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Hausse généralisée des prix : Convergence de vues sur les risques

La Beac et les patrons d’entreprise font les mêmes anticipations basées sur un contexte international toujours instable et sur la persistance de la perturbation des chaînes d’approvisionnement.

Abbas Mahamat Tolli et Célestin Tawamba

Le secteur privé de la sous-région et la Beac ont le même regard lorsqu’il s’agit d’analyser les déterminants de la persistance de la hausse généralisée des prix en Afrique centrale. À les croire, la réalité sous leurs yeux tient pour l’essentiel au contexte international et à la conjoncture économique mondiale. Plusieurs paramètres endogènes entrent également en ligne de compte, avec leur lot d’incertitudes et d’inquiétudes. Sans toutefois parvenir à assombrir les perspectives économiques de la zone Cemac. En témoignent les chiffres publiés par la Banque centrale le 31 mars dernier dans son Rapport de politique monétaire et ce 14 avril dans le Test prévisionnel de conjoncture de la Cemac au deuxième trimestre 2023. Il se dégage dans les deux cas une impression de résilience, mais surtout de regain de vigueur et de vitalité.

Contexte international
La convergence de vues est en effet parfaite entre l’institution bancaire sous-régionale et les dirigeants d’entreprise au sujet de l’impact du contexte international sur les économies de la Cemac. Il semble ainsi acté pour l’une comme pour l’autre, que «la balance des risques au niveau mondial est toujours orientée à la hausse». Le Rapport de politique monétaire met un point d’honneur à établir un lien direct entre cet état de choses et «la recrudescence des conflits, les tensions géopolitiques et le durcissement des conditions d’emprunt».

Le conflit russo-ukrainien occupe évidemment une place de choix dans cette analyse. D’abord parce qu’il prend la suite de la pandémie mondiale de Covid-19 dont les affres se font encore sentir chez certains partenaires, à l’instar de la Chine. Ensuite du fait de «l’accélération induite de la hausse des prix des produits alimentaires et manufacturés importés par les pays de la Cemac». Y compris la hausse des cours du pétrole brut et raffiné. La Banque centrale et les acteurs du secteur productif évoquent enfin l’effet perturbateur que ce conflit continue d’avoir sur les circuits d’approvisionnement «domestiques et internationaux». Ils l’expliquent dans le Test prévisionnel de conjoncture de la Cemac.

Causes endogènes
La Banque centrale et le secteur productif se retrouvent également sur plusieurs déterminants internes de l’inflation en Afrique centrale. Mention est notamment faite «des risques sécuritaires au Cameroun (Nord-Ouest et Sud-Ouest) et en République Centrafricaine, ainsi que des perturbations des circuits d’approvisionnement qui pourraient en résulter». Le Rapport de la Beac va même jusqu’à redouter «une entrave de ces risques sur la croissance économique prévue sur la période 2022-2025».

Un autre paramètre mis en exergue a trait aux changements climatiques. Puisque d’après leurs prévisions, «les aléas climatiques et la recrudescence des catastrophes de même nature impacteront négativement le rendement de la production vivrière locale». Le Cameroun, le Tchad et la RCA sont particulièrement concernés. Il devrait s’ensuivre une contraction de l’offre, pendant que la demande de certains produits devra par contre connaître une hausse.

Les chefs d’entreprise mettent par ailleurs à l’index certaines rigidités structurelles. Au rang de celles-ci, «les problèmes infrastructurels et réglementaires qui demeurent des préoccupations majeures pour le secteur privé de la Cemac», font-ils valoir au travers de la Banque centrale. «Les nouvelles impositions fiscales de la loi de Finances 2023 (au Cameroun, pour renforcer les ressources intérieures) pourraient accentuer cette dynamique haussière non seulement au premier trimestre 2023, mais également sur l’ensemble de l’année», annoncent-ils.

