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Archives des LIBRE-PROPOS - Page 8 sur 12 - Journal Intégration

Journal Intégration

Catégorie : LIBRE-PROPOS

  • Donner un second souffle au multilatéralisme

    Donner un second souffle au multilatéralisme

    Le plaidoyer de Carlos Alvarado Quesada, Jacinda Ardern, Stefan Löfven, Cyril Ramaphosa, Macky Sall et Pedro Sánchez.

    MADRID – L’année dernière, les Nations unies ont organisé une consultation qui a mobilisé la participation de plus d’un million de personnes dans 193 pays. Les commentaires ont mis en évidence des faits importants. Par ailleurs, l’Assemblée générale des Nations unies de cette année doit répondre en renforçant le multilatéralisme fondé sur des règles.

    Tout d’abord, la consultation a constaté que les attentes et les espoirs des femmes, des hommes, des filles et des garçons du monde sont étonnamment similaires. Les gens veulent bénéficier d’un meilleur accès aux soins de santé de base, à l’assainissement et à l’éducation. Ils veulent également voir davantage de solidarité vis-à-vis de ceux qui sont les plus touchés par la pandémie et de ceux qui vivent dans la pauvreté. La principale préoccupation à long terme des répondants est la double crise du changement climatique et l’accélération de la perte de biodiversité. Près de 90 % des participants estiment que la coopération mondiale est essentielle pour faire face aux défis actuels. En outre, une majorité d’entre eux estiment que la pandémie a rendu la coopération internationale encore plus urgente. Il est particulièrement encourageant de constater que les jeunes du monde entier appellent clairement à davantage de coopération internationale.

    La consultation de l’an dernier a été une invitation à l’action. Le secrétaire général de l’Onu António Guterres a publié le rapport Our Common Agenda qui fait suite à la Déclaration politique 75 de l’ONU adoptée par tous les chefs d’État et de gouvernement membres de l’Onu il y a un an. Ce nouvel ordre du jour définit un plan audacieux pour relever les défis actuels et à venir.

    La menace d’effondrement doit être considérée comme une possibilité d’innovation. C’est pour cette raison que nous nous engageons à renforcer le soutien de nos pays en faveur des efforts du Secrétaire général qui visent à donner corps à l’ambitieux programme de l’Onu.

    La pandémie de Covid-19, contre laquelle nous continuons à lutter au niveau mondial, a fait passer le message suivant : nous vivons dans un monde interconnecté et interdépendant. En outre, ces derniers mois, nous avons vu un nombre record de personnes touchées par des vagues de chaleur, des inondations dévastatrices et certains des plus grands incendies de forêt de l’histoire récente, confirmant une fois de plus la menace sans précédent posée par le changement climatique.

    L’Onu est le cœur du système international. Le fait que le monde se soit réuni il y a 76 ans pour créer une organisation qui « parvienne à la coopération internationale pour résoudre des problèmes internationaux » est extraordinaire en soi. Mais ce qui est encore plus frappant, c’est que cette organisation ait perduré malgré ses défis et ses lacunes. Elle montre que la voie vers un avenir meilleur, plus pacifique et plus durable est pavée de coopération – et non de concurrence à somme nulle.

    Cependant les organisations internationales du monde entier ont été édifiées principalement pour résoudre des problèmes inter-étatiques et non des problèmes qui transcendent les frontières, comme les crises financières, les pandémies, le terrorisme, les réseaux criminels, les menaces envers nos océans ou le changement climatique. Nous devons donc moderniser nos institutions multilatérales, les adapter à nos objectifs et les mieux doter pour faire face aux défis mondiaux et intergénérationnels auxquels nous sommes confrontés.

    Après avoir observé les différences marquées entre le monde de la génération des fondateurs de l’Onu et le monde d’aujourd’hui, nous avons décidé l’année dernière de relancer le débat sur la réforme du Conseil de sécurité de l’Onu et de poursuivre les travaux de revitalisation de l’Assemblée générale et de renforcement du Conseil économique et social. Conformément à la Déclaration commune que nous avons ratifiée le 10 novembre 2020 à Madrid, nous voyons trois domaines d’action qui doivent être mis en avant afin de faire progresser notre objectif commun de renforcement du multilatéralisme.

    Premièrement, nous avons besoin d’un engagement renouvelé en faveur de la coopération internationale. Les organisations multilatérales doivent être dotées des moyens et du mandat nécessaires pour faire la différence sur le terrain. La coopération entre l’ONU, les organisations régionales et les institutions financières internationales doit s’améliorer tant au niveau politique qu’opérationnel. Le système multilatéral doit être plus ouvert et plus inclusif pour que puissent s’exprimer les jeunes, la société civile, le secteur privé, le monde universitaire ainsi que d’autres interlocuteurs.

    Nous mettons déjà cela en pratique. En marge de l’Assemblée générale de cette année, nous avons organisé l’événement virtuel « Réaliser le Programme commun de l’ONU- Action pour atteindre l’égalité et l’inclusion » en collaboration avec l’initiative Pathfinders for Peaceful, Just, and Inclusive Societies initiative (Initiative Pionniers pour des Sociétés pacifiques, justes et inclusives). Nous avons l’intention de nous assurer que toutes les voix pourront se faire entendre.

    Deuxièmement, nous devons agir dans le cadre de l’ordre du jour du Secrétaire général en adoptant des mesures audacieuses en vue de relancer et de renforcer notre capacité à lutter contre la pauvreté et les inégalités, d’assurer l’inclusion, l’égalité de participation et la justice, résoudre la crise climatique et l’accélération de la perte de biodiversité et nous doter du matériel nécessaire à la lutte contre les futures menaces de pandémie.

    La crise de la Covid-19 nous a appris que nous devons renforcer notre capacité collective à anticiper, prévenir et gérer des risques complexes tels que les épidémies, les nouvelles guerres, les cyberattaques massives, les catastrophes environnementales ou d’autres événements imprévus. Nous nous félicitons donc des suggestions du Secrétaire général sur la manière de renforcer la prospective mondiale et la capacité de gestion des risques, en particulier la proposition d’une nouvelle « plateforme d’urgence » mondiale.

    Enfin nous nous félicitons de la proposition d’un Sommet de l’avenir en 2023 et nous devons profiter de cette occasion pour intensifier nos efforts en vue de renforcer la coopération internationale. Dans le monde d’aujourd’hui, grevé de tant de problèmes ayant des répercussions au-delà des frontières et des générations, nous devons saisir l’occasion présente pour créer un système multilatéral plus agile, plus efficace et plus responsable, destiné à tous les citoyens et nous permettant de relever les défis mondiaux qui nous font face.

    Nous voulons être à l’avant-garde de cet effort. Ensemble, nous pouvons et nous devons donner un second souffle à un multilatéralisme fondé sur des règles, portant en son sein une Onu plus forte et plus inclusive. Voilà la grande tâche politique de notre temps !

    Carlos Alvarado Quesada, président du Costa Rica. Jacinda Ardern, Premier ministre de la Nouvelle-Zélande. Stefan Löfven, Premier ministre de la Suède. Cyril Ramaphosa, Président de l’Afrique du Sud. Macky Sall, Président du Sénégal. Pedro Sánchez Premier ministre de l’Espagne.

    Copyright : Project Syndicate, 2021.
    www.project-syndicate.org

  • Tuerie des soldats à Bamessing : allons vite au fédéralisme!

    Tuerie des soldats à Bamessing : allons vite au fédéralisme!

    Quand j’ai demandé au régime, contre toutes les opinions et dans les insultes, d’aller immédiatement au fédéralisme, c’est bien parce que je savais que le Cameroun ne pouvait rien contre ces enfants! Bien plus, les simulations montraient que le gouvernement unitaire n’avait même pas les moyens de les empêcher de s’armer!

    Dieudonné Essomba

    L’Ingénieur général, Expert et par ailleurs fonctionnaire retraité relève l’échec de la stratégie actuelle de résolution de la crise anglophone et appelle une fois encore au passage à la forme fédérale de l’État camerounais.

    Quand j’ai demandé au régime, contre toutes les opinions et dans les insultes, d’aller immédiatement au fédéralisme, c’est bien parce que je savais que le Cameroun ne pouvait rien contre ces enfants! Bien plus, les simulations montraient que le gouvernement unitaire n’avait même pas les moyens de les empêcher de s’armer!
    Hier encore, si on en croit les images horribles qui circulent sur Internet, l’armée a encore perdu une dizaine de soldats du groupe d’élites BIR, consécutivement à l’explosion d’un engin improvisé, ainsi que deux véhicules lourds et des armes. Une tuerie qui fait suite à une précédente qui a lieu pendant le week-end dernier, et qui a connu 11 morts parmi nos Forces de défense et de sécurité.

    Nonobstant ce massacre à ciel ouvert, les Owona Nguini et autres Bokagne continuent à plastronner sur la force invincible de l’État westphalien qu’il pousse dans une guerre qu’il ne peut pas gagner et qu’il va certainement perdre. Ou plus exactement, qu’il a déjà perdue, et plus tôt que je ne le croyais, malgré mon immense pessimisme du départ !

    Alors que cela étonne un grand nombre de Camerounais, pour moi, c’est dans l’ordre normal des choses! Ce massacre de nos militaires qui sera suivi d’une défaite cuisante était parfaitement prévisible et c’est pour cette raison que j’ai demandé dès le départ qu’on aille immédiatement à la Fédération, car nous n’avions plus de temps!

