Philippe-Fernand Balla : « Charles Etoundi, vous étiez « l’homme de la situation ». Au propre comme au figuré »
Monsieur le proviseur, je sais que vous m’entendez !
Monsieur le proviseur, c’est du moins sous cette étiquette là que ce mercredi après-midi du mois de septembre1993, je vous ai rencontré dans votre nouveau bureau au Lycée Général Leclerc. Je venais y demander mon emploi de temps comme enseignant de philosophie des classes de terminale. Vous autres, après des tribulations kafkaïennes, venez d’y être reconduit comme proviseur pour la seconde fois, après 15ans. Fait rare, pour ne pas dire exceptionnel dans la gestion de nos structures scolaires. Très probablement, au vu de la décrépitude générale dans laquelle avait commencé à sombrer cet établissement mythique que vous portiez dans vos artères, le déclencher, se rappelant vos qualités humaines, votre charisme et surtout vos prouesses pédagogiques réalisées autrefois dans le même établissement, le programmé , disais-je, avait jugé que pour le ramener à l’orthodoxie, vous avez considéré « l’homme de la situation ». Au propre comme au figuré.
Et bien vite, vous épousâtes votre rôle du « deus ex machina », avec pour mission de battre en brèches la thèse farfelue suivante où le lycée général Leclerc était devenu un mastodonte ingérable, un grand machin, comme l’a dit le général De Gaulle de l’ONU. En l’occurrence, le qualificatif vétuste ne suffisait plus à en décrire les infrastructures et les équipements, du reste, vermoulus. Pléthorique même n’était plus assez expressif pour signifier le surnombre d’élèves et des personnels dont d’aucuns s’amusaient à se faire suppléer à leurs postes par des olibrius biscornus, n’ayant entendu le concept pédagogie qu’en sorcellerie ou dans la magie. Je ne parlerai pas des enseignants qui disparaissaient carrément de la circulation pour se livrer à toutes autres activités sauf scolaires : (boutiquiers, chauffeurs de taxis, moniteurs d’auto-écoles, laveurs de voitures, vendeurs à la sauvette…) ET LES APPRENANTS ALORS, DANS CETTE DERELICTION UBUESQUE GRANDEUR NATURE ? Faute de places assises suffisantes, Ils s’asseyaient en classe les uns sur les autres, surtout les filles sur les garçons ! Et tous y prenaient un bien malin plaisir, du reste.
Alors, pour répondre à un appel de votre destin, vous avez, intuitivement peut-être, fait recours aux techniques du management avancé que sont la vision, la stratégie, l’implémentation, la motivation et la sanction.
1. LA VISION : il s’agissait de donner des orientations et fixer des objectifs. L’objectif général étant de ramener le lycée Leclerc à des proportions viables d’un établissement scolaire de l’école ordinaire. Vous y êtes parvenu.
2. La stratégie consistait à faire partager la vision à vos collaborateurs au moyen de l’administration participative.
3. L’implémentation ou l’opérationnalité de la recherche permanente de l’efficience était une démarche visant la double exigence de visibilité et de lisibilité.
4. La motivation, surtout la motivation durable des personnels prenait appui sur l’idée d’exercer dans un établissement scolaire chargé d’histoire, pour avoir vu défiler parmi les premiers grands dirigeants de la république, dont l’actuel chef de l’Etat.
Ce faisant, vous avez débusqué les malins ; traqué les pêcheurs en eaux troubles ; dégraissé les effectifs des élèves, des structures et des enseignants ; proposé à la promotion ceux de vos collaborateurs qui le méritaient. En étais-je un ? La sagesse latine enseigne qu’il est imprudent de parler de soi-même (« nomina odiosa »). En tout état de cause, vous m’avez mis le pied à l’étrier. Et plus tard, devenu ministre, vous m’avez accordé votre attention soutenue et bienveillante dans ma carrière de proviseur à Douala. Vous avez, par ailleurs, initié ou plutôt ressuscité des actions d’éclat telle la journée de l’excellence scolaire, organisée en collaboration avec le CALL (Club des Anciens du Lycée Leclerc), abritant la distribution des prix aux élèves et aux personnels méritants, afin de galvaniser toujours les uns et les autres. Surtout, vous avez, par votre tact et votre riche expérience de dirigeant scolaire, accompagné vos administrés sur les chemins d’un dialogue responsable avec la haute hiérarchie, lorsque de besoin. Notamment, en cette période que l’histoire a retenue comme « les années de braise » et où les enseignants du secondaire ont réclamé la création d’un profil de carrière dans leur corps de métier.
Dois-je le rappeler en un mot ? Vous êtes affirmé comme un proviseur d’exception. Peut-être est-ce ce qui vous a valu votre promotion à de plus hautes fonctions : Ministre de la santé publique, Ministre d’État en charge de l’éducation nationale et bien d’autres.
AU REVOIR CHARLES.
BONJOUR LE PROVISEUR.
QUE LE DIEU DES GRANDS PROVISEURS VOUS ACCUEILLEZ DANS SA FÉLICITE ETERNELLE.
Balla Philippe-Fernand
Pleg/HE, ancien proviseur de lycées
Docteur /Phd en Management Des Organisations Scolaires