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Archives des LIBRE-PROPOS - Page 11 sur 12 - Journal Intégration

Journal Intégration

Catégorie : LIBRE-PROPOS

  • Fiac-PMExchange 2020 : La grand-messe des affaires d’Afrique centrale se profile

    Fiac-PMExchange 2020 : La grand-messe des affaires d’Afrique centrale se profile

    L’une après l’autre, les pièces du puzzle se mettent en place, laissant apparaître un message clair : du 4 au 19 avril 2019, le complexe Camtel de Bépanda (Douala V) sera le théâtre d’un événement économique d’envergure internationale.

    Anciennement décliné en Foire internationale des affaires et du commerce de Douala (Fiac), ce grand moment va s’afficher sous le label « Fiac-PME Exchange 2020.  En conférence de presse, Luc Magloire Mbarga Atanga l’a confirmé à Yaoundé ce 29 octobre 2019. Se montrant positif, le ministre du Commerce (Mincomerce) a fait une  grande annonce. « Conformément aux termes de la convention de partenariat signée le 20 septembre 2019 à Douala, la FIAC, organisée par le gouvernement camerounais à travers la Fondation Inter-Progress, et PMExchange, le rendez-vous des PME organisé par le mouvement patronal Ecam (Entreprises du Cameroun), ne feront désormais plus qu’un seul évènement placé sous le très haut  patronage du président de la République S.E. Paul Biya», a dévoilé le mandant du gouvernement face aux journalistes.

    Pour Luc Magloire Mbarga Atanga, l’enjeu de cette reconfiguration est là : « Faire de Douala une grande ville des affaires en Afrique ». Aux yeux du Mincommerce, cela fait office d’urgence si le Cameroun compte engranger des bénéfices de son entrée dans la Zone de libre-échange continentale africaine. Une telle orientation, a-t-il mentionné, est en cohérence avec la volonté affichée par le gouvernement camerounais de se tourner vers un développement économique soutenable.  « La FIAC-PMEXCHANGE 2020 c’est la réponse des pouvoirs publics aux attentes des entreprises locales », a appuyé l’orateur.

    Pour confirmer ce message, Protais Ayangma Amang et Perrial Jean Nyodog ont pris part à la rencontre avec les hommes de médias. Président d’Entreprises du Cameroun (Ecam), le premier a relevé que pour les organisations qui y participeront, « la FIAC-PMEXCHANGE 2020sera un moment de réalisation de bonnes affaires, de motivation à l’excellence pour le développement de leurs solutions et d’échanges constructifs ». Bien plus, a renseigné le PDG de Tradex S.A., l’événement de Douala fera la part belle à la créativité des jeunes camerounais à travers le Grand Prix de l’Innovation.

    Président de PMEXCHANGE, le second pour sa part a davantage orienté son propos vers les gains liés à  la FIAC-PMEXCHANGE 2020. A l’en croire, ceux-ci s’expriment avant tout en termes d’image de marque et de notoriété, mais aussi et surtout en un meilleur accompagnement des entreprises qui vont y trouver un champ d’opportunités plus élargi. Perrial Jean Nyodog a par ailleurs tenu à valoriser le caractère fédérateur de la FIAC-PMEXCHANGE 2020. « Ce sera une opportunité enrichissante pour les opérateurs économiques de la ville et du pays, petits et grands. Chaque entreprise, où qu’elle se trouve sur le territoire, doit à cette occasion avoir une réponse à ses interrogations et être accompagnée en fonction de ses besoins, que ce soit pour se développer ou pour surmonter des difficultés », a-t-il exposé.

    « Affaire de tous »

    Dans son esprit, c’est ainsi que Pierre Zumbach a dessiné la FIAC-PMEXCHANGE 2020. Traduction : la réussite de l’événement dépend du concours de tous les publics (consommateurs, entrepreneurs, médias, prospecteurs, partenaires financiers). Dans son message (lu par son représentant Thierry Ndong), le président de la Fondation Inter-Progress s’est attardé sur le format de la FIAC-PMEXCHANGE 2020 à l’aide de détails techniques signifiants. Entre autres, l’on a appris que des collectivités d’intérêt économique manifestent déjà leur souhait de participer à ce rendez-vous. Regroupés par filières, 8 espaces d’exposition ont été définis (microfinance, équipements sportifs, groupement de femmes d’affaires, transformateurs de cacao camerounais, assurances, immobilier et foncier mouvance maritime et portuaire, made in Cameroon).

    Pour le standing, le site offre 500 espaces d’expositions de diverses dimensions et modulables, climatisés ou ventilés, des espaces de débats et pour des rencontres B to B et B to C ; le tout réparti sur 35 000 m².

    Il est également prévu des animations culturelles interactives en plein air avec des artistes camerounais, un grand café de 600 places, des manèges et des jeux pour les familles.

    Mention faite aux contacts avancés entre le comité d’organisation et des institutions sous –régionales (CEMAC et CEEAC). Celles-ci, précise le message de Pierre Zumbach, manifestent un vif intérêt pour participer à la FIAC-PMEXCHANGE 2020 avec des entreprises. Sur le plan continental et international, d’autres contacts sont en cours en vue des participations multiformes.

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Le projet de réforme de la CEEAC : Inflation institutionnelle ou catalyseur d’intégration sous régionale ?

    Le projet de réforme de la CEEAC : Inflation institutionnelle ou catalyseur d’intégration sous régionale ?

    Une réforme ou ajustement institutionnel est l’ensemble des modifications significatives dans le but d’apporter des améliorations à une organisation.

    Du coup, le Comité de Pilotage de la Réforme Institutionnelle de la CEEAC (COPIL-RI), s’est réuni du 19 au 21 juin 2019 à Libreville. Ce qui est une traduction directe de l’attention que les Chefs d’Etat de la Sous-région portent au projet de revitalisation de cette Communauté, créée en 1983 comme une organisation de coopération entre les Etats souverains en Afrique Centrale.

    Etant donné qu’après 30 ans d’existence, la feuille de route de la CEEAC a connu une évolution contrastée, liée aux grandes mutations du contexte géopolitique, une mise à jour de son mécanisme s’impose.

    Toutefois, il convient de s’interroger. Cette optimisation de l’organisation institutionnelle de la CEEAC à l’orée d’une Fusion-Constitution avec la CEMAC, ne serait-elle pas l’expression d’intérêts égoïstes ?
    En guise de rappel historique, depuis le traité d’Abuja (1991), nous avons opté pour la « rationalisation » CEEAC-CEMAC. Après les Conférences des Ministres Africains de l’intégration (COMAI) tenues successivement à Accra en 2005, Lusaka et Ouagadougou en 2006, une politique de rationalisation a été introduite autour de ces deux Communautés.

    L’objectif de cette vision a toujours été d’aboutir à une seule Communauté Economique Régionale, car la coexistence de la CEEAC et la CEMAC dans le même quartier d’Afrique, obère1 le processus d’intégration dans cette partie du continent.

    Le processus de rationalisation des CER de l’Afrique est plus que jamais sur les rails. Son objectif est de parvenir à la naissance d’une communauté nouvelle unique en 2023 par la fusion de la CEMAC et de la CEEAC. Malgré l’insuffisance des contributions financières des Etats, plusieurs avancées sont perceptibles. Les Zone de libre Echange de la CEMAC et de la CEEAC sont désormais unifiées avec la délivrance d’un agrément cosigné par les tops managers des deux communautés. Les travaux vers l’unification des deux unions douanières sont en voie d’être bouclés.

    En clair, le marché unique CEMAC-CEEAC se dessine. En outre, l’ossature de la nouvelle communauté a été présentée au de comité de haut niveau réunissant le Président du comité de pilotage de la rationalisation et les tops managers des deux communautés. Le format décidé est celui de fusionner les institutions conjointes et d’élargir aux deux communautés celles qui ne le sont pas. Le niveau d’intérêt des Etats étant aussi prononcé, il n’est pas impertinent de questionner l’opportunité et les perspectives des réformes engagées par le secrétariat général de la CEEAC.

    A- LE RISQUE DE CETTE REFORME : L’INFLATION INSTITUTIONELLE
    L’objectif de la réforme est de contribuer à faire de la CEEAC une Communauté Economique Régionale forte, avec une architecture institutionnelle en harmonie avec celle de l’Union Africaine et des autres Communautés Economiques Régionales, en vue de rendre plus efficient le fonctionnement de son exécutif.

    En d’autres termes, il s’agira (01) de procéder à la réforme de l’architecture institutionnelle et organisationnelle de la CEEAC afin d’assurer une meilleure répartition des rôles et des responsabilités entre les Organes politiques et techniques de la Communauté, (02) d’organiser un audit du cadre légal et règlementaire de la CEEAC et l’adapter aux normes et standards internationaux dans le but de réaliser un saut qualitatif majeur dans la gouvernance des Institutions, Organes et Organismes Spécialisés de la Communauté.

    Une retraite de la quasi-totalité du personnel du secrétariat général de la CEEAC sera organisée, afin de susciter l’appropriation par tous du processus.

    1) Le problème du sous financement de la réforme CEEAC
    En plus de ce que l’existence de plusieurs CER laisse apparaître des missions et des mandats qui se chevauchent, elle est surtout un décuplement financier qui suscite une avalanche de frissons. Pourquoi ? Selon qu’il est prévu par le Pacta sunt servanda2, si ladite réforme aboutie, les États de la CEMAC devront donc financer deux Cours de justice, deux Cours des comptes, deux Parlements, deux Commissions.

    Il convient aussi de souligner que le projet de la réforme institutionnelle connait même déjà une difficulté liée au financement de son budget. Comme le soulignait le Secrétaire Général de la CEEAC3 dans son allocution, sur un budget de 1,9 milliards, un seul État membre a déjà payé sa contribution de 211 millions. À ce jour ce processus de réforme a couté 1 milliard environ financé par des préfinancements du Secrétariat Général (75%) et l’appui des partenaires (25%). S’il est donc superfétatoire de dire que c’est un luxe qu’on peut s’en passer, ce financement saura être bien plus utile et agréable dans la réalisation des projets comme l’élimination des barrières non tarifaires au commerce sous régionale, en vue d’un développement économique plus accentué.

    2) Le danger de l’hypocrisie politique dans le financement de rationalisation CEMAC/CEEAC
    Si la réforme CEEAC aboutit comme voulu par ses instigateurs, la sous-région deviendra dès lors, un théâtre d’hypocrisie politique entre États membres. Ceci s’explique dans la lenteur des contributions financières pour la rationalisation des deux CERs.

    Le Secrétariat général de la CEEAC a appuie, du mieux qu’il peut, le COPIL/CER-AC, en dépit de ses problèmes chroniques de financement qui ne nous sont pas étrangers. Le Secrétariat général s’est évertué, pour la bonne marche du COPIL/CER-AC à lui verser des contributions à hauteur de 190 millions FCFA à ce jour (40 millions FCFA dès 2014, avant la signature de la décision conjointe, et 150 millions FCFA en 2016). Le Secrétariat général ne s’en est pas limité là. Il a aussi transféré à hauteur de plus de 349 millions de FCFA au COPIL/CER-AC ses propres ressources du Projet d’Appui au Renforcement des Capacités institutionnelles de la CEEAC (PARCI), cofinancé par la BAD dans le cadre de sa mission d’appui à la construction de l’intégration continentale. Cette somme assez conséquente a permis, entre autres, au Secrétariat Technique du COPIL/ CER-AC de bénéficier d’un appui logistique avec l’acquisition du matériel informatique pour une valeur de 28 143 500 FCFA en 2014.

    B- L’OPPORTUNITE DE CETTE REFORME : UN CATALYSEUR DE DEVELOPPEMENT

    1- Un Tarif Extérieur Commun stable
    Ce projet peut-on dire, est de bon augure, car résolument engagé dans le processus de rationalisation par la fusion constitution avec la CEEAC, la CEMAC s’est engagée dans le programme de réforme institutionnelle (PRI) et entend, capitaliser cet acquis. C’est dans cette visée que le Président de la Commission CEMAC a insisté sur les apports de son entité au moment de cette fusion avec la CEEAC. Notamment, un tarif extérieur commun stable, la libre circulation des personnes, des politiques sectorielles intégrées et un mécanisme amélioré de financement de la Communauté.

    2- Un atout pour la réalisation des grands agendas (2025, 2030 et 2063)
    La réforme institutionnelle trouve aussi son sens dans cette fringale de faire de l’institution une organisation moderne, adaptée et dotée des capacités organiques et d’un exécutif viable qui lui permettra de confronter les défis actuels pour le plus grand bien des Etats et des peuples, résolument tournés vers une meilleure intégration sous régionale.

    Cette velléité d’accélérer le processus de réforme de la CEEAC s’inscrit aussi, sous le regard de son rôle dans la réalisation des axes prioritaires 2025 de la Communauté, de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine et l’Agenda 2030 des Nations Unies.

    En conclusion, pendant que toute l’attention est accordée aux besoins d’efficacité et d’efficience qui guident la réforme institutionnelle de la CEEAC, Nous pouvons aussi questionner la responsabilité des ex-puissances coloniales (France et le CFA en zone CEMAC, Belgique sur la RDC), qui ne veulent pas d’une dynamisation de l’intégration régionale en Afrique Centrale. Chacun voulant garder son pré carré pour des fins égoïstes.

    En outre, il est recommandé de passer au peigne fin, des stratégies de résolution des défis qui semblent être des plus grands enjeux et ne doivent être négligés. En plus de la libre circulation des biens et services, l’enjeu des corridors de développement et la problématique de leur financement, la facilitation des échanges et la réduction des entraves au commerce en Afrique Centrale, notamment l’élimination des Barrières Non Tarifaires (BNT) et des questions aussi importantes que le développement des infrastructures intégrées, sont des préoccupations qui doivent être adressées avec grand soin.

     

    Auteur : MBANDOMANE OYONO Paul Sénile

    (Analyste et Spécialiste en intégration régionale)

     

    1 Parce que les doubles appartenances dans ces deux blocs accablent les Etats membres d’une lourde charge financière, qui ne bénéficie pas au processus d’intégration régionale.

    2 Article 26 de la Convention de Vienne de 1969. Locution latine signifiant que les parties sont désormais liées au contrat venant d’être conclu et qu’à ce titre elles ne sauraient déroger aux obligations issues de cet accord.

    3 Allocution du Secrétaire Général AHMAD ALLAM-MI à la cérémonie d’ouverture des travaux du COPIL-RI CEEAC, le 19 juin 2019, à Libreville.

  • Cameroun: Ils s’expriment au Grand Dialogue

    Cameroun: Ils s’expriment au Grand Dialogue

    Le Chairman NI JOHN FRU NDI.

    Déclaration liminaire prononcé par  Ni John FRU NDI, Président du Front Social Democrate  (SDF) à l’occasion de l’ouvertuare du grand dialogue National


    Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,
    Excellences,
    Honorables Personnalités,
    Distingués participants et invités,
    Chers Compatriotes au Cameroun et à l’étranger,
    Mesdames et Messieurs,

    Après tant d’années à réclamer une occasion de se parler ; après tant de sang versé ; et, après tout ce temps perdu, nous voici enfin, aujourd’hui, à participer à ce que le SDF et moi-même espérions sincèrement qu’elle serait le début du processus de guérison dont notre pays a tant besoin pour résoudre la crise Anglophone. Cette rencontre aurait été le cadre idéal pour établir la vérité et réconcilier notre pays.

    Répondant à votre invitation pour la phase préparatoire de ce forum, mon parti a exposé un certain nombre de problèmes de fonds qui devaient être résolus avant ce forum. Nous allons réitérer certains de ces problèmes ici à l’intention du grand public :

    Le problème de la forme de l’Etat qui nous aurait permis de nous appesantir de manière exhaustive sur le Fédéralisme. C’est pourquoi je propose d’emblée que nous nous attaquions aux causes structurelles profondes de la crise que nous traversons aujourd’hui dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. En effet, en 1972, nous avons commis une erreur très fatale en abolissant la République Fédérale du Cameroun par le biais d’un référendum qui n’était ni prévu dans la Constitution Fédérale de 1961 ni même envisagé par la Conférence de Foumban de 1961.

    Je tiens à préciser, ici et maintenant, que la République Fédérale du Cameroun était formée de deux entités : l’État Fédéré du Cameroun Oriental et l’État Fédéré du Cameroun Occidental, ayant chacun un patrimoine culturel et institutionnel différent.

    C’est l’abolition de cette Structure Fédérale et son remplacement par un État unitaire sans passer par des référendums séparés pour chacun des deux États qui a ouvert la voie à la marginalisation et à l’assimilation des populations des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Il est important de souligner qu’un référendum unique pour l’ensemble du pays a donné à l’État Fédéré du Cameroun Oriental la possibilité d’user de sa majorité écrasante pour décider du sort de l’État Fédéré du Cameroun Occidental contre la volonté de ce dernier.
    Résoudre la crise qui a provoqué la convocation du présent dialogue devrait commencer par un processus de restauration de la Constitution Fédérale de 1961.

    En outre, l’État Fédéré du Cameroun Occidental sera composé de deux régions, à savoir : la Northern Region, présentement appelée Région du Nord-Ouest, et la Southern Region, présentement appelée Région du Sud-Ouest.
    Pour être valable et crédible, une telle conférence devrait être présidée par une personnalité neutre.

    Cette conférence aurait été précédée d’un cessez-le-feu suivi d’une amnistie générale permettant la participation de toutes les parties principalement concernées.
    Nous sommes aujourd’hui confrontés à une situation des plus honteuses depuis notre indépendance et notre réunification en 1961. Des milliers de personnes ont été tuées et d’innombrables autres mutilées ; des femmes violées, des centaines de villages rasés, des biens détruits, des entreprises commerciales saccagées, des écoles détruites et nos enfants privés d’éducation depuis trois ans, des citoyens contraints de fuir sont déplacés internes et plus de soixante mille sont réfugiés dans les pays voisins. Tout cela découle de l’irresponsabilité, de l’intransigeance et de l’arrogance du régime en place. Nous avons la responsabilité ici aujourd’hui d’y mettre fin par la Vérité et la Réconciliation.

    Excellence, Monsieur le Premier ministre,
    Camerounais, Camerounaises,
    Mesdames et Messieurs,

    Il est de notoriété publique que depuis la modification constitutionnelle de 1972, il y a manifestement une forte détermination politique d’imposer un Ordre Social non-consensuel appelé Décentralisation. Cet Ordre Social imposé a mis à mal notre vivre ensemble et l’esprit d’unité nationale.
    Il est temps que nous affrontions la vérité. Nous souffrons depuis un quart de siècle sous le joug d’un contrat social défaillant, bâti sur les ruines d’une doctrine totalitaire centralisée, qui ne peut fonctionner dans une nation dont le bien le plus précieux est sa diversité.
    Nous avons la ferme conviction que notre force, notre chance et notre avenir, c’est notre diversité. C’est en entretenant cette diversité, dans le cadre d’un contrat social originellement mis en place, que nous pourrons construire l’âme de la nation que nous recherchons depuis 1961.

    Cela revient donc à dire que si nous voulons que la paix et la justice retournent dans notre pays, nous devons revoir la forme de l’État au cours de cette conférence.

    Excellence, Monsieur le Premier ministre,
    Cher(e)s délégué(e)s,
    Mesdames et Messieurs,

    En ce moment critique, il est important de rappeler, combien cela a été maintes fois le cas par le passé, où les délégations Anglophones se sont retirées ou ont été ignorées lors de différentes rencontres tenues pour déterminer le destin de ce pays.

    En 1964, le Dr. Bernard Fonlon, un éminent chercheur Anglophone et un des piliers de la réunification, adressa un mémorandum au président Ahmadou Ahidjo pour se plaindre de la marginalisation et du traitement de seconde zone dont les Anglophones étaient victimes. Rien n’a été fait.

    En 1984, une délégation dirigée par les pères fondateurs de notre pays, John Ngu Foncha et Solomon Tandeng Muna, est allée voir le Chef de l’État à propos du problème Anglophone. Rien de bon n’en est sorti.

    En 1991, moi, en ma qualité de Vice-Président de la coordination des partis politiques de l’opposition, ainsi que le Dr. John Ngu Foncha, avons quitté la conférence de la Tripartite parce que le problème Anglophone était mis à l’écart.

    En 1991, les Fédéralistes, parmi lesquels figuraient Ekontang Elad, Dr. Simon Munzu et Dr. Carlson Anyangwe, ont quitté la Commission Constitutionnelle chargée de rédiger la Constitution de 1996, car l’option fédérale chère aux Anglophones avait une fois de plus été ignorée.

    En 1993, la Conférence pan-anglophone, All Anglophone Conference (AAC1) s’est réunie à Buea et a publié la Déclaration de Buea en faveur de la position Fédéraliste. Cela aussi a été ignoré ;

    En 1994, une deuxième Conférence pan-anglophone (AAC2) s’est réunie à Bamenda et a publié la Déclaration de Bamenda qui a conduit à la naissance du SCNC. Comme à son habitude, le gouvernement a ignoré ce séisme politique ;
    Lorsque la crise qui sévi actuellement a éclaté en 2016, la direction du SDF, ses députés, ses sénateurs et ses maires se sont rendus à Bamenda et à Buea et ont tiré la sonnette d’alarme sur la situation, qui dégénérait rapidement.

    Personne ne nous a écouté ;
    Les Parlementaires SDF ont protesté au Parlement et bloqué les débats au cours de plusieurs séances dans le but de faire en sorte que la crise Anglophone soit débattue au Parlement. Une fois de plus, rien ne s’est passé ;

    Lors de la dernière visite du Premier Ministre à Bamenda, le SDF a proposé les services de son Président National pour négocier la paix avec les combattants sur le terrain. Dans la même optique, le Président National a demandé, entre autres, un cessez-le-feu et une amnistie générale et sans condition de toutes les personnes détenues en rapport avec le problème Anglophone. Si l’on nous avait écouté, cela aurait créé un climat sain pour le déroulement de ce dialogue.

    Aujourd’hui, nous sommes invités à un Dialogue National dont l’agenda est bouclé à l’avance et imposé une nouvelle fois aux Anglophones en particulier et aux Camerounais en général. Il ressort des faits historiques ci-dessus énumérés, et qui sont loin d’être exhaustifs, que si nous voulons trouver une solution durable à la crise Anglophone, nous devons mettre en place une Commission de Rédaction de la Constitution qui préparera une nouvelle Constitution Fédérale pour le Cameroun.

    La décentralisation a tué l’esprit de développement communautaire qui était le trait caractéristique de l’Etat Fédéré du Cameroun Occidental, et des responsables nommés se sont enrichis en appauvrissant les citoyens de ce pays si potentiellement riche mais si pauvre. Nous voici face à l’histoire. Voici venu le moment de décider si nous voulons construire ou détruire l’avenir de ce pays. Nous en appelons donc à la conscience de chaque participant à cette conférence afin qu’il pense aux enfants qui souffrent dans la brousse ainsi qu’aux nombreuses personnes affligées par la crise Anglophone.

    Monsieur le Premier ministre,
    Nous avons fait toutes ces propositions de bonne foi et dans l’intérêt suprême de notre pays. Mais, si celles-ci sont ignorées, le SDF n’aura d’autre choix que de se retirer du dialogue.
    La vérité doit toujours prévaloir, je vous merci !

    Yaoundé, le 30 septembre 2019

    Le Président National
    Ni John FRU NDI

     

    Intervention du  sultan EL-HADJ IBRAHIM MBOMBO NJOYA

    Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Président du Grand Dialogue National,

    Monsieur le Président du Sénat ;

    Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale ;

    Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement ;

    Excellence Mesdames et Messieurs les Chefs de missions Diplomatiques ;

    Leurs Majestés les Chefs Traditionnels ;

    Autorités Religieuses ;

    Distinguées Personnalités en vos titres et grades respectifs

    Chers participants ;

    Mesdames et Messieurs.

    L’octogénaire qui s’adresse à vous aujourd’hui, aura 82 ans le 27 octobre 2019. Cela veut dire qu’il a vécu une bonne partie de l’histoire de ce pays, ceci depuis 1958, date à laquelle il a commencé à occuper les fonctions de responsabilité. En d’autres termes, je suis témoin de toutes les péripéties traversées par le Cameroun avant même son accession à l’indépendance, le premier  Janvier 1960 et sa réunification en 1961.

    Ce que la vie m’a appris durant ce long parcours est édifiant.

    En effet, tout ce qui nous arrive sur cette terre résulte de la volonté de Dieu le Tout-Puissant. J’ai la ferme conviction que nous naissons avec notre destin déjà réglé par Lui.

    Oui quand le jeune étudiant Mr Paul BIYA rentre au Cameroun après de brillantes études en France, personne, je dis bien personne y compris lui-même ne pouvait imaginer un seul instant, qu’il deviendra le deuxième Président de la République du Cameroun après le Président Ahmadou Ahidjo, entouré de grands barons du régime.

    Mais comme Dieu avait prédit de par son destin qu’il deviendra le Président de la République de ce pays, il l’est effectivement devenu.

    La deuxième chose que la vie m’a apprise est de ne point avoir peur de la mort, mais plutôt de la vie, oui car, la vie est parfois impitoyable, cruelle, méchante et pourtant il faut faire avec.

    C’est pourquoi la rencontre d’aujourd’hui est pour moi idoine, pour apporter ma modeste contribution.

    J’ai tenu à faire cette introduction pour me présenter à vous, afin d’éviter tout malentendu et éviter aussi des interprétations erronées de mes propos. Ceci dit :

    Je dois vous avouer sincèrement que j’ai été édifié par le message du Président de la République, adressé à la Nation le 10 Septembre dernier, j’en ai apprécié le fond et la forme.

    Dans mon esprit, le dialogue devrait être un moyen pour, non seulement mettre fin à la situation qui prévaut actuellement au Nord-Ouest et au Sud-Ouest, mais aussi pour régler d’autres problèmes fondamentaux, auxquels les Camerounais pensent profondément et n’osent pas l’exprimer clairement et fidèlement, je les comprends.

    Il me semble que le problème anglophone n’est pas le plus difficile à résoudre, malgré les pertes humaines et les conséquences désastreuses que nous déplorons tous. Pour les gens de ma génération qui ont vécu la libération des Etats africains du joug colonial, nous avons le cœur déchiré de constater que 60 ans après les indépendances, nos enfants et petits-enfants prennent les armes pour tuer au nom d’une langue et d’une culture coloniale, que nous avions considéré comme un butin de guerre de notre lutte pour la libération de notre pays le Cameroun, et la conquête de notre liberté.

    Mes chers fils et filles, petits-enfants, je suis choqué du visage hideux que vous donnez à notre si cher et beau pays depuis trois ans. Vous y êtes les héritiers d’une longue histoire de fraternité dans la diversité que nous entretenons depuis des lustres. Mais je suis persuadé que la situation qui prévaut au Nord-Ouest et au Sud-Ouest  comparée à celle que nous avions à l’Extrême-Nord de notre pays est surmontable. En effet dans l’Extrême-Nord du pays, il s’agissait d’une guerre asymétrique, téléguidée de l’extérieure.

    Elle aurait pu être plus grave pour nous, car il ne s’agissait pas d’une guerre conventionnelle, qui obéît à des principes bien établis. A cet égard, je peux dire que :

    S’il y a un point sur lequel je peux affirmer sans  risque de me tromper, et sur lequel les Camerounais ne sont pas d’accord à une très large majorité, c’est le problème de la sécession, dans ce sens que depuis l’avènement de la réunification, le vivre ensemble des Camerounais  anglophones et francophones ne peut être remis en cause.

    Il y a eu certes des imperfections et parfois des négligences Dieu merci, qui ont réveillé la conscience de tous les Camerounais tant de l’intérieur que de la diaspora.

    A cet égard, le Président de la République l’a reconnu dans son message adressé à la nation et a annoncé toutes les dispositions prises, pour répondre à certains manquements compréhensibles, que nos frères anglophones avaient soulevés à juste titre.

    Pour moi je suis convaincu que ceux qui ont provoqués le problème de la sécession n’y croient pas eux-mêmes, c’est en réalité comme l’histoire d’un fils qui demande toujours plus à son père, pour être sûr d’avoir le minimum.

    A partir du moment où nous sommes d’accord qu’il faut bannir de nos propos le mot sécession, il n’y a plus dès lors à mon avis de problème insoluble. En effet, le principe de la décentralisation ayant déjà été adopté, il ne reste plus qu’à préciser davantage  son contenu et à accélérer sa mise en œuvre.

    Dans ce contexte, je propose qu’une commission chargée de préciser les contours et contenus d’une décentralisation poussée, soit créée. Des modèles de décentralisation fleurissent d’ailleurs dans le monde et dans certains de nos pays amis, notamment la France à sa manière, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, l’Allemagne, la Suisse, le Canada etc…

    Cette commission pourrait soumettre son texte à l’appréciation du Gouvernement, qui sollicitera éventuellement l’avis du Parlement.

    En ce qui concerne ceux qui ont choisis la voie du maquis pour s’exprimer, je peux affirmer sans risque de me tromper que beaucoup ne se battent plus pour une cause politique. Par leur comportement, ils prouvent qu’ils ont été pris en otage par ceux qui vivent confortablement à l’étranger et qui entendent à travers eux, assouvir leurs fantasmes politiques. Ils ne se battent aujourd’hui que pour leur survie et non par idéologie.

    Ainsi, quand les gens qui se battent commencent à faire des enlèvements moyennant rançons, cela signifie tout simplement qu’ils ont faim. Assurément se réjouissent-ils du dialogue annoncé, dialogue dont ils espèrent qu’il réglera favorablement leur sort devenu précaire.

    Dans ce contexte je pense qu’on devrait mettre plus en avant, tous les aspects positifs du Comité National de Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR).

    A ce sujet, je propose qu’une commission soit créée, composée des autorités religieuses et des chefs traditionnels du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, lesquels connaissent mieux que quiconque  le terrain, pourraient prendre contact directement avec  ces combattants.

    Ceci afin de les convaincre à déposer les armes comme déjà d’autres l’ont fait, et les rassurer qu’ils ne seront guère poursuivis. Ils montreront à cet effet l’exemple de leurs camarades jadis rebelles, mais qui, à la faveur du DDR, vaquent aujourd’hui à leurs occupations quotidiennes librement et sereinement.

    Par ailleurs, dans son message le 10 Septembre dernier, le Président de la République a rappelé qu’au terme de notre Constitution, il est habilité à user d’un droit de grâce. C’est tout dire ….. Dans ce contexte, je pense qu’au-delà des problèmes qui se présentent à nous aujourd’hui, les Camerounais souhaitent dans leur grande majorité, l’alternance.

    En effet, tout être humain vit d’espoir même si cet espoir est lointain. Il se dit que s’il ne voit pas se concrétiser son espérance, au moins ses enfants en connaitront. Celui qui vous parle a été membre du comité constitutif du 18 janvier 1995, qui a accouché de la Constitution du 18 Janvier 1996, prévoyant entre autres, la décentralisation. A cette époque, faut-il le rappeler, le Cameroun avait déjà adopté la démocratie comme principe de gouvernance, ce qui suscita la création de plusieurs partis politiques.

    Une fois ce principe accepté, nous devons savoir que tout parti politique vise la conquête du pouvoir, et si la Loi ne lui donne pas la possibilité d’aspirer à cette ambition, son existence n’a pas sa raison d’être. C’est pour cela que nous avions adopté la limitation des mandats présidentiels.

    Mais les partis politiques crées n’ont pas compris que quand un parti est au pouvoir, sa vocation est d’y rester le plus longtemps possible. Ainsi on a pu remarquer que même dans les vieilles démocraties où il existe la limitation des mandats présidentiels, le Président de la République sortant, s’efforce toujours de faire en sorte qu’un membre de son parti lui succède. Ils font même campagne pour lui.

    En fait, ce qui crée l’incompréhension dans nos partis politiques, c’est qu’ils confondent la durée d’un parti au pouvoir à celle de la personne qui gouverne. Je continue à penser et le répète, que le problème qui se pose au Cameroun est aussi celui de l’alternance et le seul remède qui pourrait guérir le mal est :

    La révision de la Constitution

    La limitation du mandat présidentiel à 2x5ans non renouvelables

    L’élection à deux tours.

    La révision du code électoral

    La décentralisation dont il faut accélérer la mise en place, dans les 06 mois qui suivent le dialogue.

    En somme, si ces propositions sont réalisées, nous aurons facilité la tâche au Président de la République. En effet, en affirmant dans son message à la nation le 31 décembre 2018, je le cite : « le septennat qui vient de commencer devrait être décisif pour notre pays. Il pourrait même être l’un des moments les plus importants de notre histoire depuis notre indépendance. »

    Je pense pour ma part que cette déclaration n’est pas le fait de hasard, elle ouvre les portes de toutes les réformes structurelles et profondes, que souhaitent les camerounais.

    La convocation de ce grand Dialogue  National, en est une illustration. Qui l’eût cru ! Ainsi, en dehors de la sécession, l’on peut aisément aborder tous les sujets de la vie nationale. Il y a  également cette possibilité de grâce, prévues par la constitution de notre pays et évoquée par le chef de l’Etat lui-même.

    Pour ma part, je pense que si cette rencontre du Grand Dialogue National est un succès, ce que  nous espérons et souhaitons tous,

    je suis persuadé que le Chef de l’Etat pour exprimer sa satisfaction, pourrait user de cette grâce pour libérer les personnes  condamnées dans le cadre de la crise dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest et pourquoi pas, celles interpellées lors des manifestations post –électorales.

    Tout ceci viendrait j’en suis convaincu, confirmer ce que le Président Paul BIYA avait lui-même prédit par rapport à ce septennat ; Je le cite encore : «  Le septennat qui vient de commencer devrait être décisif pour notre pays. Il pourrait même être l’un des moments les plus importants de notre histoire depuis notre indépendance. »

    Je vous remercie pour votre bienveillante attention, en espérant que ma modeste contribution pourra aider à faire avancer les débats.

     

  • Le Colloque de l’Africa Forum : une initiative salvatrice pour le Cameroun ?

    Le Colloque de l’Africa Forum : une initiative salvatrice pour le Cameroun ?

    Un communiqué daté du 02 juillet dernier et signé du Secrétaire exécutif de l’Africa Forum, l’ex-président du Mozambique Joaquim Alberto Chissano, évoque les inquiétudes croissantes de cette institution pour la situation au Cameroun, les démarches qu’elle a entreprises auprès des autorités camerounaises, et le Colloque sur le Cameroun qu’elle envisage d’organiser pour s’informer de la manière la plus complète possible sur la situation qui prévaut dans le pays.

     

    Joseph Lea NGOULA

    A l’heure où la diplomatie africaine balbutie devant les crises multiformes qui précipitent chaque jour un peu plus le Cameroun au bord de l’abîme, cette sortie inopinée des anciens chefs d’État et de gouvernement ravive l’espoir et suscite en même temps des interrogations légitimes sur les motivations d’une telle démarche ; aura-t-elle une valeur ajoutée par rapport à médiation suisse qui vient à peine de démarrer ? Quid de son efficacité sur le règlement politique des crises et la consolidation d’une paix durable au Cameroun ?

    « Ce sont les africains qui doivent régler les problèmes africains »

    Le Cameroun fait désormais l’objet d’une grande attention de la communauté internationale. Classé par le Conseil Norvégien des Réfugiés à la tête des pays qui abritent les conflits les plus négligés dans le monde, le Cameroun doit stabiliser un environnement sécuritaire très volatile et apaiser une arène politique secouée par une crise post-électorale doublée de récentes crispations identitaires. Boko Haram a récemment signé son grand retour dans le septentrion après une période d’accalmie qui a trompé la vigilance des autorités. Mais c’est la crise sociopolitique et l’insurrection séparatiste dans les régions anglophones du Nord-ouest et Sud-ouest qui cristallisent l’attention et les inquiétudes de l’opinion et de la communauté internationale. Pour cause, elle engendre le nombre le plus élevé de victimes en termes de morts, de déplacés internes, de réfugiés, d’enfants déscolarisés, de femmes sexuellement abusés, de civils enlevés et de militants arbitrairement incarcérés.

    Le tragique bilan de la crise anglophone a été au cœur d’une réunion informelle organisée au conseil de sécurité à l’initiative des États Unis.  Cette rencontre en formule aria a révélé les divisions profondes du Conseil de sécurité sur la question camerounaise. Les diplomates africains, par la voix de l’ambassadeur de la Guinée équatoriale, ont martelé que « ce sont les africains qui doivent régler les problèmes africains…pour autant que le gouvernement camerounais en fasse la demande ». Cette ligne diplomatique qui rame à contre-courant des positions occidentales repose sur le paradigme de la réappropriation africaine, nouveau crédo des diplomates du continent dans les arènes internationales. Cependant le simple fait de voir les américains en première ligne sur le dossier du Cameroun, et plus récemment la Suisse dans le processus de médiation, illustrait parfaitement l’échec patent du leadership africain sur l’importante question de la stabilité du Cameroun.  La sortie du Forum Africain rompt avec cette tradition du silence et de l’indifférence qui a longtemps guidé l’attitude l’Union Africaine sur la situation au Cameroun. Elle remet au gout du jour le devoir de non-indifférence inscrit dans l’acte constitutif de l’UA.

    En tant que réseau informel d’anciens chefs d’État et de gouvernement qui ont décidé de mettre de mettre à contribution leur riche connaissance et expérience pour soutenir les objectifs généraux de l’UA, l’Africa Forum pourrait à travers cette initiative permettre à l’UA de sauver la face et d’opérationnaliser le dogme de la réappropriation africaine longtemps défendu auprès des partenaires occidentaux. Il offre une occasion de réduire l’influence des puissances étrangères dans la pacification des foyers de crise en Afrique, pour autant que les instances panafricaines s’y impliquent activement. La paix importée, celle qui est négociée sous les auspices des puissances occidentales, demeure une paix fragile car sujette aux aléas géopolitiques et calculs politiques des puissances qui prêtent leurs bons offices. L’Afrique doit reprendre la main et exercer pleinement son leadership dans l’ensemble des processus de paix engagés sur le continent.

