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Journal Intégration

Catégorie : DOSSIER

  • Coup d’envoi : Trezeguet, en version égyptienne

    Coup d’envoi : Trezeguet, en version égyptienne

    Le scénario est en train de s’écrire

    Depuis le 20 juin dernier, les dieux du football siègent au bord du Nil. En Égypte, au pays des Pharaons, la 32e édition de la Coupe d’Afrique des nations de football va faire vibrer. Pour l’instant, l’histoire ne dit pas encore les mots qu’elle a l’habitude de nous servir. Il est certain qu’auprès des 24 équipes participantes, ces mots auront une connotation d’effort, de fair-play, de prise de risque, de foi et d’engagement. Ce que l’on sait aussi c’est que les affrontements annoncés entre équipes nationales et joueurs d’exception seront des opportunités pour mieux observer les contours les plus actuels de la culture footballistique. Ce que l’on sait enfin, c’est que le footballeur spectateur va vivre et récapituler corporellement les actions qui se dérouleront sous ses yeux. Il s’agit ici, le temps de rencontres entre amis, de se poser en s’opposant et non de s’opposer pour s’imposer. Le scénario est en train de s’écrire pour qu’au soir du 19 juillet 2019, l’une de ces équipes voie la vie en bleu.

    Au Cameroun, ce n’est pas seulement une équipe, mais tout un peuple habillé du drapeau vert-rouge-jaune. Ce peuple-là se sent encore champion d’Afrique. Garder le trophée de Gabon 2017, voilà le projet collectif. À Ndangueng, à Tonga, à Mbé, à Yabassi, à Kyé Ossi, à Mundemba, à Founangue, à Bamenda, à Dimako ou à Pitoa, le football a toujours eu au moins ce mérite de rassembler pour le meilleur: une joie pure. Il réveille aussi une valeur de moins en moins partagée: le patriotisme. Aux oreilles des Lions indomptables, l’hymne d’une performance exemplaire à l’image de celles de 1984,1988, 2000, 2002 et 2017 est d’ores et déjà entonné, ceci dans l’euphorie du « vivre ensemble ».

     

    C’est le premier à faire bouger les filets du tournoi… Au profit des Pharaons.

    Trezeguet (7) félicité par ses coéquipiers

    En lever de rideau de «leur» compétition, les Pharaons n’ont pas manqué vendredi dernier de vaincre le Zimbabwe. «Normal!», tranche Joseph-Antoine Bell, dans un commentaire d’après-match. Le consultant de RFI (Radio France internationale) parle d’«une sélection sans grande référence dans le tournoi, mais qui pour ses débuts a su offrir une belle opposition à son hôte, bien campée sur ses arrières et confortée dans son assise défensive par un excellent gardien».

    Face aux attaques égyptiennes, les Warriors du Zimbabwe ont pu compter sur leur portier Sibanda, auteur de 8 arrêts avant d’être remplacé sur blessure par Chipezeze. Des attaques qui reposaient trop systématiquement sur Mohamed Salah (7 tirs, 4 cadrés) volontaire, mais peu inspiré, qui s’est souvent heurté à la défense vert et jaune, et n’a pas su concrétiser les occasions qu’il a créées. Très appliqués derrière, les Warriors ont provoqué quelques frissons dans les travées du Stade international du Caire, mais ont manqué d’efficacité dans le dernier geste, bien canalisé par une défense égyptienne bien en place.

    Les Égyptiens ont longtemps vu leur enthousiasme vain, jusqu’à cette action percutante de Mahmoud -Trezeguet- Hassan. Sa percée du flanc gauche à l’axe ponctuée d’une frappe enroulée du droit venait faire mouche peu avant la pause (1-0, 41e). Suffisant pour assurer la victoire. Après la pause, selon les préceptes du sélectionneur mexicain Javier Aguirre, les Pharaons prenaient bien soin de ne surtout pas se découvrir, quitte à réfréner leurs ardeurs. Sans fioriture donc, les favoris obtenaient l’essentiel : les trois points pour prendre les commandes de la poule A, en attendant le match de samedi entre la RD Congo et l’Ouganda.

    L’homme
    Quand son nom a été prononcé par la speakerine, une grande clameur a saisi le stade international, impatient de voir le Trezeguet, version «Pharaon».

    Pour ce qu’il est des indices, Trezeguet n’est qu’un surnom pour Mahmoud Hassan. C’est bien sous ce nom-là que ce milieu offensif est enregistré sur le site officiel de la FIFA. Selon CNews, ce surnom, Mahmoud Hassan l’a hérité alors qu’il évoluait encore chez les jeunes, en centre de formation, en raison de sa supposée ressemblance avec l’attaquant français, champion du monde en 1998 avec l’équipe de France. Le même média souligne «une particularité qui a même attiré l’œil de David Trezeguet qui, s’il estimait à l’époque que la coupe de cheveux et le poste n’étaient pas les mêmes, s’interrogeait sur un éventuel passage de son père en Égypte».

    Bon joueur de football, il s’est constitué une solide réputation, en Turquie, où ses prestations à Kasımpaşa (club d’Istanbul) attirent les regards de nombreux clubs.

     

    Sidi Alioum, le sifflet d’ouverture

    Le Camerounais était l’arbitre central du match Égypte-Zimbabwe. Pour sa première prestation vendredi dernier, il a été convaincant, disent les analystes.

    Sidi Alioum, arbitre international camerounais, a eu la lourde responsabilité de diriger le match d’ouverture de la CAN 2019, Égypte-Zimbabwe. Plein d’aplomb lors des premières minutes, il n’a pas semblé perturbé par l’événement. « Vénérable institution » selon Afrik-foot, il sait imposer les valeurs de respect et de tolérance. Le même support relève que celui qui participe à sa 5e Can (après 2012, 2013, 2015 et 2017) est l’anti-star par excellence, parfaitement étranger à tout ce qui est bling-bling.

    En plus de tenir sifflet, chronomètre et cartons sur les stades de football, il est également officier de l’armée de l’air camerounaise. Il a officié dans des compétitions majeures : Coupe d’Afrique des nations des moins de 17 ans (1 match), Coupe du monde de football des moins de 17 ans (4 matches), la Ligue des champions de la CAF (finale aller) et la Coupe du monde de la FIFA au Brésil en 2014.

    Jean René Meva’a Amougou

    Le show des températures

    En cette période estivale au Caire où les températures avoisinent les 40 degrés, la chaleur pourrait avoir des conséquences sur les joueurs et sur le spectacle dans cette CAN 2019.

    Samedi dernier, l’hebdomadaire Jeune Afrique rapportait que l’attaquant nigerian, Samuel Kalu, a été victime d’un malaise suite à une déshydratation provoquée par une grosse chaleur lors de l’entraînement des Super Eagles, le 21 juin, en Égypte. Le jeune joueur de 21 ans a été hospitalisé. La Fédération nigériane s’est cependant vite montrée rassurante sur son état de santé. Inspirées par ce qui précède, les équipes réfléchissent aux moyens de s’adapter tandis que la CAF, sur recommandation de son équipe médicale, a déjà décidé d’inclure des pauses fraîcheur lors des rencontres.

    Jouer la CAN en juin-juillet, une période où la quasi-totalité des pays affiche plus de 30 degrés au thermomètre fut l’une des principales raisons qui ont longtemps repoussé le souhait de voir la Coupe d’Afrique se dérouler en plein été. L’édition égyptienne va très vite démontrer si la CAF a été inspirée dans ce changement, mais il n’est point besoin d’attendre le premier match programmé dans l’après-midi (RDC-Ouganda à 16 h 30) pour savoir que la chaleur va jouer un grand rôle dans cette CAN.

    La CAF a ainsi pris les devants avant le début de la compétition, et avant que ne pleuvent les premières critiques, elle «recommande deux pauses repos et rafraîchissantes aux 30e et 75e minutes». Ces pauses, insiste la Confédération africaine de football, «doivent être correctement préparées en termes logistiques, avant le tournoi et avant chaque match. Elles nécessitent l’apport de conteneurs froids sur roues pour y mettre de la glace pilée, des boissons pour les arbitres et des petites serviettes froides et humides à placer autour du cou pour 26 personnes (4 arbitres + 22 joueurs) pour les minutes 30 et 75 si nécessaire».

    Source : RFI

     

  • Publicité : Médias et annonceurs jouent le jeu

    Publicité : Médias et annonceurs jouent le jeu

    Spectacle continental par excellence, la Can de football est l’occasion inespérée pour les annonceurs de profiter d’une exposition médiatique à nulle autre pareil. Les marques misent sur l’engouement populaire autour de l’événement pour toucher le public au maximum. Chacun y va de sa méthode.

    «Au test de l’Audimat, la Can de football explose souvent les compteurs». Lancé le 20 juin dernier, le tournoi devrait confirmer le constat de Eugène Tchaffo. Par expérience donc, ce responsable marketing dans une agence de communication et de veille stratégique basé à Yaoundé conclut que «pour la Can 2019, les annonceurs s’agglutinent autour des écrans publicitaires». Il évalue à une trentaine le nombre de films publicitaires réalisés spécialement pour l’occasion. «Le marché, surtout dans les secteurs de l’automobile, de l’hygiène-beauté, des télécoms, de la culture, des loisirs et de la finance, est très friand de ce genre de compétition», relève Didier Ndengue, le patron du site La Plume de l’Aigle.

    Et parce que la compétition bénéficie d’horaires de diffusion plutôt favorables, les sponsors de tranches d’antennes se bousculent depuis dans les couloirs de certains médias audiovisuels nationaux. «Chez nous, la grille affiche deux marques», confie Ernest Obama de la chaîne de télévision privée Vision 4.

    A la CRTV, la radiotélévision publique, un responsable de la CRTV Marketing and Communication Agency apprécie «l’environnement très positif autour de l’événement qui a facilité la commercialisation des espaces publicitaires». Notre interlocuteur ajoute que «compte tenu de l’importance de l’événement, les remises existent, mais elles sont plafonnées». Une voix au sein de l’office souffle qu’un annonceur qui bénéficie habituellement d’un rabais de 50 % ne pourra pas négocier au-delà de 40 %.

    Stratégies
    En termes d’environnement favorable, les uns et les autres capitalisent sur l’audience. «Vendredi dernier, 7,1 millions de fans du foot ont regardé le match d’ouverture Egypte-Zimbabwé », évalue Elvis Mbimba, rédacteur en chef Web à la CRTV. Si l’on s’en tient à ce chiffre, «sur la base d’un bon taux de remplissage des écrans publicitaires classiques, nous pouvons espérer engranger près du double si le Cameroun va jusqu’en finale et la CRTV, toutes chaînes confondues, s’est mise au service de la Can», projette le journaliste.

    Du côté des annonceurs eux-mêmes, chacun affûte ses armes. L’astuce est de fédérer un public le plus large possible. Dans les entreprises de télécoms et d’agro-industrie, chacun profite de la vitrine de la Can 2019 pour prouver les capacités de marques et gadgets les plus innovants. «Au-delà des supporteurs, il s’agit donc de dépasser le cœur des amateurs de foot pour séduire toute la famille», insiste Nyoh Moses du département de communication chez un opérateur de téléphonie mobile. «Il faut savamment doser entre ce que le téléspectateur a l’habitude de trouver habituellement à cet horaire et le public que l’on souhaite attirer», détaille l’ancien journaliste de la CRTV.

     

    Dans les communautés

    Kebe Bâ, champion d’idées

    Pour la Can, le restaurateur Sénégalais résidant à Yaoundé a érigé son cadre d’activités en « lieu de vie ».

     

    Une fois encore, ça bouge chez Kebe Bâ ! Comme lors des éditions antérieures de la Can, son restaurant situé au quartier Briqueterie (Yaoundé II) trouve une nouvelle déclinaison de sa renommée dans l’innovation et la rénovation. «Pour chaque match du Sénégal, il y a une chose spéciale», annonce le promoteur arrivé au Cameroun depuis une vingtaine d’années. De son propre aveu, c’est ce profil «gigantesque» qui fait de son «coin» un lieu prisé lors des événements sportifs au cours desquels son pays se met en scène.

    Cette année, Kebe Bâ souligne la multiplication d’innovations dans son menu. L’offre s’est particulièrement densifiée et démocratisée: thiéboudienne (plat compose de poisson frais, poisson séché, de riz, de purée de tomate-ail-oignons-piments, le tout servi avec l’aubergine) et «Yassa de poulet» (composé riz blanc, de poulet en morceaux marinés dans un mélange d’oignons, vinaigre et huile d’arachide) s’obtiennent ici à 1 000 et 1 500 FCFA respectivement. «Parce que c’est la coupe !», avoue le quinquagénaire, pressé d’évoquer la disponibilité de quelques bons petits plats à emporter.

    Dans la lignée de ce développement, trois espaces installés sur quelques mètres carrés à l’arrière du restaurant ont fait leur apparition. Terrasse, architecture singulière, écran géant: le lieu a été pensé comme «un autre paradis», selon les mots de Kebe Bâ. Grâce à ces effets de seuil et à cette surenchère technologique, différents concepts vont se côtoyer pour offrir «une vraie Can» aux visiteurs. Le Sénégalais dit y avoir réfléchi depuis la qualification de son pays pour la 32e édition de la compétition. «J’ai pensé comment les gens peuvent regarder les matches, en mangeant et en buvant du bon thé sans que personne ne soit gêné», souffle-t-il. L’on comprend dès lors pourquoi cette fois, le lieu a été aménagé de façon propre à lisser les interactions, à canaliser les flux de spectateurs, à sectoriser l’occupation des lieux et à endiguer le débridement des émotions.

    Depuis le début de la Can, le restau de Kebe Bâ peut se targuer d’avoir accueilli de sacrées brochettes de citoyens Camerounais et ressortissants ouest-africains. Parmi ces derniers, «il y a beaucoup de Maliens, de Sénégalais, d’Ivoiriens et des Guinéens». Affluence explicable par le fait que leurs équipes nationales sont également présentes en Egypte. Au-delà, ce flux renseigne sur les formes du sentiment communautaire. «C’est ce que je veux ici. Rien d’autre», accepte Kebe Bâ.

    Jean-René Meva’a Amougou

    La Can des sélectionneurs-maison

    Onze coachs africains sont sur les bancs en Égypte.

    En poste depuis août 2014, Florent Ibenge est l’entraîneur des Léopards du Congo-Kinshasa. Il est parmi ses homologues, celui qui possède la plus grande longévité sur son banc de touche.

     

    Sunday Chidzambwa (qui a déjà perdu un match face au pays organisateur) trône à la tête des Warriors du Zimbabwe. À son palmarès, une Coupe d’Afrique australe (Cosafa) en 2018, et une 3e place en 2019.

    À 39 ans, Olivier Niyungeko, le coach des Hirondelles du Burundi, compte une 4e place à la Coupe d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Est (Cecafa) en 2017. Il est surtout parvenu à obtenir une qualification historique pour la CAN-2019, la première du pays, tout en restant invaincu lors des éliminatoires.

    Aliou Cissé, c’est lui qui dirige les Lions de la Teranga (Sénégal). Finaliste de la Can et quart de finaliste du Mondial en 2002.
    Djamel Belmadi est au chevet des Fennecs d’Algérie, avec la lourde charge de faire oublier l’humiliation de 2017, où les Verts n’étaient pas sortis des poules.

    Ricardo Mannetti officie pour la Namibie. Il a mené son pays à la victoire lors de la Coupe d’Afrique australe (Cosafa) en 2015.
    Ibrahim Kamara canalise les trompes des Éléphants de Côte-d’Ivoire. C’est lui qui a décidé d’écarter Gervinho pour la Can 2019.

    Mohamed Magassouba, le coach malien prévient qu’il n’est pas là pour une balade. Il a fait forte impression durant les éliminatoires, en terminant premier invaincu du groupe C.

    Baciro Candé est aux commandes des Djurtus de Guinée-Bissau. Son objectif est de décrocher leur première victoire dans la compétition.

    À 58 ans, James Kwesi Appiah dirige les Black Stars du Ghana. Licencié après une Coupe du monde 2014 décevante, il est finalement revenu sur le banc du Ghana en avril 2017. Dans le carré final de la compétition depuis 10 ans, James Kwesi Appiah espère que la CAN-2019 sera celle du sacre pour les Ghanéens.

    Le Nigérian Emmanuel Amunike conduit la sélection de Tanzanie à sa première Coupe d’Afrique des nations depuis 1980.

    Bobo Ousmanou

  • Cameroun, un champion en questions

    Cameroun, un champion en questions

    Surprenants vainqueurs de la dernière édition de la Coupe d’Afrique des Nations (Gabon 2017), les Lions Indomptables débarquent sur les bords du Nil avec quelques certitudes et plusieurs interrogations. Peuvent-ils réalistement prétendre à une 6e couronne continentale ?

    Les Lions indomptables cuvée 2019

    Même si elle n’a pas véritablement été mise à l’épreuve lors des éliminatoires de la Can 2019, la sélection menée par Clarence Seedorf a montré qu’elle pouvait hausser son niveau de jeu et répondre à l’adversité. On l’a ainsi vue dominatrice lors de la dernière rencontre couperet face aux Comores (3-0), tout comme on l’a vu vaillamment tenir tête à une Selecao brésilienne, certes vite privée de son métronome Neymar, dans un match amical disputé à Londres le 20 novembre 2018.
    Une fois encore, c’est au mental que les Lions iront chercher ce nouveau titre. Sans doute émoustillés par la délocalisation de la Can 2019 d’abord prévue au Cameroun, ils vont sans doute faire valoir cet esprit conquérant inscrit dans leur ADN. Mais cela pourrait s’avérer insuffisant, car les champions en titre seront attendus au tournant. Ils devront produire du jeu s’ils veulent à nouveau triompher. En ont-ils seulement les moyens ?

    Quelle animation offensive ?
    Dans les buts, il est quasi impossible de contester la place de numéro un à André Onana, qui sort d’une saison époustouflante avec l’Ajax Amsterdam. On attend toutefois qu’il réplique ces performances héroïques en vert-rouge-jaune pour définitivement repousser la concurrence de son cousin Fabrice Ondoa qui a offert la Can 2017 au Cameroun. La défense semble encore en rodage. Matip et Nkoulou ont décliné l’offre d’un retour pour laisser les clés du secteur axial au duo Yaya Banana-Ngadeu Ngadjui, qui est loin de constituer une assurance tous risques. Mieux encore, le très prometteur Jérôme Onguene a été viré du groupe au profit de l’obscur Dowa Tchokonté, dont les états de services restent sujets à caution.

    Personne ne sait à ce stade si un Kundé Malong (lancé par Seedorf) est capable, dans un grand match, d’être cette sentinelle qui illumine le jeu d’attaque des Lions tout en assurant le travail de ratissage dans l’entrejeu. Difficile de parier ses économies sur Christian Bassogog ou Clinton Njié, souvent branchés sur courant alternatif, ou même sur un Jacques Zoa dont la fréquence de buts en sélection est quasiment adossée au changement de pape à la Curée romaine.

    Pour le reste, on a affaire à un groupe qui s’est longtemps cherché une identité de jeu et qui pourrait (faute de mieux) s’en remettre au flair et à l’inspiration de Karl Toko Ekambi et de Stéphane Bahoken. Ces derniers viennent en effet de boucler une saison intéressante en club. En l’absence de Vincent Aboubakar (encore convalescent), ce duo d’attaque devrait être aiguillé par le néo-capitaine Éric Maxime Choupo-Moting, capable de quelques fulgurances géniales dans un beau jour. Les Lions ne sont peut-être pas un épouvantail, mais ils en ont encore sous la semelle, même si des préoccupations demeurent.

    Nos champions vont-ils suffoquer ?
    L’environnement sera un facteur déterminant pour la réussite des Lions en Égypte. D’abord l’environnement naturel, le temps qu’il fait en Égypte. On frôle actuellement les 40° dans le pays des Pharaons, ce qui ne contribuera pas à faciliter la tâche à un groupe dont la majorité de l’effectif évolue sous le froid européen. Mais plus que cette « excuse » qui ne tiendrait d’ailleurs pas la route (toutes les équipes vont devoir se défoncer sous cette chaleur), c’est plus l’environnement social, le management de la sélection qui risque encore de plomber le parcours des Lions Indomptables. On reparle des problèmes de primes, des passe-droits, de rétrocommissions, d’influences des agents des joueurs. Décidément, plus ça change, plus c’est la même chose. S’ils ne s’asphyxient pas de cet environnement délétère, les Lions ont encore une chance de créer la sensation. Après tout, n’est-ce pas là leur marque de fabrique?

     

    Xavier Tassous

    Comment appelle-t-on leur équipe

    Noms d’animaux associés aux symboles nationaux. Le tout permet à chaque formation de disposer d’une appellation spécifique.

    Les Pharaons, hôtes de la compétition

    Égypte: les «Pharaons»
    Même s’ils auraient pu s’appeler les «Sphinx», à l’image de leur emblème, le sphinx de Gizeh, c’est tout naturellement que les Égyptiens ont pris le nom des fondateurs de leur pays, rois de l’Égypte antique.

    République démocratique du Congo: les «Léopards»
    Une tête de léopard figure au centre des armoiries de la RDC. Entre 1997 et 2006 – juste après le changement de nom du pays, ex-Zaïre –, les joueurs de l’équipe nationale étaient surnommés les «Simba», ce qui signifie lion en swahili.

    Ouganda : les «Grues»
    La grue royale est l’animal symbole du pays, présent sur le drapeau de l’Ouganda.

    Zimbabwe: les «Warriors»
    C’est l’une des rares nations à n’avoir pas choisi de symbole animal. Les Zimbabwéens s’appellent les «Warriors» (les «Guerriers»).

    Nigeria : les «Super Eagles»
    Symbole de force, l’aigle est présent au sommet des armoiries du Nigeria.

    Guinée : Le «Sily national»
    Voilà un qualificatif inconnu du grand public. Sily signifie «éléphant» en soussou, langue de l’Afrique de l’Ouest.

    Madagascar : les «Bareas»
    Barea est un mot dialectique synonyme de «zébu», l’animal emblème de l’île de l’océan Indien.

    Burundi : les «Hirondelles»
    Les Burundais auront bien besoin de la vélocité propre à l’hirondelle, oiseau migrateur, pour atteindre les huitièmes de finale.

    Sénégal : les «Lions de la Teranga»
    Teranga signifie «hospitalité» en wolof. Ce surnom est surtout employé à l’étranger, les Sénégalais se contentant généralement du mot «Lion».

    Algérie : les «Fennecs»
    Petit renard des sables du Sahara, espèce protégée, le fennec est le totem de la sélection algérienne. Sont aussi employés les termes de «Guerriers du désert» ou El Khedra» (les Verts), en référence à la couleur du maillot algérien.

    Kenya : les «Harambee Stars»
    «Harambee» est la devise du Kenya, inscrite en lettres blanches sur les armoiries du pays. Cela signifie «travaillons ensemble».

    Tanzanie: «Kilimandjaro Stars»
    Le Kilimandjaro est évidemment la montagne emblématique du pays (5 891 m d’altitude, point culminant de l’Afrique), d’où cette référence évidente. On nomme aussi les Tanzaniens «Taifa Stars» (les Étoiles du pays, taifa signifiant pays en langue swahili)

    Maroc : les «Lions de l’Atlas»
    Le lion de l’Atlas est une espèce éteinte à l’état sauvage, qui vivait autrefois en Afrique du Nord, et donc au Maroc.

    Côte d’Ivoire : les «Éléphants»
    Déjà associé au nom du pays – via l’ivoire – c’est tout naturellement que l’éléphant est le totem de la sélection ivoirienne de football.

    Afrique du Sud : les «Bafana Bafana»
    Les «Bafana bafana» (traduction: « les gars, les gars ! »)

    Namibie : les «Brave Warriors»
    Traduction : les guerriers courageux, un surnom qui se rapproche des «Warriors» du Zimbabwe.

    Tunisie : les « Aigles de Carthage »
    L’aigle était un emblème de Carthage, capitale de l’Afrique du Nord sous l’Empire romain, détruite au temps d’Hannibal.

    Mali : les « Aigles »
    Il y aura donc une bataille d’«Aigles» dès le premier tour ! En attendant, peut-être, de retrouver les «Super Eagles» du Nigeria plus tard dans la compétition…

    Mauritanie : les «Mourabitounes»
    Ils sont surnommés les « Mourabitounes » en référence à la dynastie des Almoravides, originaire de Mauritanie, qui a régné sur le Maghreb aux XIe et XIIe siècles.

    Angola : les Antilopes noires
    L’antilope noire –aussi appelée l’hippotrague noire– est un animal de la savane boisée d’Afrique australe.

    Cameroun : les «Lions indomptables»
    C’est l’un des surnoms les plus connus du monde entier, grâce au parcours de Roger Milla en 1990, première équipe africaine à atteindre les quarts de finale d’une Coupe du monde.

    Ghana : les «Black Stars»
    Le surnom des joueurs ghanéens est tiré directement du drapeau du pays, qui représente une grande étoile noire au milieu des bandes de couleur.

    Bénin : les «Écureuils»
    Inventé dans les années 60, ce sobriquet devait symboliser le petit pays qui cherche à grimper habilement vers le sommet du football africain.

    Guinée-Bissau : les « Djurtus»
    Traduction : les «lycaons». Le lycaon est un chien sauvage d’Afrique, entre la hyène et le loup, qui ne possède que 4 doigts à chaque patte.

    Synthèse: Jean-René Meva’a Amougou

  • Impôts et taxes : Plus d’innovations dans les prochains jours

    Impôts et taxes : Plus d’innovations dans les prochains jours

    Selon des sources bien introduites, le fisc camerounais entend lancer d’autres dispositifs d’ici peu.

    Le nouveau dispositif numérique pour le péage automatique

    Formellement, on ne prédit pas un avenir fiscal compliqué pour les Camerounais dans les prochains jours. Ce qu’on peut cependant prédire avec certitude c’est que de nouvelles dispositions de recouvrement seront bel et bien mises en œuvre dans quelques semaines. « Pour y parvenir, la DGI envisage d’aller plus loin encore. Elle compte mettre en place le droit de communication automatique. Ceci se fera en élaborant des protocoles de collaboration avec d’autres administrations et en assurant aux services opérationnels la transmission mensuelle des risques issus des croisements ».

    L’information a été donnée par Gérard Amia Mounamba, chargé d’études à la Division des études, de la planification et des réformes fiscales à la DGI.

    Selon une source proche du dossier, le télépaiement des impôts et taxes sera bientôt possible au Cameroun. « À partir de leur bureau ou de leur domicile, les contribuables pourront s’acquitter de leurs obligations fiscales», renseigne notre source. Le dispositif technologique est en cours de validation à la DGI. Il s’agit d’une plateforme numérique ultra moderne tenue par la Campost (Cameroon Postal Services) et un partenaire privé pour le compte de l’administration fiscale. Son mécanisme de fonctionnement, murmure-t-on, pourrait être dévoilé au public d’ici peu. En attendant, des avis bien informés indiquent qu’il s’agit d’une plateforme de paiement à distance (Campost money) de tous les impôts et taxes (le péage routier notamment).

    «En fait, un véritable instrument de collecte, d’analyse et de traitement des données et des informations tant pour les personnes morales que pour les personnes physiques», décrit Gérard Amia Mounamba. Dans le fond, l’inspecteur principal des impôts parle d’un dispositif dédié à la simplification des formalités et l’amélioration des services, à l’amélioration des programmes de contrôle et de recouvrement, et au traitement plus cohérent de l’ensemble des obligations fiscales. «Absence de vision globale sur la situation des contribuables, multiplication des interlocuteurs, superposition des contrôles, multiplication de procédures redondantes, cloisonnement des services, aggravation des risques de collusion entre agents et contribuables, et alourdissement des coûts administratifs tant pour l’administration que pour les entreprises… L’ère de la mansuétude fiscale est terminée au Cameroun», a décrété Louis-Paul Motaze.

    Le 7 juin 2019, lors d’un point de presse à Yaoundé, Roland Atanga Fongue, chef de la Division des études, de la planification et des réformes fiscales à la DGI, avait décliné les attentes de son employeur par rapport au Cradef. Il affirmait qu’en accueillant la 34eédition des assises, la DGI, dans ses efforts de concilier urgence politico-budgétaire et pression fiscale amoindrie, entend «bénéficier des avancées enregistrées dans d’autres pays, de conforter les mesures prises en interne, et de mettre en place de nouvelles dynamiques».

    Élargissement de l’assiette fiscale
    Sur cette ligne qui n’est pas officiellement confirmée, il y a fort à parier que les acteurs du secteur informel soient les plus ciblés. «Il faut couvrir tout le marché, toutes les activités qui échappent encore à la nasse de l’administration fiscale. Cela passe par le complément des fichiers des contribuables», a laissé entendre Roland Atanga Fongue le 7 juin dernier. Fort probable donc que le secteur informel, ce grand maquis fiscal dans lequel se brassent de très importantes sommes qui échappent au Trésor public et hypothèquent la mobilisation des ressources publiques, soit visé.

    La démarche est à lire dans les directives du Fonds monétaire international. L’institution financière de Bretton Woods, avec laquelle le Cameroun entretient un programme, exhortait les autorités à «poursuivre les réformes structurelles visant à renforcer la gestion des finances publiques et à s’attaquer aux principaux obstacles à un accroissement de la contribution du secteur privé à la croissance. Il s’agira de mettre en œuvre les nouvelles mesures fiscales qui sont incluses dans le projet de loi de finances 2019».

    Jean René Meva’a Amougou

  • Fiscalité : Le Credaf exalte les bénéfices de la technologie

    Fiscalité : Le Credaf exalte les bénéfices de la technologie

    Les 34e assises de cette instance regroupant 30 pays d’Afrique, d’Europe, d’Asie et d’Amérique ont donné à voir les modèles réussis de l’introduction du numérique dans le recouvrement des impôts et taxes. 

    Une vue des travaux en atelier

    Exit la 34e Conférence annuelle du Cercle de réflexion et d’échange des dirigeants des administrations fiscales (Credaf). Du 10 au 13 juin 2019, «collecteurs d’impôts», opérateurs économiques et autres experts des questions de fiscalité ont réfléchi et débattu. Thème retenu : «Le numérique au service de l’élargissement de l’assiette fiscale». Selon la Direction générale des impôts (DGI) du Cameroun, le libellé du sujet a été ajusté au premier axe de travail du programme triennal (2019-2021) du Credaf, portant justement sur l’élargissement de l’assiette fiscale des pays membres.

    En écho au séminaire introductif d’Alger en novembre 2018 et aux réflexions en sous-groupes de Bruxelles et de Paris en mars 2019, les travaux de Yaoundé se sont intéressés aux enjeux spécifiques du développement des technologies numériques pour le continent africain. En clair, comme l’a si bien dit Louis-Paul Motaze, le ministre camerounais des Finances (Minfi), «la capitale camerounaise a été le théâtre d’une foire aux nouvelles idées fiscales auxquelles les pays en voie de développement doivent se conformer». Belle occasion pour formuler des propositions qui pourraient faire partie des solutions à long terme visant à répondre aux défis plus larges soulevés par la numérisation et à d’autres problématiques qui subsistent à ce jour en matière d’élargissement des assiettes fiscales.

    À l’heure de la disette budgétaire, tous les moyens sont bons pour faire rentrer de l’argent dans les caisses des États. Dans les mots, Miradin Morlan l’a dit. Et parmi ces moyens, le directeur général des Impôts d’Haïti a pensé à l’introduction de l’outil numérique dans tous les couloirs du fisc. «Logistiquement, c’est possible», a appuyé Modeste Mopa Fatoing. Le patron des Impôts au Cameroun a d’ailleurs vanté les transformations en cours à la DGI. «Elles vont se poursuivre et s’intensifier , a promis le Minfi.

    Bienfaits
    De façon globale, les participants ont observé que les pays ont beaucoup progressé pour parvenir à une mise en œuvre à grande échelle de ces différentes mesures, et que l’impact se fait déjà sentir. Mohamadou Diallo, Directeur de publication du magazine CIAO-MAG, a mis en lumière la forte progression de l’économie numérique dans les pays africains au cours des dernières années, ainsi que l’immense potentiel de ce secteur qui demeure sous-exploité et questionné l’utilisation du numérique pour faire basculer les activités informelles dans le secteur formel.

    Les directeurs généraux des impôts du Bénin et de la Guinée, ainsi que le directeur des systèmes d’information de la DGID du Sénégal ont présenté les outils stratégiques et techniques de gestion des télé-procédures fiscales mis en place dans leurs pays respectifs, les résultats obtenus et les prochaines étapes dans le déploiement.

    Par exemple, sur ce qui est visible dans son pays, Nicolas Yenoussi, le directeur général des Impôts du Bénin a vanté la plateforme des téléprocédures (télédéclaration et télépaiement), le data-center de la DGI-Bénin et l’expérience en matière de gestion de changement et de redynamisation des systèmes de collecte des impôts. Il s’agit, a-t-il relevé, du plan d’orientation stratégique (POSAF 2017-2021) destiné à moderniser l’administration fiscale et à améliorer la mobilisation des ressources internes, qui a entraîné des réformes globalement efficaces.

    Jean René Meva’a Amougou

  • Crise anglophone : Le Commonwealth et l’OIF dans l’embarras

    Crise anglophone : Le Commonwealth et l’OIF dans l’embarras

    Le Cameroun doit-il continuer de célébrer les journées internationales de la Francophonie et du Common-wealth? La question mérite d’être posée tant il est vrai que c’est l’échec de la cohabitation entre les cultures et traditions institutionnelles, juridiques, administratives… francophones et anglo-saxonnes qu’elles promeuvent respectivement qui est à l’origine du problème anglophone. Le conflit actuel dans les régions Nord-ouest et du Sud-ouest en est une métastase.

