Salaires des maires : La vraie couleur de l’argent

Le paiement de six mois d’arriérés est compris par certains comme une flatterie en direction de ceux qui, le 6 décembre prochain, vont élire les premiers conseils régionaux du pays.

Quelques maires aux Assises générales de la communes en octobre 2019

Le gouvernement s’est enfin penché sur une partie du cahier de doléances des maires de la mandature 2020-2025. Dans un communiqué, Georges Elanga Obam a servi une réponse nettement plus gaie aux édiles et leurs adjoints, le 30 septembre dernier. «Les salaires des maires des mois de mars à août 2020 ont été virés dans leurs comptes bancaires respectifs depuis le 21 septembre 2020», écrit le ministre de la Décentralisation et du Développement local (Minddevel). La suite que brandit ce dernier détaille la démarche à suivre pour figurer parmi les «maires salariés».

Pour ceux qui sont déjà passés à la caisse (584 d’après une source au Minddevel), ce «geste» de l’exécutif est décrit avec le vocabulaire de l’émotion. La colère et le désarroi, habituellement associés aux récits des magistrats municipaux, ont cédé la place à une pluie de remerciements adressés (en grande partie) au président de la République. «L’exécutif mise sur le poids des élus locaux pour s’assurer un bon score aux régionales, et prend donc soin de s’attirer leurs bonnes grâces.

Avec ce paiement de 6 mois d’arriérés de salaires dus au maire, le gouvernement tente de capter un peu de la lumière médiatique accaparée, semble-t-il, par le bras de fer entre certains partis dits de l’opposition et ceux proches du pouvoir», assène une dame lors d’un micro-trottoir sur les régionales, diffusé sur une chaine de radio émettant à partir de Yaoundé. Pour une certaine opinion en tout cas, c’est l’exégèse dominante. Celle-ci interprète l’épurement de la «dette» due aux maires comme un geste visant à magnifier la proximité sentimentale du gouvernement vis-à-vis des collectivités territoriales décentralisées.

«Enchaînement»
Ne se montrant pas étonnée par la «combine», Lydie Tsogo, avocate au barreau du Cameroun, rappelle le coup de gueule de Célestin Bedzigui le 5 septembre 2020. Ce jour-là, rappelle la juriste, le premier adjoint au maire de Monatélé (région du Centre) confessait avoir interpelé Paul Biya sur le paiement de la masse salariale des maires du Cameroun. «Les faits montrent que le règlement de cette ardoise relève plus d’un enchainement possible que d’un enchainement logique. Ceux qui sont chargés de ce dossier craignent que, relativement aux régionales, la décision des maires ne se fige et mette en place un spectre politique en déphasage avec leurs ambitions», insiste Lydie Tsogo.

Sur certains aspects de ce diagnostic, Essama Embolo, Francis Ngoumou et Alphonse Didier Bikoula Bekono (respectivement maires de Soa, Mfou et Olanguina) contestent. Globalement, leurs positions en disent long sur «le temps du président» et sa «boite à idées». «C’est le chef de l’État qui, le 16 décembre 2015, a signé un texte fixant la rémunération des maires. Lors des Assises générales de la commune le 6 février 2019 à Yaoundé, le Premier ministre a annoncé que les salaires seront désormais régulièrement payés aux magistrats municipaux. En retour, les maires doivent résider dans leurs communes respectives. Dès lors, on peut penser que le temps mis était consacré à l’étude et non à la tenue des régionales», croit savoir Francis Ngoumou.

Jean-René Meva’a Amougou

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