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Cameroun : Chaude fréquence sur la bande Fm

Dès le 26 octobre 2020, une force d’intervention mènera des actions nécessaires devant conduire soit au démantèlement des équipements radioélectriques non conformes et de ceux des utilisateurs illégaux, soit à la régularisation de la situation de ces utilisateurs.

 

Vous êtes à Yaoundé ou à Douala, allumez votre poste de radio et écoutez! Le flot des paroles et des musiques est continu. Depuis la boucle historique amorcée par la loi n° 90/052 du 19 décembre 1990 relative à la communication sociale au Cameroun, on en parle comme d’une ruche, comparaison évoquant une multitude de stations. En effet, «ça bourdonne sur les ondes!», rigole Mouhamadou Awallou. Ce 15 octobre 2020, le directeur de la gestion des fréquences à l’Agence de régulation des télécommunications (ART) passe par les chiffres pour décrire ce qui se passe sur la bande FM. «À ce jour à Yaoundé, énonce l’ingénieur principal des travaux des télécommunications, 66 stations de radiodiffusion sonore émettent en modulation de fréquence. À Douala, 38 ont été comptabilisées».

Saturation
Si l’on peut se féliciter de la diversité de l’expression radiophonique à Douala et à Yaoundé, l’affaire reste pour le moins entêtante. «Une suroccupation de la bande FM provoque des risques importants de perturbation: brouillage d’une radio sur une autre ou plusieurs autres, des intermodulations entre radios, un brouhaha de grésillements, une impossibilité d’écouter certaines radios dans certains lieux», indique Herman Olivier Miasse. Pour le cadre technique à l’ART, il y a plus grave encore: «l’aviation, la téléphonie mobile, les banques, les transports ferroviaires et maritimes, l’armée et tous les secteurs qui utilisent aujourd’hui les ressources hertziennes sont tous perturbés». «À Yaoundé et Douala, où chaque radio veut faire entendre sa différence, la bande FM étouffe dans une ambiance de guérilla que mènent les promoteurs avec l’État», enchaine Winfred Mfuh Fuaye Kenji, conseiller technique au ministère des Postes et Télécommunications (Minpostel). Avec cette asphyxie qui court-circuite les ondes, c’est un vrai vent de liberté qui souffle sur la bande FM. «Au nom de la tolérance administrative, un ghetto putride s’est créé dans le paysage hertzien des deux principales villes du Cameroun», regrette Pauline Tsafak Djoumessi. L’État, sonné par cette énorme brèche ouverte dans sa gouvernance, a apporté des réponses ridiculement petites.

Traque
Cette fois, il entend reprendre les choses en main. En tout cas, les mots sont là, volontaires dans leur tonalité. «Dès le 26 octobre 2020, une force d’intervention mènera des actions nécessaires devant conduire soit au démantèlement des équipements radioélectriques non conformes et de ceux des utilisateurs illégaux, soit à la régularisation de la situation de ces utilisateurs», annonce Pauline Tsafak Djoumessi ce 15 octobre 2020. On le devine: le défi est à la fois technique et administratif. «D’une part, avise Winfred Mfuh Fuaye Kenji, les autorisations provisoires ne constituent que des outils juridiques mis à la disposition des promoteurs par le ministère de la Communication. Là, c’est une affaire administrative. D’autre part, au niveau du Minpostel, nous insistons sur l’aspect technique».

À partir de ce discours, qui a le mérite d’afficher clairement les enjeux actuels du débat sur «l’assainissement de la bande FM» à Douala et Yaoundé, une opposition frontale et cristallisée entre les promoteurs de radios et les pouvoirs publics se profile. Ainsi en a attesté la passion avec laquelle les échanges entre «radios» se sont déroulés le 15 octobre 2020 à la salle de conférences du Minpostel. Selon les premiers, qui se réclament connaisseurs affutés de l’ingénierie des rouages administratifs du pays, le discours du second dénonce pêle-mêle les radios illégales et celles ayant au moins une autorisation provisoire. On le voit, l’affaire pourrait, dans les prochains jours, alimenter des questionnements à portée générale sur les niveaux de transgression de la loi.

Jean-René Meva’a Amougou

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