    Un processus africain complémentaire au processus de Genève

     Certains commentateurs décrient une réaction africaine tardive et craignent que l’initiative du colloque n’entrave la médiation engagée entre le gouvernement et les leaders séparatistes anglophones par la Suisse et le Centre pour le Dialogue Humanitaire. Il convient de rappeler qu’il n’est jamais tard pour engager une démarche afin de stopper les violences et apaiser les esprits qui s’échauffent.

    Le processus de Genève ne rencontre pas l’adhésion de toutes les parties prenantes. La Conférence Générale Anglophone l’a qualifié de non évènement pendant que la société civile et l’opposition camerounaise dénoncent une manœuvre du pouvoir pour diviser davantage les problèmes et n’aborder qu’une facette d’un problème camerounais multidimensionnel. En effet il existe bel et bien un problème camerounais qui s’exprime diversement à travers la crise sécuritaire dans le septentrion, la crise identitaire, la crise post-électorale et la crise anglophone. Ces différentes crises plongent leur racine dans les mêmes causes : la mauvaise gouvernance, les pratiques autocratiques, l’usure du pouvoir et l’érosion de la légitimité des institutions électorales.

    La médiation suisse, bien que salutaire, reste insuffisante pour enrayer la spirale de violence qui gagne les différentes régions du Cameroun. Elle n’inclut qu’un nombre limité d’acteurs, laissant de côté toutes les forces sociales et politiques qui ont une partition très importante à jouer dans la stabilisation des foyers de crise au Cameroun. C’est la grande ambition de l’Africa Forum, de combler cette lacune en organisant une ébauche de Dialogue inclusif qui rassemblera un nombre élargi de citoyens camerounais pour examiner les causes profondes des crises et proposer des solutions durables qui bénéficieront à toutes les factions du mouvement anglophone ainsi qu’à toutes les composantes de la nation. Au lieu de le concurrencer, le processus africain vient en complément au processus de Genève dans l’intérêt de la nation camerounaise.

    Faudra-t-il espérer dans cette initiative africaine ?

    Malgré toute leur bonne volonté, les anciens chefs d’État sont privés de leviers institutionnels pour implémenter les résolutions du symposium annoncé. Ce constat nourrit le scepticisme de quelques-uns. Cependant force est de constater qu’en Afrique, les anciens chefs d’État bénéficient d’une oreille attentive de leurs pairs encore en exercice. Ils entretiennent encore des canaux de communication qui leur permettent de se parler et de relayer la réalité de la situation, après consultation des différentes parties prenantes. Ces liens informels représentent une opportunité pour éclairer davantage le chef de l’État camerounais souvent perçu comme mal informé de la situation à cause d’un entourage qui dissimule délibérément les informations.

    L’expérience des anciens chefs d’État est très sollicitée par l’UA qui a rassemblé quelques-uns au sein du Groupe des sages, un rouage essentiel de l’Architecture africaine de paix et de sécurité. La grande expérience et la persuasion morale des anciens chefs d’États est très appréciées dans les médiations interafricaines. Ils jouissent auprès de la communauté internationale d’une grande respectabilité et peuvent à ce titre débloquer des processus diplomatiques sur lesquels l’ONU ne parvient pas à dégager une position commune.

    Les diplomates aux Nations Unies qui veulent par exemple renforcer l’appui humanitaire et le contrôle du respect des engagements du Cameroun en matière de droits humains, expriment leur frustration face aux blocages africains. Le plaidoyer des anciens chefs d’État à l’issu du colloque, pourrait permettre de lever ces résistances africaines qui entravent l’action de l’ONU.

    A travers leur sortie, les anciens chefs d’État donnent une chance à l’Afrique d’apporter sa pierre à l’édification de la paix au Cameroun. Longtemps restées en marge des discussions et des initiatives diplomatiques sur le Cameroun, l’UA et la CEEAC ont désormais une brèche pour s’impliquer activement dans le règlement des crises qui s’installent dans ce pivot sous-régional. Il est dans leur intérêt de soutenir politiquement cette démarche de l’Africa Forum pour assoir leur leadership sur le continent et leur légitimité auprès des populations meurtries par les violences en Afrique en général et au Cameroun en particulier. En donnant la parole à un large éventail de citoyens camerounais pour recueillir les propositions de sortie de crise, le colloque sur le Cameroun se veut un processus participatif, inclusif et efficace pour adresser tous les défis politiques et sécuritaires qui menacent la stabilité du Cameroun.

  • Le Franc CFA et les perspectives de coopération monétaire entre les 15 pays africains de la zone franc et la France

    Le Franc CFA et les perspectives de coopération monétaire entre les 15 pays africains de la zone franc et la France

    Le présent article a pour objectif d’éclairer le public sur le rôle du Franc CFA en tant que monnaie et, sur le fonctionnement du compte d’opérations ouvert dans les livres du trésor français par les trois banques centrales des Etats membres de la Zone franc (ZF).

    Il participe du débat actuel portant sur la sortie du FCFA ou une hypothétique deuxième dévaluation, et offre aux lecteurs un angle de lecture moins clivant et dépouillé des préjugés qui entourent la perception du FCFA en Afrique en général, et en Afrique centrale en particulier.

    Après avoir rappelé dans une première partie quelques principes de base de la coopération monétaire entre les pays de la ZF et la France, nous traiterons dans une seconde partie de l’intérêt et de l’utilité du Franc CFA et du compte d’opérations pour le citoyen africain lambda. Dans une troisième partie, nous explorerons les avantages pour la France de la coopération monétaire avec les pays de la ZF, avant de rappeler les critiques portées contre ce dispositif par certains acteurs africains et étrangers.

    Nous tirerons en conclusion quelques enseignements que cette réflexion pourrait apporter dans la quête de solutions pragmatiques et efficaces permettant de transformer résolument les économies africaines tout en garantissant l’harmonie et la qualité de vie des populations.

    1. Rappel de quelques principes essentiels des conventions de coopération portant sur le Franc CFA1

    La Zone franc regroupe 14 pays d’Afrique sub-saharienne, les Comores et la France. Bâtie sur les liens historiques étroits qui unissent la France aux pays africains, la Zone franc est issue de la volonté commune de ces pays de maintenir un cadre institutionnel qui a contribué à la stabilité du cadre macroéconomique.

    En 1959, les pays d’Afrique de l’Ouest se sont associés au sein de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), créée en remplacement de l’institut d’émission de l’Afrique Occidentale Française et du Togo. La même année, les pays d’Afrique centrale ont créé la Banque Centrale des équatoriale et du Cameroun (BCEAEC), qui deviendra dix années plus tard la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC). La Banque Centrale des Comores a, quant à elle, succédé à l’Institut d’émission des Comores en 1981.

    Les francs CFA et comorien ont été jusqu’au 1er janvier 1999 ancrés au franc français. Dès l’adoption de l’euro, la monnaie européenne a remplacé le franc comme ancre monétaire des francs CFA et comorien, sans que les mécanismes de coopération monétaire de la zone en soient affectés. La coopération monétaire entre la France et les pays africains de la Zone franc est régie par quatre principes fondamentaux :

    1) Garantie de convertibilité illimitée apportée par le Trésor français ;

    2) Fixité des parités ;

    3) Libre transférabilité ;

    4) Et centralisation des réserves de change.

    En contrepartie de la garantie du Trésor français, les trois banques centrales sont tenues de déposer une partie (50%) de leurs réserves de change sur un compte dit « d’opérations », ouvert dans les livres du Trésor.

    Le 31 décembre 1998, le Conseil de l’Union européenne a fixé le taux de conversion irrévocable entre l’euro et le franc français (1 euro = 6,55957 FF). Ce taux a déterminé automatiquement la valeur de l’euro en franc CFA et en franc comorien. Comme le franc CFA s’échangeait en franc français au taux de 100 FCFA pour un 1 FRF, la parité du franc CFA est désormais de 1 euro = 655,957 FCFA. De la même façon, puisque le franc comorien s’échangeait à un taux de 75 FC pour 1 franc français, sa parité est désormais de 1 euro pour 491,96775 FC. La substitution de l’euro au franc français comme ancre monétaire du franc CFA et du franc comorien n’a donc donné lieu à aucune modification de la parité de ces monnaies.

    La France et les autres pays signataires des accords de la Zone franc demeurent les seuls responsables de leur mise en œuvre. Ceci implique notamment que les modifications éventuelles de la parité entre l’euro et les francs CFA et comorien relèvent de la seule responsabilité des États membres de la Zone franc. Les autorités françaises devront toutefois informer le Comité Economique et Financier (CEF) de l’Union européenne préalablement à toute modification de parité et tenir la Commission, la Banque Centrale Européenne (BCE) et le CEF régulièrement informés de la mise en oeuvre de ces accords.

    Une décision du Conseil de l’Union européenne n’est nécessaire que dans deux cas seulement : soit lors d’un changement de la portée des accords (admission d’un nouvel État), soit en cas de modification de la nature même de l’accord (par exemple une remise en cause du principe de garantie par l’État français de la convertibilité à parité fixe des francs CFA et comorien). Toute autre modification demeure de la compétence exclusive des États membres de la Zone Franc.

    A ce stade, nous pouvons retenir que le sort du FCFA, qu’il s’agisse de la sortie de la Zone Franc ou de la dévaluation, dépend principalement des dirigeants des pays africains concernés, et par conséquent des peuples de ces pays. Pour autant, la question n’est ni exclusivement politique, ni exclusivement économique et financière. Elle puise ses réponses dans tous ces domaines en même temps, le plus important pour toutes les parties prenantes étant de préserver l’harmonie et la qualité de vie des populations.

    1. Intérêt et utilité du Franc CFA et du compte d’opérations pour le citoyen africain lambda en l’an 2019

    « Les préjugés font plus de mal {l’espèce humaine que la raison ne lui sert, parce que l’ignorance est plus générale que le savoir ». Cette citation de Pierre-jules Stahl illustre bien l’état d’esprit dans lequel se trouvent de nombreux africains concernant l’impact du FCFA sur la situation économique et financière de leurs pays et la supposée responsabilité que porte la France à cet effet.

    Les préjugés qui entourent la perception du FCFA en Afrique en général, et en Afrique Centrale en particulier, sont nourris par une histoire douloureuse et tragique qu’ont vécu et que continuent de vivre les africains, dans un contexte international marqué par la réapparition des égoïsmes nationaux et une concurrence commerciale exacerbée entre les pays à travers le monde. On peut alors comprendre que, pour les ressortissants africains des pays membres de la ZF, le Franc CFA cristallise aujourd’hui leur ressentiment contre la France, du fait notamment des conventions de coopération qui lient cette dernière aux Etats concernés, et qui les obligent notamment à conserver 50% de leurs réserves en DEVISES (Monnaies étrangères) dans les comptes d’opérations ouverts dans les livres du trésor public français.

    Pour « exorciser » ces préjugés, il importe de rappeler que la monnaie est un instrument de payement en vigueur en un lieu et à une époque donnée, du fait de la loi (elle a un cours légal) et des usages (elle est acceptée en règlement d’un achat ou d’une dette). La monnaie est censée remplir trois fonctions principales, quel que soit son pays émetteur :

    1) Intermédiaire dans les échanges ;

    2) Réserve de valeur ;

    3) Unité de compte pour le calcul économique ou la comptabilité.

    C’est grâce { ces fonctions que le Franc CFA facilite au citoyen africain lambda les possibilités de s’alimenter, de se loger, d’éduquer ses enfants, de se divertir, etc. Sa fonction d’intermédiaire dans les échanges donne { chacun la capacité d’éteindre les dettes et les obligations, notamment vis-à-vis des entreprises étrangères qui produisent l’essentiel des biens et services que les ménages africains consomment. C’est ce qui constitue le « pouvoir libératoire » de la monnaie. Et c’est cela que garantit la France auprès de tous les partenaires commerciaux et financiers étrangers du Cameroun et des 14 autres pays membres de la ZF.

    A titre d’illustration, on observe par exemple que, pour s’alimenter, le ménage camerounais consomme de plus en plus des produits fabriqués { l’étranger, en négligeant sa propre industrie agroalimentaire. Le Cameroun importe par conséquent les produits laitiers, les pâtes alimentaires, le riz, le poisson, les boissons, le sucre, la farine, etc. La même observation peut être faite concernant le logement, la santé, l’éducation, le divertissement, etc., dont les biens et services afférents sont produits principalement à l’étranger.

    En effet, bien que les ménages camerounais payent localement en FCFA pour accéder à ces biens et services, les entreprises productrices doivent quant à elles, être payées dans la devise de leur pays d’origine, grâce à un mécanisme de compensation géré par la Banque Centrale via le compte d’opérations. Les entreprises importatrices basées au Cameroun sont ainsi tenues de payer leurs fournisseurs étrangers en devises, généralement en Euros ou en Dollars US. Il revient par conséquent { l’Etat du Cameroun de garantir la disponibilité de ces devises, dans un contexte international de défiance et de forte concurrence. D’où l’intérêt de la coopération monétaire avec la France et la nécessité des comptes d’opérations, dont le fonctionnent s’assimile { celui des comptes à vue des ménages ouverts auprès des banques commerciales et rémunérés.

    Nous pouvons retenir { ce stade que c’est moins l’appartenance { la Zone franc que les habitudes de consommation des ménages africains qui constitue un risque majeur pour la dévaluation du FCFA. A titre d’exemple, lorsque les ménages camerounais achètent des biens et des services produits { l’étranger, c’est la monnaie et l’économie du pays producteur de ces biens et services qu’ils valorisent, au détriment du FCFA. Pour protéger leur monnaie les ménages africains et leurs Gouvernements doivent oeuvrer tous ensemble pour :

    1) Produire eux-mêmes l’essentiel de ce qu’ils consomment. Ce qui préserve le pays d’une très forte dépendance extérieure et par conséquent d’une forte exigence en réserves de change ;

    2) Exporter au minimum autant qu’on importe de l’étranger, afin d’équilibrer la balance des échanges commerciaux et surtout, la balance des payements.

    En l’absence de devises disponibles pour payer les fournisseurs étrangers, l’Etat du Cameroun ne dispose que de deux recours essentiels : s’endetter auprès des pays riches ou des partenaires institutionnels de type Fonds Monétaire International (FMI), comme cela a été de nouveau le cas depuis 2018 ; ou alors dévaluer le FCFA pour redonner de la compétitivité { l’économie locale en rendant plus coûteux les produits importés. Encore faut-il que la production locale soit suffisante pour satisfaire les besoins des ménages…

    III. Avantages pour la France de la coopération monétaire avec les pays de la Zone Franc en l’an 2019

    Les réserves de change des pays de la ZF naissent de la vente { l’étranger des biens et services qui y sont produits, c’est-à-dire pour l’essentiel, les produits du sol et du sous-sol exportés { l’état brut et dont les prix sont fixés par un marché international sur lequel ces pays ne peuvent exercer aucun contrôle absolu.

    Pour la France, la coopération monétaire avec les pays de la ZF avait tout son sens et toute son importance en tant que principal partenaire commercial desdits pays. Leurs réserves en devises étaient alors maîtrisées et destinées exclusivement { la France, en contrepartie des matières premières exportées presque totalement vers la même France. Ce qui garantissait d’une part, des prix très compétitifs aux entreprises françaises qui achetaient par exemple les matières premières du Cameroun et, d’autre part, le payement à bonne date de leurs factures (libellées en franc français) à celles des entreprises qui vendaient leurs biens et services aux ménages camerounais.

    Cependant, les crises économiques et financières qui se sont succédées depuis le début des années 1970 ont ébranlé la confiance des pays africains vis-à-vis de la France, cette dernière n’étant pas parvenue à trouver des solutions pour juguler la baisse des prix des matières premières, et par conséquent l’effondrement des réserves de change.

    Il est apparu en effet que la coopération monétaire servait davantage les intérêts de l’économie française, dont le pays gardait l’assurance, en tant que partenaire commercial presque exclusif, de l’accès aux matières premières et du recouvrement de ses créances éventuelles lorsque les prix desdites matières premières remonteraient. Ce qui permettait alors { l’Etat français de continuer de garantir la signature des pays de la ZF auprès des entreprises françaises, voire même de consentir à ces dernières des avances en devises, par le débit des comptes d’opérations.

    Toutes choses qui préservaient la compétitivité de ces entreprises pendant que les dirigeants africains étaient contraints de sacrifier la qualité de vie de leurs populations, d’abord en souscrivant aux différents plans d’ajustement structurel imposés par le FMI et la Banque Mondiale ; ensuite en concédant la première dévaluation du FCFA en Janvier 1994. Au-delà des crises sus-évoquées, l’évolution de l’environnement économique et politique international dont la libéralisation des échanges, la rupture du système monétaire international de Bretton-Woods, les crises de la dette et enfin la création de l’euro, a fini de convaincre les dirigeants africains de diversifier leurs partenariats commerciaux et de renégocier substantiellement les contraintes relatives à la coopération monétaire avec la France. Le pourcentage des avoirs des banques centrales qui doit être déposé au Trésor français passe ainsi de 100 % (hors avoirs FMI) à 65% en 1972-1973, puis à 50% en 2005 pour la BCEAO et en 2007 pour la BEAC3.

    3 Guillaumont P. et S. Guillaumont Jeanneney (2012), Les accords de coopération monétaire de la Zone franc : atouts et contraintes, Document présenté le 23 Novembre 2012 dans le cadre du Symposium du 40ème Anniversaire de la Banque des Etats d’Afrique Centrale « Intégration monétaire en Afrique : expériences et perspectives »

    4 Kako Nubukpo, « La zone Franc et le Franc CFA méritent un sérieux dépoussiérage », publié sur www.financialafrik.com, le 28 Janvier 2019 /

    Dans cette nouvelle configuration des relations internationales, l’intérêt de la France pour le FCFA et la Zone Franc peut sembler fortement dilué, car sa position de garante de la stabilité du cadre macroéconomique des pays africains servirait alors les intérêts de ses concurrents au niveau international (Chine, Russie, Brésil, Etats-Unis, Inde, etc.). La tentation est alors forte de voir la France durcir les conditions de fonctionnement des comptes d’opérations, en prohibant par exemple les débits en compte, sous le prétexte de nourrir indirectement la concurrence chinoise, russe, etc. Ce d’autant que, comme le relève Kako Nubukpo4, « dans les faits, ce dépôt est rémunéré (au taux de la facilité marginale de la BCE) et son montant (peu ou prou 15 milliards d’Euro) ne représente que 0,5% de la dette publique française. Il peut d’ailleurs en être difficilement autrement car le produit intérieur brut (PIB) de l’ensemble de la zone Franc ne représente que 7% du PIB français, pour une population deux fois et demi plus importante. »

    Mais cela ne se vérifierait que si les économies des pays membres de la ZF demeuraient dans un état embryonnaire, caractérisé par un faible tissu industriel et un marché étroit pour les biens et services produits en France. Or, la pression démographique que subissent les pays africains obligent leurs dirigeants { mettre en oeuvre des politiques ambitieuses pour la transformation industrielle de leurs économies, seul véritable gage pour la croissance et l’emploi, face aux risques d’implosion sociale et aux menaces sécuritaires y relatives. De même, cette poussée démographique devrait rassurer la France quant aux débouchés dont pourraient encore bénéficier les entreprises françaises en Afrique. Un durcissement des conditions de coopération serait contreproductif pour la France et pourrait accélérer la sortie des pays africains de la ZF ; tandis que le maintien des relations historiques et constructives offrirait des perspectives favorables à toutes les parties prenantes.

    De telles perspectives obligent toutefois { s’interroger sur la capacité de la France à continuer de soutenir les balances de payement des pays africains de la ZF dont le volume de transactions pourrait croitre de façon exponentielle dans les vingt prochaines années…

    1. Rappel des principales critiques portées contre le Franc CFA

    Les critiques formulées contre le système de coopération monétaire qui lie la France aux pays de la ZF se cristallisent autour du FCFA et peuvent être résumées en six points essentiels :

    1. Le FCFA est perçu comme un héritage colonial et symbolise la domination française sur les anciennes colonies, au mépris des droits humains fondamentaux. « La France, une ancienne puissance coloniale, fait circuler sa monnaie dans 15 pays alors même qu’elle ne l’utilise plus, c’est une situation exceptionnelle », s’insurge l’économiste camerounais Martial Ze Belinga5. Il est opportun de rappeler { cet effet qu’au moment de sa création, l’acronyme signifiait « Franc des Colonies françaises d’Afrique ». Par la suite, il est devenu le franc de la Communauté financière africaine pour les Etats de l’UEMOA et le franc de la coopération financière en Afrique centrale pour les pays de la CEMAC ;

    5 Comprendre le franc CFA en quatre questions, Article publié par Anne Cantener ‚ Alice Pozycki et Matthieu Millecamps sur le site www.rfi.fr le 30 août 2017

    6 Kako Nubukpo, « Le franc CFA asphyxie les économies africaines », Publié sur le site www.lemonde.fr le 29 août 2017 à 11h13 – Mis à jour le 09 décembre 2017 à 12h14

    1. Le FCFA consacre la perte de souveraineté monétaire des pays de la Zone Franc. Selon l’économiste togolais Kako Nubukpo6, la garantie du Trésor français dont bénéficie les pays de la ZF s’assimile { un régime féodal où la France représenterait la classe de nobles propriétaires terriens (nobles féodaux) tandis que les pays africains représenteraient la masse exploitée des paysans et de serfs, en théorie libres mais néanmoins attachés juridiquement { la terre qu’ils cultivent (et donc à leurs seigneurs propriétaires). Il estime en effet que « comme dans le régime féodal, elle conduit d’abord les dirigeants africains { payer le « seigneuriage » au Trésor français via le compte d’opérations, puis { réclamer la protection de la France contre les conséquences de cet arrangement institutionnel d’un autre temps, à savoir la perpétuation de la prédation des élites politiques et économiques, l’accroissement de la pauvreté des populations et la montée des insécurités ».

     

    1. Le FCFA participe de la répression de la demande, comme choix stratégique opéré par les autorités africaines pour maîtriser l’inflation. Selon Kako Nubukpo « lutter contre l’inflation revient soit { réduire la demande globale, soit { augmenter l’offre globale, ou { faire un peu des deux. Dans le cas de la zone franc, la première solution a été privilégiée, dans la mesure où la hantise des autorités monétaires réside dans le fait qu’une demande globale interne satisfaite par des importations massives de biens et services puisse se traduire par une sortie de devises. Or ces devises, encore appelées réserves de change, sont indispensables pour garantir la parité fixe entre le franc CFA et l’euro, véritable mantra de la politique monétaire et de change des deux principales banques centrales de la zone franc (BCEAO pour l’Afrique de l’Ouest et BEAC pour l’Afrique centrale). Leur sortie exagérée pourrait engendrer un risque sérieux de dévaluation du franc CFA. »

     

    1. Le FCFA ne sert ni l’intégration commerciale des pays membres de la ZF au niveau régional ou international ni leur croissance économique. Selon Kiari Liman-Tinguiri et Zacharie Liman-Tinguiri7, deux économistes nigériens « la monnaie commune n’a servi ni l’intégration des pays membres ni leur croissance économique, deux conditions essentielles à leur développement. Le commerce intra zone franc CFA est de l’ordre de 15 % et tous les pays de l’Union économique et

    7 Kiari Liman-Tinguiri et Zacharie Liman-Tinguiri, « L’inertie du franc CFA empêche chaque pays d’être réactif en cas de choc économique », Publié sur le site www.lemonde.fr le 09 mai 2017 à 11h45 – Mis à jour le 09 mai 2017 à 11h45 monétaire ouest-africaine (UEMOA) ont un développement humain parmi les plus faibles du monde. »

    Pour Kako Nubukpo, « l’économie du Franc CFA est restée celle de la sujétion coloniale : c’est une monnaie qui maintient l’insertion primaire des économies de la zone Franc au sein du commerce international, dans la mesure où son utilisation n’a pas permis d’amorcer la transformation sur place de matières premières et encore moins les échanges entre économies de la zone Franc. Elle obère également la compétitivité-prix { l’export des économies qui l’utilisent. Elle incite enfin { la double répression financière et monétaire, du fait de la primauté de la défense de sa parité fixe avec l’Euro au détriment du financement des économies de la zone Franc ».

    1. Le FCFA est perçu comme une cause structurelle du niveau élevé des taux d’intérêt observé dans la ZF, et par conséquent des difficultés d’accès au crédit des entreprises. Kako Nubukpo estime que la totale garantie de convertibilité entre le franc CFA et l’euro d’une part, et la liberté de circulation de capitaux entre les deux zones d’autre part, constituent une véritable pompe aspirante des capitaux hors de la zone franc, d’autant plus aisée { réaliser qu’il existe un taux de change fixe entre le franc CFA et l’euro, donc zéro risque de dépréciation monétaire. Ce qui a pour conséquence que « les taux d’intérêt nominaux en zone franc restent élevés et, comme l’inflation y est faible, ceci met les taux d’intérêt réels { un niveau largement supérieur aux taux de croissance économique observés dans la zone. »

     

    1. Le FCFA et son taux de change fixe prive les pays de la ZF de la possibilité de trouver des solutions appropriées aux chocs exogènes. Partant du constat que les économies des pays qui composent la ZF ne sont pas suffisamment synchronisées pour qu’une seule politique monétaire puisse être aussi efficace qu’elle l’aurait été dans un seul Etat, Kiari Liman-Tinguiri et Zacharie Liman-Tinguiri conclut que « le franc CFA et son taux de change fixe avec l’euro privent chaque pays de la possibilité d’une réponse appropriée { son propre choc. Cette inertie a un coût différent pour chaque pays et presque chacun d’eux en a fait l’expérience { un moment ou à un autre ». Selon les deux économistes, « iI est impossible de satisfaire, en même temps, trois des exigences de la politique monétaire contemporaine, et même difficile et risqué d’en cibler deux parmi les trois que sont : assurer la stabilité des prix et le plein-emploi par le contrôle des taux d’intérêts nominaux, stabiliser le taux de change de la devise avec une parité fixe par rapport à une monnaie (ou un panier de monnaie de réserves), et permettre la libre circulation de la monnaie sans contrôle du mouvement des capitaux ».

     

    1. Conclusion : Que retenir de tout ceci par rapport au débat sur la sortie du FCFA ou la dévaluation, et surtout aux perspectives économiques et financières des pays de la ZF ?

    Au regard de tout ce qui précède, une chose demeure constante : face à la pression de la croissance démographique et aux exigences légitimes d’amélioration continue de la qualité de vie manifestées par les populations, les pays africains sont désormais tenus d’apporter des solutions pragmatiques et efficaces.

    Quelle que soit leur position vis-à-vis du FCFA, toutes les parties prenantes s’accordent sur un point essentiel : le véritable défi de la zone franc réside dans la capacité des pays africains à transformer structurellement leurs économies, à réduire drastiquement les taux d’intérêt débiteurs, à orienter le crédit vers la production et non dans le négoce, et à développer les exportations intra-zone et extra-zone.

    Relever ce défi appelle une approche holistique permettant d’aborder le problème sous tous ses aspects, en gardant { l’esprit l’essentiel : le développement humain. Ceci est d’autant plus nécessaire que la contribution citoyenne de chaque individu est requise dans ce processus de développement nécessairement inclusif.

    Le citoyen africain doit prendre conscience de son rôle stratégique en tant que consommateur, investisseur, entrepreneur et électeur. La réalisation des trois premières fonctions est déterminée par la dernière, car il revient aux politiques de mettre en œuvre des programmes qui satisfont aux attentes manifestées par les citoyens en tant que consommateur, investisseur et entrepreneur. La sortie du FCFA et la dévaluation sont des décisions essentiellement politiques et doivent être traitées comme telles par les professionnels en la matière ; à charge pour ces derniers de s’assurer que les mécanismes de substitution envisagés pour remplacer le dispositif actuel (coopération monétaire avec la France) offrent un niveau de crédibilité technique et financière qui sécurise les intérêts de toutes les parties prenantes.

    Pour l’heure, que ce soit au niveau de l’Union Africaine, ou des différentes Communautés Économiques d’Afrique, le choix prioritaire des dirigeants africains semble se porter sur la transformation structurelle des économies par l’industrialisation durable comme alternative aux solutions purement monétaires telles que la dévaluation ou la sortie du FCFA. Cette option stratégique présente l’avantage d’offrir { toutes les parties prenantes des opportunités de collaboration immédiate sur tous les plans : politique, économique, social, environnemental, etc.

  • Lutte contre le tribalisme : pourquoi il faut réviser la Constitution

    Lutte contre le tribalisme : pourquoi il faut réviser la Constitution

    Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une réforme importance induisant des changements structurels qu’il faudra conduire avec courage, détermination et dextérité !

    L’experte en gouvernance et non moins enseignante titulaire à l’université de Yaoundé II donne sa vision sur les aménagements à apporter à la constitution du Cameroun en vue de relever les défis qui interpellent le pays.

    Pr. Viviane Ondoua Biwole

    Peut-on vraiment lutter contre le tribalisme sans modifier la Constitution ? Une réflexion profonde est nécessaire. Car la loi fondamentale du Cameroun semble détenir une des racines du fléau. Il s’agit du concept d’autochtone. En effet, son usage n’est pas neutre dans la recrudescence du repli identitaire ambiant. La révision constitutionnelle pourrait alors s’avérer nécessaire pour extirper ce concept de la constitution et le remplacer par celui de résident qui nous parait plus approprié pour renforcer durablement la référence à la République. Avant de le démontrer, il convient au préalable de mettre en exergue les dérives de l’usage de l’autochtonie.

    I. Les dérives de l’usage de l’autochtonie
    Le dictionnaire Larousse définit un autochtone comme un individu originaire et habitant le pays où ses ancêtres y ont également vécu. En contextualisant, on en déduit que l’autochtone d’une région, d’un département, d’un arrondissement ou d’un village est à la fois originaire et résident dans cette localité. Deux critères confèrent donc la qualité d’autochtone : l’origine et la résidence. L’emprunt de cette notion par la constitution du Cameroun vise à reconnaitre des droits privilégiés à cette catégorie de citoyens avec l’idée que chaque Camerounais est autochtone d’une localité. À cette notion, la constitution ajoute le concept de minorité.

    Seulement, la Constitution elle-même ne définit ni l’autochtonie ni la minorité. Cela est pourtant indispensable lorsqu’on sait que la grande majorité, sinon tous les peuples actuels du Cameroun y sont arrivés par flux migratoires. Il faut donc dire exactement quelle est la durée de la présence sur un territoire ou le nombre de générations qui devraient s’y succéder pour conférer l’autochtonie à un peuple. Du fait de ce déficit de clarté, à la pratique, les décideurs publics et politiques n’ont pas toujours tenu compte des deux caractéristiques de l’autochtonie. Le privilège est accordé à l’origine de par l’héritage génétique. L’exigence de la résidence est alors minimisée. Ainsi, qu’il s’agisse du cadre réglementaire appliqué lors des concours administratifs à travers l’équilibre régional ou de la pratique observée dans les nominations aux hautes sphères de gestion (ministère, direction générale des entités publiques, ambassadeurs, fonctionnaires des agences communautaires, etc.), seule la notion d’origine est valorisée.

    Repli identitaire, compétition acerbe entre les frères d’une même communauté et reproduction clanique
    À l’observation, le concept d’autochtone exige aux communautés d’organiser la compétition en leur sein et entre elles avec deux conséquences néfastes. La première est le repli identitaire imposé par cette pratique au travers de la notion de partage du gâteau national bien connue dans l’environnement administratif camerounais. D’ailleurs, le journal L’œil du Sahel se plaît à révéler, après chaque remaniement ministériel, le nouveau partage insistant sur les gains et les pertes des différentes régions et départements. La deuxième conséquence concerne les rivalités entretenues au sein de chaque communauté. Au point où, les antagonismes entre frères de la même région cachent à peine des velléités féroces de lutte de pouvoir ; les postes réservés aux originaires de la région étant connus et peu nombreux. La compétition est alors rude et le passage du témoin reste dans certains cas l’affaire d’une même famille ou d’un clan.

    Le Président de la République reconnait pourtant que : « Construire la nation c’est assurer la participation des composantes de toutes les régions et de toutes les ethnies sans exclusive. L’équilibre régional est donc l’outil qui permettra de favoriser la coexistence harmonieuse des différentes ethnies en sauvegardant les droits, les identités et les génies des minorités » . Cette affirmation fait suite au constat d’échec de cet outil à assurer l’unité dans la diversité : « J’ai réaffirmé mon attachement inébranlable et constant à l’unité nationale, si chèrement acquise, si jalousement préservée, notamment par l’arithmétique de l’équilibre et de la représentation qui, tout en ayant ses mérites, a plus rassemblé et juxtaposé qu’elle n’a profondément unifié, souvent au mépris de l’efficacité » , affirme-t-il. Cette réalité et les récriminations de plus en plus audibles des différentes communautés dévoilent l’urgence de repenser le mode de gestion de la diversité. Nous proposons le concept de résident comme alternative. L’idée de cette proposition est de trouver un repère à la République et pas à l’ethnique dont l’usage a montré des limites.

    II. Les qualités du concept de résident
    Un résident est une personne physique ou morale dont le domicile ou le siège principal est situé dans une région donnée et juridiquement consacrée par une autorité administrative. L’idée ici est de dire que chaque Camerounais dispose d’une localité de résidence (domicile principal), dans laquelle il exerce sa principale activité, paie ses impôts et où ses interactions politiques, économiques et sociales sont dominantes. Cette proposition s’appuie sur l’analyse des différents modèles de gouvernance d’entreprise. En effet, trois théories de gouvernance cohabitent dans la littérature managériale et peuvent être convoquées dans la gestion de la diversité au sein d’un territoire : la théorie actionnariale, la théorie partenariale et la théorie cognitive. La première privilégie les seuls intérêts de l’actionnaire. La deuxième tient compte des préoccupations de l’ensemble des parties prenantes. Et la troisième met l’accent sur la capacité des structures à innover en identifiant les nouveaux problèmes et en y apportant des solutions adéquates. Ces trois théories abordent différemment la question de la gestion de la diversité à travers la création et de la répartition de la valeur.

    D’abord, un modèle dit patrimonial épousant la théorie actionnariale. Ici, l’autochtone est le seul propriétaire du territoire du fait de son origine héréditaire. Et c’est autour de lui que se structurent toutes les autres transactions. Dans ce contexte d’essence contractuelle, l’essentiel de la régulation porte sur la résolution des conflits d’intérêts et en particulier de la minimisation des coûts liés à la cohabitation avec les autres communautés dites migrantes. Les décisions prises visent alors à accorder aux autochtones bien plus de droits qu’aux autres Camerounais avec lesquels ils partagent le même territoire afin de sécuriser leurs avoirs réels et symboliques (nomination des natifs du territoire, acquisition de droit ou de fait d’une part de la richesse naturelle du territoire ou celle produite par d’autres acteurs sur le territoire, droit d’usus, de frutus et d’abusus du patrimoine du territoire).

    Cette conception consacre la propriété du territoire exclusivement aux autochtones, sans autre considération. Il est alors question d’assurer leur enrichissement et d’empêcher leur spoliation. Des mécanismes sont alors mis en place pour sécuriser la rentabilité de leurs actifs. C’est le cas de l’équilibre régional et des dispositions contenues dans certaines conventions d’exploitation visant à privilégier les autochtones. Si l’ensemble de ces mécanismes sont utiles dans le cadre de la gouvernance « orientée autochtone », ils sont « clivants » et ne facilitent pas une bonne intégration nationale issue de la gestion de la diversité des communautés vivant sur un territoire donné. Cette perspective moniste qui ne tient pas compte de la création de la valeur à travers les transactions entre les différentes parties prenantes d’un territoire cède l’intérêt au modèle partenarial.

    L’autochtone n’est pas le seul propriétaire du territoire
    Le modèle partenarial revisite les contours du territoire en s’intéressant aux relations et interdépendances avec l’ensemble des parties prenantes considérées toutes comme copropriétaires du territoire. Celui-ci est désormais perçu comme un construit social, réceptacle des attentes, objectifs et intérêts de multiples partenaires qui peuvent influencer les décisions en son sein ou être influencés par les décisions qui y sont prises. Dans la perspective de ce modèle, l’alignement des décisions sur les seuls intérêts des autochtones ne permet pas d’assurer le développement durable du territoire. Il ne peut résulter que de la convergence des intérêts de toutes les communautés/individus qui cohabitent. Il apparait alors une reconnaissance légitime des communautés dites migrantes au même titre que les autochtones.

    Ce modèle pose alors la question de la gestion harmonieuse de multiples intérêts pour la plupart divergents de ces différentes communautés. Toutefois, les communautés qu’on pourrait qualifier ici « d’étrangères » ne sont pas seulement demanderesses, elles sont également des ressources précieuses pour le développement du territoire. Dans ce contexte, les communautés sont différenciées en fonction de la taille de leur créance dans le territoire. L’importance de l’engagement d’un agent individuel dépend alors de sa capacité à réaliser des investissements importants qui soutiennent son rapport d’échange. Cette vision plus élargie et dynamique de la gestion de la diversité convoque la perspective cognitive.

    Enfin le modèle cognitif met l’accent sur la capacité d’un individu à repérer et à transformer les opportunités en richesses. Les droits d’un individu dans le territoire ne s’apprécient plus uniquement à partir de son origine ethnique, mais aussi à travers sa capacité à créer de la valeur. Ce modèle mobilise des mécanismes complexes qui tiennent compte à la fois des conflits d’intérêts et des conflits comportementaux.

