Conjoncture : la Cemac sort de la récession
Le FMI et la Beac tablent tous sur une reprise de la croissance en 2018. Mais les perspectives restent fragiles.

«La phase aigüe de la crise s’est quelque peu atténuée». L’évaluation est du conseil d’administration du Fonds monétaire internationale (FMI). Verdict tombé à l’issue des entretiens annuels avec la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Ces entretiens qui se sont achevés le 15 décembre dernier portaient sur les politiques communes des pays membres et les politiques communes à l’appui des programmes de réforme des pays membres. Ces programmes ont été décidés le 23 décembre 2016 au cours d’un sommet extraordinaire des chefs d’Etats de la Cemac pour éviter une dévaluation du franc CFA, la monnaie commune.
Un an après, «les réserves extérieures se sont stabilisées puis se sont redressées au troisième trimestre 2017, du fait à la fois des décaissements du FMI et de l’ajustement budgétaire sous-jacent des pays membres», indique le FMI. En effet, le taux de couverture extérieur de la monnaie tombé de 77,1% en 2015 à 56,8% en 2016, s’est stabilisé à 59% en fin 2017. Ce qui équivaut à 2,6 mois d’importation des biens et services. De 5,8 mois d’importations à la fin de 2014, le niveau des avoirs extérieurs est descendu à 2,2 mois à la fin de 2016. Même si la situation s’est inversée, le francs CFA est loin d’être tiré d’affaire. Pour éloigner le spectre de la dévaluation, la Cemac doit porter son niveau de réserves à cinq mois d’importations, niveau jugé «approprié pour une union monétaire» par le FMI.
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Or pour 2018, la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) projette un taux de couverture extérieure de la monnaie à 66,1% pour des avoirs extérieurs évalués à 3,1 mois d’importation. A cette allure, pour atteindre 4 mois d’importation de réserves, les politiques d’ajustement devraient se poursuivre jusqu’en 2021, prévient le Fonds.
Croissance fragile
Le Comité de politique monétaire (CPM) de la Beac estime que «la situation économique demeure difficile». Le FMI n’en dit pas moins : «les perspectives à court terme de la région demeurent faibles puisqu’il est prévu que la croissance reste négative à 0,5 % en 2017, en raison de la réduction des dépenses publiques et de la poursuite de la baisse de la production de pétrole», évalue l’institution de Bretton Woods. C’est à peine mieux que le taux de croissance estimé par le Fonds en 2016 (voir tableau). Néanmoins indique le FMI, la Cemac devrait sortir de la récession en 2018. L’institution financière internationale prévoit un accroissement de l’activité au rythme de 2%. Une perspective que la sous-région doit au Cameroun. «Seule une forte croissance du PIB hors pétrole au Cameroun permet à la région de continuer d’afficher des taux positifs», observe l’institution financière internationale.
Plus optimiste, le CPM table sur un taux de croissance de 3% en 2018. Cet optimisme, Abbas Mahamat Tolli, président du CPM, le justifie par la conjoncture internationale, la remontée des cours des matières premières et l’entrée sous programme avec le FMI des pays de la Cemac. «Si tous les six pays de la communauté étaient entrés en programme avec le FMI au même moment, l’analyse qu’on présenterait ne serait pas la même», avoue celui qui est par ailleurs gouverneur de la Beac. L’avenir de la communauté se joue donc en partie sur l’issue des négociations en cours entre les bailleurs de fonds internationaux conduits par le FMI et le Congo et la Guinée Equatoriale.
Prévisions de croissance par pays
2016 | 2017 | 2018 | |
Cameroun | 4,7 | 4,0 | 4,6 |
Congo | -2,8 | -3,6 | 2,8 |
Gabon | 2,1 | 1,0 | 2,7 |
Guinée Equatoriale | -9,7 | -7,4 | -7,8 |
RCA | 4,5 | 4,7 | 5,0 |
Tchad | -6,4 | 0,6 | 2,4 |
Cemac | -0,6 | 0,3* | 2,1 |
Source : projection du FMI d’octobre 2017. *Le Fonds a revu son estimation à la baisse en fin décembre. Il table désormais sur un taux de croissance de -0,5 en 2017.
Les administrateurs du FMI soulignent par ailleurs qu’il sera essentiel que «les institutions régionales et les Etats membres de la Cemac tiennent pleinement leurs engagements pour favoriser une amélioration progressive de la situation économique et financière de la région à moyen terme». Ils se félicitent d’ailleurs de l’engagement de la Beac à envisager un nouveau durcissement de la politique monétaire si l’accumulation des réserves n’atteint pas les objectifs de la Beac.
Aboudi Ottou