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Lions indomptables : As de la gagne

Dans la vague d’admiration pour l’équipe du Cameroun, couronnée cinq fois champions d’Afrique, l’on ne tarit pas d’éloges marqués des caractéristiques spécifiques de certains cadres.

 

Sur les stades, leurs qualités faisaient d’eux des énigmes, des mystères du football. On parle là des fantaisies, de la virtuosité en matière de dribble et des changements brusques de direction de Théophile Abéga et de Roger Milla. En 1984 en Côte d’Ivoire, autour de ces noms, il s’est construit un imaginaire bestiaire proche des caractères attachés à certaines espèces animales, notamment les canidés (renard). Durant le tournoi, les commentaires qui précédent la victoire des Lions indomptables sont synthétisés par Albert Edou Nkoulou lors du reportage de la finale Cameroun-Nigéria à Abidjan. «Millla, Abega, des phénomènes extérieurs, de l’ordre de la nature, en fait rationnellement inexplicables», selon le commentateur de la radio Africa N°1, décédé en avril 2021. À sa suite, les récits d’autres reporters présents en Côte d’Ivoire se révèlent intéressants. «Abega et Milla, au cours de cette CAN, ont vraiment eu du mal à discipliner leur instinct de joueurs d’exception, tant ils l’ont étalé à tous les angles des stades de Côte d’Ivoire», dixit Prosper Agboklou, journaliste togolais. «Milla, Abega… Le duo qui a fasciné… Celui qui, ici en Côte d’Ivoire a démontré aux mieux les dispositions et les aptitudes des footballeurs africains», jure Gérard Dreyfus. Pour le journaliste français, «il n’est pas aisé de définir très précisément, voire statistiquement, le talent de ces hommes». «Je crois que, jusqu’à présent, il est très difficile pour le jury de les distinguer», enchaine l’ancien reporter de RFI (Radio France Internationale). De quoi donner un aperçu de l’embarras des experts de la Caf qui ont finalement désigné «Docteur Abega» meilleur joueur du tournoi.

Ainsi, donner du sens à la présence de Roger Milla à la CAN 1986 en Égypte. Tout au long du tournoi, l’avant-centre est dépeint comme un «artiste du football au milieu des pyramides» (Albert Edou Nkoulou) Dans les cabines de reportage, dans les colonnes de journaux, plusieurs métaphores sont utilisées pour souligner tantôt la beauté, tantôt le caractère spectaculaire de son jeu. L’évocation conjointe de ces deux marqueurs a suffi pour faire de Roger Milla le meilleur joueur de la compétition.

Années 2000
Quand ils jouent la demi-finale à Accra le 10 février 2000, les Lions indomptables étrillent les Aigles de Carthage 3 buts contre 0. Devenu une référence tactique aux yeux de plusieurs observateurs, le match révèle au monde du football et sans doute aux Camerounais eux-mêmes que l’ère du football généreux sans tactique était révolue. Renforcée par l’usage, chez plusieurs journalistes, d’expressions suggérant que les Lions indomptables ne pourraient pas être mis sur le même plan que leurs adversaires, qu’ils seraient uniques, l’affaire inspire un commentaire à Albert Edou Nkoulou. «Personne, jusqu’ici, ne peut se comparer à ces Camerounais. C’est un autre parfum, un autre dialecte, une autre image, une autre couleur, quelque chose d’autre. Ils ont ça dans le sang et dans l’âme», s’épanche le reporter d’Africa N°1. À ce titre, il importe de remarquer que si l’équipe du Cameroun est devenue dans la mémoire de la CAN un emblème du «football-art», deux hommes y ont beaucoup contribué. «Il s’agit de Lauren Etame Mayer et de Marc-Vivien Foé. Lors de nos matches, ils étaient chargés de diriger la manœuvre, d’orienter le jeu, de créer des intervalles, de donner le tournis à nos adversaires», explique Jean Manga Onguene. Ce travail, qui fait les plus grands meneurs de jeu du monde, renvoie dans l’inconscient à l’image de Lauren Etame Mayer, plébiscité meilleur joueur de la CAN Nigéria-Ghana 2000.

Dans de nombreuses poésies, le forgeron est capable de lutter seul contre cent ennemis. Comme un antre cosmique, Rigobert Song trône à la défense des Lions indomptables à la CAN Mali 2002. Au fil des matches, il étale une puissance de démiurge. «Un verrou fiable», selon la journaliste camerounaise Madeleine Soppi Kotto. Évidemment, la tendance n’est pas à enjoliver les choses. Mais ce serait malhonnête de ne pas rendre à «Magnan» ce qui lui appartient: meilleur joueur de la CAN 2002.

Le 5 février 2017 à Libreville, les flashs des photographes crépitent devant la belle photo de famille où figurent notamment Fabrice Ondoa, Nicolas Nkoulou, Michael Ngadeu, Toko Ekambi, Vincent Aboubakar, Christian Bassogog… Tous prennent la pose pour célébrer le trophée fraîchement arraché face aux Pharaons d’Égypte. «Aujourd’hui encore, quand vous m’en parlez, ça me fait sourire. C’était un grand moment!», accepte Christian Bassogog, dans une interview parue dans le magazine sportif Onze mondial en mars 2023. «Ce qui est intéressant pour moi, c’est d’être arrivé à la CAN au Gabon avec l’ambition de briller devant les adeptes du beau football. Je crois que j’y suis parvenu quand j’ai appris que j’étais le meilleur joueur de ce tournoi», rappelle-t-il.

 

Ongoung Zong Bella

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