    Les deux derniers modèles montrent que le concept de résident est le mieux adapter pour une gestion de la diversité consolidant le vivre ensemble. En effet, la création de la richesse d’un territoire n’est pas la résultante de l’action des seuls autochtones. Conséquemment, la répartition de la richesse ne saurait leur revenir à eux seuls de droit du simple fait de leur origine ethnique. La qualité de résident d’un territoire est reconnue à tout Camerounais y ayant sa résidence principale et dont les activités ou les préférences/affinités légitiment la présence. Celle-ci ne prive pas les autochtones de leurs prérogatives à condition qu’ils y résident eux aussi et contribuent à la création de la richesse. L’investissement dans une résidence principale confère des droits et consacre l’attachement plus à la République qu’à l’ethnie ou la communauté parfois source de repli identitaire ou de tribalisme.

    III. Les réformes induites
    Cette proposition n’est pas sans conséquence. Au moins trois implications sont identifiées. La première concerne la reformulation de certaines dispositions de la Constitution. Il y est mentionné que « l’État assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi ». Si la protection des minorités peut être conservée, le concept d’autochtone à opposer à celui d’allogène peut être supprimé au profit du concept de résident. De même, l’article 57 alinéa 1 de la constitution dispose que les organes de la région sont : « le Conseil régional et le Président du Conseil régional… Le Conseil régional doit refléter les différentes composantes sociologiques de la région… Le Conseil régional est présidé par une personnalité autochtone de la région élue en son sein pour la durée du mandat du Conseil ». Si le Conseil régional doit refléter les différentes composantes sociologiques de la région, rien n’explique qu’il soit absolument présidé par un autochtone.

    La deuxième implication concerne l’acte décrétale discrétionnaire du Président de la République dans la promotion aux hautes fonctions administratives. La préoccupation est la même. Il s’agit de reconnaitre que cette désignation devrait s’appliquer au résident et non à l’autochtone faisant référence à l’ethnie. Ce n’est pas une nouveauté au regard de l’élection de certains maires et députés non originaire de leur lieu de mandature. Dans cette logique, qu’il s’agisse des nominations ou de l’accès aux concours administratifs, la référence au concept de résident permettrait de fédérer l’intérêt autour des principes de la République au sens des valeurs que tous les Camerounais ont en partage où qu’ils se trouvent.

    La troisième implication est d’ordre économique et pose le problème de la gestion de la rente des richesses naturelles. À ce sujet, les domaines et les matières relevant du domaine public devront être convenablement assurés par l’État. La gestion du foncier est sans doute l’un des problèmes complexes qu’il faudra adresser avec le concept de résident. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une réforme importance induisant des changements structurels qu’il faudra conduire avec courage, détermination et dextérité !

     

  • Hans-Peter Schadek

    Hans-Peter Schadek

    « Je suis profondément convaincu que notre partenariat, marqué depuis toujours par un dialogue ouvert »

    A l’occasion de la Journée de l’Europe, l’ambassadeur, Chef de délégation de l’Union européenne (UE) au Cameroun a prononcé un discours. Devant les membres du gouvernement et ceux des deux chambres du Parlement, ambassadeurs et chefs de mission diplomatiques accréditées au Cameroun, les représentants des organisations internationales, et les élus locaux, le diplomate a fait une évaluation des relations entre l’UE et son pays d’accueil.  Extraits.

    Pour la deuxième fois déjà, j’ai l’honneur et le grand plaisir de prendre la parole, devant vous, à l’occasion de la Journée de l’Europe, célébrée chaque année pour commémorer le discours historique de Robert Schuman, le 9 Mai 1950. C’est le discours qui a marqué le début du processus de l’intégration européenne, fondée sur le désir de la paix, une paix que nous avons pu préserver pendant plus de 70 ans maintenant.  Permettez-moi, à l’entame de mon propos, de vous souhaiter une chaleureuse bienvenue, et de vous remercier tous, en vos rangs, titres et qualités, pour votre présence à notre réception ce soir. Pour la première fois, cette soirée est organisée avec le concours de la Banque Européenne d’Investissement et du Bureau régional d’ECHO, le bras humanitaire de l’Union européenne, les deux structures étant présentes ici au Cameroun, en couvrant la région d’Afrique Centrale.

    Je remercie donc M. Andrea Pinna et M. Yvan Hildebrand, ici à mes côtés, pour leur contribution à l’organisation de cette soirée. Vous avez peut-être eu l’occasion, depuis votre arrivée dans cette salle, de voir, à travers des projections vidéo et des photos exposées, quelques références à leurs activités. Excellence, Monsieur le Ministre, Les relations entre l’Union européenne et le Cameroun sont vieilles de plus de 55 ans. Elles sont solides et sincères, fondées sur des valeurs et des objectifs partagées, pas seulement par rapport à l’Accord de Cotonou qui nous lie, mais aussi par rapport aux nombreux défis qui interpellent le monde d’aujourd’hui, tels que le terrorisme international, le changement climatique ou encore la préservation d’une gouvernance mondiale basée sur le multilatéralisme et les règles conjointement établies.

    Brexit

    Si donc, il y quelques semaines maintenant, la Haute Représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, Mme Federica Mogherini, et le Parlement européen se sont prononcés par rapport à la situation au Cameroun, c’est certainement dans le cadre de ce partenariat et dans un esprit d’amitié, de franchise et de solidarité. Certaines réactions à ces déclarations ont été vives. Mais, je suis profondément convaincu que notre partenariat, marqué depuis toujours par un dialogue ouvert, amical et confiant, est suffisamment solide pour pouvoir aller de l’avant ensemble.

    Comme vous le savez tous, l’Union européenne traverse en ce moment une période décisive, aussi bien en ce qui concerne le « BREXIT » que les prochaines élections européennes. Par rapport au BREXIT, nous étions tous très confiants que l’accord trouvé pour une « sortie ordonnée » du Royaume Uni aurait pu trouver l’appui du parlement britannique.

    Eh, bien, cela n’en a pas été le cas, et d’autres débats vont certainement encore avoir lieu à Westminster dans les semaines à venir. Mais j’espère qu’in fine, la raison va l’emporter et que cette sortie sera finalement « orderly » ou, peut-être même – et ce serait mon souhait personnel – ne se fera pas…  En même temps, les élections au Parlement européen auront lieu dans deux semaines, du 23 au 26 mai. Les enjeux sont évidemment très importants : il s’agit d’obtenir une représentation forte, capable d’agir et de légiférer efficacement en faveur de la construction européenne, alors que des courants eurosceptiques, dans un certain nombre d’Etats membres, ont progressé, hélas, ces dernières années. Mais cela ne devrait pas, je pense, mettre en cause l’obtention d’une grande majorité parlementaire résolument attachée au projet européen pour la prochaine législature.

    Cameroun-UE

    En ce qui concerne nos relations multiformes dans les domaines économique, commercial et dans celui du développement, permettez-moi de juste évoquer quelques points-clefs.  Premièrement, l’Accord de Partenariat Economique, est en vigueur depuis bientôt 5 ans. Il fonctionne en effet sans difficultés majeures et confirme la place de l’UE comme premier partenaire commercial du Cameroun, avec 55 % de ses exportations et 32 % de ses importations. C’est donc, bien entendu, une balance commerciale largement positive pour le Cameroun. Aussi, ensemble avec nos Etats Membres, nous restons engagés à renforcer davantage nos liens commerciaux avec le Cameroun et à promouvoir l’investissement privé, générateur d’emploi.

    Concernant la coopération au développement, notre portefeuille actif au Cameroun compte désormais près de 600 M€ (plus de 400 milliards de FCFA). En y ajoutant la coopération des Etats Membres actifs ici, le portefeuille européen, au sens large, s’élève à plus de 2,5 milliards d’€ soit plus de 1.600 milliards de FCFA. Par ailleurs, nous venons d’entamer le processus de réflexion sur les orientations de notre coopération au-delà de l’année 2020, qui sera largement basé sur l’agenda d’émergence et de réformes du Cameroun.  A mentionner aussi que la Banque Européenne d’Investissement (BEI) a poursuivi le travail de diversification de son portefeuille au Cameroun, en incluant d’importants projets structurants. Elle a désormais accès aux ressources du Plan d’Investissement Extérieur de l’Union européenne, lui permettant d’élargir davantage son champ d’action.

    Et, enfin, il me semble important de rappeler l’engagement constant de l’Union européenne en matière humanitaire. Tout en restant conforme à son mandat, l’action d’ECHO tient à contribuer à réponse aux importants défis humanitaires auxquels le Cameroun doit faire face. Comme l’année dernière, je voudrais terminer mon propos en remerciant l’ensemble du personnel de la Délégation de l’UE, du Bureau d’ECHO et de la BEI pour son professionnalisme et son dévouement constant à notre action au Cameroun. De même, je remercie vivement les autres acteurs de notre partenariat, dans les différents départements ministériels et services de l’administration camerounaise, en particulier la Cellule d’appui à l’Ordonnateur National (la « CAON »), ainsi que les nombreux acteurs « du terrain » tels que les travailleurs humanitaires, les ONG partenaires et le personnel des différents projets et programmes.

    Permettez-moi enfin une dernière remarque, notamment à l’adresse des cinéphiles parmi vous : Le « Festival de Film Européen » de cette semaine sera clôturé demain soir, à l’Institut Français du Cameroun, avec la projection d’un film Chypriote, qui est intitulé « Smuggling Hendrix ». La projection commence à 18:30h, suivi d’un petit cocktail, et vous êtes évidemment, les bienvenus. En vous souhaitant donc une bonne Fête de l’Europe et une agréable soirée, Je vous remercie de votre aimable attention.

  • Crise anglophone au Cameroun : comment arriver aux pourparlers

    Crise anglophone au Cameroun : comment arriver aux pourparlers

    Le conflit dans les régions anglophones provoque une crise humanitaire majeure, avec 530 000 déplacés internes et 35 000 réfugiés au Nigéria, pour la plupart des femmes et des enfants.

     

    source: International crisis group

    International Crisis Group (ICG) est une organisation non gouvernementale indépendante et à but non lucratif qui œuvre en faveur de la prévention et de la résolution des conflits armés.

    Elle est reconnue dans le monde entier comme la première organisation non gouvernementale et non partisane qui propose aux gouvernements et agences intergouvernementales telles que l’Organisation des Nations unies, l’Union européenne ou la Banque mondiale des analyses et des recommandations dans le but de prévenir et de résoudre les conflits meurtriers. Son siège est à Bruxelles (Belgique).

     

    Au Cameroun, la crise anglophone s’est embourbée. Après vingt mois d’affrontements, 1 850 morts, 530 000 déplacés internes et des dizaines de milliers de réfugiés, le pouvoir et les séparatistes campent sur des positions inconciliables. Les séparatistes vivent dans l’utopie d’une indépendance prochaine. Le gouvernement, quant à lui, se berce d’illusions quant à la possibilité d’une victoire militaire à court terme.

    Les modérés et les fédéralistes, qui bénéficient pourtant de la sympathie d’une majorité de la population, peinent à s’organiser. Pour sortir de cette impasse, les acteurs camerounais et internationaux devraient faire pression sur le gouvernement et les séparatistes. Entre la sécession voulue par les séparatistes et la décentralisation en trompe-l’œil que propose Yaoundé, des solutions médianes doivent être explorées pour conférer plus d’autonomie aux régions.

    La crise sociopolitique née en octobre 2016 dans les régions anglophones du Nord-Ouest et Sud-Ouest s’est muée fin 2017 en conflit armé. Sept milices armées sont actuellement en position de force dans la majorité des localités rurales. Les forces de sécurité ont mis du temps à organiser leur riposte, mais depuis mi-2018, elles infligent des pertes aux séparatistes. Elles ne parviennent pourtant pas à reprendre entièrement le contrôle des zones rurales, ni à empêcher les attaques récurrentes des séparatistes dans les villes.

    Il n’existe actuellement aucun dialogue entre Yaoundé et les séparatistes. Ces derniers exigent un débat avec l’Etat sur les modalités de la séparation, en présence d’un médiateur international. Le pouvoir refuse toute discussion sur la forme de l’Etat et la réforme des institutions. Il propose en revanche une décentralisation qui ne confère ni un financement adéquat, ni une autonomie suffisante aux collectivités territoriales décentralisées (communes et régions), et prévoit d’organiser les premières élections régionales de l’histoire du pays cette année. Loin de résoudre le conflit en cours, cette solution de façade risque au contraire de générer de nouvelles violences.

    Des initiatives locales de dialogue tentent de se mettre en place. En particulier, des responsables religieux anglophones (catholique, protestant et musulman) ont annoncé en juillet 2018 un projet de conférence générale anglophone, envisagé comme une première étape avant un dialogue national inclusif. Une grande partie des anglophones y est favorable. Initialement réticents, certains séparatistes semblent à présent s’ouvrir à l’idée, à condition que la conférence débouche sur un référendum d’autodétermination qui donnerait le choix entre fédéralisme et indépendance. Mais face à l’opposition du pouvoir, les organisateurs de la conférence ont déjà dû la repousser deux fois : d’août à novembre 2018 d’abord, puis à mars 2019. Elle n’a toujours pas pu se tenir.

    Si certains séparatistes se montrent intransigeants, d’autres pourraient accepter un dialogue avec l’Etat camerounais en présence d’un médiateur international, sur le fédéralisme ou une décentralisation effective, qui conférerait une autonomie et un financement adéquat aux régions, et garantirait le respect des spécificités anglophones en matière judiciaire et éducative. De même, si le gouvernement camerounais semble exclure le fédéralisme, il pourrait peut-être consentir au régionalisme ou à une décentralisation effective, qui passerait par une modification du cadre législatif.

    Discussions
    Pour ouvrir la voie à des pourparlers, les belligérants doivent faire des concessions réciproques à même de rétablir un minimum de confiance et d’enrayer la spirale de la violence. Le gouvernement devrait soutenir la conférence générale anglophone, qui devrait permettre aux anglophones de se mettre d’accord sur leurs représentants à un éventuel dialogue national tout en redonnant une voix aux anglophones non séparatistes. Dans le cadre d’un discours réconciliateur, le président camerounais devrait reconnaître l’existence du problème anglophone et la légitimité des revendications exprimées par les populations anglophones ; ordonner des enquêtes sur les abus des forces de sécurité ; prévoir des compensations pour les victimes et s’engager à reconstruire les localités détruites ; et libérer les centaines d’activistes anglophones actuellement détenus, y compris des figures importantes du mouvement séparatiste.

    Les séparatistes devraient renoncer à leur stratégie de villes mortes le lundi et de boycott de l’école, et exclure de leurs rangs les combattants qui ont commis des abus contre les civils. La combinaison de pressions internes et internationales pourrait amener le gouvernement et les séparatistes à de telles concessions. Au niveau international, l’idée serait de récompenser les parties qui acceptent de modérer leurs positions et de sanctionner celles qui maintiennent une ligne plus intransigeante. L’Union européenne et les Etats-Unis, en particulier, devraient envisager des sanctions ciblées contre les pontes du pouvoir et les hauts gradés qui continuent de faire obstacle au dialogue (interdictions de voyages, gels des avoirs), et les séparatistes qui prônent ou organisent la violence (poursuites judiciaires).

    Terrain d’entente
    La procureure générale de la Cour pénale internationale devrait ouvrir des enquêtes préliminaires sur les abus des deux parties, afin de souligner que la poursuite des violences aura des conséquences judiciaires. Mais les acteurs internationaux, divisés sur la position à adopter et les mesures à prendre, doivent d’abord se mettre d’accord sur une position commune, du moins parmi les pays occidentaux. Au niveau interne, les francophones et anglophones camerounais qui prônent des solutions de compromis doivent se mobiliser pour faire pression sur les séparatistes et le gouvernement. En particulier, les fédéralistes doivent faire front commun pour peser sur les discussions.

    Ils devraient continuer le dialogue avec les séparatistes pour les encourager à modérer leurs positions, et augmenter la pression sur les pouvoirs publics pour qu’ils s’ouvrent aux séparatistes prêts à un compromis. Ils doivent enfin mener une campagne internationale en faveur d’une solution pacifique à la crise. Une fois la confiance instaurée, des discussions préparatoires seront nécessaires entre émissaires du gouvernement, des fédéralistes et des séparatistes ; elles devraient avoir lieu à l’étranger. Durant ce processus, les acteurs internationaux, notamment les Etats-Unis, la Suisse, le Vatican, les Nations unies, l’Union européenne (en particulier la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni) et l’Union africaine, doivent continuer à encourager le gouvernement au dialogue, y compris en proposant de financer et de soutenir les rencontres préparatoires. Ils pourraient aussi, au cas où un dialogue a lieu, aider à financer les compensations aux personnes victimes d’abus, la reconstruction dans les régions anglophones, le retour des réfugiés et des déplacés, et le désarmement et la démobilisation des ex combattants.

    Vu le niveau d’acrimonie entre les parties, la présence d’un médiateur international sera nécessaire au cours des discussions préparatoires et lors du dialogue national. Plusieurs pays, institutions et organisations internationales ont proposé leur médiation depuis le début du conflit. Les Nations unies, l’Union africaine, l’Eglise catholique et la Suisse semblent les mieux placées pour jouer ce rôle, car les parties au conflit les perçoivent comme moins partisanes. Les discussions de fond entre les trois parties devraient se dérouler au Cameroun, ce qui exigerait des garanties de non-arrestation des représentants des séparatistes. Le gouvernement devrait, au cours de ces négociations, se montrer prêt à réviser la Constitution pour accorder une plus grande autonomie aux régions ou approfondir sensiblement le cadre légal de la décentralisation.

    Ces améliorations pourraient notamment inclure l’élection des présidents des régions et des conseils régionaux au suffrage universel direct ; l’instauration d’administrations régionales disposant d’une grande autonomie financière et administrative ; et l’augmentation des compétences et des ressources des communes. Le gouvernement pourrait par ailleurs entreprendre des réformes institutionnelles et de gouvernance pour mieux prendre en compte les spécificités des systèmes éducatif et judiciaire des régions anglophones. Plus largement, le conflit en cours met en lumière les carences du modèle de gouvernance centraliste camerounais et interpelle les autorités gouvernementales sur deux préoccupations essentielles : la nécessité d’une meilleure prise en compte des minorités, des héritages coloniaux et des spécificités culturelles ; et le besoin d’une redistribution plus juste et équitable des richesses du pays. La solution pérenne réside dans le dialogue et le consensus, qui sont indispensables pour mener les réformes institutionnelles et de gouvernance dont le Cameroun a besoin.

     

    Impact humanitaire, social et économique

    Le conflit dans les régions anglophones provoque une crise humanitaire majeure, avec 530 000 déplacés internes et 35 000 réfugiés au Nigéria, pour la plupart des femmes et des enfants.

    Enfin, le conflit a des effets dévastateurs sur l’économie des régions anglophones et de l’ensemble du pays. Les grandes entreprises d’Etat comme la Cameroon Development Corporation (CDC) et Pamol, qui emploient des dizaines de milliers de personnes dans les régions anglophones, sont en grande difficulté. Il n’existe pas de bilan exhaustif de l’impact économique du conflit, mais selon le patronat camerounais (Groupement interpatronal du Cameroun, Gicam), en juillet 2018, il avait déjà entrainé une perte de 269 milliards de francs CFA (410 millions d’euros), détruit 6 434 emplois formels, et menaçait 8 000 autres emplois.

     

  • Mission Economique au Brésil

    Mission Economique au Brésil

    Le Projet Agro Industriel (Technopole) du MINMIDT s’expose auprès des Brésiliens de l’Agro-industrie et des Opérateurs économiques.

    Le Projet Technopole Agro industriel de Oussa Babouté dans la région du Centre piloté par le Ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement Technologique, MINMIDT, est une réalité qui se met en place progressivement.

    Après la table ronde des investisseurs nationaux à l’hôtel Mont Fébe le 19 Février en marge du Salon PROMOTE et qui avait pour thème « Investir dans l’innovation Technologique pour le Développement Agro industriel au Cameroun, Enjeux et Défis » il s’est agi d’apporter les réponses personnalisées et adaptées aux besoins des investisseurs nationaux désireux de se lancer dans le projet.

    Le cap sera mi du 20 au 30 Avril 2019 au pays de Pelé afin de présenter le Technopole Agro Industriel auprès des milieux d’affaires Brésiliens. Des rencontres B2B sont prévus ainsi que des visites guidées de quelques Technopoles agro industriels dans l’Etat de Sao Paulo.

    L’expertise de cette première puissance agricole en Amérique Latine n’est plus à démontrer. Cette deuxième Mission économique au Brésil intervient après celui de Mai 2018 qu’initie Mr. Alain WAHA, Directeur de Zahra & Associates et son Partenaire Brésilien TACE TRAIDING BRESIL. Quelques municipalités participent à cette expédition dont la Mairie de Yaoundé IV, invitée par la Mairie de Limeira dans le cadre du projet « Une Commune Un Centre de Loisirs pour Enfants ».

    Pour rappel, l’Etat du Cameroun a lancé un appel public à manifestation d’intérêt (APMI) en vue de la sélection d’un Promoteur devant l’accompagner dans la mise en place du Parc Technologique de référence agro industriel (Technopole) dans la localité de Ouassa Babouté, région du Centre.

    Le Projet consiste en la création d’une zone industrielle de transformation de haute technologie dotée d’un centre de recherche et de développement de haut niveau international et comprendra une infrastructure d’accompagnement, des entreprises et des producteurs de matières premières ainsi qu’une zone commerciale et des services aux entreprises. Le but étant de crée une synergie entre développeurs de savoir-faire et entreprises de production industrielle dans les projets collaboratifs et innovants. Le Projet Technopole contribuera aussi à mettre en place un système de développement inclusif intégrant les bassins de productions situés dans les zones rurales et basées sur des accélérateurs de l’innovation.

    Le Technopole en Formule ramassée

    Identification du Projet :

    Pays : Cameroun

    Secteur d’activité : Agro-Industrie

    Titre du Projet : Parc Technologique (Agro Industriel)

    Zone du Projet : Village de Ouassa Babouté par Nkoteng

    Durée du Projet : 5 ans

    Cout estimatif du Projet : 120 Milliards

     

    Description et Phasage du Projet

    Aires structurelles du projet (405 hectares)

    Aires de Production des matières premières comprenant 24 centres de collecte, 24 centre d’excellence technologique de dissémination de connaissances et d’information sur les marchés.

    Aire de recherche et de développement (R&DT) pour la mise au point des produits et services (19 ha) comprenant un incubateur, une unité de maintenance avancée et un centre de renforcement de capacité.

     

    Retombées du Projet

    Sur le plan social :

    • Réduction significative de l’exode rural
    • Génération d’environ 800.000 emplois stables en 4 ans aussi bien en zones rurales qu’en milieu urbain

    Sur le plan Economique :

    Le Technopole doit transformer 800.000 tonnes de matières premières agricoles en 4 ans. Plus de 2.000.000 après 10 ans.

    La production des matières premières avec un délai de récupération de 3 ans.

    • Transfert de Technologie et de savoir-faire concurrentiels
    • Inversion et amélioration de la balance commerciale en moins de 5 ans
    • Amélioration et accélération de la croissance
    • Elargissement de l’assiette fiscale

    Sur le plan Technologique :

    Le Technopole sera un rapprochement entre les structures de formation et de recherche et celle de la production industrielle en haute technologie.

    Les bénéfices sur les emplois jeunes et le label « Made in Cameroun » sont énormes.

    Le Technopole va attirer les meilleures technologies du monde.

  • Archéologie, projets de développement et le « Vivre Ensemble » au Cameroun : l’exemple de Lom Pangar

    Archéologie, projets de développement et le « Vivre Ensemble » au Cameroun : l’exemple de Lom Pangar

    Financé par l’Etat du Cameroun grâce à un prêt de l’Agence Française de Développement (AFD), un programme d’archéologie de sauvetage a été incorporé dans le Projet Hydroélectrique de Lom Pangar par Electricity Development Corporation Development (EDC) depuis 2014. Ses résultats renseignent sensiblement sur le passé d’une partie du Triangle National et peuvent raffermir et reconsolider la notion du « Vivre Ensemble ». Deux aires de rapprochement avec Lom Pangar ont été choisies dans l’espace chronologique situé environ entre 2500 et 2000 ans : la zone de forêt mixte du Centre-Sud et le domaine de la forêt équatoriale dense humide de la côte.

    « Nation camerounaise » et Culture des fosses
    Comme dans plusieurs zones du territoire camerounais, en particulier dans celles forestières et de transition forêt/savane, les premiers villages de Lom Pangar se caractérisent par la Culture des fosses. Il s’agit de structures en creux, dont la profondeur varie généralement entre 80cm et 3m, de diamètre en moyenne compris entre 80cm et 2m. Certes, le phénomène des fosses ne se limite ni au continent africain, ni à la sous-région de l’Afrique Centrale.

    Il a été aussi observé ailleurs, dans d’autres continents (Europe, Australie, Asie, Amérique du Nord) et d’autres pays africains (Ghana, Nubie, Mauritanie, etc.)(1). cependant, la singularité des fosses du Cameroun (comme celles de l’Afrique centrale en général) réside surtout dans leur forme (cylindrique, en U), leur nombre important et leur fonction primaire qui demeure jusqu’à présent inconnue. Plusieurs hypothèses ont été émises : fosses rituelles, fosses-silos, fosses-latrines, etc.

    Il a été toutefois établi que les fosses du Cameroun ont été secondairement réutilisées comme dépotoirs(2); d’où l’intérêt qu’elles suscitent pour les archéologues, la poubelle permettant très facilement de reconstituer les habitudes et la vie d’un individu.

    Dans le cadre du Projet Lom Pangar, nous en avons dénombré plus d’une cinquante sur les berges du Lom, où elles apparaissent vers le IVe–IIe siècles avant Jésus-Christ (datations par le carbone 14) et perdurent jusque vers le Ie siècle Après Jésus Christ. Leur nombre élevé, leur taille (allant parfois jusqu’à 4m de profondeur) et surtout leur contenu constitué d’une abondante quantité de tessons de récipients en terre cuite (poteries), associés à quelques objets en pierre, attestent que dès le IVe–IIe avant Jésus Christ, la localité de Lom Pangar a abrité très probablement des populations qui semblent s’être déjà sédentarisées. En d’autres termes, ces populations étaient probablement déjà constituées en de « petits villages/hameaux » pratiquant peut être l’arboriculture (soins, entretiens et sélection pratiqués sur certains arbres utiles à l’homme).

    Le cas de l’Élémier d’Afrique (ou Canarium) trouvé dans certaines fosses en est un exemple. La cueillette et les ramassages sont également des activités quotidiennes qui ont été conférées à ces populations. Mais ce sont surtout ces récipients en terre cuite (poteries) qui nous ont permis de caractériser la tradition des fosses de Lom Pangar: forme sphérique ou ovoïdale, bords arrondis, présence à la base de pieds annulaires et d’organes de préhension (permettant de les tenir). Ils sont aussi souvent richement ornés, avec des motifs (principalement tracés) très caractéristiques. La rareté de l’outillage en pierre dans ces fosses nous a amené à penser que la pierre n’était peut-être plus qu’occasionnellement taillée dans ces premiers villages. De même, la rareté des objets en fer dans la majorité des fosses témoigne peut-être de la pratique par ces premiers villageois « lom pangariens », mais de manière plus évidente de la connaissance, de la métallurgie du fer.

    Tradition culturelle des récipients en terre cuite
    À se référer aux études comparatives que nous avons amorcées, nous avons posé avec forte conviction que non seulement les fosses de Lom Pangar sont pareilles à celles des premières communautés villageoises contemporaines identifiées dans d’autres contrées du territoire, notamment du Grand Centre-Sud et de la côte, en termes d’usage secondaire (dépotoirs), de forme et de contenus, mais aussi les poteries qui y sont contenues présentent plusieurs points de ressemblances. Nous avons fait ces constats pour la zone de la Haute-Sanaga, explorée pendant le Projet du pipeline Tchad-Cameroun en 2001, en particulier sur les sites de Zili, Doumba, Nanga Eboko-Ville et Meyang.

    Nous observons les mêmes convergences culturelles avec les premiers villages de la zone de Yaoundé, dont ceux du site d’Obobogo (banlieue sud de Yaoundé) découvert en 1944 par un administrateur colonial français (J. B. Jauze) et fouillé par le Pr belge Pierre de Maret entre 1980 et 1983 ; ou encore ceux du site d’Ezezang, décelé et fouillé dans le cadre du Projet du pipeline en 2002. Enfin nous avons fait les mêmes rapprochements avec les premiers villages de la côte camerounaise, particulièrement sur les sites de Bissiang, de Bwambé, de Malongo, etc. dans le Département de l’Océan.

    En résumé, les 4 principaux phénomènes culturels qui semblent caractériser les premiers villages des régions de l’Est, du Centre-Sud et du Littoral camerounais paraissent être : la pratique des fosses, l’apparition de l’art céramique, du Canarium (à l’Est) et du palmier à huile (au Centre et au Littoral) signes probables de la pratique de l’arboriculture (présence du Canarium et du palmier à huile), et le recul du matériel en pierre qui caractérisait les chasseurs-collecteurs nomades de l’Âge de la Pierre.

    Quoique contemporains de la période où le fer semble peut-être déjà connu dans la sous-région, comme certaines découvertes récentes (par exemple en République Centrafricaine) paraissent le montrer, aucune preuve n’a cependant jusqu’ici été trouvée, ni dans les fosses de Lom Pangar, ni dans celles des 2 autres aires de comparaisons. Cette dégénérescence des vestiges en pierre dans ces fosses nous a amené à supposer que ces communautés connaissaient certainement déjà ce métal (fer) dans leur culture, mais ne le fabriquaient très probablement pas encore.

    Un Passé qui parle au Présent
    Qu’est ce qui peut alors expliquer de telles parentés culturelles (et peut-être cultuelles) entre des groupes géographiquement si distants, il y’a environ 2000 ans ?
    Il est plausible de présumer que dans l’espace chronologique qui se situe globalement entre au moins 500 ans avant Jésus Christ et 100/200 ans après, les communautés villageoises des actuelles régions de l’Est, du Centre-Sud et du Littoral atlantique du Cameroun aient entretenue de solides contacts et/ou d’échanges harmonieux, dans le cadre d’un « vivre ensemble » « primitif » propre à leur époque.

    Des données récentes de l’ethnographie et de l’ethnoarchéologie africaine(3) attestent en effet que le style (culturel) d’une région peut changer, tant à la suite de simples échanges d’idées que de l’implantation d’artistes/d’artisans « étrangers », ou d’un phénomène de mode. Ainsi, avec des populations qui, par rapport à celles d’aujourd’hui, devaient certainement être plus en phase avec la nature (qui ne représentait certainement pas une barrière physique pour elles), le scénario que nous imaginons ici met volontairement en relief à la fois les mouvements de populations, les déplacements des techniques, les échanges (matrimoniaux, biens, etc.) et les emprunts transculturels qui eux, n’entrainent pas forcément les flux humains. Dès lors, l’on peut conjecturer que depuis des temps immémoriaux, sur de vastes territoires de ce qui deviendra plus tard Cameroun, il se soit réalisé des melting pot culturels et humains, pour des populations dont le but était certainement d’augmenter leurs capacités de survie.

    Comment donc admettre que des Hommes anciens, d’il y’a 2000 ans, aient compris plus aisément ce qui, pour certains parmi les « modernes » que nous prétendons être aujourd’hui, relèvent encore de l’impossible: composer avec les différences, les cultures des autres, fondement de la vie sociale, condition de la cohésion d’une société dans un espace déterminé, le «Vivre ensemble»?
    Toutes proportions gardées, Lom-Pangar apparait, aujourd’hui comme un registre paléoanthropologique et archéologique accompli, riche et témoignant de presque toutes les périodes du passé de l’Afrique et du Cameroun. Sur les cinq attestées dans la zone, seule la période dite de « Transition Âge de la Pierre/Âge du Fer » (souvent appelée aussi « Néolithique ») a été prise en compte ici.

    Mais la finalisation, bientôt, des travaux de valorisation des travaux archéologiques de Lom Pangar (expositions, Bande Dessinée, etc.) prévus dans le cadre de la restitution des résultats et des collectes du Projet à l’état via le Ministère des Arts et de la Culture, permettra de préserver davantage cette MÉMOIRE COLLECTIVE. Source de COHÉSION NATIONALE, la Mémoire collective est hautement nécessaire dans le contexte sociopolitique trouble actuel, où des replis identitaires tendent à diviser classes politiques et entités ethniques.

    Grâce à un Projet hydroélectrique, notre passé nous éclaire. Le présent doit s’instruire de ces lumières d’espérances que nous envoient nos lointains « ancêtres ». C’est aussi cela que peut apporter l’archéologie des projets de développement aux politiques.

    Dr Bienvenu GOUEM GOUEM,
    Archéologue, Chef de Mission archéologique
    Projet Lom Pangar

  • Idriss Deby Itno : «La flamme  de l’intégration sous régionale doit demeurer toujours vive»

    Idriss Deby Itno : «La flamme de l’intégration sous régionale doit demeurer toujours vive»

    Message de son Excellence Monsieur Idriss Deby Itno, président de la République du Tchad, président en exercice de la Cémac, à l’occasion de la dixième journée Cémac célébrée le 16 mars 2019.

    Peuples du Cameroun, de la Centrafrique, du Congo, du Gabon, de la Guinée Equatoriale et du Tchad.

    Ce 16 mars 2019 marque la 24ème année du passage de l’Union Douanière et Economique de l’Afrique Centrale (UDEAC) à la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). Cet anniversaire coïncide avec la première décennie de la commémoration de la Journée de la CEMAC qui est un événement annuel majeur dans la vie de notre institution commune.

    En ma qualité de Président en exercice de la Conférence des Chefs d’Etat de la CEMAC, je me fais le devoir, en cette occasion symbolique, de saluer la mémoire et la sagesse des Pères Fondateurs de notre organisation.

    55 ans se sont écoulés et le rêve d’une intégration harmonieuse, d’une solidarité agissante et d’une complémentarité poussée, caressé par ces dignes fils de notre espace commun, demeurent toujours une quête permanente.

    C’est pourquoi, la flamme qui doit illuminer le chemin de l’intégration sous régionale doit demeurer toujours vive.

    La communauté de destin qui unit les peuples frères de la CEMAC commande sans cesse des actions de plus en plus soutenues et volontaristes allant dans le sens du brassage, de la cohésion et de la prospérité partagée.

    Ressortissants des Etats membres de la CEMAC,
    La libre circulation tant attendue depuis 54 ans, est aujourd’hui une réalité. Tout citoyen de notre espace communautaire, muni de son passeport biométrique en cours de validité, peut désormais circuler librement d’un Etat à un autre.

    Cette libre circulation a également pour vocation de redynamiser les échanges de biens et services entre les pays de la CEMAC.
    Il s’agit là, j’en suis convaincu, d’une des conditions essentielles de notre émergence commune.

    Aujourd’hui, à la lumière des premiers fruits de cet acte historique que les dirigeants de la CEMAC ont posé à N’Djamena, le 31 octobre 2017 nous pouvons, tous célébrer notre fierté d’appartenir à cet espace commun.

    C’est l’occasion pour moi de rendre un vibrant hommage à mes illustres pairs qui ont œuvré pour franchir cette étape majeure marquant un tournant décisif dans l’évolution du processus d’intégration de notre sous-région.

    La libre circulation est, sans nul doute, la clé de voûte du processus de construction de notre marché commun. C’est à juste raison que la commémoration de cette 10ème édition de la Journée de la CEMAC est placée sous ce thème fort expressif à savoir: « Libre circulation intégrale, dans l’Espace CEMAC, pour la Promotion des Echanges Intra-communautaires ».

    Chers frères et sœurs de la CEMAC
    Si nous pouvons nous enorgueillir pour avoir relevé le défi de la libre circulation, il nous reste, cependant un autre défi de taille, qui s’impose à l’ensemble de la communauté.

    Je voudrais parler de la paix et de la stabilité dans notre sous région. Nous ne pouvons tirer le meilleur parti de la libre circulation intégrale sans la paix dans nos pays et la sécurité à nos frontières.

    Il est évident que la mise en oeuvre optimale de nos multiples projets et programmes de développement ne peut s’opérer dans un espace miné par l’insécurité, les atrocités, les destructions et les conflits.

    Aussi, la restauration de la paix et de la sécurité sur l’ensemble de notre espace doit-elle, être pour nous, un impératif de premier ordre. A cet égard, nous devons davantage mutualiser nos forces, dans un fort élan de solidarité, en vue d’éradiquer les terroristes de BOKO HARAM qui nous causent tant de préjudices.

    Parlant des efforts à entreprendre dans la perspective de la sécurité et de la stabilité, je voudrais me féliciter de l’accord de paix signé le 6 février dernier à Bangui entre les frères centrafricains.

    J’invite toutes les parties à privilégier l’intérêt supérieur du pays qui doit être au-dessus de toute autre considération.
    De même, j’exhorte les frères du Cameroun à la sagesse et au dépassement en vue de ramener la quiétude dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest en proie à des violences sur des bases de revendication sectaire et identitaire.

    Peuples de la de la CEMAC,

    Le futur de notre espace et de notre organisation est radieux.

    De nombreux acquis majeurs obtenus dans les domaines institutionnels, économiques et sociaux illustrent éloquemment nos progrès dans le processus de renforcement de notre intégration.

    Au nombre des avancées, je voudrais rappeler, non sans réel motif de satisfaction, tant leur réalisation a été difficile, l’installation récente des deux Cours notamment la Cour de Justice et la Cour des Comptes; la fusion des deux marchés boursiers; la mise aux standards internationaux de nos Institutions de formation professionnelles communautaires, le processus des études de faisabilité des projets intégrateurs, etc.

    Évoquer l’importance de la CEMAC, c’est principalement nous exhorter à prendre conscience du rôle et de la place de notre Communauté dans une Afrique en pleine construction.

