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Développement de l’industrie du livre en Afrique : les bonnes feuilles se lisent à Yaoundé

Le ministre des Arts et de la Culture (Minac) et l’Association des promoteurs de l’industrie du livre (Apil) appellent à l’unité d’action entre les différentes parties.

Photo de famille sur le salon de l’industrie du livre

L’esplanade du Musée national de Yaoundé vient d’accueillir l’Afrique de l’industrie du livre, à l’occasion de la première édition du salon international de l’industrie du livre de Yaoundé (Siily), du 9 au 12 mars 2023. Ils sont venus du Maroc, du Canada, du Gabon, du Tchad, de la Côte d’Ivoire, du Benin, du Niger, du Congo Brazzaville, de la Guinée Equatoriale, du Mali, du Sénégal, des Etats – Unis d’Amérique et de la Tunisie. Pour cogiter sur la problématique de l’industrie du livre, source de développement pluriel. Le thème de cette édition porte sur «l’industrie du livre, un levier de croissance». Selon le Directeur du salon et président de l’Association des promoteurs du l’industrie du livre (Apil), la croissance ici s’entend sous un double aspect. «La croissance économique et la croissance culturelle qui visent à tirer la société vers le haut, parce qu’une société qui lit est un peuple qui vit. Si nous voulons une société sans déviances, nous devons amener les jeunes, les citoyens à la lecture» explique Matchadje Yogolipaka. Pour Pierre Ismaël Bidoung Mpwatt, ministre des Arts et de la Culture, à travers cette thématique, il s’agit d’interpeler les professionnels du livre (auteurs, éditeurs, imprimeurs, diffuseurs, infographes, libraires, bibliothécaires papetiers) à se mettre ensemble «dans une dynamique fédérative, afin de porter eux-mêmes la loi sur les problématiques qui les concernent et de proposer des pistes tangibles de solutions en adéquation avec les dispositions pertinentes de la récente loi N°20, 21 /024 / du 16 décembre 2022 portant organisation et promotion de la filière du livre au Cameroun».

États des lieux
L’emphase sur le salon de l’industrie du livre envisage une nouvelle implication, une nouvelle approche de la lecture et de l’écriture, mais aussi une politique institutionnelle qui, bien menée, peut «également faire accroitre les revenus et l’économie d’un pays, et participer au bien-être aussi bien spirituel, économique et culturel, bref à son épanouissement», fait savoir Dolisane Cécile Ebossé, universitaire et experte en littérature africaine postcoloniale. Selon l’enseignante à l’Université de Yaoundé 1, l’état des lieux du livre en Afrique et au Cameroun en particulier est que «le livre scolaire est le plus mieux lotis. Il est sous la dictature de l’étranger. Les familles privilégient le livre scolaire. De fait, le livre apparait comme un luxe et les personnes affichent un désintérêt pour la lecture». Le numérique complique davantage les choses. Pourtant, il faut juste créer «une adéquation entre le papier et le digital, c’est-à-dire qu’on ne peut pas amener les populations aux livres qui restent chers, il faut créer le juste milieu entre le livre et l’image. Pour cela, il faut que les critiques du cinéma travaillent de manière à ce qu’on puisse projeter certains livres; on ne peut pas toujours rester éternellement à lire entre les deux lignes», ajoute-t-elle.

Booster l’industrie du livre
Dolisane Cécile Ebossé encourage les familles et les citoyens à garnir leurs bibliothèques. On peut acheter des livres pour meubler la bibliothèque. Ce qui aura pour effet de le booster. «Puisque le livre est une vitrine tournée vers le monde». À travers les connaissances du livre, l’on fait renaitre le monde et les esprits. La responsabilité de l’industrialisation du livre est collective. Il y a la volonté politique qui est importante, mais tout part des familles aussi. Il faudrait par la suite une solidarité pour éviter les dispersions d’énergies. Il faut fédérer les énergies. Pour créer des canaux de diffusion puissants, créer les maisons d’édition puissantes, notamment panafricaines, parce qu’ensemble on est fort», souligne le chef de département de la littérature africaine. Et de conclure «le syndicat du livre ne doit pas être complaisant, parce que c’est l’avenir de la société qu’il s’agit. Il faut que le syndicat fasse son travail… Si le livre prophétise pour l’avenir, l’on peut déduire qu’on le veuille ou non, l’Afrique est donc l’avenir du monde».