    Bien avant cette crise, j’avais mis en garde le gouvernement sur le risque qu’il faisait courir au Cameroun en suivant les conseils haineux des Diafoirus qui écument nos Universités. Pour moi, il faisait une très grave erreur en allant éprouver l’État et son armée contre un adversaire que tous ces pédants méprisaient à tort, sur la base des considérations totalement irréalistes et biaisées par le désir impatient et cupide d’être nommés à un poste juteux et de vivre dans le luxe.

    J’avais en effet tiré, à travers les sites parlant des sécessions dans le monde, les facteurs caractéristiques de ces mouvements et j’avais établi les conditions dans lesquelles un pays pouvait les contrôler. Ces analyses statistiques, anthropologiques et économiques conduisaient à la formulation d’un modèle de simulation qui permettait de simuler le cas anglophone et ce qu’il fallait faire. Il n’existait aucun scénario dans ces simulations qui fournissait la moindre perspective de victoire de l’État unitaire sur la sécession anglophone! Aucun!

    Quand j’ai demandé au régime, contre toutes les opinions et dans les insultes, d’aller immédiatement au fédéralisme, c’est bien parce que je savais que le Cameroun ne pouvait rien contre ces enfants! Bien plus, les simulations montraient que le gouvernement unitaire n’avait même pas les moyens de les empêcher de s’armer!

    Quand un individu comme moi, fonctionnaire retraité, Ingénieur général et Expert, je prends mon courage de dire sur un plateau de télévision très suivi, à côté du colonel Badjeck, que les Amba Boys vont vous battre à plate-couture, comment croyez-vous que je puisse proférer une telle énormité sans une inébranlable conviction? Je ne suis tout de même pas un rigolo! Je vous l’avais bien dit! La seule perspective pour étouffer l’hydre était d’aller immédiatement au Fédéralisme qui allait agir suivant 3 dimensions :

    1. Un très grand nombre d’Anglophones allaient se détourner de l’idéologie sécessionniste, puisqu’ayant obtenu le niveau d’autonomie qu’ils réclament depuis de longues années. Cette adhésion massive allait réduire la base de recrutement des Amba Boys

    2. Le gouvernement renforçait en priorité les moyens des deux États anglophones pour créer d’urgence une police locale qui allait combattre les Ambazoniens. Ainsi, la perspective de recruter 2.000 policiers dans l’État Régional du Sud-ouest avait un impact suffisamment puissant pour détourner la jeunesse des promesses d’une indépendance qui restait encore très spéculative

    3. Le gouvernement transférait immédiatement à l’État régional l’essentiel de tous les bâtiments publics de type opérationnel (école, santé, routes régionales, police, etc.), en ne gardant que l’essentiel. De cette manière, c’est l’État régional, sa police et son peuple qui devaient assurer la sécurité de leur propre patrimoine, l’État fédéral venant en appui.
    Il fallait donc accepter le fédéralisme et étouffer la pieuvre, au lieu de prendre le risque d’humilier l’État, le gouvernement et l’armée!

    Mais alors que je tentais désespérément de sauver les meubles, une racaille d’intellectuels a diffusé partout que je suis antipatriote, voire Ambazonien! Que je veux «bantoustaniser» le Cameroun! Bien plus, pour contester l’intérêt du fédéralisme et dans un parfait sophisme, ils citaient en exemple le Nigeria et l’Ethiopie qui ont des problèmes, malgré leur modèle fédéral. Mais en aucun jour, je n’ai jamais dit que le fédéralisme supprimait les sécessions! J’ai toujours soutenu que le fédéralisme permettait de mieux combattre les sécessions!

    Et cela se voit d’ailleurs dans ces pays qu’ils me citent comme des contre-exemples ! Le Nigeria a connu l’expérience d’un État unitaire après le coup d’État d’IRONSI qui a supprimé la fédération, et cela a conduit à la terrible guerre du Biafra. L’Éthiopie a d’abord eu un État unitaire, et cette forme de l’État a failli la conduire au bord de l’abîme!

    Ces pays sont fédéraux et ont des problèmes, c’est vrai, mais s’ils n’étaient pas fédéraux, ils n’existeraient même plus du tout! C’est la même chose au Cameroun: notre pays ne peut pas longtemps vivre dans un modèle unitaire! Il est trop divers!
    Maintenant que ces patriotes-aboyeurs va-t-en-guerre ont conduit le pays dans le marécage sanglant, je ne sais pas comment ils se sentent, mais le silence généralisé après la campagne de fanfaronnade montre bien qu’ils ont encaissé un uppercut. Et ce n’est que le début! Peut-être ne comprennent-ils pas très bien le message qui vient du NOSO : les Amba boys vous disent clairement que vous occupez leur «pays» et qu’ils vont vous chasser, de gré ou de force, par les armes et par le feu. Exactement comme l’ont toujours fait les nationalistes, dans tous les pays du monde et à toute époque. Vous riez, mais eux ne rient pas !

    Vous leur demandez de déposer les armes, c’est vous qui les leur avez d’abord données? Ils ont pris les armes parce qu’ils vous ont demandé votre avis? Vous ne les avez pas empêchés de s’armer, et vous allez les désarmer comment?
    Je vous rappelle, pour ceux qui semblent l’ignorer, que les jeunes Amba Boys sont très inventifs et très déterminés! Ce n’est pas comme nos enfants dorlotés et qui veulent tous entrer à l’ENAM. Les Engins explosifs improvisés qui font maintenant de terribles ravages dans les rangs de notre armée, ils ne les achètent nulle part : ils les fabriquent eux-mêmes! Vous savez qu’ils vont fabriquer quoi demain? Les Camerounais n’ont même pas conscience dans quelle mélasse s’est embourbé leur pays.
    Pour la dernière fois, allons au fédéralisme! N’écoutez plus les imposteurs qui vous trompent! Un gouvernement qui écoutent les Owona Nguini et autres Bokagne est un gouvernement perdu! Allons-y immédiatement, sans hésitation, ni murmure! Il se fait de plus en plus tard!

  • Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 : dispositifs de la riposte au Cameroun

    Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 : dispositifs de la riposte au Cameroun

    Dix-huit ans après les attentats terroristes aux Etats-Unis d’Amérique, au cours desquels les avions de transport des passagers ont servi d’armes redoutables, la communauté aéronautique mondiale été profondément ébranlé.

    Cette crise majeure dans le secteur du transport aérien, a eu un impact sur les questions de sécurité et de lutte contre le terrorisme dans le monde. Ces préoccupations étaient déjà connus en aviation civile, ici on parle de sûreté l’aviation civile internationale. La sûreté de l’aviation civile que l’on distingue objectivement de la sécurité de l’aviation civile, se définit au sens de l’Annexe 17 de la Convention de Chicago comme la combinaison des mesures ainsi que des moyens humains et matériels visant à protéger l’aviation civile contre les actes d’intervention illicite. Il s’agit pour tous les Etats parties à cet instrument d’adopter des normes et pratiques recommandées dont l’objet est la prévention des actes criminels, la protection des installations et enfin, la répression sévère des auteurs des actes criminels en rapport avec la navigation aérienne.

    Les aéronefs de transport des passagers dont se sont servis les terroristes dans les villes américaines de : New York city, Arlington près de Washington et Shanksville en Pensylvanie, pourraient aussi bien viser n’importe quelle ville du monde du monde. Aussi importe-t-il de rester vigilant. Le Cameroun, pays au centre de l’Afrique, qui est ouvert sur le monde par quatre aéroports internationaux (Douala ; Yaoundé-Nsimalen ; Garoua et Maroua Salak) s’est t-il approprié ces normes et pratiques recommandées ? Autrement dit, seize ans après les attentats aux Etats-Unis, quel est l’état de mise en œuvre des normes internationales relatives à la sûreté de l’aviation civile ?
    Afin de cerner ces préoccupations, il est indispensable de prendre en compte les dimensions internationales et nationales des différents instruments en vigueur.

    Dans un souci principalement didactique et afin de simplifier autant que faire ce peut un corpus normatif suffisamment dense et complexe, il importe de mettre le cap sur trois points : D’abord les fondements de l’adhésion à ces instruments, ensuite l’acquis normatif et institutionnel, enfin l’indispensable arrimage.
    Les développements qui suivent s’orientent vers les triples horizons indiqués.

    I- LES FONDEMENTS DE L’ADHESION
    Il semble intéressant de souligner l’attachement du Cameroun aux principes proclamés par les organisations internationales dont il est membre. En même temps, de relever l’allégeance du Cameroun à la primauté du droit international.
    D’abord, au sein des Nations Unies, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont ensemble, et en de nombreuses occasions, joint leurs opinions sous forme de résolutions ou de recommandations pour attirer l’attention des Etats membres sur les atteintes résultant des activités de terroristes sur le transport aérien. Ces mêmes instances invitent constamment les Etats à prendre les mesures appropriées pour s’assurer que leur législation nationale offre des cadres juridiques appropriés à la protection des aéronefs, des membres d’équipage et des passagers.

    Créée en 1944 lors de la conférence de Chicago (Illinois, Etats-Unis), et entrée en activité le 04 Avril 1947, l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), organisation spécialisée des Nations Unies, est le principal cadre d’élaboration des instruments conventionnels relatifs à la sûreté de l’Aviation Civile. l’OACI fait habituellement des recommandâmes aux 199 Etats membres en vue du respect de l’annexe 17 à la convention de Chicago.

    L’international Air Transport Association (IATA) est pour les compagnies aériennes ce que l’OACI constitue pour les Etats. Dès sa création en 1945 à la Havane (Cuba), son comité juridique a largement contribué à obtenir des Etats, l’élaboration des législations destinées à sanctionner les infractions commises contre l’aviation civile.