    Nous avons l’obligation de bâtir une CEMAC tirant plein profit de ses immenses richesses naturelles, une CEMAC dotée d’une économie forte et d’un commerce florissant, adossés à une monnaie unique ; une CEMAC en Paix et en Sécurité ; une CEMAC intégrée physiquement et culturellement ; une CEMAC active dotée d’un capital humain qualifié et entreprenant.
    Voilà le rêve qui m’anime, et ce rêve là, est à notre portée.

    Chers frères et sœurs
    Quenotre foi en l’avenir se consolide pour faire de la CEMAC, dans un horizon proche, un espace intégré et, émergent, où règnent la sécurité, la solidarité et la bonne gouvernance, au service du développement humain.

    Vive la solidarité sous régionale ;
    Vive la CEMAC.

  • OPINION : « la plupart des guerres ont des pratiques contraires aux règles encadrant le recours à la force par les Nations Unies »

    OPINION : « la plupart des guerres ont des pratiques contraires aux règles encadrant le recours à la force par les Nations Unies »

    Par Joseph Vincent Ntuda Ebode,  Professeur titulaire des universités en relations internationales et études stratégiques à l’Université de Yaoundé II-Soa (Cameroun) et à l’Université panafricaine (UPA) – Union africaine.

     

    Comprendre les dynamiques à l’œuvre dans les conflits africains contemporains

    Trois formes de guerre cohabitent aujourd’hui en Afrique : les guerres conventionnelles entre États (pratiquement inexistantes), les guerres irrégulières intra-étatiques (qui persistent depuis la fin de la guerre froide) et les guerres terroristes transfrontalières (en pleine montée en puissance).

    La dynamique guerrière en Afrique peut être appréhendée en trois grands moments. Il y eut d’abord les guerres précoloniales, au cours desquelles l’Afrique fut le théâtre des affrontements à la fois religieux entre l’Occident et l’Orient, impérialistes entre puissances méditerranéennes, et hégémoniques entre grands empires et royaumes africains.

    Puis sont venues les guerres d’indépendance, qui s’étalent approximativement de la fin des années 1950, avec l’indépendance du Ghana, au début des années 1990, marquées par la fin de l’apartheid en Afrique du Sud et la chute du mur de Berlin, qui met fin à la guerre froide. Ici, les indépendances, qui se disputent entre nationalistes et colonisateurs avec leurs alliés respectifs dans différents États, s’inscrivent dans un contexte de rivalité Est-Ouest et prennent la forme, suivant les cas, soit d’une guerre civile, soit d’une guerre interétatique. La plupart des nationalistes, qualifiés de « communistes » par les colonisateurs, s’allient à la Chine, à l’Union soviétique ou à Cuba pour affronter leurs ennemis conservateurs, qualifiés quant à eux, par leurs alliés occidentaux, de « modérés » ou de « combattant de la liberté ».

    Une troisième et dernière vague de guerres couvre la période post-guerre froide, du début des années 1990 aux années 2010. Trois faits majeurs marquent ces guerres : leur caractère interne, puisqu’elles opposent majoritairement les communautés à l’intérieur de chaque État ; les interventions humanitaires qui s’ensuivent ; et leur transfrontalité, c’est-à-dire leur tendance à se propager dans plusieurs pays à la fois. En fait, reposant sur des facteurs identitaires (religieux, ethniques, linguistiques…) ou économiques (accaparement et captation des ressources, économie criminelle et trafics en tous genres…), ces guerres, incarnées par des seigneurs et privatisées, se propagent d’un État à l’autre, se muent en conflits régionaux et, parfois, suivent les réseaux du terrorisme international.

    Le desserrement de l’étau bipolaire

    Les effets de la fin de la guerre froide en Afrique n’ont pas été identiques à ceux observés sur les autres continents. La « rente bipolaire » – c’est-à-dire le soutien inconditionnel de leurs alliés occidentaux ou pro-soviétiques pendant la guerre froide – a assuré durant plusieurs décennies la stabilité des États faibles. Néanmoins, elle a aussi enfermé l’Afrique dans les conflits de libération nationale. Avec la chute du mur de Berlin et la dévaluation consécutive de la valeur stratégique des États africains pour les grandes puissances, ces ressources vont tarir, précipitant le délitement des capacités d’autorégulation de bon nombre d’États africains (Somalie, République démocratique du Congo, Rwanda…).

    Si cette situation a favorisé la poursuite de certaines guerres de libération (dans la région de la Corne de l’Afrique et de l’Afrique australe essentiellement), elle a également engendré de nouvelles guerres (identitaires au Rwanda, de prédation en RDC, au Libéria, en République centrafricaine et en Sierra Leone, et d’entrée au pouvoir/gestion du pouvoir/sortie du pouvoir en Côte d’Ivoire, au Congo Brazzaville…).

    Cependant, la plupart de ces nouvelles guerres ont reposé sur des vecteurs de mobilisation identitaires ethno-régionalo-linguistico-religieux (cf. Kivu, Ituri, Tutsis/Hutus, Seleka/antibalakas…), aboutissant dans certains cas à une sécession (comme au Soudan, en Éthiopie), mais se nourrissant essentiellement des déséquilibres entre population, ressources et territoire. La croissance démographique galopante dans ces zones accroit la concurrence entre les populations, d’autant plus fortement que la répartition des ressources y est très inégalitaire et que les États faibles y sont incapables d’assumer leur rôle intégrateur national.

    La dynamique conflictuelle africaine

    Une observation attentive des guerres africaines post-guerre froide révèle que les conflits recouvrent trois catégories : aux guerres conventionnelles (Cameroun-Nigéria, 1996 ; Éthiopie-Somalie, 1976-1978/1982/2006-2009 ; Somalie-Érythrée, 1998-2000) qui opposèrent des armées nationales en uniformes, il faut ajouter les guerres non conventionnelles se caractérisant par, d’une part, l’internalisation des conflits, et, d’autre part, le recours aux guérillas ou au terrorisme. Puissamment armés, ces groupes extrémistes ont généralement pour cible les gouvernements en place, et pour mode opératoire les attentats-suicides à la bombe, la destruction des sites historiques sacrés et la prise en otage de milliers de civils.

    Caractérisées par leur asymétrie, ces guerres opposent un État à un ou plusieurs acteurs non étatiques (asymétrie des acteurs), employant des moyens militaires ou non (asymétrie des moyens). Elles semblent prendre le relais des guerres intra-étatiques identitaires et territorialisées qui avaient caractérisé les années 1990 (génocide du Rwanda, guerres du Burundi, du Kivu, de l’Ituri, du Soudan…), pour se hisser au firmament des guerres transnationales, globales et sans front fixe.

    Le cout humain de ces guerres n’est pas négligeable. Sur vingt-cinq guerres recensées depuis 1960, les dix-huit qui étaient civiles ont entrainé la mort de plus de dix millions de personnes – deux millions au Libéria (1989-1996/1999-2003), deux millions au Soudan (1983-2003), un million et demi en Angola (1975-2002), plus d’un million au Rwanda (1990-1994), un million en Éthiopie et au Mozambique…

    Avec 95 % de guerres intra-étatiques, les conflits africains contemporains se présentent par ailleurs comme l’expression par excellence du terrorisme des groupes islamistes révolutionnaires tels que Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), BokoHaram dans la zone interrégionale du bassin du lac Tchad, le Front de Libération de l’Aïr et de l’Azawad (FLAA) au Mali, le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), Ansar Dine, les Shabab en Somalie, les Difaash-shabi au Tchad et au Soudan…

    Des guerres sans frontières

    Dans les faits, la plupart de ces guerres ont des pratiques contraires aux règles encadrant le recours à la force par les Nations Unies depuis 1945 (la légitime défense et les interventions mandatées). La conséquence en est le nombre élevé de réfugiés et de déplacés. Ainsi, plus de 3,3 millions de personnes ont été déplacées au Nigéria en raison de la guerre contre BokoHaram ; 40 % de la population totale a été déplacée au Soudan avant la séparation du pays et le Cameroun accueille plus de 500 000 réfugiés centrafricains et nigérians.

    Dans un tel contexte, les rapprochements observés entre les réfugiés, les déplacés, le terrorisme, la criminalité et d’autres formes de violences (ethniques, religieuses ou politiques) font craindre la perpétuation des guerres transfrontalières. En somme, parmi les trois formes de guerre qui cohabitent aujourd’hui en Afrique (les guerres conventionnelles entre États, les guerres irrégulières intra-étatiques et les guerres terroristes transfrontalières), c’est cette troisième catégorie qui semble constituer un défi majeur aux efforts entrepris par l’Union africaine depuis les années 1990, à travers son architecture de paix et de sécurité. Contre le terrorisme international qui structure l’ossature de cette troisième forme de conflit, les forces en attente, conçues pour répondre principalement à la seconde catégorie et accessoirement à la première, ne semblent plus adaptées. Les raisons en sont multiples : le caractère illimité du front, le recours aux armes humaines (kamikazes) et l’instrumentalisation de l’identité religieuse. La question principale aujourd’hui est donc de savoir si le continent africain n’est pas en retard d’une guerre : celle contre l’intégrisme religieux, véritable menace à nos États laïcs en général.

  • Aboudrahamane Sangaré : Une vie au service de la Côte d’Ivoire

    Aboudrahamane Sangaré : Une vie au service de la Côte d’Ivoire

    Alors que chacun de nous espérait qu’il tiendrait le coup jusqu’à la libération de Laurent Gbagbo pour faire la passation de service avec lui, voici qu’Aboudrahamane Sangaré nous quitta, le 3 novembre 2018.

    Ce jour-là et les autres qui suivirent furent vécus ici et là comme une catastrophe, tant nous étions assommés, dévastés, anéantis. Nous pleurâmes et pleurâmes alors, versant quantité de larmes. Cette subite disparition nous apparaissait comme une injustice, nous mettait en colère, et nul ne savait où trouver la force de porter la croix de cette autre cruelle épreuve, après le départ inattendu de Raymond Abouo N’Dori et de Marcel Gossio. Nous en étions réduits à nous demander pourquoi le sort nous frappait et nous malmenait de cette façon, sept ans après le renversement et la déportation de Laurent Gbagbo par les forces impérialistes.

    Bref, sans crier gare et avant de remettre les clés du « Temple » à son alter ego, Sangaré s’en alla mais il restera de lui ce qu’il a semé et ce qu’il a partagé aux mendiants de la liberté et de la justice. Ce qu’il a semé et partagé, en d’autres, en nous, germera. Mais qu’a-t-il semé et partagé ? Quel est le message essentiel qu’il nous laisse et que nous avons l’obligation de faire fructifier ?  Ceux qui lui ont rendu hommage ont déjà mis en exergue le fait qu’il savait s’effacer pour que les autres occupent le devant de la scène (il déclina, par exemple, la Primature au profit de Pascal Affi N’Guessan) et qu’il avait de solides convictions sur lesquelles il ne transigeait pas.

    À juste titre, ils ont montré combien il était incorruptible, comment son amitié avec Gbagbo était aussi forte que celle qui unissait Montaigne et La Boétie et comment il lutta pied à pied pour que le parti ne perde pas son âme car, chez lui, dialoguer ne voulait pas dire se soumettre à ceux qui mirent le pays à feu et à sang en 2010-2011, encore moins leur demander pardon. Je n’y insisterai donc pas. Je voudrais plutôt braquer les projecteurs sur quelques paroles fortes puisées dans le dense discours qu’il adressa aux militants venus présenter les vœux de nouvel an à Laurent Gbagbo, le 27 janvier 2018.

    Ce discours, on n’aurait pas tort de le percevoir comme son testament politique, tout comme son accolade à Simone Gbagbo, fraîchement sortie de prison, peut être interprétée comme le passage de témoin avant l’heure entre les deux personnes.  Sangaré part, sans avoir vu la nouvelle Côte d’Ivoire comme Moïse ne put entrer avec « le peuple élu » à Canaan, la terre promise. Qui sera le Josué du FPI ? Les dirigeants, s’appuyant sur les textes du parti et dans un esprit de vérité et de justice, désigneront, le moment venu, la personne à même de poursuivre la mission de libération de la Côte d’Ivoire. Pour ma part, je voudrais revenir sur trois choses qui m’ont frappé dans l’allocution citée plus haut.

    La première chose, c’est qu’il savait reconnaître le travail, les talents et les mérites des autres, ce qui signifie qu’il n’était pas homme à tout ramener à lui. C’est ainsi qu’il fit l’éloge de Miaka Ouretto Sylvain, d’Amadou Traoré alias « Le Puissant » (celui-ci et Laurent Gbagbo, Bernard Zadi Zaourou et Assoa Adou avaient pris à Strasbourg en 1969 l’engagement que « celui qui de-meurerait en vie devait tout faire pour conquérir le pouvoir et changer la Côte d’Ivoire »), salua et remercia les Ivoiriens qui marchent, vont à la Haye, écrivent, chantent, organisent des conférences-débats, font des vidéos ou animent des forums. Sangaré estimait que tous ces Ivoiriens avaient droit à la reconnaissance du Parti parce qu’ils luttaient pour une Côte d’Ivoire libre et souveraine.

    La deuxième idée-force qui émerge de cette adresse est « le militantisme de proximité » défini par lui comme « la manière d’être proche des gens ». Et, pour Sangaré, être proche des gens signifiait concrètement « être généreux, ouvrir les bras aux personnes qui veulent adhérer au FPI, aller les chercher, leur expliquer le FPI dans la Côte d’Ivoire, les rassurer sur notre combat, sur notre organisation,  les accueillir avec humilité et considération ».

    Le parti fit-il toujours preuve de cette générosité et de cette ouverture ? Voici la réponse, lucide et humble, de Sangaré : « En 2017, notre ancrage dans la société civile a manqué de profondeur. Des initiatives ont été prises, des contacts ont été noués mais le mur de méfiance n’est toujours pas tombé. En 2018, nous devons améliorer notre image dans la société civile. La société civile a un rôle à jouer dans l’éveil de la conscience nationale.

    Le FPI doit avoir une familiarité avec le monde syndical et associatif, utiliser leurs ré-seaux multiples pour nouer ou renouer des liens. » Et Aboudrahamane Sangaré de rappeler utilement que « le FPI est fils du syndicalisme et [que] les valeurs fondamentales du syndicalisme et les valeurs fondamentales du FPI se rejoignent : la solidarité, l’union, l’honnêteté et la constance dans l’engagement ». Ayant compris que le FPI ne peut pas apporter tout seul le changement auquel aspirent la majorité des Ivoiriens, convaincu que « c’est ensemble que nous parviendrons à faire bouger les lignes », il jugea important, dans le même discours, d’inviter ses camarades à « développer des initiatives en direction de la société civile pour discuter avec elle, la rassurer afin d’abattre le mur de méfiance et de suspicion ».

    La troisième idée qui m’a séduit est l’appel à ne pas abandonner la lutte pour la liberté et la justice « même si l’adversité est rude ». Il souhaitait que cette lutte s’intensifie en 2018 afin que les Ivoiriens puissent délivrer la Côte d’Ivoire prise en otage et pillée par des gens sans foi ni loi car Sangaré ne voyait pas les partis politiques comme une fin en soi mais comme des instruments dont le rôle est d’utiliser les moyens de l’État pour améliorer la vie des populations.

    Pour lui, ou bien nous acceptons de mener cette lutte, ou bien « nous devons nous taire à jamais et applaudir Monsieur Ouattara dans son ambition de briguer un troisième mandat ou de se choisir un successeur ». Et, comme s’il s’adressait à ceux qui sont tentés de céder au découragement, il ajouta : « Il nous faut réveiller en nous une âme de combattant. Nous devons être des ambitieux dont les ambitions n’étranglent pas la témérité. Nous devons avoir le courage de nos choix. On ne vit réellement que si on est prêt à mourir pour une cause. Pour affronter la vie, il faut savoir affronter ses peurs. Et vous ne vivrez pas tant que vous aurez peur.  Nous sommes engagés dans une bataille décisive : le combat pour la délivrance de la Côte d’Ivoire.

    Ce n’est pas un combat de positionnement mais de survie de la Côte d’Ivoire. Il n’y a donc pas de place pour les murmures. Il n’y a pas de place pour l’hésitation. » Cet homme, qui était habitué à souffrir en silence et refusa d’entrer dans le jeu politique pour ne pas « être l’accompagnateur servile et docile de Monsieur Ouattara, son faire-valoir », envoie ici un message fort à ceux qui attendent d’être récompensés pour avoir fait ceci ou cela pour et/ou dans le parti au lieu de voir les choses en termes de responsabilités. « On ne vit réellement que si on est prêt à mourir pour une cause ». Ces mots, Sangaré ne se contenta pas de les prononcer.

    Il les vécut douloureusement dans sa chair en subissant avec d’autres, pendant plusieurs jours, le pilonnage de la résidentielle présidentielle par les soldats français. Contrairement à certains qui faisaient de beaux discours sur la fidélité et la résistance avant le 11 avril 2011 mais se montrèrent incapables d’incarner ces valeurs au moment où il le fallait, contrairement à ceux qui bombaient le torse en disant qu’il faudrait marcher sur leurs corps avant d’atteindre Gbagbo mais furent les premiers à prendre la fuite, lui partagea l’infortune et l’épreuve de Laurent Gbagbo, porta la croix avec lui, démontrant ainsi qu’il était fidèle en amitié et prêt à mourir pour la Côte d’Ivoire. L’amour se prouve plus par les actes que par les déclarations.

    Le discours sans le vécu n’est que démagogie et mystification. En un mot, il ne sert à rien de faire croire qu’on aime Gbagbo plus que tout le monde, de prononcer son nom toujours et partout, si on n’est même pas en mesure de prendre part à une petite marche organisée ici ou là pour réclamer sa libération. Pourquoi certaines personnes fuyaient-elles les marches ? Parce qu’elles avaient peur du dictateur d’Abidjan, parce qu’elles ne voulaient pas d’ennuis avec lui. Sangaré ne faisait pas partie de cette race de faux résistants et de vrais poltrons.

    Emprisonné entre avril et décembre 1994 en même temps que des journalistes de « La Voie » accusés d’incitation à la violence, Sangaré a toujours été favorable à la libre discussion. Il convient d’avoir cela en tête pour comprendre pourquoi il convoqua en 2017 un séminaire sur le FPI pour « jeter un regard inquisiteur sur lui-même, examiner, enquêter sur les incohérences, les défaillances et les carences du parti dans une démarche décomplexée ». S’il était pour la confrontation des opinions, ce qui lui importait le plus, c’était l’action. Pour lui, il fallait bouger au lieu de regarder les impérialistes et leurs valets détruire petit à petit la Côte d’Ivoire.

    Comme le pasteur Martin Niemöller (1892-1984) dénonçant la lâcheté et le silence des intellectuels allemands au moment où les nazis arrêtaient les gens les uns après les autres, il ne cessa de mettre les Ivoiriens en garde contre l’indifférence. Il se reconnaîtrait volontiers dans ces mots de Niemöller : « Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate.

    Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester. » Pour lui, un homme ne laisse jamais faire, ne dit pas « Ce n’est pas mon affaire » mais doit s’indigner, bouger, protester, parler quand un autre homme est humilié, piétiné, opprimé ou torturé. Sangaré aura été cet homme que la détresse et la souffrance de l’autre ne laissaient pas indifférent et tranquille.

    C’est ce passionné de l’homme, de la justice, de la liberté et de la démocratie que la Représentation du FPI aux États-Unis d’Amérique veut honorer et célébrer le 24 novembre 2018 à Philadelphie, de 15 h à 1 h du matin.

    Jean-Claude DJEREKE

  • Caleb Nsalambi : Indépendance, conceptualisation d’un système de domination subliminale

    Caleb Nsalambi : Indépendance, conceptualisation d’un système de domination subliminale

    La lecture des rapports Nord-Sud laisse apparaître des symptômes de dépendance, voire d’addiction de l’occident envers ses anciennes colonies

    Le diplomate congolais (RDC) est spécialiste de la géopolitique des change-ments climatiques. Il analyse les rapports Nord-Sud à l’aune d’un prisme nouveau.

     

    Le processus de domination dont les tracées de frontières dessine les lignes de fracture entre le Nord et le Sud est une construction mûrement pensée dans l’antichambre des grands palais occidentaux. Comme une idée couvée, il est conçu, conceptualisé de façon savante et policé pour lui donner une légitimité, avant d’être mis en œuvre pour un seul but : dominer. Le concept d’indépendance n’a pas dérogé à la règle.

    Indépendance ! Lorsque j’entends ce mot, je me pose la question de savoir : qui dépend de qui ?
    À l’aube du XVème, des explorateurs européens débarquent alors en vague déferlante en Afrique pour assurer auprès de ces bons petits sauvages «une mission salvatrice de civilisation» et sortir de l’obscurantisme ces populations qui pataugent dans une ignorance aussi bien essentialiste qu’existentialiste. L’on voudrait par cette pirouette behaviouriste justifier la vision manichéenne du drame de l’humanité le plus cruel : la colonisation. À cette époque, l’Afrique est, selon certaines conceptions un continent en friche, sous développée, en marge de la civilisation et hors de l’histoire, pour ne pas citer Nicolas Sarkozy. Dans les années 1960, un grand nombre d’États africains accèdent à ce que l’on appelle pompeusement « indépendance ». C’est la fin d’un régime paternaliste, où le colonisateur « lègue » à ses colonies la « libre » administration de leurs territoires. Mais force est de constater le système colonial a laissé place à une structure néocolonial destiné à maintenir dans l’asservissement les peuples jadis sous administration étrangère. L’ingéniosité développée et l’acharnement déployé pour maintenir en place ce système de stabilité hégémonique laisse à désirer quant à la pertinence du terme choisi pour désigner la pseudo-décolonisation de l’Afrique.

    Pour mieux comprendre de quoi il s’agit, il ne sera pas superflu de faire un détour sémantique du concept indépendance. Nous en définirons l’antithèse pour mieux en cerner le sens profond. Commençons par définir le contraire dont il dérive, à savoir la dépendance. Le Larousse définit la dépendance comme étant le rapport de liaison étroite entre quelque chose et ce qui le conditionne, le régit. Assujettissement à une drogue, à une substance toxicomanogène, se manifestant lors de la suppression de cette dernière par un ensemble de troubles physiques et/ou psychiques.

    «Et on se souviendra longtemps de tous ces amoureux de l’Afrique qui ont commis pour seul péché de croire en l’INDÉPENDANCE de leurs nations»

    On lui joint le synonyme d’addiction ou d’assuétude, pour ne citer que ceux-là.
    La lecture des rapports Nord-Sud à la lumière de ces différentes définitions laisse apparaître des symptômes de dépendance, voire d’addiction de l’occident envers ses anciennes colonies. À l’observation, on se rend compte que les relations nostalgiques des puissants avec leurs espaces de régulation révèlent toutes la signification de la dialectique du maître et de l’esclave. Depuis le cadre multilatéral, jusqu’aux relations bilatérales, tout est fait pour maintenir les équilibres mondiaux.

    Une légion d’exemples aussi contraignants que lugubres est très éloquente pour illustrer cet état des faits. La Guinée de Sekou Touré paie encore de son audace d’avoir osé refuser d’appartenir à l. Sylvanus Olympio a été sacrifié sur l’autel de la conservation du précarré français en Afrique. Et que dire de Patrice Émery Lumumba martyr congolais qui paie de sa vie ses velléités à prétendre à une autonomie complète de son peuple ? Que dire Thomas Sankara qui a eu le toupet de croire que le « Pays des Hommes Intègres » pouvait prétendre au droit des peuples à disposer de ses richesses, pourtant reconnu par la Communauté Internationale ? Et que dire enfin de Mouammar Kadhafi, dont le sang tâche chaque baril de pétrole extrait du sous-sol libyen ? On n’oublie pas Laurent Gbagbo, et on se souviendra longtemps de tous ces amoureux de l’Afrique qui ont commis pour seul péché de croire en l’INDÉPENDANCE de leurs nations. Comme un toxicomane en manque capable de trucider pour un gramme de son élixir hallucinogène, l’occident est prêt à aller jusqu’au sang pour ne pas perdre l’Afrique dont il est devenu vitalement DÉPENDANT. Le principe d’égalité souveraine des États bat en brèche devant la realpolitik à la base de la géopolitique sanglante du monde.

    On se souviendra longtemps de tous ces morts à Beni, ville tristement célèbre de l’Est de la RDC, don le sang est évalué au prix de La «Stratégie du chaos et du mensonge» dénoncé par Patrick Mbeko comme le « Poker menteur en Afrique des Grands Lacs ». Ne soyons pas naïfs pour CROIRE que le génocide rwandais n’avait pour substrat que la haine de deux tribus qui se détestent cordialement. Ayons la lucidité de lire entre les lignes et de chercher à SAVOIR les raisons non avouées de la crise dans le Nord-Ouest et Sud-Ouest camerounais. Tous ces peuples sacrifiés au nom de la géopolitique mondiale du maître du monde occidental, trop DÉPENDANT de son esclave africain pour le laisser vivre librement son destin.

    «Si le noir ne veut pas se tenir debout, qu’on le laisse tomber. Mais tout ce que je demande, c’est qu’on ne l’empêche pas de se tenir debout»

    Les pays les plus rétifs sont jetés en pâture aux goulots d’étranglement du linkage. En fait, tout est lié dans le Nouvel Ordre Mondial. En terme simple, vous refusez un avantage au puissant colon, il actionne son levier de puissance par des sanctions onusiennes. Fais-lui valoir ton droit à disposer de tes matières premières au nom de la souveraineté, il met en branle son réseaux d’amis publics (FMI, Banque Mondiale…) et privés pour te refuser les financements à un projet structurel et ainsi asphyxier ta population qui descendra bientôt dans la rue réclamer ta démission.

    Rien n’est laissé au hasard. Du point de vue idéologique, la diffusion des valeurs dites universelles sont des vecteurs de la suprématie. Sous le prétexte fallacieux de la démocratie et des Droits de l’Homme, une campagne guerrière abjecte n’a-t-elle pas été menée contre l’Irak de Saddam Hussein, pendant que rien ne motivait les forces alliées plus que l’or noir du Golfe Persique ? À défaut des bruits de bottes dans les rues de ta capitale, le silence des geôles de la Cour Pénale Internationale t’aidera à méditer sur ton sort.

    Dès lors, le truisme est perceptible. Le choix du terme indépendance pour désigner ce qui est en fait un simulacre de mise en œuvre du processus de libération du continent africain masque à peine l’intention d’asservissement inauguré à la date macabre du 26 février 1885 à Berlin. Il s’agit en fait de la conceptualisation d’une domination subliminale murement pensée et construite depuis Gobineau jusqu’à Stephen Smith, en passant par Hérodote et par Albert Memmi qui ont consacré l’œuvre de leur vie à dégoupiller la thèse de l’inégalité des humains sur la base de leurs races, l’homme noir étant au bout de la chaîne alimentaire.

    Au terme INDÉPENDANCE, je préfère DÉCOLONISATION qui dénote d’un processus plus long que l’Afrique ne pourrait atteindre qu’après avoir pris conscience de l’état de DÉPENDANCE de ses prévaricateurs. Car pour tenir son rang, l’occident dépend des matières premières de l’Afrique. En revanche, l’Afrique n’en est pas à ce niveau de dépendance consubstantielle.
    À ce que je sache, l’Afrique, sans vouloir vivre en autarcie, n’en demande pas moins que de vivre librement sa souveraineté, sans interférences paternalistes et ni ingérences. D’aucuns aimeraient voir en l’homme noir, un immature incapable de s’autogérer et sempiternellement soumis à l’imposture d’une «aide fatale» au sens de Dambissa Moyo. Venance Konan dit à ce sujet : « Si le noir ne veut pas se tenir debout, qu’on le laisse tomber. Mais tout ce que je demande, c’est qu’on ne l’empêche pas de se tenir debout.»

    Celui qui se prend pour le Maître du monde, n’est qu’une émanation de sa DÉPENDANCE pour ceux qu’il CROIT être ses esclaves. C’est là toute l’ironie de « la dialectique du maître et de l’esclave», ce dernier étant devenu si indispensable au premier qu’il n’arrive plus de s’en passer.

    Au bout de cette réflexion, on est en droit de s’interroger : Lequel de l’Afrique et de l’occident présentent des signes de manque quant à l’addiction pour l’autre ? En d’autres termes, qui ne supporte mal de vivre sans l’apport de l’autre ? Qui multiplie les efforts et les stratégies pour ne pas perdre les avantages tirés de l’autre ?

    Des questions faciles auxquelles l’audace de SAVOIR peut répondre pour se libérer de la naïveté de CROIRE.

  • Dupleix Kuenzob Pedeme : Pour un septennat de restauration de la justice sociale

    Dupleix Kuenzob Pedeme : Pour un septennat de restauration de la justice sociale

    Dupleix Kuenzob Secrétaire Exécutif DMJ

    Qui payera la facture de la fracture sociale qui se dessine sous fond d’instrumentalisation de la tribu au Cameroun ? Sans que le pays soit sorti de la crise sur la forme de l’Etat, le démon de la division gangrène certains individus aux pensées retors, qui ne verraient en la République qu’un regroupement de tribus ou d’ethnies sans commune vision, sans inclusion ni destin commun. De tels personnages, d’où qu’ils viennent et de quels bords qu’ils appartiennent, ne méritent pas les considérations de la patrie. Car en les responsabilisant, il est fort possible qu’ils confondent la famille restreinte à l’Etat, confisquant de tous temps les institutions et excluant ainsi les autres de la jouissance de leurs droits.

    Dans un travail de recherche sous la direction scientifique du Professeur Charly Gabriel Mbock et autres membres constitués des professeurs Tatah Mentan, Tchameni Célestin, à la commande du Service Œcuménique pour la paix (SeP) et publié en 2000 sous le titre ‘‘Conflits ethniques au Cameroun quelles sources, quelles solutions ?’’[1] , les auteurs concluaient non sans raisons que malgré la réalité du fait ethnique, il n’y a pas de conflits ethniques au Cameroun, mais que la manipulation  et l’instrumentalisation à des fins politiques ou économiques de l’ethnie était à l’origine des rixes entre groupes différents qui ont pourtant généralement cohabité et partagé tous ensemble sans que les uns s’interrogent sur les origines des autres.

    Se basant sur cette conclusion, nous observons que le discours tribal apparaît généralement lorsque des acteurs, agissant  la plupart de temps pour leur compte au mépris de la cause commune, sentent leurs intérêts et positions menacés. C’est alors qu’ils se souviennent  des autres, plus nombreux, mais dans une approche qui vise à opposer d’innocentes personnes dont les voix n’ont que rarement compté.  En lieu et place du tribalisme, il y a dans notre société une forme insidieuse d’oligarchie dont les tenants se cachent derrière d’anciennes théories et pratiques (diviser pour mieux régner) pour asseoir leur domination sur un peuple qui n’aspire en définitive qu’à la justice sociale.

    Conscient de cette logique politicienne, nous avons, au lendemain de son installation le 27 avril 2017, interpellé la Commission Nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme (CNPBM) sur l’une des dimensions de son mandat qui celui de la médiation sociale en vertu de l’article 3 (1) du Décret N0 2017/013 du 23 janvier 2017 qui stipule que ‘‘la Commission est chargée d’œuvrer à la promotion du bilinguisme, du multiculturalisme au Cameroun, dans l’optique de maintenir la paix, de consolider l’unité nationale du pays et de renforcer la volonté et la pratique quotidienne du vivre ensemble de ses populations’’.

     Nous apportions à cet effet, aux membres de la Commission Mafany Musongue, notre modeste contribution à la réalisation de leurs charges et l’accomplissement de leur mission. Une partie de notre contribution portait alors sur la prise en charge de la problématique du tribalisme au Cameroun. D’après notre compréhension des situations préjudiciables à la paix telles qu’elles sont vécues au sein des populations et notamment la jeunesse que nous avons l’honneur d’accompagner dans ses luttes quotidiennes pour une insertion réussie et une cohabitation pacifique avec d’autres couches sociales, nous formulions le vœu et les propositions ci-après.

    1. La valorisation des stéréotypes et préjugés qui étiquettent les tribus et ethnies

    Différentes tribus/ethnies au Cameroun sont sujettes à des images constituées des préjugés, clichés, stéréotypes qui ont la particularité d’être des perceptions à connotation foncièrement péjorative pouvant avoir des conséquences aussi bien pour les personnes qui les expriment que pour celles qui subissent leur expression.  Ces construits sociaux manifestés sous diverses formes : croyance à l’égard d’un groupe, affect négatif, attitude, ou émotion sociale, peuvent se révéler être de véritables dépôts de l’exclusion et de la fragmentation sociale. Le triste souvenir du génocide au Rwanda nous suggère d’être prudent en préparant le lit à une inclusion et une compréhension originelle de ces clichés qui peuvent être positivés en une mythologie camerounaise utilisée pour enrichir la connaissance et la compréhension plurielle des tribus et ethnies concernées.  Dans cette optique, nous envisageons :

    Suggestion 1 : la création d’un kaléidoscope ‘‘imagologique’’ qui serait un répertoire national compilant l’ensemble des perceptions, stéréotypes, préjugés et clichés socioculturels que les ressortissants des différents groupes ethniques ont les uns envers les autres avec essai d’explication historique ou légendaire de leur genèse.  La spécificité de ce répertoire d’« imagologie » est que tout le monde pourra y puiser pour comprendre approximativement ou réellement pourquoi une ethnie/tribu x est perçue sous un angle particulier, d’où viendrait cette perception, quel est son bienfondé, et sa plus-value dans une dynamique du vivre ensemble. Nous partons du postulat que dans un contexte multiculturel, les «forces » et les « faiblesses » des uns ou des autres est la base du facteur d’équilibre.

    1. La régulation de la politique de l’équilibre régional

    La vie publique au Cameroun est minée par un sentiment de suspicion généralisée sur le contrôle ethnico tribal de l’appareil de l’Etat. Les querelles autour des résultats des concours d’entrée dans les grandes écoles du pays, les mémorandums des ressortissants d’une partie ou l’autre du pays pour revendiquer une part de la richesse nationale sont des menaces réelles au vivre ensemble qui traduisent un sentiment de lésion, de privation ou d’exclusion dans la jouissance de la croissance du pays.

    Suggestion 2 : la mise sur pied d’un organe en charge de veiller sur la stricte application de l’équilibre régional

    Nous pensons que pour restaurer la confiance et le sentiment national d’appartenance, un organe capable de produire des informations stratégiques en temps réel sur la situation de l’équilibre régionale au sein des secteurs et administrations où cela doit s’appliquer de droit doit être mis en place. Nous partons ici du postulat selon lequel il n’existe pas de justice sociale sans politique rationnelle de nivellement vers le haut des divergences sociales.

    1. La vitalisation de l’esprit patriotique à travers les chants scolaires

    Il y a plusieurs décennies de cela, la fête de la jeunesse du 11 février et la fête nationale du 20 mai étaient des moments privilégiés pour les établissements scolaires du primaire et du secondaire de faire preuve d’ingéniosité et de créativité à travers la composition de chants patriotiques rappelant les faits historiques et héroïques des compatriotes, conseillant et conscientisant la jeunesse sur ce qu’il faut faire pour porter le Cameroun debout dans le concert des nations, vantant les symboles et victoires du pays, interpellant la conscience nationale sur les défis à surmonter. Ces hymnes et chants de ralliement ont progressivement cédé la place à des chansons d’une banalité déconcertante et parfois sans teneur ni portée éducative. Ce qui à notre sens a contribué à lessiver la fibre patriotique avec l’aide des conditions de vie difficiles. Pour ainsi remédier  au dépérissement du patriotisme, nous envisageons :

    Suggestion 2 : la création des annales ‘‘hymnologie et musicologiques’’ diffusables sur les ondes nationales

    Nous pensons que pour la mémoire et la transmission aux générations futures des acquis du patriotisme, il est important de d’entreprendre un travail ‘‘d’archéologie’’ hymnologique et musicologique dans le but de reconstituer et reproduire sur des bandes sonores les chants patriotique autrefois exécutés dans les écoles primaires, lycées et collèges de la République à l’occasion des fêtes nationales de la jeunesse et de l’unité nationale. Un tel recueil est nécessaire pour la mémoire des jeunes et la familiarisation de celle-ci avec les rêves, les luttes, les aspirations des ainés, leur vision du Cameroun car le monde étant de plus en plus ouvert les jeunes camerounais ne rêvent plus que de l’étranger. Le postulat qui fonde cette autre suggestion est que les rêves des générations passées servent de point d’ancrage aux réalisations des générations futures. Or, si nous faisons une étude nous verrons que les menaces qui pèsent sur le vivre ensemble aujourd’hui sont le fait d’une ignorance de ce qu’était la vision qu’avaient les ainés il y a 20 voire 40 ans. De telles annales se constitueraient en s’enrichissant des nouvelles créations hymnologiques et musicologiques, ce qui encouragerait la culture.

    La montée des appels au tribalisme en contexte post électoral nous détermine à dire que là où la compétition se joue uniquement pour les positions, l’action tend à disparaitre ; et lorsqu’il n’y a plus d’action, la situation se dégrade. Quel que soit le Président élu à l’issue du scrutin du 7 octobre 2018, le devoir premier qui l’interpelle est celui de la restauration d’une société de justice.  Celle dans laquelle les positions vont se mériter sur la base des résultats réalisés à la position occupée. Pour qu’une telle justice sociale soit perçue et ressentie par le peuple, la pratique du suivi et évaluation doit rentrer dans la culture organisationnelle et managériale, faisant des détenteurs d’enjeux de pouvoir de véritables responsables à savoir des personnes disposant d’un pouvoir d’exercer une fonction, mais aussi une obligation de rendre compte et des comptes.

