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Entre la chloroquine et la pharmacopée traditionnelle: l’Afrique se déconfine!

Le continent africain ne s’est pas encore véritablement positionné dans le débat sur l’utilisation de la chloroquine pour venir à bout du coronavirus que la popularité de la pharmacopée traditionnelle bouscule déjà les logiciels préétablis et accommodants.

Alors que l’Afrique cheminait vers son pic de contamination, les pays ont engagé l’approvisionnement des solutions médicamenteuses ayant un avantage dans la prise en charge des personnes atteintes du Covid-19. Il s’agit pour l’essentiel de la chloroquine, mais surtout de l’hydroxychloroquine (HCQ) et de l’azithromycine (AZITHRO). La chloroquine ayant démontré qu’elle pouvait être toxique avec des effets secondaires sur les patients tels que l’insuffisance rénale.

Le consensus se formait ainsi autour de l’avantage de ce protocole menuisant l’appel des professionnels de la médecine naturelle trivialement qualifiée de «traditionnelle». Cette dernière ne bénéficie pas toujours de l’infrastructure adéquate favorisant une bonne notoriété. Pour autant, les professionnels de la médecine naturelle africaine ne se laissent pas démonter! D’autant plus qu’en Afrique centrale, plusieurs ont recours aux substances de la forêt équatoriale, souvent à la base du procédé de fabrication de quinine et chloroquine: «ekouk» (quinquina) pour ne citer que lui.

Si jusqu’ici, dans les chaumières et en haut lieu, le débat avait cours et prenait toujours fin lorsqu’il fallait argumenter sur l’infrastructure scientifique et normatif accompagnant l’industrie très embryonnaire de la médecine dite traditionnelle, voici Madagascar qui provoque la rupture mentale.

Covidorganics: le facteur X
Depuis l’annonce retentissante de Madagascar sur la solution naturelle pour la prévention du Covid-19, il y a comme un basculement dans l’opinion. Curieusement, la confiance en la médecine traditionnelle atteint son niveau post- indépendance. La tisane que propose Madagascar est faite à base d’Artemesia: une plante (désormais médicinale) des forêts africaines et donc les propriétés sont reconnues pour la lutte contre le paludisme. Le président malgache, Andry Rajoelina, assure lui-même le rôle de VRP du Covidorganics.
Dans la même lancée, l’archidiocèse de Douala, par la voix de son patron, Mgr Kleda, indique qu’un traitement soulageant les malades du coronavirus est disponible dans ses services compétents. Ledit traitement est issu de la pharmacopée traditionnelle du Cameroun. Rappelons que les tests de ces différentes solutions n’ont pas encore été publiés et l’Organisation mondiale de la santé (Oms) continue d’affirmer qu’aucun traitement n’a encore été déterminé contre le Covid19.

Toutefois, le mérite du Covidorganics est de fédérer les africains autour de la richesse de la pharmacopée africaine. Le président malgache a reçu des félicitations de ses homologues RD congolais et sénégalais. Le Sénégal comme la RDC ont instamment passé une commande du célèbre traitement. Chez des jeunes du continent, sur les réseaux, le Covidorganics ravive une certaine fierté africaine.

Comme quoi, il n’en faut pas toujours beaucoup! Cette libération de la parole, ce déconfinement de la mentalité, sont-ils un effet de mode ou une conviction profonde sur la nécessité d’accorder l’attention nécessaire à la médecine traditionnelle?

Le consensus pourrait-il être plus large? D’autres dirigeants vont-ils faire confiance aux professionnels de la médecine traditionnelle? L’hypocrisie africaine prendra-t-elle encore le dessus? Ou simplement, les firmes pharmaceutiques vont réussir à sauvegarder leurs intérêts? Dans une étude publiée en 2002, l’Oms indiquait que 80% des africains avaient recours à la médecine traditionnelle pour répondre à leur besoin de santé. En 2019, l’Oms a reconnu que la médecine traditionnelle était un atout pour la couverture sanitaire universelle pour le continent.

Or, après la décennie de la médecine traditionnelle déclarée par l’UA entre 2001 et 2010, la dépendance de l’Afrique envers les firmes internationales s’accroît. En 2020, les estimations d’importation de médicaments en Afrique caracolaient à 65 milliards dollars US. L’avenant Coronavirus gonflera ce chiffre.
Oui, il est là l’enjeu aussi: la médecine traditionnelle est-elle suffisamment irradiée dans les pouvoirs politiques africains pour faire reculer les produits des grands laboratoires pharmaceutiques appartenant aux «partenaires»? Exploitation forestière et médecine traditionnelle. Affaire à suivre. La crise sanitaire actuelle pourra peut-être déconfiner davantage la problématique.

Zacharie Roger Mbarga

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