    La question se pose, d’autant plus que les figures de proue de ces organisations (France et Grande-Bretagne), avec souvent le concours de leurs alliés, ne sont pas étrangères à la situation que connaît notre pays aujourd’hui. Au-delà des objectifs nobles affichés, l’organisation internationale de la Francophonie et le Commonwealth sont en fait des instruments au service d’intérêt géostratégique de Paris et de Londres. En l’absence d’un leadership local éclairé, il y a en effet un risque que le pays se trouve tiraillé entre des enjeux antagonistes comme le montre l’histoire que revisite Intégration.

    Alors que les cultures anglo-saxonne et francophone sont au cœur de ce conflit sociopolitique, les deux organisations se font discrètes. 

    «On connaît leur appétit à user des figures de style. Comme toutes les autres organisations internationales, les dires de la Francophonie, ou ceux du Commonwealth révèlent les usages stratégiques de figures de style, alliant la litote, l’ellipse et la prétérition». Tel qu’elle pose les schèmes linguistiques de deux têtes de gondole du landerneau sociopolitique international, Anastasie Kaela, enseignante de géopolitique à l’École de guerre de Yaoundé, croit tenir une vérité. Dans des situations gaies ou préoccupantes survenues dans l’un de leurs États membres, le Commonwealth et l’Organisation internationale de la Francophonie émettent un ou des avis, en appliquant leur posture à la grille de leurs dispositions juridiques et de leurs modalités politiques.

    Rôle d’appui
    Pour contourner l’embarras qui les tenaille sur la crise anglophone, ces deux organisations se sont proclamées «machines anti-politiques». Ainsi, en décembre 2017, on a vu Patricia Scotland, la secrétaire générale du Commonwealth, tenter de procéder à une domestication planifiée de la position du «Club des gentlemen» sur la situation dans les régions anglophones du Cameroun. Lors d’un dîner officiel avec Paul Biya, elle a exhorté les Camerounais à préserver la paix et l’unité, et à privilégier, en toutes circonstances, le dialogue. Pour Mme Scotland, «un Cameroun prospère est une Afrique prospère et un Commonwealth prospère».

    Selon les spécialistes de la question, c’est encore la crise anglophone qui a par ailleurs amené le Commonwealth à offrir au Cameroun ce qu’il peut lui apporter en raison de ses appartenances diverses et de ses spécificités propres. L’approche est alors de type ascendant, disent les experts. Ainsi voit-on que la fonction latente assurée par le Commonwealth pour faire face aux défis nouveaux lancés par une gestion jugée débridée et floue. Tout pour expliquer la mise sur pied du réseau des jeunes ambassadeurs du Commonwealth. Il s’agit d’une entreprise d’une centaine de jeunes, dont les objectifs poursuivis sont, entre autres le développement, la justice sociale et la paix. Ils ont été renouvelés à l’occasion de la commémoration du 24e anniversaire du Commonwealth au Cameroun, dont le thème retenu est «Un Commonwealth connecté».

    Rhétorique de l’impartialité
    Tout à côté et sur le même sujet, l’OIF est passée maîtresse dans l’art de tenir un «discours politique dépolitisé», défini comme une «rhétorique de l’impartialité», caractérisée par «l’évitement des formes les plus violentes de la polémique». «Évitons de compromettre leur avenir. Ils ne nous le pardonneront jamais», a laissé entendre Michaëlle Jean, dans un communiqué publié le 2 octobre 2017.

    Elle a poursuivi en soulignant que «les tensions en cours dans ces régions du Cameroun sont très préoccupantes. La violence ne doit jamais être une option pour se faire entendre. J’invite par conséquent toutes et tous à faire preuve de responsabilité et de la plus grande retenue». Pour le secrétaire général de l’OIF, «il est crucial de privilégier, en toutes circonstances, les voies pacifiques et du dialogue, à l’heure où les Camerounaises et les Camerounais sont plus que jamais déterminés à garder ensemble le cap sur la croissance et la stabilité de leur pays».

    Jean-René Meva’a Amougou

     

    Verbatims taillés sur mesure 

    De la situation dans les régions du Sud-ouest et du Nord-ouest du Cameroun, ce que disent certaines personnalités politiques françaises et anglaises met en scène une attitude ambigüe d’un côté, et des enseignements du haut d’une chaire de l’autre.

    Brodées d’arabesques dorées, les phrases d’Emmanuel Macron sont restées longtemps accrochées aux lobes des oreilles de Yaoundé. Dans son coming-out du 4 juillet 2018 à Abuja (Nigéria), le président français n’a pas eu un coup de gueule au sujet de la crise anglophone. Tout au plus, «il apparaît clairement, dans l’extrait qui a circulé dans divers médias, que le président Macron a intentionnellement voulu aborder des sujets sur lesquels il sait l’attention des Camerounais très mobilisée», analyse d’emblée Christian Pout, président du think thank dénommé Centre africain des études internationales, diplomatiques, économiques et stratégiques (Ceides).

    L’internationaliste s’attarde sur le double format de cette prise de parole du dirigeant français. «Il relève tant de la courtoisie diplomatique que du strategic stakeholder management», pose-t-il.

    Officiellement donc, sans élaborer un corpus doctrinal, Emmanuel Macron s’est exprimé sur la situation dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Normal, admettent des observateurs. Pierre Alix Binet est de ceux-là. Le journal Le Monde explique clairement que «dans ce contexte où l’influence est devenue un critère essentiel pour peser dans les relations internationales, la France adopte une attitude défensive pour conserver ses acquis. Elle inocule cette attitude à son appendice diplomatique qu’est l’OIF». Et le politologue Belinga Zambo de conclure: «Sur la crise anglophone, la position de la France est d’emblée celle de l’OIF».

    «Liberté»
    Côté Commonwealth, parole à qui veut la prendre. La maxime est plus profitable aux «ténors». Pour leurs contributions aux débats internationaux ou problèmes internes à des entités politiques souveraines, des pays comme la Grande-Bretagne (avec son allié les États-Unis qui n’est pas membre du Commonwealth), lancent quelques bombes pour voir ce qui resterait debout, voire fleurirait.

    Avec la situation en zone anglophone du Cameroun, à Washington et à Londres, les choix des autorités camerounaises sont vécus comme des anomalies exaspérantes. La première belle preuve est servie par Peter Tibor Nagy. Le 4 mars dernier, l’adjoint au sous-secrétaire d’État américain chargé des Affaires africaines, avait invité «les autorités camerounaises à être plus sérieuses dans leur gestion de la crise anglophone».

    Le second exemple vient de Tobias Ellwood, le responsable en charge des relations avec l’Afrique et le Moyen-Orient au sein du Foreign & Commonwealth Office. Dans une correspondance officielle qu’il a signée le 2 mai 2017, il soulignait la proposition de sortie de crise faite par la Grande-Bretagne. «Nous en avons appelé à l’arrêt de l’usage de la force par les différents protagonistes, à l’obligation de respecter les droits de l’Homme, et à l’utilisation des voies légales pour la résolution de cette crise. Nous en avons également appelé au dialogue pour un retour à la normale dans les deux régions», écrivait-il.

    Jean René Meva’a Amougou 

     

  • Cameroun : Comment les inégalités de genre affectent l’économie

    Cameroun : Comment les inégalités de genre affectent l’économie

    Selon une étude du Fonds monétaire international datant d’octobre 2018, le pays perd en moyenne un demi-point de croissance chaque année, à cause des disparités de traitement entre les hommes et les femmes. Ci-dessous, l’intégralité du rapport.

     

    1. La stratégie du gouvernement en matière de croissance et d’emploi reconnaît que l’égalité de genre est essentielle pour rendre la croissance inclusive et atteindre les ODD.

    La Vision 2035 pour un Cameroun émergent affirme: « le Cameroun, un pays émergent, bâtit sur les principes de bonne gouvernance, où les femmes et les hommes jouissent des mêmes droits et participent de manière équitable et égalitaire au développement ». Cette ambition a été suivie d’effet, conduisant en quelques années à une baisse rapide de l’indice d’inégalité de genre (GII) 2, qui s’établit juste au-dessus de la moyenne de l’Afrique subsaharienne (AfSS). Il reste toutefois des obstacles à la pleine participation des femmes à l’économie. Elles sont plus souvent frappées par la pauvreté et le chômage et confinées à des activités peu rémunérées. Elles accèdent moins que les hommes aux services d’éducation et de santé. Près de 40 % des femmes sont mariées avant 18 ans, d’où des taux de fertilité et de mortalité maternelle nettement supérieurs à la moyenne d’AfSS.

    2. De plus en plus de publications soulignent le rôle de l’égalité de genre dans la croissance inclusive.
    L’égalité de genre est associée à des revenus plus élevés, à une croissance plus forte (FMI 2015, Hakura et co-auteurs 2015, Duflo 2012 et Kocchar et co-auteurs 2017), à une meilleure répartition des revenus (Hakura et co-auteurs 2015, Gonzalez et co-auteurs 2015, Ashan et co-auteurs 2017), à une économie plus diversifiée (FMI 2016) et à un meilleur accès aux services financiers (Aslan et co-auteurs 2017). D’après les estimations des services du FMI, la croissance par habitant du Cameroun pourrait augmenter d’¼ de point de pourcentage si son score GII était ramené à la moyenne de l’Afrique subsaharienne et de plus de 1 point s’il était ramené à la moyenne des 5 principaux pays émergents d’Asie (Indonésie, Malaisie, Thaïlande, Philippines et Viêt Nam) ou des 5 premières économies d’Amérique latine (Brésil, Chili, Colombie, Mexique et Pérou).
    3. Ce chapitre cartographie et compare les principales inégalités de genre existant au Cameroun en termes d’opportunités et de résultats, et évalue le coût macroéconomique de ces inégalités pour le pays.
    L’enjeu pour l’action publique est d’assurer des conditions d’égalité de genre, sans remettre en question les normes sociales et culturelles ou religieuses du Cameroun. Au vu du coût économique des inégalités de genre qui subsistent au Cameroun, l’augmentation de la contribution des femmes à l’économie irait dans le sens du programme de développement du gouvernement.

    A. Inégalités de genre au Cameroun
    Aperçu général des performances du Cameroun en matière de réduction des inégalités de genre

    4. Les indicateurs d’inégalité de genre montrent des progrès, mais il reste des efforts à faire sur l’accès des femmes aux ressources et à l’émancipation politique.

    Entre 1995 et 2015, le Cameroun a enregistré une amélioration rapide de l’indice GII, qui a presque rattrapé la moyenne de l’AfSS (graphique 1). Cette progression a été notable entre 2010 et 2012, puis s’est accrue davantage en 2013: la situation des femmes s’est améliorée en termes d’opportunités (santé) et de résultats (participation à la main-d’œuvre et émancipation politique). Les progrès récents sont liés à l’application du code électoral de 2012 lors des élections municipales, législatives et sénatoriales de 2013, qui ont porté plus de femmes à des fonctions électives, et à l’adoption de la Nouvelle politique nationale de promotion du genre en 2015 (encadré 1). Dans l’Indice mondial d’inégalités de genre (GGGI) 3 du Forum économique mondial, le Cameroun se classe au-dessus de la moyenne de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et à peu près à la moyenne des pays d’AfSS, tant pour le GGGI général que pour ses sous-indices. La performance du Cameroun dans l’indice Institutions sociales et égalité homme-femme (indice ISE) 4 montre l’importance du système juridique et institutionnel, principalement en ce qui concerne la propriété des actifs non fonciers et la violence contre les femmes, et de veiller à l’application effective des lois en vigueur.

    Inégalité des genres : les résultats
    5. Il y a eu des progrès notables dans l’autonomisation économique des femmes, domaine où le Cameroun fait mieux que ses pairs (graphique 2). Alors que le taux de participation des hommes à la main-d’œuvre a très peu évolué entre 1990–2016, passant de 80 à 82 %, celui des femmes est passé de 55 à 72 % (PNUD), ce qui a contribué à resserrer sensiblement l’écart hommes-femmes. L’enquête de la Banque mondiale sur les entreprises montre une part plus importante de femmes propriétaires d’entreprises, employées à plein temps et cadres supérieures que dans les pays pairs, à l’exception du Rwanda.

    Toutefois, des inégalités du genre persistent, principalement dans l’accès au travail formel et les niveaux de rémunération. À travail équivalent, la rémunération des femmes représente environ 67% de celle des hommes, et seulement 66 % du revenu estimé des hommes en dollars PPA. Plusieurs facteurs expliquent ces écarts : (i) faible pouvoir de négociation sur la rémunération ; (ii) les femmes occupent souvent des emplois à faible qualification et peu rémunérés5 ; (iii) chômage élevé chez les femmes avec ratio femme-homme de 1,4 en 2015 (PNUD).

    Chez les jeunes, ce même ratio n’est plus que de 1,2 notamment grâce aux programmes publics ciblant les femmes et à l’amélioration de l’accès des jeunes femmes à l’éducation.

    7. L’émancipation des femmes en politique doit être soutenue, en particulier dans les hautes fonctions au niveau régional. Les campagnes de sensibilisation ont ouvert la voie à une plus grande participation des femmes à la vie politique. Le code électoral de 2012 prescrit la prise en compte des femmes sur les listes de candidats pour les élections municipales, législatives et sénatoriales, sans toutefois fixer de quotas. En conséquence, la représentation des femmes a atteint 31 % au Parlement en 2017 (contre 13,9% en 2010), 20 % au Sénat (26 % suite aux dernières élections), 16 % au sein des conseils municipaux et 8 % parmi les maires. Toutefois, on ne compte que 17 % de femmes à des postes ministériels, et aucune parmi les gouverneurs de régions. Les femmes représentent ¼ du personnel judiciaire (juges, huissiers, notaires et avocats).

    Accès des femmes aux services de santé

    8. Les progrès ont été lents dans le secteur de la santé, en particulier pour les femmes. Entre 1990 et 2015, le taux de mortalité maternelle a peu baissé, passant de 728 à 596 décès pour 100 000 naissances vivantes, taux nettement supérieur à la moyenne de l’AfSS (474), et des pays de comparaison (graphique 3). Le pourcentage de naissances prises en charge par des personnels qualifiés demeure faible (65 %). La prévalence du VIH chez les femmes, 5,6 % en 2016, est presque deux fois supérieure au taux observé chez les hommes. De plus, le taux de fertilité demeure élevé, à 4,7 enfants par femme, en raison d’une planification familiale non satisfaite élevée (24% des femmes mariées) et du faible recours aux moyens modernes de contraception, surtout en zone rurale. La violence envers les femmes est endémique, puisque 51 % des femmes déclarent avoir été victimes de violences physiques ou sexuelles au moins une fois dans leur vie (OCDE).

    9. Des dépenses de santé faibles et peu efficientes contribuent à une piètre situation sanitaire. Les dépenses de santé au Cameroun ne sont que de 1,2 % du PIB en 2015, soit moins que la moyenne de l’AfSS (2,3 % du PIB). Les salaires représentent environ 1/5 du budget total de la santé. En 2016, 44 % du budget hors salaires a été dépensé au niveau central (contre 22 % en 2014). Les établissements de soins primaires sont mal-financés en raison de déperditions massives, ils reçoivent moins de 50% des fonds qui leur sont destinés (Banque mondiale, Revue des dépenses publiques, 2018). Ainsi, la contribution aux dépenses de santé à la charge des patients est plus élevée que dans les pays pairs. La répartition régionale inégale des dépenses de santé contribue à de fortes disparités dans la situation sanitaire des régions (graphique 3). En remédiant à ces sources d’inefficacité, à budget égal, le Cameroun pourrait améliorer ses performances de santé (mesurées par l’espérance ajustée par la santé) d’un peu plus de 4 ans ; c’est la 7e plus grande marge d’amélioration d’AfSS, Grigoli et Kapsoli (2013).

    Accès des femmes à l’éducation
    10. Les politiques gouvernementales dans le secteur de l’éducation contribuent à améliorer les résultats scolaires tant pour les hommes que pour les femmes, mais des disparités subsistent en termes de genre, de région, niveau de revenu et appartenance ethnique. Au Cameroun, l’enseignement primaire est gratuit et obligatoire, et l’État a mis en place des programmes, souvent en conjonction avec les partenaires au développement, pour améliorer l’accès à l’éducation, en particulier pour les plus vulnérables, notamment les filles. Par rapport aux pays pairs et à la moyenne des pays d’AfSS, l’écart entre les genres est plus élevé aux niveaux primaire et secondaire, et plus faible au niveau tertiaire, ce qui suggère que le taux de rétention est meilleur pour les filles au niveau de l’enseignement supérieur. Les obstacles à l’accès à l’éducation des filles sont notamment la pauvreté, les grossesses et mariages précoces, en effet 13,4 % des filles sont mariées avant 15 ans et 38,4 % avant 18 ans (tableau 1, graphique 4).

    11. Il existe d’importantes disparités d’accès à l’éducation entre les régions, qui sont renforcées par une répartition inégale du budget de l’éducation. Par exemple, les dépenses d’éducation par élève allouées à l’Extrême-Nord sont 2,2 fois plus faibles que dans le Littoral et le taux de scolarisation primaire n’est que de 65 %. Le ratio filles-garçons est aussi inférieur à 80 dans les régions du Nord, contre environ 100 sur le Littoral. Entre 2014 et 2016, la part de l’éducation dans le budget total est passée de 14,6 à 12,5 %. Le Cameroun consacre moins de ressources à l’éducation que les pays pairs, avec en 2015 3 % du PIB, contre 7,3% au Sénégal et 5,2% au Kenya.

    Accès des femmes aux services financiers
    12. Le taux d’accès aux services financiers est faible au Cameroun, restant très en deçà de la moyenne de la CEMAC et d’AfSS, mais avec un écart hommes-femmes moins important. Le taux de bancarisation des femmes est de 10,2%, contre 26,2 % pour les pays d’AfSS, mais l’écart hommes-femmes n’est que de 4 %, contre 6,8 % en moyenne en AfSS (graphique 5). L’écart chute à 2,2 % pour ce qui est de l’obtention de prêts auprès d’établissements financiers. Le taux d’utilisation de services financiers informels par les femmes est aussi élevé que celle des hommes.

    13. Les inégalités de genre en termes d’inclusion financière demeurent conditionnées par les caractéristiques socio-économiques et les innovations financières semblent bénéficier davantage aux femmes. On observe un taux de bancarisation supérieur chez les femmes que chez les hommes (inégalités de genre inversées) dans trois catégories : (i) les pauvres : les deux premiers quintiles de revenu 6 ; (ii) les diplômés de l’enseignement tertiaire ; (iii) les personnes ayant perçu un salaire dans les 12 derniers mois. Au Cameroun, l’innovation financière a tendance à bénéficier aux femmes. Dans presque toutes les catégories socio-économiques, la proportion des femmes qui utilisent une carte de crédit, possèdent un compte mobile money et effectuent des transactions au moyen d’un téléphone mobile est plus élevée que celle des hommes. Ceci met en exergue le rôle bénéfique que peuvent jouer l’innovation financière et les fintechs dans la promotion de l’accès des femmes aux services financiers.

    Aspects juridiques et institutionnels des inégalités de genre
    14. Le Cameroun a ratifié plusieurs traités internationaux qui favorisent l’égalité de genre et interdisent les violences à l’égard les femmes, mais les progrès réalisés dans leur transposition en droit national ont été lents.7 Le Code du travail et le statut général de la fonction publique interdisent toute forme de discrimination, notamment sur le genre. Toutefois, dans le Code pénal de 2017 (encadré 2) et le Code civil de 1981, il existe toujours des dispositions discriminatoires envers les femmes et ne les protégeant pas entièrement contre les violences domestiques.

    L’âge légal du mariage est de 15 ans pour les femmes, contre 18 ans pour les hommes. D’après le rapport Les femmes, les affaires et le droit de 2018, il reste des règles qui font obstacle à l’emploi des femmes : elles ne peuvent pas sans autorisation de leur époux prendre un emploi, faire une demande de passeport et de carte d’identité nationale. Les femmes peuvent exercer une activité économique et posséder des biens immobiliers ; en revanche, le mari peut interdire à sa femme de travailler dans l’intérêt du ménage, et il a le droit d’administrer, de vendre ou d’hypothéquer les biens du couple sans l’autorisation de sa femme.

    15. En outre, les coutumes et les traditions pèsent lourdement dans la mise en œuvre et l’amélioration de la législation. Le Cameroun est un pays socialement, culturellement et religieusement diversifié où coexistent deux systèmes juridiques (la common law anglaise et le droit civil français). Dans les zones rurales, le droit coutumier est souvent appliqué pour régler les litiges domestiques et fonciers, ce qui tend souvent à priver les femmes de leurs droits. En matière de succession, la plupart des traditions privilégient les hommes, en dépit de dispositions juridiques qui consacrent l’égalité de droits entre hommes et femmes. En outre, la violence basée sur le genre est très répandue (51 % des femmes interrogées) et reste socialement tolérée, ce qui fait que peu de plaintes sont enregistrées (Time, 2014) (tableau 1).

    B. Impact macroéconomique des inégalités de genre au Cameroun et gains potentiels

    16. Réduire les inégalités de genre pourrait être très bénéfique pour l’économie du pays. En partant d’estimations sur les déterminants de la croissance dans un groupe de 115 économies avancées, émergentes et en développement (FMI, 2015), une décomposition fait apparaître l’impact des inégalités de genre sur le taux de croissance du PIB réel par habitant au Cameroun par rapport aux pays d’AfSS et certains pays d’Asie (ASEAN 5) et d’Amérique latine (PAL 5) 8. Le graphique 6 montre que le déficit de croissance par rapport à l’AfSS s’explique à hauteur de ½ point de pourcentage par l’inéquité juridique envers les femmes et à hauteur de ¼ point par l’inégalité du genre. Ces contributions sont encore plus importantes si l’on compare le Cameroun avec les pays ASEAN 5 ou PAL 5, où elles peuvent atteindre 1¼ point de pourcentage, mettant en exergue les gains significatifs d’une réduction des inégalités de genre au Cameroun.

    17. La réduction des inégalités de genre pourrait améliorer l’accès des femmes aux services financiers, et, partant, réduire les inégalités de revenu. Aslan et co-auteurs (2017) ont observé que les inégalités de genre dans l’accès aux services financiers sont positivement et de manière significative corrélées aux inégalités de revenu. Cela est en cohérence avec les conclusions antérieures (FMI, 2016) qui montrent qu’en diminuant de 10 points de pourcentage l’écart de genre en matière d’inclusion financière, on pourrait réduire de 2 à 3 points de pourcentage les inégalités de genre dans la participation au marché du travail, ce qui serait bénéfique pour la croissance et la productivité.

    1 Préparé par Mamadou Barry et le Prince Tchakote.

    2 Le GII est un indice d’inégalité compilé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui mesure les inégalités de genre selon trois dimensions du développement humain — santé reproductive, autonomisation et marché du travail.

    3 Le GGGI mesure l’écart hommes-femmes dans quatre domaines : santé, éducation, économie et politique, afin d’évaluer l’état de l’égalité de genre dans un pays.

    4 L’ISE est un indice qui s’intéresse aux causes des inégalités de genre. Il se fonde sur 12 indicateurs des institutions sociales, réparties en 5 catégories: code de la famille, intégrité physique, préférence pour les garçons, libertés civiles et droit de propriété.

    5 L’enquête de 2010 sur l’emploi montre que 9 femmes sur 10 sont employées dans le secteur informel et qu’un pourcentage plus important d’hommes travaille dans le secteur public (7,2 %, contre 4,3 % des femmes) et dans le secteur privé formel (5,2 % des hommes, contre 1,9 % des femmes).

    6 Les autorités citent 17 projets soutenus par les partenaires au développement (Banque africaine de développement, Canada, France, Allemagne, FIDA, Banque islamique de développement, Pays-Bas, PNUD, Banque mondiale, etc.) ciblant les femmes et les populations vulnérables dans les régions et zones les plus touchées par la pauvreté à fin 2017.

    7 Le Cameroun a signé la Convention de l’ONU sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) en 1994, et son Protocole optionnel en 2005, ainsi que le (i) Protocole de Maputo sur les droits de la femme en Afrique en 2012.

    8 Les pays Asean 5 sont l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande et le Viêt Nam. Les pays PAL 5 sont le Brésil, le Chili, la Colombie, le Mexique et le Pérou.

    C. Recommandations de mesures de politique économique

    18. Le Cameroun a accompli des progrès rapides et importants ces dernières années dans la réduction des inégalités de genre, et il aurait tout intérêt à poursuivre dans cette voie, notamment :

    • En continuant de transposer en droit national les traités internationaux consacrant l’égalité de genre et en promulguant des décrets d’application pour rendre opérationnelles les lois existantes. L’application généralisée du nouveau Code pénal assurera une meilleure protection des femmes contre les violences et le harcèlement. Elle contribuera aussi à lutter contre les mariages précoces et la discrimination dans la scolarisation des filles, ce qui conduira à une amélioration de la santé des femmes, une diminution des grossesses précoces et un allongement de la durée de scolarisation des filles. L’organisation de formations (à l’intention des juges, des fonctionnaires locaux et des chefs coutumiers) et de campagnes de sensibilisation sur l’évolution des lois et de la réglementation, en particulier en zone rurale, favoriserait le passage du droit coutumier au droit civil.

    • Une budgétisation plus sensible au genre permettrait d’accroître les ressources et les dotations budgétaires aux secteurs de l’éducation et de la santé. La mise en œuvre de la stratégie protection sociale de 2017, l’expansion des projets des transferts en espèces, et de financement basé sur la performance dans le domaine de la santé pourraient améliorer l’efficacité et l’impact de la dépense publique sociale sur les plus vulnérables, notamment les femmes. Les dépenses d’éducation et de santé devraient être augmentées, avec une allocation régionale qui reflète les besoins de financement et une part plus importante du budget allouée à l’enseignement primaire et à la santé.

    • Encourager l’entrepreneuriat féminin et l’accès des femmes au travail formel, supprimer les obstacles d’ordre juridique restants à l’accès des femmes à la propriété et améliorer l’éducation des femmes. Cela contribuera à relever le revenu au niveau national à travers un meilleur accès à des emplois mieux rémunérés, à investir dans des activités plus rentables et à accéder au crédit, contribuant ainsi à réduire les inégalités tout en favorisant une croissance inclusive.

    • Continuer à soutenir une plus grande participation des femmes à la vie politique. Les élections sénatoriales de 2018 ont abouti à un plus grand nombre de femmes élues. Si cette tendance se confirme aux élections législatives et municipales de cette année, les réformes juridiques et institutionnelles visant à protéger et promouvoir les femmes pourraient se voir accélérées. En outre, il faut poursuivre les efforts pour permettre aux femmes d’accéder à des fonctions ministérielles et aux postes de responsabilité dans la fonction publique.

    Aboudi Ottou

  • Coopération économique : L’Union européenne vante ses atouts

    Coopération économique : L’Union européenne vante ses atouts

    Plan d’investissement extérieur (PIE), Fonds européen de développement (Fed), APE… durant tout Promote 2019, Bruxelles a braqué les projecteurs sur les opportunités de ces instruments. Objectif : s’affirmer comme le partenaire le mieux à même d’aider le Cameroun à se développer. 

    De l’Union européenne (UE), la Chine et les États-Unis, quel est le meilleur partenaire économique pour le Cameroun ? Pour les hôtesses préposées à l’accueil des visiteurs au stand de la coopération Cameroun-UE à cette 7e édition de Promote, la réponse tombe sous le sens : «C’est l’Union européenne, bien sûr!»

    «On peut se féliciter de l’équilibre des échanges entre le Cameroun et l’Europe. On est sur 1,6 milliard d’euros (1048 milliards de francs CFA) d’importations et 1,7 milliard (1113,5 milliards) d’exportations. C’est intéressant que dans la stratégie du ministère des Finances, l’Europe soit privilégiée. Parce que le déficit (Commercial) est beaucoup plus important avec Chine. En plus, il y a beaucoup plus de transferts de technologie avec les Européens qu’il y en a avec les Chinois, qui sont plus enclins à prendre les matières premières et à vendre les produits finis», explique pour sa part Emmanuel de Tailly. Le directeur général de la Société anonyme des Brasseries du Cameroun (SABC) prend alors part à une des multiples activités organisées par Bruxelles tout au long du salon.

    Déploiement
    Même s’ils se gardent d’adopter une approche comparative, les officiels européens passent le même message comme à plusieurs éditions de Promote déjà. «Cameroun-Union européenne : un partenariat pour une croissance inclusive et durable», peut-on par exemple lire sur presque tous les supports de communication distribués à l’occasion.

    Pour convaincre de cela, les petits plats ont été mis dans les grands : un stand de 150 m2 aux couleurs bleu et blanc de l’Union, avec une salle de réunion de 50 m2, une salle VIP de 25 m2 et un hall de 75 m2, dédié à l’accueil des visiteurs et animé par une équipe de six personnes comprenant: deux de la délégation de l’UE au Cameroun, deux de la Banque européenne d’investissement (BEI) et deux de la Cellule d’appui à l’ordonnateur national du Fonds européen de développement (Caon-Fed). Ces personnes sont aidées par six hôtesses. Pour l’animation, une quinzaine d’ateliers, séminaires et conférences ont eu lieu. Tout cet appareil a été mis en branle pour magnifier l’action de l’UE au Cameroun et réfléchir à la consolidation de la coopération économique entre les deux parties. Une équipe, conduite par Carla Montesi, directrice « Planet and Prosperity » à directeur général de la coopération du développement de la Commission européenne (Devco), est même venue de Bruxelles pour la cause.

    Livre d’or
    Plusieurs actions ont été mises sur pied: un état des lieux de la mise en œuvre de l’Accord de partenariat économique (APE) entre le Cameroun et l’UE a été fait (voir page 12) ; la participation au lancement du Plan d’investissement extérieur pour le Cameroun et l’Afrique centrale (PIE, voir page 11) ; la signature de deux conventions pour le financement du projet d’interconnexion électrique entre le Cameroun et le Tchad, et le projet de renouvellement de la ligne chemin de fer entre Bélabo et Ngaoundéré (voir colonne page 11) ; un échange sur les astuces pour exporter vers l’Europe, le climat des affaires au Cameroun, le système d’indemnisation d’expropriation foncière, la valorisation des richesses des forêts camerounaises entre autres.

    Des 400 personnes en moyenne qui ont, chaque jour, participé à ces activités ou visité le stand, on compte plusieurs directeurs généraux et une demi-dizaine de ministres. Ces derniers ont signé le livre d’or. «Merci pour le formidable travail que vous faites pour booster l’économie camerounaise», écrit le Premier ministre Joseph Dion Ngute. «Votre appui au gouvernement, et surtout au secteur privé, est de nature à nous rapprocher de l’objectif de l’émergence en 2035», indique pour sa part le ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, Alamine Ousmane Mey. «La coopération Cameroun-Union européenne est très porteuse et recèle d’infinies possibilités de codéveloppement», soutient à son tour le ministre des PME, de l’Économie sociale et de l’Artisanat, Achille Bassilekin III. «Puissions-nous faire ensemble plus et mieux encore!», exhorte donc le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Grégoire Owona.

     

    Aide au développement 

    Yaoundé capte près de 400 milliards de CFA en six ans

    C’est ce qui ressort de la dernière revue du portefeuille de coopération financière entre le pays et l’Union européenne.

    À Promote, le Cameroun et l’Union européenne ont signé, le 21 février, deux conventions pour le financement de deux projets (interconnexion électrique entre le Cameroun et le Tchad et renouvellement de la ligne de chemin de fer entre Bélabo et Ngaoundéré). En vue de leurs réalisations, l’Union européenne va contribuer, sous forme de don, pour plus de 35 milliards de francs CFA. C’est ce que l’on appelle l’aide au développement. Avec ce nouvel apport financier, les concours actifs du même type de l’UE au Cameroun s’élèvent désormais à 369,5 milliards de francs CFA. Au regard de la programmation annuelle en cours, soutient-on à la Cellule d’appui à l’ordonnateur national du Fonds européen de développement (Caon-Fed), ce montant pourrait atteindre les 387 milliards à fin 2019, soit plus du double des 184,71 milliards de francs CFA dédiés au Programme indicatif national (Pin) du 11e Fed du pays.

    Perspectives
    À la Caon-Fed, la performance est présentée comme un exploit, dans la mesure où cette enveloppe n’intègre pas les financements de la protection civile et des opérations européennes d’aide humanitaire (qui sont des fonds d’urgence non programmés) encore moins les prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI). «Le Cameroun est l’un des rares pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) à avoir doublé son enveloppe du Pin. Nous le devons aux ministres qui se sont succédés à la tête du ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, depuis le lancement en 2014 du 11e Fed.

    Louis Paul Motaze et Alamine Ousmane Mey se sont vraiment montrés réceptifs et attentifs à nos propositions», explique-t-on.
    Avant la fin de l’Accord de Cotonou (qui régit les relations entre l’Union européenne et les pays ACP jusqu’en 2020), le Cameroun devrait capter davantage. Au Fonds européen pour le développement (Fed), s’est en effet ajouté un nouvel instrument : il s’agit du Plan d’investissement extérieur (PIE). Lancé pour le compte de la sous-région Afrique centrale lors du salon Promote, le PIE contient encore, pour sa phase pilote, qui s’achève en 2020, 524 milliards de francs CFA à consommer par les pays ACP. Ces fonds sont attribués par ordre d’arrivée et en fonction de la qualité des dossiers et le niveau de maturation des projets. Yaoundé devrait donc bien se préparer et se grouiller.

    Aboudi Ottou

    Offensive commerciale

    La Belgique vise l’Afrique centrale 

    Bruxelles ambitionne d’augmenter sa présence dans les six pays de la sous-région.

     

    Les ambitions de la mission économique belge au Cameroun étaient sans doute trop grandes pour être contenues dans les hangars abritant les missions diplomatiques au 7e Salon international de l’entreprise et de la PME et du partenariat de Yaoundé (Promote). En tout cas, ladite mission a décidé de construire elle-même son stand en première place de ce rendez-vous biennal des affaires.