    Il faut le rappeler avec l’ONU que ‘‘la justice sociale est fondée sur l’égalité des droits pour tous les peuples et la possibilité pour tous les êtres humains sans discrimination de bénéficier du progrès économique et social partout dans le monde. Promouvoir la justice sociale ne consiste pas simplement à augmenter les revenus et à créer des emplois. C’est aussi une question de droits, de dignité et de liberté d’expression pour les travailleurs et les travailleuses, ainsi que d’autonomie économique, sociale et politique’’. Se faisant le prochain septennat devra  être celui durant lequel chacun (e) répond de son travail aux parties prenantes de ce travail afin de garantir la sécurité humaine au sens holistique du terme. Seule la justice sociale peut aider à mettre fin à l’instrumentalisation et la manipulation des tribus et ethnies.

    Dupleix F. KUENZOB PEDEME

    Secrétaire Exécutif

    Dynamique Mondiale des Jeunes (DMJ)

    Yaoundé, Cameroun : Editions Service œcuménique pour la paix :

    Editions Saagraph, c2000

  • Le satisfecit de la BEAC

    Le satisfecit de la BEAC

    Malgré une légère inflation des coûts d’émissions du marche secondaire, la banque centrale se réjouit du regain de dynamisme du marché des titres publics. 

    Le Conseil de Surveillance de la Cellule de Règlement et de Conservation des Titres (CRCT) a tenu, le mercredi 26 septembre 2018, sa troisième réunion ordinaire de l’année 2018, au Siège de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) à Yaoundé en République du Cameroun, sous la présidence de Monsieur ABBAS MAHAMAT TOLLI, Gouverneur de la BEAC , son Président statutaire. Le Conseil de Surveillance a passé en revue les principales évolutions de la conjoncture économique internationale et régionale ainsi que celles du marché des titres publics émis par adjudications organisées par la BEAC à fin août 2018.

    Sur le plan international, le Conseil de Surveillance a relevé que la croissance mondiale du Produit Intérieur Brut (PIB) s’est raffermie et devrait atteindre 3,9 % en décembre 2018, en dépit de l’escalade des tensions commerciales. Sur les marchés mondiaux, les cours des matières premières se sont globalement orientés à la baisse. Par ailleurs, le Conseil de Surveillance a observé le maintien des orientations accommodantes de politique monétaire au sein des principales banques centrales. Sur le plan régional, il a noté que l’activité économique dans la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) connait une légère embellie avec un taux de croissance prévisionnel de 1,9% en 2018, en liaison avec la mise en œuvre des réformes économiques, monétaires et financières prévues dans le Programme (PREF­ CEMAC) et les programmes conclus avec le FMI. Il a observé en outre que la BEAC a laissé inchangé le taux d’intérêt des appels d’offres (TIAO), son principal taux directeur, à 2,95 % depuis le 22 mars 2017.

    Concernant l’activité du marché des titres publics émis par adjudications organisées par la BEAC, le Conseil de Surveillance s’est réjoui de la hausse de 54% des montants mobilisés par les Trésors publics nationaux qui se sont établis à 1 349,7 milliards de FCFA ainsi que de l’amélioration de 36 points de pourcentage du taux de couverture moyen des émissions à 152,7%. Toutefois, il déplore la progression des coûts des émissions et la diminution des opérations d’achat-vente au niveau du marché secondaire.

    Par ailleurs, le Conseil de Surveillance a pris connaissance du rapport d’étape sur la fusion des marchés financiers de la CEMAC. Enfin, le Conseil de Surveillance a approuvé le projet de modèle de cahier des charges des SVT révisé et a autorisé son Président à le présenter, après la révision des textes supérieurs, au Comité Ministériel de l’UMAC pour adoption.

    Fait à Yaoundé, le 26 septembre 2018

  • Le turn over monétaire de la BEAC

    La banque centrale vient de promulguer son nouveau cadre de gestion monétaire qui souhaite introduire de la flexibilité et l’adaptation aux évolutions du marché

    Le taux de couverture de la monnaie (la capacité des pays à couvrir leurs importations par leurs revenus d'exportations) a connu une évolution séquencée en zone Cemac tout au long de l’année.
    Le siège de la BEAC

    Dans une quête de plus d’efficacité de sa politique monétaire, la BEAC a procédé à des réformes monétaires au début des années 1990. Ces mesures se sont traduites, entre autres, par l’institution du marché monétaire en 1994 comprenant deux niveaux en vue d’une régulation optimale de la liquidité bancaire, le compartiment interbancaire et le compartiment des interventions de la Banque Centrale. Une vingtaine d’années plus tard, le dispositif mis en place ne répondait toujours pas aux problématiques auxquelles la BEAC a été confrontée. Afin d’améliorer l’efficacité de la politique monétaire et l’approfondissement du système financier, tout en assurant une veille permanente en matière de stabilité financière, la BEAC a entrepris en 2013 une nouvelle réforme de sa politique monétaire, portant sur les volets institutionnel, stratégique, analytique et opérationnel.

    Les limites du dispositif ancien portaient principalement sur :

    • La gestion de la liquidité bancaire ;
    • La nature des procédures d’utilisation des instruments de politique monétaire ;
    • La simultanéité des interventions de la BEAC sur le marché monétaire.

    Concernant le volet opérationnel, il était question de :

    • Mettre en place de nouveaux instruments adaptés aux besoins précis des établissements de crédit ;
    • Abandonner le principe de double intervention de la BEAC sur le marché monétaire ;
    • Restaurer la confiance entre les banques primaires à travers la pension livrée. L’ensemble de ces mesures visent à terme à conférer plus de dynamisme au marché monétaire et donc restaurer le rôle des taux d’intérêt comme indicateurs du coût de la liquidité dans la

    Ces réformes ont abouti à l’instauration d’un nouveau cadre opérationnel de la politique monétaire de la BEAC en 2018. Les innovations introduites portent essentiellement sur :

    • Le dispositif de gestion du collatéral (catégories d’actifs éligibles et de décotes associées) ;
    • Les instruments et modalités d’intervention sur le marché monétaire ;
    • Les méthodologies de fixation des volumes d’intervention ;
    • Les réserves obligatoires ;
    • Le dispositif de collecte des données, d’analyse et d’animation du marché monétaire par la Banque

    La réorganisation des instruments d’intervention de la BEAC a abouti à plus de cohérence entre eux et à une meilleure prise en compte des différents problèmes de liquidité, à travers notamment : (i) la modernisation de l’opération principale de refinancement, (ii) l’instauration des opérations de réglage fin, (iii) des facilités permanentes (prêts et dépôts), (iv) des opérations de plus longues maturités (1,3,6,9 et 12 mois) et, enfin, (v) des opérations structurelles (achats/ventes temporaires ou fermes de titres et émission de bons BEAC). Quant aux volumes d’intervention, ils sont dorénavant déterminés suivant l’évolution de la liquidité du système bancaire appréhendée à travers ses facteurs autonomes, le mécanisme des objectifs de refinancement par pays ayant été supprimé.

    La nouvelle stratégie de politique monétaire consiste désormais à piloter le taux interbancaire de référence (TIMP à 7 jours) autour du taux directeur (TIAO) et à l’intérieur d’un corridor constitué par le Taux de la Facilité de Prêt Marginal (comme taux plafond) et le Taux de la Facilité de Dépôt (comme taux plancher). Cette démarche se traduit par des interventions hebdomadaires réalisées par l’opération principale de la BEAC, à renforcer si nécessaire par des opérations de réglage fin au titre d’apport supplémentaire ou de retrait de liquidités.

    S’agissant particulièrement de l’opération principale d’injection de liquidité, depuis le 11 juin 2018, date d’entrée en vigueur du nouveau cadre opérationnel, elle se fait désormais par appel d’offres à taux multiples. Contrairement aux appels d’offres à taux fixe pratiqués antérieurement dans la limite des objectifs de refinancement nationaux, cette technique d’adjudication présente l’avantage d’inciter les établissements de crédit à dynamiser la gestion de leur trésorerie. Étant donné que le volume proposé hebdomadairement est révisable d’une semaine à l’autre, cette approche est plus exigeante en matière de prévisions de liquidité. En rendant les acteurs de marché plus sensibles aux orientations de la politique monétaire, cette démarche devrait permettre le recyclage, entre ces derniers, des ressources oisives et contribuer au développement du marché interbancaire.

    Dans l’ensemble, les changements introduits dans le nouveau cadre opérationnel de la politique monétaire de la BEAC modernisent ses instruments et créent des conditions pour l’amélioration de l’efficacité de sa politique monétaire et du développement du secteur financier sous régional afin de le mettre au service de la diversification des économies de la CEMAC.

    Banque des États de l’Afrique Centrale BP 1917 – Yaoundé, Cameroun

    Tél. : (+237) 222 23 40 30/ 222 23 40 60

    Fax : (+237) 222 23 34 68

    Email : communication@beac.int

    www.beac.int ; www.sgcobac.org

  • Jean Marc Bikoko : Nord-ouest/Sud-ouest : «Tournons la page» soutient la conférence anglophone du cardinal Tumi

    Jean Marc Bikoko : Nord-ouest/Sud-ouest : «Tournons la page» soutient la conférence anglophone du cardinal Tumi

    Pour sauver le Cameroun, la solution est de désavouer la majorité des gouvernants actuels

    Le président de l’organisation de la société civile dénommée Dynamique Citoyenne est le coordinateur national de «Tournons la Page» au Cameroun. Ce mouvement transcontinental (regroupant des membres de la société civile en Afrique et en Europe) a notamment pour objectif de «mettre un terme à la confiscation du pouvoir et promouvoir le respect des règles et principes démocratiques en Afrique». Il a donné une conférence de presse le 6 septembre dernier pour exprimer ses craintes sur le contexte actuel au Cameroun. Nous proposons en intégralité son propos liminaire.

     

    Le Cameroun est à la croisée des chemins. Jamais dans le passé, mis à part les périodes tristes (1) du coup d’Etat manqué (supposé ou réel) de 1984, (2) l’avènement du multipartisme et son corollaire de morts inutiles et regrettables, (3) les émeutes de février 2008 et leurs nombreuses victimes, le pays ne s’est jamais aussi mal porté. Il n’est pas exagéré d’affirmer que toutes les conditions sont réunies pour une implosion imminente.

    Deux ans et demi déjà que dure la crise dite anglophone avec d’une part des centaines de morts en cascade tant du côté civil que militaire, plus d’une centaine de milliers de déplacés et des pertes matérielles sans précédents; et d’autre part une sérieuse menace de partition et/ou de scission du pays.

    Celle-ci s’ajoute à la situation sécuritaire dans la partie septentrionale et le long des zones frontalières avec la République Centrafricaine (RCA) qui constituent toujours une préoccupation majeure dans la mesure où des assauts répétés à la fois des éléments des forces de défense et des différents groupes terroristes bien que sporadiques viennent régulièrement porter un coup sérieux à la quiétude des différentes populations déjà en proie à la misère et à la pauvreté ambiante.

    Fort de cette instabilité palpable et de nombreux risques de troubles multiformes qui pourraient déborder et déboucher sur un embrasement du pays, il y a de bonnes raisons de s’inquiéter dans un tel contexte de la tenue dans la sérénité de la prochaine élection présidentielle prévue le 07 Octobre 2018. Surtout qu’au vu des manœuvres et atermoiements de l’organe en charge de la gestion de ladite élection, nul ne peut rassurer que le processus d’organisation du début à son terme se fera en toute équité, sincérité et transparence de sorte que la victoire ou l’échec soient acceptés par les différents candidats en lice.

    Le plus grave dans tout cela c’est les tentatives de camouflage et/ou de déni de la récurrence des exactions humaines de la part des autorités étatiques, qui, non seulement viennent davantage porter l’estocade au sempiternel chantier du vivre-ensemble dont les gages existentiels ne sont pas clairement établis, mais aussi et surtout crédibilisent les allégations jusqu’à ce jour battues en brèche et qui font état de l’incapacité manifeste du pouvoir en place à assurer la sécurité des Camerounais.

    A ces clichés aux relents morbides, s’ajoute une crise de la gouvernance nationale dont les récents éléments d’illustrations sont entre autres l’interdiction tous azimuts des réunions et manifestations publiques des divers groupes sociaux autres que ceux en faveur du pouvoir/régime en place, la désignation inique des responsables/mandataires de certaines formations politiques de l’opposition par le ministre en charge de l’administration Territoriale, une inflation galopante et une crise alimentaire latente observable dans les marchés, et effective dans les régions en crise sécuritaire.

    Par ailleurs, on ne saurait occulter le déficit énergétique aux conséquences incommensurables qui plonge la nation dans une sorte de pénombre sans véritable espoir de solutions à court, moyen et long terme nonobstant les différents chantiers dédiés aux barrages hydroélectriques. Toutes choses qui, ajoutées à l’important déficit infrastructurel, ferait fortement peser sur le Cameroun, la menace du retrait de l’organisation de la prochaine CAN de football prévue pour l’année prochaine, malgré le satisfécit de la dernière mission technique de la CAF au Cameroun.

    Sur la base, d’une part, de ce panorama non exhaustif du microcosme sociopolitique camerounais et, d’autre part, du diagnostic sans complaisance dressé plus haut, le Cameroun se présente aujourd’hui comme un grand malade à l’agonie, et dont seul un traitement de choc et immédiat pourrait prémunir d’une situation de non-retour. Pour sauver le Cameroun et le sortir de l’abîme, la solution qui constitue d’ailleurs un impératif catégorique est de désavouer la majorité des gouvernants actuels de notre pays totalement disqualifiés du fait de leur incompétence notoire et manifeste.

    C’est la solution que préconise le mouvement transcontinental dénommé «Tournons La Page» déjà mise en œuvre dans un certain nombre de pays confrontés aux mêmes problèmes. Cette coalition qui est sortie des fonds baptismaux le 15 octobre 2014 regroupe des organisations de la société civile africaine et européenne au-delà des clivages politiques, ethniques et religieux en vue d’une part, de construire des synergies pour la défense des droits humains et la promotion de la démocratie sur le continent africain, et d’autre part de promouvoir le respect des règles et principes démocratiques.

    Au Cameroun, la société civile s’est engagée dans un plaidoyer pour la réforme du système électoral camerounais. Une analyse du code électoral produite et un draft de code alternatif produit et soumis aux différents acteurs en charge de la gestion du processus électoral pour que ces recommandations soient prises en compte comme préalables avant toute élection. Ce code alternatif n’a jamais été domestiqué par les acteurs politiques.

    C’est dans cette logique que la Coordination Nationale de Tournons La Page (TLP) Cameroun, coalition mise en place le 15 septembre 2015, grâce à la mutualisation des forces et au terme de multiples conclaves ponctués par des échanges houleux mais conviviaux, arrive à la conclusion de la nécessité absolue et sans délai d’une concertation ouverte, sous la forme d’un «Dialogue National inclusif»/ «Commission Vérité, Justice et Réconciliation» entre fils et filles du Cameroun, de l’intérieur et de la diaspora, sans distinction, sans marginalisation et sans clivages.

    • TOURNONS LA PAGE Cameroun, considérant la situation fort-préoccupante du pays et conscient des bienfaits du dialogue qui a fait ses preuves sous d’autres cieux, engage le pouvoir en place, les partis politiques, les groupes religieux et sociaux à :
    • Placer dorénavant et plus que jamais la concertation au centre de la marche de la vie de la Nation ;
    • S’impliquer à rendre possible et implémenter dans de brefs délais le cadre d’un dialogue national inclusif;
    • Créer des conditions idoines pour l’arrêt immédiat et sans conditions des hostilités dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, préalables à toute action efficace, y compris la mise en œuvre du plan d’assistance humanitaire d’urgence. Sans oublier les régions septentrionales et de l’Est du Cameroun où règne encore l’insécurité ;
      S’approprier, densifier et élargir les termes de référence contenus dans l’offre des Evêques du Cameroun pour la tenue d’une «Conférence Anglophone»;
    • Assumer d’éventuels risques et menaces potentiels issus des conséquences probables que comporte la tenue prochaine d’une élection présidentielle sans garantie aucune de sincérité, d’objectivité, de neutralité et de transparence ;
    • Exercer sur l’institution en charge de l’organisation du scrutin suffisamment de pression pour que celle-ci ne soit pas complice de violations des droits des électeurs ;
    • S’insurger et se mobiliser contre toute tentative de répression à l’encontre des organisations et acteurs de la société civile et autres groupes sociaux et politiques dans leur engagement militant dans la mise en place des institutions démocratiques ;
    • Impliquer fortement la société civile dans toutes les actions de recherche de solutions durables non seulement dans les régions aujourd’hui en proie à des crises sécuritaires, mais également dans toutes les initiatives nationales et internationales en vue de l’amélioration de la gouvernance et la résolution des problèmes auxquels le Cameroun est confronté ;
    • S’unir sans réserve dans le processus d’organisation et de mise sur pied de la «COMMISSION VERITE, JUSTICE ET RECONCILIATION».
      Rappelle que le jeu démocratique exige de tous les candidats aux élections, la présentation de leur programme politique en s’adressant personnellement aux potentiels électeurs

     

  • Développement : le salut de l’Afrique centrale passe par l’industrialisation

    Développement : le salut de l’Afrique centrale passe par l’industrialisation

    C’est la conviction d’Antonio Pedro et de Julian Slotman. Ils sont respectivement directeur et économiste au Bureau sous-régional pour l’Afrique centrale de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA). Ils publient une tribune libre à quelques jours de la 34e session du Comité intergouvernemental d’experts (CIE) pour l’Afrique centrale qui se tient à N’Djamena (Tchad) sous le thème « Financement de l’industrialisation en Afrique centrale ». Intégration vous propose l’intégralité de cette tribune.

     

     

     

    Tribune : cinq piliers pour l’industrialisation de l’Afrique centrale

    Par: Antonio Pedro* et Julian Slotman**, Bureau sous-régional de la CEA pour l’Afrique centrale

    Quatre ans après la fin du boom pétrolier et le revirement brutal de la courbe de croissance du début des années 2000 dans les pays d’Afrique centrale, la surproduction de pétrole et la chute des prix des matières premières ont laissé un goût amer dans la bouche de nombreuses populations de la région, en raison de leur dépendance excessive vis-à-vis du pétrole et d’autres industries extractives. Les défis sont réels car, malheureusement, les pays d’Afrique centrale, producteurs de matières premières non transformées, sont constamment exposés à des chocs extérieurs et demeurent bloqués aux niveaux inférieurs des chaînes de valeur mondiales, car nombre d’activités à plus forte valeur ajoutées sont menées ailleurs. Les industries extractives de la sous-région opèrent généralement en vase clos et ne sont pas suffisamment liés à l’économie locale. L’instabilité de la macroéconomie est devenue une réalité. En attendant, l’Afrique centrale doit s’attaquer à plusieurs autres problèmes urgents, tels que le chômage et les inégalités, pour ne citer que ces quelques exemples. Il n’est donc pas surprenant que la plupart des pays d’Afrique centrale reçoivent ou sollicitent actuellement un appui budgétaire du FMI, parfois appelé «prêteur en dernier ressort». Avec ces mesures d’assistance, nos États membres devront prendre des décisions difficiles afin de remettre les économies d’Afrique centrale sur pied.

    Certains prétendent que la solution consiste simplement à imposer une discipline budgétaire, réduire les dépenses, remédier aux échecs des politiques, réduire les lourdeurs administratives, lutter contre la corruption et éliminer les dysfonctionnements du marché. Nous ne contestons pas ces mesures de stabilisation. En fait, nous pourrions y ajouter notre grain de sel en proposant notamment la nécessité de combler les lacunes des contrats existants, d’améliorer l’administration fiscale et élargir l’assiette fiscale, de lutter contre les flux financiers illicites et d’utiliser judicieusement les mesures incitatives. Mais toutes ces mesures n’occulteraient pas le fait qu’il faut dégager une marge budgétaire suffisante pour permettre aux investissements à haut rendement et à plus long terme de stimuler les capacités de production, renforcer la compétitivité des économies locales et favoriser la transformation structurelle. On peut certes comprendre l’accent mis actuellement sur les mesures à court terme pour rétablir la stabilité macroéconomique, mais il est tout aussi important de continuer à investir dans la croissance durable et la transformation structurelle afin de permettre à la sous-région de briser le cycle des croissances et récessions, ainsi que de réduire leur vulnérabilité et leur exposition aux fluctuations des prix des matières premières.

    La bonne nouvelle c’est que de nos jours, personne ne conteste que la transformation structurelle est la solution. La diversification de l’économie en général et l’industrialisation en particulier se sont révélées être des formules gagnantes pour de nombreux pays tels que la Corée du Sud, la Thaïlande, le Qatar, l’Irlande, l’Estonie et pratiquement tous les pays qui ont réussi à transformer leur économie et offrir un niveau de développement et une qualité de vie appréciables à leurs populations. Il existe de nombreuses opportunités d’investissement pour l’industrialisation. En Afrique centrale, ces opportunités sont énormes car la sous-région est non seulement dotée de richesses naturelles exceptionnelles, mais également d’une main-d’œuvre jeune et hautement qualifiée. La mauvaise nouvelle, cependant, c’est que les pays sont confrontés à un problème épineux: la dette pèse lourd mais les niveaux d’investissement actuels en Afrique centrale sont loin d’être suffisants pour permettre une industrialisation significative et une croissance durable. Alors, qui va combler ces lacunes? Quelles solutions pour la région? Nous offrons cinq Piliers pour résoudre le problème.

     

    Pilier 1: Créer des emplois, encore des emplois, toujours des emplois !!!

    L’investissement dans l’industrialisation (et, par extension, la diversification  de l’économie) crée de nombreux emplois, de bons emplois surtout! À une époque où le taux de chômage des jeunes a atteint des niveaux records (un jeune sur cinq en Angola ou au Congo et même plus d’un jeune sur trois au Gabon), il est urgent d’investir dans des domaines aussi variés que les infrastructures, l’éducation, la santé et l’aide public à des secteurs tels que les services financiers, les transports, le tourisme, les TIC et les industries intelligentes, qui pourraient favoriser une croissance tirée par le secteur privé. Les emplois de qualité qui seront créés grâce à cet investissement aideront la population jeune et ambitieuse d’Afrique centrale à se développer et à contribuer à la croissance future.

     

    Pilier 2: Tirer parti du pouvoir de la vie dans les grandes villes

    Les villes d’Afrique centrale se développent à un rythme phénoménal, car de plus en plus de personnes quittent leurs villages pour s’installer dans des centres urbains déjà surpeuplés, dans l’espoir de trouver un emploi décent et une meilleure qualité de vie. Cette urbanisation rapide comporte certes de nombreux défis, tels que la saturation des infrastructures, les pressions sociétales et le vieillissement démographique dans les zones rurales, mais elle offre également des possibilités uniques de diffusion des connaissances, car les nouveaux arrivants apprennent de ceux trouvés sur place et vice versa. L’urbanisation offre également un excellent terrain d’essai pour les jeunes entrepreneurs. Ce n’est certainement pas un hasard si en général, les start-up innovantes et les industries créatives ont tendance à se trouver à proximité des grands centres urbains, où le dynamisme de la vie urbaine offre à la fois un vivier constant de talents et un flux ininterrompu d’idées et d’inspiration. En outre, avec la baisse induite de la concurrence, les agriculteurs restants dans les zones rurales peuvent avoir davantage d’espace, ce qui pourrait leur permettre de développer et d’orienter leur activité vers des niches à haut rendement (comme les produits agricoles biologiques). L’investissement public et privé dans l’industrialisation peut encadrer ce processus qui serait autrement indépendant, tout en gérant les conséquences négatives.

    Pilier 3: Promouvoir l’intégration de l’Afrique

    On peut voir l’intégration continue de l’Afrique partout. Pas seulement dans les journaux, comme lors d’événements de grande envergure tels que la récente signature des instruments de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) à Kigali qui ont fait la une des journaux, mais aussi dans nos vies quotidiennes, lorsque nous communiquons avec nos familles et nos amis partout sur le continent. L’intégration régionale se présente sous de nombreuses formes et l’industrialisation sera considérablement stimulée du fait de la connectivité accrue et des ouvertures pour le commerce de biens produits industriellement et de services de haut niveau. Pensez aux voyages sans visa, au roaming gratuite, aux études à l’étranger et aux relations d’affaires avec d’autres personnes partout en Afrique aussi facilement que vous le feriez chez vous. Il appartient maintenant aux décideurs des pays d’Afrique centrale d’aligner rapidement leurs visions nationales sur les instruments d’intégration régionale, en commençant par une mise en œuvre complète du tarif préférentiel harmonisé CEEAC-CEMAC, puis sur les instruments d’intégration continentale. Davantage de pays d’Afrique centrale devraient imiter le Tchad et ratifier la ZLECA.

    Sur le plan commercial, cela présente un avantage énorme car tout projet qui veut s’installer en Afrique centrale verrait ses bases se renforcer avec la perspective d’un marché de 1,2 milliard de personnes et de 2,5 milliards en 2050. C’est la Chine et l’Inde réunies! Ces chiffres ne commenceront à faire une réelle différence que lorsqu’il existera un environnement propice pour exploiter tout le potentiel créatif de l’ensemble du continent africain et la croissance axée sur le consommateur qu’il peut soutenir.

    Pilier 4: Penser vert

    Nous sommes l’Afrique centrale. Nous abritons une biodiversité unique et des richesses naturelles incroyables! Celles-ci doivent être protégées. Par conséquent, dans notre marche vers l’industrialisation, nous devons penser vert. Ainsi, l’industrialisation et la diversification de l’économie créeront non seulement des emplois de qualité et contribueront à l’urbanisation et à l’intégration régionale, mais aussi réduiront la dépendance des économies de la sous-région au pétrole et autres industries extractives, contribuant ainsi à une croissance plus verte. Les décideurs politiques doivent identifier les secteurs les plus susceptibles de créer des emplois et de promouvoir la compétitivité de leurs économies, tout en limitant la pression exercée sur les précieuses richesses humaines et naturelles de la sous-région. Il convient de noter au passage que ce serait un choix judicieux, car les investisseurs socialement responsables, en particulier les investisseurs dits éthiques, à impact social et/ou positifs, y compris les fonds de pension, les fonds communs de placement, les organisations confessionnelles et autres investisseurs institutionnels se tournent de plus en plus vers des projets écologiques.

    Pilier 5: Élargir nos horizons

    Devrions-nous nous réjouir des annonces faites à Beijing concernant les 60 milliards de dollars américains disponibles pour investissement en Afrique au cours des trois prochaines années? Devrions-nous espérer que le nouveau plan d’investissement extérieur de l’UE et son objectif de promouvoir l’industrialisation de l’Afrique constituent un moyen de créer plus d’emplois pour nos jeunes? Oui et non! Bien sûr, ce sont des opportunités à ne pas manquer et nous ne devons ménager aucun effort afin d’en tirer le maximum. Mais nos besoins financiers vont au-delà de ce que nous pourrions éventuellement obtenir de ces grands investisseurs extérieurs. Bien que les investissements étrangers dans les infrastructures et les autres besoins pour l’industrialisation soient effectivement les bienvenus, les niveaux actuels d’investissement sont encore loin d’être suffisants pour permettre à nos économies de réaliser pleinement leur potentiel. Le déficit de financement des infrastructures en Afrique à lui seul a déjà été évalué à 130 à 170 milliards de dollars par an!

    On nous dit que le monde dispose de suffisamment d’argent pour financer le développement. En effet, les investisseurs institutionnels (y compris les fonds de pension) et les banques commerciales gèrent plus de 100 000 milliards de dollars américains, dont une partie constituée de fonds qui n’attendent que des opportunités d’investissement à long terme et à haut rendement. Nous devons pouvoir accéder à ces ressources le plus rapidement possible. Et partir sur de bonnes bases: de bons projets crédibles et bancables sont nécessaires pour attirer des financements.

    Nous devons également améliorer la mobilisation des ressources nationales et encourager nos citoyens de l’intérieur et de la diaspora à orienter leurs économies vers des investissements productifs. Nos marchés financiers doivent se développer et nous devons pouvoir offrir à nos citoyens d’autres produits financiers simples et attrayants. C’est un avenir que nous devons construire. Le niveau de souscription du premier emprunt obligataire pour le financement d’un projet d’infrastructure au Kenya montre que c’est une option faisable. Nous pouvons aussi y arriver en Afrique centrale!

    La 34ème session du Comité intergouvernemental d’experts (CIE) pour l’Afrique centrale se tient sous le thème «Financement de l’industrialisation en Afrique centrale». Elle est organisée à N’Djamena (Tchad) du 18 au 21 septembre 2018 par le Bureau sous-régional de la CEA pour l’Afrique centrale.

     

    *Antonio Pedro Directeur du Bureau Sous-régional pour lAfrique Centrale de la Commission Economique des Nations Unies pour lAfrique (CEA)

    Directeur au Bureau Sous-Régional de la CEA pour l’Afrique centrale à Yaoundé au Cameroun, Antonio M. A. Pedro est géologue en exploration minière jouissant de plus 30 années d’expérience riche et variée en matière de développement et de gestion à l’échelon national, régional et continental à travers l’Afrique et au-delà.  Au-delà de sa contribution dans le cadre de la politique des industries extractives en Afrique, il a profité de sa carrière à la CEA pour impulser la transformation structurelle et l’intégration régionale du continent. Au niveau global il est membre du Conseil de direction du réseau des solutions pour le développement durable des Nations Unies (SDSN) et du Panel international des ressources et exerce au Conseil consultatif du Columbia Center on Sustainable Investment (CCSI) et du Conseil consultatif de rédaction de la revue scientifique internationale Mineral Economics.

     

    **Julian Slotman travaille en tant que économiste au Bureau sous-régional pour l’Afrique centrale de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA). Avant de rejoindre la CEA en 2016, Julian avait travaillé au ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas et au Bureau néerlandais d’analyse des politiques économiques. Julian est titulaire d’une licence en économétrie et en recherche opérationnelle et d’un master en économie et politique publique et développement humain de l’Université de Maastricht / UNU-MERIT.

  • Akéré Muna : Etat et gouvernance publique

    Akéré Muna : Etat et gouvernance publique

    C’est en reconstruisant l’Etat camerounais et en modernisant la gouvernance publique qu’on parviendra à faire face efficacement aux problèmes sectoriels majeurs évoqués par Mme Ondoua Biwolé 

    L’avocat de renom, prétendant à la magistrature suprême, répond à la lettre ouverte adressée aux candidats à l’élection présidentielle du 07 octobre 2018 publiée dans le numéro 333 du journal Intégration. 

     

    L’interpellation de Mme Ondoua Biwolé sur le statut de la gouvernance dans les programmes des candidats à la présidence de la République du Cameroun est salutaire. Elle vient comme l’occasion d’une clarification nécessaire autour de l’essentiel. Car l’enjeu de la gouvernance permet tout à la fois de comprendre le terrain de l’action politico-administrative, les performances potentielles des prétendants à la magistrature suprême, et l’adéquation au réel des schémas qu’ils proposent pour adresser les problèmes du moment tout en envisageant l’avenir.

    Beaucoup a été fait depuis la création de notre Etat. Il serait malhonnête de soutenir le contraire. Cet enjeu ne peut être captif des querelles de bastions. L’action étatique est d’ailleurs un processus continu : l’enjeu est de s’adosser à l’existant, corriger les faiblesses pour transformer la société. Nos prédécesseurs travaillaient dans un contexte historique de décolonisation à l’édification d’un État moderne ; leurs successeurs ont poursuivi ce chantier. Il nous appartient de parachever ces entreprises, mais en changeant radicalement la route de nos institutions.

    CHANGER L’ETAT ET LE RECONSTRUIRE POUR MODERNISER LA GOUVERNANCE PUBLIQUE
    C’est en reconstruisant l’Etat camerounais et en modernisant la gouvernance publique qu’on parviendra à faire face efficacement aux problèmes sectoriels majeurs évoqués par Mme Ondoua Biwolé : notre Etat est à bout de souffle, incapable de se réformer et de répondre de manière adaptée aux problèmes du temps. Les stratégies élaborées depuis les indépendances se sont avérées incapables de mettre le Cameroun sur l’orbite de l’émergence. On est en face d’un Etat replié sur lui-même, coupé de la société qu’il a pourtant vocation à régir, et tout compte fait, menacé de déclin. Cela tient, bien sûr à l’histoire, et Mme Ondoua Biwolé le montre bien lorsqu’elle met en évidence le télescopage des traditions juridiques et administratives françaises et britanniques. Mais la situation est aussi liée à l’incapacité de l’Etat à se réformer efficacement. L’histoire nous lègue un Etat en apparence fort, mais en réalité extrêmement fragile.

    Pour qui veut transformer ce pays, il paraît urgent de transformer notre style gouvernance trop centralisé, insuffisamment novateur. Reconstruire l’Etat c’est d’abord relever le défi de l’institutionnalisation : S’assurer de la permanence de la culture de l’intérêt général. Les fonctionnaires et agents publics doivent être pénétrés de l’idée qu’ils servent quelque chose de plus grand, qui les dépasse, et qui est d’ailleurs irréductible à la personne des dirigeants se succédant à la tête du pouvoir. S’il est nécessaire en institutionnalisant, de protéger l’Administration, il est simultanément vital de l’habituer à s’expliquer, à expliquer ses décisions sous le contrôle du juge.

    Pour reconstruire cet Etat, il sera ensuite nécessaire de relever le défi de son autonomisation. L’action publique se déploie aujourd’hui dans un contexte de confusion parfois entretenue avec les intérêts privés. L’Etat est socialement perçu comme LA VOIE de l’enrichissement et de la satisfaction d’intérêts particuliers. La commande publique, les fameux marchés, n’est qu’une occasion d’enrichir quelques opérateurs, au péril du bien public et au grand préjudice de l’intérêt général. La police et la justice sont instrumentalisées : combien de personnes sont privées de leur liberté dans le cadre de règlements de compte privés ? Tant de causes justes perdues, à cause de la corruption de certains juges. Tant de mauvaises décisions ou de retard dans les processus décisionnels, du fait de conflits entre groupes d’intérêts, prenant en otage l’appareil administratif.

    Reconstruire l’Etat c’est également relever le défi de sa sécurité. La sécurité de l’Etat passe par la sanctuarisation de son territoire qui ne pourra jamais être amputé de la moindre de ses composantes. Garantir la sécurité de l’Etat c’est aussi préserver le caractère républicain des institutions, et assurer la permanence du fonctionnement démocratique du jeu politique. La sécurité de l’Etat a jusqu’alors été perçue comme la protection du régime. Plus que jamais, le caractère régulier et pacifique de l’alternance politique doit devenir un trait du Cameroun. La modernisation dont il s’agit passe ainsi par l’approfondissement de la gouvernance démocratique à travers notamment le renforcement de la démocratie constitutionnelle et de l’Etat de droit. Reconstruire l’Etat c’est lui assurer un revenu en sécurisant les sources des recettes publiques, en implémentant la collecte, en évaluant régulièrement les processus de recouvrement, et en assurant le civisme fiscal. L’Etat lève le défi de la sécurisation de ses ressources en consolidant son espace budgétaire. La réforme des finances publiques doit se poursuivre afin d’en assurer la transparence, tout en recherchant les voies et moyens d’une expansion intelligente de l’espace fiscal.

    Reconstruire l’Etat ce sera enfin en faire un acteur de l’accumulation de la richesse nationale. Il faudra faire du Cameroun un véritable Hub économique, doté d’entreprises conquérantes, capables de drainer de la richesse, de consolider des positions de pouvoir économique en allant à la conquête d’autres zones économiques.

    MODERNISER L’ACTION ADMINISTRATIVE POUR UNE GOUVERNANCE HOLISTIQUE
    Comme tous les pays du monde, le Cameroun a son lot de conflits socio-politiques. Il n’est malheureusement pas encore doté de mécanismes efficaces de détection et de prévention desdits conflits. Pour prévenir les conflits, il faut commencer par savoir leur source : l’exclusion. Il sera indispensable de travailler à la consolidation de l’inclusion/ unité nationale. Le chantier de la répartition du pouvoir politique entre le centre et la périphérie ne peut plus être différé. Il faut globalement rendre l’Etat meilleur : de l’eau et de l’électricité accessibles partout et à des conditions tarifaires convenables ; des routes bien tracées et entretenues ; des réseaux de télécommunications performants et bon marché ; des infrastructures de transport modernes et interconnectées.

    L’Etat ne peut plus être l’acteur froid et distant que nous a légué le colonialisme, et qui s’est montré incapable de se réformer dans l’intérêt des camerounais. Tout ne peut plus se décider à Yaoundé, ni y remonter forcément. L’efficacité ce n’est pas la verticalité. L’action publique doit en revanche être coproduite entre l’Etat et les destinataires des politiques publiques, ce qui suppose de reconnaître le rôle important des médiateurs des demandes sociales et des organisations de la société civile.

    L’innovation dans la gouvernance conduit alors à cibler trois enjeux : d’abord le manque de communication entre les administrations publiques et les citoyens, lequel prive l’Etat de la bonne compréhension des demandes sociales et des attentes et besoins réels des populations : on l’a vu de manière emblématique dans la succession des séquences qui ont conduit à l’exacerbation de la crise dite anglophone. Ensuite transformer nos services publics, trop compartimentés et en silos, obligeant les citoyens à consacrer énormément d’énergie pour les comprendre, empêchant justement un traitement holistique de l’usager du service public. Enfin, remédier à l’insuffisant partage de l’information entre les administrations.

    Des administrations innovantes comprennent qu’un citoyen n’a pas à se préoccuper de l’organisation interne des bureaucraties, souvent complexes, pour obtenir le service qu’il désire. Chargée de définir et d’exécuter les politiques publiques nécessaires à la transformation du pays, l’Administration camerounaise devra, elle-aussi, opérer son aggiornamento et embrasser le très vaste chantier de sa modernisation.

