Ils tirent à blanc sur l’ambulance

Les gestionnaires d’actifs et autres fonds d’investissement privés en Afrique (gestionnaires d’actifs, banques, assureurs, Family offices, fonds souverains, fonds spéculatifs, négociants en matières premières) ne vont pas donner suite au moratoire recommandé sur la dette par le G20 et le Club de Paris. Ils sont opposés à toute annulation ou allègement de la dette des pays africains.

Ils sont 25 gestionnaires représentant plus de 9 trillions (9 milliards de milliards) dollars US d’actifs sous gestion en Afrique, sous forme d’euroobligations, de prêts syndiqués et de financements commerciaux. Le 15 mai 2020, ils ont annoncé leur structuration au sein d’un groupe appelé Groupe de travail des créanciers privés en Afrique (AfricaPCWG). On peut identifier Lars Bane de Farallon, Capital Europe LLP, Kevin Daly d’Aberdeen, Asset Management PLC, Alex Garrard d’Amia, Capital LLP, Hans Humes de Greylock, Capital Management, LLC et Nicolas Sagna de Pharo Management.

Composition

À côté des bailleurs de fonds bilatéraux (les pays souverains) et des organisations multilatérales comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque africaine de développement (BAD), les créanciers privés représentent le troisième ensemble de la composition de la dette africaine. François Bourguignon, ancien économiste en chef de la Banque mondiale, auteur de l’ouvrage «Pauvreté et développement dans un monde globalisé» publié en 2015, explique qu’il «sera sans doute difficile d’obtenir de ce dernier tiers une annulation pure et simple de la dette».

Auprès de ces institutions, les prêts des pays africains «sont contractés auprès de banques commerciales, mais cela peut aussi être des émissions de bons sur les marchés internationaux faits par les pays eux-mêmes, comme c’est le cas depuis une dizaine d’années. Ces bons sont achetés par des compagnies d’assurance, des fonds de pension, des particuliers» détaille-t-il.

La piste privilégiée est celle de fournir des conseils et un soutien au cas par cas. Car «une approche universelle précipitée et conçue en temps de crise risque de mettre en danger l’accès aux capitaux dont ces pays ont besoin à la longue» indique Africa PCWG. Bien plus, le groupe fournira aux gouvernements africains, au groupe des grandes économies du G20, au Fonds monétaire international et à d’autres banques multilatérales de développement, un forum par lequel toutes les parties prenantes «pourront s’engager de manière transparente et constructive» sur les questions liées à la crise du coronavirus.

Système de notation

La position des créanciers privés recèle des éléments de primes à l’excellence. Le collectif semble vouloir primer les bons élèves de la dette. Il appelle à identifier les «gouvernements ayant développé un accès difficile et à faible cout aux marchés de la dette». Car «ces profils distincts doivent être reconnus comme faisant partie de toute approche réussie de la gestion de la dette».

L’autre enjeu de mansuétude, c’est la pérennité du partenariat qui est d’ailleurs brandi par les créanciers «prêts à fournir un soutien à tous les pays du continent au cas par cas, en veillant à ce que les conditions d’un accès continu au capital privé restent en place, ce qui est si vital pour le développement des sociétés et des économies dans les années à venir».

Les générations futures d’Africains devront accéder à des capitaux privés pour investir dans les hôpitaux, les routes, l’éducation, les systèmes de santé et d’autres infrastructures essentielles au développement économique et sociétal. À long terme, une approche précipitée et globale développée en temps de crise mettra en péril cet accès crucial au capital.

Zacharie Roger Mbarga

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