 

Optimisme à géométrie variable

Les prévisions de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) en matière d’inflation en zone Cemac sont sans appel. La Banque centrale annonce «une accélération des pressions inflationnistes à 6,4% en 2023 et un pic autour de 7% en juin». L’heure n’est cependant pas au pessimisme au sein de l’institution bancaire sous régionale. «La croissance économique de la Communauté est projetée à 2,7% en 2023 après 2,9% en 2022». Et s’agissant spécifiquement de la hausse généralisée des prix, la Beac a décidé le 27 mars dernier, à travers son Comité de politique monétaire (CPM), de relever deux de ses principaux taux directeurs. De façon à ramener le taux d’inflation en dessous du seuil communautaire de 3%.
L’optimisme de la Banque centrale rencontre à bien des égards celui des chefs d’entreprise de la sous-région. À en croire le Test prévisionnel de conjoncture de la Cemac au deuxième trimestre 2023 récemment publié. Lequel document souligne «que ces derniers anticipent aussi un regain d’activité au 2ème trimestre de l’année en cours». Mais là s’arrête la convergence. Car l’autre versant de la réalité est qu’en matière de lutte contre l’inflation, certains dirigeants d’entreprise ne voient pas toujours d’un bon œil l’irruption de la Banque centrale dans la sphère réelle. Des données concordantes de l’institut sous-régional d’émission de la monnaie font état d’une anticipation de grosses marges bénéficiaires pour certaines filières et secteurs d’activité du fait du niveau élevé des prix. Une vision à l’opposé des missions et objectifs de la Beac. Ainsi que l’a récemment rappelé le gouverneur Abbas Mahamat Tolli. Lire le zoom.

Théodore Ayissi Ayissi

 

Baisses des subventions de carburants

De l’essence sur le feu de l’inflation

Les chefs d’entreprise et la Beac se préparent déjà à une nouvelle flambée des prix. Guinée Équatoriale, Gabon et Tchad devraient emboîter le pas dans les prochaines semaines, au Cameroun, Congo et à la RCA.

 

Toutes les prévisions et anticipations convergent vers cette éventualité. Celle très redoutée d’un «relèvement des prix des produits pétroliers dans les trois autres pays de la Cemac», disent en chœur la Banque centrale et les entrepreneurs. Il est en effet envisagé la réduction prochaine des subventions des prix des carburants à la pompe en Guinée Équatoriale, au Gabon et au Tchad. «Elles sont devenues insoutenables pour les gouvernements avec l’envolée des cours mondiaux du brut», prédisent tous les indicateurs. Conséquence, il faudrait s’attendre à un nouveau renchérissement du coût de la vie dans l’ensemble des pays de la zone Cemac. Plusieurs simulations intègrent déjà «une révision à la hausse des prévisions d’inflation à court et moyen termes (2023-2025) (…) et à un retour anticipé du taux d’inflation en moyenne annuelle en dessous du seuil communautaire de 3% désormais en 2026 au lieu de 2025 comme initialement prévu». Les patrons d’entreprise et la Banque centrale s’appuient pour cela sur les effets déjà connus de cette mesure. Elle est effective dans trois pays de la Communauté.

Proportions et impact
Les projections en matière d’inflation indiquaient en effet «une poursuite de la remontée des pressions inflationnistes à fin mars 2023, sous l’effet de la propagation de l’incidence de la hausse des prix des carburants dans les économies de la Cemac». À en croire la Beac, elles se sont concrétisées en début d’année. «Notamment au Cameroun dès le 1er février 2023, soit une hausse d’environ 20% en moyenne des prix à la pompe; en République Centrafricaine dès le 1er janvier 2023, soit une hausse des prix à la pompe entre 50 et 80% en moyenne) et au Congo, à compter du 31 janvier 2023, pour une hausse des prix à la pompe de 5% en moyenne». La Banque centrale dit également avoir recensé «dans une moindre mesure une augmentation des prix des carburants au Gabon». Elle ne donne cependant pas plus de détails.

 

TAA

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