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Mégatendance

Saurons-nous un jour ce que le ballon chinois faisait dans le ciel américain? La Chine continue de clamer haut et fort que ce ballon était une sonde météorologique inoffensive.

 

Selon Pékin, il s’agissait d’un «aéronef civil, utilisé à des fins de recherches, principalement météorologiques». L’engin aurait «dévié de sa trajectoire», a expliqué un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, exprimant les «regrets» de son pays pour cette violation «involontaire» de l’espace aérien américain. À Washington, l’on est persuadé du contraire. L’on assure qu’il s’agissait d’un engin espion, venu récolter des informations militaires sensibles dans l’État du Montana, où sont stockées des armes nucléaires. L’agence Associated Press rapporte que, «pour appuyer leurs accusations, les responsables américains relèvent que la taille du ballon correspondait à celle de trois bus, soit environ 27 mètres»; «un gabarit largement supérieur aux ballons météorologiques, qui ne dépassent en général pas les six mètres de diamètre», écrit le magazine Times.

Espion ou pas, l’engin a été abattu le 5 février 2023, sur ordre du président Joe Biden. Lloyd Austin (ministre américain de la Défense) a souligné que la procédure a été menée en réponse à une «violation inacceptable» de la «souveraineté» américaine. Sur la foi de quelques extraits d’une interview diffusée le 8 février sur la chaîne PBS, Joe Biden a assuré qu’il «ne cherche pas le conflit» avec la Chine. «Non», a martelé le président américain à la journaliste qui lui demandait si les relations avec Pékin avaient subi «un coup dur». «Nous allons rivaliser pleinement avec la Chine, mais nous ne cherchons pas le conflit», a nuancé Joe Biden. Devant le Congrès, le dirigeant américain l’a réitéré: «Si la Chine menace notre souveraineté, nous agirons pour protéger notre pays».

Et du coup, la fin piteuse du ballon chinois brise net l’opération de séduction enclenchée par le président chinois au sommet du G20 à Bali, en novembre 2022. Tout sourire, les dirigeants des deux premières puissances mondiales avaient pourtant juré vouloir encadrer leur rivalité stratégique pour prévenir un conflit militaire, lors de leur premier sommet en face-à-face depuis l’arrivée de Biden à la Maison-Blanche. La précarité des relations sino-américaines, les plus tendues depuis les années 1960, attisant le spectre d’un conflit chaud. L’hypothèse peut être jugée extrême et très improbable, elle n’en demeure pas moins incontournable. En tout cas, expliquent des experts en relations internationales, ce scénario est écrit sur la multiplication des opérations d’intimidation en mer de Chine méridionale. Le même scénario, disent-ils encore, n’exclut pas également que les responsables chinois puissent lancer une vague de cyberattaques à l’encontre d’entreprises ou de personnalités politiques américaines, afin de flatter le nationalisme chinois.

Les États-Unis ont émergé de la guerre froide comme la seule superpuissance. Les néoconservateurs américains ont vite analysé les conséquences de ce «moment unipolaire» qui, affirmaient-ils, donnait à l’Amérique la divine chance de refaçonner le monde selon ses propres desseins, sans qu’elle dût trop considérer les obligations internationales ou l’avis des autres États. Cette vision des choses a fait naufrage en Irak, avec la découverte que même la puissance américaine a des limites, et que la légitimité du leadership américain a été sapée d’abord par son mépris de la loi internationale. L’ensemble prouve que des États, considérés comme unités dominantes de la politique mondiale, ont perdu de leur capacité à façonner les événements. Ce processus, semble-t-il est de facto irréversible et constitue désormais une «mégatendance».

Jean-René Meva’a Amougou

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