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Vous ne rêvez pas !

Comment faire pour être dans la tête d’un jeune président de la République? Voilà un défi peu ordinaire. Seulement, voici: Bassirou Diomaye Faye, 44 ans, va entrer dans l’univers à la fois feutré et violent de la fonction présidentielle. Le Sénégal, pays de cet inspecteur des finances publiques en a décidé ainsi au lendemain du premier tour de la présidentielle du 24 mars dernier. Bassirou Diomaye Faye avait tellement de fils à retordre, surtout dans une ambiance préélectorale où crépitaient les canons de fusils. Verbe acide, au vitriol, hauteur de vue, noblesse des sentiments, acuité des analyses, jugements au scalpel, liberté de penser sans fard, sans désir de plaire, sans crainte de déplaire et sans rien rechercher pour lui-même, le jeune homme disposait de quoi clouer le bec aux vieux briscards.

Pour autant, l’Afrique tout entière a aimé ce scénario qui, dans son enchainement et sa construction, a agréablement ému plus d’un. Depuis que Bassirou Diomaye Faye a été élu président du Sénégal, on a l’impression que chaque jeune africain serait avec un «tuba» en train de s’oxygéner les méninges. Et là, on peut légitimement se demander pourquoi? Parce que la récente élection présidentielle au Sénégal vient d’écrire un récit qui invite à réfléchir sur la démocratie en Afrique et son corollaire: la montée en puissance de la jeunesse. Celle-ci, malgré les atermoiements et les appétits de pouvoirs ambigus des vieillards, les crocs-en-jambe de leurs affidés pour faire trébucher plus d’un jeune, est en train de prouver qu’elle peut tenir un rôle (petit ou grand) dans l’Histoire politique africaine.

Il y a des années, dans plusieurs pays du continent, cette lecture était une aventure à l’aveugle dans laquelle personne n’avait hâte de se jeter, même en imaginant un scénario pimenté d’un soupçon d’anticipation. Seulement, pour qui s’emploie à analyser finement l’évolution sociopolitique en Afrique, ne peut s’empêcher d’affirmer qu’on ne peut plus faire autrement, eu égard à la charge juvénile qui se déploie chaque jour contre la gérontocratie. À écouter ce qui se dit contre cette dernière, on n’est pas très loin d’un réquisitoire contre des personnages qui préfèrent haïr le thermomètre plutôt que de prendre le remède. Bref, à cette gérontocratie-là, ce qui s’est passé au Sénégal montre ce qu’elle peut attendre de l’avenir. Là-dessus, il y a vraiment des perles à découvrir ou à redécouvrir pour le plus grand plaisir de l’Afrique. Oui, vous ne rêvez pas, c’est bien écrit pour le plus grand plaisir de l’Afrique. Dans cette partie du monde, ce qui s’est passé au Sénégal, même si cela n’apporte pas de solution miracle dans l’immédiat, cela a au moins un double honneur: montrer que la jeunesse peut débarquer les vieillards d’une part, et prendre conscience qu’il est grand temps d’arrêter de s’enfouir la tête dans le sable en pensant que seuls les fossiles ont voix au chapitre du pouvoir républicain. Et si l’Afrique ne fait pas cet effort de former des jeunes consciences, elle s’expose à rencontrer encore et encore le même adversaire, auquel elle donnera sans arrêt de nouvelles forces, en l’occurrence, cette hargne qui, précisément, consiste à croire que les jouvenceaux n’ont aucune expérience.

Jean-René Meva’a Amougou

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