    UN ETAT CATALYTIQUE AU SERVICE DE POLITIQUES SECTORIELLES EFFICIENTES
    Le moment est venu de repenser le rôle de l’Etat, en dépassant tant les approches centrées sur l’Etat que sur le marché, qui ont toutes échoué, ainsi que le révèle l’atonie des politiques économiques conduites jusqu’alors. L’Etat doit désormais jouer le un rôle principal dans la diversification économique et la transformation structurelle. Il est proactif en assistant les acteurs, impulsant la circulation de l’information, coordonnant les interactions entre les parties prenantes pour leur permettre de relever les défis et contraintes de leur environnement.

    Pour se doter de cet Etat stratège et catalytique, il faudrait pour le Cameroun : un gouvernement ramassé, idéalement réduit à une vingtaine de départements, doté de la légitimité suffisante pour accomplir ses fonctions spécifiques dans le contexte d’une vision du développement national ; une véritable démocratie constitutionnelle et l’Etat de droit ; une bureaucratie compétente, neutre, appliquant les objectifs du développement national ; un processus institutionnel interactif où la bureaucratie interagit avec les acteurs sociaux en les mobilisant autour des objectifs de la vision nationale du développement ; un cadre intellectuel où les objectifs du développement national sont énoncés et appropriés de façon complémentaire par les protagonistes des politiques économiques et sociales ; un système de gouvernance garantissant que le contexte, le contenu et la mise en œuvre des modalités du programme national de développement sont librement délibérés et partagés par le plus large nombre de parties prenantes et acteurs sociaux.
    L’enjeu de la transformation du Cameroun passe bien par la création d’un Etat capable.

    1) La forme de l’État
    Transformer l’organisation territoriale de l’Etat est un enjeu dont la profondeur n’a d’égale que sa dimension transversale. L’enjeu de l’autonomisation et de la responsabilité locale sera résolu en ayant à l’esprit six orientations fondamentales :
    – D’abord, les conseils régionaux doivent être mis en place immédiatement avec transfert effectif des compétences dévolues aux régions.
    – Ensuite une stratégie nationale de l’investissement public entre niveaux de gouvernement (État, Régions, Communes) doit être élaborée avec pour principe l’adaptation et l’intégration aux territoires : les stratégies d’investissement seront adaptées aux territoires auxquels les investissements doivent profiter, en partant du potentiel de croissance, de création d’emploi et des obstacles propres à chaque région. Chaque stratégie doit être assortie d’objectifs clairement définis, en fonction de la démonstration des capacités régionales à faire le meilleur usage des investissements réalisés, et à positionner les territoires en termes de compétitivité, non seulement sur une échelle nationale, mais aussi régionale et internationale.
    – Par ailleurs, augmenter le niveau des transferts opérés par le biais de la dotation générale de décentralisation (DGD) pour la porter à un niveau similaire aux meilleurs exemples continentaux (Ghana 7% Rwanda 10%). En 2017, la DGD était de 10 milliards de FCFA soit 0.28% du budget de l’Etat
    – Renforcer les capacités des acteurs et services publics locaux, à travers notamment la création d’une fonction publique locale, l’institutionnalisation de la collaboration technique entre les fonctions publiques nationale et locale, et enfin la dévolution aux communes de l’immobilier attaché aux compétences transférées.
    – Prévoir un cadre permanent d’évaluation de la décentralisation.

    2) La gouvernance de la diversité
    La crise socio-politique dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest n’est justiciable que par une solution globale, dans un cadre national. Les enjeux spécifiques aux territoires seront adressés dans le cadre du jeu normal des institutions républicaines : c’est à travers les mécanismes constitutionnels existants que la question de la forme de l’Etat sera résolue. Le pouvoir constituant appartient au peuple, et c’est au peuple seul souverain qu’il incombera de décider de la forme de l’Etat. Il conviendra simultanément de se doter d’un mécanisme national de gouvernance de la diversité. Les gouvernements partout dans le monde sont en effet confrontés à un nouvel enjeu transversal : la diversité sociale et les conflits identitaires. Le Cameroun a réussi à préserver la paix, qu’une composition ethnique diverse pouvait pourtant mettre à mal. La crise persistante dans les zones anglophones, le recours massif aux forces de l’ordre pour empêcher les manifestations, l’irruption d’une rhétorique tribale dans le discours politique, démontrent la volatilité du contexte social. Au Cameroun comme ailleurs, les identités sont devenues composites et transversales : on n’est plus seulement anglophone ou francophone. On est en plus et parfois cumula- tivement femme, consommateur, croyant, acteur du secteur privé ou autre. Désormais, la gouvernance doit être la représentation étatique de la dimension sociale de la diversité.

    Il sera ainsi indispensable de réduire la fracture entre les sphères publique et privée. Il faudra œuvrer à l’émergence d’une citoyenneté performative où le citoyen est actionnaire du projet politique national, puisque les institutions sont un bien collectif : il s’agit de donner aux individus les moyens de défendre leurs droits de manière intelligente et responsable dans le cadre d’une démocratie à construire et en perpétuelle reconstruction, ce qui passe par le référendum d’entreprise, le droit de pétition collective comme moyen de déclenchement de l’initiative législative, et la reconnaissance formelle de la Class Action ou action de groupe. On devra de manière impérative construire une politique de la diversité entendue comme renégociation permanente de l’ordre. Enfin, il convient de doter le pays de mécanismes de prévention, de détection et de résolution rapide des conflits, par exemple au moyen de la création de conseils économiques et sociaux régionaux.

    3) Protéger l’enfance
    La situation de l’enfance reste problématique du fait de l’absence de stratégie nationale destinée notamment à prévenir et réprimer les abus en tous genres dont les enfants sont victimes, traiter la situation des enfants sans abris et leur exploitation sur le marché du travail, à des fins commerciales y compris la prostitution et la pornographie. Il restera aussi à renforcer les mesures destinées à s’assurer que les enfants privés de liberté bénéficient de soins et de l’assistance juridique, et matérielle nécessaire. Le Cameroun devra se doter d’une stratégie nationale de l’enfance avec pour objectif principal d’aligner nos politiques publiques sur les meilleurs standards internationaux. A minima, la réforme à conduire doit assurer à chaque enfant l’accès à la santé, au moyen d’une couverture de santé universelle spécifique à l’enfance. L’éducation et le bienêtre des enfants en milieu scolaire doit être la dorsale de la politique éducative qui englobe et dépasse la politique scolaire. Ici, le défi sera de scolariser tous les enfants sans aucune discrimination en rendant effective l’obligation scolaire qui sera effectivement sanctionnée.

    4) L’autonomisation des femmes
    Eu égard à l’enjeu du genre, cinq axes prioritaires sont clairement identifiés et touchent cinq grands domaines à savoir : le domaine pédagogique qui englobe d’une part l’accès équitable des filles et des garçons à l’éducation, à la formation et à l’information, et d’autre part l’éducation des filles et des femmes à la connaissance et à la maîtrise de leurs droits dans tous les domaines ; le domaine sanitaire, qui traite de la santé reproductive et des conditions sanitaires des femmes au sein des familles et des hôpitaux ; le domaine économique qui tend à éradiquer la féminisation de la pauvreté, en mettant un terme aux discriminations entre les femmes et aux hommes dans l’économie et l’emploi; le domaine socio-culturel qui prône un environnement social et traditionnel favorable à l’épanouissement global des femmes ; le domaine politico-administratif, qui assure la participation et la représentativité des femmes dans la vie publique et la prise de décision : Je me suis déclaré de longue date favorable à une réforme législative conduisant à l’introduction dans le code électoral d’un quota d’au moins 50% de femmes à respecter sur les listes de candidatures (sénateurs, conseillers régionaux, conseillers municipaux). Ce pourcentage étant uniquement celui des femmes titulaires ou têtes de listes. Enfin, le domaine institutionnel pour renforcer l’implémentation des politiques sur le genre.

    Pour se doter de cet Etat stratège et catalytique, il faudrait pour le Cameroun : un gouvernement ramassé, idéalement réduit à une vingtaine de départements, doté de la légitimité suffisante pour accomplir ses fonctions spécifiques dans le contexte d’une vision du développement national ; une vé ritable démocratie constitutionnelle et l’Etat de droit…

    5) Résilience environnementale et protection des citoyens contre les risques de catastrophes de grande ampleur
    Le développement durable est, à ce jour, décliné de manière sectorielle par les pouvoirs publics. Il manque cependant un référentiel explicite, permettant son institutionnalisation mais aussi sa vulgarisation : le développement durable doit être intégré tant par les décideurs publics, que par les citoyens. Cela suppose de construire une vision à long terme qui structurera les politiques publiques et incitera les camerounais à modifier leurs rapports à l’environnement.

    Dans le cadre de la COP21 le Cameroun s’est engagé à réduire à 32% à l’horizon 2035 l’empreinte carbone. Cet engagement honorable n’a pas été suivi de mesures significatives destinées à le réaliser. On se contente d’attendre des transferts de technologies et des financements dans le cadre multilatéral. Une réforme de notre système de protection de l’environnement passe par l’institution d’un mécanisme opposable de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre : énonçant de manière obligatoire un plafond global d’émissions de gaz à effet de serre imposé annuellement aux opérateurs concernés (industries pétrolières, chimiques, minières), il faudra imposer un cadre pour les droits d’émission, le contrôle de la conformité des émetteurs, des mécanismes de distribution et de circulation des droits. Ce dispositif serait l’occasion de créer un corps d’inspection de la police de l’environnement, chargé sur toute l’étendue du territoire d’opérer les contrôles et de veiller à l’exécution de la politique gouvernementale en matière de protection de l’environnement. C’est ce corps d’inspecteur qui sera chargé de la surveillance et de l’évaluation régulière des entreprises type SEVESO et de leurs installations, et d’une manière générale de toutes les entreprises identifiées comme étant à haut risque pour les populations et l’environnement.

    Terminons en soulignant que le pays a besoin de se doter d’un plan stratégique pour la prévention et le traitement des catastrophes de grande ampleur, articulant des niveaux d’intervention spécifique (national – compétence Etat ; régional – Compétence Région ; communal – Compétence commune), et des niveaux d’urgence particuliers permettant le déploiement de moyens et ressources dédiées. Les dernières catastrophes ayant frappé le pays n’ont pas forcément été l’occasion d’expériences tirées et de leçons apprises. Une évaluation de la capacité de réponse des dispositifs existant précèdera l’élaboration d’une stratégie nationale, et du plan stratégique.

    On le voit, il ne suffit pas d’énoncer des réformes, sous forme de catalogue pour prétendre résoudre les problèmes sociaux existant, aussi cruciaux soient-ils. Des programmes politiques adossés à la simple déclinaison de politiques sectorielles sans profondeur conceptuelle, sont d’ailleurs voués à l’échec. La gouvernance moderne camerounaise implique le changement du paradigme de l’action publique. Les citoyens aspirent à des services publics effectifs, les prenant en compte de manière globale, holistique : ces services publics de dernière génération, dont les nouvelles technologies (intelligence artificielle, nanotechnologie, block Chain…) peuvent opportunément constituer des supports, sont des leviers pour le bond qualitatif et transformationnel du Cameroun. Je l’ai bien compris, et je propose pour le Cameroun une gouvernance disruptive au service d’un Etat nouveau : l’Etat développementaliste capable.

  • Bitom Tjomb Bienvenu  : Paul Biya peut gagner sans les alliés qui ne respectent pas la morale

    Bitom Tjomb Bienvenu : Paul Biya peut gagner sans les alliés qui ne respectent pas la morale

    Les municipales et les législatives de 2013 ont confirmé notre supériorité sur le terrain avec la majorité des communes et la majorité des députés à l’assemblée nationale. C’est la preuve que le candidat du RDPC compte sur ces militants en premier chef pour remporter une fois de plus la présidentielle du 07 octobre 2018 

    Le président de la sous-section RDPC de Yabi pense que le candidat de son parti à l’élection présidentielle du 07 octobre 2018, peut se passer de certains soutiens. Depuis le dépôt du dossier de candidature à la présidentielle du 07 octobre 2018 de notre camarade Son Excellence Paul BIYA auprès des services d’ELECAM à Yaoundé par le Secrétaire Général du Comité Central, conformément à nos textes du parti et à la loi, nous constatons un enthousiasme de plusieurs partis politiques de l’opposition qui manifestent leurs soutiens à notre candidat statutaire donc la candidature a été sollicitée par la majorité des militants sur l’étendue du territoire national et de la diaspora militante dans le monde entier.

    C’est une preuve de maturité et de sagesse des militants du RDPC dans le choix de ces dirigeants. Ce choix est un engagement total des militants du RDPC à conduire leur candidat à la victoire de la présidentielle du 07 octobre 2018 avec un score honorable pour le bien de tous les camerounais.

    Notre candidat incarne la rigueur, la justice sociale et la moralisation. Notre parti a pour devise Unité, Progrès et Démocratie, nous sommes un parti qui a pour but le rassemblement de tous les camerounais pour le développement de notre pays.
    Nous saisissons l’occasion pour saluer tous les partis d’opposition qui ont reconnu le mérite du candidat du RDPC et les grandes valeurs de notre parti. Le RDPC reste toujours ouvert à tous les camerounais. Le RDPC est un parti des hommes intègres en majorité qui font moins de bruit. Par contre une minorité militante à des comportements douteux et fait trop de bruit par des actes de sabotage. Mais pour les moins informés, retenez que le RDPC n’est pas seulement un parti politique, c’est aussi une école de la vie.

    Notre parti est bien implanté dans toute l’étendue nationale et internationale avec des organes de base qui fonctionnent normalement. Notre parti dispose d’une ressource humaine de quantité et de qualité. Au regard du nombre des responsables de base de notre parti, de la cellule aux bureaux des sections, notre parti compte plus de 5 millions de responsables de base en marge des simples militants sans aucune responsabilité.

    Nous sommes le premier parti qui a commencé la campagne des inscriptions des camerounais en âge de voter sur les listes électorales depuis 2012 à nos jours. Les municipales et les législatives de 2013 ont confirmé notre supériorité sur le terrain avec la majorité des communes et la majorité des députés à l’assemblée nationale. C’est la preuve que le candidat du RDPC compte sur ces militants en premier chef pour remporter une fois de plus la présidentielle du 07 octobre 2018.

    Pour le militant du RDPC le Cameroun est et demeure la plus grande valeur de son militantisme. Nous sommes par conséquent une grande famille qui doit être la vitrine de la jeunesse de notre pays, malgré l’égarement d’une minorité qui fait trop de bruit et confond les objectifs de notre parti.

    Une famille sans morale, ou qui fait des alliances avec des personnes donc la morale est suspectée doit disparaître. Notre jeunesse mérite plus de respect et de la considération dans les actes que nous posons.

    La jeunesse doit trouver en nous des bons modèles parmi nos camarades élites intellectuelles, élites traditionnelles, élites professionnelles, élites politiques…

    …Notre parti est bien implanté dans toute l’étendue nationale et internationale avec des organes de base qui fonctionnent normalement. Notre parti dispose d’une ressource humaine de quantité et de qualité. Au regard du nombre des responsables de base de notre parti, de la cellule aux bureaux des sections, notre parti compte plus de 5 millions de responsables de base en marge des simples militants sans aucune responsabilité…

    C’est pour cette raison que nous militantes et militants du RDPC de la première heure, engagés, convaincus et convaincants attirons l’attention de la hiérarchie du parti sur les alliés spontanés de la présidentielle donc la morale est jugée douteuse par l’opinion publique. Les alliés de très mauvais modèles pour la jeunesse de notre parti et de toute la jeunesse nationale ne sont pas la bienvenue dans nos rangs.

    Les leaders des formations politiques de l’opposition qui n’ont aucun respect pour la morale ne sont pas la bienvenue dans nos rangs. Nos alliances doivent être basées sur les convictions politiques et la poursuite des objectifs communs dans une gouvernance concertée.

    Notre parti ne sera jamais le mauvais modèle de la jeunesse camerounaise. Nos anciens alliés toujours fidèles aux mêmes convictions politiques sont des partis politiques responsables, certes ils nous critiquent par fois sur les points donc nous avons des avis divergents. Mais certains nouveaux alliés malgré leurs déclarations d’alliance ont toujours un langage paradoxal et embarrassant.

    Nous devons gagner cette élection présidentielle d’octobre 2018 comme d’habitude avec de la manière, ensemble avec nos alliés responsables dans le respect de la morale. Notre grande famille le RDPC doit rester soudée et ne pas se distraire par les alliances sans morale. Le RDPC gagnera cette présidentielle avec de la manière afin de donner un modèle de Démocratie à la jeunesse Camerounaise.

    Rendez-vous à la campagne en Septembre 2018 !

  • Présidentielle camerounaise : Akéré Muna répond à Viviane Ondoua Biwolé

    Présidentielle camerounaise : Akéré Muna répond à Viviane Ondoua Biwolé

    • Le candidat à l’élection du 07 octobre prochain réagit avec énergie à la lettre ouverte écrite voici deux semaines par l’universitaire engagée.
    • L’experte en gouvernance publique avait sollicité la position des prétendants au fauteuil présidentiel sur les grands défis qui interpellent le pays aujourd’hui : la gouvernance sécuritaire; la gouvernance locale ; la gouvernance administrative ; la gouvernance sociale…

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  • Lettre ouverte : Viviane Ondoua Biwole écrit aux candidats à la présidentielle 2018

    Lettre ouverte : Viviane Ondoua Biwole écrit aux candidats à la présidentielle 2018

    Très souvent, pendant les campagnes électorales les promesses restent très macro. Quelles sont les préoccupations à adresser pour que, à court terme les populations sentent l’impact des actions des hommes politiques ? L’experte en gouvernance identifie les défis (dans son domaine de compétence) que doivent relever les candidats à la présidentielle d’octobre prochain.

     

    Présidentielle 2018: questions pour un nouveau départ du Cameroun 

    La période électorale nous donne l’occasion d’apprécier l’offre politique des candidats. Bien plus qu’une offre politique, c’est l’occasion pour les citoyens de choisir leur futur désiré et d’imposer leurs attentes. Devrait alors gagner, le candidat qui se rapprocherait le plus des aspirations du peuple. Le futur proposé par chaque candidat à la présidentielle 2018 est-il apte à rassurer la population quant à sa capacité à améliorer ses conditions de vie ? Il me semble important de ne pas laisser cette préoccupation aux seuls candidats. Il convient d’indiquer quelles sont nos préoccupations ou précisément les préoccupations dans certains secteurs jugés prioritaires. Il leur reviendra alors la responsabilité d’y apporter des réponses concrètes. C’est le sens de cette lettre ouverte aux candidats. Les champs de notre vie étant multiples, je m’intéresse principalement à la gouvernance, mon domaine de compétence.

    Le concept de gouvernance vient du verbe grec «kubernân» qui signifie piloter un navire ou un char. Platon fut le premier à l’utiliser pour désigner le fait de gouverner les hommes. Le contenu de cette notion a évolué suivant les transformations historiques des entreprises et des Etats. Elle exprime plusieurs réalités. Ce qui rend sa définition difficile. Retenons ici qu’elle renvoie à un modèle d’exercice du pouvoir dont la qualité se reflète dans sa capacité à satisfaire les attentes des cibles. Nous aurons donc à aborder ici par ordre d’importance, la gouvernance sécuritaire, la gouvernance locale, la gouvernance administrative et la gouvernance sociale. Pour chaque domaine, il est question de faire une analyse situationnelle, de rappeler le (s) principal (aux) enjeu(x) ou préoccupation(s) et demander aux candidats d’indiquer leurs réponses.

     

    I- Gouvernance sécuritaire

    Cela fera bientôt deux ans qu’une crise politico-sociale sévit dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Au-delà des initiatives prises par l’Etat et par certains citoyens, on tend vers un enlisement de la crise. Face à cette situation, il se dégage un truisme : les parties prenantes ne dialoguent pas ! Le dialogue dans le cas d’espèce devrait être perçu comme «l’écoute et la réponse». Une exigence qui incombe à toutes les parties car, aucun Etat ne devrait être si fort qu’il n’aurait rien à recevoir de ses citoyens et, en même temps, aucun peuple ne serait si faible qu’il n’aurait rien à proposer (donner) à ses dirigeants. Malheureusement la crise persiste et les morts se comptent par dizaines, d’où la préoccupation de la gouvernance sécuritaire.

    La gouvernance sécuritaire revêt ici une vision partielle en ce sens qu’elle renvoie à la préoccupation vécue actuellement dans le Sud-ouest et le Nord-ouest alors que l’insécurité est décriée dans deux autres régions du Cameroun. Il n’est de doute pour personne qu’il s’agit d’une préoccupation prioritaire dont les racines se trouvent dans notre trajectoire historique, notamment dans la colonisation. Elle exhume les oppositions entre deux modes différents de gouvernance (common law et civil law). La question est de savoir comment organiser la cohabitation de ces deux modes de gouvernance dont les leviers ne sont pas convergents. Cette préoccupation est importante au regard de la composition bipartite de notre héritage colonial d’une part et compte tenu du choix qu’il nous impose comme déterminants de la croissance, d’autre part. On y voit donc un enjeu politique et un enjeu économique. Partant du choix de gouvernance fait au Cameroun depuis la crise des années 80 selon lequel les déterminants de la croissance sont d’origine financière, c’est-à-dire un modèle qui protège les investisseurs producteurs de richesses, la question est alors de savoir quelles sont les modalités retenues pour protéger les droits des investisseurs ? Deux logiques s’opposent: la tradition anglo-saxonne du droit coutumier (la Common Law) léguée par les colons anglais et celle du droit civil (la Civil Law) léguée par les colons français qui traduisent des trajectoires juridiques différentes.

    Ainsi, peu importe la forme de l’Etat, le choix d’un modèle de gouvernance s’impose. Est-ce la protection des investisseurs par la forte présence de l’Etat ou celle par l’autonomie totale des régions. Est-ce la construction d’un modèle «hybride» ou la reconnaissance de la spécificité des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest en dépit de la forme de l’Etat retenue ? Quelle est l’option de gouvernance choisie par chaque candidat?

    Les différences entre traditions juridiques auraient une origine politique fondée sur les rapports de pouvoirs entre la monarchie et les propriétaires. Ainsi, la Common Law britannique assure la protection des intérêts des propriétaires contre la monarchie. Cette protection aurait notamment permis d’assurer la confidentialité des transactions facilitant ainsi le développement financier. Inversement, la création des codes civils français serait associée à un plus grand interventionnisme étatique, à une plus faible protection des intérêts privés, voire une faible liberté politique.

    Reconnaissons que la facilité politique nous a contraints à superposer ces deux modalités de gouvernance héritées des colons (pour des raisons linguistiques ou de philosophie politique) sans véritables adaptations. La greffe ne semble donc pas avoir pris entre les deux dispositifs visiblement incompatibles. Le conflit actuel n’a pas que des relais politiques. Quel que soit la forme de l’Etat adoptée (unitaire décentralisé, régionalisé, fédéralisme etc.) le mode de gouvernance reste au centre des préoccupations. Le Cameroun doit faire un choix: retenir le modèle français (fort interventionnisme de l’Etat) ou le modèle britannique (autonomie des régions), ou construire un modèle «hybride» tenant compte des spécificités endogènes qui n’auraient pas de prédominance particulière pour éviter toute frustration. Par ailleurs, le Cameroun peut garder la nature décentralisée de l’Etat avec des spécificités reconnues aux régions du Nord-ouest et du Sud-ouest à l’instar de Hong Kong. Cette partie de la Chine a un fonctionnement de type occidental marqué par un capitalisme total qui peut sembler être en contradiction avec le communisme traditionnel de la Chine. En fait, Hong Kong avait été sous l’emprise britannique quand la Chine l’était avec les soviétiques.

    Ainsi, peu importe la forme de l’Etat, le choix d’un modèle de gouvernance s’impose. Est-ce la protection des investisseurs par la forte présence de l’Etat ou celle par l’autonomie totale des régions. Est-ce la construction d’un modèle «hybride» ou la reconnaissance de la spécificité des régions du Nord-ouest et du Sud-ouest en dépit de la forme de l’Etat retenue ? Quelle est l’option de gouvernance choisie par chaque candidat ?

     

    II- Gouvernance locale

    Il est vrai que la préoccupation du mode de gouvernance n’est pas évacuée, elle est présentée dans la gouvernance sécuritaire. Toutefois, la décentralisation est mise en œuvre depuis 2004. L’objectif ici est d’indiquer comment sont gérées les communes et comment assurer leur efficacité. En 2015, 48 compétences ont été effectivement transférées aux communes attestant de ce que la gouvernance locale est engagée.

    La gouvernance locale est un processus de régulation collective des interventions publiques au niveau local. C’est la territorialisation des politiques (intérêts locaux gérer par les acteurs locaux). Elle met les élus locaux au cœur du processus dont l’objectif est de satisfaire les intérêts des populations locales. Deux enjeux en découlent : la libre administration et l’autonomie locale.

    Au niveau de la libre administration, trois constats s’observent:

    – Il existe trois niveaux de gouvernance : la gouvernance nationale (centrale), régionale et locale. Dans ce contexte, il n’y a pas effacement du politique mais il y a déplacement du pouvoir pour capter tous les acteurs sociaux autour des décisions qui engagent la vie des populations. Les décisions sont plus proches des populations. Au Cameroun, la gouvernance locale se subdivise à deux niveaux : au niveau des communes et des régions. Pour l’heure, la gouvernance locale n’est pas intégrale car le niveau régional n’est pas effectif.

    – Il y a une perception de confiscation de la gouvernance locale par les élus locaux (maires et magistrats municipaux). Les acteurs locaux sont : les élus locaux et les autres parties prenantes (les acteurs privés, les ONG, les autres démembrements de l’Etat, les citoyens). Il apparait comme une centralisation de la décentralisation au niveau des élus locaux. Les communes peinent à passer d’une démocratie représentative à une démocratie participative. Quelles sont les instances de gouvernance au niveau des communes? Le conseil municipal suffit-il à lui seul pour assurer la gouvernance participative au niveau local ? Il n’existe pas ou peu d’instances de concertations impliquant les autres parties prenantes locales.

    La pression exercée par la population pour plus d’autonomie des régions et communes questionne la capacité des mairies à satisfaire les attentes des populations. Elle révèle également l’urgence de cette question. Quelles sont les propositions des candidats à ce sujet ? Que proposent-ils comme stratégie pour assurer un développement équilibré du territoire et une performance des mairies ? 

    – Choix des élus locaux : les populations ont l’impression que les élus leur sont imposés. Le processus d’élection des maires semble dépendre de la dictature des partis politiques dont les décisions restent centralisées. Les populations se sentent exclues du processus direct du choix des élus locaux par le jeu de la démocratie représentative.

    En ce qui concerne l’autonomie, trois constats s’imposent:

    – L’autonomie administrative reste faible. Il y a encore une forte présence de l’Etat. La tutelle des maires est assurée par les préfets. Il apparait une forte mainmise de l’Etat: pour qu’une décision soit exécutée, il faut au préalable qu’elle soit validée par le préfet.

    – L’autonomie financière : la gouvernance locale concerne aussi les préoccupations financières. Or la gouvernance financière à ce niveau semble peu structurée : comment les populations sont-elles associées à la budgétisation, à la réflexion de l’élargissement de l’assiette fiscale, à la reddition des comptes ?

    – L’autonomie dans le choix et l’exécution des projets : Il existe un réel problème de développement équitable en ce qui concerne l’affectation des projets dans les communes. Les maires se plaignent de ce que ce choix leur échappe. Ils se plaignent par ailleurs de la faible collaboration des démembrements des départements ministériels locaux dans l’exécution des projets. De même la qualité des ressources humaines des mairies est une préoccupation importante.

    Ces constats illustrent la difficulté qu’ont les mairies à être de véritables pôles de compétitivité. La pression exercée par la population pour plus d’autonomie des régions et communes questionne la capacité des mairies à satisfaire les attentes des populations. Elle révèle également l’urgence de cette question. Quelles sont les propositions des candidats à ce sujet ? Que proposent-ils comme stratégie pour assurer un développement équilibré du territoire et une performance des mairies ?

     

    III- Gouvernance administrative

    La préoccupation relative à la gouvernance administrative renvoie à la capacité de l’administration publique à être un véritable levier facilitant les procédures à l’endroit du secteur privé d’une part et assurant la protection des droits des investisseurs d’autre part. Pour cela, l’administration publique devra agir sur sa structure et sa stratégie.

    En ce qui concerne sa structure, deux enjeux majeurs apparaissent: organiser les différentes composantes de l’administration publique pour faire face aux enjeux combinés de développement et de restriction (programme avec le FMI) et la question de la taille du Gouvernement et de son train de vie. De même, au regard de la contreperformance chronique des entreprises du secteur public, leur nombre important et leur cohérence semblent être un enjeu d’autant qu’elles représentent près de 55% du budget global de l’Etat. Un audit de ce secteur révèlera sans doute des cas dont l’impact sur la faible qualité des services publics n’est pas neutre.

    Plus prosaïquement, les candidats peuvent-ils nous dire quelle sera la taille de leur gouvernement et pourquoi ? Quelle sera la composante de leur gouvernement (en termes de compétences stratégiques à mobiliser)?

    La stratégie renvoie aux «voies» retenues pour atteindre les objectifs de développement et rétablir les équilibres macroéconomiques (urgence avec le FMI). Cette préoccupation reconnait la nécessité d’une meilleure cohérence dans les multiples réformes engagées et des choix clairs de politiques publiques. Le débat sur la politique monétaire et fiscale y occupe une place importante. Pour assumer tous ces résultats la question de la qualité des ressources humaine est centrale : débat sur l’équilibre régional, la question de la compétence comme critère de responsabilisation, l’évaluation et la sanction au sein de l’administration camerounaise, la lutte contre la corruption, l’exigence de transparence.

    Il s’agit pour les candidats de proposer des actes concrets au-delà des textes et des discours. Ces exigences permettront de donner du sens à l’action. Plus prosaïquement, les candidats peuvent-ils nous dire quelle sera la taille de leur gouvernement et pourquoi? Quelle sera la composante de leur gouvernement (en termes de compétences stratégiques à mobiliser)?

    Quelles sont les réponses des candidats à ces sujets ?

     

    IV- Gouvernance sociale

    Trois préoccupations retiennent l’attention, l’encadrement de la petite enfance (1) la protection de la vie et de l’environnement (2) et la place de la femme dans les instances décisionnelles (3).

    1. 1. Encadrement de la petite enfance: la jeunesse est le fer de lance de la nation

    Il est reconnu que la jeunesse est le fer de lance de la nation. Une attention à la petite enfance et notamment les enfants vulnérables est une priorité de tous les instants. Les récentes études sur la pauvreté indiquent en effet que 40% de la population vit avec un montant proche d’un dollar par jour. C’est dire à quel point la masse de personnes vulnérables est importante. S’intéresser à l’enfant vulnérable contribuerait sans doute à rompre avec la chaine de la pauvreté d’où la nécessité de s’intéresser à cette question. En 2015, le Comité National de Lutte contre le Sida (CNLS) a estimé à 1 291 474 le nombre d’orphelins et autres enfants vulnérables au Cameroun. Pour l’encadrement de ces enfants nous avons besoin des travailleurs sociaux. Une récente étude a révélé que seuls 18,7% d’intervenants rencontrés sur le terrain sont des travailleurs sociaux et ont suivi une formation adéquate en matière de prise en charge (PEC). Le gap à combler est très important et pourrait justifier la recrudescence des problèmes de mœurs de plus en plus décriés. Si des dispositions ne sont pas prises pour les enfants aujourd’hui, il faut craindre que dans les 10 prochaines années la situation s’aggrave.

    Que proposent les candidats pour adresser la question de l’encadrement des enfants vulnérables ? Quelles politiques pour résoudre le problème de vulnérabilité notamment pour la petite enfance sachant que le nombre d’enfants vulnérables s’accroit avec le VIH/SIDA?

    1. Protection de la vie et de l’environnement

    La nécessité concomitante de fournir des biens et des services en quantité et en qualité toujours croissante, et d’assurer la sécurité des hommes et de leur patrimoine, exige des pouvoirs publics, une gestion performante des risques industriels. Dans la législation actuelle au Cameroun, la notion de risque industriel n’est pas formellement définie. Toutefois, en se référant à la Directive Européenne de 1982 sur les accidents majeurs de certaines activités industrielles dite Directive SEVESO, certaines unités industrielles au Cameroun satisfont les critères pour être considérées comme installations à risques majeurs. C’est le cas notamment des: installations de stockage de produits pétroliers et l’ensemble des convois de transport desdits produits; usines de conditionnement des insecticides; grands dépôts d’explosifs (plus de 10 tonnes de Nitroglycérine ou plus de 250O tonnes de Nitrate d’Ammonium); grands entrepôts d’engrais chimiques; silos à grains; dépôts de chlore; ¬raffinerie de pétrole brut; dépôts de sources radioactives scellées. Ces entités sont dénommées: établissements classés dangereux, insalubres ou incommodes.

    L’accroissement et la densification du nombre des établissements classés (840 répertoriées par le MINMIDT, 4535 par le MINSANTE et plus de 3000 dans le secteur du tourisme, toutes répertoriées en 2015) ont engendré une augmentation considérable des risques d’accidents et autres désagréments. En 2013, les établissements classés, publics et privés, ont enregistré 110 cas de maladies professionnelles, pour 1400 cas d’accidents dont 12 mortels. En termes de dégâts financiers, les indemnisations effectuées par la CNPS ont été chiffrées à trois(03) milliards de francs CFA environ pour la même année, sans compter celles opérées par les compagnies d’assurance. Rappelons-nous de quelques accidents de grande ampleur:

    – En 1982 explosion d’une cuve de chlore à la CELLUCAM à Edéa, explosion du laboratoire de l’usine ALUCAM à Edéa ;

    – 14 février 1998 incendie des wagons-citernes au dépôt SCDP de NSAM à Mvolyé ;

    – De 1998 à 2015 série d’incendies des marchés au Cameroun, explosion des ACIERIES à Douala, incendie de l’hôtel SAWA à Douala, incendies dans les ministères et services publiques etc. ;

    – 22 novembre 2015, explosion d’un centre d’enfûtage clandestin de gaz butane à Etoudi.

    – octobre 2016,  accident de CAMRAIL à ESEKA.

    C’est pour prévenir ces accidents que l’Administration s’est dotée d’un certain nombre d’outils, pour assurer ses missions de sécurité et de protection de l’environnement. Toutefois, l’on observe que quoique dense, le cadre juridique reste obsolète et est à parfaire ; l’absence d’un fichier national, unique, informatisé, accessible et régulièrement mis à jour ne permet pas d’assurer la surveillance exhaustive des entreprises dangereuses ; l’insuffisance des personnels en qualité et qualité suffisantes hypothèque l’effectivité et l’efficacité des inspections.

    Comment expliquer la réticence des décideurs en majorité des hommes à responsabiliser les femmes à tous les niveaux de la hiérarchie de la fonction publique? Quels sont les engagements chiffrés des candidats en ce qui concerne la promotion des femmes dans les instances décisionnelles? 

    Ce constat ne garantit pas la sécurité des millions des camerounais qui fréquentent régulièrement les établissements classés soit comme employés soit comme usagers. La surveillance administrative et du contrôle technique des établissements classés et la régulation juridique dans ce secteur présentent une priorité incontestable.

    Comment les candidats comptent-ils s’organiser pour protéger la vie des citoyens camerounais au regard de la grande dangerosité que présentent ces entreprises?

    1. La place de la femme dans les instances décisionnelles

    L’égalité homme/femme reste une préoccupation dans tous les pays. La Journée Internationale de la Femme (JIF) de 2017 au Cameroun s’est articulée autour de l’égalité 50/50 en 2030. Au siège de l’Union Africaine (UA), des déclarations des chefs d’Etat affichées, celle du Président Paul Biya porte sur cette exigence d’impliquer la femme dans toutes les sphères de la vie de la société. De même, l’autonomisation des femmes est l’une des priorités de l’Agenda 2063 de l’UA et l’année 2015 a été déclarée par les chefs d’État et de gouvernement de l’UA comme «Année de l’autonomisation des femmes et le développement de l’Afrique vers la réalisation de l’Agenda 2063». L’année 2016 a été consacrée année de droits de l’homme, avec un accent sur les droits des femmes.

    Le Cameroun va s’inspirer de plusieurs textes internationaux pour consacrer l’égalité entre les hommes et les femmes. Ces textes reconnaissent à travers les droits civiques ou des lois anti-discriminations, l’égal l’accès de la femme à la fonction publique. Fort de ces fondements, la constitution n°96/06 du 18 janvier 1996 révisant celle du 12 juin 1992 reconnait dans son préambule  le principe d’égalité d’accès aux emplois publics. Le décret portant statut général de la fonction publique N°94|199, du 7 octobre 1994 dont l’article 12 dispose : «l’accès à la fonction publique est ouvert, sans discrimination aucune, à toute personne de nationalité Camerounaise (…)». Quand nous parlons d’accès ici, il ne s’agit pas seulement de l’intégration à la fonction publique mais d’accès élargi à tous les niveaux de  la hiérarchie de la fonction publique.

    Malgré ce dispositif, les statistiques rappelant l’égalité hommes/ femmes dans la fonction publique sont largement à la défaveur des femmes. Comment expliquer la réticence des décideurs en majorité des hommes à responsabiliser les femmes à tous les niveaux de la hiérarchie de la fonction publique?

    Quels sont les engagements chiffrés des candidats en ce qui concerne la promotion des femmes dans les instances décisionnelles?

    La pression exercée par la population pour plus d’autonomie des régions et communes questionne la capacité des mairies à satisfaire les attentes des populations. Elle révèle également l’urgence de cette question. Quelles sont les propositions des candidats à ce sujet ? Que proposent-ils comme stratégie pour assurer un développement équilibré du territoire et une performance des mairies ?

