L’énergie : parent riche de la coopération Cameroun/Banque mondiale
Le Cameroun peut capter davantage de financements de l’institution mondiale en misant sur l’énergie. Celle renouvelable notamment.
Les questions d’énergie sont au cœur de la visite qu’a effectué le vice-président de la Banque mondiale au Cameroun du 20 au 28 novembre 2023. C’est que le secteur occupe une place importante dans la Stratégie nationale de développement pour l’horizon 2020. Il apparait comme «un secteur porteur qui va attirer des investisseurs privés. Un secteur qui doit participer à l’émergence et l’industrialisation du Cameroun», a déclaré lundi dernier Alamine Ousmane Mey.
Le gouvernement entend porter à 5000 MW la capacité d’énergie installée dans le pays. Ce qui permettra d’atteindre un taux d’accès à l’électricité de 90% d’ici 2030 contre 63% actuellement. La stratégie gouvernementale pour parvenir à ces objectifs repose principalement sur la construction de barrages hydroélectriques à l’instar de Nachtigal-Amont (420 MW); Bini à Warak (75 MW); Menchum (72 MW); Song-Ndong (270 MW); Grand-Eweng (1 800 MW); Katsina-Ala (485 MW); Makaï (350 MW); Mouila-Mogue (420 MW); Kikot (450MW); Ndjock (200 MW); Ngoila (84 MW); et Cholet (600 MW). Pour l’’heure, la vétusté des lignes de transport et les retards dans la réalisation de ces projets, constituent encore un frein pour ces objectifs de développement. La situation peut être pire, fait savoir la Banque mondiale dans son rapport national sur le climat et le développement. «On s’attend, de façon générale, à ce que le changement climatique affecte le ruissellement des bassins fluviaux au Cameroun de façon significative, ce qui aura éventuellement des effets sur le potentiel de production d’énergie et la performance économique des projets hydroélectriques», révèle ledit document.
Le développement d’une énergie renouvelable à la faveur de la coopération avec la Banque mondiale. Le Cameroun pourrait alors bénéficier des mesures incitatives adoptées par l’institution dans le cadre de son nouveau mode opératoire. «Nous étudions la possibilité de réduire les taux d’intérêt pour inciter les pays à sortir du charbon dans le cadre de transitions énergétiques. Et dans les pays qui ont recours à la fois à l’IDA et à la BIRD, nous cherchons des moyens d’encourager le passage à des énergies de source renouvelable en augmentant la part des financements concessionnels dans le bouquet», déclarait le président de la Banque le 13 octobre dernier à Marrakech.
Cet attrait pour les énergies renouvelables est conforme à la vision de la SND30. Celle-ci prévoit d’exploiter au mieux les ressources éoliennes et solaires, entre autres. Le gouvernement est cependant tenu d’améliorer ses politiques à court et moyen termes. En recherchant notamment l’expertise technique et le savoir-faire qui permettront de dégager les contraintes de financement directes et indirectes.
La coopération entre le Cameroun et la Banque mondiale sur les secteurs extractifs et de l’énergie est riche d’un portefeuille de 3,3 milliards FCFA au 1er novembre 2023. Ce qui représente 18% des engagements de l’institution dans ce pays d’Afrique centrale.
Louise Nsana
Suivi-évaluation des projets
Pour un portefeuille qui peut mieux faire
La Banque mondiale met désormais l’accent sur le suivi et l’évaluation des projets financés par ses soins.
Le portefeuille de la Banque mondiale au Cameroun se chiffre à 3,3 milliards FCFA pour 18 projets nationaux et quatre projets intégrateurs. Ceux-ci couvrent les secteurs extractif et de l’énergie (18%), du transport (13%), la santé et la nutrition (13%) de l’agriculture et de l’agroalimentaire (13%). À ceux-ci, s’ajoutent le développement social durable et inclusif (9%), la protection sociale et l’emploi (9%), l’éducation (9%), l’eau (4%), le développement numérique (4%), le développement urbain (4%) et la gouvernance (4%).
L’impact des projets concernés tarde pourtant à se faire ressentir du fait de la lente évolution des chantiers. Cette situation est quelques fois imputable à l’indisponibilité des fonds approuvés; elle-même provoquée quelques fois par l’incapacité du gouvernement à mobiliser les fonds de contreparties. La corruption et des lenteurs administratives sont également citées au chapitre des blocages récurrents. Résultat: près de 1100 milliards de solde engagés restent non décaissés selon des données officielles.
