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Education inclusive: Boniface Tatou plaide pour le renforcement des ressources humaines

Le professeur spécialisé dans l’éducation des déficients visuels  plaide en faveur d’une formation spécialisée des enseignants et d’un accompagnement financier et matériel des établissements accueillant des enfants particuliers. 

Depuis combien de temps le collège Adventiste pratique-t-il l’éducation inclusive?

C’est depuis près de trois décennies que le collège s’est lancé dans l’éducation inclusive. Les premiers handicapés que nous avions reçu étaient des enfants malvoyants. Par la suite, nous avons enregistré d’autres cas comme les déficients auditifs, les enfants autistes et ceux qui ont des handicaps psychomoteurs. Mais il faut dire que c’est depuis une quinzaine d’années que cela s’est vraiment intensifié en terme d’enfants qui sollicitent notre encadrement et même en terme de stratégies que nous mettons en œuvre.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés dans le cadre de l’éducation inclusive au collège Adventiste?

L’inclusion générale est même d’abord problématique dans notre pays. Au collège Adventiste, nous n’échappons pas à cette panoplie de difficultés. La première concerne les ressources humaines. Quand les pouvoirs publics parlent de l’inclusion, ils ne définissent pas toujours les moyens d’accompagnement, notamment les moyens humains. Donc lorsque vous recevez des élèves handicapés comme ceux ayant des problèmes d’audition, même si on les admet dans les mêmes salles de classe que les autres, il faut dire que leur mode d’apprentissage est différent.  C’est un mode qui doit être appris. Or les enseignants que nous avons n’ont pas appris à encadrer de tels enfants. Pour que l’intégration se fasse réellement, il faut des enseignants spécialement formés. Maintenant pour les handicapés moteurs, le problème d’infrastructures se pose. Parfois on nous sommes obligés de déloger des salles de classe pour les mettre au rez-de-chaussée pour leur permettre d’accéder aux salles de classe. On n’a pas toujours l’équipement nécessaire parce que dans le cas des malvoyants, nous continuons à travailler de façon manuelle pour la transcription des documents. Nous avons des transcripteurs qui traduisent les signes du braille au texte imprimé et vice-versa. Il est pourtant possible de d’avoir des équipements permettant de faire le travail avec beaucoup de célérité. On voit donc que le problème financier lui-même se pose pour arriver à l’intégration générale.

Le collège reçoit-il l’accompagnement des autorités compétentes pour l’implémentation de l’éducation inclusive?

Jusqu’à présent, de façon officielle, on n’a pas reçu de subvention financière ou une formation. En interne cependant, le collège prend quand même des dispositions pour donner de petites formations à ses enseignants, avec ses moyens de bord. Nous pratiquons aussi une politique financière qui aide les enfants à continuer leurs études au collège.

S’agissant de l’encadrement des enfants réduits sur le plan auditif, comment se déroule la dispense des leçons en classe?

L’effort que nous faisons dans les salles de classe est de les mettre devant au milieu pour qu’ils restent dans le champ de l’enseignant, afin d’aider ceux qui peuvent lire sur les lèvres. Pour ceux qui ne peuvent pas prendre les cours seuls, surtout pour les classes du second cycle, ils recopient chez leurs camarades. Pour le premier cycle, l’effort est fait pour que tous les cours soient écrits au tableau. Généralement le mercredi et le vendredi après-midi, il y a une reprise des cours dans le cadre d’un soutien pédagogique dans le langage des signes avec des professeurs spécialisés.

Quid des activités scolaires avec les enfants autistes?  

Les cas que nous avons sont assez prononcés et donc nous travailleurs avec des éducateurs spécialisés que le parent recrute et qui les accompagnent au quotidien. L’enfant est en classe au quotidien avec son accompagnateur. Le collège réserve une place en classe pour celui-ci et il est avec l’enfant toute la journée. Le soir c’est le même qui tient l’enfant à la maison. Pour les parents qui n’ont pas les moyens d’en recruter, le collège ne dégage pas toujours les moyens de le faire et là ça devient difficile.

Tout cela représente une charge financière, que fait le collège fait pour pallier à cela?

Forcément cela a un coût. Souvent, on est obligé de demander aux parents de supporter une partie de ces charges. Le collège en retour leur fait une réduction sur la pension pour permettre aux familles de pourvoir aux besoins exprimés.

Sur la base des résultats obtenus par ces élèves particuliers peut-on dire qu’il y a une progression sur le plan de l’apprentissage?

Tout à fait. Le bilan est le plus souvent positif. Les enfants passent normalement leurs classes. Même si le pourcentage n’est pas toujours 100%, il se situe au dessus de la moyenne. L’année dernière par exemple, nous avons reçu huit en Terminale et cinq ont réussi. Pour le Probatoire, ils étaient huit on a eu quatre réussites. Au BEPC on avait trois et ils ont tous réussi. Ceux des classes intermédiaires sont tous allés au niveau supérieur.

Quel est la contribution des parents à l’effort d’encadrement de ces jeunes à l’école?

Les relations avec les parents sont plutôt bonnes. Ils font de gros efforts pour suivre les recommandations données. Généralement au début de la rentrée, on a une réunion avec tous les parents pour fixer les bases de l’encadrement des enfants. Il y a aussi des correspondances qu’on échange régulièrement sur les difficultés que les enfants rencontrent au niveau pédagogique et d’autres choses. Leur apprentissage est un travail collégial et donc si l’enfant n’est pas suffisamment à la maison, cela va se ressentir sur leurs résultats scolaires.

Sur la question précise de l’intégration, comment sont les relations entre les enfants déficients et leurs camarades?

Les relations sont le plus souvent bonnes. Elles sont conviviales déjà parce qu’à l’entame, nous faisons une sorte de sensibilisation et de conditionnement de la classe. Très souvent, les élèves sont compréhensifs et ce sont eux qui les aident en les accompagnant par exemple dans la prise de notes. Et ça, ça les aide à socialiser. Ils sont dans la cour, ils bavardent ensembles, ils mangent ensembles et ça a quelques fois conduit à des amitiés poussés avec les valides. Il faut cependant dire qu’il est déjà arrivé que le ciel vire au gris. Cela s’est passé une fois dans une classe de Première où certains valides trouvaient qu’on faisait trop de faveurs à leurs camarades. Qu’on ralentissait le rythme des cours à cause des handicapés parce qu’on doit s’assurer qu’ils ont tout copié avant d’avancer et que certains enseignants donnent des supports de cours à certains en particulier… Alors il y a des gens qui se sont révoltés. Même parmi les enseignants, certains ont estimés que le collège n’est pas une école pour handicapés, Qu’il existe des écoles spécialisées pour ces cas et que eux, ils ne sont pas formés pour ça, ce n’est pas à eux de s’en occuper. Donc de tels cas existent toujours. Ce que nous faisons, c’est que nous menons des plaidoiries auprès d’eux pour réclamer leur indulgence et leur patience.

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Propos recueillis par Louise Nsana

 

 

 

 

 

 

 

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