    Au niveau du journal, la Commission Africaine de l’Aviation Civile (CAFAC) créée en 1969 par une résolution de l’Organisation de l’Unité Africaine et dont le siège se trouve à Dakar, est un organisme consultatif dont l’objet est d’offrir aux administrations aéronautiques des Etats africains un cadre pour débattre, planifier et coordonner les mesures en matière de lutte contre le terrorisme aérien.

    Enfin, au rang des membres de la communauté juridique internationale chargée de la protection du transport aérien contre les actes terrorismes, l’Organisation Internationale de la Police Criminelle (OIPC-Interpol) occupe une place de choix. Depuis sa création en 1923, l’OIPC dont le siège se trouve à Lyon (France), met à la disposition de l’OACI une documentation universelle informatisée sur les terroristes, les vols sensibles, les aéroports à risques etc. lesquels renseignements sont transmis aux autorités en charge de l’aviation civile par l’intermédiaire du Bureau Central National BCN territorialement compétent.

    L’hommage aux préoccupations des organisations internationales visitées, il importe de présenter l’important faisceau conventionnel qui lie le Cameroun.

    Le constat qui se dégage, fait apparaitre la participation du Cameroun à l’ensemble des instruments internationaux relatifs au terrorisme aérien. Signalons d’entrée de jeu, s’agissant des instruments internationaux et, compte tenu de l’orientation fondamentalement moniste avec primauté du droit international dans le rapport de système entre l’ordre juridique international et le droit interne, que le Cameroun a procédé à une intégration non réceptive de tous ces instruments internationaux. Autrement dit, dans l’ordre juridique camerounais les conventions internationales n’ont pas à être « reçues » ou encore transformées par un acte spécial.

    La participation du Cameroun est significative. L’on se contentera d’énumérer tour à tour :
    1.La Convention relative à l’aviation civile internationale signée à Chicago le 4 décembre 1944, et ratifiée par le Cameroun le 14 novembre 1961. L’annexe 17 à cette convention édicte des normes et pratiques recommandées en matière de sûreté.

    2.La Convention de Tokyo relative aux infractions et autres actes survenant à bord des aéronefs, adoptée le 14 septembre 1963, entrée en vigueur le 4 décembre 1969, elle a été ratifiée par le Cameroun le 24 mars 1988. Cet instrument a pour objet de consacrer les prérogatives du Commandant de bord.

    3.La Convention relative à la capture illicite d’aéronefs, adoptée à la Haye le 16 décembre 1970. Entrée en vigueur le 14 octobre 1971, ratifiée par le Cameroun le 14 avril 1988. Elle a pour objet de définir les obligations des Etats en matière de capture illicite d’aéronefs.

    4.La Convention de Montréal pour la répression d’acte illicite contre la sécurité de la navigation aérienne, adopté à Montréal le 23 novembre 1971, entrée en vigueur le 26 janvier 1983 et ratifiée par le Cameroun le 11 juillet 1985.

    5.Le Protocole complémentaire à la convention de Montréal, adopté à Montréal le 24 février 1988, il est entré en vigueur le 06 août 1999. Le Cameroun le ratifie le 22 décembre 1999, La convention de Montréal et son protocole complémentaire ont pour objet de prévoir des mesures appropriées en vue de la répression des auteurs d’actes d’interventions illicites d’une part et d’élargir le champ de la répression aux actes commis dans les aéroports servant à l’aviation civile internationale.
    6.La Convention sur le marquage des explosifs en feuilles aux fins de détection. Elle a été adoptée à Montréal le 1er mars 1991, elle est entrée en vigueur le 21 juin 1998. Elle a pour objet d’institution d’un régime international qui oblige les Etats à adopter des mesures de nature à garantir que les explosifs transportés sont préalablement marqués.

    7.Au niveau sous régional, dans la zone CEMAC en particulier, le Règlement N°10/00-CEMAC-066-04 Portant adoption du Code de l’Aviation Civile de la CEMAC, consacre tout le Livre VII à la Sûreté de l’Aviation civile.
    8.Le Règlement 1/00-CEMAC-042-CM-04 du 21 juillet 2000, portant institution et conditions d’attribution du passeport CEMAC.
    Ajoutons à cette galaxie d’instruments multilatéraux, les accords bilatéraux. A cet effet, la quarantaine d’accords aériens signés à ce jour par le Cameroun comportent tous des clauses relatives aux respects par les parties des mesures de sûreté, conformément à l’annexe 17 à la convention de Chicago.

    II- L’ACQUIS NORMATIF ET INSTITUTIONNEL
    Il existe au Cameroun une réglementation d’appoint. A ce niveau, il faut distinguer les textes d’inspiration législative d’une part et les textes d’extraction réglementaire d’autre part.

    Plusieurs textes d’inspiration législative encadrent la riposte du Cameroun aux menaces contre l’aviation civile. Il s’agit de :

    -La loi n°98/023 du 24 décembre 1998 portant régime de l’aviation civile. Elle institue au rang des mutations récentes du droit aérien Camerounais, la sûreté de l’aviation civile. Tout le titre VI y est d’ailleurs consacré. Elle accorde une place centrale à l’Etat dont la mission est de définir, d’organiser et de veiller à la mise en œuvre du programme national de sûreté de l’aviation civile.

    -La loi n°2001/019 du 18 décembre 2001, portant répression des infractions et actes dirigés contre la sécurité de l’aviation civile. Il y’a là un effort de codification du droit camerounais, d’une stratégie pratique de lisibilité du droit, une manière de faciliter la tache aux juges et aux justiciables.

    -La loi n°2017/013 du 12 juillet 2017, portant répression des infractions relatives à la Sureté de l’aviation civile.
    En l’absence d’un code pénal international, les instruments conventionnels relatifs à la sûreté du transport aérien, qui comportent des dispositions répressives se contentent de déterminer l’incrimination des actes de terrorisme aérien. Il appartient aux Etats parties de déterminer le quantum des peines en fonction de leur politique pénale. A titre d’illustration, le protocole complémentaire à la convention de Montréal relatif aux actes de violence dans les aéroports. Cet instrument, entré en vigueur le 24 février 1988 et ratifié par le Cameroun le 22 décembre 1999, définit l’élément matériel et moral de l’acte d’intervention illicite à l’aviation civile internationale. Définition qui a été entièrement reprise par l’article 4 de la loi n°2001/019 du 18 décembre 2001.

    Au demeurant, cet effort d’adaptation du code pénal à l’évolution de la criminalité dans le domaine particulier du transport aérien offre au Cameroun l’occasion idoine d’exprimer sa souveraineté répressive. Pour tout dire, le législateur camerounais réprime sévèrement les auteurs et complices d’actes d’intervention illicites à l’aviation civile.
    A côté des lois, plusieurs textes réglementaires structurent la mise en œuvre de la sûreté l’aviation civile au Cameroun. Il s’agit précisément des textes suivants :

    -L’Arrêté n°2453 du 7 avril 1955 relatif à la réglementation de la circulation des personnes et des véhicules sur l’aéroport de Douala ;

    -L’Arrêté n°2221/CAB/PR du 13 juillet 2004 portant création des comités de sûreté de l’aviation civile dans les aéroports ;

    -Le Décret n°99/198 du 16 septembre 1999 portant organisation et fonctionnement de l’autorité Aéronautique ;

    -Le Décret n°2000/006/PM du 7 janvier 2000 instituant diverses redevances sur les aérodromes du Cameroun ;

    -Le Décret n°200/ 184 du 13 juillet 2004 portant définition et organisation du programme national de sûreté de l’aviation civile du Cameroun ;

    -Le Décret n°2004/185 du 13 juillet 2004 portant création du comité national de sûreté de l’aviation civile.
    Tout cet arsenal législatif et réglementaire ne peut être effectif sans des institutions de consécration.
    La mise en œuvre des missions de l’Etat en matière de protection du transport, aérien implique en déploiement institutionnel conséquent. A cet égard il convient de s’attarder d’abor sur les forces de sécurité ensuite sur les structures techniques et enfin sur les organes AD-HOC.

    En vertu de l’article 110 de la loi n°98/023 du 24 décembre 1998 portant régime de l’aviation civile « les services de police de la gendarmerie et de la douane concourent à la sûreté de l’aviation civile dans les conditions fixées par voie réglementaire ».

    Quatre catégories d’unités de sécurité participent à la sûreté aéronautique. Il s’agit des unités suivantes :
    -La Police

    Aux termes du décret n°96/034 du 1er mars 1996, veille à l’application des lois et règlements relatifs aux conditions d’entrée et de sortie du territoire national. A cet égard les services de Police disposent d’une compétence exclusive sur l’enceinte de l’aéroport, à la zone stérile couvrant les salles d’embarquement, les salons d’honneur, tous les circuits aller et retour. Les missions de la Police sont essentiellement techniques. Sous ce regard, la Police assure le contrôle des passagers et vise à la fois, l’examen de la régularité de leur titre de voyage, la vérification de leur situation au fichier, l’inspection filtrage des bagages de main et de soute.

    -La Gendarmerie
    Ses attributions en matière de sûreté de l’aviation civile s’exécutent à travers les compagnies et brigades dont l’objet est d’assurer la protection des aérodromes sur le plan de la circulation des personnes et des biens. En même temps, elle veille pour le compte de l’Etat à la surveillance de la piste d’envol, des soutes à essence, des avions stationnés et des pistes terrestres adjacentes.

