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Pétro-yuans : une OPA sur le sous-sol de l’Afrique ?

Assiste-t-on à la fin de l’hégémonie du dollar? Le yuan est-il la devise du futur? Depuis quelques mois déjà, la Chine paye ses importations de pétrole en yuans.

S’il s’agit d’une internationalisation, il est surtout question d’une contestation de la suprématie du dollar américain. A l’heure actuelle, 99% des échanges mondiaux de pétrole brut s’effectuent en dollars. C’est la base de la domination étatsunienne dans l’économie mondiale, notamment avec le statut de monnaie de réserve mondiale.

Le pétrole est la marchandise la plus échangée au monde, avec une valeur commerciale annuelle d’environ 14 milliards de dollars, soit à peu près l’équivalent du produit intérieur brut de la Chine l’année dernière. «Un changement de la monnaie transactionnelle du pétrole brut aurait des conséquences monumentales pour les allocations de capitaux et les flux commerciaux, sans parler de la géopolitique», notait l’agence Reuters en avril 2018.

Répercussions

Pour la Chine, premier acheteur (importations) mondial de pétrole, l’équation semble moins compliquée. Surtout que, après de nombreuses années d’évolution en marge du système de change international, le Yuan fait partie du panier du Fonds monétaire international depuis 2016. En tout cas, le succès de l’opération permettrait à l’Empire du Milieu de faire payer d’autres produits en yuan notamment les métaux et les matières premières minières. L’enjeu : rendre le commerce et les excédents chinois moins dépendants du dollar. En l’état, toute valeur, toute richesse, toute matière s’apprécie par rapport au dollar. Le marché mondial étant hautement financiarisé, ses transactions sont, elles aussi, libellées en dollars. Estimées à 5 milliards de dollars par jour, plus 90% des transactions sur les marchés de change se font en dollars.

L’un des dangers du petro-yuans est l’augmentation de la valeur du yuan. Ce dont la Chine n’a guère besoin. Il y a seulement deux ans et demi, Pékin avait d’ailleurs lancé une dévaluation controversée du yuan pour stimuler ses exportations et son économie.

Et l’Afrique ?

Sur ce continent, l’Angola est le premier pays à vendre son pétrole en yuan. Selon la Chine, 14 pays africains souhaitent voir le yuan devenir une devise de réserve et élargir son utilisation sur le continent. Des pays tels que le Rwanda l’ont inclus dans leurs réserves de devises étrangères. L’Afrique du Sud et d’autres Etats ont signé des accords d’échange de devises avec l’Empire du Milieu, alors que le Kenya, le Zimbabwe et le Botswana ont montré un grand intérêt pour son utilisation comme devise de réserve ou de règlement. Le Nigéria, première économie du continent, l’a érigé en deuxième monnaie commerciale. «La crise de la dette américaine a apporté un sentiment d’urgence à la décision du Nigeria de diversifier ses réserves en dehors du dollar. Il me semble qu’il y a de moins en moins d’appétit pour détenir des dollars», justifie Lamido Sanussi, gouverneur de la Banque centrale du Nigeria.

L’adoption du yuan présente des avantages face à la progression des échanges et des investissements entre les deux zones économiques, notamment au niveau des risques de change. Cela permet aussi aux pays plaçant une partie de leurs réserves en monnaie chinoise d’être moins sensibles aux fluctuations du dollar et de contrebalancer ses mouvements… «Pour Pékin, c’est surtout une très bonne affaire. Les économies africaines vont pouvoir rembourser leurs dettes gigantesques (environ 22 % de la dette africaine est détenue par la Chine) en yuans. Elles vont pouvoir vendre directement en yuans leurs matières premières (comme avec le « pétro-yuan » d’Angola) et diversifier du même coup leurs réserves de change», analyse Sébastien Le Belzic, spécialiste des relations sino-africaines.

Zacharie Roger Mbarga

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