    Ce n’est donc pas un hasard si le gratin politique et économique, présent à la foire Promote, a fait escale dans ce pavillon. Comme en témoigne la présence, vendredi 22 février, de Ferdinand Ngoh Ngoh. Le ministre d’État, secrétaire général de la Présidence de la République, n’a pas manqué de s’arrêter au pavillon de la Mission économique belge afin d’échanger, durant plusieurs minutes, avec les chefs d’entreprises présents.

    Partenariats
    Ils étaient en effet une centaine de patrons belges à avoir répondu présent à l’appel des bonnes affaires du salon Promote cette année. Précisément, il s’agit de 53 entreprises et de 60 PME dans des domaines aussi variés que le BTP, l’architecture, la logistique portuaire, la transformation du bois, la finance, les cabinets d’avocats, l’industrie agricole, etc.
    Ces secteurs utilisent le Cameroun comme base pour permettre à la Belgique de se projeter dans la sous-région Afrique centrale. Certains exposants reconnaissent volontiers que depuis quelques années, le royaume belge a développé des produits orientés vers Afrique centrale, notamment dans la filière bois. Et le salon Promote offre une plateforme d’échanges de choix pour nouer de nouveaux partenariats.

    Pour le reste, la Belgique c’est des exportations de produits vers le Cameroun, à l’instar du matériel de transport avec 25% du total, suivi des produits de l’industrie pharmaceutique (14%), des produits de l’industrie alimentaire et des boissons (13%), ainsi que les machines et le textile (12%).

    Iféli Amara 

    Financement de l’investissement 

    524 milliards de francs CFA encore disponibles

    C’est ce qui reste dans la cagnotte du Plan extérieur d’investissement dont la phase pilote s’achève en 2020. 

    Depuis son lancement en fin novembre 2017 lors du dernier sommet Afrique-Europe tenu à Abidjan en Côte d’Ivoire, le Plan d’investissement extérieur (PIE) a fait du chemin. Il s’agit d’un mécanisme adapté à une meilleure organisation ou gestion des fonds publics, dans l’optique de mobiliser et encourager l’investissement privé. On en est aujourd’hui à 94 opérations de financements mixtes et 28 facilités de garanties approuvées pour une contribution totale de l’Union européenne (UE) de près de 2 500 milliards de francs CFA (3,7 milliards d’euros). L’effet de levier de cette initiative a permis de soutenir des projets d’investissement à hauteur de 24000 milliards de francs CFA (37 milliards d’euros) en Afrique et dans les pays du voisinage de l’UE.

    Mais à plus d’un an de la fin de la phase pilote de ce nouveau mécanisme européen de financement, et alors qu’il ne reste plus que 524 milliards de francs CFA dans la cagnotte, le Cameroun n’en a pas encore bénéficié. Pour sensibiliser les acteurs institutionnels et privés, l’UE a procédé, le 21 février dernier, au lancement du PIE au Cameroun et en Afrique centrale, et organisé une conférence sur la question pendant le salon Promote.

    Gros enjeux
    À l’occasion, l’on a appris que le PIE sert à financer des garanties auprès des banques, pour qu’elles financent plus facilement les PME. Une partie de l’argent sert aussi à apporter l’assistance technique (Conseils, tutorat…) à ceux qui entreprennent sur le continent, de préférence dans les énergies renouvelables et la connectivité, l’agriculture, l’agro-industrie et le numérique. Une autre servira à faire le mixage de dons-prêts pour permettre aux États de financer leurs infrastructures à des conditions concessionnelles.

    Pour mettre en œuvre des garanties, l’UE s’appuie sur certaines institutions financières internationales. Il s’agit entre autres de la Banque européenne d’investissements (BEI), l’Agence française de développement (AFD), la Banque africaine de développement (Bad), la Société financière internationale (SFI) et le Kreditanstalt Fuer Wiederaufbau (KFW). Elles ont d’ailleurs présenté une partie des 28 garanties appuyées par l’UE dont elles ont la charge, notamment celles portant sur les domaines de l’énergie durable, les petites entreprises, l’économie numérique et la santé.

    Les acteurs publics et privés gagneraient à vite maitriser les rouages de ce nouvel instrument qui devra servir dans la mise en œuvre du cadre financier pluriannuel 2021-2027, au profit de l’Afrique subsaharienne, d’une enveloppe financière de 32 milliards d’euros (20 960 milliards de francs CFA).

     

    Carla Montesi

    «Nous mettons en place de nouveaux outils de financement» 

    La directrice à la direction générale du développement de la Commission européenne fait la lumière sur le Plan d’investissement extérieur (PIE). 

    Quelle est la différence entre les instruments de coopération actuels et le Plan d’inves-tissement extérieur de l’Union européenne ? Qu’est-ce que ce plan apporte comme plus-value? 

    Notre coopération avec le Cameroun est extrêmement ambitieuse. Nous avons un portefeuille actif de près de 400 milliards de francs CFA. Aujourd’hui nous lançons le Plan d’investissement extérieur (PIE) avec de nouveaux mécanismes de financement. En effet, nous savons que l’aide traditionnelle publique n’est plus suffisante pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD). Nous voulons que le secteur public agisse comme un moteur de développement pour contribuer à l’émergence du Cameroun.

    Donc, ces nouveaux mécanismes financiers servent à appuyer la réponse des institutions financières intermédiaires pour qu’elles soient plus disposées à financer les projets d’investissement du secteur privé. Cet appui concourt à réduire les risques des institutions financières. Cette réduction du risque fera qu’un entrepreneur, qui aujourd’hui n’arrive pas à obtenir un crédit, de l’avoir pour un investissement dans les secteurs de développement prioritaire comme l’agriculture, l’énergie, le digital.

    C’est cela la garantie de l’Union européenne ?
    Exactement. Pour résumer, l’Union européenne va mettre des garanties à la disposition des institutions financières internationales, qui vont à leur tour être en contact avec les intermédiaires financiers locaux pour financer et soutenir des projets d’investissements dans le pays.

    Parmi les entraves à l’accès au financement européen, le secteur privé cite notamment la lourdeur des procédures. Est-ce que cette question est adressée dans le PIE ?
    Les procédures sont là pour assurer la transparence dans l’octroi des crédits. Donc les procédures doivent être respectées. Au-delà des procédures, nous mettons en place de nouveaux outils de financement que nous n’avions pas avant, et qui permettent de couvrir une partie des risques des institutions financières de manière à permettre qu’elles puissent octroyer plus facilement des crédits aux investisseurs privés. Outre la facilitation de l’accès au crédit, nous sommes aussi prêts à financer des réformes visant l’amélioration du climat des affaires, autres problèmes souvent mentionnés par le secteur privé. Le PIE finance par ailleurs l’assistance technique permettant de rendre le projet d’un investisseur privé banquable. On le sait, le mauvais montage des projets est souvent aussi une des entraves à l’accès au financement.

    Propos recueillis par

    Aboudi Ottou 

    Fiche projet 1

    Titre: Renouvellement de la ligne de rail entre Bélabo et Ngaoundéré
    Durée: 10 ans et 1 mois
    Coût total du projet: 100,87 milliards de francs CFA (estimation)
    Contribution de l’UE: 15,44 milliards de francs CFA (en don)
    Partenaire de mise en œuvre: Banque européenne d’investissement (avec cofinancement de l’Agence française de développement)
    Bénéficiaires finaux: Cameroun et Tchad
    Objectif global: intégration régionale, amélioration du transport durable des personnes et marchandises, désenclavement du Tchad
    Objectifs spécifiques: i) augmentation du transport de marchandises et des passagers sur la ligne, avec la baisse des coûts de transport, ii) ‘modal shift’ de la route à la voie ferrée pour le transport des personnes et marchandises, avec impact positif sur l’environnement et sur les coûts d’entretien routier, iii) la sécurité du transport ferroviaire est améliorée, avec des limitations sur la vitesse maximale et charge à l’essieu enlevé (vitesse et charge sont actuellement limitées pour soucis de sécurité liés à la mauvaise condition de l’infrastructure sur ce tronçon)
    Activités prévues: réhabilitation et amélioration d’une section de 330 km de ligne entre Bélabo et Ngaoundéré et mise en œuvre du Plan de gestion environnemental et social (PGES)
    Création d’emplois: à quantifier

    Fiche projet 2
    Titre: Projet d’interconnexion des réseaux électriques entre le Cameroun et le Tchad (Pirect)
    Durée: 4 ans
    Coût total du projet: 261,34 milliards de francs CFA (estimation)
    Contribution de l’UE: 19,65 milliards de francs CFA (en don)
    Partenaire de mise en œuvre: Banque africaine de Développement (avec participation de la Banque Mondiale)
    Bénéficiaires finaux: communes et population de 409 localités du Nord et de l’Extrême Nord (Cameroun) et de 69 localités au Tchad, pour une population bénéficiaire totale estimée à 945 000 personnes
    Objectif global: améliorer l’offre, la fiabilité et l’accessibilité de l’électricité au Cameroun et au Tchad
    Objectifs spécifiques: i) procéder à des échanges transfrontaliers d’électricité aux meilleurs prix et issue d’énergies renouvelables, ii) promouvoir le commerce de l’électricité et l’intégration régionale et iii) améliorer l’accès à l’électricité des ménages en milieu rural dans la zone couverte par le projet

    Activités prévues: construction de 1024 km de ligne HT 225 kV (ligne principale entre N’Gaoundéré au Cameroun à N’Djamena au Tchad et bretelle Maroua-Bongor-N’Djamena) ; construction de 7 postes de transformation HT/MT associés ; construction de réseaux de distribution, pour l’électrification rurale, le long des couloirs de ligne, pour 478 localités (409 au Cameroun et 69 au Tchad) pour une population bénéficiaire totale estimée à 945 000 personnes ; mise en œuvre du Plan de gestion environnemental et social (PGES)

    Création d’emplois: 350 emplois directs temporaires dont au moins 15% occupés par femmes/filles ; 250 emplois directs et indirects permanents, dont au moins 40 pour femmes/filles

     

    Importations

    L’APE ne fait pas courir 

    Du fait d’une conjonction de raisons, nombre d’importateurs ne sollicitent pas des exonérations de droits de douane garanties par cet accord de libre-échange.

    SABC, première bénéficiaire de la préférence fiscale de l’APE

    À la faveur du Comité APE (instante bipartite de supervision de la mise en œuvre de l’Accord de partenariat économique entre le Cameroun et l’Union européenne) tenu les 18 et 19 février 2019, la douane camerounaise a produit une fiche technique sur le démantèlement tarifaire au 31 janvier de cette année. Il en ressort que les pertes fiscales dues à la suppression des droits de douane, du fait de l’APE, s’élèvent à 7 milliards de francs. Le montant bas de cette moins-value fiscale cache en fait une autre réalité: l’APE ne fait pas courir.

    «Malgré la sensibilisation qui a été effectuée, on a le sentiment que les opérateurs n’ont pas globalement suivi le mot d’ordre. À titre d’illustration, nous avons, en fin janvier 2019, un impact sur les recettes douanières de 7 milliards de francs CFA, alors que si tous les produits éligibles avaient accédé à la préférence, l’impact serait de 22,5 milliards», indique Raphaël Hamadjam. C’est ce chargé d’études à la division des statistiques de la direction générale des douanes qui a représenté son institution lors de la conférence sur l’état des lieux de la mise en œuvre de l’APE, organisé par l’Union européenne dans le cadre du salon Promote.

    Au cours des trois phases (du démantèlement tarifaire NDLR), seuls à peu près 20% des opérateurs ont constamment eu accès à la préférence tarifaire. Ça veut dire que, d’une phase à une autre, nous avons un nombre impressionnant d’opérateurs qui ne reviennent pas (solliciter la préférence NDLR). Ils ont pourtant continué d’importer», ajoute-t-il, suggérant que la réalisation d’une étude serait nécessaire pour comprendre ces variations.

    Taux de change
    Mais les premiers éléments de réponse sont venus du directeur général de la Société anonyme des Brasseries du Cameroun (SABC), parmi les plus grands importateurs du pays. Pour Emmanuel de Tailly, les importateurs ont le choix entre deux grandes zones d’importations que sont l’Europe et l’Asie. Ils les utilisent en fonction des fluctuations du taux de change entre l’euro et le dollar. L’APE ne serait donc pas le seul critère dans le choix d’une zone d’importation. La fluctuation de la parité entre l’euro et le dollar peut bien pousser un importateur à se détourner du marché européen, en dépit de la possibilité de faire entrer la marchandise provenant de l’Union européenne en franchise de droit de douane. À en croire d’autres experts, d’autres importateurs utilisent d’autres instruments qu’ils jugent plus avantageux. Il s’agit par exemple de la loi de 2013 sur les incitations à l’investissement, qui prévoit aussi des exonérations de droits de douane.

     

    L’impact sur le panier de la ménagère toujours attendu  

    «Le Comité a aussi donné lieu à de premiers échanges sur la mise en place d’un dispositif pour l’évaluation et le suivi de l’accord. Nous savons que pendant les premiers 55 mois du démantèlement, les entreprises bénéficiaires ont profité d’une réduction de leurs droits de douane d’environ 7 milliards francs CFA. Mais nous n’avons pas encore assez de visibilité, et cela affecte le chiffre d’affaires des entreprises ou les prix pour les consommateurs. Il est donc prioritaire de commencer à suivre ces effets de plus près, afin de nous assurer que les effets du démantèlement bénéficieront effectivement aux opérateurs économiques et aux consommateurs camerounais», indique l’ambassadeur, chef de délégation de l’UE au Cameroun. Hans-Peter Schadek ouvre ce 22 février la conférence sur les APE au salon Promote 2019.

    Du représentant de la direction générale des douanes camerounaises au débat, l’on apprend que, sur 391 opérateurs ayant bénéficié de la préférence relative à l’APE, 50 captent 89,4 % du total des exonérations douanières (voir tableau), chiffrées à 7 milliards de francs CFA au 31 janvier 2019. Et la Société anonyme des Brasseries du Cameroun s’en tire avec 824 millions de francs CFA, soit près de 12 % du gain total, suivi par l’importateur de papier, Global Learning and Tech, qui engrange 615 millions de francs CFA, soit 8,8 % du gain total.

    Ces exonérations peuvent-elles avoir un impact sur le prix final du produit ? À cette question, le DG de la SABC a répondu par la négative. Selon Emmanuel de Tailly, les exonérations obtenues par son entreprise entre 2016 et 2018 ne représentent que 0,8 % des 100 milliards de francs CFA de droits de douane payés sur la même période et 0,2 % de point de marge gagnés. «Cet avantage va vers la promotion des matières premières locales (maïs, sucre…) qui ont un déficit de compétitivité de l’ordre de 35 % par rapport à l’Europe, le Brésil ou le Salvador». Ces subventions indirectes seraient donc, à en croire le DG de la SABC, destinées à compenser ce déficit de compétitivité de la matière première locale.

    Une partie des gains serait par ailleurs réinvestie dans les équipements pour contribuer à un investissement qui s’élèverait chaque année à 20 milliards de francs CFA. Cet effort viserait à réduire le déficit de compétitivité industrielle du Cameroun que la SABC évalue à 25%. «Une bière produite au Cameroun à 100 francs CFA vaudrait en Europe 75 francs CFA», explique Emmanuel de Tailly. Pour le DG de la SABC, «si on veut s’ouvrir à l’international, il faut absolument combler ce déficit de compétitivité». «Nous investissons donc massivement pour garantir notre business model, mais également pour être plus compétitif sur les accords de libre-échange qui ne vont pas tarder à naitre», indique-t-il. Les consommateurs attendront encore avant de goûter aux effets de l’APE.

     

  • Promote 2019 : pris en flagrance de résultats

    Promote 2019 : pris en flagrance de résultats

    Les avis sur la réussite du salon se comptent à la pelle. Tour d’horizon. 

    Promote 2019, événement populaire

    Face aux journalistes le 23 février dernier, Pierre Zumbach n’a pas voulu prendre des risques. Interrogé sur le bilan, le président de la Fondation internationale Inter-progress a préféré attendre le baisser de rideau définitif de la 7e édition du Salon International de l’Entreprise, de la PME et du Partenariat de Yaoundé. En tout cas, «on peut dire que, globalement, c’est réussi», selon le Suisse. Enrobée de prudence, la déclaration du patron de Promote constitue néanmoins le parti pris de Joseph Dion Ngute. En visite sur le site le 20 février 2019, le Premier ministre camerounais a apprécié l’offre pléthorique des produits made in Cameroon. «À mi-parcours, ce salon donne aux uns et autres l’occasion de découvrir, durant quatre jours une offre encore plus riche et diversifiée de notre destination», a confié le chef du gouvernement aux journalistes de la chaîne de télévision privée Canal 2 International.

    Fréquentation
    Sur le même média, Luc Magloire Mbarga Atangana, ministre du Commerce (Mincommerce) et par ailleurs mandant du gouvernement dans le cadre de cet évènement, s’est senti heureux. Dans un étonnant accès de spontanéité, il a affirmé qu’«au fil des éditions, la fréquentation de Promote demeure la même». Selon la grille d’évaluation du Mincommerce, «il s’agit d’un cru exceptionnel côté fréquentation». La preuve: lors des débats, parfois techniques ou pour le moins réservés aux professionnels, un public est venu nombreux. Par exemple, la salle était comble pour la conférence sur l’entrepreneuriat digital. Même Minette Libom Li Liken, la ministre des Postes et Télécommunications était étonnée de voir autant de monde assister au débat. Dans l’un des compartiments du pavillon numérique prévu pour rassembler près de 400 personnes, il n’y avait pas un siège de libre. Beaucoup d’adolescents dans l’assistance.

    Rencontres
    Cela laisse entendre que le salon est resté indéniablement un grand évènement populaire. On a pu le remarquer pendant les trois derniers jours où une offre éclectique, tant du point de vue des thématiques et des acteurs, a parfois mis dans l’embarras. Sinon, comment le dire ? L’artiste-musicien camerounais Jiosco l’Inquiéteur a eu très envie de dire du bien de Promote 2019. «Je rentre content!», s’est-il enthousiasmé, sans plus de précision. Seulement, au terme de son tour du site, la vedette du bikutsi ne s’est pas empêchée de conclure que «Promote c’est une série d’additions de rencontres positives, émouvantes». Plus concret, Pierre Zumbach parle de plus de 5 000 rencontres B to B.

    Et dans la faune des exposants, on parle des répercussions importantes ou très importantes sur les activités. Christophe Ebanda, un jeune promoteur de PME, avoue avoir beaucoup appris sur le rôle de l’entrepreneur dans la recherche ou la création d’opportunités, que celles-ci s’appliquent sur un nouveau produit, une nouvelle façon de produire ou d’offrir ce dernier, ou encore, sur la création d’une nouvelle entreprise. «Belle expérience, en tout cas!», marmonne ce «nouveau venu» à Promote.

    Affaires
    Venu de l’Extrême-Nord, un vieil artisan se frotte les mains. Il explique que le chiffre d’affaires obtenu dans les premiers jours du salon est largement supérieur à celui d’un jour ordinaire en dépit du rabais.

    Dans le secteur agroalimentaire, les premiers comptages montrent que les flux se présentant devant les étals sont supérieurs à ceux des jours ordinaires, voire à ceux d’une veille de fête. Ainsi, au cours de Promote, des pointages aux mêmes heures sur plusieurs jours indiquent un flux moyen de soixante clients. «À certains moments, je comptais plus de cent clients, majoritairement des femmes», se félicite Arnaud, tenancier d’un «point chaud», réputé pour les bières en cannette bon marché. Petit hic, une bonne partie du public aurait aimé compter les géants du secteur brassicole camerounais dans les stands.
    Pour ses prochaines éditions, il est fort probable que Promote déménage. «Il devient nécessaire de repenser le site», avise Pierre Zumbach. Le travail de veille de la Fondation Inter-Progress vient de conclure qu’au palais des Congrès de Yaoundé, l’espace commence à manquer. Cette situation se conjugue au même temps que celle des bouchons au Boulevard Jean-Paul II. «Nous préparons un rapport intitulé Promote à la croisée des chemins, pour les hautes autorités», annonce Pierre Zumbach.

     

    Jean-René Meva’a Amougou

     

    Secourisme : La Croix-Rouge camerounaise en alerte à Promote

     

    Durant le salon, l’institution a mis en place un dispositif de vigilance, doublé de la sensibilisation et des séances pratiques de prise en charge des urgences. 

    Ce 22 février 2019, dans l’après-midi, un fait divers fait le tour du site de Promote. L’on rapporte qu’il y a quelques minutes, un chien a mordu un jeunot à l’une des entrées du site. «Pour ce type de cas, nous sommes en première ligne», affiche Fabrice Ewane, en posture de patron de l’un des stands de la Croix-Rouge camerounaise (CRC) à Promote 2017. Le propos n’a rien de fortuit. Il est lié à la particularité du travail des volontaires de cette institution en pareille circonstance. Sur place, l’équipe humanitaire ne perd pas le dynamisme de son élan. «Nous sommes préparés à gérer au plus vite les situations les plus légères», affirme Fabrice Ewane. Ce qui signifie, selon lui, que des cas graves sont conduits directement dans les bons hôpitaux.

    Activité
    De façon générale, des capacités en premiers gestes ont été identifiées pour répondre à un possible surcroît d’activité constaté tant chez les exposants que chez les visiteurs. Une volontaire fait d’ailleurs savoir que ses camarades et elle-même guettent les signes avant-coureurs. «Cela peut être des troubles de conscience, de l’obnubilation, de la vigilance. Il faut éviter les complications majeures qui sont causées par cette grande fatigue, la déshydratation et les coups de chaleur», récite-t-elle.
    Au-delà, l’autre axe du séjour de la CRC à Promote est consacré à la sensibilisation et à la présentation de l’action humanitaire. «Pour nos visiteurs, dévoile Fabrice Ewane, nous tenons un module englobant la notion de risque, la connaissance des acteurs de la gestion des risques, l’organisation des secours, les consignes à appliquer en cas d’incident, l’engagement pour autrui».

    De fait, la présentation même des deux stands bouscule les présentations convenues des autres. À l’entrée de chacun, une exposition de matériel de secours et de mannequins est proposée. On procède aux opérations de démonstration de secours à personnes en difficulté suite à une hémorragie, suite à un accident à domicile, un arrêt cardiaque et un accident sur la voie publique.

    Jean-René Meva’a Amougou

     

    Modeste Mopa : «La loi de finances 2019 a consacré des mesures fiscales de promotion socio-économique»

    Le directeur général des impôts les a présenté à lors de la 7e édition de Promote.

     

    Si on peut comprendre qu’une entreprise recherche de la visibilité et des rencontres au Salon Promote, quel est l’intérêt pour la direction générale des impôts de participer à un tel évènement ?

    Le Salon international de l’entreprise, de la PME et du partenariat est  un espace de promotion des entreprises qui sont les principales clientes de la direction générale des impôts. L’administration fiscale saisi donc cette occasion pour communiquer sur toutes les réformes qu’elle entreprend au quotidien pour améliorer la qualité de service offert aux usagers et renforcer le civisme fiscal.

    Quelles sont les principales innovations que vous apportez donc à vos clients au titre de cet exercice 2019 ?

    La loi de finances pour l’exercice 2019 a consacré des mesures fiscales qui s’inscrivent en droite ligne des orientations de politique fiscale prescrite par le président de la République dans sa circulaire du 18 juin 2018. A cet effet, des mesures fiscales de promotion socio-économique et environnementale ont été instituées notamment :

    • En ce qui concerne les ménages, il s’agit du relèvement des tranches d’eau et d’électricité exonérées de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA). A titre d’exemple, si un ménage donné consomme de 0 à 20 mètre cubes d’eau et de 0 à 220 kilo watt, il bénéficie d’une exonération de la TVA sur ces consommations ;
    • S’agissant des entreprises, il s’agit du renforcement du régime fiscal des entreprises implantées dans les zones économiquement sinistrées avec l’institution d’un crédit d’impôt de 30% ;
    • Pour ce qui est des salariés, il faut noter l’institution d’un abattement de 30% pour le calcul de l’impôt forfaitaire des mandataires et des agents commerciaux ;
    • Le gouvernement a également prévu l’amnistie pour le paiement de l’impôt sur les revenus fonciers et les droits de succession ;
    • Il est important de rappeler que les créanciers de l’Etat notamment les structures en attente de mise à disposition des subventions de l’Etat peuvent désormais bénéficier d’une attestation de non redevance bien qu’ayant des dettes fiscales ;
    • Il faut dire qu’au titre de l’exercice 2019, les propriétaires immobiliers vont payer la taxe sur la propriété foncière sans pénalités des années antérieures…

    Voilà quelques mesures fiscales que le gouvernement a prévues dans le cadre de la promotion socio-économique.

    Quelles sont les attentes de la direction générale des impôts au terme de cette participation au Salon Promote ?

    Au terme de cet évènement, il est souhaité que les entreprises ainsi que les contribuables perçoivent l’administration fiscale comme une administration soucieuse de l’amélioration de la qualité des services offerts et de l’amélioration du climat des affaires à travers la réduction des délais et la flexibilité dans le cadre de l’accomplissement des obligations fiscales. D’où le thème téléprocédures comme levier de facilitation des obligations fiscales retenu à l’occasion de la journée des impôts, le jeudi 21 février 2019. Il s’est agi pour la direction générale des impôts de présenter les avantages de la dématérialisation des procédures de déclaration et de paiement des impôts et taxes.

    Propos recueillis par

    Bobo Ousmanou

     


    Spécial PROMOTE 2019 / INDUSTRIE

     

    Cameroun : Passer de l’épuisement à la relance de la dynamique

    Tel est, selon les experts réunis le 16 février 2019 pour le Forum de l’industrie camerounaise au Palais des Congrès de Yaoundé, le chemin à suivre pour redonner vie au secteur. 

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    Les experts sont unanimes: pour soutenir sa croissance au cours des vingt prochaines années, le Cameroun devra changer de stratégie économique, car les conditions internes au pays et celles qui prévaudront dans le monde seront très différentes de celles des trois dernières décennies. Entre les visions qui prédisent son prochain effondrement et celles qui annoncent son irrésistible ascension, comment se faire une idée de l’avenir du secteur industriel camerounais? À Promote 2019, différents acteurs ont surtout dessiné des scénarios à long terme pour l’économie nationale, anticipant même sa montée en puissance.

    Politiques
    Si, pendant les travaux en ateliers, les avis ont divergé du fait de la méthode et de l’horizon retenus, les conclusions se rejoignent sur le fait qu’au cours des prochaines années, le Cameroun poursuivra sa trajectoire de rattrapage industriel. Ses entreprises exportatrices devront évoluer vers des productions à plus forte valeur ajoutée, et améliorer leur positionnement sur la gamme de prix et de qualité. Cette montée en gamme exigera une main-d’œuvre plus qualifiée et mieux rémunérée, des capacités d’innovation technologique. C’est la voie qu’ont empruntée, en leur temps, le Japon, la Corée du Sud ou Taïwan.

    Sur la foi de ces «success-stories» asiatiques, Célestin Tawamba décrit l’ensemble des politiques et des réformes qui permettraient de concilier les ambitions de développement du pays avec les contraintes qui s’imposent à lui au cours des vingt prochaines années. Selon le président du Gicam (Groupement inter-patronal du Cameroun), «l’ampleur des transformations requises est considérable». «Car, affirme-t-il, avec son poids économique dominant et des interactions toujours plus fortes avec les pays de la sous-région Afrique centrale, il sera de plus en plus difficile au Cameroun d’isoler ses préoccupations intérieures de sa politique internationale». Concrètement, il s’agit de l’élaboration d’une politique industrielle qui prévoit les chocs et les ruptures de tendance, qui abondent dans l’histoire économique.

    État
    Sur un autre versant, les analyses sur le processus de transformation industrielle du Cameroun ont montré que les marchés seuls ne suffisent pas pour garder le cap. «Il y a aussi là l’implémentation d’une véritable politique industrielle, pour jouer un rôle de facilitateur dans la modernisation et la diversification économique, afin d’atteindre un changement structurel rapide», soutient Audrey Chicot. Dans le fond, l’exposé de la patronne de Multi Services et Matériel (MSMI), principale usine métallurgique du Cameroun, suggère le rôle de l’État-facilitateur. «Dans cette dynamique d’innovation sectorielle, l’action de ce dernier consiste à résoudre les problèmes de coordination, et d’assurer l’externalisation des activités d’innovation, en comblant les défaillances du marché liées au processus de l’innovation et la défaillance systémique», théorise l’industrielle camerounaise.

    En guise de réponse, le Dr Gabriel Dodo Ndoké, ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique (Minmidt) assure que «pour atteindre ses ambitions, le gouvernement chinois met en place des politiques industrielles et de l’innovation visant à promouvoir l’émergence de nouvelles industries énergétiques, et augmenter la capacité d’innovation de ses entreprises». Pour sa part, le membre du gouvernement pense que le pragmatisme de la politique industrielle du Cameroun a obtenu des résultats fructueux. Même si, dans la salle, des voix s’élèvent pour mettre à nu les défaillances manifestes dans la coordination par l’État et le système sectoriel d’innovation.

    Jean-René Meva’a Amougou

    Facettes cachées

    Selon des chefs d’entreprises, le problème du financement des PME cache mal une mauvaise maîtrise des équilibres économiques par les décideurs publics.

    «Le Cameroun soigne ses PME». On aura compris que Gabriel Dodo Ndoké ne choisit pas fortuitement le verbe à l’entame d’une interview, au sortir du colloque international sur l’industrie camerounaise ce jour. D’ailleurs, il se charge lui-même d’en donner la signification. À en croire le Minmidt, «il (le verbe, NDLR) traduit bien le phénomène d’attraction qu’exerce cette catégorie d’entreprise dont le nombre et la contribution à la richesse nationale justifient les soins qu’on y apporte». Traduction : d’un côté, les pouvoirs publics choient les PME, comme l’atteste l’impressionnant empilement de dispositifs publics leur permettant d’exprimer leur potentiel de croissance, d’emploi, d’innovation, d’expansion géographique, etc.

    De l’autre, l’État en prend grand soin, car ces entreprises, structurellement vulnérables, ont besoin d’être aidées pour survivre. Les manifestations de cette sollicitude sont visibles. Exemple : au cours de l’exercice budgétaire 2018, le gouvernement a ouvert une ligne de crédit d’un montant de 76 milliards de francs CFA dans les livres de la Banque camerounaise des petites et moyennes entreprises (BCPME). Ce jour, les promoteurs de PME sont d’accord au niveau des positions de principe.

    Discorde
    Seulement, lorsqu’on aborde la problématique des subventions aux PME à vocation industrielle, la vaste majorité d’entrepreneurs demande à ce qu’il y ait des réformes profondes. Sur la base de son vécu, Audrey Chicot estime que le cœur du problème se situe au niveau du système d’information et de la méthodologie d’action. «Jusqu’ici, en matière d’accompagnement des PME industrielles, l’État n’a pas les outils et ne dispose pas de mécanismes nécessaires pour mettre en place une nouvelle approche de financement.

    Le système d’information et les pratiques managériales administratives dont nous disposons sont loin de convenir à la mise en œuvre d’un système d’identification et de traitement performant des demandes de crédits. C’est toujours les vieux et mêmes hommes d’affaires qui bénéficient réellement d’un accompagnement. Nous avons là une problématique du management du changement. Il faut alors transformer une administration bureaucratique en une administration experte», explique-t-elle.

    Ce qu’il reste à faire
    «Il faut encourager l’entrepreneuriat industriel chez les jeunes», préconise Sylvain Bilongo, professeur de management et entrepreneuriat à l’Université catholique d’Afrique centrale. Se situant dans un horizon plus élargi, Célestin Tawamba suggère de revoir le système fiscal. Celui-ci, constate le président du Gicam, trahit plus «une administration de collecte» plutôt que de dévoiler «un système juste».

    Jean-René Meva’a Amougou 

    Métiers industriels 

    Les jeunes dans le viseur des PME 

    Changer le regard des élèves et étudiants sur les métiers industriels, tel était l’autre motif de la présence de certains promoteurs à Promote 2019. 

     

    Comme l’on pouvait s’y attendre, au pavillon de l’industrie camerounaise, les PME présentes n’ont pas fait dans la dentelle. Outre les machines et les robots, elles ont mis à contribution leurs ingénieurs, sélectionnés parmi les plus jeunes. Sur l’objectif de ce déploiement optimal, certains confessent vouloir en finir avec les préjugés sur leurs métiers. Les intervenants en sont convaincus : «il faut casser les stéréotypes pour réduire la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur industriel; c’est une solution facile à mettre en place et qui ne coûte rien», prêche Louise Kenmogne, la directrice générale de la société KS S.A. spécialisée dans la soudure industrielle. Au programme de sa présence à Promote : projections de témoignages, organisation des conférences au profit des jeunes.
    Selon un sondage réalisé sur le site par ses équipes, «secteur en déclin», «fermetures d’usines et délocalisation» tels sont les qualificatifs que les jeunes donnent à l’industrie. 30 % des 15-34 ans ont une image négative de l’industrie camerounaise et 59 % des moins de 35 ans trouvent que celle-ci ne sait pas se vendre.

    Pour essayer d’attirer de nouveaux profils, les industriels camerounais rencontrés à Promote croient que les métiers industriels méritent d’être mieux expliqués, dans le but d’intéresser les jeunes. «Ceux qui pensent que le secteur est dépassé voient tout faux! Sans l’industrie, ils ne pourraient pas prendre l’avion, regarder la télévision sur leur smartphone. C’est l’un des viatiques de notre message ici à Promote», situe Laurent Nguemeni, responsable promotion des métiers de l’industrie au Centre de formation aux métiers de l’industrie de Bassa (Douala).