    -La Direction générale de la recherche extérieure. (DGRE)
    C’est une structure spécialisée dans la collecte, le traitement et la diffusion des renseignements vers les autorités complémentes. En matière de sûreté, la DGRE participe aux côtés de la police, à la surveillance et au contrôle sur les aéroports internationaux.

    -La Douane
    Les fonctionnaires de la Douane déployés sur les aéroports procèdent au contrôle des objets et articles à déclarer. La Douane effectue également une fouille manuelle et contradictoire des bagages à main ou à soute dans la zone sous douane installée dans chaque aéroport international.
    S’agissant des structures techniques, on distingue :

    -Le Ministère des Transports.
    A la faveur du Décret présidentiel n°2005/173 du 26 mai 2005 portant organisation du Ministère du transport, le chapitre II relatif à la division de l’Aviation civile consacre l’exclusivité du Ministère en matière d’élaboration, du suivi de la mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière d’aviation civile.

    -L’Autorité Aéronautique
    Elle est chargée à titre principal de la sûreté de l’aviation civile, elle assure également le secrétariat du Comité national de la sûreté de l’aviation civile.

    -Les Gestionnaires
    Dans les aéroports internationaux du Cameroun, il existe deux catégories de gestionnaires d’aéroport. La gestion technique concédée à l’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique (ASECNA) et la gestion commerciale concédée à la société des Aéroports du Cameroun (ADC)

    En tant qu’administrations délégués, elles participent à la mise en œuvre des Programmes de Sûreté aussi bien au niveau local que national. Pour ce faire, ils veillent à la comptabilité entre les exigences de l’exploitation des services aéroportuaires et la conformité aux normes en matière de protection de l’aviation civile.

    -Les exploitants des compagnies aériennes installés au Cameroun ou desservant le territoire camerounais.

    -Les structures AD-HOC

    1.Le Comité national de sûreté de l’aviation civile est un organe consultatif invité à émettre des avis et formuler des suggestions, sur toute question se rapportant à mise en œuvre de la politique nationale en matière de la sûreté de l’aviation civile, conformément aux dispositions du programme national de sûreté.

    2.Le Comité de sûreté d’aéroport est un organe consultatif, appelé à émettre des avis et formuler des suggestions sur toute question se rapportant à la mise en œuvre des mesures des mesures de sûreté de l’aéroport conformément aux dispositions du programme national de sûreté.

    Au regard de ce matériau, on est en droit de dire que le Cameroun a fait un bond olympique dans l’exercice de compatibilité entre les conventions internationales relatives au terrorisme aérien. Toutefois, il reste à fournir quelques efforts.
    III- L’UTILE ARRIMAGE AU CONTEXTE SECURITAIRE ACTUEL.

    A la faveur des évènements du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, on a assisté au Cameroun comme partout dans le monde à une boulimie dans l’érection et la production des normes internationales en matière de terrorisme de manière générale et du terrorisme aérien de manière particulière. A présent l’on est en droit de souhaiter une pause normative, tant l’acquis normatif et institutionnel est dense et complexe. A cet égard, l’on devrait canaliser l’enthousiasme surabondant des acteurs du secteur vers l’adhésion des populations riveraines et usagés des plates formes aéroportuaires vers l’appropriation du dispositif de lutte contre les actes d’interventions illicites à l’aviation civile.

    Ici comme ailleurs le concept de défense populaire est une prescription légale dont l’assise normative s’adosse sur deux textes majeurs :

    -L’Instruction présidentielle n°3/Cab/PRC du 19 mars 1975 sur la sensibilisation des élites aux questions des défenses nationales ;

    -le Décret n°75/700 du 06 novembre portant règlement de discipline générale dans les forces armées.
    C’est également une exigence patriotique en résonnance avec le terme de la quarante deuxième fête de l’Unité « Armée et nation synergie pour la préservation de la paix et la sécurité gage de l’intégration, de la stabilité et du développement économique »

    En définitive, il s’agit d’une stratégie tout à fait nouvelle qu’il y a lieu d’insérer dans l’urgence. C’est l’indispensable gage à la vitalité et à la viabilité de la destination camerounaise

    PAR Henri Lucien TICKY
    Internationaliste, Institut des Relations
    Internationales du Cameroun (IRIC)

  • «La rébellion du 19 septembre 2002 nous a fait reculer»

    «La rébellion du 19 septembre 2002 nous a fait reculer»

    Le sociologue et écrivain ivoirien, Jean-Claude Djéréké, revient en détail sur l’un des épisodes les plus douloureux de l’Histoire de la Côte d’Ivoire et présente les stigmates encore visibles sur les populations.

    Jean-Claude DJEREKE

    Quand on lit «L’homme révolté», on s’aperçoit tout de suite que, pour Albert Camus, la révolte est toujours motivée par le sentiment d’une injustice, faite non seulement à soi-même, mais à tout homme : on se révolte quand on estime que l’homme, où qu’il se trouve, est brimé, exploité, humilié ou méprisé. Chez Camus, il y a la forte conviction que l’homme révolté préfèrerait mourir debout au lieu de vivre couché.

    Mais la révolte camusienne n’a rien à voir avec une sacralisation et une idéalisation de la révolution. Elle ne débouche jamais sur l’élimination des personnes et la destruction de leurs biens. Quoique nécessaire, car un homme digne de ce nom ne peut rester de marbre face à un autre homme dont la dignité est bafouée, la révolte est «mesurée» chez Albert Camus comme on peut le voir dans sa préface au livre d’Alfred Rosmer, «Moscou sous Lénine. Les origines du communisme» (Paris, P. Horay, 1953).

    Il y écrit ceci : «Des hommes comme lui [Rosmer] ont su résister à l’effondrement de leur espoir et y résister deux fois, d’abord en refusant de s’abandonner, comme tant de révolutionnaires, au confort de la servitude dite provisoire, ensuite en refusant de désespérer de la force de révolte et de libération qui est à l’œuvre en chacun de nous. Mais on voit, en somme, que s’ils n’ont cédé à aucun de ces entraînements, c’est que pour eux, formés dans la lutte prolétarienne, toujours au contact de la misère ouvrière, la révolution n’a jamais été ce qu’elle est pour tant de nos nihilistes, c’est-à-dire un but qui justifie tout et lui-même.

    Elle n’a été qu’un moyen, un chemin probablement nécessaire vers cette terre où vivre et mourir ne seront pas une double humiliation». Et Camus termine par ces mots : «Ceux pour qui la révolution n’est qu’un moyen savent qu’elle n’est pas ce bien pur qui ne peut être ni trahi ni jugé. Elle peut être trahie, et il faut le savoir, car elle tient aux hommes par ce qu’ils ont de plus grand et de plus bas. Elle peut être jugée, car elle n’est pas la valeur la plus haute et si elle en vient à humilier ce qui dans l’homme est au-dessus d’elle, elle doit être condamnée dans le temps où elle humilie. C’est le double mouvement, exemplaire à mon sens, qu’on trouvera dans ce livre où, du malheur de ce siècle, Rosmer a tiré la double décision d’exalter ce qui est apparemment mort, et de dénoncer ce qui survit».

    Parce que sa révolte était mesurée, parce qu’il était non pas équilibriste mais nuancé, Camus critiqua «la déshumanisation de toute politique à droite comme à gauche». Cet humaniste qui s’insurgea contre le bombardement d’Hiroshima (Japon) par l’Américain Paul Tibbets le 6 août 1945, cet homme qui voulait la justice et la liberté parce que «la justice sans la liberté, c’est la dictature et la liberté sans la justice, c’est la loi du plus fort», on peut légitimement le considérer avec le philosophe français Michel Onfray comme «un grand lucide».’

    Ivoirité
    Ceux qui, venant du Burkina Faso voisin, attaquèrent et endeuillèrent notre pays dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, peuvent-ils être assimilés à l’homme révolté de Camus ? Non car ils n’avaient pas bien compris l’ivoirité qu’ils prétendaient combattre. Un Forum fut organisé en mars 1996 à Abidjan par la Cellule universitaire de recherche et de diffusion des idées et actions politiques du président Henri Konan Bédié (Curdiphe). Lors de ce forum, Georges Niangoran-Bouah, associait à l’ivoirité les cinq grands groupes ethnolinguistiques présents en Côte-d’Ivoire : Akan, Malinké et Bambara, Dan, Gur et Krou. Pour lui, comme pour Henri Konan Bédié, le grand ensemble national n’excluait personne et l’objectif de l’élaboration intellectuelle du concept d’ivoirité n’était point d’éliminer les musulmans et les ressortissants du Nord de la vie nationale (cf. François Gaulme, «L’ivoirité, recette de guerre civile» dans ‘Études’, 2001/3, tome 394, pp. 292 à 304).

    Mais ce n’était pas uniquement contre l’ivoirité de Bédié que Guillaume Soro et ses camarades prirent les armes. Était aussi visée la «dictature» de Laurent Gbagbo. On peut reprocher des choses à l’ancien président, mais est-on sérieux en le traitant de dictateur alors qu’il dépénalisa les délits de presse, qu’il ouvrit son premier gouvernement au RDR et que Ouattara ne fut jamais inquiété après avoir déclaré qu’il rendrait le pays ingouvernable si sa candidature était rejetée ? Il est normal que l’injustice, la discrimination et la dictature suscitent notre indignation et notre révolte. Encore faut-il que ces maux ne soient pas imaginaires, que l’on ne se serve pas d’arguments fallacieux pour faire aboutir une cause obscure.

