Logements universitaires à Soa : Les «bleus» fauchés ne sont pas les bienvenus
Dans les mini-cités universitaires, les loyers varient fortement selon le type de logements et la localisation des résidences.

À un kilomètre du campus de l’Université de Yaoundé II-Soa, une mini-cité estudiantine est sortie de terre début juin. Balcons à tous les étages, terrasses végétalisées, panneaux photovoltaïques sur le toit, voici une «palette de chambres», selon la concierge. Tout en requérant l’anonymat, cette dernière se fait relayer par un prospectus afin d’accroître le trafic sur ce qu’elle appelle «chambres haut standing». «Critères d’attribution précis, prendre contact avant visite; longue liste d’attente», énonce le document.
Plus loin, une autre mini-cité s’apprête également à accueillir de nouveaux étudiants dès la rentrée académique 2022-2023. Ici se dresse un parc locatif constitué d’une quinzaine de chambres spacieuses avec un tapis, un lit convertible 2 places, un bureau, une penderie, une salle de bain avec baignoire, y compris Internet wifi. «Et puis, on ne veut pas les gens qui vont nous casser les pieds», souffle quelqu’un qui se présente comme «représentant du bailleur». Dans le fond, notre interlocuteur trahit une appréhension présentant l’étudiant locataire sous le trait stigmatisant de l’irresponsabilité liée à la toxicomanie par exemple, en plus des difficultés de ressources qu’il traverse.
Crise et astuces
«Partout, les bailleurs s’appuient sur un ensemble d’éléments pour cumuler plusieurs critères draconiens (fiche de renseignements, photocopies du reçu de versement de la totalité des droits universitaires de la nouvelle année, fiche d’inscription, carte d’étudiant, photos 4 × 4 à déposer au plus tard le 14 octobre) qui handicapent sérieusement nous les postulants issus de familles modestes», déplore Éric Bissa. Pour ce nouveau bachelier, «ici à Soa, il faut débourser entre 250 000 et 450 000 FCFA par an». «C’est suicidaire!» appuie son camarade.
Avec des niveaux de loyers aussi élevés, les «bleus» se tournent de plus en plus vers la colocation. «Cette formule, autrefois marginale ici à Soa, tend à se développer cette année», reconnait une concierge. Cette dernière ne manque pas d’évoquer une «crise du logement estudiantin» marquée par l’écart différentiel entre la démographie croissante de la population étudiante et la stagnation de l’offre immobilière. «Hormis quelques nouvelles mini-cités, les gens n’ont pas beaucoup construit près du campus», fait-elle constater.
«Génération mal-logée»
Ici à Soa, la recherche d’une chambre est interprétée dans un récit à trois temps: problème, assomption du problème, solution du problème. Pour cette dernière, beaucoup optent pour un hébergement d’urgence. Dans ce cas, le ratio qualité-prix n’en finit pas de tisser des histoires personnelles. À écouter Nawell Etoundi (un nouveau bachelier), il a choisi une chambre plus courante. «Juste quelque chose permettant de défendre courageusement le portefeuille de mes parents et mes rêves», confesse-t-il.
À l’Ouest de la ville délaissé par le confort clinquant des mini-cités situées aux encablures du campus, il a trouvé une chambre de 100 000 l’an. Le local cumule les handicaps: porte branlante, «douche indigène» (selon ses propres mots). Ici, affirme Loïc Stève Mbiandoum, un jeune bachelier venu de Foutouni (région de l’Ouest) «l’inversion de la hiérarchie morale est un opérateur central dans les relations avec les voisins». Sentiment d’infériorité ou d’indignité? «C’est la solution pour nous autres», explique Nawell Etoundi.
Nicaise Abada (stagiaire)