    Tenant le chiffre publié par le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle (Minfop), Mouako Ekouty assume que «seuls 5 % des emplois techniques des secteurs industriels sont occupés par des femmes au Cameroun». Et au président-directeur général de croire qu’il est de sa responsabilité d’inverser la tendance. «Partout sur le site, mon équipe travaille pour montrer aux jeunes filles qu’elles ont leur place dans les PME industrielles», agrège le directeur délégué de HubCam, une entité réputée dans la réparation des appareils électroniques.

    Jean René Meva’a Amougou

     


    Spécial PROMOTE 2019 / ENERGIE ELECTRIQUE  

     

    Électricité : Eneo Cameroon S.A. dit tout sur ses compteurs prépayés 

    Sur le site de Promote 2019, l’entreprise concessionnaire du service public de l’électricité au Cameroun a décliné le design et les avantages de ces nouveaux équipements technologiques. 

    «Compteurs prépayés», l’on parle là d’une révolution digitale qui va transformer la vie entre Eneo Cameroon S.A. et les ménages. L’entreprise a saisi l’occasion de Promote 2019 pour présenter à sa clientèle des spécimens et les caractéristiques des compteurs électriques à cartes prépayées, qu’elle entend progressivement introduire dans le pays.

    L’on retient qu’un compteur prépayé est celui disposant de technologies dites AMR (Automated Meter Reading). Il mesure de manière détaillée et précise, et éventuellement en temps réel, une consommation d’électricité. La transmission des données s’effectue par ondes radio ou par courants porteurs en ligne (CPL) au gestionnaire du réseau de distribution chargé du comptage.

    Son utilisation peut permettre au consommateur d’identifier les postes les plus énergivores de sa facture et de trouver des solutions pour faire baisser sa consommation, dans la mesure du possible bien entendu. Comme pour la téléphonie mobile, l’usager peut acheter en boutique, selon sa trésorerie, des recharges d’électricité avec un code à gratter qu’il saisit ensuite sur son compteur. Une fois la recharge épuisée le compteur se bloque automatiquement sans entrainer de rupture d’abonnement et d’amendes. Dès qu’il en a de nouveau les moyens, l’usager recharge son compteur sans frais additionnels de rétablissement.

    Face à la presse, ce 20 février 2019, Babette Sandio, de la division des Relations publiques et Communication de Eneo Cameroon S.A., est rassurante. «Avec une carte prépayée, nos clients peuvent suivre directement leur consommation d’électricité, et donc mieux contrôler le solde restant. Le principe des compteurs prépayés consiste à recharger son compteur d’électricité en fonction de son budget. Dans ce système, le compteur s’arrête dès que la recharge est épuisée sans engendrer de surcoût pour le consommateur. Ce dernier n’a simplement qu’à recharger son compteur lorsqu’il souhaite l’utiliser. Les recharges seront disponibles à partir de 1000 francs CFA», a-t-elle ajouté.

    Côté avantages, ces équipements profitent à la fois aux consommateurs et à Eneo Cameroon S.A. Ainsi, d’une part, ils permettent en effet aux consommateurs de faire baisser les coûts de facturation, de disposer d’une facturation sur un index réel, d’une meilleure information sur leurs consommations et de la suppression des interventions nécessitant leur présence. D’autre part, «c’est tout au bénéfice de l’entreprise, car ils impliquent la baisse des coûts de gestion des clients, la baisse des cas de fraude, la baisse des coûts de vérification des compteurs ainsi que la baisse des coûts de recherche des pannes sur le réseau» détaille Babette Sandio.

    Une plus-value sociale
    Selon cette dernière, de nombreuses familles ont de la peine à régler leurs factures d’électricité, factures en général alourdies par l’usage d’appareils électroménagers énergivores bas de gamme ou vétustes. Ces difficultés de paiement mènent le plus souvent à la coupure pure et simple du courant, entrainant de surcroit des frais de coupure pour impayés, et ensuite de rétablissement quand les dettes ont pu être remboursées.

    En permettant aux familles les plus modestes de disposer d’électricité, et donc d’un éclairage minimal, Eneo Cameroon S.A. offre une amélioration significative de leurs conditions d’habitat et d’hygiène. Ainsi l’éclairage permet aux enfants et autres membres de la famille de pouvoir étudier, lire et s’informer en soirée sans être limités à la seule lumière du jour. L’électricité permet de conserver au frais des aliments dans de meilleures conditions d’hygiène avec de petits réfrigérateurs à faible consommation.

    Ainsi, à travers la combinaison d’une politique tarifaire sociale et d’une adaptation technologique, Eneo Cameroon S.A. donne une réponse alternative aux lampes à pétrole et bougies auxquelles étaient condamnés les ménages les plus démunis.

     

    Jean-René Meva’a Amougou

     

    Forum Eau-Energie-Environnement

    Les opportunités, la Sanaga se la coule douce

    La 4e édition du Forum Eau-Energie-Environnement (EEE) organisée du 19 au 20 février 2019 par Electricity Development Corporation (EDC) a encore montré un fleuve qui charrie des bénéfices, tant sur le plan national que sous régional.

     

    «Il faut tirer profit des opportunités qu’offre le bassin de la Sanaga». Ce 19 décembre 2019, ce qui frappe c’est l’aplomb des experts venus d’horizons divers, à montrer la palette de bénéfices qui gisent sous les eaux du plus long fleuve du Cameroun. À la faveur de la 4e édition du Forum Eau-Energie-Environnement (EEE) qui se tient au Palais des Congrès de Yaoundé ce jour, l’on est suffisamment édifié sur le thème retenu : «Développement du Bassin de la Sanaga, moteur de développement de l’hydroélectricité et facteur de coopération».

    Sous l’aiguillon de ce libellé, les discussions des experts viennent, une nouvelle fois, renforcer l’optimisme sous les traits métaphoriques d’un cours d’eau à fort potentiel économique, tant au niveau national que sous régional. Dans le fond des débats, l’objectif est de mettre en évidence les continuités du barrage de retenue d’eau de Lom Pangar. Au-delà du gigantisme technique, se félicite Gaston Eloundou Essomba, ministre de l’Eau et de l’Énergie, cette centrale hydroélectrique répond également aux besoins nationaux en électricité, en même temps qu’elle est appelée à desservir les marchés étrangers.
    Pistes.

    D’une part, le tout suggère que l’infrastructure peut offrir au Cameroun des gains en termes de plus forte croissance, de productivité et de remède aux délestages. D’autre part, on devine que Lom Pangar ouvre la voie aux opportunités de développement et aux perspectives d’une croissance économique rapide dans les pays riverains. «On pense à la mise en place d’une industrie moderne et compétitive, à l’ouverture de zones commerciales et économiques en Afrique centrale», projette Jean-Pierre Kedi, le directeur général de l’Agence de régulation de l’électricité (Arsel).

    Le FEEE a permis de le démontrer. Le calcul économique, réalisé dans le cadre de l’étude de faisabilité a abouti à des résultats économiques satisfaisants pour justifier la mise en œuvre du projet. De plus, malgré leurs coûts de réalisation élevés, les installations de Lom Pangar sont prévues pour durer longtemps, et l’énergie de l’eau est gratuite et renouvelable. Dit autrement, le fait de pouvoir stocker d’importantes quantités d’eau présente de nombreux intérêts. Le barrage de Lom Pangar a la capacité de conserver de l’eau en période de crues afin d’en relâcher pendant les décrues.

    Un financement diversifié
    À l’origine, le projet de construire un barrage d’une telle envergure répondait à deux problématiques. Le Cameroun souhaite mieux gérer le fleuve Sanaga. Le second enjeu est bien sûr de bâtir un complexe hydroélectrique sans commune mesure avec les barrages déjà existants, assurant ainsi au pays une position économique et industrielle prédominante en Afrique centrale. De manière globale, souligne la représentation de la BAD au Cameroun, «le projet améliorera les conditions de vie des ménages et renforcera la compétitivité globale de l’économie camerounaise».

    Il est à noter que Lom Pangar fait partie de l’agenda sous-régional de EDC qui, en soulignant la complémentarité de l’économie camerounaise avec celles des pays riverains, leur propose toutes sortes de projets conjoints afin de construire les bases d’une «coopération gagnant-gagnant». «Le projet prévoit l’élaboration d’un plan directeur des réseaux de transports de l’énergie électrique, aussi bien au niveau national que régional, à travers les interconnexions avec les pays voisins», apprend-on. L’État pourra en outre exporter de l’électricité dans toute la sous-région, car les besoins sont importants dans les pays proches. Des experts ont calculé que la vente à l’étranger de l’énergie produite par le barrage de Lom Pangar pourrait rapporter plusieurs milliards de francs CFA par an aux caisses publiques.

     

    Usine de pied du barrage de Lom Pangar

    Les travaux démarrent en mars prochain

    À la lisière du Forum EEE, l’on a appris que tout ne se passe pas comme prévu à Lom Pangar. Jusqu’ici, le chantier de construction de l’usine de pied n’est toujours pas lancé à cause, dit-on, du «retard dans la mise en vigueur du contrat de l’entrepreneur».

     

    Au cours de la présentation d’un exposé sur les perspectives du renforcement de l’offre en électricité sur le réseau interconnecté Est (RIE), Adrien Simplice Towa, le directeur des Études et des Projets à EDC, s’est montré rassurant. «Les travaux démarrent d’ici le mois de mars», a-t-il précisé. L’ingénieur a également déclaré que les financements de la Banque africaine de développement (Bad) sont disponibles.

    La même source a fait savoir que les experts chinois de la China Camc Engineering Co (CAMC) ont déjà effectués les travaux préparatoires, à l’installation du chantier. Une évaluation complète du chantier est déjà effectuée. Ils ont aussi fait les inventaires des outils de travail à leur disposition, ainsi que les autres installations. Il s’agit de la disponibilité de la carrière, la centrale à béton, la centrale de concassage, la base vie ouvrière et la fosse devant abriter la fondation de l’usine.

    «Une fois les travaux terminés, les problèmes de délestage seront rangés dans les oubliettes. Je souhaite que ce chantier du président de la République aboutisse afin que nos populations en bénéficient. Je recommande donc que les parties prenantes travaillent en synergie d’action», avait insisté Gaston Eloundou Essomba le 20 septembre 2018 à Lom Pangar.

    Jean-René Meva’a Amougou

     


    Spécial PROMOTE 2019 / PME & COMMERCE

     

    Financement des PME : Les pouvoirs publics et six banques ouvrent la voie

    À Promote 2019, ils ont signé un accord-cadre de partenariat pour l’implémentation d’un dispositif de soutien et d’accompagnement des moteurs de croissance au Cameroun. 

    Echange de documents entre le directeur général de l’APME et un représentant de banque

    Désormais, au Cameroun, il existe une plateforme de facilitation de l’accès au financement des PME. Mise en place par l’Agence de promotion des Petites et Moyennes Entreprises (APME), ladite plateforme associe six institutions financières (UBA, CCA Bank, Afriland First Bank, CBC, PROPME et Ecobank). Ce 22 février 2019 au Palais des Congrès de Yaoundé, Jean Marie Louis Badga et les représentants de banques ont paraphé un accord-cadre.

    Inscrites en droite ligne des politiques publiques en faveur du secteur privé, les clauses dudit document surlignent quatre grands objectifs. Il s’agit notamment d’accroître la communication sur les produits financiers disponibles et destinés aux PME; d’améliorer et encourager la culture financière auprès des PME ; faciliter leur mise en relation avec les banques; rechercher, développer et promouvoir des solutions et mécanismes innovants de facilitation au financement.

    «Moment»
    «Si pour le moment, seuls six grands groupes bancaires s’engagent pour ces objectifs, il est envisagé que d’autres acteurs financiers leur emboîtent le pas au cours des prochains mois», assure Achille Bassilekin III, présent à la cérémonie. Pour le ministre des petites et moyennes entreprises, de l’Économie sociale et de l’Artisanat (Minpmeesa), ce n’est pas une caricature: «L’heure est venue pour que le financement des PME soit assuré de manière fluide, globale, avec des solutions diversifiées». Rappelant que la question de la croissance et de ses moteurs est centrale au cours du septennat dit des «grandes opportunités», le membre du gouvernement apprécie la démarche volontariste des banques. «Les leviers existent bel et bien et l’enjeu, en cette période de voyage vers l’émergence, est précisément de les actionner», lance-t-il à l’endroit de la communauté des promoteurs de PME (tous secteurs confondus).

    Dans les rangs de celle-ci fusent des doléances et même des récriminations. On retient par exemple que, chaque jour, les banques opèrent une réappréciation du risque, alors même que la pression sur la trésorerie s’accentue pour les PME du fait de la contraction de l’activité. Pour cela, ils émettent des craintes. Sur le coup, Achille Bassilekin III pense qu’«il faut évangéliser les PME. Il faut développer le dialogue entre les banques et les PME». Ce travail, l’APME entend le mener en adéquation avec le Plan directeur de développement des PME.

    Jean-René Meva’a Amougou

     

    Hermann Kana : «À moyen terme, nous visons à écouler cinq cents véhicules neufs par an» 

     

    Encore méconnue du grand public, l’entreprise Fokoto Auto Technic Diffusion S.A. (ATD), opère dans la distribution automobile depuis 2009. En s’appuyant sur Borgward, constructeur allemand de véhicules haut de gamme et sur Foton, premier constructeur chinois de véhicules utilitaires, ATD, transporteur officiel  du  salon Promote, entend bousculer le marché des véhicules neufs au Cameroun. Dans ce secteur fortement concurrentiel, quelles sont les ambitions de ce jeune concessionnaire et comment entrevoit-il l’avenir ? Entretien avec Hermann Kana, directeur commercial & marketing chez Fokoto ATD.

    Photo Hermann KANA

    Pouvez-vous nous présenter brièvement Fokoto Auto Technic Diffusion S.A. et ses activités ?
    Fokoto Auto Technic Diffusion S.A. est une entreprise camerounaise créée en 2004 et opérant dans la distribution automobile depuis 2009. Tout d’abord, en partenariat avec Tractafric/Tiger Motors pour leurs marques Chery, Jac et ZX, et depuis 2013 avec des marques dont elle assure la représentation au Cameroun. Outre la distribution, nous assurons également le service après-vente de nos véhicules et la vente de pièces de rechange.

    Vous vous attaquez au marché très compétitif des véhicules neufs avec des acteurs séculiers. Comment comptez-vous vous y prendre et avec quelles marques ?
    Notre ambition est de devenir à long terme un acteur majeur de la distribution automobile au Cameroun. Pour ce faire, Fokoto ATD a opté pour une stratégie multimarque, permettant de couvrir les modèles de véhicules les plus vendus sur le marché, notamment le pick-up et le SUV (Sport Utility Vehicle). Aussi avons-nous choisi de distribuer les véhicules de deux grands constructeurs automobiles : Borgward et Foton. Le premier est un prestigieux constructeur allemand de véhicules haut de gamme dont la gamme englobe pour l’instant les SUV de luxe (midsize & compact). Foton quant à lui est le premier constructeur chinois de véhicules utilitaires (8 millions de véhicules vendus en 2018 tous segments confondus). Avec Foton, nous distribuons exclusivement : pick-up, station wagon, monospace et minibus. Dans chaque segment, nos véhicules viendront en complémentarité aux autres modèles déjà présents sur le marché et avec des positionnements respectifs différents.

    Qui est le constructeur allemand Borgward ?
    Borgward est en grande partie connu des passionnés et féru d’automobiles, car ce prestigieux constructeur allemand a connu son âge d’or durant l’après-guerre, avant de fermer dans les années 60 ; avec OPEL et VOLKSWAGEN, Borgward, basé à Brême, figurait alors parmi les plus grands constructeurs allemands de l’époque. Depuis 2015, la marque est de retour sur le segment des SUV de luxe. Avec Borgward, Fokoto ATD propose des véhicules haut de gamme à une clientèle qui souhaite s’offrir des véhicules allemands aux lignes épurées et à la pointe de la technologie, sans toutefois « casser sa tirelire ».

    Quels sont vos objectifs de vente, étant entendu que les deux grands concessionnaires de la place totalisent à eux seuls quasiment 80% des ventes de véhicules neufs?
    Nous sommes certes ambitieux, mais aussi et surtout réalistes. Notre objectif n’est nullement de détrôner ces pionniers de la distribution automobile au Cameroun, mais de faire de nos modèles des alternatives fiables et reconnues dans leurs segments respectifs. À moyen terme, nous visons à écouler cinq cents véhicules neufs par an, tous segments confondus, ce qui représente environ 10 % du marché. Fort de nos ventes de pick-up et de SUV en 2018, notamment auprès des administrations publiques et du secteur privé, cet objectif ne nous semble pas irréalisable. Dans cette optique, nous travaillons d’arrache-pied à nous faire connaître ainsi qu’à élargir notre réseau de distribution, en multipliant les points de vente dans les grandes villes : Bafoussam et Garoua sont en cours d’aménagement, et d’autres villes suivront.

    Fokoto ATD est présent à la 7e édition du salon international Promote en tant que partenaire officiel de l’organisateur. Avez-vous des visées précises pour cette participation ?
    La décision de notre direction générale de prendre part au salon Promote s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de notre plan marketing et communication triennal. Notre présence à Promote vise donc un double objectif ; tout d’abord accroître notre notoriété comme concessionnaire, ensuite faire découvrir nos marques et nos modèles aux principaux acteurs de notre économie, ainsi qu’au grand public. À travers le partenariat conclu avec l’organisateur, nous mettons à disposition des véhicules haut de gamme pour le transport des invités de marque pendant la durée du salon.

    Interview réalisée par Rémy Biniou

     


    Spécial PROMOTE 2019 / AFRIQUE CENTRALE 

     

    Made in central Africa : La Cemac en VRP à Promote 

    En cohérence avec le processus de réformes structurelles en cours, l’institution sous-régionale s’est déployée à ce salon pour faire le marketing de ses instruments et procédures d’intensification des échanges.

    Au milieu des petites et moyennes entreprises (PME), la Commission de la communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) a tenu à donner de l’emphase à son crédo du moment : la diversification économique et les échanges intracommunautaires. Tout au long de la semaine, les officiels de la communauté ont largement fait la promotion des instruments de facilitation des échanges et des accompagnements mis à disposition pour leur appropriation. Objectif : «démocratiser la zone de libre-échange de l’Afrique centrale». La Cemac veut inciter le maximum d’opérateurs économiques camerounais à vendre dans la sous-région, notamment le secteur de l’agroalimentaire, et plus largement de l’agro-industrie.

    Marketing
    La conférence-débat du mercredi 20 février 2019 a servi de cadre d’échanges à cet effet. Sur le thème «le renforcement des échanges intracommunautaires et la diversification des économies au sein de la Cemac», les experts de la Cemac, de la douane camerounaise et de l’Agence camerounaise des normes et de la qualité (Anor) ont entretenu les opérateurs économiques sur les règles à observer et les gains. Avec l’harmonisation des zones de libre-échange de la Cemac et de la CEEAC, l’Afrique centrale est désormais un marché unique de plus de 100 millions d’habitants. Les règles pour être éligible au tarif préférentiel généralisé sont liées aux trois règles d’origine de la communauté (entière obtention, taux d’incorporation et taux de valeur ajoutée). Les comités nationaux d’agrément facilitent aux opérateurs économiques le montage et le dépôt des dossiers.

    Mais pour y arriver, la Cemac invite déjà les États à produire en qualité et en quantité. Ceci afin de satisfaire la demande exprimée dans la sous-région, permettant ainsi de réduire les importations, créer de la valeur et des emplois et accroitre les avoirs extérieurs. En pleine riposte à la crise des devises et des matières premières, ce choix économique renforcerait la résilience des États face aux chocs exogènes.

    Présence
    Le déploiement de la Cemac à Promote visait également marquer les esprits. Occupant un stand bien construit sur une superficie de 200 m2, l’institution communautaire a tenu à ce que les visiteurs «sachent qu’elle est présente. Ce n’est pas une nébuleuse» explique Julienne Djuikam Kamga, directrice de la communication.

    En termes de statistiques de visites du stand, «il y a eu un très grand bond. Nous avons parfois atteint 500 visites par jour. Beaucoup de personnes sont passées nous voir. C’est synonyme que la Cemac a impacté le salon. Sur le thème de notre présence, la confédération des transformatrices nous permet de sortir de Promote avec quelque chose de fort. Mais bien avant, les opérateurs économiques sont passés se renseigner et ont été orientés. La Cemac a été visible», ajoute-t-elle.

    Proximité
    L’institution communautaire s’est mobilisée en haut lieu. Avec le président de la Commission lui-même, en chef de délégation, 8 (huit) cadres de haut niveau l’ont accompagné, dont le commissaire en charge du marché commun, le coordonnateur du PACIE, les directeurs de la communication, du commerce et de la concurrence, des mines et de l’industrie, ainsi qu’un expert principal. Des cadres disponibles aux sollicitations des visiteurs.

    Cette proximité était en outre visible dans l’occupation du stand. 50 % de l’espace a été réservé aux 24 TPE exposantes. Ces entreprises agroalimentaires ont été sélectionnées par les chambres de commerce et les ministères en charge du commerce et/ou de la PME du Cameroun, du Congo, du Gabon, de la Guinée Équatoriale, de la République centrafricaine et du Tchad. Des exposants entièrement pris en charge par la Cemac.

    Zacharie Roger Mbarga

    Transformation agroalimentaire 

    Un patronat régional féminin des TPE voit le jour 

    La Confédération des transformatrices des produits agricoles de la Cemac est née à Nkol Nyada.

     

    24 petites unités de transformations agroalimentaires ressortissantes des six États membres de la Cemac se sont constituées en confédération. Cette corporation est composée de 4 entreprises par pays. Le salon de l’entrepreneuriat de Yaoundé a servi de cadre à la création de cette plateforme. La Confédération des transformatrices des produits agricoles de la Cemac (CTPA-Cemac) a pour objectif de faire connaitre le made in Cemac et le vulgariser. Un bureau confédéral a été mis sur pied (voir tableau). La confédération sera le réseau des fédérations nationales. Les femmes transformatrices entendent, très bientôt, légaliser leur organisation pour entamer le travail de terrain.

    Stratégie
    À l’effet de pénétrer les marchés, les femmes veulent produire, à grande échelle, sous le même label. Le manioc produit et transformé au Cameroun, au Gabon, au Congo et en Centrafrique va respecter les mêmes procédés. Il sera conditionné de la même manière et estampillé sous l’origine made in Cemac. Ces femmes appartiennent à des coopératives qui ont par la suite mis sur pied des entreprises. À Promote, elles ont exposé au total une cinquantaine de produits industriels transformés. Elles estiment pourtant à près de 1000 le nombre total de leur production.

    La CTPA-Cemac appelle à l’accompagnement de la Cemac et des autres institutions soucieuses du renforcement de l’industrie agroalimentaire dans la région. Cet accompagnement pourrait prendre la forme d’appui à la labellisation, la certification et le conditionnement. Les femmes veulent mieux présenter et habiller les produits. Ce stade terminal devra d’abord passer par la vérification du processus de production et la validation du produit comme propre à la consommation. Enfin, il faudra apposer une indication d’origine protégée telle que l’Okok ou le gingembre d’Afrique centrale.

    Constitution du bureau CTPA-Cemac

    Normes
    Les femmes transformatrices veulent en outre accroitre leur capacité de production pour satisfaire la demande de toute l’Afrique centrale, qui compte plus de 100 millions d’habitants. Pour ce faire, elles entendent trouver de l’aide pour standardiser la production et la transformation.

    Pour les questions de normes et de qualité, la Cemac négocie un partenariat avec l’Agence universitaire de la francophonie (AUF). Celui-ci permettra de mettre le laboratoire de l’Institut universitaire de technologie de Douala à disposition de la Cemac, pour analyser les traces des pesticides et autres matières chimiques impropres à la consommation, sur les produits alimentaires. Ledit laboratoire, financé par l’AUF, devrait servir d’infrastructure pilote. Puisque l’objectif c’est de doter chaque pays d’une structure identique. L’avantage pour les entreprises c’est la réduction du coût des analyses cliniques.

    Zacharie Roger Mbarga

     

    ‘’L’enjeu de notre présence est de renforcer l’intégration’’ 

    Nous voyons beaucoup de TPE et PME faire  de bonnes choses. À travers leur présence, la Cemac veut montrer qu’il est possible de réduire l’importation des produits agroalimentaires 

    La directrice du Commerce et de la Concurrence de la Cemac présente les mobiles de la présence renforcée de l’institution communautaire  à la 7e édition du salon Promote.  

     

    Engoue Juliette

    Quel est l’enjeu de la présence de la Cemac à l’édition 2019 du salon Promote ?
    L’enjeu premier en réalité est de renforcer l’intégration régionale et l’intégration commerciale. Il s’agit en un mot de densifier le commerce intracommunautaire, que nous savons très faible. Les services de douanes et les instituts nationaux de la statistique des États nous disent que le commerce se situe entre 3% et 3,5%. Actuellement, nous finalisons une note de conjoncture commerciale. Elle nous permettra d’avoir une photographie des échanges extra et intracommunautaires.

    La participation à Promote 2019 rentre donc dans le cadre des actions engagées pour aller au-delà de ce pourcentage. Nous avons mis en place des instruments qui permettent de densifier le commerce. Au cours de la conférence/débat organisée le 20 février dernier, nous avons présenté aux entreprises les procédures d’agrément au tarif préférentiel généralisé. Cette procédure est un élément d’intensification des échanges communautaires. Cette mesure a été prise à cet effet. Vous savez que les produits originaires ne paient pas les droits de douane. Nous avons donc expliqué aux entreprises les critères d’origine qui sont les règles à respecter par un produit pour être éligible à l’origine Cemac.

    Précisément sur les critères d’origine, avez-vous le sentiment que les entreprises industrielles reçoivent l’accompa-gnement nécessaire pour maitriser tous ces prérequis ?
    Nous avons organisé des ateliers de formations dans tous les pays de la Cemac. Les entreprises et les comités nationaux d’agrément en ont été les bénéficiaires. Vous savez, nous sommes dans un processus de rationalisation avec le tarif préférentiel harmonisé CEEAC/ Cemac. Ainsi, des pays comme la République Démocratique du Congo et Sao Tomé et Principe ont également abrité ces ateliers. L’objectif c’est de donner les outils aux comités nationaux d’apprécier les dossiers transmis. Il s’agit, par exemple, de maitriser le calcul de la valeur ajoutée. Ce qui n’est pas aisé.

    Nous nous sommes rendu compte que cette formation devait être poursuivie en interne dans chaque pays. Un atelier de deux ou trois jours ne saurait recevoir tout le monde. Nous avons ainsi opté pour la formation des formateurs afin de toucher un grand nombre. Nous avons prévu, à la Commission de la Cemac, d’accompagner les comités nationaux d’agrément.
    Au cours de cette année, avec la hiérarchie, nous avons convenu d’aller vers les administrations nationales en charge de l’examen des demandes d’agrément, pour les encourager à rendre opérationnel leur comité national d’agrément. Ce qui est envisagé, c’est des formations pratiques et concrètes. C’est-à-dire, lorsque les comités ont reçu des demandes d’agrément des entreprises, nous ne nous limitons pas à examiner les documents, nous allons voir le processus de fabrication du produit concerné.

    À présent, le seul comité vraiment opérationnel c’est celui du Cameroun. Il est donc logique, comme c’est le cas présentement, que les agréments délivrés soient essentiellement pour les produits camerounais. En tant qu’organisation communautaire, nous aimerions que l’ensemble des pays aient des agréments. C’est aussi ce qui renforce les échanges. Or, lorsque ça va dans un seul sens, vous convenez avec moi que les transactions sont moins denses.

    Pour l’accompagnement et la formation pérennes des entreprises industrielles sur les procédures d’agrément, avez-vous pensé aux corporations d’entreprises et même à la société civile ?
    En réalité, nous associons les patronats lorsque nous organisons les ateliers. Ce n’est pas nous qui invitons les entreprises de manière individuelle. Ce sont les responsables des patronats dans les États membres qui nous aident à identifier les entreprises. Maintenant, nous les associons pour qu’à leur niveau ils continuent la formation au bénéfice de leurs adhérents.
    Pour ce qui est de la société civile, les thèmes de formation s’adressent aux entreprises. Dans le cas d’espèce, nous formons les fonctionnaires des comités nationaux et le secteur privé via les patronats.

    Un autre problème au commerce intracom-munautaire est celui des barrières non tarifaires. Est-ce qu’il y a un début de solution envisagée ?
    Au sein de la Cemac, nous avons un projet qui a démarré. C’est celui de l’interconnexion des administrations douanières. Le projet consiste à interconnecter les administrations douanières d’une part et à construire des postes douaniers juxtaposés ou uniques entre les pays au niveau de la frontière.

    Dans le cadre du projet Sydonia, nous essayons de faire en sorte que les administrations douanières au sein d’un même pays soient informatisées et interconnectées. Quand les administrations douanières sont interconnectées, on a plus besoin de stopper une marchandise entre Douala et Bangui. En réalité le projet est en cours et vise la réduction au maximum des contrôles au niveau des corridors. Bien entendu, le projet nécessite des moyens importants. Dans certains pays, les administrations douanières travaillent encore manuellement. Et à partir de ce moment, le suivi est difficile. On est obligé de vérifier et de faire attendre l’opérateur économique qui achemine la marchandise avec le risque de rançonner le transporteur.

    Les deux projets évoqués visent donc globalement la fluidité des échanges en trois séquences : le fonctionnement en réseau des administrations douanières au sein d’un État, la construction des postes douaniers juxtaposés ou uniques entre les pays au niveau de la frontière et l’interconnexion des administrations douanières juxtaposées. Ils intègrent justement la mise en œuvre de l’accord de facilitation des échanges de l’OMC (Organisation mondiale du commerce).

    Quel est le niveau de mise en œuvre des deux projets?
    Pour les deux projets, nous avons commencé avec deux corridors pilotes : Cameroun-RCA et Cameroun-Tchad. Sydonia se met progressivement en place sur ces corridors. Entre le Cameroun et le Tchad, les postes-frontière ont été construits. Les États devaient au préalable s’entendre sur les points de construction, ce qui a été fait. Maintenant, il faut, de part et d’autre, informatiser et interconnecter. Parce qu’il ne s’agit pas d’informatiser un point sans le relier aux autres points. La construction du poste-frontière juxtaposé entre le Cameroun et la Centrafrique a été stoppée du fait de l’instabilité sécuritaire.

    L’une des innovations cette année c’est la présence, dans le stand de la Cemac, des exposants venus des pays membres. Pourquoi avoir fait ce choix ?
    La Cemac a voulu donner la chance aux très petites entreprises (TPE), notamment celles qui font dans la transformation agro-industrielle. Nous savons que les TPE sont les plus nombreuses et nous souhaitons que celles-ci deviennent des championnes. Comme précédemment évoqué, la Cemac prépare une note de conjoncture commerciale. Elle montre que les pays de la Cemac importent énormément de produits agroalimentaires, alors que la plupart de nos États ont du potentiel en matière agricole. Nous voyons beaucoup de TPE et de PME faire de bonnes choses. À travers leur présence, la Cemac veut montrer qu’il est possible de réduire l’importation des produits agroalimentaires.

    Pendant nos travaux, nous nous sommes rendu compte que certains produits peuvent se substituer à la farine de blé. Nous avons eu l’expérience du plantain. Il y a une variété de plantain qui, selon les scientifiques, a une meilleure propriété que le blé. Elle est appelée la banane du Bouroukou, dans la zone camerounaise du Moungo. Ça veut dire qu’il faudrait encourager la production, la transformation et la commercialisation de ce produit. Le volume d’importation du blé se verrait ainsi considérablement réduit, et cela permettra de créer de la valeur ajoutée.

    L’autre objectif est de les amener à travailler ensemble. Promote est un salon de partenariat. En se rencontrant, elles échangent les expériences, les difficultés, les acquis, les bons procédés. Plus loin, certaines ont des supérettes dans leur pays. Elles produisent et vendent dans leur pays. Celles qui produisent du savon à base de Spyrillin, d’Okok, de beurre de karité peuvent échanger. Elles peuvent se constituer en plateforme pour augmenter la production et envahir le marché. C’est un autre moyen pour atteindre l’objectif de densification des échanges. Nous sommes là pour les soutenir. Certaines ne pouvaient pas faire le déplacement, nous leur avons offert un espace. Nous avons également mis à leur disposition des billets d’avion pour pouvoir prendre part au salon.

    Interview réalisée par
    Zacharie Roger Mbarga

     


    Spécial PROMOTE 2019 / AGRO-INDUSTRIE 

     

    Agro-industrie : Le carton plein de la Sodecoton 

    La fibre de coton, l’huile de table Diamaor et les aliments d’élevage sont ses produits phares présentés à Promote 2019.

    La Société de développement du coton du Cameroun (Sodecoton) a choisi la scène du 7e Salon International de l’Entreprise, de la PME et du Partenariat de Yaoundé (Promote) pour donner à voir à sa clientèle. Du 18 au 24 février 2019, le fleuron agro-industriel du Septentrion a particulièrement mis en vitrine trois produits : la fibre de coton, l’huile de table Diamaor et le tourteau de coton.

    Pour sa septième participation à Promote, la Sodecoton est venue avec deux objectifs. Le premier a consisté à présenter au public, les produits, le savoir-faire et les diverses innovations apportées à cette société. Le second a été arrimé à la vente de l’huile raffinée Diamaor et du tourteau de coton d’une part, et nouer des partenariats avec des éleveurs de bétail, petits ruminants et volailles installés dans la partie méridionale du Cameroun d’autre part.