    Viviane Ondoua Biwolé, experte en management public.

  • Alain Symphorien Ndzana: quand les ingrédients d’une troisième guerre mondiale s’accumulent

    Alain Symphorien Ndzana: quand les ingrédients d’une troisième guerre mondiale s’accumulent

     

    L’intellectuel camerounais est auteur de deux ouvrages. Le premier est intitulé «La fiscalité, levier pour l’émergence des pays africains de la zone franc : le cas du Cameroun». Le second a pour titre : «Sauvons l’impôt pour préserver l’Etat». Pour cet inspecteur principal des impôts, la politique américaine menée par Donald Trump pousse le monde vers une troisième guerre mondiale.

    Dans un ouvrage, qui vient de paraitre aux éditions du Panthéon à Paris, l’inspecteur des impôts Symphorien Alain Ndzana Biloa démontre qu’une mobilisation optimale des recettes fiscales dans les pays du Sud est impossible en l’absence d’une réforme du système fiscal international.
    Alain Symphorien Ndzana Biloa, auteur de « Sauvons l’impôt pour préserver l’Etat »

    Le monde entier a retenu son souffle pendant des décennies de provocations, de menaces et d’insultes entre les dirigeants américain et nord-coréen, redoutant une guerre nucléaire. Même si beaucoup d’analystes estiment qu’il a suscité plus de questions qu’il n’a apporté de réponses, le sommet historique de Singapour en juin 2018 entre Donald TRUMP et Kim JONG-UN a permis de baisser la tension. Cette détente nucléaire n’a pour autant pas sorti le monde de la période d’incertitude ouverte par le résultat du référendum britannique du 23 juin 2016 en faveur du Brexit et dans laquelle il semble s’enliser.

    Plusieurs facteurs l’ont plutôt aggravée, notamment l’élection de Donald TRUMP aux Etats Unis ; le retrait de ce pays de l’UNESCO, de l’Accord de Paris sur le climat et du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU ; les hostilités commerciales lancées par son gouvernement contre ses voisins, ses alliés européens et la Chine ; le fiasco du sommet du G7 de la Malbaie de juin 2018 ; la persistance du terrorisme, de la crise migratoire et des dissensions au sein de l’OTAN; l’onde populiste de repli sur soi et de rejet de l’autre qui traverse l’occident ; la difficulté pour l’Union Européenne à trouver un accord avec le Royaume Uni sur le Brexit, etc.

    Escalades verbales entre dirigeants des Etats
    Comme le rappelle le patriarche maronite, le cardinal NASRALLAH Sfeir, «la guerre commence par des mots». Certains dirigeants du monde contemporain semblent avoir oublié la finesse du langage diplomatique d’antan. En réaction aux propos du Président américain, le traitant de «petit gros» et de «fou», le dirigeant nord-coréen promettait de «mater par le feu le vieux sénile américain». Les commandes de l’arme nucléaire sont à la portée d’un tweet et entre les mains d’un dirigeant qui manque de retenue et qualifie certains Etats de «pays de merde». Répondant au Premier Ministre Justin TRUDEAU qui a qualifié d’«insultantes pour les canadiens» les mesures douanières prises par les Etats-Unis la semaine précédant le sommet du G7 de la Malbaie, Donald TRUMP l’a traité de «malhonnête et de faible».

    «Ne jouez pas avec la queue du lion… Vous le regretterez. Un conflit avec l’Iran serait la mère de toutes les guerres», a lancé HASSAN Rohani. «Ne menacez plus jamais les Etats-Unis ou vous allez subir des conséquences telles que peu au cours de l’histoire en ont connu auparavant. Les Etats-Unis ne sont plus un pays qui supporte vos paroles démentes, de violence et de mort. Faites attention !», a tweeté Donald TRUMP en réplique.

    Les paroles, les écrits, les gestes et les attitudes des dirigeants des grandes puissances inquiètent plus qu’ils ne rassurent. Le monde souffre du manque d’un leadership semblable à celui qu’il a connu avec le trio Ronald REAGAN, Margaret TATCHER et François MITTERAND. Elus respectivement Président des USA et de la France contre toute attente et à la surprise générale, Donald TRUMP et Emmanuel MACRON font bouger à leur manière ce qu’ils considèrent comme l’ancien monde. Sauf que leur nouveau monde couve une guerre larvée qui se diffuse comme une trainée de poudre et se déploie sur plusieurs fronts.

    Le front terroriste
    L’escalade terroriste ouverte depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis n’a jamais connu de trêve. Au contraire, depuis ce jour-là, le monde entier a basculé dans un cycle infernal qui n’épargne aucun pays. En campagne comme en ville, à l’école, dans une caserne militaire, à l’hôtel, à la plage, au bureau comme à domicile, au stade, au marché, dans une salle de spectacle, à l’église ou à la mosquée, à l’université, à l’hôpital, au parlement, dans l’avion ou le bateau, à l’aéroport, dans le métro, dans la rue, dans une boîte de nuit… les terroristes frappent partout. Il n’existe plus un seul endroit de la planète où l’être humain peut se sentir totalement en sécurité. Tous les moyens sont utilisés pour porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens. Selon Wolfgang Sofsky, c’est une véritable ère de l’épouvante, de la folie meurtrière et de la terreur. Les Etats essayent de prendre des dispositions pour lutter contre les terroristes, mais ces derniers gardent toujours une longueur d’avance sur eux.

    Le front migratoire
    La gestion des immigrés en provenance des pays pauvres et/ou en guerre est devenue un problème géopolitique majeur qui met en mal le consensus politique à l’intérieur des pays occidentaux et constitue une pomme de discorde dans l’Union Européenne. Aux Etats-Unis, le Président TRUMP tient toujours à son mur à la frontière avec le Mexique et à sa politique migratoire «tolérance zéro». Il a fait arracher 2342 enfants ou adolescents et les a séparés de leurs parents sans papiers. La polémique qu’a suscitée cet acte a fissuré l’opinion publique américaine jusqu’au camp des Républicains au pouvoir, l’obligeant ainsi à signer un décret mettant un terme à cette séparation.

    L’Union Européenne connaît un afflux sans précédent de migrants depuis 2015. Même si cet afflux est en baisse, le dossier des migrants nourrit la déferlante populiste qui empoisonne les relations entre ses membres. D’ailleurs, un gouvernement de coalition (autrichien), comprenant l’extrême droite en son sein, assure la présidence tournante de l’Union Européenne depuis le 1er juillet 2018. Le Gouvernement italien refuse désormais d’ouvrir ses ports aux navires des ONG qui secourent les migrants en Méditerranée.

    les Etats-Unis détricotent progressivement le multilatéralisme qui protégeait le monde contre une troisième guerre mondiale

    L’Espagne a dû accueillir l’Aquarius avec ses 639 migrants à bord, dans un climat de tension entre les gouvernements européens. En Allemagne, le dossier de la gestion des migrants constitue toujours une épée de Damoclès qui menace de faire voler en éclats la coalition au pouvoir. Ainsi, après le Brexit, l’arrivée des gouvernements populistes en Hongrie, en Pologne et en Italie, la chute du gouvernement espagnol, et les droits de douane américains, le dossier des migrants menace de faire exploser la cohésion de l’Union Européenne. Malheureusement, tant qu’il y aura des pays et/ou des régions du monde riches et en paix, et d’autres pauvres et/ou en guerre, même toutes les barrières du monde ne pourront empêcher les hommes d’être attirés par les pays ou les régions riches et en paix.

    La guerre numérique
    C’est le choc des cyber-puissances entre l’Europe, les Etats-Unis, la Chine et d’autres pays émergents. Le secteur des nouvelles technologies de la communication est l’un des fleurons de l’économie américaine les plus en vue, mais aussi celui qui est à l’origine de beaucoup de polémiques. La bataille pour le leadership numérique a des enjeux sociaux avec son impact sur l’emploi et la protection sociale, juridiques en termes de droit applicable et de droit d’auteur, sociétaux avec les contenus illicites, sécuritaires avec la question de la protection des données personnelles, et économiques notamment dans les domaines de la fiscalité et de la concurrence. Face à l’hégémonie numérique américaine, l’Europe en retard accuse le coup et subit une colonisation numérique qu’elle essaye de juguler. Le bilan de ses efforts de régulation et de taxation est pour l’instant mitigé. Et avec les montants colossaux de capitaux qu’ils ont accumulés en un temps record, les géants américains du numérique étouffent, absorbent ou écrasent les start-up susceptibles de les concurrencer, tout en défiant l’Etat de droit.

    La guerre commerciale
    C’est sur ce front que la guerre s’est déclarée au grand jour entre les Etats-Unis, l’Europe et la Chine. Le déficit commercial des Etats-Unis est à son plus haut niveau depuis une dizaine d’années. Selon Donald TRUMP, le commerce équitable doit être appelé «commerce trompeur» quand il n’est pas réciproque. Dans cette bataille commerciale, les Etats-Unis ont d’abord mis l’arme des pénalités en exergue. Les autorités américaines utilisent régulièrement leurs lois internes pour sanctionner les entreprises qui pourraient concurrencer ou nuire aux intérêts des entreprises outre atlantiques.

    Les plus gros montants des pénalités (en millions de Dollars) pour violation des sanctions internationales américaines et/ou de la législation anti-blanchiment ont été infligés aux entreprises européennes. Les sociétés asiatiques (chinoises notamment) sont aussi dans le même collimateur. Suite à la dénonciation de l’accord sur le nucléaire iranien, les entreprises européennes et asiatiques qui opèrent dans ce pays sont désormais exposées aux sanctions américaines en cas de non-respect de l’embargo commercial contre l’Iran. La Commission de l’Union Européenne a réagi en infligeant des sanctions financières aux multinationales américaines Intel en 2009, Amazon, Apple en 2016 et Google en 2017 et 2018.

    Pour s’attaquer spécifiquement à son déficit commercial, le Président Donald TRUMP a élevé les barrières tarifaires en relevant les droits de douane sur les importations de l’acier (25%) et l’aluminium (10%) de l’Union européenne, du Canada, du Mexique et de la Chine. Il envisage même de les étendre sur 200 milliards de produits chinois supplémentaires. Réagissant à cette taxation, l’Union Européenne et la Chine ont fait de même en instaurant des droits de douane sur les importations de certains produits américains. La Chine a même lancé un appel pour une action collective contre l’agression commerciale américaine.

    La guerre fiscale
    Les Etats qui hébergent des entreprises florissantes sont quasiment assurés de récolter des recettes fiscales consistantes sur la richesse créée par elles. Il en résulte que les tensions observées entre les Etats trouvent également leur origine dans la bataille pour la compétitivité des économies et le contrôle des ressources fiscales dans un environnement mondial pollué par les paradis fiscaux et l’évasion fiscale internationale. Avec la FATCA votée en 2010, environ 300 000 européens «américains accidentels» vivent un casse-tête fiscal sans précédent de la part du Trésor américain.

    Le mouvement de dumping fiscal en faveur des plus riches et des plus mobiles a atteint sa vitesse de croisière. Aux USA, la réforme fiscale TRUMP prévoit cinq mesures emblématiques dont l’objectif est de décourager les sociétés américaines à déplacer des activités et/ou des capitaux hors des Etats-Unis, et d’encourager les entreprises étrangères à investir et à produire sur son territoire. D’ailleurs, pour certains analystes, les hostilités tarifaires lancées par le Président TRUMP ont pour objectif, non pas de provoquer une guerre commerciale, mais plutôt d’amener les entreprises européennes et chinoises à s’implanter et à produire aux Etats-Unis afin de ramener son pays à la gloire des années 1960. Dans le même ordre d’idées, presque tous les pays européens suivent ce mouvement de dumping fiscal. Les autorités françaises, luxembourgeoises, anglaises, etc. envisagent de réduire graduellement leurs taux d’imposition des sociétés.

    Dans cet environnement, aucun pays ne peut se targuer d’avoir les mêmes alliés sur tous les fronts. Les alliés sur le front du terrorisme sont des concurrents ou des ennemis sur les fronts migratoire, numérique, commercial et/ou fiscal. Le plus inquiétant, c’est qu’en se retirant de certaines organisations et en bloquant d’autres, en dénonçant certains engagements multilatéraux pour privilégier les négociations bilatérales, les Etats-Unis détricotent progressivement le multilatéralisme qui protégeait le monde contre une troisième guerre mondiale.

    Alain Symphorien Ndzana
    (www.asndzanabiloa.com)

  • Bitom Tjomb Bienvenu : Paul Biya peut gagner sans les alliés qui ne respectent pas la morale

    Bitom Tjomb Bienvenu : Paul Biya peut gagner sans les alliés qui ne respectent pas la morale

    Le président de la sous-section RDPC de Yabi pense que le candidat de son parti à l’élection présidentielle du 07 octobre 2018, peut se passer de certains soutiens.

     

    Depuis le dépôt du dossier de candidature à la présidentielle du 07 octobre 2018 de notre camarade Son Excellence Paul BIYA auprès des services d’ELECAM à Yaoundé par le Secrétaire Général du Comité Central, conformément à nos textes du parti et à la loi, nous constatons un enthousiasme de plusieurs partis politiques de l’opposition qui manifestent leurs soutien à notre candidat statutaire donc la candidature a été sollicitée par la majorité des militants sur l’étendu du territoire national et de la diaspora militante dans le monde entier.

    C’est une preuve de maturité et de sagesse des militants du RDPC dans le choix de ces dirigeants. Ce choix est un engagement total des militants du RDPC à conduire son candidat à la victoire de la présidentielle du 07 octobre 2018 avec un score honorable pour le bien de tous les camerounais.

    Notre candidat incarne la rigueur, la justice sociale et la moralisation. Notre parti a pour devise l’Unité, Progrès et Démocratie, nous sommes un parti qui a pour but le rassemblement de tous les camerounais pour le développement de notre pays.

    Nous saisissons l’occasion pour saluer tous les partis d’opposition qui ont reconnu le mérite du candidat du RDPC et les grandes valeurs de notre parti. Le RDPC reste toujours ouvert à tous les camerounais. Les RDPC est un parti des hommes intègres en majorité qui font moins du bruit. Par contre une minorité militante à des comportements douteux et fait trop de bruit par des actes de sabotage. Mais pour les moins informés, retenez que le RDPC n’est pas seulement un parti politique, c’est aussi une école de la vie.

    Notre parti est bien implanté dans toute l’étendue nationale et internationale avec des organes base qui fonctionnent normalement. Notre parti dispose une ressource humaine de quantité et de qualité. Au regard du nombre des responsables de base de notre parti, de la cellule aux bureaux des sections, notre parti compte plus de 5 millions de responsables de base en marge des simples militants sans aucune responsabilité.

    Les municipales et les législatives de 2013 ont confirmé notre supériorité sur le terrain avec la majorité des communes et la majorité des députés à l’assemblée nationale. C’est la preuve que le candidat du RDPC compte sur ces militants en premier chef pour remporter une fois de plus la présidentielle du 07 octobre 2018.

    Nous sommes le premier parti qui a commencé la campagne des inscriptions des camerounais en âge de voter sur les listes électorales depuis 2012 à nos jours. Les municipales et les législatives de 2013 ont confirmé notre supériorité sur le terrain avec la majorité des communes et la majorité des députés à l’assemblée nationale. C’est la preuve que le candidat du RDPC compte sur ces militants en premier chef pour remporter une fois de plus la présidentielle du 07 octobre 2018.

    Pour le militant du RDPC le Cameroun est et demeure la plus grande valeur de son militantisme. Nous sommes par conséquent une grande famille qui doit être la vitrine de la jeunesse de notre pays, malgré l’égarement d’une minorité qui fait trop de bruit et confond les objectifs de notre parti.

    Une famille sans morale, ou qui fait des alliances avec des personnes donc la morale est suspectée doit disparaître. Notre jeunesse mérite plus de respect et de la considération dans les actes que nous posons.

    La jeunesse doit trouver en nous des bons modèles parmi nos camarades élites intellectuelles, élites traditionnelles, élites professionnelles, élites politiques…

    C’est pour cette raison que nous militantes et militants du RDPC de la première heure, engagés, convaincus et convaincants attirons l’attention de la hiérarchie du parti sur les alliés spontanées de la présidentielle donc la morale est jugée douteuse par l’opinion publique. Les alliés de très mauvais modèles pour la jeunesse de notre parti et de toute la jeunesse nationale ne sont pas la bienvenue dans nos rangs.

    Les leaders des formations politiques de l’opposition qui n’ont aucun respect pour la morale ne sont pas la bienvenue dans nos rangs. Nos alliances doivent être basées sur les convictions politiques et la poursuite des objectifs communs dans une gouvernance concertée.

    Notre parti ne sera jamais le mauvais modèle de la jeunesse camerounaise. Nos anciens alliés toujours fidèles aux mêmes convictions politiques sont des partis politiques responsables, certes ils nous critiquent par fois sur les points donc nous avons des avis divergents. Mais certains nouveaux alliés malgré leurs déclarations d’alliance ont toujours un langage paradoxal et embarrassant.

    Nous devons gagner cette élection présidentielle d’octobre 2018 comme d’habitude avec de la manière ensemble avec nos alliés responsables dans le respect de la morale. Notre grande famille le RDPC doit rester soudée et ne pas se distraire par les alliances sans morale. Le RDPC gagnera cette présidentielle avec de la manière afin donner un modèle de Démocratie à la jeunesse Camerounaise.

    Rendez-vous à la campagne en Septembre 2018 !

    Bitom Tjomb Bienvenu

    Elite RDPC du Nyong et Kelle

    Plusieurs fois délégué du Comité Central dans le pays

    Représentant du candidat RDPC, Son Excellence Paul BIYA à la commission de recensement de vote dans le Nyong et Kelle, présidentielle 2011

    Ancien membre du Bureau National OJRDPC

    Ancien Président de la section départementale OJRDPC du Nyong et Kelle

    Ancien premier Adjoint au maire de MESSONDO

    Président de la SOUS SECTION RDPC YABI I   

  • Abbo A Beyeck: Cameroun 2018 : le seul projet gagnant pour le Peuple Camerounais

    Abbo A Beyeck: Cameroun 2018 : le seul projet gagnant pour le Peuple Camerounais

    Pour les Peuples Africains en tant que communautés politiques, la nécessité de doter leurs territoires des capacités fondamentales propres d’organisation et de détermination politique et économique est une nécessité de survie.

    L’auteur est économiste. Consultant en stratégie. Retraité. Ancien membre du Bureau Politique du Comité Central de l’UPC
    et Président de la Commission des Opérations Spéciales (période de la lutte clandestine pour la démocratie au Cameroun).

     

    Le but de l’action du Peuple Camerounais en tant que communauté politique doit consister à doter notre pays des capacités fondamentales propres d’organisation et de détermination politique et économique, c’est à dire des moyens de la souveraineté nationale. Dans ce but, le Peuple Camerounais a un impérieux besoin d’unité. La cohésion sociale nationale en est la condition. Aujourd’hui, le Peuple Camerounais doit être conscient de l’éventualité d’avoir à se dresser sous peu pour faire face à une agression extérieure. Nous serions bien inspirés en disqualifiant tout acteur politique national qui s’aventure à se maintenir au pouvoir ou à construire son plan de carrière sur un crime d’intelligence avec des puissances étrangères.

    Le Président de la République, garant de l’unité nationale, a convoqué le corps électoral pour un scrutin présidentiel dont il est certain que les citoyens résidant dans deux régions sur dix au moins en seront exclus. Aucun de ses rivaux les plus en vue pour ce scrutin n’a démenti les allégations de la presse selon lesquelles ils ont explicitement sollicité l’ingérence des États Unis d’Amérique. En toute illégalité, le Ministre de l’Administration Territoriale vient de nommer, par écrit cette fois, les représentants légaux de certains partis politiques ! Ainsi, son « opposition » comprise, le régime RDPC est à nouveau prêt pour le jeu de cirque d’une alternance sans alternative.

    Mais le Peuple Camerounais n’est pas condamné à un seul choix consistant à désigner le prochain contremaître d’une Françafrique éventuellement revue et corrigée par Washington. Nous devons faire le choix de nous-mêmes, le choix de penser le Cameroun comme son propre centre et débattre des conditions de possibilité de ce qu’implique choix, y compris dans le cas où le scrutin présidentiel d’octobre 2018 se tiendrait effectivement. Ce choix est celui du projet gagnant du Peuple Camerounais résumé plus bas.

    Les véritables protagonistes de la guerre dans les régions South-West et North-West.
    Le régime UNC-RDPC qui ruine le peuple camerounais depuis des décennies et a conduit le pays aujourd’hui au seuil de la dislocation est un collège «anglophones» et «francophones» réunis, soumis à des puissances étrangères et menant une politique au service des intérêts de ces dernières et des leurs propres, contre l’intérêt national et le bien-être des populations.

    a guerre qui a cours dans les régions South-West et North-West ne met pas face à face le gouvernement de Mr Paul Biya et les sécessionnistes armés comme étant les deux seuls protagonistes. Les véritables protagonistes de cette guerre sont le Peuple Camerounais tout entier et le régime UNC-RDPC. Les revendications et aspirations de base des populations sont en effet les mêmes sur toute l’étendue du territoire national. Seule diffère en certains points leur mode d’expression, selon les spécificités sociales, historiques et culturelles locales et régionales.

    Dans le South-West et le North-West, ces spécificités sont en lien direct avec l’annexion de fait de ces deux régions fixée par le Référendum de 1972, date depuis laquelle les revendications si mal nommées «problème anglophone» sont récurrentes. Pour seule réponse à l’éruption pacifique de 2016, le Gouvernement a proposé une répression brutale, suivie depuis le dernier trimestre de 2017 par la guerre. Cette faute, grave, a pour résultat d’avoir crédibilisé un mouvement sécessionniste pris en mains et instrumentalisé par les USA et l’univers anglo-saxon.

    Aux yeux des populations du South-West et du North-West, la légitimité de la sécession grandit à mesure que la guerre déploie ses effets intrinsèques et que le Gouvernement martèle l’amalgame entre sécessionnisme et terrorisme. Un appui, paradoxal, apporté en actes au mouvement sécessionniste par un régime RDPC qui prétend le «Cameroun un et indivisible». Cet appui en actes est la seule manière pour la Françafrique de sauver ce qu’elle peut encore face aux ambitions des États Unis d’Amérique en Afrique Centrale dans le contexte de la nouvelle donne géopolitique mondiale.

    La nouvelle donne géopolitique mondiale et l’Afrique Centrale.
    Une nouvelle donne géopolitique mondiale se dessine en effet sous nos yeux depuis la fin du siècle dernier. Bien que ses contours durables ne soient pas encore clairement discernables, elle sera le produit conjugué de trois facteurs identifiables : Le premier, massif, est la réémergence et l’affirmation de la Chine comme pôle de développement et de puissance, avec l’Inde à sa suite ; le second est le relèvement de la Russie sous Vladimir Poutine après sa course à l’abîme sous l’ère Gorbatchev-Eltsine ; le troisième est la volonté affirmée des États Unis d’Amérique appuyés par ses alliés de l’OTAN de poursuivre leur ambition assumée d’hégémonie mondiale.

    Dans le cadre international qui se construit dans ce contexte, des signes faibles repérables montrent un timide frémissement de la volonté des pays d’Afrique Sub-Saharienne de sortir du statut de fait qui est le leur depuis l’époque coloniale, à savoir simple réserve de matières premières sous contrôle de puissances étrangères.

    Jusqu’à une période récente, les ressources naturelles des pays Africains étaient à la disposition des pays de l’OTAN, exclusivement ; ses marchés étaient réservés aux firmes adossées aux puissances de l’OTAN ; toute initiative politique ou économique Africaine, y compris au niveau interne à un pays, était soumise à examen et aval préalables de Washington, Londres, Paris, quand elle n’était pas purement et simplement pensée et organisée par les capitales de la «liberté des peuples» et de la «démocratie» puis exécutée par leurs contremaîtres Africains ; ces derniers, en contrepartie, étaient assurés de l’action armée des maîtres pour se maintenir ou accéder au pouvoir.

    Telles sont en effet, dans leur contenu, les dispositions explicites des clauses secrètes des «Accords» dits de «coopération» liant les régimes soumis des pays africains aux puissances impérialistes. Le cas de la France et son «pré-carré» africain sous contrôle d’une «Françafrique» insubmersible à ce jour constitue l’illustration emblématique de l’architecture qui maintient les Peuples Africains captifs d’une spirale de sous-développement. C’est cette architecture qui est déstabilisée par le mode de coopération mis en œuvre par la Chine et ses partenaires Africains.

    Pour les Peuples Africains en tant que communautés politiques, la nécessité de doter leurs territoires des capacités fondamentales propres d’organisation et de détermination politique et économique est une nécessité de survie. A l’inverse, cette éventualité est une menace à l’ordre au service des puissances de l’OTAN. Cette opposition d’intérêts antagoniques entre l’impérialisme et les populations Africaines est au cœur des évènements actuels en Afrique Centrale. Ainsi, en RD Congo, c’est moins la volonté prêtée à Joseph Kabila de garder le contrôle du pouvoir que le Nouveau Code Minier timidement inspiré du mode de coopération de la Chine avec la RD Congo qui mobilise les puissances de l’OTAN contre Kinshassa. En République Centrafricaine, c’est la présence diplomatique de la Russie à Bangui et la présence croissante de la Chine dans le secteur minier qui ne tarderont pas à être montées en épingle par les puissances de l’OTAN pour structurer l’articulation entre la nébuleuse Boko Haram et la nébuleuse Seleka qui contrôle une grande partie Est du territoire Centrafricain et dont les affrontements avec les milices rivales ont dores et déjà débordé sur l’est du Cameroun.

    Le projet gagnant pour le Peuple Camerounais aujourd’hui.
    A ce jour, l’exploitation des ressources naturelles des pays Africains sert essentiellement l’accroissement de la puissance des principaux pays de l’OTAN, le renforcement de leur pouvoir d’influence et de domination, en particulier sur Afrique, leurs intérêts propres et ceux de leurs contremaîtres Africains. Pour qu’il en aille autrement, pour que l’exploitation des ressources naturelles des pays Africains se fasse au profit du développement humain de leurs populations, il est indispensable que les Peuples Africains en tant que communautés politiques se dotent des capacités fondamentales propres de détermination politique et économique, autrement dit, des moyens des souverainetés nationales.

    Le Peuple Camerounais peut remplir cette condition incontournable du développement social à horizon d’une génération humaine à compter du moment où ses élites dirigeantes auront entrepris de se désintoxiquer de l’aliénation mentale et psychologique qui interdit à l’Afrique de penser par elle même, de redevenir son propre centre. Aujourd’hui, les ressources naturelles, en particulier du sous-sol, demeurent l’unique monnaie d’échange qui permettra de financer les infrastructures humaines et matérielles ouvrant aux Peuples Africains la possibilité d’atteindre et franchir le seuil au-delà duquel les moyens de la souveraineté pourront être considérés comme étant en bonne voie d’être acquis. Commencer à écrire la première page d’une trajectoire décidée par nous-mêmes et qui prend ce cap nous impose aujourd’hui de sortir du régime UNC-RDPC, c’est à dire de la logique alternance sans alternative. C’est le sens du projet gagnant du Peuple Camerounais, un projet en deux objectifs immédiats, guidé par deux principes.
    Les deux principes :

    1/L’intégrité du territoire national délimité par ses frontières internationalement reconnues n’est pas négociable.

    /L’aspiration du Peuple Camerounais à la souveraineté effective n’est pas négociable.
    Les deux objectifs :

    1/Mettre fin sans délai et sans conditions à la guerre et à l’effusion de sang dans les régions South-West et North-West. D’ici la fin de son mandat en cours, le Président de la République , Mr Paul Biya, a seul le pouvoir de poser cet acte. Il en sortirait grandi. Les chefs de la sécession armée ne sont responsables que d’eux-mêmes, et tout au plus devant leurs adeptes, c’est à dire une partie de nos concitoyens.

    Le Chef de l’État, quant à lui, est garant de l’unité nationale, c’est à dire de tous les Camerounais. Il lui appartient, par une mesure d’État, de prendre l’initiative d’un cessez-le-feu à effet immédiat afin de désarmer politiquement la sécession armée et faciliter à ses chefs la décision d’un cessez-le-feu. Il n’est pas avisé d’attendre d’un mouvement manipulé par des entités politiques et économiques étrangères qu’il ait le courage d’une initiative dont un des résultats attendus serait précisément la mise hors jeu de ses mandataires extérieurs. Un cessez-le-feu unilatéral aurait déjà été proclamé par la sécession armée si la clairvoyance politique était une qualité pour ses chefs.

    2/Ouvrir sans délai un Dialogue National Inclusif (DNI), y compris des forces qui militent pour une « Ambazonie » indépendante. Le DNI n’est pas un dialogue entre la sécession armée et le gouvernement Paul Biya, ou entre «anglophones» et «francophones». Le DNI est le moment, pour les Camerounais, de débattre, délibérer, décider et poser souverainement les bases institutionnelles de l’unité nationale, qui reste à construire, ainsi que chacun peut en convenir. «Réunification, indépendance, élévation du standard de vie des populations» : C’est dans cet ordre que furent formulées les revendications du Peuple Camerounais portées en son nom par Ruben UM NYOBE et l’Union des Populations du Cameroun. Cet ordre n’était pas le fruit du hasard.

    En premier, se retrouver, puis, ensemble, produire collectivement le cadre de notre avenir commun en tant que nation. Ici, il s’agirait en particulier de débattre, délibérer et décider d’une réorganisation administrative du territoire, indispensable pour rapprocher le pouvoir de décision au plus près des populations concernées par un sujet, définissant les matières de souveraineté y compris fiscale par niveau de division territoriale, les matières de souveraineté du niveau fédéré et celles de niveau fédéral.

    Le principe de la fédération ne doit pas être un tabou, ni faire l’objet d’une religion quand au nombre d’États fédérés. L’Allemagne est une République fédérale qui compte plus de dix États fédérés (Länder), les États Unis d’Amérique en comptent cinquante, la Suisse est une confédération ; ces trois pays ne se portent pas moins bien que la République du Cameroun. Entre autres missions, le DNI aurait à :

    2a/Définir les modalités d’organisation et de convocation d’une Assemblée Constituante chargée de préparer un projet de nouvelle Loi Fondamentale (Constitution).

    2b/Nommer un Gouvernement chargé d’assurer la continuité de l’État sur une période transitoire de deux à trois ans jusqu’à l’entrée en vigueur des Nouvelles Institutions.

    La nation compte d’éminentes personnalités d’une grande probité, ayant une expérience et un sens de l’État reconnus ; nombre d’entre eux font consensus dans toutes les Régions du Pays. Il n’est pas irréaliste de penser qu’elles s’impliqueront pleinement, les unes pour encadrer les travaux d’une DNI de grande qualité utile à la nation, d’autres pour assurer la continuité de l’État au cours de la période de transition, car le DNI est incompatible avec le statu quo institutionnel.

    A moins de se faire des illusions sur la possibilité pour les Forces de Défense et de Sécurité d’écraser les sécessionnistes, chacun sait qu’il faudra bien un dialogue national dont le mouvement sécessionniste sera nécessairement partie prenante. Il est désespérant de constater que pour en arriver là, ceux qui ont le pouvoir de décider estiment nécessaire un supplément chaque jour plus élevé de vies perdues, de familles endeuillées, de villages incendiés et d’équipements publics squelettiques détruits. Aucune élection n’est une fin en soi.

    Tout scrutin reste un instrument au service d’une fin. Quelle est donc la finalité attendue du prochain scrutin présidentiel par Mr Paul Biya et chacun de ses rivaux ? Que pèse cette finalité au regard des risques évidents de guerre civile généralisée et de dislocation du pays que la réalisation des deux objectifs du projet énoncés ci-dessus permettent de conjurer? Dans le cas où le processus du scrutin présidentiel d’octobre 2018 serait maintenu et irait à son terme, Mr Paul Biya ou son successeur, quel qu’il soit, sera confronté à la même situation sociale et sécuritaire actuelle, sans doute aggravée, et à l’obligation de lui trouver une solution satisfaisante qui ne pourra en aucun cas faire l’économie des deux objectifs du projet ci-dessus.

    Le Président de la République, Mr Paul Biya, a encore toute latitude avant la fin de son mandat pour manifester en deux actes que l’unité nationale et l’intérêt national sont au dessus de toute échéance électorale. Dans le cas où ces actes ne sont pas posés avant le scrutin d’octobre 2018, ses rivaux du tropisme présidentiel ont toute latitude de manifester par un acte -retirer leurs candidatures et laisser Mr Paul Biya candidat face à lui-même- que l’unité nationale et l’intérêt national sont au dessus de leur promotion sociale personnelle comme Président de la République. Une candidature unique de l’«opposition» est impossible, non pas seulement en raison des egos, mais surtout du fait que l’unité ne peut se faire qu’autour d’un projet qui serait ensuite porté et incarné par un candidat de consensus.

  • Benjamin Ombe: Election présidentielle 2018: les médias sociaux joueront un rôle fondamental !

    Benjamin Ombe: Election présidentielle 2018: les médias sociaux joueront un rôle fondamental !

    Le Cameroun compte de nos jours près de 2,9 millions d’utilisateurs actifs sur les réseaux sociaux

    Journaliste et expert en communication digitale estime que les medias sociaux seront un outil déterminant pour le scrutin présidentiel du 07 octobre. Celui qui est par ailleurs CEO-Knowledge Consulting explique comment et pourquoi. 

    «Chers compatriotes du Cameroun et de la Diaspora, conscient des défis que nous devons ensemble relever pour un Cameroun encore plus uni, stable et prospère, j’accepte de répondre favorablement à vos appels pressants. Je serai votre candidat à la prochaine élection présidentielle», a annoncé le Président sortant, son Excellence Paul Biya et candidat du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) sur son compte Twitter le vendredi 13 juillet 2018. Cette annonce intervient cinq (05) jours après la convocation du corps électoral pour la tenue de l’élection présidentielle le 07 Octobre 2018. Une candidature tant attendue. Le ton est donc donné. Option de communication choisie: les réseaux sociaux. Avant le candidat Paul Biya, d’autres candidats déclarés à l’instar de Cabral Libii, candidat du parti Univers ; Joshua Osih pour le Social Democratic Front (SDF), Maurice Kamto, du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), Akere Muna avec le Front Populaire pour le Développement (FPD).

    Plus qu’un outil, les réseaux sociaux et notamment Facebook, Twitter et YouTube sont devenus une arme numérique de persuasion massive qui donne accès à des centaines de milliers de personnes connectées alors qu’un meeting en rassemble moins de 50 000 dans notre contexte. Pas question pour les candidats d’être absents des médias sociaux où chacun déploie une stratégie maîtrisée. Plus que jamais, s’imposer sur ces plateformes est un enjeu déterminant pour accroître sa notoriété et atteindre une communauté d’électeurs plus jeunes.
    Quel candidat maîtrise le mieux les réseaux sociaux ? Quel est le favori de ces plateformes ? Lequel est le plus populaire ? La course aux followers bat son plein… Qui en sortira vainqueur ?

    Le porte-à-porte 2.0
    En 2008, Barack Obama, 44ᵉ président des États-Unis, remportait l’élection présidentielle aux États-Unis, après une campagne extrêmement bien menée, notamment sur les réseaux sociaux où il avait réussi avec l’aide de Chris Hugues, l’un des cofondateurs de Facebook à rassembler plus d’un demi-million de militants. Le même scénario va se reproduire avec son successeur, Donald Trump, dont la stratégie de mobilisation des électeurs via les médias sociaux a même été dénoncée d’usage de pratique « d’influence » et de « manipulation de l’opinion ». Les faits sont là. Par ces deux exemples, les réseaux sociaux ont fortement contribué à leur élection. Pourquoi pas au Cameroun ?
    La guerre à l’électorat 2.0 est donc lancée pour la présidentielle d’octobre 2018. Les statistiques sur les réseaux sociaux des leaders des principaux candidats à la présidentielle en démontrent à suffisance que ces derniers ont intégré la communication digitale dans leur stratégie.

    • Akere Muna
    En date du vendredi 13 juillet 2018, Akere Muna, candidat du Front Populaire pour le Développement (FPD) enregistrait 24 388 millions d’abonnés sur sa page officielle Facebook avec 21,2 millions de followers sur Twitter. Par ailleurs, le candidat dispose, d’un site web dédié à sa candidature : https://akeremuna2018.com. Outre cette modeste popularité sur les réseaux sociaux, le bâtonnier, à travers son mouvement NOW communique largement sur sa plateforme web interactive et dynamique, https://www.237now.com, où il partage son quotidien avec les internautes. Au lendemain du dépôt de son dossier de candidature, le 17 juillet 2018, le bâtonnier a posté une vidéo sur sa page Facebook pour appeler l’opposition à une coalition. « …J’invite de ce fait tous les acteurs du changement à s’unir pour sauver le Cameroun. Notre pays souffre énormément. Les atrocités se multiplient au point où nous finissons par nous en accommoder. La coalition est nécessaire pour venir à bout de ce système. Nous, candidats et autres leaders d’opinion, devons ouvrir la voie de la réconciliation et de l’unité… » Peut-on lire sur sa page Facebook. Loin de la communication traditionnelle matérialisée par une conférence de presse ou un communiqué classique, avec les médias sociaux, le message passe vite et à faible coût.

    •Joshua Osih
    C’est la même dynamique observée chez Joshua Osih, candidat du SDF. Comme à «l’américaine», Joshua Osih à créer un site web spéciale pour sa campagne dénommée «OSIH 2018»: https://www.osih2018.com/. Via cette plateforme digitale, le candidat déploie sa stratégie, expose sa vision, sollicite les adhérents, les volontaires… sa popularité sur les réseaux est également remarquable : 51 647 millions d’abonnés sur sa page Facebook et 14 millions sur son compte Twitter (données du vendredi 13 juillet 2018). Conscient de l’impact et de l’importance du numérique, le candidat du SDF a opté pour une stratégie plus virale en utilisant les «big data». En date du 16 juillet 2018, son équipe de campagne a entamé sa campagne numérique en envoyant des mails marketing aux internautes. Un e-mail avec pour objet : OSIH 2018 JOIN THE MOVEMENT FOR CHANGE.