    Car, 19 ans après le déclenchement de la rébellion, on peut se poser les questions suivantes : Les villes du Nord de la Côte d’Ivoire sont-elles devenues plus riches et plus développées ? Où sont les Zaga Zaga, IB et Wattao ? Soro et d’autres Ivoiriens ne sont-ils pas en prison ou en exil ? Les entreprises ivoiriennes profitent-elles des juteux marchés publics ? Les planteurs de cacao, de café, d’hévéa et de la noix de cajou gagnent-ils plus d’argent que du temps de Bédié et de Gbagbo ? Le pays est-il moins endetté que sous les précédents régimes ? Les Ivoiriens peuvent-ils être fiers de leur école ? Peut-on parler d’émergence et de performance alors que, en 10 ans, aucune université ivoirienne, publique ou privée, n’a réussi à figurer dans le classement des 200 meilleures universités africaines ?

    Années perdues
    Les défenseurs du régime Ouattara me parleront de ponts et de routes construits ici ou là, du prochain métro dont la France compte doter la capitale économique. Je leur répondrai tout simplement que la qualité et la solidité de ces réalisations sont fort douteuses et que ces ponts et routes auraient pu se faire plus tôt si on avait laissé Bédié et Gbagbo travailler en paix.

    Bref, ce que je veux dire ici, c’est que la prise des armes dans notre pays le 19 septembre 2002 ne fut rien d’autre qu’un gâchis. Elle fit reculer notre pays. Nous avons perdu 20 années. Non seulement les Ivoiriens furent humiliés et appauvris par cette fausse révolution, mais les soi-disant libérateurs se regardent en chiens de faïence aujourd’hui, chacun ne rêvant que de faire passer l’autre de vie à trépas.

    Étions-nous condamnés à vivre tout cela ? Non ! Y avait-il moyen de procéder autrement ? Oui car, quand on se dit démocrate et républicain, on ne recourt pas aux armes pour réparer une injustice réelle ou supposée. Bien qu’opposé à l’article 7 de l’ancienne Constitution qui faisait de Konan Bédié le successeur d’Houphouët en cas de vacance du pouvoir, Laurent Gbagbo ne prit pas les armes pour contester ledit article. Il se prononça en faveur de l’application de la Constitution. La Loi fondamentale et les institutions d’un pays peuvent ne pas être parfaites, mais le démocrate et le républicain, tout en les critiquant, est appelé à s’y soumettre jusqu’à ce qu’elles soient améliorées ou modifiées. Il n’a pas besoin de faucher des vies humaines ni de saccager des biens matériels.

    Parlant ainsi, je ne suis pas en train de dire qu’il faut accepter l’inacceptable ou attendre que Dieu fasse les choses à notre place. Toute injustice, si elle est avérée, ne devrait laisser aucun homme indifférent. Nous devons toujours nous lever et nous dresser contre elle. Mais ce n’est pas nécessairement en tuant ni en jetant des bombes sur des innocents qu’on rend justice aux pauvres et aux malheureux. Ghandi, qui n’était ni résigné ni passif, nous enseigne que «la victoire obtenue par la violence équivaut à une défaite, car elle est momentanée».

  • Au-delà de l’émotion… la parole

    Au-delà de l’émotion… la parole

    C’est une grosse vague d’émotion qui a envahi le pays entier face aux violences exercées sur les forces de maintien de l’ordre par quelques citoyens somme toute animés par des arrières pensées morbides.

    Face à cette situation qui a choqué plus d’un, des voix de condamnation se sont élevées des anonymes, des associations et plus récemment de certaines autorités dont la fermeté des propos laissait à peine dévoiler une future riposte à la dimension de l’affront subi par nos hommes en tenue. Toutes ces protestations ont apporté réconfort et soutien à nos forces de l’ordre qui ont certainement compris qu’elles ont le soutien majoritaire de la population.

    Mais alors, dans ce tumulte, comprenez la gêne de certains d’entre nous de ne pas avoir entendu l’expression des principaux concernés ! Oui… les uns et les autres sont montés au créneau pour crier leur indignation, sauf les policiers et militaires qui ont subi l’humiliation sur la place publique. Curiosité de notre landerneau, les forces de l’ordre n’ont pas d’instances dédiées à leur représentation sur l’espace public comme c’est le cas sous d’autres cieux. Mais à écouter attentivement certains de ces compatriotes, ils auraient voulu dire publiquement leur mal être dans ce contexte. L’on convient aisément que le moment est venu de libérer la parole de ce côté-là.

    Si le Président Paul Biya lui-même a redonné aux camerounais la liberté d’expression, pourquoi faudrait-il encore que certaines franges parmi les plus respectables de la nation en soient privées ? Vivement que les slogans Armée-Nation ou Police-Population prennent leur véritable place au sein de la nation.

    Nous pensons humblement qu’il est temps que nos forces de l’ordre soient constituées en structures représentatives des différents corps. Le moment semble venu pour que les forces de maintien de l’ordre, dans la diversité qui les caractérise prennent la parole pour éviter qu’un jour, le couvercle de cette casserole bouillante ne nous saute sur la figure.
    Compte tenu de la complexité de la situation, et pour lever cette chape de plomb qui pèse sur la parole au sein de nos forces de l’ordre, je suggère humblement qu’en attendant la mise sur pied des organisations représentatives, l’on commence par la création des porte-parolats des différentes armes. Ainsi fait, nous aurons fait un grand pas en avant vers cette nation où tous les fils ont droit à la parole… D’aucuns diront que c’est un risque, mais nous pensons que ce risque vaut la peine.

  • Pauvre et indispensable Afrique

    Pauvre et indispensable Afrique

    Dans ses réflexions consacrées au devenir de l’Afrique, Aimé Mathurin Bakoto, le consultant en économie propose des formules propres à résoudre la difficile équation d’une véritable émergence du continent.

    Scandale géologique, réservoir de matières premières, l’Afrique joue un rôle de premier plan dans l’économie de la planète. Elle est convoitée par les pays en expansion de développement comme la Russie, le Brésil et surtout la Chine, et elle aiguise aussi l’appétit des multinationales de par le monde, qui y font, malgré la crise, des juteux bénéfices. En quelques années, le continent est devenu la plaque tournante du système, l’élément indispensable dans la guerre Froide. Oui, tous les pays du monde se sont donnés rendez–vous en Afrique. Hélas, après soixante ans d’indépendance, je dirais d’Autonomie de jure, accordée à la pelle, et à qui la demandait dans les années 1960, les relations entre le continent noir et les autres puissances sont restées, je dirais, demeurent marquées par la très forte domination des seconds sur les premiers.

    Les impérialistes qui se cachent sous le vocable pompeux et vide de sens de «communauté internationale» utilisent deux choses pour orienter leur cours. Lors de la dernière session de la Cedeao, il y a une scène qui a beaucoup marqué les esprits, et démontre la fragilité extrême des pays africains. La scène se déroule à Abidjan. Le président guinéen Alpha Condé déclare qu’il est temps, que la tutelle colonisatrice est trop pesante et devrait laisser les pays africains se débrouiller seuls; et le président ivoirien qui le reprend en lui rappelant qu’il était en direct. Rire dans la salle. Et le président guinéen de continuer, qu’il assumait ses propos : six mois, plus tard, le président Alpha Condé était renversé par un coup d’État dirigé par des militaires blancs.

    Communauté internationale
    Les deux choses qu’utilisent la communauté internationale, c’est-à-dire les pays tels que la France, les Usa, la Grande Bretagne, les institutions financières internationales, c’est l’argent (aide financière, refus d’annuler la dette asphyxiante et inique) et le droit (OMC, APE etc.)

    L’Afrique peine à affirmer ses intérêts malgré les trésors que constituent son sol et sous-sol. Il convient de noter que l’émergence de quelques dirigeants pouvant desserrer l’étau international est obstruée par les interventions directes, ou indirectes des anciens pays colonisateurs.

    Plus grave, au-delà de toutes ces tractations des puissances, les Africains, ceux que nous appelons ici des «élites», ne semblent pas capables de vision, de l’intérêt commun, mais de reprise de l’idéologie néo-libérale. Elles sont déconnectées des préoccupations populaires, ne pouvant (ou ne voulant) pas utiliser ces richesses de leurs pays pour changer les rapports de force mondiaux.

    Eux par conséquence, ouverts au libre-échange, apparaissant, comme un miroir qui grossit l’ordre économique mondialisé. Le marché s’implante en traduisant famine et inégalités mortelles. Il y a lieu de se demander si nos États ne sont pas complices des multinationales qui exploitent sans vergogne les salariés sans droit.

    L’Afrique est vraiment l’entropie du monde. Le chaos est l’unité de mesure sociale et humaine.
    En cela, elle nous apprend sur nous-même; elle est indispensable.
    La crise financière actuelle jette le doute sur le libéralisme économique; le champ de tous les possibles politique me semble ouvert. Les peuples protestent, grèvent, manifestent, tandis que les pouvoirs se crispent. À chaque élection, il y a son lot de contestations, les jeunes, très majoritaires font, ou veulent faire entendre leur voix, la tentation de la violence devient une donnée sociale, oui un défi pour un avenir meilleur.

    Quelle élite saura mettre en capacité l’énergie populaire, les atouts de l’Afrique, afin qu’elle devienne le moteur de son destin? cinq siècles de domination, l’Afrique, deviendra–t-elle indispensable à elle-même?
    De profond bouleversements s’opèrent depuis la fin de la guerre froide. Ceux-ci ont contraint les pays à s’adapter, tandis qu’émergent d’autres pays. Mais, tous convergent vers l’Afrique, le continent est devenu le champ d’expression précieux de leur préoccupation et de satisfaction de leurs intérêts.