    Durant Promote 2019, Saly Oumarou et son équipe ont mis un point d’honneur sur les différentes variétés de tourteaux de coton. Aux visiteurs du stand de l’entreprise, le directeur commercial de la Sodecoton a livré des détails sur les gammes Alibet et Nutribet. Selon lui, l’Alibet est produit à Garoua et destiné à l’élevage des ruminants (bœufs, moutons et chèvres). Le Nutribet, lui, est produit du côté de Maroua. Il est bon pour l’élevage des ruminants et des monogastriques (porcs et poulets).

    À la base, une raison principale: «En tant que société citoyenne, la Sodecoton met à la disposition de la filière porcine et volaille ses tourteaux, pour soutenir ces secteurs d’activité qui connaissent de temps en temps des difficultés», vante Saly Oumarou. Mohamadou Bayero, le directeur général de la Sodecoton appuie: «À travers Promote, il est surtout question d’attirer l’attention de ces clients sur nos produits».

    Du bon coton
    Engagée dans des rénovations et des remises à niveau de ses installations industrielles et de sa logistique, l’entreprise a produit 19 millions de litres d’huile raffinée de coton en 2017 et 18 millions en 2018.

    Pour plus d’efficacité, apprend-on, des mutations d’envergure y ont pris corps. C’est ainsi qu’en mai 2018, la direction du classement et des ventes s’est transformée pour devenir la direction commerciale, incluant une Division du Marketing et des Ventes.

    Dans l’esprit de l’équipe managériale, c’est pour répondre plus efficacement aux desiderata de la clientèle et être plus proche de celle-ci. Sa présence dans des multiples foires, salons et autres mini comices ces dernières années participe de cette volonté d’être auprès des clients, mettant ainsi davantage l’accent sur la campagne de proximité.

    L’amélioration de la bonne gouvernance est également un chantier très important lancé par le top management de l’entreprise, toujours dans le souci d’optimiser les performances. La motivation du personnel, l’acquisition du matériel roulant, la remise à niveau des installations industrielles pour doubler la capacité de production des huileries par exemple, portent de succulents fruits.

    Avec une production de 260 000 tonnes de coton graine, la Sodecoton a réalisé un chiffre d’affaire de 130 milliards de francs CFA en 2018. Elle s’attend à une production record (plus de 300 000 tonnes de coton graine) pour la campagne en cours. Les objectifs stratégiques de l’Etat se situant à 400 000 tonnes de coton graine à l’horizon 2021, un plan triennal de redressement en cours de réalisation a été validé lors du conseil d’administration du 29 novembre 2017.
    Sur le chapitre des réalisations, le centre de formation multifonctionnel de Kaélé, déjà opérationnel, est à inscrire en lettres d’or.

    Aujourd’hui, les projets du mastodonte de la production cotonnière au Cameroun se déclinent sous forme d’investissements et actions de grande importance. Ce sont deux usines d’égrenage et une usine d’huilerie à installer, des matériels de génie civil pour les réfections des pistes rurales, des camions polybennes pour le ramassage du coton, la modernisation du classement instrumental du coton avec des équipements de technologie récente, l’installation des jeunes agriculteurs sur fonds FED, pour une agriculture de type mécanisé et l’autonomisation de toutes les usines d’égrenage en énergies électrique et solaire.

    Dispositif et capacités industriels
    Le géant agro-industriel du Cameroun dispose de neuf usines d’égrenage, d’une capacité de traitement cumulée de 320 000 tonnes de coton graine par an, pour un résultat de 121 000 tonnes de fibre. Il possède également deux huileries, d’une capacité de trituration cumulée de 120 000 tonnes de graines de coton par an, avec une production de 14 à 19 millions de litres d’huiles de table, et 60 à 70 000 tonnes d’aliments d’élevage. La Sodecoton a un parc automobile de près de 500 engins dont des véhicules légers, des camions et d’autres engins lourds. Elle fournit environ 2 000 emplois permanents et 3 000 saisonniers par campagne.

    La Sodecoton est une Société anonyme d’économie mixte à participation publique majoritaire, dotée d’un Conseil d’administration et d’une Direction générale. Elle a été créée en mai 1974. Au niveau de l’actionnariat, 59 % des actions sont détenus par l’État du Cameroun, 30 % par la société française Geocoton et 11 % par la Société mobilière d’investissement du Cameroun (Smic).

    Jean-René Meva’a Amougou
    Source : Sodecoton 

  • Crise anglophone : La déflagration

    Crise anglophone : La déflagration

    La méthode Biya face à la crise dans les régions anglophones agace une partie du corps diplomatique accrédité à Yaoundé. Lors d’échanges informels, certains diplomates disent leur incompréhension face à ce qu’ils considèrent comme du laxisme devant une situation qui va en vrille. Même le Comité national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (CNDDR), la dernière carte sortie le 30 novembre dernier du chapeau par le président camerounais, n’a de grâce à leurs yeux. Coordonné par l’ancien gouverneur Francis Fai Yengo, le Comité est considéré par beaucoup d’experts comme une charrue mise avant les bœufs. Pour eux, Paul Biya, qui refuse tout dialogue sur la forme de l’État (une partie des anglophones souhaitent un retour au fédéralisme et ce serait faute d’une oreille attentive que les rangs des combattants séparatistes s’allongeraient), continue dans sa fuite en avant, en jouant la carte de l’usure. Sur le terrain, le conflit armé se généralise, entrainant une crise humanitaire sans précédent.

     

    L’entrée en scène des unités d’élites est loin d’avoir ramené la quiétude

    Selon une note interne du système des Nations unies, produite le 25 novembre 2018, le conflit armé se généralise dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Conséquence, le nombre de déplacés a explosé, passant de 40.000 à 440.000. 

    « La situation est sous contrôle. Mais ces gens veulent nous créer des élongations. Je crois qu’il faut monter en puissance…», évalue une source autorisée au ministère camerounais de la Défense. Nous sommes le 30 novembre 2018, soit un peu plus d’un an après la transformation en conflit armé, sous fond de revendications séparatistes de la crise sociopolitique débutée en fin d’année 2016 dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Une crise née du fait que des ressortissants de ce territoire, placé sous tutelle britannique de 1922 jusqu’à son union avec la partie du pays sous domination française le 1er octobre 1961, se plaignent de la disparition progressive de l’identité héritée du colon britannique au profit de l’héritage français.

    En langage militaire, une élongation est un étirement de la ligne de front, synonyme d’une propagation du conflit vers d’autres localités. C’est ce qui ressort d’ailleurs d’une note interne du système des Nations unies, produite le 25 novembre 2018, dont nous avons obtenu copie. Selon le document, depuis juin 2018, les groupes armés qui affrontent les forces gouvernementales ont étendu leurs activités notamment autour de Kumba, Buea et Mamfe, dans la région du Sud-ouest. «Les attaques étaient auparavant limitées aux régions isolées, limitrophes du Nigeria et autour de Bamenda, la capitale de la région Nord-ouest», précise la note. Pour l’Organisation des Nations unies (Onu), cette généralisation du conflit est le fruit du renforcement des capacités militaires de certains groupes armés. À cela, il faut associer le fait que les forces de sécurité gouvernementales seraient «débordées» par la situation et la naissance des groupes criminels opportunistes qui ont également intensifié leurs activités.

    Crise humanitaire
    La situation est telle que le nombre de déplacés aurait été multiplié par onze. Selon, la note de l’Onu, «alors que seulement 40.000 personnes déplacées avaient été signalées en mars 2018, leur nombre actuel est d’environ 440.000, dont 80.000 dans les régions de l’Ouest et du Littoral (Régions francophones voisines), la majorité restant dans les régions de Nord-Ouest et Sud-Ouest».

    De source diplomatique, la gravité de la situation aurait poussé le gouvernement à infléchir sa position sur l’accès des travailleurs humanitaires aux deux régions anglophones. Le Programme alimentaire mondial (PAM) qui était jusqu’ici interdit d’accès à la zone, officiellement pour des raisons sécuritaires, vient de recevoir le feu vert de Yaoundé pour y mener des activités. Le PAM annonce en effet, dans les prochains jours, la distribution de 1620 tonnes de nourritures à 50.000 déplacés internes installés dans les localités de Mamfe et de Kumba dans le Sud-ouest.

    Cette dotation constitue une ration alimentaire pour deux mois seulement. Il faut donc se préparer à y refaire un autre tour. Il faut aussi repenser aux déplacés situés dans les régions du Littoral et de l’Ouest, à qui l’agence onusienne a distribué le mois dernier un peu plus de mille tonnes de vivres, ce qui demande des moyens colossaux. Pour s’occuper des déplacés internes de la crise anglophone, le PAM estime ses besoins de financement à 50 millions de dollars américains (près de 29 milliards de francs CFA à la valeur du dollar au 4 décembre). Pour l’instant, seuls 2,1 millions sont disponibles, soit à peine 4 % du montant total.

    Aboudi Ottou

     

    Comité DDR 

    La charrue avant les bœufs 

    La mise en place de cette instance défie toutes les règles en matière de règlement de conflit. C’est ce que relèvent des analystes qui dénoncent une démarche prématurée et un nouveau passage en force.

     

    Joseph Léa Ngoula, analyste politique et expert sécurité, est pour le moins dubitatif : «[ … ] On a le sentiment, au regard de l’évolution inquiétante de la situation dans les régions anglophones, que le moment n’est pas propice à la mise en œuvre d’une campagne de DDR (désarmement, démobilisation, réintégration, NDLR) car les conditions opérationnelles et politiques ne sont pas réunies». Selon ce spécialiste des questions de sécurité, il est «[ … ] urgent de créer un climat propice au rapprochement des deux parties, afin d’engager les discussions sur les conditions d’un cessez-le-feu ou d’un arrêt définitif des hostilités, préalables à la réussite du DDR».

    Cet expert livre ainsi son analyse sur la création, par décret présidentiel, d’un Comité national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (CNDDR), le 30 novembre dernier. Placé sous l’autorité du Premier ministre, et ayant à sa tête un coordonnateur national, ledit comité a pour mission «d’organiser, d’encadrer, et de gérer le désarmement, la démobilisation et la réintégration des ex-combattants du Boko Haram et des groupes armés des régions du Nord-ouest et Sud-ouest, désireux de répondre favorablement à l’offre de paix du chef de l’État, en déposant les armes».

    «L’impuissance de la puissance»
    Une démarche qui interloque les spécialistes qui questionnent l’opérationnalité d’un DDR dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Joseph Léa Ngoula pointe au moins deux freins à la mise en place du DDR dans ces régions. Sur le plan opérationnel, «la surenchère meurtrière entrave tout effort de désescalade et situe le conflit anglophone sur la phase “ impasse ”… Un tel contexte de montée aux extrêmes ne favorise pas les politiques de réédition volontaire à plusieurs titres». Au plan politique, «on note un dialogue de sourds entre le gouvernement et les leaders du mouvement anglophone. Aucune initiative, même sécrète, n’est engagée entre l’État-major des ambazoniens et les autorités camerounaises». En clair «le succès d’un tel processus dépend du consentement des deux parties».

    Aussi conclut-il, «on doit trouver un moyen de les rapprocher, de négocier un cessez-le-feu, et même un accord de paix comme cela a été le cas dans des pays qui ont également connu des rébellions séparatistes. Cette condition fondamentale et d’autres ne sont pas réunies, ce qui laisse des doutes sur l’efficacité de cet acte».

    «On doit sortir des DDR classiques, qui sont généralement adaptés aux conflits classiques, on doit mettre en place des mécanismes ingénieux», souligne pour sa part Raoul Sumo Tayo. Mais cet autre expert des questions de sécurité relève que dans le cas camerounais, cette autre mesure démontre qu’«on est clairement dans l’impuissance de la puissance». «Cela devrait s’inscrire dans un plan d’ensemble», préconise-t-il.

    Les opérations de DDR ont en effet été conceptualisées au sein des missions de recherche et de maintien de la paix de l’Organisation des Nations unies (ONU). «Les activités de DDR constituent un volet capital aussi bien pour la stabilisation immédiate d’un pays que pour son développement à plus long terme», établit l’ONU. «Ces activités sont intégrées à l’ensemble du processus de réconciliation, depuis l’ouverture des négociations de paix jusqu’à la consolidation de cette dernière, une fois achevées les opérations de terrain».

    Ifeli Amara

    Propositions de sortie de crise

    Yaoundé fait la sourde oreille 

    Etoudi ignore les multiples missions de bons offices, qu’elles viennent du gouvernement, des organisations internationales ou de la société civile.

    Mission d’écoute de la Commission Musonge à Bamenda le 31 mai 2018

    En janvier 2017, plus de quatre mois après les manifestations des avocats anglophones qui ont débouché sur des émeutes, le gouvernement donne un coup de barre à droite dans son approche de la crise. Tous les leaders du «Consortium», engagés dans des pourparlers avec des émissaires de Yaoundé sont arrêtés et jetés en prison. Le mouvement est déclaré illégal et l’accès à internet coupé dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Le durcissement de la position des autorités camerounaises entraine une radicalisation du mouvement coté anglophone, puis à un conflit ouvert entre l’armée et des séparatistes. Devant des positions qui deviennent aussi difficiles à rapprocher que les deux rives du Moungo, des initiatives se multiplient pour mettre fin au bain de sang.

    La commission Musonge ignorée
    La dernière en date est celle du Cardinal Christian Tumi. En juillet dernier, le prélat a annoncé son intention de créer, avec d’autres leaders religieux, un cadre de dialogue entre toutes les parties prenantes au conflit. Avec le pasteur Babila George Fochang, de l’Église presbytérienne du Cameroun (EPC), l’imam Tukur Mohammed Adamu, de la mosquée centrale de Bamenda, et le chef imam Alhadji Mohammed Aboubakar, de la mosquée centrale de Buea, il lance l’idée d’une conférence générale anglophone, une idée plébiscitée par de nombreux Camerounais. «Je crois que les politiciens n’ont pas pu résoudre le problème», soutient-il. Et d’ajouter : «Il est incompréhensible que le problème n’ait jamais été discuté même à l’Assemblée nationale, alors qu’en Angleterre, on est en train de discuter de cette affaire». Après des renvois, la conférence, qui devait se tenir à Buea (dans le Sud-ouest) les 21 et 22 novembre, n’a pas reçu l’autorisation du gouvernement. Avant cela, au cours de la session parlementaire du mois de novembre 2017, le pouvoir s’est appuyé sur sa majorité obèse pour empêcher l’opposition d’inscrire la crise anglophone à l’ordre du jour.

    Ces initiatives ne sont pas les seules tentatives. Même au sein du pouvoir, les autorités se mordent la queue. Ainsi en 2017, pas moins de deux missions, engagées par la présidence de la République et conduites par le Premier ministre, ont été déployées dans le Nord-ouest et le Sud-ouest. Les résolutions qui sortiront des échanges avec les populations de ces deux régions vont être adressées au président de la République, sans qu’elles soient suivies d’effet. Le même sort a été réservé aux conclusions de la «mission d’écoute» de la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme, créée comme réponse à la crise anglophone. En juin dernier, après avoir recueilli les propositions des populations anglophones, la Commission, dirigée par l’ancien Premier ministre Peter Mafany Musonge, les a adressées au chef de l’État. Aucune des recommandations retenues n’a été mise en œuvre à ce jour.

    Les diplomates priés de circuler
    Fin de non-recevoir également pour des propositions de la communauté internationale. Au cours d’une de ses nombreuses missions au Cameroun en 2017, dans le cadre de cette crise, François Louncèny Fall, envoyé spécial du secrétaire général de l’Onu pour l’Afrique centrale, se montre optimiste et déclare que «des échanges fructueux et pleins d’espoirs» ont eu lieu avec les autorités camerounaises. Il appelle le gouvernement à trouver des solutions pour mettre fin au conflit. Mais du côté camerounais, on s’attèle surtout à montrer que les torts viennent d’en face et que l’État ne fait que se défendre. C’est dans la même logique que le gouvernement reste sourd aux recommandations du Commonwealth, dont la secrétaire générale a effectué une visite de travail en décembre 2017. Patricia Scotland a demandé à Yaoundé d’ouvrir un «dialogue sans condition».

    Les appels incessants des partenaires traditionnels du Cameroun, à l’instar de l’Union européenne, de la France, des États-Unis, ou encore de l’Allemagne, n’auront pas plus de succès. Ces derniers ont, à plusieurs reprises, pressé le gouvernement de trouver une solution politique à la crise. Mais Yaoundé ne prête l’oreille qu’aux voix qui confortent les autorités dans l’option militaire. Toute autre approche est rejetée dans cette crise et est dès lors perçue comme une tentative d’ingérence. Pour l’heure, rien n’indique un infléchissement de cette position et les opérations militaires se poursuivent ;
    le décompte macabre aussi.

    Ifeli Amara

     

    Etoudi dans la logique du «œil pour deuil» 

    Alors que des morts se comptent à la pelle, aucune action d’envergure pour un retour à une situation de paix durable dans la zone en crise n’a été mise sur pied. Des citoyens crient au laisser-faire volontairement entretenu.

    Le palais présidentiel: coeur du pouvoir au Cameroun

    Dans leur tentative de dire ce qui caractérise Paul Biya, il y a un point central sur lequel d’aucuns s’épanchent : le président de la République reste le mieux placé pour juger de l’opportunité d’engager toute action au bénéfice du Cameroun. «S’il y a une bonne part de vérité dans ce postulat, il n’en demeure pas moins que face aux urgences du moment, cela mérite un beau débat», postule Rémy Massoma Ma Mbea. L’argumentaire de cet internationaliste pointe «la méthode Biya, consistant à ignorer souvent la résonnance des élans du peuple».

    Et dans cette posture, la passerelle avec «la gestion présidentielle de la question anglophone» est vite trouvée. Depuis fin 2016, les événements s’accélèrent de façon diabolique, dans un enchevêtrement foisonnant. Assassinats, kidnappings, menaces de tous genres sont le lot quotidien des populations des régions du Sud-ouest et du Nord-ouest. «Jusqu’ici, aucun changement d’ampleur n’a vu le jour, rien n’a été appliqué dans la durée, avec le soin nécessaire», se désole Louis Yapseu, chercheur au Cercle d’études sécuritaires du Cameroun (CESCA).

    À la vérité, l’universitaire stigmatise «l’immobilisme incompréhensible du président», dénonce «une cacophonie assourdissante au sein du gouvernement, pendant que des hommes, mus par une idéologie séparatiste ou fédéraliste, forcent les lignes au bulldozer et la kalach». Dans cet élan, il conclut: «C’est l’illustration de la méthode Biya, qui se veut habile, mais finit par tourner à vide à cause de l’enracinement d’un malaise social sans perspective». Le descriptif de cette méthode propose un visage présidentiel balafré d’un sens de l’esquive qui ne s’est, depuis, pas démenti. On se souvient qu’au début de la crise, Paul Biya, pour tenter de calmer les citoyens de la partie anglophone, avait tiré son écritoire et sorti sa plume. Il avait alors nommé, çà et là, des fils et des filles de cette zone à des postes de responsabilités. Deux de ses décrets consacraient la création de la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme (CNPBM) et la mise sur pied d’un Plan humanitaire d’urgence.

    Portant son regard sur ce «nouveau gadget», Jean-Marc Bikoko, le président exécutif de Dynamique citoyenne, s’en était pris à la «méthode Biya». «Ce type de dispositif, disait-il alors, a surtout pour but d’essayer d’éteindre un incendie, mais ne traite jamais le problème à la racine. C’est juste des saupoudrages successifs au lieu de réformes profondes et utiles pour le long terme».

    Dans la même veine, Josué Ngounang, président de l’ONG «Cameroon First», soufflait que la pression de la crise dans la partie anglophone du pays oblige le président de la République à jouer son va-tout, en espérant obtenir des résultats immédiats. De son point de vue, le Plan d’urgence humanitaire et les nominations d’anglophones aux fonctions stratégiques se révèlent hors d’atteinte, faute d’avoir établi une stratégie de longue haleine.

    Jean-René Meva’a Amougou

  • CAN 2019 : Comment Ahmad a roulé Paul Biya

    CAN 2019 : Comment Ahmad a roulé Paul Biya

    Avec le retrait de l’organisation de la CAN 2019, la diplomatie camerounaise vient de se fourvoyer devant cette estocade retentissante.

    Le Président de la CAF remettant un présent au Président de la République

    Le déploiement diplomatique n’aura pas anticipé la décision du 30 novembre 2018. La Confédération africaine de football (CAF) a décidé, en collégialité, de retiré l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) au Cameroun 6 mois et 15 jours avant son début. Désormais, cet épilogue sera associé au nom et à l’image du Cameroun. Image de marque sans cesse vantée et protégée par les plénipotentiaires du pays de l’ambassadeur itinérant Roger Milla, du goléador international Samuel Eto’o, des consultants internationaux Patrick Mboma et Joseph Antoine Bell. Image de marque promue et incarnée par le premier sportif camerounais qui a actionné plusieurs leviers de concrétisation de ses promesses plusieurs fois réitérées de l’organisation de cette fête africaine du football en 2019.

    Déploiement
    Dès les premières suspicions sur la réattribution de la CAN, le Cameroun avait fait convoquer les chefs de mission diplomatique du Maroc, de l’Algérie et de l’Afrique du Sud à Yaoundé. Un acte fort de symbole pour passer le message. Une communication renforcée par les prises de position et promesses présidentielles qui ont successivement engagé le gouvernement, le secteur privé, les sportifs, la jeunesse et le peuple pour l’accueil de cette compétition « le jour dit ». En mars 2018, le président du Comité de normalisation de la Fédération camerounaise de football avait rencontré son homologue de la fédération royale marocaine de football, Faouzi Lekjaa. Face à la presse, les deux autorités avaient fait chorus autour de la fraternité entre les deux pays et le soutien de l’organisation de la Can au Cameroun en 2019.
    C’est au titre de la mobilisation de cet outil diplomatique que le président de la République aurait reçu Ahmad Ahmad à Yaoundé. En mobilisant Samuel Eto’o, l’atout de charme de la diplomatie footballistique du Cameroun.

    Risques
    Le football demeure un élément essentiel de la diplomatie camerounaise. La présidence de la République compte deux ambassadeurs itinérants, dont Roger Milla, footballeur africain du siècle. Le retrait de l’organisation de la Can au Cameroun retentira assurément au sein des milieux diplomatiques.
    S’il est admis que c’est l’insuffisante disponibilité des infrastructures qui pèse sur ce retrait, alors le problème de la capacité du Cameroun à livrer ses chantiers à temps se pose. La destination Cameroun en matière de facilité des affaires prendra un coût. Dans ce sillage, le risque Cameroun sera moins incitatif à l’attrait des investisseurs. En gros, c’est donc un impact sur la signature internationale du Cameroun.

    Zacharie Roger Mbarga

    Retrait de l’organisation de la CAN 2019

    «Un boulevard d’opportunités… pour le Cameroun»

    En offrant l’opportunité au Cameroun de « mieux se préparer » pour abriter la CAN 2021 ou 2024, la CAF ouvre une grande porte à l’économie camerounaise de se dynamiser et d’émerger. C’est le temps des opportunités.

    • Opportunité de finaliser les infrastructures : il est certain que les infrastructures devant accueillir la CAN 2019 au Cameroun étaient en retard selon le calendrier de la CAF. Le risque de « mal faire » par précipitation était très élevé. Le Cameroun a donc là, l’opportunité de bien faire avec des délais raisonnables. Ne lâchez pas.

    • Opportunité de « soigner » la gouvernance : la question essentielle qu’on devrait se poser est de savoir : pourquoi le Cameroun a perdu l’organisation de la CAN 2019, malgré tous les efforts ? Tous les indicateurs prouvent que les lourdeurs administratives, les défaillances dans la gestion des projets, les conflits d’intérêts et même de compétence… ont pesé d’un poids lourd sur le retrait de cette compétition au pays de Roger Mila. C’est le temps de faire le bilan et de tirer les conséquences. S’évaluer pour mieux se projeter. Une grosse opportunité.

    • Opportunité de restructurer la FECAFOOT : l’institution en charge du football camerounais est, depuis plus de trois ans, sur « administration provisoire ». Situation peu favorable pour cette organisation dans l’accomplissement de ses missions à savoir : définir, développer et encadrer le mouvement du football au Cameroun. C’est dans ce contexte que la FECAFOOT devait accueillir la CAN 219 (même si les élections devraient se tenir dans les prochains mois). Le retrait de cette compétition offre l’opportunité à la FECAFOOT de disposer d’un staff légitime et outillé pour accompagner le Cameroun vers une organisation sans faute de la CAN 2021 ou 2024.

    • Opportunité de restructurer le COCAN : pour « réussir » l’organisation de la CAN 2019, le Cameroun a eu une idée géniale de créer un comité d’organisation. Dans les faits, si le COCAN bénéficie d’un statut juridique, son fonctionnement a été rattrapé par les conflits de compétences et d’intérêt. Voici l’opportunité de donner tous les moyens et le pourvoir nécessaires au COCAN de se mettre à l’œuvre pour une CAN « sucrée » en 2021 ou 2024.

    • Opportunité d’affaire pour le secteur privé : avant le retrait de la CAN 2019 au Cameroun, beaucoup d’entreprises et opérateurs économiques du secteur privé regrettaient déjà de n’avoir pas anticipé sur les opportunités que devait leur offrir l’organisation de la plus grande compétition sportive en Afrique. « Tout est grâce ». Voici l’opportunité de vous préparer en conséquence pour les échéances à venir.

    • Opportunité de définir une stratégie de marketing pays : la CAN 2019 devait attirer l’Afrique sportive. D’importantes délégations (touristes, sportifs) ont hâte de découvrir le pays de Samuel Eto’o. Le Cameroun était-il suffisamment préparé pour vendre sa destination ? Si pour certain c’est oui, c’est le moment de mettre sur pied une réelle stratégie de marketing pays, notamment avec l’émergence des médias sociaux, pour vendre le Cameroun au monde entier durant la CAN 2021 ou 2024. Les implications économiques d’une telle démarche sont innombrables. Saisissons cette opportunité.

    • Opportunité d’accélérer la décentralisation : les matchs vont se jouer dans les grandes villes. C’est le moment de mettre sur pied une réelle stratégie de marketing territorial devant permettre aux localités (CTD) de tirer le plus grand profit des retombées économiques d’une telle compétition. Anticipons sur les besoins d’avenir. Autonomisons les collectivités. L’émergence du pays en dépend…

    • Opportunité d’assurer la paix sur l’ensemble du territoire : la CAN 2019 devait se dérouler dans un contexte social fragile. Situation qui aurait impliqué d’énormes ressources (humaines et financières) pour garantir la sécurité des personnes et des biens (même s’il s’agit d’une mission régalienne de l’État). Le pays a l’opportunité de rétablir la paix dans les zones qui connaissent les troubles sécuritaires afin de rassurer les investisseurs et divers visiteurs qu’il devrait accueillir probablement en 2021 ou 2024.

    In fine, il est impossible de lister toutes les opportunités qu’offre la décision de retirer la CAN 2019 au Cameroun dans cette tribune. Les prochaines éditions sont certes lointaines, mais certaines. Ne pleurons pas. Au contraire, dansons et mettons-nous au travail vite et maintenant. Allons à la conquête des opportunités.

    Benjamin OMBE, directeur général du cabinet

    Knowledge Consulting

     

    Issa Tchiroma, ministre de la Communication

    «Le Cameroun n’a pas démérité»

    Le gouvernement de la République du Cameroun a pris connaissance avec consternation de la décision du Comité exécutif de la CAF, réuni à Accra le 30 novembre 2018, de retirer au Cameroun l’organisation de la CAN 2019.

    Cette décision étonnante à plus d’un titre, ne rend assurément justice ni aux investissements colossaux consentis par notre pays et qui se traduisent aujourd’hui par de belles infrastructures modernes visibles de tous, ni à l’engagement déterminé du Chef de l’État et au Peuple camerounais à déployer les efforts nécessaires pour abriter en 2019, une fête éclatante du football africain.

    Force est de constater que notre pays a fait l’objet dès le départ, dans le cadre de ce dossier, d’un traitement qui ne peut que susciter des interrogations.

    Face à cette injustice flagrante, le Gouvernement de la République demande au Peuple camerounais de garder toute sa sérénité et de ne pas céder à la tentation des polémiques stériles.

    Le Cameroun n’a pas démérité. Il le prouvera à la face du monde en poursuivant avec la même détermination, la construction de ces belles infrastructures qui appartiennent au Peuple camerounais et en les achevant à bonne date, ainsi que s’y est engagé le Chef de l’État.

    Il y a néanmoins lieu de souligner que le football africain ne pourra se hisser au niveau de celui des continents plus avancés, sans le respect d’une certaine éthique.

    Notre pays, qui a écrit certaines des pages les plus belles du football africain, continuera à œuvrer sans relâche, de concert avec les autres pays africains et les instances internationales du football, au développement du football de notre cher continent.

     

    CAN 2019 

    Comment Ahmad a roulé Paul Biya

    Contrairement aux déclarations faites par le président de la CAF à Yaoundé en octobre dernier, l’institution avait bien un plan B. 

    De nombreux Camerounais sont restés bouche bée à l’annonce de la décision du Comité exécutif de la Confédération africaine de football (CAF) de retirer l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2019 au Cameroun. Même les plus hautes autorités du pays accusent le coup. Il a fallu attendre près de 24 heures pour enregistrer la première et unique réaction officielle. « Le gouvernement de la République du Cameroun a pris connaissance avec consternation de la décision du Comité exécutif de la CAF réuni à Accra le 30 novembre 2018, de retirer au Cameroun l’organisation de la CAN 2019 », indique le ministre de la Communication dans une déclaration faite devant la presse dans la journée du 1er décembre 2018. Pour Issa Tchiroma Bakary, cette décision, qu’il considère comme une «injustice flagrante», est «étonnante à plus d’un titre».

    Même si le ministre n’en dit pas plus, la surprise dans le sérail vient du fait que cette sentence est aux antipodes des assurances données par le président de la CAF à l’issue d’une audience avec le président de la République du Cameroun le 2 octobre dernier. «Si je suis ici, c’est pour enlever toutes les supputations. La CAF n’a pas de plan B. La CAF n’a jamais réfléchi à un retrait de la CAN au Cameroun. C’est le Cameroun qui pourra nous dire demain on est prêt ou “ donnez-nous du temps», assure alors Ahmad Ahmad, au sortir de la rencontre au sommet avec Paul Biya, organisée par l’international camerounais Samuel Eto’o.

    Double jeu
    Alors que les autorités camerounaises continuent de soutenir que le pays aurait pu être prêt pour accueillir cette compétition, un plan B est déjà en branle. Au même moment où il a rendu publique sa décision de retrait, la CAF a également lancé un « appel urgent à de nouvelles candidatures ». Objectif: «s’assurer qu’un nouveau pays-hôte soit trouvé d’ici le 31 décembre». Même si le Maroc n’a pas encore officiellement fait acte de candidature, pour la quasi-totalité des observateurs, il ne fait l’ombre d’aucun doute que la 32e édition de la CAN se jouera dans le royaume chérifien.

    «Toute cette affaire est claire depuis le début. Il n’y a que les naïfs qui n’ont pas voulu comprendre que M. Ahmad à tout organiser dès le départ, parce qu’il doit donner la Coupe d’Afrique des Nations 2019 au Maroc», indique, sentencieux, le politologue Owona Nguini sur le plateau de Club d’Élite, une émission dominicale de débat sur la chaine de télévision Vision 4. «Dès août 2017. Symposium de la CAF. M. Tombi à Roko (ancien président de la fédération camerounaise de football) a dit : “ je suis venu ici et des gens m’ont dit qu’on nous avait déjà retiré la CAN ”. Comme d’habitude, les Camerounais ont commencé à ironiser et à railler alors que la démarche était claire», argue-t-il. Pour cet universitaire qui baigne dans les milieux footballistiques, le passage de la CAN de 16 équipes à 24 participait de cette manœuvre.

    «C’est parce qu’on a retiré à M. Ahmad l’organisation d’une Coupe d’Afrique junior qu’il a décidé de se venger du Cameroun, soutenu par des forces internes de la CAF qui en avaient mare de la longue domination camerounaise sur cette institution», accuse-t-il. Des sources au Caire, siège de la CAF, confirment en effet l’existence et la domination d’un courant anti-Cameroun au sein de la Confédération africaine de football. Et Ahmad Ahmad est obligé de jouer le jeu pour assurer sa réélection à la tête de la CAF et garantir un maximum de voix du continent à Gianni Infantino, lors de l’élection à la présidence de la FIFA comme il s’y est engagé.

    Le malgache continue d’ailleurs à user de ce double langage. Pour faire passer la pilule du retrait, le président de la CAF a écrit une correspondance au président camerounais indiquant que «compte tenu de tous les efforts que vous avez déjà accomplis, et au vu de l’importance de votre implication personnelle, la CAF et son Comité exécutif seraient honorés que le Cameroun puisse accepter d’abriter l’édition 2021 de la Coupe d’Afrique des Nations». Mais face à la presse, Ahmad a laissé planer le doute. «La CAF prend un engagement de soutenir le Cameroun, de donner du temps pour qu’il puisse bien préparer une CAN», s’est-il contenté de dire. Et quand un journaliste lui a demandé si cela signifiait que la CAN 2021 revenait au Cameroun, Ahmad a rétorqué: «À vous de voir». Attention de se faire prendre une seconde fois dans le même piège.

    Aboudi Ottou 

     

    Premier loupé du «septennat des grandes opportunités» 

    À peine entamé, le nouveau mandat du président de la République doit faire face à une déconvenue de taille. Le retrait de l’organisation de la CAN 2019 au Cameroun prive le pouvoir d’un moment qu’il annonçait d’ores et déjà de « communion nationale ».