    • Cabral Libii
    Le leader du Mouvement 11 millions de citoyens sur les listes électorales, dont la « révélation » d’une ambition politique s’est faite manifester sur le réseau social Facebook à travers sa page officielle suite aux « appels » de nombreux « sympathisants virtuels » n’oublie pas le facteur catalyseur de son engagement politique. Cabral Libii, pas très habile sur Twitter contrairement à son principal challenger son Excellence Paul Biya, est relativement populaire sur Facebook. Au 13 juillet 2018, le candidat du parti UNIVERS ne comptait que 5 273 millions d’abonnés sur sa page Facebook. Le potentiel candidat y partage son quotidien. Pour mobiliser les fonds demandés comme caution (30 millions) pour le dépôt des candidatures, le «bleu» à poster une vidéo pour solliciter l’élan de cœur de ses sympathisants du Cameroun et de la diaspora.
    «Je suis comme beaucoup d’entre vous. Seul, je ne peux y arriver. Je n’en ai pas les moyens. Mais ensemble, nous allons confondre ceux qui nous méprisent.
    C’est un défi collectif. Nous avons 5 jours pour le relever! Aidez-moi!», Écrivait-il le 10 juillet 2018 à 14 : 08 sur sa page Facebook. Si le mouvement 11 millions de citoyens sur les listes électorales dispose d’un site web http://11millioncitizens.com/, Cabral LIBII, absent sur Twitter, plateforme de communication privilégiée des hommes politiques, n’est pas encore très avancé sur les outils de communication digitale comparativement à ses adversaires.

    • Maurice Kamto
    Il fait partie des principaux challengers du candidat sortant. Le leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) est dans l’air du temps. Son usage des réseaux sociaux et autres outils digitaux de communication illustre à suffisance qu’il est un candidat 2.0. Le MRC possède un site web riche en contenu, mis à jour au quotidien et dynamique: https:// www.mrcparty.org/. Avec une communauté de 8 975 millions abonnés sur sa page Facebook au 13 juillet 2018, le candidat du MRC est actif sur Twitter et enregistrait 10 008 millions de followers à la même date.

    •Pau Biya
    Il est certes le plus âgé de tous les candidats déclarés pour la présidentielle d’octobre 2018, mais aussi le plus populaire sur les réseaux sociaux. Cette popularité vient-elle de son passif de Président de la République ? Pas totalement. Même si on doit reconnaître que le statut actuel de son Excellence Paul Biya, constitue un tout à sa e-reputation, l’on doit avoir l’honnêteté intellectuelle de reconnaître la parfaite maîtrise des outils digitaux de communication par ce « vieux » de 85 ans. Il a donc su s’adapter à l’évolution de la société avec toutes ses mutations azimuts. Le candidat du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) est une «guest star» sur les réseaux sociaux. Il enregistrait 329 millions d’abonnés sur Twitter et 858 470 millions sur sa page Facebook avant l’annonce de sa candidature pour la présidentielle d’octobre 2018. Des chiffres qui ont explosé quelques heures après cette annonce sur ses différentes plateformes. Selon le panafricain « Jeune Afrique », son équipe de communication française a affirmé avoir obtenu le nom de domaine www.paulbiya2018.com «de façon préventive». Le nom de domaine paulbiya2018.com n’est plus disponible sur internet mais pas encore accessible.
    Cependant, si le RDPC n’a pas de rival sur la représentativité territoriale et sa capacité à mobiliser sur le terrain, le numérique reste encore un luxe pour le parti du flambeau ardent. Et pourtant, son leader «androïd», en maîtrise les contours. Le parti dispose d’un site web : http://www.rdpcpdm.rdpcpdm.cm/ d’une conception pas très récente et une présence médiocre sur les réseaux sociaux. Les stratèges du RDPC devraient se réveiller sur ce point…

    Halte à la manipulation 2.0
    À la guerre comme à la guerre. Chaque candidat utilise tous les moyens à sa disposition pour atteindre ses objectifs. L’on observe sur la toile camerounaise des discours haineux et tribalistes provenant des sympathisants des différents leaders des partis politiques en course pour la présidentielle. Ces discours, objet de manœuvre politique et manipulation, risquent, si les internautes ne sont pas avisés, influencer leur choix dans les urnes au détriment de l’avenir de la République. Des scénarios similaires, mais différents dans la pratique ont été observé dans d’autres pays (France, USA…). Cette présence active des politiciens sur les réseaux sociaux contribue à changer à la fois l’image de la politique, mais modifie aussi le web en profondeur. Tim Berners-Lee, co-fondateur du World Wide Web il y a trente ans, a récemment publié une tribune qui met en garde contre les nouvelles dérives d’Internet. En effet, le web se voit d’après lui menacé par l’ampleur considérable que prennent la désinformation ciblée et la publicité politique en ligne : «On soupçonne que certaines publicités politiques, aux États-Unis et dans le reste du monde, sont utilisées sans éthique pour diriger des internautes vers des sites de fausses informations, par exemple ou pour en dissuader d’autres d’aller voter. La publicité politique ciblée permet à une même campagne de présenter des messages radicalement différents, voire contradictoires, à différents groupes de personnes», Alertait-il.

    La jeunesse et l’électeur 2.0
    Le Cameroun compte 06 millions d’internautes en 2018. C’est la substance du rapport annuel sur l’usage d’internet dans le monde rendu public par les plateformes digitales américaines Hootsuite et We are social.Au Cameroun spécifiquement, Hootsuite et We are social révèlent que le nombre d’utilisateurs tournent autour de 6,10 millions de personnes (25% de la population). Un chiffre obtenu en croisant les statistiques de l’Internet World Stat, de l’International télécommunication union et de la CIA. Les Camerounais se connectent sur internet majoritairement par téléphone, au détriment des desktops. Ce qui représente 74% du trafic web total. Selon les chiffres 2016 de l’Institut National de la Statistique (INS), 75% de la population camerounaise est âgée de moins de 25 ans. Cette jeunesse, très active sur les réseaux sociaux aura son mot à dire pour la présidentielle d’octobre prochain. Le Cameroun compte de nos jours près de 2,9 millions d’utilisateurs actifs sur les réseaux sociaux (12% de taux de pénétration). Sont-ils des «followers actifs ou passifs» ? Sont-ils des «internautes patriotes»? Réponse le 07 octobre 2018. En attendant, la campagne 2.0 bat son plein…

  • Viviane Ondoua Biwole : Sociétés d’Etat : les oublis gênants des lois de 2017

    Viviane Ondoua Biwole : Sociétés d’Etat : les oublis gênants des lois de 2017

    Viviane Ondon Biwole, DGA ISMP.

    Les lois de 2017 dévoilent en effet d’importantes réserves de pouvoir aptes à hypothéquer l’horizon de performance envisagée

    Le directeur général adjoint de l’Institut supérieur de management public du Cameroun a codirigé l’ouvrage «Lois sur les établissements et les entreprises publics au Cameroun. Innovations et reculades», paru le 20 juin dernier aux Editions Afrédit. Cette passionnée des préoccupations de gouvernance pointe les oublis gênants de ces lois qui pourraient hypothéquer la performance des sociétés d’Etat recherchée par ces textes.

     

    Ne pas reconnaître l’utilité des lois 2017/010 et 2017/011 du 12 juillet 2017 relèverait de la mauvaise foi. Nées de l’abrogation de la loi n°99/16 du 22 décembre 1999 régissant les entreprises et établissements publics, elles consacrent la séparation entre ces deux entités. Elles apparaissent comme une réponse du législateur à l’évolution du contexte marquée par des exigences de performance d’une part et, par les récriminations formulées à l’endroit des entreprises publiques par le Ministère des Finances, le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale relayées par les médias, d’autre part.

    Plus qu’une simple scission, les nouvelles lois matérialisent un engagement pour la performance. Cette option est confirmée par les exposés de motifs des lois. Il y est rappelé que l’existence jumelée des dispositions relatives au fonctionnement des établissements et entreprises publics a induit des confusions qui ont créé des erreurs de gestion. Les lois de 2017 permettent alors de parachever la réforme de ce secteur et faire de ces entités des structures viables et capables de contribuer, de manière significative, à la promotion de l’emploi et à la création de la richesse nationale 1.

    I- Poids des sociétés d’Etat
    L’importance des établissements et entreprises publics s’apprécie aux plans quantitatif et qualitatif. Au plan quantitatif 2, ils représentent au moins 184 entités dont 143 établissements publics (EPA), 28 sociétés à capital public (SCP) dans laquelle l’État détient 100% du capital, 12 Sociétés d’économie mixte (SEM) dans lesquelles l’État est actionnaire majoritaire et 1 administration de sécurité sociale (la CNPS). Aucun secteur ne leur est épargné, du secteur purement public au secteur financier, industriel et commercial.

    Ces entités économiques mobilisent une importante masse financière en termes de budget. En 2015, les 40 entreprises publiques mobilisent 1794,1 milliards, la CNPS 117,2 milliards, les EPA 269,8 soit un montant total de 2181,1 milliards de francs CFA représentant 54,62 % du budget global de l’Etat (3992,6 milliards) de 2015. Cette proportion est suffisamment importante et ne suscite pas l’indifférence au regard des contre performances décriées dans ce secteur.

    Au plan qualitatif, les établissements et les entreprises publics emploient plusieurs âmes. Le rapport du FMI3 évalue cet effectif à plus de 22 000 à la Cameroon Development Corporation, qui est le deuxième employeur du pays, à environ 40 000 personnes dans 17 entreprises publiques. On imagine que les 184 établissements et entreprises publics pourraient employer plus de 200 000 personnes.

    Malgré cette importance, la contribution des établissements et entreprises publics à l’économie, semble mitigée. Les lois de 2017 présentent alors un espoir à plusieurs titres. Elles complètent efficacement le dispositif légal en matière d’arrimage aux directives CEMAC relatives à la gestion des finances publiques et à l’arrimage aux dispositions d’OHADA. En effet, le Cameroun a été longtemps invité à transposer ces dispositions dans la législation nationale. Ces lois prétendent accompagner les entreprises du secteur public sur la voie de la performance.

    Elles préparent également le Cameroun à respecter son engagement pris dans le cadre de l’acte additionnel portant unification4 des marchés financiers qui interviendra au plus tard le 30 juin 2019. L’article 8 de cet acte additionnel stipule que les Etats ont 24 mois à compter du 19 février 2018 (soit le 19 février 2020), pour procéder à une cession partielle ou totale en bourse de leurs participations dans les entreprises publiques, parapubliques ou issues des partenariats publics-privés, notamment dans le cadre de programme de privatisation.

    …les établissements et les entreprises publics emploient plusieurs âmes. Le rapport du FMI évalue cet effectif à plus de 22 000 à la Cameroon Development Corporation, qui est le deuxième employeur du pays, à environ 40 000 personnes dans 17 entreprises publiques. On imagine que les 184 établissements et entreprises publics pourraient employer plus de 200 000 personnes….

    II- Oublis et reculades
    Au final, les lois du 12 juillet 2017 consacrent des avancées importantes, autant en ce qui concerne leur arrimage aux dispositions OHADA qu’aux principes de bonne gouvernance. On regrette néanmoins des oublis gênants et quelques reculades. Leur mise en œuvre et leur efficacité restent alors conditionnées par le contexte institutionnel dont les travers peuvent constituer des freins importants. L’analyse approfondie du contexte institutionnel des établissements et des entreprises publics constitue donc en soi une piste d’analyse à explorer. Les lois de 2017 dévoilent en effet d’importantes réserves de pouvoir aptes à hypothéquer l’horizon de performance envisagée. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous évoquons quelques réflexions à entrevoir :

    1. Confiance ou contrôle, que doit- on favoriser ? La perspective disciplinaire privilégiée par les lois de 2017 repose sur 3 postulats : (1) les dirigeants et les actionnaires ont des intérêts divergents ; ce sont des acteurs calculateurs et intéressés; (2) il y’a asymétrie d’information, comportements opportunistes, incomplétude des contrats et donc risque moral ; (3) dans ce contexte, la création et la répartition de la richesse sont conditionnées par les incitations proposées aux dirigeants et le contrôle assuré par les actionnaires. La principale question est donc de savoir comment assurer l’efficacité du système de surveillance et comment choisir celui qui minimise les coûts de contrôle.

    Doit-on maintenir les Conseils d’Administration ou convenir d’un autre mode de surveillance des établissements et entreprises publics ? La surveillance par le Conseil d’Administration a montré ses limites, pourquoi la maintenir ? De même, les lois excluent les autres parties prenantes dans le contrôle des entreprises notamment le personnel et les bénéficiaires. Pourtant leur proximité quotidienne avec les dirigeants de l’entreprise peut en faire des donneurs d’alerte en cas de violation flagrante des règles ou de comportements opportunistes des dirigeants.

    2. Par ailleurs, la perspective disciplinaire annihile toute innovation de la part des dirigeants. Ces derniers exécutent les orientations données par les actionnaires et les tutelles ; ils s’abstiennent de s’en détourner, au risque d’être sanctionnés. Ce qui est contraire aux discours et philosophies de gestion en vigueur marqués par les principes de gestion axée sur les résultats. Les lois de 2017 semblent alors s’opposer à celles de 2007 sur le régime financier de l’Etat qui en est le socle principal. Cette réalité constitue une reculade conceptuelle dont les effets bloquants n’assurent pas l’effectivité des lois de 2017.

    3. Les lois de 2017 restent relativement myopes et privilégient les problématiques de court terme. Elles continuent dans la logique du micro management et des procédures à triple validation (validation du Conseil d’Administration, de l’Assemblée Générale, de la tutelle…). La consécration de la forte hiérarchie empêche d’anticiper sur les enjeux à venir. La plupart des métiers de l’avenir ne sont pas encore connus, les compétences de demain ne sont donc pas maîtrisées par les acteurs d’aujourd’hui, contraindre les dirigeants à des rôles d’exécutants apparaît comme une grave erreur. Ils ont besoin de plus d’autonomie et de marge de manœuvre pour anticiper sur l’avenir, voire l’inventer. Pour cela il faut disposer de bons dirigeants dont le choix n’est pas toujours garanti par la procédure discrétionnaire la plus répandue actuellement.

    4. Comment fabrique-t-on les gestionnaires ? Il est difficile de faire l’économie de cette préoccupation. Avec 184 établissements et entreprises publics, ce sont au moins 2453 dirigeants qui sont conviés à l’œuvre soit 184 PCA, 368 DG et DGA, 61 tutelles (en moyenne 3 entreprise pour une tutelle), 1840 membres des Conseil d’Administration (soit 10 membres en moyenne pour chaque conseil). Il convient de réfléchir au processus de leur désignation dont la qualité pourrait prédire le succès de l’entreprise. Le dire ne s’oppose pas au processus discrétionnaire en vigueur mais contribue à le rationnaliser. L’enjeu étant de capter les meilleurs talents !

    5. L’exigence de disposer de dirigeants talentueux est aussi valable pour le choix des personnels au sein des établissements et des entreprises publiques. Il n’existe actuellement aucune procédure harmonisée et connue pour le recrutement au sein de ces entités. Les recrutements affinitaires ou de nature sociale sont des pratiques qui hypothèquent leur performance. Et pourtant cette préoccupation adresse la question de la création et de la répartition des richesses générées par les entreprises du secteur public. Il s’agit d’un problème de gouvernance sérieux dont il est risqué de faire l’économie. De même, il n’existe pas de missions précises attribuées au poste de Directeur Général Adjoint.

    La fameuse formule la direction générale est placée sous l’autorité d’un Directeur Général, éventuellement assisté d’un Directeur Général Adjoint viole le sacrosaint principe de la division du travail jamais renié dans les théories managériales. D’ailleurs, de l’échange que nous avons avec les DG, plusieurs d’entre eux se passeraient volontiers de leurs adjoints. Les adjoints, à leur tour, se sentiraient soulagés de se départir d’une hiérarchie parfois indifférente et le plus souvent peu collaborative. Ces problématiques et d’autres, autorisent à prolonger le débat sur les conditions d’une meilleure gouvernance des établissements et entreprises publics.

    1. Extrait de l’exposé des motifs de la loi portant statut des établissements publics.

    2. Les données des établissements et entreprises publiques mentionnées ici sont issues du rapport final de l’évaluation

    du système de gestion des finances publiques selon la méthodologie PEFA 2016 et publié en Juin 2017.

    Cette évaluation a été financée par l’Union Européenne et exécutée par ADE SA (Belgique).

    3. Rapport FMI sur les entreprises publiques, mars 2017
    4. Il s’agit de la fusion de la bourse des valeurs mobilières de l’Afrique Centrale

    et la bourse de Douala. Cette bourse a son siège à Douala.

  • Baba Simon: courage, détermination et non-conformisme au service du vivre ensemble

    Baba Simon: courage, détermination et non-conformisme au service du vivre ensemble

    Mouafo Djontu

    Baba Simon n’avait pas peur de ramer à contre-courant des pratiques de l’institution religieuse 

    Fin de notre série sur le vivre ensemble. Dans cette dernière livraison, le chercheur en sociologie des conflits met en lumière les valeurs sans lesquelles Baba Simon n’aurait jamais réussi son action à Tokombéré. 

    Lorsqu’on parcourt la vie de Baba Simon, on est frappé par sa capacité à ne pas s’enfermer dans des certitudes. Ce refus des certitudes a été mis à contribution pour réinventer sa relation avec les lieux et avec celles et ceux qui y vivent dans le but de participer à la fabrique d’un commun où toutes personnes puissent s’exprimer librement dans l’espace public. Ce commun que nous évoquons repose sur l’idée de repenser ce qui fait lien entre les personnes qui composent ce bout de territoire nommé Cameroun. Ce commun ne reste pas qu’à l’étape d’idées, il invite également à l’action à l’instar de ce qu’a fait Baba Simon.
    Faisant fi de tous ces préjugés et mythes qui dissimulent, très souvent, l’absence d’une prise en compte du complexe dans la production de la connaissance, l’œuvre de Baba Simon révèle un courage, une détermination et un non-conformisme.

    Dans un pays confronté à une résurgence du repli identitaire (divers memoranda, destruction par une partie des chefs sawa du site devant abriter la statue du premier secrétaire général de l’UPC, Um Nyobé,…), les nouveaux défis de la production du savoir obligent à faire un débat sur des pratiques politiques à l’œuvre au Cameroun. A cet égard, pour une pensée neuve au service d’une société où les catégories ethniques ne seront plus l’élément fondateur d’une analyse du fait social, il s’agit de se débarrasser de ces fétiches savants spécialistes d’un monothéisme de la pensée. Baba Simon s’est pour sa part approprié une façon de faire qui reconnait en l’autre une capacité à produire de la connaissance.

    Refus du mimétisme
    Baba Simon, homme d’église, ne s’est pas considéré comme une éponge qui absorbe tout qui vient d’ailleurs. Il a éprouvé les pratiques et les connaissances reçues à l’épreuve du terrain. Il s’est, par exemple, refusé à reproduire machinalement ce qu’on pouvait lire dans le Livre Sacré, la Bible. Il a eu besoin de contextualiser ce Livre afin de faire passer au mieux la parole de Dieu. Il déclare dans une interview télévisée: «Pour moi, je ne vois aucune différence si Jésus était incarné dans un Mouyang ou un Mada ou un Bakoko ou n’importe quel homme ici… Pour moi, Jésus-Christ ce n’est pas un Juif, pour moi Jésus-Christ, c’est l’Homme…»1. Pour comprendre cette déclaration, il serait intéressant de prendre en compte sa longue pratique du terrain rural dans la localité de Tokombéré.

    Sa longue immersion dans cette localité l’a amené à comprendre, entre autres, que l’école coloniale était perçue par les populations comme un instrument tendant à les déposséder de leurs pratiques culturelles en déracinant leurs enfants. Il a donc fallu chez Baba Simon une intelligence qui ne calque pas, par mimétisme, ce qui se fait ailleurs mais pouvoir mettre en adéquation les savoirs appris avec ce qu’il a observé sur le terrain. L’objectif recherché étant de ne pas avoir un discours désincarné de la réalité. D’ailleurs un monsieur rencontré en 2011 disait de Baba Simon: «Quand il parlait de la parole de Dieu, il n’utilisait pas les mots qui ne nous parlaient pas.

    Il avait cette capacité à puiser dans le vocabulaire local et prendre des exemples sur nos façons de faire pour illustrer ses prêches. Et ça plaisait beaucoup. Je dirais même que cette façon de faire a participé à ce que Baba Simon soit non seulement apprécié, mais également que d’aucuns se christianisent.» Avec une telle liberté affichée, Baba Simon n’avait pas peur de ramer à contre-courant des pratiques de l’institution religieuse et ouvrir par la même d’autres modes d’exprimer sa foi. Bâtir le commun à partir de la parole de Dieu demandait chez Baba Simon un certain courage et une réelle détermination à affronter son anti-conformisme.

    On pourrait in fine se poser la question de savoir pourquoi l’indépendance des pratiques religieuses n’a pas également été revendiquée après l’indépendance politique. La pratique religieuse de Baba Simon s’inscrit, dans une certaine mesure, dans le courant de la «théologie de la libération» impulsée à l’été 1968 par l’aumônier des étudiants péruviens, Gustavo Guttierez. En effet, la pratique religieuse de Baba Simon via le projet scolaire dans la localité de Tokombéré est qu’elle a épousé un désir ardent d’émancipation totale et de libération de toute forme de servitude.

    Pour participer à l’émancipation des populations rencontrées dans la localité de Tokombéré, Baba Simon ne considérait pas les montagnards, par exemple, comme des gens qu’il fallait coloniser par l’école. Il affirmait à cet effet, au sujet de l’école: «vous savez, disait-il, on ne crée pas des écoles pour avoir des diplômes. L’école, c’est toute la vie. Elle est une clé passe-partout mise à votre disposition. Une fois que je vous ai donné ma clé passe-partout, je ne suis plus là pour vous dire : passe par ici, passe par là. Malheur à moi si je veux vous influencer, car vous ouvrirez nécessairement une autre porte»2.

    Rappelons que le projet scolaire arrive dans la partie nord du Cameroun en 1905, soit trois années après l’arrivée de l’armée allemande. Les missionnaires y construisent la première école dans le Nord, c’est-à-dire 30 ans après la première école construite au sud. Cependant, avec la présence de l’armée allemande, l’offre scolaire a comme enjeu principal la maîtrise par les populations du Nord de la langue allemande. Précisons qu’avant l’arrivée du modèle d’école implantée par les missionnaires dans la partie méridionale du Cameroun, la partie septentrionale surfait quant à elle sur un autre modèle d’école, à savoir l’école coranique qui, elle, fait de la langue arabe son outil de communication et a comme enjeu la maîtrise du Coran et la diffusion de l’Islam.

    C’est donc dans ce contexte que Baba Simon va arriver dans cette région de l’Extrême nord. Pour lui, l’école ne s’inscrivait point dans une approche d’asservissement des populations à une religion. L’école se devait d’apporter l’espoir d’épanouir l’homme dans son combat contre toute forme d’ignorance, de servitude et de peur. Bref, l’école n’apparaissait pas comme un cadeau ou comme une magnanimité d’un homme ou de l’église. L’école de Baba Simon ne devrait avoir que pour objectif de participer à l’ouverture d’esprit des apprenants afin qu’ils deviennent des acteurs qui produisent du commun tout en étant des ingénieurs en transformation sociale.

    En revendiquant donc une indépendance des pratiques religieuses et en l’inscrivant dans une forme de théologie de la libération, le projet scolaire porté par l’église ne visera plus en soi la formation d’une élite qui revendiquera une prétendue représentativité du Cameroun mais ce projet scolaire sera plus soucieux d’émanciper les citoyens. Cette émancipation est de notre point de vue un gage dans cette quête de la fabrique du commun. Un commun qui ne s’enferme point dans les catégories ethniques.

    …L’enseignement, tel que pensé par Baba Simon, tend à ne pas faire des personnes des sujets politiques étrangers à leur propre demeure. C’est un enseignement qui amène la personne à prendre conscience de ce qu’elle vaut. Une telle prise de conscience de sa distinction, selon Baba Simon, pourrait donner à chacun cette utilité par sa contribution à la fabrique d’un commun… 

    Repenser l’enseignement
    Baba Simon, par son action, nous oblige à repenser les buts à assigner à l’enseignement si nous voulons bâtir du commun. L’urgence serait de penser un enseignement qui abandonne l’objectif de produire des salariés plus soucieux ou obsédés à par l’intégration de l’administration publique dans les grandes villes. Cet enseignement devrait pouvoir prendre le temps de construire un autre objectif où celles et ceux, qui y accèderont, seront à même de devenir des accélérateurs d’un développement qui ne repose plus sur une attente d’une prétendue élite mais sur des institutions pensées pour le commun.

    Baba Simon n’avait pas dans ses valises, en arrivant dans la région de l’Extrême-nord, un enseignement tout construit. Il lui revenait de donner un contenu à cet enseignement en puisant dans les pratiques des populations rencontrées. L’objectif recherché : éveiller à la conscience de soi dans l’optique d’abandonner la posture d’un extraverti ou d’un aliéné. L’enseignement, tel que pensé par Baba Simon, tend à ne pas faire des personnes des sujets politiques étrangers à leur propre demeure. C’est un enseignement qui amène la personne à prendre conscience de ce qu’elle vaut. Une telle prise de conscience de sa distinction, selon Baba Simon, pourrait donner à chacun cette utilité par sa contribution à la fabrique d’un commun.

    En se saisissant de l’héritage de Baba Simon, un travail sur l’enseignement s’impose. Un enseignement qui devra former des sujets politiques qui prennent conscience de leur rôle dans la cité comme accélérateur d’un développement qui place l’être au cœur. Car, pour Baba Simon, instruire c’est donner des clés passe-partout à des sujets politiques qui prennent conscience de leur responsabilité et de leur rôle dans le devenir de leur pays et du monde. On est là face à un enseignement qu’on pourrait qualifier de radical.

    Autrement dit, un enseignement qui opère une rupture avec celui reçu par «cette fausse élite intellectuelle apatride qui finit par éprouver une sorte de honte et de dégoût pour son propre milieu socio-culturel et ses propres valeurs»3. Pour conclure cette série, consacrer du temps à notre enseignement au Cameroun en le repensant tant dans sa construction que dans la façon de le transmettre, peut être une opportunité à penser notre commun. Pour ce faire, il faudra du courage, de la détermination et faire preuve d’un anti-conformisme à l’image de Baba Simon.

    Propos recueillis par
    Mouafo Djontu

    1. Grégoire Cador, On l’appelait Baba Simon,

    Editions Les Presses de l’UCAC, Terre Africaine, Yaoundé. 2002. P 156

    2. Jean-Baptiste Baskouda, Baba Simon, le père des Kirdis,

    Editions CERF, Paris, 1988. P 44

    3. Jean-Marc Ela, La plume et la pioche,

    Editions CLE, Yaoundé, Cameroun, P 21.

  • Tokombéré, lieu d’action de Baba Simon en faveur de l’ouverture et de la construction du vivre ensemble

    Tokombéré, lieu d’action de Baba Simon en faveur de l’ouverture et de la construction du vivre ensemble

    Mouafo Djontu

    Baba Simon avait construit une relation, où l’endroit (le Sud d’où il était venu) s’apparentait à un lieu qui venait également apprendre du lieu où il se trouvait (Tokombéré)»

    Suite de notre série sur le vivre ensemble. Aujourd’hui, le chercheur en sociologie des conflits s’appesantit sur la philosophie qui a guidé l’action de Baba Simon à Tokombéré. Ce prêtre catholique originaire d’Edéa dans le Littoral, a réussi à se sentir «chez lui» «chez les kirdis» et à participer à leur émancipation par l’école.

    Kudumbar (Tokombéré), localité située dans la région de l’Extrême-nord du Cameroun, a été ce lieu où un homme a donné sa vie pour que ses semblables en humanité s’émancipent par l’école. Cet homme, c’est Baba Simon. Après sa mort le 13 août 1975, il est devenu, pour les enfants de la montagne, «notre kulé» (sacrifice). C’est d’ailleurs un credo que nous avons également entendu auprès des personnes rencontrées lors de nos séjours de recherche (entre 2010 et 2016). Ces personnes vouent un culte à Baba Simon.

    Elles le considèrent comme «protecteur, guide et sauveur». Il n’est point né dans la plaine de Kudumbar et ses parents non plus. Son lieu de naissance n’est pas apparu, dans la trajectoire de Baba Simon, comme le seul qui puisse bénéficier de son investissement. Sa volonté à partager la parole de Dieu a dû transcender les logiques d’appartenance à un lieu qui renient le droit aux autres semblables en humanité d’y avoir accès.

    Aller au-delà des clichés
    La rencontre avec l’autre, qui qu’il soit, où qu’il vive, a été sa raison première. L’action qu’il a entreprise dans le secteur de l’éducation dans une région qui, depuis l’indépendance, fait face à des problèmes de scolarisation, contraste avec l’idée défendue par les figures publiques1 de cette partie du Cameroun selon laquelle seuls les ressortissants de cette région étaient à même de lutter contre les disparités éducatives dans la partie septentrionale du Cameroun. Dans le premier ouvrage à lui être consacré, Hyacinthe Vulliez écrit dans la préface à propos de l’action de Baba Simon qu’il a défié «préjugés et idées reçues [pour redonner] aux Kirdis la fierté d’être Kirdis»2.

    Les Kirdis sont un peuple de montagne dans la localité de Tokombéré et Baba Simon va se donner pour rôle, de contribuer à ce que les personnes s’identifiant comme Kirdi puissent, par l’école, apporter leur part à la construction du pays. D’ailleurs, un ancien élève, Jean-Baptiste Baskouda, citant Baba Simon, souligne dans son ouvrage: « je crois que les montagnards sont intelligents, même s’ils ne le sont pas tous de la même manière. On ne peut pas dire qu’un montagnard placé dans les mêmes conditions que n’importe quel camerounais ne peut pas faire ses études.

    Un montagnard peut faire ses études jusqu’au doctorat, jusqu’à l’agrégation, pas tous absolument, mais ils sont capables de faire comme tout le monde»3. Cette affirmation de Baba Simon repose sur l’idée que l’intelligence est en chacun et qu’il suffit de comprendre la personne afin que ce dernier intègre que le projet scolaire est un outil pour son épanouissement et non pour son asservissement. Baba Simon a donc dû travailler sur la dimension utilitaire de l’école d’autant plus que sa longue immersion dans la région l’a amené à comprendre que les populations à identification kirdi appréhendaient «toute nouveauté […] comme une menace à repousser, quelle qu’en soit la forme, pacifique ou violente»4.Car, habiter la montagne était pour ces populations une stratégie pour repousser les ambitions de domination des peuples de la plaine à dominance musulmane.

    C’est donc suivant cette histoire de l’occupation de l’espace que Baba Simon commence son œuvre : «donner une instruction de qualité aux enfants qu’il aura pu gagner à sa cause»5. Il s’est ainsi refusé à toute forme de globalité pour qualifier ce qui était présenté comme le manque d’intérêt de l’école par les populations s’identifiant comme kirdis en affirmant : «il n’y a rien de plus insensé… que de traiter tout un peuple d’insensé»6. Ces propos de Baba Simon rendent compte de sa volonté à ne pas s’enfermer dans des certitudes ou encore son refus d’être prisonnier de l’idée que la représentation que l’on pourrait se faire d’un lieu, où vivent des personnes, est un format du réel.

    Précisons à la suite d’Edouard Glissant que la représentation est le lien entre notre imaginaire et le réel. Cependant, il devient primordial à l’exemple de Baba Simon d’aller à la rencontre de ces lieux, que l’on considère très souvent comme exotiques, pour ne pas faire de cette représentation une vérité absolue. La conséquence d’une représentation érigée en certitude est qu’elle participe non seulement à masquer les éléments divers du réel, mais elle consacre également le règne du fétichisme. En outre, l’exotisme du lieu tel qu’évoqué pourrait être appréhendé comme la conséquence d’une hiérarchisation des lieux.

    …Or, l’action de Baba Simon donne à réfléchir sur le rapport que l’on pourrait entretenir avec le lieu. Baba Simon s’est refusé d’apparaître comme un guide ou un missionnaire venant apporter une prétendue civilisation aux personnes rencontrées via le projet scolaire…

    Renoncer à la hiérarchisation des lieux
    Au Cameroun, on pourrait affirmer que les lieux placés au sommet de cette hiérarchie topique sont très souvent les centres urbains. Des centres urbains que d’aucuns affirment être leur propriété exclusive et disent faire preuve d’hospitalité en accueillant ces autres qu’ils assignent au statut d’étrangers venus d’ailleurs.

    Or, l’action de Baba Simon donne à réfléchir sur le rapport que l’on pourrait entretenir avec le lieu. Baba Simon s’est refusé d’apparaître comme un guide ou un missionnaire venant apporter une prétendue civilisation aux personnes rencontrées via le projet scolaire. On pourrait, ici, mettre en évidence deux points qui se rejoignent sur la conception que se faisait Baba Simon du lieu. D’un côté, il ne s’est pas affiché comme une personne attachée à son lieu de naissance. Pour lui, le lieu de naissance pourrait être vu comme un lieu accidentel qu’on ne saurait sacraliser en le déniant à celles et ceux qui n’y sont pas nés. Baba Simon n’idéalise pas et ne rejette pas son lieu.

    Mais, il fait du lieu un espace ouvert et qui doit être en relation avec tous les lieux possibles. D’un autre côté, si son lieu est totalement ouvert aux autres, alors les autres lieux devraient également l’être. Ces deux conceptions que l’on a observé dans l’action de Baba Simon mettent en avant l’idée d’ouverture. Ce qui oblige à avoir une autre façon de se penser et de se définir. Le lieu n’apparaît plus comme une catégorie exclusive et pertinente qu’on devrait convoquer pour se définir. On voit à travers cette modalité de définition l’abandon du réservoir de l’intolérance que l’on observe dans l’espace public camerounais et même ailleurs.

    En se rendant donc dans la localité de Tokombéré dans l’optique de lutter contre les disparités éducatives, Baba Simon fonde son déplacement vers la région de l’Extrême-nord du Cameroun sur l’idée suivant laquelle les localités n’ont de sens que par l’action des hommes et des femmes qui y vivent. En d’autres termes, c’est aux personnes qui qu’ils soient de donner du prestige à une localité. Bref, les localités devraient être ouvertes, c’est-à-dire «des lieux-relations, des lieux-rhizomes qui, immédiatement, peuvent admettre la relation à l’autre»7.

    Par son sens de l’ouverture, Baba Simon a réussi à créer une relation où il se refusait d’apparaître comme celui qui sait tout, comme celui qui venait apporter l’école à un lieu hostile à l’éducation. Il avait construit une relation où l’endroit (le Sud) d’où il était venu, s’apparentait à un lieu qui venait également apprendre du lieu où il se trouvait (Tokombéré). Bref une sorte de compagnonnage qui a exigé chez Baba Simon, un décentrement non seulement du corps mais également de l’esprit. Il n’y avait pas chez lui une sorte de hiérarchie des lieux et encore moins du dogme d’un lieu érigé en centre unique qui pense pour les autres lieux.

    On voit dans une telle conception des lieux chez Baba Simon, ce que nous avons appelé la pensée de l’exode. La caractéristique d’une telle pensée est qu’elle ne s’encombre pas des frontières des lieux et elle est allergique à l’idée du lieu unique comme modalité de définition de l’identification d’une personne. L’exode chez Baba Simon, son déplacement d’un lieu à l’autre, s’observe ainsi par sa capacité à faire dialoguer ces lieux. Car, ces lieux se conjuguent avec leurs spécificités sans toutefois revendiquer une quelconque exclusivité.

    Pour Baba Simon parcourir le Cameroun en général, et la région de l’Extrême-nord en particulier, ne relève pas d’un déplacement d’un centre qui va vers les périphéries encore moins d’un allochtone qui va à la rencontre des autochtones. On assiste plutôt à une forme de matérialisation d’un imaginaire qui ne s’enferme pas dans un lieu en défiance à un ou d’autres lieux. On pourrait qualifier Baba Simon d’être nomade qui, vivant au Cameroun, fait de ce bout de territoire, un terrain d’action qui place la personne au cœur.

    1. « Le 18 décembre 2008, le Ministre de l’Enseignement Supérieur a publié une liste additive d’admis au concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure de Maroua. L’on devrait parler de « la » liste additive, car la liste additive du 18 décembre 2008 n’est pas une liste additive banale. Elle répond à une demande sociale insistante et assortie de manifestations et de projets de manifestations de plus en plus inquiétantes des élites et élus des trois régions septentrionales du Cameroun, souvent désignées comme le Grand Nord. La publication de cette liste était aussi la condition posée par les élites et élus du septentrion pour mettre fin à leurs manifestations. » in ENS Maroua – James MouangueKobila : « Une réponse juridique et fondée » (23/12/2008).

    2. Baskouda Jean-Baptiste, op cit. P 2.

    3. Baskouda Jean-Baptiste, op cit. P 44. Voir également CADOR Grégoire, op cit.pp 170-171.

    4. Ibid.

    5. Cador Grégoire, op cit. P 171.

    6. Baskouda Jean-Baptiste, op cit. P 42.
    7. Edouard GLISSANT et François NOUDELMAN, l’ehtretien du monde, Ed Presses Universitaires de Vincennes, 2018. P 66

    Prochainement: Lecture ethnique

    du fait ou défaite de la pensée