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Disparition : Wazizi comme Guérandi

Comme celle du célèbre ancien putschiste, la mort du journaliste de CMTV est révélatrice, de rapports de force entre les positions institutionnelles et celles des organisations indépendantes.

Wazizi de son vivant

De son vivant, il n’en avait pas encore fini avec les ennuis judiciaires, Samuel Abuwe Ajiekha alias Wazizi. Il a été rattrapé par la mort «pendant sa détention». C’est du moins ce qu’atteste un article paru sur le site de Reporters sans frontières (RSF) le 3 juin 2020 et réactualisé le 5 juin 2020.

Citant la chaine de télévision privée Équinoxe TV basée à Douala, l’ONG internationale indique que l’ancien employé de Chillen Media Television (CMTV) est décédé de suites de torture, affirmant avoir eu accès à des photos prises quelques jours avant son décès, sur lesquelles il présente de nombreuses blessures.«La mort de ce journaliste détenu au secret par des militaires en dehors de toute procédure légale est la pire exaction commise contre un professionnel de l’information depuis dix ans au Cameroun», a déclaré Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF.

De son côté,  la division de la communication du ministère Camerounais de la défense situe plutôt le décès au 17 août  2019 à l’hôpital militaire de Yaoundé. « Des suites de «sepsis sévère, une sorte d’inflammation généralisée dans tout le corps, selon le certificat de genre de mort; et «non pas d’un quelconque acte de torture ou de sévices corporels», indique Cyrille Atonfack dans un communiqué publié le 5 juin 2020.

Arrêté le 3 aout 2019 à Muea (Sud-Ouest), l’homme de média avait par la suite été récupéré par les militaires de la 21e brigade d’infanterie de Buéa. Officiellement, il était accusé d’avoir tenu des propos critiques sur CMTV à l’égard des autorités, et de leur gestion de la crise dans les régions anglophones du Cameroun. Samuel Wazizi, rapporte RSF, n’avait pas été présenté devant la Haute Cour de Fako, dans la région du Sud-Ouest, le 28 mai dernier, renforçant les soupçons et les inquiétudes de ses avocats qui craignaient avant l’audience que le journaliste soit probablement mort. L’examen de l’affaire avait été rapidement ajourné et renvoyé au 9 juin 2020.

Comme un arrière-gout de janvier 2013…
Faut-il pour autant croire à un scénario inspiré d’un cas qui s’est produit il y a quelques années? En tout cas, à partir d’une même toile de fond, il y a lieu de décliner une autre histoire demeurée trouble dans la conscience collective. Il s’agit de l’affaire Guérandi Mbara. Traqué par les services spéciaux camerounais, l’officier supérieur, banni des forces de défense camerounaises au lendemain du putsch manqué du 6 avril 1984, avait disparu des radars jusqu’à sa mort relayée par Jeune Afrique.

Selon le magazine panafricain, le capitaine avait discrètement été enlevé et exécuté en 2013. Yaoundé, par la voix de Issa Tchiroma Bakary (alors ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement), avait, lors d’une conférence tenue le 10 octobre 2014 affirmé que «le gouvernement ne répond pas à la rumeur». Aux oreilles de plusieurs citoyens, cette phrase ne permettait pas d’analyser séparément les composantes circonstancielles du décès de Guérandi Mbara.

Avec la disparition de Samuel Wazizi, on peut lire une réelle similitude avec le cas ci-dessus évoqué. Elle renvoie directement au cœur du débat ayant trait aux arrestations et morts en catimini. En effet, tout comme pour Guérandi Mbara, les ancrages relatifs à la mort du journaliste de CMTV ne permettent pas de délier le vrai du faux. À la lecture de la sortie du capitaine de frégate Cyrille Atonfack, chef de la division de la communication au ministère de la Défense, l’on perçoit vite la différence entre la version officielle et celles des ONG de défense de droits de l’homme, des corporations de journalistes.

Ongoung Zong Bella

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