Prix du cacao: comme une aiguille sur une montre
Depuis la vente groupée de Djoum survenue le 13 octobre 2023, le prix du cacao a augmenté au Cameroun, mais connait le taux le plus bas dans les zones enclavées. Au grand bonheur des «kokseurs».
«Le prix du kilogramme de caco a augmenté ici au village». «Papa Messi» se félicite par ces mots de l’augmentation du prix du cacao. Son sourire trahit la joie débordante qu’il ressent quelques heures après avoir vendu sa récolte. C’est que le planteur a obtenu un peu plus d’argent par rapport à la récente période de récolte. «Cette fois, j’ai vendu mon Cacao ici au village à 1500 FCFA le Kilogramme» se targue-t-il. Contrairement à ce qu’il donne à voir, le villageois est plutôt bien informé, grâce à son téléphone «tchoronko» multitâches. C’est d’ailleurs grâce à cet outil technologique qu’il trimballe partout avec lui qu’il a appris les dernières nouvelles sur son secteur d’activité. «J’ai entendu à la radio, il y a quelques jours, que les cultivateurs ont vendu leur cacao à 1850 FCFA», affirme le père de famille la tribu Etenga. En effet, le ministre du Commerce camerounais, Luc Magloire Mbarga Atangana a présidé une vente groupée de cacao le 13 octobre 2023. Au cours de cette activité, le prix du cacao a atteint la barre de 1850 FCFA. Soit un montant plus élevé par rapport au Ghana et à la Côte d’Ivoire.
Et s’il accepte de vendre le fruit de son labeur à vil prix sur la terre de ses ancêtres, c’est pour des raisons précises. En réalité, la vente du sésame sur place l’éloigne du chemin de croix que lui imposerait l’autre option. «Nous sommes en pleine période de pluies. Et quand il pleut ici, les routes ne sont pas praticables. Pour emprunter le chemin de la ville (Mbalmayo), il faut attendre que la voie s’assèche pour que les motos puissent circuler. Et les quelques mototaxis qui acceptent de nous y amener augmentent le prix du tarif de façon considérable». Situation plutôt compliquée. Ce d’autant plus que l’homme n’est pas sûr que sa marchandise parvienne en ville en bon état. À cela, s’ajoutent son âge et le peu de temps dont il veut bien profiter en se délectant du précieux vin de palme aux côtés de ses frères. Pour tout dire, l’homme ne souhaite pas prendre de risques inutiles. «Et si jamais il pleut deux fois au cours de la même matinée, il faut reporter le voyage. Au lieu de subir tout cela, j’ai trouvé mieux de vendre aux jeunes qui passent souvent par ici pour acheter mon cacao. Cela fait longtemps qu’on fait des affaires ensemble».
À quelques kilomètres du sexagénaire, d’autres planteurs égrainent un chapelet similaire. Tout comme Messi, ils disent ne pas avoir le choix. «On sait que les kokseurs viennent nous tromper ici au village pour aller revendre à des prix plus élevés, mais on n’a pas vraiment d’autre choix. Personne ne peut investir autant de temps; d’argent et d’énergie pour perdre», conclut Abega.
En attendant que l’état de la route soit effectivement amélioré par les pouvoirs publics, les fameux kokseurs, à bords de leurs motos, se font la malle. Constat fait à Mbalmayo ce 21 octobre 2023. L’un de ces acheteurs accepte de se confier sous anonymat. Parce qu’il ne veut avoir «aucun problème», indique-t-il. «C’est ici que je viens vendre le cacao rassemblé dans les villages», dixit l’un des kokseurs. Sur la moto qu’il vient de garer, aidé par son compère, se trouve encore trois sacs pleins de cacao. C’est le butin d’une tournée qui n’a duré que quelques heures. Cela leur a permis de récolter 300 Kg de cacao qui doivent être revendus à un meilleur prix. Soit 1800 FCFA le kilogramme. D’après le jeune père de famille, c’est un excellent moyen de gagner sa vie. Ce qui est «différent» de l’arnaque dont l’accusent certains villageois. Pour s’en convaincre, le trentenaire confie que ce sont les villageois qui l’appellent pour l’informer qu’ils disposent du précieux sésame. «Je gagne honnêtement ma vie. Et comme dans chaque secteur d’activité, il faut gagner quelque chose. Et moi je prends des risque en parcourant des villages pour acheter du cacao avec le mauvais état des routes», confie le natif de la région du soleil couchant.
Joseph Julien Ondoua Owona