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NOSO : Hercule et Titan face à l’urgence

Après leur désignation par le président de la République en fin de semaine dernière, Tamfu Simon Faï et Dorothy Atabong Motaze sont appelés à implémenter au plus vite les recommandations du Grand dialogue national dans la partie anglophone du pays.

Dorothy Atabong Motaze et Tamfu Simon Faï, des pionners dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest.

Tamfu Simon Faï et Dorothy Atabong Motaze ont été promus «Public Independent Counciliators» le 10 juin dernier. Le décret présidentiel y relatif place ces deux personnalités au rang de «Médiateurs publics auprès des conseils régionaux du Nord-Ouest du Sud-Ouest». Fils et fille de ces terroirs, ils ont pour tâche l’implémentation de l’une des recommandations fortes du Grand dialogue national tenu en 2019 à Yaoundé. Conformément à l’article 367 alinéa III du Code général des collectivités territoriales décentralisées, ils sont appelés à défendre et à protéger les droits et libertés des citoyens de leurs régions.

Dans les faits, le Public Independent Conciliator est chargé, entre autres, du règlement à l’amiable d’éventuels différends entre les citoyens et l’administration locale (régionale ou communale), de conduire des investigations sur le fonctionnement des services publics locaux au niveau de la Région ou de la commune et de dresser un rapport sur le fonctionnement desdits services, de la défense et la protection des droits et libertés des usagers contre les abus dont ils seraient victimes de la part des autorités locales.

Gros morceau
Vu sous tous les angles, leur travail se présente sous les atours d’une aventure délicate. «Tant il est vrai que le tout est de contribuer à la redéfinition d’une nouvelle géopolitique dans la partie anglophone du pays», analyse Théophile Rémi Koung à Rim. La grille de lecture de ce politologue a pour point de départ le fait que «la recomposition sociale qui est devant nous ne se réglera pas au bout d’une quelconque attente». Tout en affichant sur les débuts une attitude prudente, Théophile Koung à Rim entrevoit «un travail d’Hercule et titanesque». Et de souligner l’importance du facteur temps. «Si on ne parvient pas à dénouer la crise dans les six ou huit mois qui viennent, dit-il, la situation risque de se détériorer gravement». Dans le fond, il s’agit principalement de l’urgence de la mise en place d’un canevas politique promoteur d’une décentralisation véritable.

Pour Ernest Dipita (expert des questions de décentralisation et gestion des collectivités territoriales décentralisées), «la tâche de ces personnalités devrait avoir pour socle la problématique des rapports spécifiques entre les citoyens anglophones et l’État». Sur le coup, notre interlocuteur postule que «de plus, dans des pays où les menaces de conflits ethniques et de mouvements séparatistes sont réels, cette réforme devait permettre d’atténuer les tensions en autorisant une certaine autonomie politique locale». Il s’agit, dit Ernest Dipita, de refaire au plus vite une autorité de l’État en cohérence avec la culture anglo-saxonne héritée de la colonisation. «Et quand ça touche à la culture, renchérit Théophile Koung à Rim, les Public Independent Counciliators ont du pain sur la planche».

Au final, c’est à croire que la résolution de la crise anglophone qui secoue le Cameroun passe par le travail mental. Même si, dans une lecture plurielle, l’on peut associer à la besogne une touche politique et économique. Dans ce sillage, le plan de reconstruction des régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest constitue un pas vers la refondation socio-économique des zones concernées. L’on peut regretter qu’il ne soit pas encore mis en œuvre malgré la volonté affichée du gouvernement. À cette aune, l’ingrédient politique qui semble manquer est également une grosse urgence.

Jean-René Meva’a Amougou

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