Reprise des cours : Le tome 2 de l’épreuve gouvernementale
Éclairés par des projections sur la trajectoire épidémique à travers le pays, des avis présentent l’insécurité sanitaire actuelle comme une menace à la réouverture des écoles, lycées et collèges.

Après un peu plus de deux mois d’interruption, les cours vont en principe reprendre ce 1er juin 2020 dans tous les établissements scolaires et universitaires du Cameroun. Dans l’urgence, il s’agit pour le gouvernement d’éviter une année blanche. Face à un virus invisible et capricieux, les autorités ont prescrit un protocole sanitaire pour limiter au maximum le risque de propagation de la Covid-19 dans les campus. «Je pense qu’on a pris suffisamment de hauteur pour évaluer le risque et voir dans quelle mesure on peut le minimiser. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que rien ne vienne entraver d’ici à là cette rentrée qui a été projetée par le président de la République et que tout soit mis en œuvre. Nous n’avons pas le choix; on nous a ordonné de le faire. Nous devons tout faire pour que ça marche», a justifié Laurent Serge Etoudi Ngoa, le 18 mai dernier sur les ondes de la Crtv.
Différence
Mais contrairement à cette ambition globale, qui semble satisfaire le ministre de l’Éducation de base (Minedub), des institutions disent que le Cameroun n’est pas encore exempt de fragilités et devra encore ronger son frein. Dans une note qu’il a signée le 29 mai 2020, Christophe Guilhou, l’ambassadeur de France au Cameroun, indique qu’«au vu de l’évolution rapide de la pandémie de la Covid-19 au Cameroun et des difficultés rencontrées pour permettre la prise en charge des malades, il n’apparait pas raisonnable de procéder à la réouverture des établissements à programme français au Cameroun».
De son côté, le collectif des évêques enfourche une trompette de même acabit. Conduits par Mgr Samuel Kléda, les dignitaires catholiques campent sur l’ajournement de la date de la reprise des cours dans les établissements scolaires et universitaires de leurs ressorts sacerdotaux.
Sur les réseaux sociaux, le hashtag #SansMoiLe1erJuin a même vu le jour. À l’aide de celui-ci, des esprits s’inquiètent d’un effet de rebond du virus. C’est le cas de Pascal Owona Otu. Pour l’épidémiologiste – l’expert en prévention des comportements à risques, «ce serait une grave erreur et un inutile grand risque que de rouvrir l’école sans l’éradication des cas communautaires. Quels que soient les précautions et les dispositifs sanitaires mis en place, il n’est pas évident de pouvoir garantir la distanciation sociale entre élèves durant le trajet domicile — école, dans la cour de l’école et même dans la classe».
Invité ce dimanche 31 mai 2020 à l’émission «Canal Presse» sur la chaîne de télévision privée Canal 2 International, le Pr Pascal Messanga Nyamding a soutenu qu’il est «hasardeux de demander à nos enfants de retourner à l’école demain». Selon l’universitaire, «tout scénario de réouverture des écoles est une dangereuse option qui vient saper tous les efforts jusqu’ici consentis».
Report »
Ce mot, tous l’ont au bout des lèvres. Bien que voulu «progressive» par les autorités publiques, la reprise des classes «Compte tenu de la situation grandissante de la pandémie du coronavirus dans notre pays et de l’obligation que nous avons de protéger la santé de tous, nous avons décidé de concert avec les autres évêques de la province ecclésiastique de renvoyer la rentrée initialement prévue le 1er juin dans nos trois maisons de formation, à une date ultérieure qui vous sera communiquée en temps opportun», programme l’Église catholique.
Ce n’est pas la première fois qu’une guerre des nerfs s’installe entre l’exécutif et une certaine opinion. Habitué à se servir des amarres de certaines circonstances plus ou moins favorables, le gouvernement n’a pas réussi à rouvrir sereinement les écoles dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest en proie à une crise sociopolitique sans précédent depuis quatre années. Et cela avec toute la confiance chevillée à ses lèvres.
Ongoung Zong Bella