    Il y a lieu de se demander si Paris fait office de favori dans ces batailles hippiques que se livrent la Chine, la Suisse, la Turquie etc., ces bals incessants diplomatiques et commerciaux, que se livrent ces pays. Paris est contestée, a-t-elle encore les moyens de sa politique? Elle est sur la défensive dans cette âpre lutte d’influence à laquelle se livrent toutes ces puissances. Paris devrait innover, si elle tient à être dans la course. Les anciens militants de Droits civiques américains sont appelés sous le drapeau de la guerre commerciale.

    Les relations internationales font appel à des agents privés, tels les ONG, les cabinets des consultants ou même les églises. La France a signé avec la plupart des anciennes colonies des accords de défense, contestés, mais ces traités perdurent et se répandent par la coopération technique. La guerre contre le terrorisme et l’enjeu des matières premières poussent les États-Unis à tisser des liens militaires.

    L’Afrique, une proie
    L’Afrique est le seul continent qui accueille, depuis la fin de la guerre froide, autant d’instances internationales et étrangères. Tout ceci peine à concrétiser la réduction des inégalités sociales, et l’illégalité de certains systèmes alimentant la guerre et l’instabilité. Qu’ils soient bien intentionnés ou pas, ces États, ces puissances militaires, surtout occidentales mettent sous influence, l’Afrique avec tout ce que cela comporte comme conséquence sur sa marge d’expression.
    Si la fin de la guerre froide a éteint certains conflits, l’Afrique reste marquée par la guerre, la lutte violente pour les ressources et l’instabilité politique. En retour, les intellectuels, les politiques, ne cessent de dénoncer cet état de choses qu’engendrent l’occupation économique de l’Afrique, mais les échos ne dépassent pas les discours et les cours dans les amphithéâtres.

    Faut-il baisser les bras pour autant? Je crois que le temps est arrivé avec l’émergence de l’élite n’ayant pas fréquenté en métropole, pour penser aux intérêts communs. Il est quand-même temps de nous retrousser les manches, de nous prendre en main pour sortir des fourches caudines de l’esclavage et de la soumission.

  • Demande de visa : la gifle de la France à Blaise Compaoré

    Demande de visa : la gifle de la France à Blaise Compaoré

    Pour le sociologue et écrivain ivoirien Jean-Claude Djereke, la fin de non-recevoir opposée à la demande de l’ancien chef de l’État burkinabé constitue une piqûre de rappel pour tous les dirigeants africains souvent enfermés dans l’illusion d’une amitié avec la France.

    Blaise Compaoré, chassé du pouvoir le 31 octobre 2014 par le peuple burkinabè qui était contre la modification de l’article 37 de sa Constitution, ne pourra pas se soigner en France. Il est devenu persona non grata dans un pays dont il fut un serviteur fort zélé. La preuve, l’ambassade de France en Côte d’Ivoire aurait opposé une fin de non-recevoir à sa demande de visa.
    D’abord, c’est une honte que l’ancien dictateur veuille se soigner dans un hôpital français après avoir passé 27 ans au pouvoir. Honte à lui et à tous les dirigeants africains qui se rendent dans l’Hexagone dès qu’ils ont mal à la tête ou au dos, qui font plus confiance aux médecins français qu’à ceux d’Afrique dont la compétence n’est plus à démontrer !

    Au lieu de doter son pays d’un hôpital aussi moderne que celui que construisit Issoufou Mahamadou avant la fin de ses deux mandats à la tête du Niger pour «assurer l’accès aux soins de santé de qualité à toute la population du Niger et même de la sous-région, mais aussi et surtout réduire le nombre des évacuations sanitaires qui ont un coût considérable sur le budget de l’État nigérien», Compaoré préférait enrichir les gens de son clan comme Alizèta Ouédraogo, la belle-mère de son frère François Compaoré, et financer les campagnes électorales de Jacques Chirac. Il n’est pas impossible qu’il ait posé d’autres actes de ce genre pour plaire à l’ancienne puissance colonisatrice, pour être aimé d’elle et bénéficier de son soutien en cas de…

    Le natif de Ziniaré fut effectivement protégé pendant près de 30 ans par les autorités françaises. Paris fermait les yeux quand il violait les droits de l’homme dans son pays, quand il déstabilisait les pays de la sous-région (Liberia, Sierra-Leone, Mali, Côte d’Ivoire). Il ne fut point inquiété quand il fit tuer ses compagnons d’armes Thomas Sankara, Henri Zongo et Jean-Baptiste Boukary Lingani, quand l’universitaire Clément Oumarou Ouédraogo fut abattu en pleine rue à Ouagadougou le 9 décembre 1991, quand le journaliste d’investigation Norbert Zongo et ses trois camarades moururent calcinés dans leur véhicule le 13 décembre 1998 près de Sapouy. Bref, à cette époque, Compaoré se croyait intouchable, pensait que tout lui était permis, était persuadé qu’il était l’ami de la France. Mais il fallut qu’il tombe malade et demande le visa français en vue de recevoir des soins en France pour qu’il découvre le vrai visage de la France et se souvienne de cette phrase attribuée au général de Gaulle : «Les pays n’ont pas d’amis; ils n’ont que des intérêts».

    Disons-le tout net : la France n’a aucun intérêt avec des gens qui ont perdu le pouvoir ou leur médaille comme Meka dans le beau roman de Ferdinand Oyono. Elle n’a rien à faire ou ne fait rien avec ceux qui ne font plus son affaire. Meka avait perdu la médaille que lui avait remise le chef des Blancs, le 14 juillet. Arrêté après une fête bien arrosée au Foyer africain, il est conduit au poste de police où il est bastonné, puis emprisonné. Quand il est présenté à Gosier d’Oiseau, celui-ci ne se souvient plus des services que Meka a rendus à la France (ses deux fils morts pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale et les terres qu’il céda à la Mission catholique), ni de la médaille qui avait été épinglée sur sa poitrine par le chef des Blancs quelques heures plus tôt. Plus grave encore, le Blanc ne se rappelle plus le nom de celui que la France venait de décorer. Meka charge l’interprète de lui donner cette réponse : «puisqu’il me demande qui je suis, dis-lui que je suis le dernier des imbéciles qui hier croyait encore à l’amitié des Blancs».

    De retour chez lui, il est pressé de questions par les parents et amis qui commençaient à s’inquiéter. Invariablement, Meka se contentera de dire : «Les Blancs… Les Blancs seulement ! Pauvres de nous ! Pauvres de nous !» Quand l’assistance, insatisfaite, insiste pour savoir ce qui est arrivé au mari de Kelara, il est obligé de révéler que “ ces Blancs ont failli me tuer”, ce qui pousse Nti à déclarer que les Blancs ne ressemblent pas aux Noirs. Et l’assistance de renchérir que “le chimpanzé n’est pas le frère du gorille”. Traduction : le Blanc n’est pas le frère du Noir.

    La France a montré à plusieurs chefs d’État africains qu’elle n’avait pas d’amis mais des intérêts, et qu’elle pouvait les abandonner à leur triste sort si elle n’avait plus rien à obtenir d’eux. Je pense notamment aux Centrafricains David Dacko et Jean-Bédel Bokassa qu’elle contribua à renverser en 1966, en 1979 et en 1981, à l’Ivoirien Houphouët qu’elle fit semblant de soutenir dans la guerre du cacao en 1988 (Cf. Jean-Louis Gombeaud, Corinne Moutout et Stephen Smith, La guerre du cacao. Histoire secrète d’un embargo, Paris, Calmann-Lévy, 1990), au Sénégalais Léopold Sédar Senghor dont elle boycotta les obsèques à Dakar le 29 décembre 2001, au Gabonais Omar Bongo dont les biens en France furent exposés par les médias français, au Tchadien Hissène Habré qui fut lâché au profit d’Idriss Déby le 1er décembre 1990, au Libyen Kadhafi qui fut exécuté par les forces de l’OTAN le 20 octobre 2011 après avoir été reçu en grande pompe par Sarkozy et après avoir financé la campagne électorale de ce dernier. Ces présidents, qui croyaient naïvement qu’ils étaient les amis de la France, découvrirent au soir de leur vie que cette amitié n’était qu’un leurre.

    Compaoré aurait compris cela plus tôt qu’il se serait peut-être abstenu de se faire le complice de ceux qui étaient dérangés par les discours et les actes de Sankara ou de prêter main forte à Sarkozy pour la déportation de Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale.

    Parlant des colonisés, Montaigne écrivait en 1588 : «Ce qui les a vaincus, ce sont les ruses et les boniments avec lesquels les conquérants les ont trompés… Nous nous sommes servis de leur ignorance et de leur inexpérience pour les mener à la trahison, à la luxure, à la cupidité et à la cruauté, sur le modèle de nos mœurs… Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant de millions d’hommes passés au fil de l’épée… Méprisables victoires !» (Cf. Les Essais, livre III, chap. VI)
    Si un bon nombre de Noirs ne sont plus dupes des boniments, des ruses et de la duplicité des Blancs, d’autres Noirs (une minorité, fort heureusement), présents dans nos universités, dans les congrégations religieuses, dans la politique africaine, etc., continuent malheureusement d’adhérer facilement au mensonge selon lequel la France est notre amie et nous veut du bien. Le pire, c’est que, pour être dans les bonnes grâces du Blanc, ces Noirs complexés, indignes et stupides n’hésiteront pas à salir, à trahir, voire à éliminer les frères qui refusent de courber l’échine devant le Blanc. Pauvres d’eux, dirait Meka !
    Que l’on nous comprenne bien ici : Notre intention n’est nullement d’inviter les Noirs à détester les Blancs. Sortir de notre naïveté, devenir lucides et vigilants, tel est l’unique but assigné à cette modeste réflexion.