Face à l’embarras que suscite la situation, Alamine Ousmane Mey se veut rassurant. «Des mesures ont été prises tant au niveau de la préparation des projets pour la passation de ces projets au niveau du Conseil d’administration, la mise en vigueur et le suivi-exécution de ces projets. Un élément fondamental vient compléter le texte du Premier ministre sur la maturation des projets, c’est l’évaluation des gestionnaires de projet à partir de 2024. Ça va permettre d’améliorer fortement et sensiblement la performance globale du portefeuille pour le relever à des niveaux qui correspondent à la position que le Cameroun a eu à occuper entre 2019 et 2021». Et d’ajouter: «je voudrais aussi vous rassurer que les soldes engagés et non décaissés ont fait l’objet d’une analyse approfondie dans la perspective de libérer rapidement ces ressources pour les injecter dans l’économie à travers les projets. Comment est-ce que nous comptons le faire, c’est à travers l’appropriation de toutes les étapes de passation des projets jusqu’au financement et à l’exécution. Avant, nous avions connu des problèmes au niveau des fonds de contreparties, passation de marché, contractualisation. Ce sont des choses qui ont été identifiées et bénéficient des solutions avec pour objectif de réduire les soldes non décaissés, pour avoir l’impact recherché par les projets financés par le groupe de la Banque mondiale».
La gouvernance au prix d’or
La Banque mondiale attache du prix à l’amélioration de la gouvernance au Cameroun. Elle s’attèle par conséquent à soutenir la décentralisation et les efforts de développement des collectivités territoriales décentralisées (CTD). La principale innovation dans ce domaine s’appuie sur des dispositions de la loi portant Code de la décentralisation en vigueur au Cameroun. Laquelle autorise les CTD à établir des partenariats avec les bailleurs aux fins de capter les ressources nécessaires à leur développement. Une exigence est tout de même adoptée par la Banque mondiale. Celle-ci concerne «la façon dont la passation des marchés doit être faite, la façon dont les investissements doivent être exécutés. Toute ressource mise à la disposition de quelque partenaire que ce soit doit aussi faire l’objet d’une évaluation à postériori, mais aussi en amont», a laissé entendre le vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’ouest et du centre.
LN
Nouvelle vision de la BM
Premiers lauriers pour le Cameroun
Les deux parties se sont liées lundi par la signature de trois conventions de financements de projets. Ces derniers répondent aux nouvelles normes de l’institution en matière d’impact.
Trois nouvelles conventions sont à mettre à l’actif des interventions de la Banque mondiale au Cameroun. Elles ont été signées le 20 novembre 2023 à l’occasion de la visite de travail de Ousmane Diagana. L’instance accorde un prêt de 300 millions de dollars en faveur du Programme axé sur les résultats dans le secteur de l’énergie (PforR). 280 millions de dollars (140,744 milliards FCFA) sont engagés en faveur du Projet pour l’amélioration de la connectivité, la résilience et l’inclusion le long de l’axe routier Mora-Dabanga-Kousseri (Pacri). Les signatures d’Alamine Ousmane Mey et Ousmane Diagana ouvrent la voie au financement du projet de gouvernance locale et communautés résilientes (Prolog).
Les trois projets se rejoignent dans leur impact sur les conditions de vie des populations et le développement communautaire. Lesquels sont centrales à la nouvelle vision de la Banque mondiale. Le PforR va permettre dans cette perspective d’électrifier 211 000 ménages et de desservir plus d’un million de personnes entre 2024 et 2028. Les autres résultats portent sur l’installation d’une production solaire photovoltaïque de 22 MW, la réduction de 47% le nombre de jours nécessaires à Eneo pour l’encaissement des factures de services publiques, entre autres. S’agissant du Prolog, il vise à soutenir la résilience des communautés par la création des opportunités socio-économiques dans les régions en crise. Il est aussi question de soutenir le processus de décentralisation par des organes de gouvernance locale; et améliorer la fourniture des services de base au bénéfice des populations affectées par les conflits.
Le Pacri permettra de remettre le tronçon susmentionné (205 Km) en état. Il induit par ailleurs la construction de cinq écoles autour du projet; la construction de 23 centres de santé et l’octroi des stages à 45 étudiants.
LN