Annulation partielle des législatives : Un autre casse-tête pour l’armée camerounaise en zone anglophone

Treize circonscriptions électorales dans le Nord-ouest et le Sud-ouest sont concernées. Et si le pouvoir veut rendre crédible le double scrutin du 9 février dernier?

Les éléments du Bataillon d’intervention rapide au front.

 

C’est la déception au sein du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) dans la région du Nord-o uest du pays, après l’annonce de l’annulation des législatives dans cette partie du Cameroun. A contrario, le Sdf se réjouit de la décision du conseil constitutionnel.

«C’est comme si le Rdpc ayant raflé presque tous les sièges dans le Nord-ouest et le Sud-ouest, le gouvernement a pensé qu’il fallait s’assurer que le Sdf (qui est devenu ces derniers temps un allié du gouvernement) ait au moins un groupe parlementaire», selon Ignatius Nji. Cet observateur de la scène politique résident à Bamenda croit davantage que «l’annulation du résultat des législatives par la cour constitutionnelle dans ces onze circonscriptions et la reprise des partielles ici est tout simplement une tactique pour remettre ces sièges au Sdf».

Jeff Ngawe ne dit pas autrement: «je vois en cette annulation et reprise des élections une manière d’essayer de montrer à la face du monde qu’il y a un semblant de démocratie au Cameroun». Et de préciser, «la victoire écrasante du Rdpc était une moquerie à la pratique de la démocratie et du multipartisme au Cameroun». Il ajoute: «je vois le Sdf vainqueur dans la plupart de ces circonscriptions pour permettre à ce parti politique de l’opposition d’avoir un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale».

Nouveau front
Toutefois, Ignatius Nji se veut sceptique quant à la tenue de ces partielles: «la reprise des élections va ouvrir un boulevard pour plus de tueries de personnes, étant donné que les combattants séparatistes ont banni les élections dans les deux régions anglophones». Il explique: «le Sdf a demandé la nullité des législatives parce que le Nord-ouest et le Sud-ouest sont en guerre, je m’interroge si la reprise des élections aura lieu après ou pendant la guerre».

Clement Chefor renchérit: «la tenue de ces partielles est une autre occasion pour le Nord-ouest et le Sud-ouest de se vider comme d’habitude de sa population qui veut se mettre à l’abri d’un éventuel affrontement armé entre les séparatistes et les forces gouvernementales le jour du scrutin». Et Vera Berenyi d’ajouter: «ces partielles me laissent à 37°C. Qu’on organise mille fois les élections dans le contexte actuel, dans ces deux régions, le taux de participation sera toujours médiocre pour ne pas dire néant».

Le parti au pouvoir n’entend pas faire profil bas. A en croire certaines sources introduites, la commission régionale de campagne du RDPC dans le Nord-ouest va mettre des bouchées doubles pour rafler une fois de plus la mise lors des partielles. Sauf à envisager une consigne de vote du comité central du Rdpc en faveur du parti Social democratic front (Sdf) comme lors des sénatoriales de 2013 dans les régions de l’Adamaoua et de l’Ouest, rappelle un critique. Le parti de John Fru Ndi avait pris part à ces élections, malgré l’appel au boycott prôné par certaines formations politiques de l’opposition. Et de suggérer que «les éléments de forces de défense et de sécurité déployés pour la circonstance dans les onze circonscriptions du Noso ne votent pas. Ce qui permettra de jauger la capacité de chacune des deux formations politiques à mobiliser l’électorat dans ces régions».

Élections Cameroon (Elecam) a vingt jours au moins et quarante jours au plus, depuis le prononcé de l’annulation du scrutin du 9 février 2020 par le Conseil constitutionnel, pour organiser les partielles dans ces circonscriptions. Dans le Nord-ouest, cette reprise des élections concerne quatre des sept départements à savoir la Mezam, la Momo, la Menchum et Bui. Dans cette région, douze sièges sont à pourvoir. Dans le Sud-ouest, un seul département est concerné. Il s’agit du Lebialem avec un seul siège en compétition.

Zéphirin Fotso Kamga

Élections du 9 février 2020

Le méli-mélodie des perspectives

Proclamés la semaine dernière par le Conseil constitutionnel, les résultats du double scrutin municipal et législatif du 9 février dernier commencent à profiler un rééquilibrage des forces politiques au Cameroun.

 

Comme la nature, la vie politique démocratique a ses cycles. Selon les spécialistes, ils s’ordonnent sur une chaîne dont chaque élection forme un maillon lié aux autres. En attendant que le vote soit repris dans certaines localités de la partie anglophone du pays, 8 formations politiques vont siéger à l’Assemblée nationale au cours des cinq prochaines années. Il s’agit du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), du Social Democratic Front (SDF), du Parti camerounais pour la reconstruction nationale (PCRN), de l’Union démocratique du Cameroun (UDC), du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), de l’Union nationale pour la démocratie (UNDP), du Mouvement pour la défense de la république (MDR) et de l’Union des mouvements socialistes (UMS). Pour l’instant, le parti de Paul Biya contrôle le gros de l’effectif (139 sièges sur les 180). Son suivant immédiat, l’UNDP, se contente de sept députés. Un peu plus que le SDF et le PCRN qui ont gagné cinq places au palais des verres de Ngoa-Ekelle. L’UDC s’en tire avec quatre parlementaires alors que le FSNC compte trois élus. Le MDR et l’UMS obtiennent chacun deux députés.

«Au vu de ces indications chiffrées, il est clair que la carte politique ainsi recomposée reflète l’équilibre du RDPC et montre l’entrée en scène de nouvelles forces politiques», esquisse Paul Etienne Mvoto. Dans un autre versant d’analyse, le politologue estime que les élections du 9 février 2020 au Cameroun ont suivi le roulis régulier de la formation politique de Paul Biya, à peine troublé par l’irruption du PCRN, du FNSC et de l’UMS. «Dans une période d’incertitude, voici l’opposition presque sans tête. Mais pas sans corps: elle garde ses riches tissus d’élus locaux pour lesquels l’attachement citoyen n’est pas que partisan», souligne encore Paul Etienne Mvoto.

«Embuscade»
Sur la base des données empiriques, Aloys Mpessa, un autre politologue, valide que le chef de l’État le sait bien. «Dans un très probable remaniement ministériel, il tiendra compte, à coup sûr, des petits partis, de leur influence, leur capacité de peser dans les scrutins nationaux, leur enracinement territorial et de la force de leurs relais», développe l’universitaire. Cependant, il n’exclut pas qu’un réflexe conservateur naturel puisse venir contrarier le désir de renouvellement. Et dans ce cas, dit-il, «les cartes pourraient être brouillées, mais pas vraiment rebattues; car disposant d’une majorité qui tire à hue et à dia, Paul Biya a le fil à plomb pour mener le chantier et en userait pour provoquer un élan rassembleur autour de sa personne».

Dans tous les cas, la répartition des sièges parlementaires et l’équilibre des pouvoirs vont avoir une influence considérable sur les relations entre les partis et donc sur les possibilités de dialogue au sein du parlement, en particulier lorsque les décisions parlementaires reposent sur le vote. Et là, il est plus probable que (certains) des partis se rencontrent, en comité ou dans les couloirs, pour aborder des sujets faisant l’objet de préoccupations communes; qu’ils étudient leurs positions respectives et identifient d’éventuels points de négociation et de compromis.

Ongoung Zon Bella

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