Développement : les métriques de la pauvreté en Afrique
Le continent, en proie aux répercussions des crises économiques, sécuritaires et sanitaires internationales successives mais également de la détérioration du climat, concentre désormais 80% de la pauvreté mondiale selon la Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique ?
L’ouverture ce 20 mars à Addis-Abeba de la section ministérielle de la Conférence de la CEA 2023 permet d’entrevoir des discussions de décideurs sur l’évolution de la pauvreté en Afrique. Le bilan social des années 2020-2022 est effrayant. La Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique indique que 546 millions d’Africains vivent dans la pauvreté (personne vivant avec moins de 2,15 dollars par jour), soit 42% de la population totale. L’Afrique concentre ainsi 80% de la pauvreté mondiale.
L’Afrique paie ici le lourd tribut de la crise internationale liée à la pandémie de la COVID19, de la guerre Russie-Ukraine et des dérèglements climatiques. En effet, l’accélération des personnes sous le seuil de pauvreté est constatée sur le triennat 2020-2023. En 2020 seulement, la covid19 a engendré 62 millions de nouveaux pauvres. En 2021, l’augmentation fut de 19 millions, soit bien moins que l’année précédente mais toujours en conséquence de la crise. Pour la CEA, en 2022, année du conflit Russie-Ukraine et de l’inflation mondiale généralisée, 18 millions de nouvelles personnes ont basculé dans la pauvreté.
L’Afrique contient donc une bombe à retardement !
Au niveau sous-régional, l’Afrique de l’Est et l’Afrique de l’Ouest comptent le plus grand nombre de personnes vivant dans la pauvreté, avec respectivement 224 millions et 177 millions de personnes. Ces deux sous-régions représentent 73% de l’ensemble des pauvres du continent. C’est en Afrique australe que le nombre de personnes vivant dans la pauvreté est le plus faible (16 millions), suivie de l’Afrique du Nord (17 millions) et l’Afrique centrale (103 millions).
Dynamique de pauvreté
La pauvreté en Afrique est très dynamique et transitoire, de sorte que les ménages pauvres entrent et sortent de la pauvreté en raison de chocs exogènes et de leur incapacité à gérer les chocs non assurés. La vulnérabilité économique et la volatilité de la consommation associées aux chocs – tels que les dépenses de santé, les effets de la baisse des prix du pétrole (en particulier dans les pays exportateurs de pétrole) et la sécheresse – ont fait basculer les non-pauvres dans la pauvreté en 2022. Les personnes travaillant principalement dans le secteur informel, notamment les femmes, les réfugiés, les personnes déplacées et les citadins exerçant un emploi informel, étaient les plus exposées au risque de tomber dans la pauvreté. Les femmes ont subi les effets négatifs de la pandémie plus fortement que les hommes. Par exemple, en Afrique du Sud, 47 % des femmes pauvres ont perdu leur emploi pendant la pandémie, contre 36 % des hommes pauvres. Les femmes n’ayant pas fait d’études supérieures ont été gravement touchées, tandis que celles qui ont conservé leur emploi ont subi une baisse plus importante de leurs heures de travail et de leurs salaires que les hommes.
Croissance
L’Afrique est pourtant la deuxième région du monde avec la plus forte croissance derrière l’Asie de l’Est et du Sud. La croissance du PIB de l’Afrique est passée de 4,6 % en 2021 à 3,6 % en 2022, mais devrait remonter à 3,9 % en 2023. L’Asie de l’Est et du Sud affiche 4,5 %, l’Europe du Sud-Est (3,2 %) et de l’Amérique latine et des Caraïbes (2,1 %). La croissance africaine est principalement tirée par la croissance des sous-régions de l’Afrique de l’Est, de l’Afrique du Nord et de l’Afrique de l’Ouest.
Zacharie Roger Mbarga