    Jean-Claude DJEREKE

  • Beaucoup de choses peuvent arriver d’ici à 2025

    Beaucoup de choses peuvent arriver d’ici à 2025

    Jean-Claude Djereke, sociologue et écrivain ivoirien, passe en revue les guerres de succession ayant conduit la Côte d’Ivoire dans le gouffre et invite l’ensemble de la classe politique à ne plus sacrifier l’avenir de ce pays sur l’autel des ambitions égoïstes et de l’impérialisme français.

    Pendant trois décennies (1960-1990), la Côte d’Ivoire a été perçue comme un pays calme, sans histoire. Tout n’y était certes pas parfait mais la stabilité, les performances économiques, les infrastructures routières, sanitaires et scolaires du pays attiraient de nombreux ressortissants des pays voisins, voire de l’Afrique centrale. On y venait soit pour faire fortune, soit pour acquérir ce qui permettrait de gagner l’Europe ou l’Amérique du Nord, soit pour booster sa carrière sportive ou musicale. Cette Côte d’Ivoire, qui bénéficia du talent des Antoine Bell, Rashidi Yekini, Manu Dibango, Boncana Maïga, Sam Mangwana, Moni Bilé, Bébé Manga, Mory Kanté, Salif Keïta…, était, avec le Sénégal, un des rares pays d’Afrique de l’Ouest qui n’avaient pas expérimenté de coup d’État.

    C’est à partir de 1993 que le navire commença à tanguer. La guerre de succession qui opposa Konan Bédié à Alassane Ouattara en était la cause principale. Une guerre qui débuta avant l’inhumation du premier président car, bien que la Constitution ivoirienne disposât que seul le président de l’Assemblée nationale devait assurer la vacance du pouvoir, le Premier ministre Ouattara, poussé dans le dos par certains caciques du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) tels que Philippe Yacé, voulait s’asseoir dans le fauteuil présidentiel. Il fallut l’intervention des ambassadeurs de France et des États-Unis pour que Ouattara lâche prise comme le montre le témoignage de feu Jean-Paul Ngoupandé qui était ambassadeur de Centrafrique à Abidjan au moment des faits (cf. ‘L’Afrique sans la France’, Paris, Albin Michel, 2002). Cette guerre, où tous les coups semblaient permis (mandat d’arrêt international lancé par Konan Bédié contre Ouattara pour “faux et usage de faux”, Ouattara promettant en retour de frapper et de faire tomber le régime “moribond” d’Abidjan), aboutira, le 24 décembre 1999, au renversement du successeur d’Houphouët.


    L’autel de l’ambition

    Depuis cette date, la Côte d’Ivoire n’a plus connu la paix à cause de celui qui avait promis de la rendre ingouvernable si sa candidature à l’élection présidentielle était rejetée. Le général Robert Gueï, placé à la tête du pays par ceux qui avaient chassé Konan Bédié du pouvoir, puis Laurent Gbagbo, élu le 22 octobre 2000, seront victimes, eux aussi, de tentatives de putschs en 2000 et 2001.

    Le 19 septembre 2002, les mêmes militaires, proches d’Alassane Ouattara et entraînés au Burkina Faso, attaquent et coupent le pays en deux. Quand le président Laurent Gbagbo décide, début novembre 2004, de libérer les zones occupées par les rebelles, la France de Jacques Chirac, qui pourrait avoir corrompu et retourné les pilotes biélorusses, prétexte du bombardement de son camp militaire de Bouaké par l’armée ivoirienne pour détruire les aéronefs ivoiriens et remettre ainsi en selle une rébellion presque vaincue. En 2010-2011, la France s’immiscera une fois de plus dans le conflit ivoirien en soutenant Ouattara et en bombardant la résidence présidentielle où se trouvaient Laurent Gbagbo, sa famille et quelques collaborateurs.

    Une fois installé au pouvoir par son ami Sarkozy, Ouattara ne tarda pas à procéder à des arrestations et emprisonnements arbitraires, à geler les avoirs des pro-Gbagbo, à caporaliser les médias d’État, à persécuter la presse proche de l’opposition, à favoriser outrageusement les gens d’une région, d’un parti et d’une religion, à pousser des milliers d’Ivoiriens à s’exiler, à passer des marchés de gré à gré avec les entreprises françaises, marocaines et burkinabè. De mémoire d’Ivoirien, jamais les droits de l’homme ne furent autant bafoués que sous ce régime soutenu jusqu’au bout par “la patrie des droits de l’homme”.
    Bref, à cause d’un individu assoiffé de pouvoir, la Côte d’Ivoire a perdu à la fois sa sérénité et sa stabilité. Aux tentatives de coup d’État, se sont ajoutées des pratiques bizarres telles que le trafic de drogue, le rattrapage ethnique, la promotion des médiocres et des incultes, l’expropriation et l’agression des citoyens par des enfants drogués sans que la police et la gendarmerie n’interviennent, un système éducatif si pauvre qu’aucune université ivoirienne ne figure dans le classement des 200 meilleures universités africaines et que les manuels scolaires sont truffés de fautes qu’un élève de CE2 des années 70 et 80 éviterait de faire.

    Lueur d’espoir
    Toutes ces plaies pouvaient faire croire que le pays était perdu (dans les deux sens du terme) et beaucoup de compatriotes étaient sur le point de céder au désespoir quand le régime commença à se saborder, arrachant le tabouret à Pierre ou à Paul, mangeant ses propres enfants et multipliant les scandales. Parallèlement à cela, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé qui, pour les gens au pouvoir, devaient mourir en exil comme Kadjo Amangoua, Béhanzin et Samory Touré, furent définitivement acquittés le 31 mars 2021. Le 17 juin, l’ancien président quittait Bruxelles pour retrouver la terre de ses ancêtres. Trois ans plus tôt, son épouse et d’autres responsables du Front populaire ivoirien étaient sortis de prison.

    Ces deux faits sont d’abord un cinglant démenti de l’idée selon laquelle “tout est bouclé, géré et calé”. Ils nous enseignent qu’il est toujours hasardeux de prédire les choses que l’homme est incapable de maîtriser. Joël N’Guessan n’avait-il pas raison de déclarer en 2017 que “Dieu seul sait qui sera en vie et en liberté en 2020” ? On pourrait tenir le même raisonnement à propos de 2022, 2023 ou 2024 : Nul ne sait qui, à ce moment-là, sera debout, libre ou vivant. Mais la plus grande leçon que nous puissions tirer de l’acquittement et du retour de Laurent Gbagbo dans son pays, c’est que la vérité et la justice finissent par triompher, que les faussaires et imposteurs n’ont pas vocation à régner et à prospérer ad vitam aeternam et que notre pays, qui a connu un tel malheur en partie à cause de l’absence de solidarité entre nous, de notre légèreté, de notre naïveté et de notre cupidité, s’achemine, sûrement quoique lentement, vers la fin des années cauchemardesques qui ont arrêté son progrès, assombri son visage et gravement écorné son image.

    Je ne souhaite la mort de personne, pas même celle du plus grand criminel. Je veux tout simplement affirmer que, d’ici à 2025, beaucoup de choses peuvent arriver, que notre pays n’est pas à l’abri de surprises agréables et désagréables et que les uns et les autres gagneraient donc à faire preuve de modestie et de prudence.

    Jean-Claude Djereke

  • Réchauffement climatique, les choses s’accélèrent négativement

    Réchauffement climatique, les choses s’accélèrent négativement

    Après les inondations du mois de juillet, places aux canicules et incendies très dévastateurs et meurtriers du mois d’août.

    L’humanité face aux conséquences de ses inconséquences.

    L’on peut se dire que c’est la période. Que non ! Les évènements actuels ont une origine comme toute chose : le réchauffement climatique liés à une très forte utilisation des énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon). Dans le monde, on enregistre des feux qui dévastent les villages et villes sur le pourtour de la méditerranée (Grèce, Turquie, l’Algérie, l’Italie, Tunisie, Liban…), aux États-Unis. En dehors des flammes, dans ces pays, les thermomètres affichent jusqu’à 49 degrés Celsius dans certaines régions en Italie et en Algérie. Sans oublier les inondations aux nord du Cameroun, au Mozambique et en Australie. La liste n’est pas exhaustive. Tels sont les effets du réchauffement climatique avec des effets anthropiques contribuant fortement à l’émission des gaz à effet de serre entraînant la dégradation la couche d’ozone.

    Ces évènements tombent à point nommé pour le rapport du groupe d’experts inter-États de l’Onu sur le climat GIEC, publié le 9 août 2021 et intitulé «changement climatique généralisé et rapide, d’intensité croissante». Selon ce dernier, les estimations vont au-delà des 1,5 degré pour 2 degrés au cours des prochaines décennies. «Le changement climatique touche déjà toutes les régions de la terre de multiples façons. Les changements observés augmenteront avec tout réchauffement supplémentaire», a alors déclaré Panmao Zhai, coprésident du GIEC.