Olivier Mbessité

Politique de l’industrie du livre en Afrique

Les disparités demeurent nonobstant des avancées

Tchadiens, Gabonais, Sénégalais et Ivoiriens présentent le visage dual du secteur de l’industrie du livre. Et pensent saisir l’opportunité qu’offre le Salon international de l’industrie de Yaoundé.

 

L’industrie du livre ne se développe pas au même rythme en Afrique. De nombreuses disparités sont observées entre les pays. «L’industrie du livre au Tchad ne se porte pas mieux, déjà que les écrivains sont peu nombreux. Et en plus, la lecture est en plein déclin et cet aspect s’aggrave avec le faible taux de scolarisation qui ne facilite pas les choses. À cela s’ajoutent les coûts du livre aussi, étant donné que la plupart des industries, notamment l’imprimerie sont naissantes», explique Dorina Betolngar auteur de la délégation du Tchad. Et de poursuivre: «le livre a encore des jours pénibles. Néanmoins des efforts sont faits; il m’a fallu deux ans pour rencontrer la maison d’édition Salon des Belles Lettres, qui fait un travail à but non lucratif; cette maison d’édition facilite la tâche aux jeunes auteurs». C’est le même constat au Gabon. «L’industrie du livre n’est pas encore développée, les écrivains et les éditeurs se battent beaucoup. Cette année, on parle de la deuxième édition du festival international du livre du Gabon, qui se tiendra au mois de mai. C’est une industrie qui est en train de croitre», fait savoir Frida Nelly Nzoubou, responsable communication au musée national du Gabon. Au Sénégal, «de nos jours, des lenteurs observées dans l’industrie du livre sont partout. Sauf que le Sénégal a beaucoup de possibilités et du potentiel. Tout fonctionne parce qu’on a suffisamment d’activités autour de l’industrie du livre. En plus, il faut souligner le soutien de l’État pour la culture. Les Sénégalais aiment lire ou à reprendre en pièce théâtrale ce que les autres ont fait», lance Black Yaye Fall, artiste-comédienne, slameuse, et conteuse. Le son de cloche est le même en Côte-d’Ivoire «à la différence qu’il y a des divisions voire des clans, il y a tout un formalisme déjà établi, nous utilisons d’autres voies en s’imposant avec les nouvelles réalités du digital», lance l’ivoirienne Christelle Mangré Akossi, auteure de Conscience Nouvelle.

Enjeux
Le Salon international de l’industrie du livre se présente comme une plateforme de rencontre. Il charrie de nombreux enjeux. «Nous venons faire du réseautage, se faire connaitre, le livre permet de voyager, passer son message, et se déployer en Afrique. Je viens d’abord pour défendre le drapeau de la Côte-d’Ivoire; cela permet de s’insérer dans le panafricanisme bien vécu, qui veut qu’il soit un réseau fort de la culture, des festivaliers et d’auteurs qui s’installent dans une vague pas très formaliste», lâche Christelle Mangré Akossi. Plus loin, Dorine Betolngar explique: «le livre est un outil qui a tellement de vertus et qui demande un cadre pour le valoriser. Mon premier intérêt est de participer au salon pour valoriser le livre et la lecture, en tant que auteur. Ceci offre un cadre de brassage entre les différentes nationalités, au-delà du continent africain, quoi de mieux de venir à ce grand concert du livre pour montrer ce que nous produisons au Tchad en termes de littérature». L’industrie du livre demande à s’accrocher surtout avec la venue de l’internet. «L’intérêt pour le livre ici, c’est pour dire que le papier ne disparaitra jamais, il y a la fracture numérique», conclut Frida Nelly Nzoubou.

OM

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