    47 ans après avoir organisé sa première Coupe d’Afrique des Nations (CAN), le Cameroun s’est engagé auprès de la Confédération africaine de football (CAF) à tenir une seconde fois le pari. Mais une quarantaine d’années plus tard, et alors que l’organisation lui a été confiée depuis 2014, le pays se retrouve dans l’incapacité de tenir ses engagements. «La Confédération africaine de football a décidé que la prochaine édition de la Coupe d’Afrique des Nations 2019 ne peut se tenir au Cameroun», a tranché le président de la Caf, Ahmad Ahmad, vendredi dernier à Accra au Ghana, où se tenait le Comité exécutif de la CAF. Coup de tonnerre à Yaoundé.

    Cette décision de la CAF est l’épilogue d’un long feuilleton de frictions entre Yaoundé et l’instance faitière du football africain sur le niveau d’avancement des travaux. L’opinion est abasourdie et les autorités camerounaises se manifestent par un mutisme, signe d’embarras, à l’exception d’une sortie du ministre de la Communication. Issa Tchiroma Bakary fustige une décision qui «ne rend assurément pas justice aux investissements colossaux consentis par notre pays et qui se traduisent aujourd’hui par de belles infrastructures modernes visibles de tous, ni à l’engagement déterminé du chef de l’État».

    Parole donnée
    Pour une partie de l’opinion en effet, il s’agit du non-respect d’une promesse. «La CAN 2019, c’est déjà demain, et le Cameroun sera prêt le jour dit. J’en prends l’engagement», indique Paul Biya en août 2017. Le président de la République du Cameroun réagissait à une sortie du président de la CAF. En marge d’une visite au Burkina Faso Ahmad avait déclaré que «même à quatre équipes, le Cameroun n’est pas prêt». Cette saillie du chef de l’État est reprise systématiquement par la propagande du pouvoir et sert de froment à la campagne du candidat Paul Biya qui brique un énième mandat à l’élection présidentielle. La CAN est affichée comme une ambition du chef de l’État qui sera réalisée au cours du septennat des «grandes opportunités».

    Les soutiens du pouvoir ne se lassent pas de brandir cette compétition comme une victoire du président Paul Biya, «qui dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit». Le réveil est brutal: moins d’un mois après le début de son nouveau septennat, l’un des piliers sur lequel repose alors le discours officiel de la parole donnée du président de la République s’effondre. Le septennat des «grandes opportunités» s’ouvre sur ce qui s’apparente à un échec cuisant.

    Prescience
    Cependant, pour de nombreux observateurs, le Cameroun n’a pas démérité. Ils accusent la CAF d’anti jeu. Cette ligne de défense repose essentiellement sur le fait que les dirigeants du football continental ont changé les règles du jeu en plein match. En effet, lors de l’attribution de l’organisation de la compétition en 2014, le Cameroun a hérité d’un cahier de charges à 16 équipes, notamment. Celui-ci sera modifié en août 2017, portant le nombre d’équipes à 24, avec induction d’un surplus d’infrastructures à construire.

    En tout état de cause, le gouvernement camerounais a pris acte de la décision de la CAF, et assure à travers son ministre de la Communication, de «la construction de ces belles infrastructures qui appartiennent au peuple camerounais, et en les achevant à bonne date ainsi que s’y est engagé le chef de l’État». Pour sa part, et telle une prescience, Paul Biya, dans son discours d’investiture, déclarait le 6 novembre dernier, avec moins d’assurance: «je persisterai à consacrer tous mes efforts [ … ] à apporter au secteur sportif le soutien qu’il mérite, pour que les efforts que nous avons consentis pour accueillir la CAN 2019 reçoivent leur juste récompense».

     

    Les impacts du retrait de la CAN sur l’économie

    La CAN aurait pu avoir un effet positif sur le solde budgétaire du Cameroun 

    L’experte en management public analyse l’impact du retrait de l’organisa-tion de la CAN au Cameroun.

     

    Le retrait de la CAN ne laisse aucun camerounais indifférent. Au-delà de l’amour et la passion que ce pays a pour le football, chaque acteur trouvait de l’intérêt dans cet évènement. La question qui me préoccupe est de savoir : quelles sont les incidences macro-économiques et micro-économiques du retrait de la CAN 2019 ? Cette analyse s’appuie sur les indicateurs macro-économiques projetés en 2019, et sur l’incidence micro-économique qui pourrait en découler.

    I-Les indicateurs macro-économiques menacés
    À l’analyse de la loi des finances et du programme économique présentés par le Premier ministre, le cadrage macro-économique du Cameroun pour 2019 a été significativement influencé par la tenue de la CAN. En effet, l’État du Cameroun, associé à ses différents bailleurs de fonds, a fait des projections optimistes sur les revenus fiscaux hors pétrole de l’État. Cet optimisme a principalement été motivé par les revenus que devraient générer toutes les activités autour de la CAN. L’illustration de cet optimisme est traduite par les objectifs à atteindre en termes de recettes non pétrolières nettes.

    En effet, le taux croissance des revenus non pétroliers a été projeté à 7 % en 2018. En revanche, pour 2019, il a doublé et est passé à 16 %. Une autre précision pertinente est l’aspect saisonnier de ces recettes. Car les prévisions établies montrent qu’au cours de l’année 2019, le deuxième trimestre de l’année et le début du troisième trimestre devraient connaitre un niveau de croissance à deux chiffres. Ce second trimestre correspond à la période de la CAN.

    De même, en ce qui concerne les projections sur la taxe sur les boissons alcoolisées, bien que les prévisions de recettes aient été faites sur les consommations des années 2017 et 2018, la CAN aurait pu avoir un effet tampon avec la crise du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui occasionnent des déplacements de plus en plus massifs des populations dans les pays voisins, entrainant ainsi une baisse de la consommation de ces produits. La simulation tenant compte des consommations de 2017 et 2018 sera difficilement réalisée en l’absence de cet évènement, qui nous le savons, entraine une forte consommation des boissons alcoolisées et notamment de la bière.

    Par ailleurs, si l’on se focalise sur les recettes douanières spécifiquement, il ressort de cela que ces dernières devraient connaitre un taux de croissance de 17 % entre 2017 et 2019. Cependant, le taux a été de 7 % entre 2017 et 2018. En Plus, les prévisions établies font état de ce que ces recettes douanières devraient connaitre un rebond à la fin du premier trimestre. Cette période correspondant à la fin des exonérations liées aux importations des matériaux de construction et au rétablissement des droits de douane, augmenté des droits d’accises sur certains produits. Il semble alors nécessaire de revoir la disposition d’exonération en retenant des taxes après échange avec les différents partenaires. Cette décision permettra de disposer des recettes douanières pour amortir une partie du choc entrainé par la décision de la CAF.

    Le cas des impôts suit la même tendance. En effet, le taux de croissance des impôts a été projeté à 15 % en 2017 et 2019 contre 4 % entre 2017 et 2018. Bien que ce taux soit en grande partie tiré par l’augmentation de la pression fiscale, cette augmentation est endossée sur l’euphorie économique que devrait susciter l’organisation de la CAN.

    Il ressort de cela que la tenue de la CAN en 2019 devrait constituer un tremplin pour la croissance économique de manière générale, mais également favoriser la fourniture des services publics de qualité. Cet optimisme a par ailleurs contribué à la modification vers la hausse de la loi de finances 2019 et le recrutement massif de l’État dans l’enseignement supérieur. Par conséquent, le retrait de ladite CAN devrait entrainer un réajustement structurel sur les dépenses prioritaires et une révision partielle du modèle économique à adopter. A défaut, un nouvel emprunt de l’État pourrait être envisagé et ses programmes avec les bailleurs de fonds compromis.

    Visiblement la CAN aurait pu avoir un effet positif sur le solde budgétaire du Cameroun. Donc, inévitablement le retrait de la CAN a des incidences au plan micro-économique.

    II-Adieu à l’effet d’aveuglement
    L’organisation d’un évènement d’envergure comme la CAN masculine est souvent l’occasion d’émotions importantes. Les émotions ont un effet d’aveuglement (ne voir que ce que notre portée ou plutôt la moitié de notre champ de vision peut voir) sans doute utile pour faire accepter des décisions difficiles. C’est pendant la CAN que la taxe sur la bière par exemple est envisagée, ce qui aurait pu passer sans grande incidence et s’installer dans la durée. L’absence de la CAN pourrait avoir un effet de rejet au-delà de la baisse des consommations et par ricochet la baisse des recettes projetées.

    Aussi, les activités connexes à la CAN auraient généré auprès de certains acteurs économiques et culturels des gains substantiels. Hélas ! L’espoir vole en éclat, laissant au passage plusieurs acteurs endettés sans perspectives ni alternatives crédibles ou d’égales importances. Certains hommes d’affaires, qui ont pris des engagements dans la perspective de la CAN, sont sans doute anxieux en ce moment. L’effet direct sur leurs économies, sur les banques concernées et sur toutes les personnes affiliées est évident. Je pense particulièrement au personnel de ces entreprises qui pourraient perdre leur emploi et se retrouver au chômage.

    De même la CAN aurait été une opportunité de cohésion sociale après une élection présidentielle qui n’a pas fini de panser ses plaies, et une élection législative et municipale prévue au second semestre de 2019. Entre ces deux évènements, la CAN aurait été un bon catalyseur émotionnel pour rapprocher les différentes composantes politiques, sociales, culturelles et religieuses du Cameroun. Il faut donc craindre que les différents groupes se replient davantage, que les frustrations soient de plus en plus visibles. Le coût psychologique est très élevé.

    On pourrait donc, à juste titre, parler des conséquences sociales du retrait de la CAN 2019 au Cameroun. C’est l’occasion d’envisager des activités permettant d’absorber les attentes émotionnelles et identitaires qui s’expriment fortement depuis les élections présidentielles. Il s’agit alors de trouver un sujet d’intérêt national qui fédèrerait l’attention de tout le peuple. J’en vois deux pour l’instant.

    Le premier est bien sûr de participer à la CAN 2019 et surtout de la gagner. Pour le dire comme Joseph Antoine Bell, « c’est le prochain match qui compte » ! Par ailleurs, une fois les infrastructures construites, il faut envisager des projets viables pour un retour sur investissement ; à défaut, le coût d’opportunité sera très élevé pour le Cameroun. Le deuxième sujet d’intérêt national est l’engagement politique et réel pour la bonne gouvernance sans parti pris. Pour moi, le sursaut national, l’orgueil camerounais pourrait se déporter sur cette valeur partagée qui fait l’unanimité dans les discours. Une unanimité dans les dispositions juridiques et intentions, alimentées par toutes les parties prenantes pourrait constituer un bon projet fédérateur.

    Il est certes délicat, mais c’est pour ma part l’enjeu pour un leadership plus fort, un espoir d’augmentation de recettes et une perspective crédible pour l’engagement vers une éthique indispensable à la justice et la cohésion sociales. Le problème du retrait de la CAN, au-delà de l’émotion qu’il génère, est révélateur de fenêtres de vulnérabilité qu’il faut détecter et corriger. C’est du bon usage de ce scandale que le Cameroun s’en sortira. Nul besoin de se concentrer sur la dramatisation, l’heure est à l’analyse des dysfonctionnements et de leurs corrections.

  • Septième mandat à la tête de l’Etat : Paul Biya, l’Histoire ou la poubelle

    Septième mandat à la tête de l’Etat : Paul Biya, l’Histoire ou la poubelle

     

    Ce 6 novembre 2018, la présidence Biya entre dans un nouveau septennat. Les puristes de la science politique évitent de parler d’installation au pouvoir. Ils préfèrent se référer au chiffre 36. Plus clairement, 36 ans de pouvoir. Parler donc d’un nouveau locataire au palais de l’Unité serait, disent-ils, absurde. Ceux qui forcent le souvenir s’arrêtent sur ses bains de foule, sur la haute stature du «héros national» dominant la marée humaine à l’issue de chacune de ses prestations de serment.

    «I do so swear !». Cette année, Paul Biya prononce ces mots pour la huitième fois. L’explication qu’en donne le Pr Joseph Owona est que le successeur d’Ahmadou Ahidjo reste «un héritier à la hauteur du legs symbolique du pouvoir». Avec plus d’entrain, cet air-là, beaucoup le reprennent chaque jour, confortant ainsi «l’Homme-Lion» à éviter de se sevrer du goût du pouvoir. Cette fois, il entame la marche vers 2025. Il aura alors 92 ans. Pour le chiffrage, on en restera là.

    Voici donc un nouveau septennat. Vu à travers le prisme du personnage Biya ou le récit des victoires et des échecs de ce dernier, le 7è mandat mérite d’être regardé avec l’œil du veau qui tète. Sans prédire le pire, Paul Biya devra faire face à l’impatience des Camerounais, à la déception des uns (les retraités, les fonctionnaires), à la colère des autres (avec le sujet épineux de la crise anglophone), à la surenchère de l’opposition, aux maladresses ou aux faiblesses de ses propres troupes. Et lorsque le moment viendra, il devra aussi évaluer les besoins des arrivants, en fonction de situations administratives et de bagages politiques extrêmement diversifiés. Grégoire Owona brandit « la force de l’expérience ». On sait bien, après près quarante ans d’efforts stériles, que les déficits publics et l’endettement faramineux du Cameroun ne vont pas disparaître par enchantement, en 7 ans. Pour l’heure, on accorde encore au « nouvel élu » le bénéfice du doute et le droit à l’expérimentation pour une période qui peut cependant se raccourcir brutalement.

     

    06 novembre 2018

    Deux événements, un acteur principal

    Au sein du parti au pouvoir, on évoque des raisons financières et d’agenda pour justifier que la prestation de serment du président élu et le 36e anniversaire de son accession à la magistrature suprême se fêtent le même jour.

    Ce 6 novembre, le Cameroun amorce une nouvelle période de sept ans sous la présidence de Paul Biya, en poste depuis 1982. Sorti vainqueur de l’élection présidentielle du 7 octobre dernier avec 71,28 % de suffrages exprimés, l’homme âgé de 85 ans se plie, une nouvelle fois au rituel de la prestation de serment. En effet, comme le commande l’article 140 du Code électoral, « le président de la République élu entre en fonction dès sa prestation de serment. Celle-ci intervient dans un délai maximal de 15 jours à compter de la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel. Il prête serment devant le peuple camerounais en présence des membres du Parlement, du Conseil constitutionnel et de la Cour suprême réunis en séance solennelle ».

    Pendant que des millions de Camerounais se souviendront de n’avoir jamais entendu un autre président que Paul Biya prononcer la mythique phrase «I do so swear», les militants du parti au pouvoir de leur côté vont célébrer ce geste républicain de leur champion pour la 36e fois. Ce 6 novembre marque en effet le 36e anniversaire de l’accession à la magistrature suprême de l’homme du «Renouveau». Anniversaire qui sera célébré cette année en même temps que le début du 7e mandat du deuxième président de l’histoire du Cameroun.

    Huit prestations de serment
    Aucune raison officielle n’a été donnée pour expliquer cette double célébration inédite. Mais au sein du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), le parti présidentiel, l’on évoque tant tôt des considérations économiques, tant tôt des contraintes de calendrier. «La raison est davantage une raison économique. C’est-à-dire que s’il fallait organiser la prestation de serment un jour avant ou un jour après la date anniversaire de l’accession à la magistrature suprême, cela allait davantage imposer des dépenses énormes. Parce que cela suppose, une restauration, le transport des militants, la mobilisation au plan technique en termes de préparation de la cérémonie des faire-part à envoyer de part et d’autres. Tout cela allait couter très cher. Et nous sortons d’une rentrée scolaire en début septembre pour entrer dans une longue campagne qui a été essorante pour toutes les officines politiques», explique un membre du comité central du Rdpc.

    Un autre embraye: «Il fallait faire une deux en un pour également éviter le croisement avec la rentrée parlementaire. Rentrée parlementaire, prestation de serment, et célébration du 6 novembre; cela fait trop d’acticités dans un contexte de morosité ambiante». De plus, ajoute-t-il, «les caisses de l’État sont au rouge. Même la prime des enseignants qu’on paye régulièrement connait un essoufflement. Nous sommes à cinq semaines sans prime. C’est tout cela qui fait en sorte que le 06 novembre de cette année puisse regrouper les deux manifestations».

    Après le tout premier – 6 novembre 1982 suite à la démission de son prédécesseur Ahmadou Ahidjo, c’est la huitième fois que Paul Biya va prêter serment dont sept après une victoire à l’élection : 1984, 1988, 1992, 1997, 2004 puis 2011, puis 2018.

    Ifeli Amara

     

    Le jour d’après 

    En début de mandat, les habitudes présidentielles consistent à sanctionner ou à récompenser. Dès ce 6 novembre 2018, tous les regards se tournent vers la plume de Paul Biya.

    «Au Cameroun, l’après-prestation de serment est un moment». En insistant sur le dernier mot de cette phrase, le politologue Bernard Njeutchou se mue successivement, le temps d’une analyse, en climatologue, en géologue et en sociologue. «C’est la phase consacrée aux vents très forts. C’est un instant révélateur des tectoniques politiques très profondes. C’est le temps pendant lequel s’instaure une forme de mesure dans l’expression des rapports de force au sein de l’espace public», ajuste-t-il. Après chaque élection présidentielle, tout se construit à la fois sur l’instant et sur une dynamique imprévisible. «Voici venu le moment d’évaluation des coups d’éclats du précédent mandat. C’est un moment qui, après la campagne électorale et l’euphorie des résultats, réintroduit la politique dans ce qu’elle exprime de conflictualité et de rapports de force à vif contre une politique d’usage prioritairement technique», établit le sociopolitiste Blaise Eboumbou.

    Comme à chaque fois qu’il est réélu, Paul Biya place ses corridors. En novembre 2011, Valentin Zinga écrivait : «le septennat cristallise les urgences, dont certaines ont vocation à dissiper le malentendu électoral du 9 octobre 2011. L’opinion attend plus que des signes ; elle espère des signaux. L’une des clés pourrait dès lors s’articuler avec un renouvellement de forte amplitude des personnels gouvernementaux, dans une dynamique combinant devoirs de gratitude politique (en forme de renvoi d’ascenseur)… Le renouvellement des ingénieries et des énergies».

    Même jeu
    «En 2018, l’opinion attend à la fois des signes et des signaux», croit savoir Blaise Eboumbou, braquant ses projecteurs sur les comptes et mécomptes du dernier scrutin présidentiel. «En clair, après la prestation de serment, Paul Biya se pressera de rassembler ses vrais soutiens, de serrer les vis et de rappeler à tous qu’il est le chef, et entend le rester», conclut l’universitaire.

    Dans la faune de ceux qui «attendent», il y a les parvenus. Ils ont des visées après avoir battu campagne à gorge déployée dans leurs villages respectifs. Il y aussi les anciennes «créatures». Y compris les plus attentives et respectueuses des codes de «bonne conduite», elles sont dévorées par l’ambition de rester dans le sérail. Personne ne doit écorner les apanages de leur intouchable «souveraineté». Il y a ceux qui comptent recouvrer leur grandeur d’antan. Il y a le G20… «Là encore, avise le politologue Belinga Zambo, il faut bien comprendre que c’est le premier combat au couteau qui se joue sous nos yeux. Le reste (crise anglophone, réformes économiques et politiques, grands chantiers…) vient en second rideau».

    Jean-René Meva’a Amougou

    An 36 du magistère de Paul Biya 

    Ils jugent le Renouveau 

    A défaut de faire des projections sur son nouveau septennat, quelques Camerounais de la capitale évaluent le bail de l’homme du 6 novembre à la tête du pays depuis 1982. 

     

    Énoch Assala Ambassa, imprimeur

    «Plutôt satisfaisant»

    Le bilan de monsieur Biya à la tête du Cameroun est plutôt satisfaisant. Nous constatons qu’il y’a un développement qui est en cours sur le plan infrastructurel, la santé s’améliore, l’éducation camerounaise est rehaussée. Mais, étant donné que nous sommes dans un monde où la perfection n’existe pas, nous demandons qu’il poursuive le travail, comme il a annoncé dans son livre.

     

    Jacqueline Elomo, couturière

    «La paix, c’est grâce à lui»

    Le bilan du président est globalement positif, malgré la crise qui existe dans les deux régions anglophones. Le pays va bien ; il a une réputation de paix et c’est grâce à lui. Sur le plan économique, je ne me plains pas. J’ai mon atelier qui me met à l’aise et c’est grâce à sa politique.

     

    Sylvestre Étoudi, enseignant de génie civil

    «Beaucoup a été fait»

    Le bilan des trente-six ans à la tête du pays est plutôt positif notamment sur le plan infrastructurel. Sur le plan de l’éducation beaucoup a été fait par rapport à ce qui existait avant. Nous dénombrons aujourd’hui 08 universités d’Etat. On a des collèges et lycées dans les fins fonds des arrondissements. Mais sur le plan économique, ça n’a pas beaucoup bougé et nous espérons qu’il s’y attellera. Maintenant, sur le plan sportif, je suis fier et on a eu des sacres à l’international. Et enfin le plan politique les jeunes ne s’intéressent pas à celle-ci et croyons aux changements pour le prochain mandat.

     

    Ali Mohamed, chef restaurateur

    « Tout le monde peut investir au Cameroun »

    Paul Biya est bon. Au Cameroun, c’est la liberté d’expression tout le monde parle sans regarder à côté ou avoir peur. Mon père m’a dit qu’à l’époque, tu ne pouvais pas parler n’importe comment, je parle devant toi. Tout le monde peut investir au Cameroun grâce à la paix et la démocratie. C’est le travail de 36 ans et c’est grâce à lui.

     

    Zra Ahmadou, expert en droit de l’homme

    «Il y a plus d’avancées avec la démocratie»

    Tout doit être relativisé, on ne saurait donner une réponse absolue parce qu’il y a des domaines où on a connu des évolutions et d’autres où beaucoup reste à faire. Au-delà de tout, il y a plus d’avancées avec la démocratie, l’état de droit, la cohésion sociale, la stabilité politique. Il n’en demeure pas moins qu’il reste encore beaucoup de choses à parfaire. On voit bien qu’on a des menaces sur la stabilité. Le chômage, l’emploi des jeunes, l’éducation sont des domaines qu’il faut voir dans le septennat avenir.

     

    François Xavier Mvogo, conducteur de moto

    «Au moins dans le volet de la liberté d’expression»

    Je ne suis pas politicien, mais je pense que s’il a pu être là jusqu’à ce jour c’est parce qu’il travaille bien. On construit une nation au jour le jour. Ce n’est pas d’un coup de baguette magique qu’on se développe et le président Biya a beaucoup ouvré pour que le pays progresse. Au moins dans le volet de la liberté d’expression et la stabilité malgré la présence de Boko Haram et des Ambazoniens.

     

    Mollah d’Ayéné, patriarche et retraité

    «Laissons-le continuer»

    Le président a fait du bon travail. Avant, personne ne pouvait prononcer le nom du président. Tu disais Ahidjo on t’arrêtait. Maintenant, tu insultes Paul Biya, il ne dit rien. Avant, c’était impensable. Laissons-le continuer. Mais, il doit se pencher sur le plan économique. Rien ne marche pas à cause du vol dans le pays et ces voleurs sont avec lui. C’est donc l’occasion pour lui d’avoir un bilan de 100 % positif s’il les met hors d’état de nuire.

     

    Parfait Mengue, étudiant

    «Il doit stopper le tribalisme et l’injustice»
    Le bilan des 36 ans du président Biya a des points positifs et négatifs. Les points positifs : on peut dire que c’est avec lui qu’on a la liberté d’expression avec parfois du libertinage, il y a la création de nombreuses écoles, avec les universités qui restent néanmoins sous-équipée. Au niveau infrastructurel, il a une embellie avec la construction des autoroutes, des barrages comme ceux de Lom Pangar, Mékin, Memve’ele. Comme bilan négatif on assiste encore à des arrestations arbitraires. La justice camerounaise n’est pas indépendante et il devrait s’atteler là-dessus, nous avons également une injustice sociale accompagnée du tribalisme.

     

    Francky Nkoulou, avocat stagiaire

    «Certaines ne se reconnaissent plus en lui»

    Lorsqu’on parle des 36 ans du président Biya, c’est mi-figue, mi-raisin. Mi-figue parce que ce sont les mêmes qui gouvernent le Cameroun depuis son accession au pouvoir, on dirait que ce sont des dynasties. Au niveau économique, compte tenu de notre potentiel, le pays ne devrait plus se trouver à ce niveau. On devrait parler du Cameroun comme pays émergent actuellement. Mais, il a laissé la corruption s’installer et certaines populations ne se reconnaissent plus en lui et la société a été tribalisé. Parlant du mi-raisin, on a eu la démocratie et les libertés d’expression qui sont ses plus grandes victoires et il avait lui-même dit aux caciques de son parti dans les années 90 de « s’apprêter à la concurrence ». Pour le septennat avenir, il doit oeuvrer pour le renouvèlement de la classe politique et économique même dans son propre parti.

     

    Félix Wéré, maçon

    «L’économie est un problème»

    Vu le paysage camerounais actuel, le président Paul Biya a promis beaucoup de choses et il a tenu parole. Dans notre pays, il y a la liberté d’expression, avec la presse qui travaille. La dernière élection est une preuve. Mais, l’économie est un problème et il doit y travailler la et bien mener l’opération épervier. Mais globalement je suis un peu satisfait.

     

    Géraldine Mengue, ménagère

    «Notre pays est même envié en Afrique»

    Globalement, tout ne peut être parfait. En tant que femme, le président Biya a beaucoup œuvré pour nous les femmes que ça soit dans la succession, ou dans l’éducation. Il a permis à tous les Camerounais de pouvoir s’exprimer sans être inquiété. Notre pays est même envié en Afrique. Malgré les attaques à Buea et Bamenda, il veut toujours le dialogue. Aujourd’hui, il doit favoriser l’accès des jeunes dans le monde des emplois.

    Propos recueillis par

    André Balla (Stagiaire)

     

  • Extrême-nord du Cameroun: Aux sources de l’extrémisme

    Extrême-nord du Cameroun: Aux sources de l’extrémisme

    De l’avis des observateurs, des données de terrain juxtaposent plusieurs éléments de réponse. 

    Photo de famille à l’ouverture des travaux

    Evidence partagée et mise en exergue à Maroua du 24 au 25 juillet 2018: «la place centrale de l’individu dans la spirale de la violence est souvent oubliée et les réponses apportées pour le protéger sont, jusqu’ici, bien éloignées de cet objectif humanitaire». Dr Sévérin Tchetchoua Tchokonte se montre assertif parce qu’il a mené des travaux scientifiques dans plusieurs localités de la région de l’Extrême-nord réceptives aux messages de Boko Haram. Les conclusions du politologue camerounais débouchent sur l’idée selon laquelle «les décideurs ne prennent pas en compte des hommes». L’expert va plus loin: «on les regarde juste comme des monstres», fait-il observer.

    A elle seule, cette analyse résume le lien entre les racines de la montée de l’extrémisme et le contexte sécuritaire décrié il y a environ cinq ans. Le Pr Anatole Fogou, chercheur associé au Ceides, pointe un doigt accusateur sur la négligence (volontaire ou non) de plusieurs variables. Celles-ci, indique- t-il, sont politiques, sociales, économiques et humaines. Les détails qu’énumère ce spécialiste sont, de son point de vue, plus ou moins interconnectés. Ils vont de la gouvernance exclusive au désœuvrement de la jeunesse, en passant par la pauvreté multifactorielle, la démographie galopante, les trafics d’armes et de la drogue, les conflits communautaires et une sécurité physique des populations mise à rude épreuve.

    Egoïsme et passivité

    L’affirmation affichant la religion comme facteur exclusif d’explication est même est balayée. «L’engagement au sein des groupes extrémistes n’est que rarement motivé par la religion, mais bien plus par les logiques de protection ou des raisons économiques», tranche Gustave Gaye, spécialiste de la violence et des conflits en situation de pauvreté. Afin d’engager une meilleure appropriation de cet avis, le Pr Issa Saibou établit que «les multiples négligences de l’Etat (politiques économiques défectueuses, zones abandonnées, programmes de santé et d’éducation sans impact sur la population, indifférence face aux questions de migrations etc.) et la sous- utilisation générale des populations dans la mise en place de la politique de prévention, ne militent pas en faveur de la résilience».

    Sous les mots, se lisent les conséquences de l’égoïsme des institutions et de leur passivité. Sur ce chapitre, les participants aux travaux de Maroua citent l’exemple du regard plus ou moins attentionné des autorités sur des organisations de la société civile. «On aurait dû s’en méfier», regrette le directeur de l’Ecole normale supérieure de Maroua. S’inspirant de ses expériences personnelles sur le terrain, il révèle qu’à certains endroits à l’Extrême-nord, la société civile est considérée comme une planète diffuse, dispersée. «Elle est mal coordonnée, très politisée et parfois financée de l’extérieur pour des objectifs pas toujours nobles», situe le Pr Adder Abel Gwoda, politologue à l’université de Maroua.

    Jean-René Meva’a Amougou,

    envoyé spécial à Maroua

    L’extrémisme violent. Voilà l’un des fléaux auxquels l’Afrique fait face depuis quelque temps. Cette vérité emporté dans la spirale transformative des mentalités. Çà et là, elle a tout d’exhaustif: montée des groupes armés, contestation à la pelle, fort coefficient des indicateurs délictuels, des jeunes biberonnés à l’école de pernicieux mouvements politiques ou religieux, tueries etc. Selon ce descriptif, les idéologies structurées autour d’une Afrique mal partie trouvent justification. Surtout que, plus que par le passé, la paix, les droits de l’Homme et le développement sont sérieusement menacés.
    Selon les experts, les réponses exclusivement sécuritaires ne suffisent plus. C’est le crédo que chantent les Nations unies dans le Plan d’action pour la prévention de l’extrémisme violent adopté le 24 décembre 2015. Ce crédo, le Centre africain d’études internationales, diplomatiques, économiques et stratégiques (Ceides) le reprend. En collaboration avec des organismes partenaires, ce think tank basé à Yaoundé ouvre une nouvelle brèche sur le thème de l’anticipation.
    A Maroua (Extrême-nord du Cameroun) dignitaires religieux, autorités administratives et militaires, activistes de la société civile, leaders des mouvements associatifs, spécialistes des questions de défense et de sécurité ont discuté pendant deux jours et élaboré des recommandations sur des sujets corrélés à l’approche préventive de l’extrémisme violent. Sous la forme d’un dialogue participatif, le curseur des travaux est resté sur l’Extrême-nord du Cameroun et son pourtour: état des lieux, défis, opportunités et perspectives d’une synergie d’action. Des sujets auxquels se penche le présent dossier.

     

    Le canon et la matraque ne suffisent pas

    Loin de réduire les offensives des extrémistes, leur usage exclusif est davantage contre productif.

    A l’Extrême- nord du Cameroun, pas un pas sans militaire. Poussé par l’épopée sanglante et meurtrière où Boko Haram dictait sa loi, le gouvernement camerounais a le doigt sur la gâchette depuis près de cinq ans. «C’est surtout le visage asymétrique d’une guerre imposée à notre pays qui a forcé l’usage du canon et de la matraque», se défend l’état-major de la région militaire interarmées numéro 4 (RMIA 4). «L’urgence et l’ampleur meurtrière justifient donc clairement l’orientation purement militaire des efforts d’éradication de la secte djihadiste nigériane», appuie Yadju Mana, enseignant à l’université de Maroua et chercheur au Ceides. A l’en croire, seules des réponses musclées ont été apportées à la précarité de la situation sécuritaire dans la région. Avec à la clé la mise sur pied d’une unité multinationale, épaulée par un corps d’élite décliné en Bataillon d’intervention rapide (Bir).

    En dépit de ses multiples atouts, cette approche au profil local, régional ou continental a montré ses limites. C’est en tout cas ce que constatent les participants à la rencontre de Maroua. Ils relèvent que si les forces de défense et de sécurité sont des acteurs essentiels de la stabilisation face à la violence armée, leur comportement est parfois source de problèmes, notamment lorsque leur déploiement s’accompagne d’exactions. Car, sur le terrain, les bidasses sont parfois confrontés à des défis auxquels ils ne sont pas préparés.

    Changement de stratégie
    Et parce qu’on ne combat pas les idéologies avec les fusils, mais avec de meilleures idées, l’heure est venue de penser une vision plus attrayante et convaincante. Pour opérationnaliser une telle vision, les forces de défense doivent, en plus de jouer leur rôle classique, s’adjoindre celui de la prévention. «Elles sont appelées à participer à la construction d’un jeu collectif car les effets synergiques de celui-ci constituent à n’en point douter un précieux atout dans la prévention», avance Abdoul Nasser, enseignant à l’université de Maroua. Il ajoute: «les armées sur le terrain doivent pour cela déployer une stratégie d’influence pour orienter l’échiquier psycho- cognitif de la région et non travailler à être uniquement des bourreaux».

    Sur cette ligne, Paul Haman, sénateur SDF de la région de l’Adamaoua suggère une coopération civilo-militaire. Celle-ci, souligne- t-il, passe par la formalisation des services de communication dans des unités présentes dans la région de l’Extrême-nord et son pourtour. Selon le parlementaire, en sus, des actions communautaires d’intérêt social doivent être menées par l’armée afin de renforcer sa notoriété et entretenir des relations paisibles avec les populations.

    Enjeu

    Le plus évident est la déconstruction de la méfiance des populations vis-à-vis des armées sur le terrain. «C’est cette méfiance qui favorise la reproduction de la radicalisation dans le temps», croit savoir Marthe Wandou, coordinatrice d’Alepa. Sur la foi des enquêtes menées par cette ONG locale, les abus de diverses natures sont le lot quotidien des populations. «Les militaires pensent que leurs armes sont des passe- droits utilisables à tort ou à raison», s’insurge l’activiste. Bien que la véhémence de son propos soit modérée par l’énumération d’une foule d’actes militaires positifs, Marthe Wandou insiste sur une «armée sociétale à la base». En filigrane de ce point de vue, il y a surtout «l’appel» lancé en direction des forces de défense à sortir de leur rigidité.

