L’Église doit s’intéresser aux problèmes de la Cité
Le 4 juin 2023, Mgr Marcellin Yao Kouadio, le nouveau président de la conférence des évêques catholiques de Côte d’Ivoire, a prononcé une homélie qui dénonçait, entre autres maux, “la corruption généralisée, le tribalisme, la justice sélective, un développement effectué en reconnaissance au militant docile ou en représailles aux localités insoumises, une démocratie armée, le jeu trouble de la classe politique et l’appel à la paix et à la réconciliation qui n’a jamais été sincère parce que la plupart du temps ceux qui nous parlent de paix se promènent en gilets anti-balles”. Que les partisans de Dramane Ouattara n’aient pas applaudi cette homélie n’est pas surprenant. Il est en revanche étonnant que les journaux proches du parti au pouvoir présentent l’évêque de Daloa comme le porte-parole de l’opposition tout en affirmant que la laïcité interdit aux ecclésiastiques de se mêler de politique.
Le principe de la laïcité, mentionné pour la première fois dans la constitution française de 1946, respecte toutes les croyances contrairement au système de Napoléon Ier qui reconnaissait en 1801 quatre cultes, salariait le clergé et finançait les cultes. Il affirme l’autonomie réciproque des Églises et de l’État, laquelle autonomie sera entérinée par le Concile Vatican II (1962-1965) à travers la Constitution pastorale “Gaudium et Spes” (GS) qui déclare que, “sur le terrain qui leur est propre, la communauté politique et l’Église sont indépendantes l’une de l’autre et autonomes.” (GS, 76-3)
Outre ce qui a été déjà dit, l’autonomie réciproque signifie concrètement que l’Église ne s’immisce pas dans la nomination des ministres et autres commis de l’État et que, réciproquement, l’État se garde de dire qui doit occuper tel ou tel siège épiscopal. Mais ne pas empiéter sur le terrain de l’État ne veut pas dire que l’ecclésiastique ne devrait pas prendre part à la vie politique, qu’il devrait s’en désintéresser. Les serviteurs de Dieu ont non seulement le droit mais le devoir de rappeler les principes moraux qui gouvernent la vie sociale, de “se préoccuper de la vie des hommes sous tous ses aspects: culturels, moraux, sociaux, économiques”. Rester indifférent aux crises et difficultés de la Cité, regarder des voyous et des brigands voler, exploiter, terroriser et opprimer les habitants de cette Cité sans réagir serait faire preuve de démission, d’irresponsabilité et de non-assistance à personnes en danger. L’Église doit parler sur la place publique, elle doit se prononcer sur les affaires publiques et elle doit le faire à temps et à contretemps.
Un vrai serviteur de Dieu doit toujours s’opposer à l’injustice, à la dictature, au mensonge, au tribalisme, au pillage des ressources naturelles par des pays étrangers avec la complicité de certains dirigeants africains, etc. S’opposer à tout ce qui bafoue la dignité humaine ne signifie pas qu’il roule pour les partis d’opposition, mais qu’il veut le bien du peuple.
Jean-Claude DJEREKE