16 mars 2021:L’austérité communautaire
Le message à la Communauté du président de la Conférence des chefs d’État est un discours de ralliement dans un contexte essentiellement marqué par des obstacles et des défis avec un brin de réussite inachevé ou hypothéqué.

«Cette année, notre sous-région, à l’instar du reste du monde, est en proie à une crise sanitaire aux conséquences économiques et sociales sans précédent», relève Paul Biya dès le troisième paragraphe de son message.
On pouvait s’y attendre d’une certaine manière, le message du président en exercice de la Conférence des chefs d’État ce 16 mars 2021 allait refléter la conjoncture que traverse la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Comac). Il n’a pas déçu. Mieux, 95% de l’adresse du président de la République du Cameroun à ses homologues et aux peuples de la Cemac élabore sur le contexte sanitaire, économique, sécuritaire et social. En un mot: crises !
Résilience
La pandémie a fait ressortir quatre crises: sanitaire, économique, sécuritaire et sociale. Du point de vue sanitaire, la propagation continue du virus entraine des pertes en vies humaines et l’augmentation des dépenses de santé ; sur le plan économique, la chute des recettes budgétaires a mis à mal l’action de l’État et le rétrécissement de l’appareil productif entraine les licenciements et l’insuffisante satisfaction des demandes en consommation locale. De son côté, la rupture des chaines d’approvisionnement internationaux fait perdre des recettes et aurait pu générer une crise alimentaire. Enfin, la perturbation des échanges dans la sous-région générée par les restrictions, a provoqué la baisse drastique des revenus des producteurs voire une perte des productions; sous l’angle sécuritaire, la résurgence de l’instabilité en RCA, le regain d’activité de Boko Haram dans le Lac Tchad et la stagnation de la crise dans le Nord-Ouest et Sud-Ouest Cameroun augmentent les pressions sur les finances publiques et gèlent les économies. Enfin, dans le social, une partie importante de la population dépendant du secteur informel ou d’autres secteurs ont vu leur activité s’arrêter nettement.
Pour rappel, l’économie de la Cemac s’est contractée à 2,9% en 2020 selon la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac).
Dans cette situation, qui mieux que Paul Biya pouvait appeler les États et les peuples à la résilience face à cette conjoncture particulièrement violente pour les socles économiques et sociaux ? Lui qui en parlait déjà en 2016 !
Il faudra pour se faire, travailler dur, serrer la ceinture pour retrouver l’équilibre. Une fois de plus, la communauté dans son entièreté est mise au défi.
Efforts
«Face aux divers chocs exogènes, nos pays ont pu résister en puisant dans les vertus de la solidarité et de l’intégration régionale». C’est en ces mots que Paul Biya introduit les bons points de la Communauté depuis le déclenchement de la crise. L’Oceac, agence d’exécution de santé publique, en est un! L’organisation s’est distinguée comme le bras séculier de la Communauté dans la prévention de la maladie. L’Oceac est également le laboratoire de la stratégie de riposte actuellement en vigueur. Qui selon Paul Biya devrait «se poursuivre résolument». Le chantier de la vaccination a été engagé au niveau communautaire, les ministres de la Santé ont trouvé un consensus le 22 janvier dernier. Puisque «la vaccination constitue indéniablement le moyen le plus efficace pour atteindre l’immunité collective et freiner définitivement la propagation de la pandémie», selon le Chef d’État camerounais. Les États doivent accélérer le mouvement afin de tirer «le meilleur profit du dispositif COVAC pour assurer la vaccination du plus grand nombre de populations» suggère-t-il.
La collégialité dans la résilience face à la crise c’est aussi «la mise en œuvre du Programme des réformes économiques et financières de la Cemac (Pref-Cemac), a permis le rétablissement de nos fondamentaux macroéconomiques». C’est au sein du comité de pilotage de cette instance communautaire que s’élaborent la résilience économique et la relance PostCovid-19.
Acquis… Promesses…mais pas trop
À côté de ce chapelet de morosité, la Cemac peut se targuer de quelques avancées que note Paul Biya. La seule pouvant être considérée comme aboutie, c’est la coopération universitaire. La directive communautaire imposant que les étudiants étrangers ressortissant de la Cemac soient égaux en paiement des droits universitaires sur l’ensemble du territoire communautaire est d’une effectivité indéboulonnable.
Par contre, les autres acquis évoqués sont soit inachevés soit d’application partielle : le marché commun, les politiques sectorielles, la libre circulation, le secteur productif sous-régional.
La plus belle promesse, la fusion de la Cemac et de la CEEAC connait aussi des évolutions. Toutefois, le processus n’a pas encore fait l’objet d’un consensus en Afrique centrale.
Bobo Ousmanou
Charles Assamba Ongodo
«La Cemac sait se montrer disposée»
Directeur général de la Coopération et de l’Intégration, Minepat, président du Comité Inter-États des Experts de l’UEAC.
Il y a des efforts qui sont fait pour la Cemac des peuples. La Cemac des associations. Les organisations de la société civile qui estiment que le moment est venu de faire refléter le rôle qu’elles jouent au sein de la Cemac. C’est sous l’impulsion du Cameroun que se fait cette conscientisation. Le débat communautaire de ce jour nous permet de comprendre que les jeunes et les femmes de la communauté veulent voir se réaliser la Cemac des peuples. Un processus d’intégration qui implique les institutionnels et les non institutionnels pour plus de profondeur et donc d’efficience dans la saisie des opportunités de l’intégration en zone Cemac. Ces organisations de la société civile ont du métier, elles ont du vécu sur le terrain, elles ont un talent et peuvent nettement concourir à relever les défis.
Jeanne Danielle Nlate
«Les femmes actives sont disposées»
Présidente du Réseau des femmes actives de l’Afrique centrale
Vice-Présidente du Comité interministériel d’Organisation et Commissaire de la Foire transfrontalière de l’Afrique centrale (FOTRAC).
Les femmes actives de l’Afrique centrale s’honorent par l’organisation de cette visioconférence. Nous l’avons souhaitée et nous l’avons proposée. C’est un moyen de maintenir le brassage des peuples au travers des leaders d’association. Nous irons répercuter fidèlement à nos membres sœurs de l’ensemble des pays. Le Refac est très sensible aux difficultés que la sous-région traverse et se sent solidaire de l’action collective engagée depuis un an. Elle a permis de sauvegarder notre tissu socioéconomique.
Nous sommes des partenaires des États et de la Commission. Nous en sommes des relais, mais aussi des informateurs de premier plan. Voilà pourquoi notre plaidoyer sur le maintien des lignes budgétaires des programmes de promotion et une meilleure association de la société civile ne pouvaient trouver meilleure théâtre. Nous pensons qu’en mutualisant les efforts, on peut améliorer les conditions de vie des populations : les systèmes de santé, les infrastructures, les systèmes éducatifs, la production économique, la fluidité des corridors, la libre circulation des talents et l’interconnexion des tissus productifs. Les femmes actives de l’Afrique centrale sont disposées à sensibiliser pour fédérer toutes les forces et tous les acteurs afin qu’ils regardent tous dans la direction de la construction d’une Communauté économique plus résiliente..
Propos recueillis par Bobo Ousmanou