    Jean-René Meva’a Amougou

     

    ‘’Il n’y a pas de nouvelle menace, mais de menace renouvelée’’ 

    Pr Issa Saibou

    La plupart des menaces n’ont pas été résolues ou gérées de façon pertinente 

    L’historien a fait des questions de sécurité sa tasse de thé. Sa connaissance du sujet lui vaut d’ailleurs de conduire des expertises pour le compte des Nations unies, de la CEEAC, et de diverses organisations humanitaires. L’enseignant d’université livre quelques grilles de lecture des schémas de prévention de l’extrémisme violent dans l’Extrême-nord du Cameroun.

    On vous a entendu parler du renouvellement des menaces sécuritaires. Vous en avez d’ailleurs fait la ligne directrice de votre exposé. Alors, que comprendre de la différence que vous avez tenue à souligner ?
    C’est toujours un grand honneur de parler, en tant que personne ressource, dans la pléthore des spécialistes qui travaillent sur les phénomènes de violences et des menaces sécuritaires. Il faut dire que ces phénomènes sont tellement mouvants que, ce que l’on pense tenir pour acquis épistémologique, ce que l’on pense avoir épuisé la semaine précédente, se retrouve modifié par d’autres événements survenus le lendemain. Et du coup, on est pris dans la confusion. Laquelle confusion donne l’impression que ce sont des événements nouveaux alors que ce sont des événements renouvelés. Alors de mon point de vue, il n’y a pas de nouvelles menaces mais de menaces renouvelées.

    Vous parlez de confusion. Concrètement, à quoi est- elle due?
    Elle est à lier avec la convertibilité des acteurs. C’est ce qui donne l’impression de quelque chose de nouveau alors que ce sont les mêmes acteurs qui signent leur retour simplement en changeant de mode opératoire. Voilà le premier élément d’explication. Le second est à chercher dans les dynamiques de gestion des menaces. La plupart d’entre elles n’ont pas été résolues ou gérées de façon pertinente ou du moins posée. Tout est élaboré comme devant porter sur la réponse immédiate à la violence.

    …En réalité, l’extrémisme violent se singularise par son caractère multidimensionnel et complexe. La multi dimensionnalité de la menace commande de gouverner autrement, d’abandonner l’autoritarisme et l’unilatéralisme au profit d’une gouvernance globale et partagée…

    On a beaucoup parlé de la nécessité d’une collaboration civils et forces de défense et de sécurité. Est-ce un pari tenable quand on connait la verticalité des relations entre les militaires et les populations civiles ?
    Si l’implication des forces de défense et de sécurité parait assez musclée au regard de certaines pratiques présumées, les expériences et des initiatives sur le terrain témoignent de leur implication dans la prévention de l’extrémisme violent. C’est dire que les forces de sécurité et de défense, les nôtres tout au moins, jouent un rôle essentiel dans le travail de prévention. Ce travail a été fait en amont d’une part et en aval d’autre part.

    Bref par la haute hiérarchie militaire et sur les théâtres des opérations. Car en haut lieu, on a compris que le préalable à l’établissement de la sécurité est la présence de l’Etat dans la vie des populations et l’existence d’un Etat de droit. Afin de construire le front contre la dégradation de la cohésion sociale, les curricula militaires intègrent désormais le droit international humanitaire et les droits spécifiques comme les droits de l’enfant, les droits des réfugiés avec la constitution d’un pool d’instructeurs à cet effet. Pour ce qui est de l’implication des populations, même si le chemin à parcourir reste encore long en matière de participation citoyenne, il faut se féliciter de ce qu’on a obtenu jusqu’ici dans le cadre de la lutte contre Boko Haram notamment.

    …Les forces de sécurité et de défense, les nôtres tout au moins, jouent un rôle essentiel dans le travail de prévention. (…) Car en haut lieu, on a compris que le préalable à l’établissement de la sécurité est la présence de l’Etat dans la vie des populations et l’existence d’un Etat de droit…

    Qu’en est-il de la résilience face à l’extrémisme?
    Vous savez, le comportement des forces de défense et de sécurité est important à travers la conduite de la riposte face aux actions des extrémistes violents. A la vérité la qualité de la riposte renforce la capacité des populations à résister face aux pressions multiples, dissipe la crainte des représailles, établit et maintient un climat de compréhension et de confiance mutuelle entre la population et l’armée. A cet effet, en plus des initiatives comme le G5 Sahel, d’autres idées sont en cours d’élaboration pour adapter la riposte.

    Un autre pan du débat se situe au niveau de la synergie d’actions. Quel votre regard là-dessus ?
    Partant de la mise en exergue de l’existence d’un cycle de violence qui prend racine dans divers facteurs tels que la politique patrimoniale, la pauvreté, les inégalités, le chômage, on ne peut aboutir qu’à la conclusion que le cercle vicieux de la violence impose un changement de paradigme avec l’adoption d’un nouveau mode de gouvernance. Celle-ci devrait répondre aux doléances de façon concrète, pratique et objective, renforcer les mécanismes de gestion des menaces, forger l’inclusion.
    En réalité, l’extrémisme violent se singularise par son caractère multidimensionnel et complexe. La multi dimensionnalité de la menace commande de gouverner autrement, d’abandonner l’autoritarisme et l’unilatéralisme au profit d’une gouvernance globale et partagée. Cette dernière implique l’ouverture et impose le concours de plusieurs acteurs: l’Etat, les forces de défense, les chefs religieux et coutumiers, les organisations de la société civile, les personnes vulnérables, les organismes de coopération internationale.

    Interview réalisée à Maroua par

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Cameroun: la fête de l’unité à l’épreuve de la crise anglophone

    Cameroun: la fête de l’unité à l’épreuve de la crise anglophone

    Le titre de ce texte introductif est également la trame du dossier que la rédaction de votre journal publie en cette édition. Le contexte de la célébration du 46è anniversaire de l’avènement de l’Etat unitaire suite au référendum du 20 mai 1972 a décidé votre journal à rendre compte du jeu des différents acteurs en présence, aussi bien dans les parties anglophone que francophone, en passant par les représentations diplomatiques. Entre matraquage idéologique, culte de la personnalité, protestations ostentatoires inédites d’une poignée de défilants, affrontements armés dans la partie anglophone, manœuvres des chancelleries ou participation remarquable d’un carré de soldats nigérians au Boulevard du 20 mai à Yaoundé, le Journal Intégration vous promène en toute neutralité. Lisez plutôt. 

    La tribune présidentielle lors du défilé du 20 mai 2018.

    Au Boulevard du 20 mai 1972

    Entre célébration de l’unité et culte de la personnalité

    Qui du Cameroun ou de Paul Biya était à l’honneur à l’occasion de la 46è fête de l’unité du pays ? La question n’est pas dénuée de sens, en s’en tenant à la parade militaire et civile  sous l’aiguillon de la CRTV.

    «Le 20 mai est l’un des générateurs incontestés de nombreuses émotions positives, dont le bénéfice est reconnu sur le chantier de la consolidation de l’unité nationale». Il ne fait aucun doute que, commentant pour le compte de la radio à capitaux publics (CRTV), un reporter a accueilli, à sa façon, la nouvelle limousine présidentielle.

    Aperçue pour la première fois le 20 mai dernier au Boulevard éponyme, le flamboyant véhicule est venu s’inscrire dans l’étreinte spectaculaire du défilé cette année. A peu de choses près, cette «nouveauté» est venue dissiper la déconvenue vécue, il y a quelque temps, au cours de pareille occasion. En ce jour du 20 mai 2018, il y a dans le phrasé du commentateur, comme une résonnance de réparation d’un couac. En fait, sur ce coup-là, tout est à la portée de la compréhension de tous pour donner le ton du reportage.

    Tout à la fois

    La ligne de force qui, d’emblée, agit sous l’œil d’un caméraman de la CRTV, est celle de Paul Biya face au drapeau de la République. Dans un contexte sociopolitique abondamment explicité par les reporters de la télévision nationale, la séquence draine, selon eux, un gothique  héritage transmis comme un patrimoine précieux. En s’inclinant, il est dit du chef de l’Etat qu’«il a ratatiné les têtes et les cœurs». Plus loin, on entend: «Pour qui connaît les codes de convenance en pareille circonstance aurait pu dire que se tisse, sous un nouveau jour, une nouvelle  histoire des relations entre le président de la République et ce symbole républicain».

    Bien que cela soit inscrit dans une logique convenue, on ne peut s’empêcher d’évoquer une dose d’ingéniosité, voire d’ingénierie déployée par ce carrousel médiatique. Belle symphonie qui a pu rythmer la revue des troupes. Instant condensé dans un commentaire: «l’attitude présidentielle est servie par trois qualités rarement réunies : une démarche sans jargon, une connaissance méticuleuse des vrais problèmes du pays et un sens du dialogue politique sans faux-semblant», même si les passages du SDF et du Mrc ont montré un président différent.

    Au pas !

    Et que dire de l’armée et autres corps para – militaires ? Par-delà les multiples interprétations de leurs expériences respectives, le 20 mai 2018 donne à tous l’occasion d’exprimer et de souligner la confluence de leurs histoires propres comme celle de la grande histoire du pays. «Bien sûr, ils se pensent comme pris dans une série d’épreuves parallèles et comme le relève souvent le président Paul Biya, c’est la communauté de ces épreuves qui dessine l’être-ensemble et le vivre-ensemble au sein de ces corps», commente, pour le compte de la télé nationale, un haut-gradé.

    Et sur le fil du défilé militaire, pas de changement de tonalité…même dans les airs. Dans une embardée bien construire, la flotte aérienne n’a cessé de renauder, à sa manière, le thème de l’unité du Cameroun. Porté par un même élan que les troupes pédestres, les appareils des forces aériennes configurent un ciel aux couleurs du Cameroun. «Le tout est à mettre à l’actif du président Paul Biya, chef suprême des forces de défense», ajuste-t-on aussitôt.

    Instant civil

    Au Boulevard du 20 mai, la politique se dit essentiellement au pluriel. Pour ce faire, les militants du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) semblent s’être regroupés au sein de carrés chargés d’inventer des preuves que Paul Biya reste «le meilleur choix». Ce slogan-là a investi les domaines les plans variés des caméras, avec en bonus, des pancartes portées contre «les ennemis de la paix». A titre d’exemple: «Paul Biya assomme le coup de grâce à la division» ; «Quel bilan pour les diviseurs ?» ou encore «le vivre-ensemble à sang pour sang».

    De leur côté, les jeunes des grandes écoles (Enam et INJS notamment) semblent s’être passés le mot pour un usage responsable des réseaux sociaux dans un environnement balloté par les appels à la division, non sans y mettre du «Paul Biya». «Président Paul Biya: «Jeunes, Internet c’est un boulevard d’inepties», a-t-on pu lire sur une pancarte de l’INJS. Comme pour oser le vrai diagnostic, les étudiants de l’Enam ont brandi que «le grand roman national ne s’écrit pas sur watshap et facebook. Dixit Paul Biya».

    Jean-René Meva’a Amougou

    SDF et MRC, insoumis du 20 mai

    A Yaoundé et dans certaines autres localités du pays, ces formations politiques ont marqué l’événement par des attitudes controversées, afin, disent-elles, de baliser un autre espace de solution de la crise anglophone. D’autres ont simplement fait le choix du boycott.

    On pourrait penser que la paix, la démocratie ou encore la crise anglophone, tels que clamés, réclamés ou exposés au cours des précédentes éditions de la fête de l’Unité au Cameroun ont pris une couche supplémentaire de sens cette année au Boulevard du 20 mai 1972 à Yaoundé. A elle seule, l’actualité sociopolitique a fait naître un tissu d’images, gracieuses ou simplement audacieuses en ce lieu symbolique.

    A décrypter les passages du Social Democratic Front (SDF) et du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), il est incontestable que ces deux appareils politiques (opportunément porte-paroles des zones anglophones) avaient tous en commun, plus ou moins confusément, un certain nombre de convictions qui permettent de mieux les catégoriser par rapport à la crise anglophone.

    Et le 20 mai dernier, leur passage devant Paul Biya a pris les contours d’un aveu public de leurs angoisses relativement à ce qui se passe au Nord-ouest et au Sud-ouest du Cameroun. Sur la place du défilé, ces deux partis politiques ont choisi de manifester leur ras-le-bol aux autorités de Yaoundé, relativement à «la gestion très calamiteuse de la crise dans ces régions».  De fait, pour parler symboliquement à Paul Biya, les partisans du Chairman Ni John Fru Ndi et du Pr Maurice Kamto n’ont pas circonscrit l’élan de leurs émotions.

    Lors de leurs passages respectifs, l’on a aperçu des défilants au torse nu pour le cas du SDF et les bras sur la tête en signe de deuil pour le MRC. Tous adressaient des  incantations bruyantes et des appels débridés. Là encore, ont-ils scandé,  c’est en réaction contre le chef de l’Etat. Les militants du SDF et ceux du MRC accusent Paul Biya d’avoir perverti le débat, et surtout d’avoir oublié que «le rêve d’unité nationale a pris l’allure d’un pari démodé du fait de la crise anglophone». Pris dans leur globalité et leurs modes d’expression, leurs messages disent clairement que l’antienne de l’unité nationale ne suffit plus comme poncif à la résolution du problème.

    Pour certains observateurs, il est tout aussi possible que le SDF et le MRC aient opté pour un usage stratégique la 46ème édition de la fête de l’Unité. «En cette année électorale, pense le Pr Eric Mathias Owona Nguini, tout levier capable de subvertir les paramètres politiques est actionné avec une plus grande solennité par ceux qui aspirent à la victoire à la prochaine présidentielle».

    A en croire le socio-politiste s’exprimant ce matin sur la radio urbaine Magic Fm, ce qui s’est passé à Yaoundé est la preuve que la fête de cette année a été l’espace d’expression de forces contraires qui se disputent l’opinion nationale à la veille du scrutin. Il en est ainsi de ceux qui, à l’instar du Cameroon People’s Party (CPP) de Edith Kah Walla, ont délibérément choisi de se tenir à l’écart de toute civilité républicaine liée à l’événement.

    Les sécessionnistes n’ont pas hésité à mettre à exécution leurs menaces d’un 20 mai à feu et à sang dans les zones anglophones du pays. Ils ont en effet fait flotter au-dessus des populations de cette partie du pays un vent de déstabilisation et de terreur. On ne peinerait que difficilement à l’établir au regard de certains faits: enlèvement d’une autorité administrative dans le département du Lebialem ; incendie perpétré, le même jour, au poste de police d’Ekona (département du Fako, region du Sud-ouest) avec à la clé au moins deux morts ; affrontements larvés entre l’armée et les sécessionnistes à plusieurs endroits du Sud-ouest.

    Jean Réné Meva’a Amougou

     

    Unité nationale, intégration nationale, vivre ensemble

    Les Camerounais perdent leur latin

    Dissemblables dans la réalité qu’elles incarnent, les notions en question tendent à la réalisation d’un objectif commun. Comprendre !

    Des étudiants scandant des slogans sur le vivre ensemble.

    Au plus fort des tensions dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, le débat sur la forme de l’Etat camerounais a très vite exhumé les critiques sur l’appartenance commune à un pays appelé Cameroun. Pour atténuer voire dominer cet envenimement de l’opinion, la riposte consiste à exacerber les déterminants de la communauté nationale.

    Face à un emploi régulier, il est utile de préciser l’étendue de chacune des notions suivantes : unité nationale, intégration nationale, vivre ensemble. Confusions et incompréhensions jalonnent leur usage depuis la montée en puissance du débat sur la forme de l’Etat.

    I- Résoudre les cloisonnements à différents niveaux
    La réalisation d’une communauté nationale exige la convergence sur plusieurs fronts de ce dessein. Aux plans ethnique, territorial comme sentimental, il est question d’adapter des réponses «multimodales» à une dynamique unique. L’unité nationale, pour l’expert statisticien Dieudonné Essomba, renvoie à «la qualité des interactions qu’entretiennent les divers segments d’une communauté nationale, individuellement et collectivement, dans leurs activités civiles et citoyennes : mariages, transactions diverses, associations, etc.»

    Pour lui, c’est donc la symbiose entre les entités ethniques. Sa finalité est de «créer un citoyen unique et des Camerounais sans différence aucune, surtout tribale», ajoute Joseph Ntigui, chercheur en philosophie à l’université de Yaoundé I. Charly Atchom, chercheur en science politique, illustre temporellement ce point de vue: «l’unité nationale émerge avec la crise de Boko Haram, s’intensifie avec la crise anglophone et vise la domestication des particularismes ethniques par une identité camerounaise construite par l’Etat».

    Quant à l’intégration nationale, elle est la dévolution de l’ensemble des corps sociaux à une entité supérieure commune. Mais aussi le processus qui «favorise la collaboration harmonieuse des différentes segments sous une entité supérieure» analyse Charly Atchom. Dans son ouvrage Pour le libéralisme communautaire, Paul Biya considère que la construction d’un réseau routier qui désenclave et relie les villes permettant la circulation, sans discrimination, des camerounaises et des camerounais sur l’ensemble du territoire national, est un catalyseur de l’intégration nationale.

    Le vivre ensemble est le sentiment d’une appartenance à un destin commun. D’où le terme «communauté de destin» qui est récurrent. Pour Joseph Ntigui, c’est le pan axiologique qui fait référence aux valeurs communes, à une vision commune. Et d’ajouter, «on parle ici d’une morale ouverte et inclusive». Et même à une histoire commune (origines, ancêtres) comme le soulève le Pr. Daniel Abwa. Moins opposés, les concepts sont plus des notes au service d’une même musique.

    II- Un objectif commun : l’identité camerounaise
    La construction de l’identité camerounaise est le nœud qui donne une connexion aux trois concepts. Pour Charly Atchom, Intégration et unité nationales sont au service du vivre ensemble dans l’opérabilité de la communauté camerounaise et de son identité.

    C’est dire que la dématérialisation culturelle et les interconnexions des peuples et des territoires sous la bannière d’une nation sont les meilleures braises du sentiment d’appartenance à une nation et à une histoire. Ceci pour une reconnaissance mutuelle et pour un contenu concret à la réalité camerounaise.

    Au demeurant, Dieudonné Essomba pense que les occurrences sémantiques analysées consolident la dévolution à un Etat unitaire. Car, estime-t-il, «la nation camerounaise est unie et n’a plus besoin d’une unité nationale. Par contre, c’est l’Etat qui est le problème, dans sa prétention morbide à effacer l’hétérogénéité naturelle du Cameroun, autrement dit, l’histoire quelquefois multimillénaire de nos communautés, pour fabriquer son peuple à lui».

    Sous le prisme de la sociologie politique, Charly Atchom y décèle la crise du monopole de l’Etat dans la construction d’une identité camerounaise. Et par conséquent de son incapacité à dominer le champ social.

    Zacharie Roger Mbarga

    Crise anglophone

    Passe d’armes entre Yaoundé et Washington

    Les autorités camerounaises accusent les Etats-Unis d’héberger des sécessionnistes et les américains pointent des «assassinats ciblés» imputés à l’armée régulière dans le Nord – Ouest et le Sud – Ouest. 

    L’ambassadeur des USA et le Mindef, lors de la remise des aéronefs.

    Les 90 minutes d’entretien entre le président camerounais et l’ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique au Cameroun, le 17 mai dernier, ont dû être tendues. Henry Barlerin révèle en effet dans une déclaration publiée après cette rencontre que les discussions avec Paul Biya ont notamment porté sur la crise socio – politique dans le Sud-Ouest et le Nord-Ouest. «Le mois d’avril s’est avéré le plus sanglant pour que les choses s’améliorent. J’ai discuté avec le président de notre point de vue selon lequel les deux parties au conflit ne s’écoutent tout simplement pas», affirme le diplomate américain.

    Sans ménager les séparatistes qu’il accuse de tuer des gendarmes, d’enlever des fonctionnaires ou encore d’incendier des écoles, l’ambassadeur des Etats-Unis reproche au gouvernement camerounais «des assassinats ciblés, des détentions sans accès à un soutien juridique, à la famille ou à la Croix-Rouge, et des incendies et pillages de villages ». Et d’ajouter, «Nous continuons d’appeler les deux parties à cesser immédiatement la violence», avant d’affirmer avoir «demandé au président d’utiliser son leadership pour encourager les deux parties à s’écouter les unes les autres».

    Méfiance

    La rencontre entre Paul Biya et Peter Henry Barlerin intervient quelques jours après ce qui a (plus ou moins) parasité la scénographie de réception d’un don de deux avions militaires offerts par les Etats-Unis d’Amérique. C’était à la Base aérienne 101 de Yaoundé, le 11 mai. Ce jour-là, de petites phrases débitées respectivement par  Peter Henry Barlerin et Joseph Beti Assomo, ministre délégué à la présidence en charge de la Défense (Mindef), avaient tout pour prolonger le miel d’une polémique sur la crise anglophone.

    Premier à prendre la parole, le diplomate américain a trouvé en cette occasion un appât commode pour circonvenir les esprits des autorités camerounaises. «Monsieur le ministre,  je sais que vous m’avez rassuré à maintes reprises que les  équipements et le soutien fournis par les États-Unis ne seront utilisés que dans le respect strict des termes de l’accord…Ces deux avions sont destinés à être utilisés exclusivement dans la lutte contre Boko Haram au Nord du Cameroun… Vous m’avez assuré que les équipements fournis par les États – Unis ne seront pas utilisés à d’autres fins, dans d’autres conflits… » a insisté Peter Henry Barlerin, comme pour définir les lignes d’usage des deux aéronefs C-208Cessna remis.

    Au vrai, même si le diplomate américain condamne «les discours haineux et les appels à la violence d’une très petite minorité de personnes nées au Cameroun vivant aux États-Unis», Washington interdit à l’armée camerounaise de mettre ces appareils de surveillance sous le ciel de la partie anglophone du pays, en proie à une crise sociopolitique depuis 2016.

    Berger à la bergère

    Et ce fut comme une étincelle. Dans son discours, Joseph Beti Assomo a fait œuvre des propos de l’ambassadeur des Etats-Unis. «Le gouvernement camerounais se réjouit de votre condamnation publique en direction de l’opinion nationale et internationale des activistes, dont les donneurs d’ordre du mouvement sécessionniste auquel notre pays fait face en ce moment, sont tapis à l’étranger, en Amérique et en Europe où ils possèdent à des levées de fonds pour venir porter la déstabilisation au Cameroun.

    Nous comptons sur la coopération active de nos amis pour que leur pays ne serve pas de base de conception, d’endoctrinement, de collecte de fonds pour venir déstabiliser le Cameroun» a déclamé le ministre en charge de la Défense. Avec le trésor de significations qu’ils insinuent, les mots du Mindef n’ont plus appelé de tact diplomatique. Pour en cerner les contours, Joseph Beti Assomo a voulu mettre à nu la bienveillance des dollars américains sans la  trahir en mots clairs.

    La divergence entre le Cameroun et les Etats-Unis est manifeste sur la crise anglophone. Où Washington voit un problème politique qui devrait se résoudre par le dialogue, Yaoundé appréhende la question comme une lutte contre le terrorisme et pour l’intégrité du pays.

    Jean-René Meva’a Amougou

    L’Afrique du Sud à la barre

    Pretoria est accusé par Yaoundé d’héberger les médias dédiés à la propagande sécessionniste.

    L’audience du 17 mai dernier entre le ministre camerounais de la Communication et le Haut-commissaire d’Afrique du Sud au Cameroun avait tout l’air d’un procès. En posture de procureur de la République, Issa Tchiroma Bakary charge l’accusé, en l’occurrence l’Afrique du sud représentée par Mgomosto Ruth Magau: «les sécessionnistes répandent à travers leur télévision, leur radio et Internet des contre-vérités, des mensonges. Avec pour but d’intoxiquer et de désinformer les populations dans les régions du Nord – Ouest et du Sud -Ouest, par leurs discours haineux.

    A partir de l’exploitation que les services spécialisés font, ainsi que des éléments techniques à notre disposition, il est apparu que ces sécessionnistes émettraient à partir d’un pays qui se trouve être un pays ami. Toutes choses que le Cameroun ne saurait accepter. Nous avons donc reçu le Haut-commissaire d’Afrique du Sud pour lui faire part de nos inquiétudes», indique le Mincom avec comme témoins à charge  le ministre des Postes et Télécommunications, Minette Libom Li Likeng et le directeur général de la Cameroon Telecommunications (Camtel), David Nkoto Emane.

    Le Cameroun souhaite que Pretoria prenne les mesures qui s’imposent en vue d’interrompre leurs émissions à partir de son territoire. A en croire le Mincom, la diplomate sud -africaine s’est montrée réceptive. Au sortir de l’audience, l’accusé n’a mot dit. «Le Haut-commissaire a demandé à avoir toutes les données qui permettront de prendre des mesures nécessaires. Comme elle a si bien dit, l’Afrique du sud ne se permettrait pas d’être une base de déstabilisation d’un pays ami comme le Cameroun. Elle a pris l’engagement de saisir son pays dès lors que des informations fiables seront mises à sa disposition», laisse entendre Issa Tchiroma Bakary.

    Aboudi Ottou

     

    Crise anglophone : les secrets des câbles diplomatiques français

    Ces documents, récemment déclassifiés, concernent notamment la période 1961-1985. Ils montrent bien l’existence d’une volonté d’assimiler le Cameroun occidental-anglophone au Cameroun oriental-francophone, pendant le processus de construction de l’Etat unitaire.

    «La réunification s’est faite sur une équivoque, Yaoundé considérant que la fédération ne constituait qu’une phase transitoire alors que outre-Mungo l’on voyait dans la réunification la consolidation d’une très large autonomie à l’égard de toute métropole européenne ou africaine». Nous sommes le 08 janvier 1962 lorsque l’ambassadeur de France au Cameroun écrit ces lignes. Jean-Pierre Bernard, en transmettant ses instructions à Ives Robin, le nouveau consul de France à Buea, fait cette précision pour que son collaborateur comprenne dans quel contexte s’inscrit sa mission. Cette correspondance fait partie de la pile de documents que vient de déclassifier la France. Il s’agit des courriers échangés entre les diplomates français présents au Cameroun et ceux destinés au ministère français des Affaires étrangères. Les lettres en notre possession couvrent la période 1961-1985.

    L’ambassadeur de France au Cameroun d’alors illustre mieux cette équivoque lorsque le 28 novembre 1962, il fait, à l’attention du Quai d’Orsay, le bilan de l’an un de la réunification. «Dès le départ, les malentendus étaient nombreux. Les dirigeants de l’ancienne République, formés à l’école des légistes français souhaitaient un Etat fort, centralisé, unitaire. Sur les pentes du Mont Cameroun, on rêvait d’une République pastorale et patriarcale, que des liens plus sentimentaux que juridiques auraient rattachés à une grande sœur. La réunification représentait plus pour monsieur Foncha (Premier ministre du Cameroun occidental) et son entourage l’espoir d’être aidés et secourus par Yaoundé, que d’être gouvernés par lui», analyse-t-il.

    Fédéralisme aux forceps

    Comme l’ont souvent soutenu nombre d’historiens, le diplomate français affirme que la colonisation est la cause de ces divergences: «les deux Etats fédérés après une brève période d’union sous la domination Allemande, avaient connu des régimes profondément dissemblables. Le système anglais de l’Indirect Rule avait respecté les structures indigènes et délégué aux autorités traditionnelles une bonne part de responsabilité. L’opposition était fondamentale avec un régime centralisateur, unificateur et législateur à outrance, tel que la République du Cameroun l’avait hérité de l’administration française et qu’elle se plaisait à exagérer certains traits», peut-on lire dans ce câble de Jean-Pierre Bernard du 28 novembre.

    Ives Robin, consul de France à Buea: «le bilan est largement positif et si le mouvement non d’harmonisation mais « d’alignement » du Cameroun occidental sur le Cameroun oriental n’a pas été aussi rapide que les autorités fédérales l’auraient souhaité, il est néanmoins en bonne voie»

    «Depuis la réunification pour laquelle il avait été contraint d’accepter une constitution fédérale, il a poursuivi patiemment ses efforts en vue d’une centralisation effective», écrit Jacques Dupuy, ambassadeur de France au Cameroun de l’époque, en rendant compte au ministère français des Affaires étrangères d’une visite de 48 heures d’Ahmadou Ahidjo, ancien président du Cameroun oriental, devenu, après la réunification, président de la République fédérale du Cameroun. Nous sommes le 21 avril 1972. Un mois plus tard, Ahmadou Ahidjo organise le référendum constitutionnel du 20 mai 1972 qui transforme la «République fédérale» en «République unie». Pour montrer combien la fin du fédéralisme lui tenait à cœur, le 20 mai devient jour de fête nationale. Paul Biya, son héritier idéologique, qui lui succède à la tête du pays le 06 novembre 1982, parachève l’œuvre en passant de «République unie du Cameroun» à «République du Cameroun».

    Projet d’assimilation

    «La suppression par M. Biya en février 1984 de l’adjectif « unie » et le retour à l’expression « République du Cameroun » (nom du Cameroun francophone avant la réunification) ont été perçus par les anglophones comme « l’acte final » du processus d’assimilation historique de leur identité particulière», soutient l’historien Yves Mintoogue dans une tribune libre publiée en 2004. C’est cette frustration qui constitue d’ailleurs le problème anglophone dont la crise sociopolitique actuelle dans les régions du Nord-Ouest et du Sud – Ouest est l’une des métastases. En fait de perception, les câbles diplomatiques français ne laissent pas de doute sur l’existence d’un projet d’assimilation. A en croire Jean-Pierre Bernard, alors que la «conférence de Foumban de juillet 1961» prévoit de respecter «la personnalité des deux Etats membres», Ahidjo entreprend, après la réunification, de «franciser le territoire occidental».

    Dans sa lettre faisant le bilan de la première année de fonctionnement de l’Etat fédéral, le diplomate ajoute: «Le ministre de l’Education nationale et son entourage se sont en particulier institués les promoteurs acharnés d’une instruction bilingue dans l’enseignement secondaire et supérieur. M. Eteki [Mboumoua] considère sans doute que l’adoption d’une telle formule est susceptible de permettre au Cameroun d’échapper à la fois au monopole culturel français et d’autre part, sur la scène africaine, d’ouvrir à son pays d’assez larges perspectives comme trait d’union entre les Etats francophones et anglophones. Une telle tendance va à contre-courant des buts unitaires poursuivis par le président de la République».

    Accéder aux vingt-et-un câbles diplomatiques français

    La correspondance du consul de France à Buea au Quai d’Orsay portant sur «la mise en place de la fédération et ses à-coups» enfonce le clou. «Un examen de la situation démontre que le bilan est largement positif et si le mouvement non d’harmonisation mais « d’alignement » du Cameroun occidental sur le Cameroun oriental n’a pas été aussi rapide que les autorités fédérales l’auraient souhaité, il est néanmoins en bonne voie et ne semble pas, à moins d’un évènement extraordinaire, devoir être remis en cause», écrit Ives Robin, le 20 octobre 1962. Pour justifier son évaluation, le diplomate cite même quelques exemples de «réussite»: «la gendarmerie fédérale (…) vient de terminer son implantation et d’obtenir pour le compte du 1er septembre l’ensemble des pouvoirs qui sont les siennes au Cameroun oriental. (…) Enfin, c’est dans le domaine de l’exécution du budget fédéral au Cameroun occidental que la victoire la plus nette a été remportée. Une conférence réunie à Yaoundé les 10 et 11 octobre (…) a décidé que l’exécution du budget fédéral au Cameroun occidental se ferait suivant les règles comptables françaises», peut-on lire dans cette correspondance.

    Appui de la France

    En fait, il apparait que Paris a toujours été conscient que la réunification s’achèverait par une assimilation. «Étant donné l’importance relative du Cameroun oriental par rapport au Cameroun occidental, la différence du chiffre de population, de richesses, de degré d’évolution des habitants, il est évident que cette politique d’unification aboutira en définitive et dans la plupart des cas à implanter au Cameron occidental la langue, les méthodes administratives, les structures économiques de l’ancienne République du Cameroun», avance l’ambassadeur de France en transmettant ses directives au consul de France à Buea, désigné moins d’un an après le référendum du 11 février 1961, actant la réunification.

    De ce fait, le soutient de l’hexagone au processus est naturel : «nous ne saurions nous désintéresser de la volonté du gouvernement camerounais de faire bénéficier l’ancienne zone britannique de l’acquis de 40 ans d’administration française. Nous devons au contraire l’appuyer et lui apporter notre entier concours. C’est dans cette perspective que devra être essentiellement orientée votre action», enjoint alors Jean-Pierre Bernard à Ives Robin. Pour la France, l’objectif est d’étendre son influence sur cette zone. Aussi est-elle très active tout au long de la mise en œuvre du projet d’assimilation. On le voit notamment à travers les multiples courriers de ses diplomates en poste au Cameroun, sollicitant davantage de moyens pour appuyer le régime d’Ahmadou Ahidjo et le nombre de câbles portant sur les faits et gestes des agents britanniques et nigérians, de même que sur les officiels américains accusés de vouloir saboter le projet d’assimilation.

    Aboudi Ottou

  • Cameroun-Banque mondiale: plus de 500 milliards de francs CFA à sauver de la forclusion

    Cameroun-Banque mondiale: plus de 500 milliards de francs CFA à sauver de la forclusion

    Le pays a jusqu’en mars 2019 pour consommer ces ressources mises à disposition par l’institution de Bretton Woods. Mais de nombreux obstacles plombent la réalisation des projets.

    Maga, 22 février 2018. La directrice des opérations de la Banque mondiale s’enquière de l’évolution du Pulci.

