corridors inter-États de la Cemac trouve une solution. Les pays de la Cemac passent à la construction des postes douaniers uniques et juxtaposés dans les nœuds frontaliers.


Il s’agit de bureau des services de douanes et autres administrations rentrant dans les procédures de vérification des échanges transfrontaliers. Ceux-ci vont réunir conjointement les deux pays situés de part et d’autre du corridor afin de réaliser désormais des déclarations uniques à la frontière. Les horaires, instruments et méthodes de travail seront harmonisés. Cinq postes-frontière identifiés sont en cours de construction. Des missions sont en cours afin de permettre aux pays d’identifier conjointement les sites de construction.

Pour rappel, le transport routier assure 80% du transport des personnes et 90% du transport des marchandises. Mais les couts de transport atteignent parfois 20% de la valeur d’importation. Ceci est aussi dû aux différents checkpoints (licites et illicites) sur le long des corridors, et qui sont des dispenses d’argent, de temps et des éléments d’ajustement qui renchérissent les couts des produits (et des projets) sur le consommateur final de la sous-région.

Ces postes-frontière seront construits avec le financement de la Communauté, à travers le Fodec (Fonds de développement communautaire). Les experts en ont donné un avis favorable.

 

Free roaming

Les coûts internationaux seront harmonisés aux coûts des opérateurs locaux

Les citoyens de la Cemac se verront appliquer les mêmes couts téléphoniques aussi bien dans leur pays que dans les 5 autres de l’espace communautaire. Sur les SMS, MMS, USSD, appels et internet, il n’y aura plus de taxe à l’itinérance. Cette taxe fait en sorte que la réception d’appels et de SMS en pays étranger soit facturée au récepteur. Globalement, un citoyen de nationalité gabonaise en déplacement au Cameroun pourra appeler au Gabon comme s’il était à Libreville. 

Les pays vont travailler à construire un réseau mobile unique dans la zone Cemac, ce qui pourra également baisser le prix des appels internationaux. Le règlement communautaire relatif à l’itinérance sur les réseaux mobiles de communications électroniques ouverts au public en zone Cemac sera examiné par les ministres, ce 10 août. Le comité inter-États des experts a donné un avis favorable pour son adoption.

La suppression des frais d’itinérance participe à la densification de l’intégration des peuples au sein de la Cemac en ce qu’elle vise à faciliter la mobilité des populations à travers les TIC, en réduisant les couts de communication lorsque l’on se trouve dans l’espace Cemac.

À bien des égards, l’itinérance communautaire constitue un outil de communication sans frontières et un vecteur d’intégration régionale qui améliore de façon significative la vie quotidienne des citoyens qui se déplacent dans la communauté. Elle constitue également une opportunité de renforcement de la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux.

 

 

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