    Lorsque la délégation de la Banque mondiale arrive ce 21 février au siège du Conseil régional des organisations paysannes de la partie septentrionale du Cameroun (Cropsec), sis à Maroua dans l’Extrême-nord du pays, la petite unité semi-mécanisée de nettoyage du sorgho continue de tourner à plein régime. Pourtant, selon le plan d’affaires qui a permis à cette coopérative d’être éligible au Projet d’investissement et de développement des marchés agricoles (Pidma, un projet du portefeuille de la Banque mondiale), elle aurait dû rejoindre un autre site, situé à Salak à une vingtaine de minutes de son siège actuel, depuis la mi-2017. Mais à ce jour, les travaux y sont toujours en cours. La grande unité de nettoyage des céréales et de légumineuses, acquis grâce au projet et qui doit multiplier sa capacité de traitement du sorgho par huit, n’y est toujours pas installée.

    Fonds de contrepartie

    Pour expliquer ce retard, Mariam Haman Adama, directrice générale de Cropsec, indexe la complexité des procédures administratives liées à l’importation des équipements de nettoyage de sorgho, à leur arrivée et sortie du port de Douala de même que la réticence des banques commerciales à adhérer au projet. Une absence de coopération des banques commerciales peut en effet plomber le Pidma qui vise à contribuer à la transformation de l’agriculture de subsistance en agriculture commerciale dans les filières manioc, maïs et sorgho en aidant notamment au financement des plans d’affaire des coopératives. Car le modèle arrêté pour cela prévoit un apport du projet sous forme de subvention à hauteur de 50% de la somme nécessaire au financement du business plan, la coopérative elle-même injecte 10% et les banques commerciale apportent 40%.

    Merhoye Laoumaye, coordonnateur du Pulci : «Nous avons beaucoup d’activités qui sont payées sur fonds de contrepartie mais nous n’arrivons pas à les avoir. Même les fonds de contrepartie de 2016 sont encore bloqués au niveau des finances».

    Au regard des retards enregistrés dans la mise en œuvre du projet, Mariam Haman Adama demande déjà une prolongation du Pidma afin de garantir l’atteinte des objectifs du projet. Sur les neufs coopératives sélectionnées par le projet dans la région de l’Extrême-nord, Corpsec est pourtant la plus avancée. En effet, trois de ces coopératives ont encore leurs plans d’affaires en étude alors que les autres attendent leurs prêts bancaires.

    A Maga, dans le Mayo Danay, le Projet d’urgence de lutte contre les inondations (Pulci), un autre projet financé par la Banque mondiale fait face à d’autres types de difficultés : «intempéries climatiques, résistances orchestrées par certains riverains pour la concession des zones d’emprunt, faible rythme de production des enrochements, mise à disposition tardive et partielle des fonds de contrepartie…», liste le coordonnateur du Pulci. En ce qui concerne les fonds de contrepartie, Merhoye Laoumaye, indique qu’il s’agit d’un «problème épineux». «Nous avons beaucoup d’activités qui sont payées sur fonds de contrepartie mais nous n’arrivons pas à les avoir. Même les fonds de contrepartie de 2016 sont encore bloqués au niveau des finances». Conséquence, alors que le projet doit s’achever en mai 2018, seuls 25 km (sur 70) de la digue du Logone et 15 km (sur 27) de la digue barrage de Maga ont été réhabilités.

    Risque de forclusion

    Ces obstacles à la conduite des projets sont observés dans l’ensemble du pays. Malgré l’amélioration du taux de décaissement de son portefeuille passé de 7,5% en 2010 à 23% en 2016, la directrice des opérations de la Banque mondiale au Cameroun appelle à ne pas baisser les bras face à ces problèmes. «Ces données ne doivent pas nous faire perdre de vue certaines réalités qui ternissent la performance du portefeuille et pourraient à terme compromettre l’objectif principal de notre engagement au Cameroun», indiquait Elisabeth Huybens, en mars 2017, lors de la dernière revue du portefeuille de l’institution financière. La directrice des opérations indexait alors «la lenteur et la longueur dans certaines procédures notamment celles de passation de marchés, d’expropriation et d’indemnisation ; les problèmes d’application de la fiscalité…».

    Charles Assamba Ongodo, directeur général de la coopération et de l’intégration régional du ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire: «Le solde des engagements non décaissés s’élève donc à 1057 millions de dollars (564,45 milliards de francs CFA à la valeur du dollar au 09 mars 2018) qu’il faudrait décaisser au cours des deux prochaines années afin d’éviter que ces ressources ne deviennent forcloses»

    A l’occasion, le directeur général de la coopération et de l’intégration régional du ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire rappelait les enjeux : «l’ensemble des engagements en cours du portefeuille (national NDLR) de la coopération Cameroun-Banque mondiale s’élève à environ 1 479,68 millions de dollars américains (790,15 milliards de francs CFA à la valeur du dollar au 09 mars 2018) pour 17 projets actifs. Pour l’ensemble de ces engagements, le taux de décaissement cumulé se situe à 28,6% pour un taux moyen de consommation des délais de mise en œuvre de 65,2%. Le solde des engagements non décaissés s’élève donc à 1057 millions de dollars (564,45 milliards de francs CFA à la valeur du dollar au 09 mars 2018) qu’il faudrait décaisser au cours des deux prochaines années afin d’éviter que ces ressources ne deviennent forcloses. Je précise que ces deux années correspondent à la durée restante moyenne de mise en œuvre des projets en cours», prévenait Charles Assamba Ongodo. Un an après, les choses n’auraient pas beaucoup évolué en termes de consommation des crédits. La revue annuelle du portefeuille qui devrait, si la coutume est respectée, se tenir dans les prochains jours donnera plus de précision sur la situation.

    Réformes

    En tout cas, le moins que l’on puisse dire c’est que la question préoccupe la Banque mondiale. Du 21 au 22 février, l’institution de Bretton Woods a convié les sénateurs et les députés de la région de l’Extrême-nord et les membres du Réseau des parlementaires sur la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Objectif: «accroitre la connaissance des projets de la Banque mondiale auprès des parlementaires de la région de l’Extrême-nord afin de renforcer leur forte implication, notamment dans la levée des obstacles liés à leurs mises en œuvre et surtout dans la sensibilisation des bénéficiaires directs». Une initiative salutaire de l’avis même des parlementaires présents. On d’ailleurs pu observer que nombre d’entre eux avaient peu d’information sur les investissements de la banque dans la région.

    La Banque mondiale est aussi active sur le front des réformes qui devraient lever un certain nombre d’obstacles à la mise en œuvre des projets de son portefeuille dans le pays. La réforme du système des marchés publics est par exemple l’un des préalables au décaissement de la deuxième tranche de son appui budgétaire attendu cette année. Il s’agira de procéder à la révision du Code des marchés publics pour entre autres, clarifier les responsabilités des parties prenantes, l’indépendance du mécanisme de gestion des plaintes, et la séparation de trois rôles (régulation, contrôle et processus de passation des marchés). Il est aussi question que le ministère de l’Economie et celui des Marchés publics prennent un arrêté conjoint fixant la rémunération des membres des commissions de passation des marchés et des sous-commissions d’analyse sur une base forfaitaire (et non en fonction du nombre de séances comme actuellement), couplé, éventuellement à un paiement assis sur la performance.

    Aboudi Ottou, de retour de Maroua

  • ‘’Nous avons accusé du retard du fait des complexités administratives’’

    ‘’Nous avons accusé du retard du fait des complexités administratives’’

    Mariam Haman Adama

    120 millions de crédit, 24 millions d’intérêt à rembourser en six semestrialités avec deux mauvaises campagnes agricoles derrière nous, c’est inquiétant

    Le Conseil régional des organisations paysannes de la partie septentrionale du Cameroun (Cropsec), première coopérative basée dans l’Extrême-nord du pays, sélectionnée pour bénéficier de l’appui du Projet d’investissement et de développement des marchés agricoles (Pidma, un projet du portefeuille de la Banque mondiale). Après trois ans d’expérience, sa directrice générale parle des obstacles rencontrés dans la mise en œuvre du projet, mais aussi de son impact sur les activités de la coopérative.

     

    Quel est l’objectif du plan d’affaires que vous avez élaboré dans le cadre du projet Pidma ?

    Il faut d’abord dire que Cropsec est une coopérative agricole faîtière spécialisée dans la production et la commercialisation du sorgho grain nettoyé. Nous sommes en partenariat avec le projet Pidma depuis 2014. Et dans le cadre de ce partenariat, nous avons entamé le développement de la chaine de valeur sorgho. C’est-à-dire augmenter la productivité et la production, assurer la collecte, le traitement et la commercialisation du sorgho aux agro-industries.

     

    Quel impact après trois ans d’accompagnement par le Pidma ?

    Avant la mise en œuvre du projet, nous utilisions du matériel végétal de mauvaise qualité. Maintenant, nous avons des semences améliorées, nous avons des engrais adaptés au sorgho. Du coup, nous sommes passés d’un rendement de 0,8 à 2 tonnes à l’hectare. En matière de commercialisation, le prix de vente de la tonne de sorgho est passé de 180 000 francs CFA à 206 950 francs. Voilà quelques indicateurs qui montrent vraiment qu’il y a évolution.

    En plus, là où nous nous trouvons actuellement, c’est un peu de la débrouillardise avec une machine semi-mécanisée installée derrière nos bureaux. Dans l’avenir, nous allons rejoindre le site de Salak acquis grâce au projet. Là-bas, ce sera franchement une autre dimension de l’activité, plus moderne, plus professionnelle et plus rentable.

     

    Au regard de l’impact que vous décrivez, le rythme d’adhésion à votre coopérative a-t-il changé ?

    Dans toute chose, les débuts sont un peu timides. Mais en ce moment, c’est la bousculade parce que les retombées sont visibles. Alors, c’est à nous de faire une sélection assez rigoureuse pour ne pas accueillir des aventuriers.

     

    On sait que dans le cadre de ce projet vous bénéficiez d’une subvention à hauteur de 50% de votre plan d’affaires grâce à un prêt de la Banque mondiale à l’Etat du Cameroun. L’apport de la coopérative est de 10% et les 40% restants sont financés par un prêt contracté par la coopérative auprès d’une banque commerciale, en l’occurrence la Bicec, dans votre cas. Quelles sont les conditionnalités de ce prêt bancaire ?

    Le taux d’intérêt est de 12%. Personnellement, je trouve ce taux assez élevé pour une activité agricole comme la nôtre. Sur un crédit de 120 millions de francs CFA, nous allons payer 24 millions d’intérêts et le tout en six semestrialité alors qu’en principe, un prêt à l’investissement doit être remboursé sur le long terme.

    En plus, du fait que la zone ait été déclarée zone rouge par la Beac, la banque a exigé un fond de «dépôt à terme» de 50% du montant du crédit sollicité, soit 60 millions. A la fin, la banque a en réalité accordé à la coopérative juste la moitié du prêt parce que l’autre moitié a été constituée en dépôt de garantie. C’est vraiment une énorme contrainte pour la coopérative.

     

    Vous avez exprimé à la directrice des opérations de la Banque mondiale le souhait que le Pidma soit prolongé au-delà de 2019, sa date initiale de clôture. Qu’est-ce qui justifie une telle doléance ?

    Nous avons pris un crédit pour acheter des machines. Et pour les rentabiliser, il faut un certain nombre de temps. Vous avez vu que nous avons accusé du retard dans le démarrage de l’usine du fait des complexités administratives liées à l’importation des machines. Nous sommes en 2018 et l’usine n’a pas encore démarré et pourtant, notre souhait est que nous puissions réaliser deux ou trois campagnes de production et de traitement avec la nouvelle unité aux côtés du Pidma avant que le projet ne prenne fin.

    En plus, 120 millions de crédit, 24 millions d’intérêts à rembourser en six semestrialités avec deux mauvaises campagnes agricoles derrière nous, c’est inquiétant quand même…

     

    Au-delà du Pidma, n’avez-vous pas l’accompagnement d’autres structures ?

    Disons que nous avons toujours travaillé avec le ministère de l’Agriculture et du Développement rural. Nous avons d’autres partenaires comme la coopération belge au développement qui nous soutient beaucoup dans la formation des jeunes. En fait, nous avons un centre agropastoral qui forme, les futurs entrepreneurs agricoles (les futurs membres de Cropsec) pour pérenniser l’organisation.

     

    Qu’attendez-vous des parlementaires que vous avez rencontrés dans le cadre de la session d’information organisée par la Banque mondiale ?

    Je souhaiterais que les parlementaires considèrent la coopérative comme un moteur de développement local. Qu’ils nous aident dans notre travail de tous les jours. Qu’ils sensibilisent par exemple les populations à la base pour qu’elles se lancent dans la culture du sorgho qui est vraiment porteuse et sensibilisent l’administration afin que nos activités soient facilitées. A titre d’exemple, quand vous prenez un stock de sorgo à Kosa pour ramener à Maroua, la gendarmerie, la police et parfois la douane vous interpelle sur le contenu du chargement… Donc nous attendons des parlementaires qu’ils portent la voix de la coopérative au niveau des décideurs.

     

    «Du fait que la zone ait été déclarée zone rouge par la Beac, la banque a exigé un fond de «dépôt à terme» de 50% du montant du crédit sollicité soit 60 millions. A la fin, la banque a en réalité accordé à la coopérative juste la moitié du prêt parce que l’autre moitié a été constituée en dépôt de garantie. C’est vraiment une énorme contrainte pour la coopérative»

    Propos recueillis par

    Aboudi Ottou

    à Maroua

     Investissements

    L’Extrême-nord, une priorité pour la Banque mondiale

    Près de la moitié des projets du portefeuille de l’institution financière sont exécuté dans cette région.

     

    Aujourd’hui, les projets financés par la Banque mondiale au Cameroun s’élèvent à plus de 1, 78 milliards de dollars US (950,52 milliards de francs CFA à la valeur du dollar au 09 mars 2018). Ce portefeuille est constitué de dix-sept projets nationaux et quatre projets régionaux, mis en œuvre sur l’étendue du territoire. Et neuf des vingt-un projets sont exécutés soit en partie, soit en totalité dans la région de l’Extrême-nord. Ce qui fait dire à Elisabeth Huybens, directrice des opérations de la Banque mondiale au Cameroun, que «la région de l’Extrême-nord est pour nous une région prioritaire dans notre engagement global pour la réduction de la pauvreté».

    L’un des de objectif de stratégie pays de la Banque mondiale qui court jusqu’à 2021 est de «déjouer les multiples pièges à pauvreté dans les zones rurales, avec un accent sur les régions septentrionales». Avec 74% de la population vivant sous le seuil de pauvreté contre 37,5% au niveau national, l’Extrême-nord est la région la plus pauvre du Cameroun. La région est aussi, avec plus de 1,4 million de personnes souffrant de faim (33,7% des ménages), la plus touchée par l’insécurité alimentaire. Elle doit en plus faire face à nombre de défis : afflux de réfugiés, faible accès aux services de base, changements climatiques… C’est donc tout cela qui justifie, selon l’institution de Bretton Woods, son intérêt pour cette région. Trois projets en cours de formulation d’une valeur de 310 millions de dollars US (165,54 milliards à la valeur du dollar au 09 mars 2018) vont en partie être exécutés dans l’Extrême-nord.

    AO

    Portefeuille de la banque mondiale à l’Extrême-nord

     

    Programme national de développement participatif (PNDP, 3e phase)

    Objectif :appuyer le développement local et appuyer les communes dans la mise en œuvrede la décentralisation

    Financement :194, 12 millions de dollars US

    Date de clôture : avril 2020

     

    • Projet d’amélioration de l’équité et de la qualité de l’éducation (Paeque)

    Objectif :améliorer l’équité et la qualité de la prestation des services d’enseignement primaire dans le territoire du bénéficiaire en mettant l’accent sur les zones défavorisées

    Financement : 53 000 000 dollars US

    Date de clôture :30 septembre 2018

    • Projet de renforcement de la performance du système de santé (PRPSS)

    Objectif :accroître l’utilisation et l’amélioration de la qualité des services de santé avec un accent particulier sur la santé reproductive, maternelle, des adolescents et infantile, et sur les services de nutrition

    Financement :125 millions de dollars US

    Date de clôture :mars 2021

     

    • Projet filets sociaux

    Objectif :appuyer la mise en place d’un système élémentaire national de filets sociaux, comprenant la mise en œuvre de programmes pilotes de transferts monétaires et de travaux publics ciblés destinés aux personnes les plus pauvres et les plus vulnérables des zones qui participent au projet dans le territoire du bénéficiaire

    Financement :110 millions de dollars US

    Date de clôture :2022

     

    • Projet d’urgence de lutte contre les inondations (Pulci)

    Objectif :réhabiliter les principaux ouvrages hydrauliques et renforcer la préparation aux situations de catastrophe dans les zones cibles situées à l’Extrême-nord du Cameroun

    Financement :108 millions de dollars US

    Date de clôture :31 Mai 2018

     

    • Projet de développement des villes inclusives et résilientes (PDVIR)

    Objectif :améliorer la gestion urbaine et l’accès à l’infrastructure dans des zones urbaines sélectionnées, en particulier pour les quartiers sous-équipés, et accroitre la résilience aux aléas naturels et autres crises éligibles

    Financement :142.7 millions d’euros

    Date de clôture :janvier 2024

     

    • Projetde reconstruction de la route Mora-Dabanga-Kousseri (205 km)

    Objectif :renforcer les échanges, créer les opportunités d’affaires, fournir les services sociaux au bénéfice des populations riveraines

    Financement :70 milliards de francs CFA

    Date de clôture :mars 2020

     

    • Projet d’investissement et de développement des marchés agricoles (Pidma)

    Objectif :soutenir la transformation d’une agriculture de subsistance du manioc, du sorgho et du mais, caractérisée par une faible productivité, en une agriculture commerciale s’appuyant sur des chaines de valeurs compétitives dans les cinq (5) zones agro-écologiques du Cameroun

    Financement :100 millions de dollars US

    Date de clôture :2019

     

    • Projet de développement de l’élevage (Prodel)

    Objectif :améliorer la productivité de systèmes d’élevage ciblés, d’améliorer la commercialisation des produits issus de ces systèmes d’élevage, et de répondre rapidement et efficacement à une crise ou urgence éligible dans le secteur de l’élevage

    Financement :100 millions US

    Date de clôture :2022

    Source : Banque mondiale

    NB : Ces montants ne sont pas ceux investis à l’Extrême-nord pour les projets qui ne sont pas uniquement exécutés dans la région mais le financement global du projet. Nous n’avons pas pu isoler les fonds dédiés à l’Extrême-nord du financement global.

     

  • Minepat/Secteur Privé: Aspects pratiques d’un partenariat

    Minepat/Secteur Privé: Aspects pratiques d’un partenariat

    Photo de famille entre le patronat et le ministre de l’Economie

     

    Les deux parties s’accordent sur des gages d’efficacité pour le développement du Cameroun. C’était à Douala, au siège du Gicam les 20 et 21 février 2018.

     

    Les mardi 20 et mercredi 21 février 2018, Louis Paul Motaze, ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (Minepat), a présidé les travaux de la rentrée économique  son administration qui cette année a été organisée sous la forme d’une rencontre avec les organisations du secteur privé.

    Placée sous le thème « Diversification de l’économie et transformation locale des produits », cette rencontre s’inscrivait dans la lignée d’une série engagée en 2010 et orientée d’une manière générale sur le renforcement du dialogue public/privé sur les orientations de la politique économique du pays.

    Cette année, l’accent a ainsi été mis sur la promotion du secteur privé comme levier de la diversification de l’économie et la levée des contraintes à l’investissement. Aussi, les principaux sujets abordés ont portés sur :

    – La situation et les enjeux économiques actuels ;

    – Les guichets de financement des Partenaires Techniques Internationaux (PTF) ;

    – Le programme économique et financier 2017-2020 ;

    – La promotion des champions nationaux ;

    – Les résultats préliminaires du 2nd Recensement Général des Entreprises (RGE2) ;

    – Les résultats préliminaires de l’enquête sur le climat des affaires réalisée par le MINEPAT ;

    – Les opportunités d’exportation vers l’Union Européenne ;

    – Les projets porteurs du GICAM.

     

    Situation et les enjeux économiques actuels

    Ils ont été respectivement abordés par Célestin Tawamba, Président du Gicam dans ses propos de bienvenu prononcés au nom de la Plateforme des organisations du secteur privé et par le Minepat dans son discours d’ouverture.

    Les propos des deux orateurs ont convergé sur le constat des résultats économiques en berne enregistrés par le Cameroun au cours des deux dernières années. Face au double choc constitué par la chute des cours des matières premières dont le pétrole et la crise sécuritaire à laquelle le pays fait face dans la partie septentrionale, les résultats économiques ont été en retrait par rapport à ceux des années précédentes.

    Le Cameroun ayant mieux résisté que les autres pays de la sous-région, il convient désormais de consolider les facteurs de cette résilience parmi lesquels figure en première place la diversification horizontale et verticale de ses filières de production.

    Pour le Président de la Plateforme des organisations du secteur privé, cela passe par un dialogue public/privé plus fertile par lequel une plus grande attention devra accordée aux préoccupations des entreprises. Saluant les bonnes dispositions du Ministre de l’économie en la matière, les représentants du secteur privé l’ont invité à devenir leur porte parole et relais auprès du Gouvernement.

    C’est dans le cadre de partenariat rénové que les secteurs public et privé devront, dans une approche de coresponsabilité devront définir et implémenter les réformes structurelles indispensables pour donner un nouveau souffle à l’économie nationale et la remettre sur le sentier tracé pour son émergence. Les pistes de réformes portent notamment sur l’amélioration du climat des affaires, le développement des opportunités de financement, la promotion des champions nationaux, la révision du Code des marchés publics, la réforme de la fonction publique, la promotion des secteurs clés comme l’agriculture, le tourisme et les TIC.

     

    Guichets de financement des PTF

    Les opportunités de financement mis en place les Partenaires Techniques Internationaux ont été présentées :

    – L’International Finance Corporation (IFC) ;

    – La Banque Européenne d’Investissement (BEI) ;

    – La Banque Islamique de Développement (BID) ;

    – Proparco.

    Ces institutions offres des appuis financiers directs à travers des lignes de financements mobilisées auprès des établissements financiers, des appuis techniques et institutionnels au bénéfice des entreprises. L’accessibilité demeure cependant assujettie à des conditionnalités dont le seuil d’investissement, le secteur d’activité et surtout la qualité du projet présenté.

    Les échanges avec les chefs d’entreprises ont mis en évidence quelques contraintes à lever pour améliorer le recours et l’accès des entrepreneurs à ces opportunités. Il a ainsi été évoqué les questions relatives à la visibilité de ces offres de financement, à la prise ne charge des coûts des études qui peuvent atteindre 10% du coût total du projet ; le coût du crédit qui n’est pas forcément plus faible lorsqu’un PTF intervient ; le recours qui reste quasi obligatoire aux banques pour bénéficier de ces opportunités ; etc.

    La question du financement ne pouvant être efficacement traitée que dans une approche plus large, les participants se sont appesantis sur le cadre général de l’offre et de la demande de financement au Cameroun. Sont ainsi apparues comme nécessaires des évolutions dans la prévisibilité des politiques publiques, la gestion des délais de paiement et notamment ceux de l’Etat, la régulation de certains secteurs d’activité, le contrôle de change, le remboursement des crédits de TVA, l’éducation financière et la culture de remboursement des crédits, l’accessibilité et la sécurisation des droits fonciers, la structuration des entreprises et des groupes familiaux, l’adaptabilité des procédures des PTF au contexte.

     

    Programme économique et financier 2017-2020

    Monsieur Isaac TAMBA, Directeur Général de l’Economie et de la Programmation des Investissements Publics a présenté le contexte économique qui a conduit à la signature de ce Programme, ses singularités et particularités, ses objectifs, les mesures concernant le secteur privé, les retombées financières ainsi que les résultats escomptés et ceux déjà acquis à fin décembre 2017.

    On retient que le PEF intervient dans un contexte de détérioration de la situation économique de la CEMAC et décrochage de la croissance économique au Cameroun en raison notamment des problèmes sécuritaires, de la Perte d’opportunités des investissements et d’un accroissement du rythme d’endettement.

    Le PEF se distingue cependant des Programmes d’Ajustement Structurel des années 90 par l’envergure des réformes envisagées, les champs de ces réformes et surtout la finalité recherchée. En occurrence, le PEF met un accent sur la préservation des acquis sociaux et ouvre la possibilité au Cameroun de bénéficier des appuis budgétaires qui sont par nature et par définition des ressources fongibles dans le budget de l’Etat.

    Ses objectifs prioritaires concernent la relance et l’accélération de la croissance économique, la résorption du déséquilibre budgétaire, la réduction du déficit des comptes extérieurs, la stabilisation des réserves de change des pays de la CEMAC et la réduction du poids des investissements publics dans le budget.

    Le PEF 2017-2020 comporte plusieurs mesures orientées directement vers le secteur privé, en particulier l’achèvement des travaux de construction des grands projets de 1ère génération et leur mise en service, l’élargissement de l’accès aux services financiers et l’amélioration du climat des affaires. Sur ce dernier point, sont notamment visées les réformes concernant la réglementation douanière et l’administration fiscale, la mise en œuvre du Plan cadastral, l’informatisation du registre du commerce et crédit immobilier, le remboursement des crédits TVA et les délais de paiement des factures.

    Grâce aux performances enregistrées dans la mise en œuvre de ce Programme, le Cameroun a déjà enregistré trois décaissements d’un montant total 478 638 millions de F CFA de la part du FMI, de l’Union Européenne, de la Banque Mondiale, de l’AFD et de la BAD.

     

    La promotion des champions nationaux

    De la présentation faite par le Directeur Général de l’Economie, il ressort que l’initiative pour la promotion des champions nationaux a pris corps au GICAM lors du lancement de la 3ème Edition des Journées de l’Entreprise couplée aux 5èmes assises de l’Université du GICAM en 2016. Le MINEPAT s’est approprié le concept et a mis en place un Groupe de Travail en mars 2017 chargé de l’élaboration et de la mise en œuvre d’un Mécanisme pour l’émergence et de la promotion des Champions Nationaux.

    La promotion des Champions Nationaux, tradition des dans les pays industrialisés , s’impose aujourd’hui pour inverser notre mode d’insertion dans les chaînes de valeurs mondiales, renforcer la diversification économique et conférer une identité internationale pour nos produits.

    Comme définition, un Champion National est «une entreprise camerounaise, Leader dans son secteur d’activité, capable d’avoir un déploiement à l’international, qui est innovante, compétitive et offensive, et dont l’objectif de développement est en cohérence avec la politique mise en œuvre au niveau national». La promotion de telles entreprises implique un volontarisme du Gouvernement et un focus sur quelques filières ou groupe de produits en cohérence avec le Plan Directeur d’Industrialisation.

    Parmi les secteurs pré-identifiés par le MINEPAT se trouvent en bonne place les filières Bois, Coton-Textile-Confection, Cacao-Café, les TIC, le Transport aérien, le secteur Banque-Finance, le Tourisme et le domaine de la Santé. Quelques critères ont été esquissés pour leur choix notamment en termes de création de la richesse, de capacité à créer des effets d’entrainement, de contribution à la résorption des déficits, de géographie du capital et de création des emplois.

    Les interventions et appuis envisagés pour accompagner l’essor et le développement des Champions nationaux portent sur le financement direct via les prises de participation dans le capital, les lettres de confort aux partenaires pour crédibiliser ces entreprises, l’appui direct ponctuel pour le financement du haut bilan, l’octroi de régime préférentiel à la commande publique, l’octroi de subventions d’équilibre ponctuelles pour l’achat des intrants locaux ainsi que les appuis à la mise à niveau.

     

    Les résultats préliminaires du 2nd RGE

    Le second Recensement Général des Entreprises réalisé en 2016 a permis d’actualiser les informations de la situation des entreprises au Cameroun. Les résultats préliminaires de cet exercice ont été présentés par Monsieur Joseph TEDOU, Directeur général de l’Institut National de la Statistique.

    Les innovations de cette seconde enquête concernent l’élargissement du champ des unités ciblées avec la prise en compte de certaines activités spécifiques exercées souvent en plein air sur des sites aménagés (laveries auto, dépôt de vente de sables, etc.), le géo référencement des unités économiques, la cartographie détaillée qui a permis d’améliorer l’identification des unités économiques.

    Au terme de ce Recensement, 209 482 entreprises et établissements ont été dénombrés contre 93 969 en 2009, soit un accroissement de +123% (+12,7% en moyenne annuelle). Les principales tendances restent :

    – La forte concentration géographique des entreprises dans les deux  principales métropoles du pays que sont Yaoundé et Douala ;

    – la prédominance du secteur tertiaire, largement dominé par les activités de vente de marchandises ;

    – un écosystème économique atrophié en termes d’entreprises de moyenne et grande importance (1,5%), dominé par les micro-entreprises (79,1%) et essentiellement constitué d’entreprises individuelles (97%).

    Le chiffre d’affaires réalisé par l’ensemble des entreprises en 2015, se situe à 13 347 milliards de FCFA  contre 10 225 milliards en 2008. Il est accroissement de +28,8% (+3,9% en moyenne annuelle). L’ensemble des entreprises recensées emploient au total 635 969 personnes contre 386 263, soit un accroissement de +64,6% (+7,4% en moyenne annuelle).

    En termes de gouvernance, il est observé un léger mieux dans la tenue de comptabilité. Cependant, on observe toujours une faible pénétration des TIC dans les entreprises et une faible prise en compte des questions environnementales. D’une manière générale, la rentabilité financière des entreprises en forte baisse et leurs équipements productifs demeurent vieillissants.

    Sur un autre plan, la typologie des obstacles  auxquels font face les opérateurs économiques s’est modifiée. La fiscalité demeure l’obstacle n°1 et les problèmes de financement apparaissent toujours une préoccupation majeure. La corruption est en net recul, désormais supplantée par les formalités administratives / tracasseries avec les agents de la mairie et communauté urbaine, ainsi que les problèmes de débouchés.

     

    Les résultats préliminaires de l’enquête sur le climat des affaires

    Le MINEPAT a réalisé en 2017 une enquête sur le Climat des Affaires (Business Climate Survey – BCS-). Cette enquête a couvert plusieurs aspects du climat des affaires dont la dimension factuelle en abordant notamment les questions relatives à la sécurité de l’environnement d’exercice des activités, l’attractivité du marché, les richesses naturelles, la solidité macroéconomique et la conjoncture économique ; la dimension perception, et le fonctionnement des institutions en charge de la promotion du climat des affaires.

    De l’avis des 2000 chefs d’entreprises interrogés, il ressort que la qualité globale du climat des affaires reste très moyenne ; plusieurs entraves subsistent même si quelques avancées ont été enregistrées. Le déficit de communication de la part des institutions étatiques, les coûts élevés de crédit, la mauvaise qualité du service public (lenteur dans le traitement des dossiers, mauvais accueil des usagers, rétention de l’information utile au public, multiplication des pièces, isolement des responsables), les difficultés d’accès aux facteurs de production (énergie, services téléphoniques, internet, infrastructures de transport, ressources foncières, …) sont autant de facteurs ayant reçu une majorité d’opinions défavorables.

    L’Etat communique peu et ne diffuse pas suffisamment les informations qui intéressent les hommes d’affaires comme

     

    Les projets porteurs du GICAM

    Présentés par Monsieur Pierre KAM, Président de la Commission Diaspora et Relations internationales, ils portent notamment sur la mise en place d’un fonds de garanti multi métiers, l’accompagnement des entreprises à la structuration des joint-venture, l’organisation des ateliers d’appropriation des APE, la mise en place d’un centre de développement des PME, la promotion de l’entreprenariat féminin, la catégorisation des mesures de l’Accord sur la facilitation des échanges et l’amélioration du climat des affaires.

    Ces projets ont été présentés aux partenaires techniques et financiers en fin 2017 et des manifestations d’intérêt sont déjà enregistrées de la part de certains d’entre eux. S’agissant de l’appropriation de l’APE, les échanges ont mis en évidence des possibilités d’appui que le GICAM pourrait mobiliser auprès de l’Union Européenne à travers la Facilité de Coopération Technique.

     

    Feuille de route

    Le second jour des travaux de la rencontre MINEPAT/Secteur privé de 2018 a été consacré aux travaux techniques et une séance plénière d’adoption de la feuille de route présidée par le Ministre de l’économie. Cette Feuille de devant servir de support au déploiement de partenariat MINEPAT/Secteur privé au cours de l’année 2018 est articulée autour des thématiques abordées pendant la rencontre et reprend l’ensemble des recommandations formulées en précisant les parties prenantes, les responsables de la mise en œuvre et les délais d’exécution.

    Au titre des recommandations retenues, l’on retiendra notamment:

    – le renforcement des dispositifs de suivi qualitatif (enquêtes de perception, opinion d’experts, …) et quantitatif (recensements, études sectorielles, …) des entreprises ;

    – le renforcement des programmes de promotion des exportations (services non financiers, études de marchés, voyage d’affaires, …) ;

    – l’actualisation de l’étude sur les coûts de facteurs ;

    – le renforcement des dispositifs de diffusion de l’information économique ;

    – la mobilisation des appuis auprès du Gouvernement et des PTF pour accompagner les activités de sensibilisation/formation menées par les organisations du secteur privé;

    – la réalisation d’une étude sur les opportunités d’exportation vers le marché de l’UE ;

    – le renforcement de la communication sur les opportunités de financement des PTF, notamment par l’élaboration et la vulgarisation d’une cartographie de ces opportunités ;

    – etc.

    Un secrétariat technique de suivi se réunira au cours du mois de mars pour finaliser la feuille de route et plancher sur les modalités de mise en œuvre et de suivi des actions à déployer dans une démarche partenariale.

    Les mots de clôture du Ministre et des Présidents des organisations du secteur privé ont été ceux exprimant leur reconnaissance et satisfaction mutuelle pour la disponibilité et l’engagement pour un nouveau départ dans le partenariat MINEPAT / Secteur privé.

     

    Source: Minepat