    Toujours dans le rapport des climatologues, au lieu de ralentir, la consommation des énergies fossiles est plutôt à la hausse. Plus encore, les financements pour les explorations et les exploitations des gisements sont plutôt encouragés par les États. Pire, on assiste à des conflits entre les États et à des rivalités géopolitiques. «En 1990, la consommation des énergies polluantes était de 81,11%, trente ans plus tard, le pourcentage est en hausse 81,22%», renseigne le rapport présenté sur la chaine francçaise France 24.

    Toutes les résolutions prises ici et là, dans le cadre des COP avec des accords multiples ne changent rien. Aujourd’hui, on a plus de 100 morts liés aux feux qui ne sont que les prémices de l’enfer dans lequel la planète doit s’attendre à vivre si le paradigme énergétique n’est pas changé. Dans leur pays où la canicule a atteint son paroxysme, le thermomètre affichant 49 degrés Celsius, les Italiens ont surnommé la région sicilienne «Belzébuth». Plus encore, le premier ministre grecque se montre désormais alarmiste et annonce que «la crise climatique est là et nous devons changer maintenant !». Kyriakos Mitsotakis s’est exprimé ainsi lors d’une conférence de presse sur la situation des incendies. Son pays a vu 100 ha de forêt partis en fumée.

    En Californie aux États-Unis, à cause des incendies, les habitants sont obligés de partir, laissant derrière eux des maisons, le bétail, ainsi que les autres biens finalement aussi partis en fumée dans ces régions en proies aux flammes. Tous ces pays semblent avoir sous-estimé le réchauffement de la planète qui s’accentue à une vitesse grand V selon le rapport.

    Dans ces coins du monde, ceux qui résistent sont désormais évacués de force. Le ciel est lourd. L’atmosphère également. L’air est irrespirable, la vue est quasiment handicapée.

    Pour les experts onusiens, il faut avoir le courage de prendre des décisions radicales dès maintenant. Sinon le processus de réchauffement sera irréversible. Il faut que les gouvernements se fixent des objectifs sur les énergies renouvelables. Celles utilisées actuellement sont très dangereuses pour la survie de l’être humain ainsi que pour de nombreuses autres espèces.

    Il faut noter que beaucoup a été fait en matière d’énergies renouvelables et propres. Mais, le rapport indique que le recours à celles-ci reste encore très en-dessous de l’utilisation des énergies fossiles. La Chine et l’Inde sont respectivement des pays ou le développement technologique en matière d’énergies renouvelables est très important. Ils sont aussi les plus grands consommateurs d’énergies fossiles en termes de consommation massive en 30 ans, sans oublier les USA.

    André Balla Onana

  • Convocation d’un Congrès de l’UPC : l’Alliance patriotique pose des conditions

    Convocation d’un Congrès de l’UPC : l’Alliance patriotique pose des conditions

    Son président, Tom Daniel Yagnye, impose la prise en compte d’un certains nombres de préalables pour que ledit congrès prévu les 11, 12 et 13 septembre prochains, puisse rencontrer les aspirations légitimes des populations camerounaises. Voici en intégralité la teneur du communiqué parvenu ce 20 août 2021 à notre rédaction.

    Chers compatriotes,
    L’Alliance patriotique a appris avec un certain étonnement la convocation d’un Congrès de rassemblement de l’UPC, les 11, 12 et 13 septembre 2021. Non pas qu’il ne s’agisse d’une démarche pertinente, mais surtout que cette dernière ne répond à aucune préoccupation nationale importante, à l’exception de répondre à l’attente des populations, de voir renaître un grand parti nationaliste, capable de conduire une alternative à la politique de destruction nationale, menée par Paul Biya et son parti.
    Que sont ces préoccupations nationales actuelles ?

    Contentieux historique national
    D’abord et avant tout, la question du Contentieux historique national, c’est-à-dire l’aventure d’annexion/soumission de l’ancien Cameroun occidental, au dictat français, parachevée par le soi-disant référendum de mai 1972. Sa manifestation ultime est la guerre, dite du NOSO, contre laquelle l’on doit entreprendre une véritable mobilisation populaire, c’est-à-dire une grande campagne d’explication aux populations, pour qu’elles se mobilisent, contre la solution militaire que le pouvoir de Yaoundé tente d’imposer à la résistance des Ambazoniens.

    L’impasse politique
    Ensuite, la question de la Sortie de l’impasse politique dans laquelle le régime BDC-UC-UNC-RDPC avec ses présidents Ahidjo et Biya ont conduit le pays. Dès la publication de « Pour le libéralisme communautaire », le parti du président de la République s’est engagé dans un vaste mouvement de verrouillage politique du pays, qui en a fait une fédération de partis ethniques, avec comme conséquence principale la montée du communautarisme, maquillée sous l’appellation de « protection des peuples allogènes ». Cette politique ne signifie, sur le plan pratique, rien d’autre que les Camerounais sont incapables de nourrir un projet national, pour leur pays.

    C’est pourtant à cause de celui-ci que nombre de nos aînés ont été tués, pourchassés et contraints à l’exil. Face à ce péril, l’unité de l’UPC, envisagée à travers ce congrès, apparaît comme une manœuvre complice objective de distraction des Camerounais et de soutien du RDPC. Car, ce qui est en jeu, c’est la crédibilisation d’un projet alternatif de libération nationale, pour lequel, il faut que les populations se mobilisent. L’enjeu est l’abandon de la politique, qui s’anime autour des élections, et qui abandonne les populations à leur misère et à la démobilisation face à leurs problèmes quotidiens. C’est cela l’urgence.

    Recolonisation de notre Pays
    Enfin, c’est la recolonisation de notre pays, du fait de la dette de l’État. Elle est devenue insupportable. En conséquence, Paul Biya et son gouvernement sont prêts à brader la dernière parcelle d’indépendance, pour obtenir de nouveaux prêts et se maintenir au pouvoir, alors qu’il est clair, depuis longtemps, que l’argent ainsi obtenu, ne sert qu’à « fabriquer », grâce aux détournements de fonds publics, des pontes ethniques, qui contribuent davantage au verrouillage des ethnies. Il est urgent de mener cette bataille d’embrigadement de nos populations, à soutenir des comportements, qui mènent au suicide national.

    De surcroît,
    -Considérant la préparation insuffisante des assises prévues du 11 au 13 septembre 2021,

    -Considérant les carences organisationnelles au niveau de la base du parti,

    -Considérant le manque de débat autour du programme de politique générale au sein des Comités de base, Comités centraux, Sections et du Comité directeur,

    -Considérant le manque de débat autour des propositions d’amendements des Statuts et du Règlement intérieur tant au niveau de la base que du sommet,

    -Soucieux de la nécessité de consulter la base dans les questions de politique générale et d’orientation du parti,

    -Considérant les divisions plus ou moins profondes au sein de l’UPC sortie du congrès de 2017,

    -Considérant les attentes du peuple kamerunais par rapport au mouvement nationaliste,
    l’Alliance patriotique (AP)

    -se prononce contre ce congrès, si ce dernier a pour seul objectif de constituer une autre direction, « plus crédible de l’UPC » aux yeux du RDPC et du pouvoir en place à Yaoundé,

    -estime que le congrès prévu les 11, 12 et 13 septembre 2021, devrait se résoudre à :

    o entériner la tenue annuelle d’un congrès ordinaire de l’UPC dans l’esprit des Statuts de 1952;
    oélire une nouvelle direction de l’UPC avec pour missions principales;

    d’œuvrer pour le rassemblement des upéciste, dans un délai d’un an en prenant contact avec tous ceux qui se réclament de la famille nationaliste,

    de convoquer un congrès unitaire à l’issue de ce délai, pour élire une direction engagée à remettre l’UPC dans son rôle avant-gardiste en constituant un front d’organisations politiques et de la société civile, dont le programme d’action tournerait autour des points, ci-dessus décrits comme préoccupations nationales de l’heure.

    Vive l’Alliance Patriotique
    Vice le Mouvement nationaliste camerounais
    Vive le Cameroun

    Ce 20.08.2021

    Yagnye Tom Daniel
    Président de l’Alliance Patriotique
    Représentant spécial de l’UPC en Afrique centrale et australe

  • Les 61 ans de nos pseudo-indépendances

    Les 61 ans de nos pseudo-indépendances

    Nos grands-parents, qui payèrent un lourd tribut aux travaux forcés, ne désiraient qu’une chose : le départ du colon. Pour eux, la colonisation ne fut jamais une chose positive, contrairement à certains Français qui n’attendent que la gratitude et les remerciements des Africains parce que leurs ancêtres auraient créé, en Afrique, des routes, écoles, dispensaires et chemins de fer. Or “ce qui se fait pour nous, sans nous, est fait contre nous” (Nelson Mandela).

    Jean-Claude Djereke

    Les chemins de fer n’ont profité au colonisé qu’après coup. Ils étaient construits au départ dans l’intérêt de la Métropole puisqu’ils devaient permettre de transporter le cacao, le café et le coton des plantations au port d’où ils devaient gagner la France. On peut en dire autant de l’école. Si elle avait été voulue pour le bien des indigènes, le colon aurait privilégié, non pas la production hâtive d’enseignants et d’interprètes, mais la formation de scientifiques et de techniciens à qui il aurait appris comment transformer les matières premières, comment produire de l’énergie solaire, etc.

    Parce que la colonisation fut saccage de nos cultures, exploitation et chosification du colonisé par le colonisateur, sa fin ne pouvait qu’être célébrée par nos ancêtres. Ceux-ci percevaient l’avènement des indépendances comme une nouvelle page à écrire. Ils espéraient que ces indépendances apporteraient la liberté et la prospérité à tout le monde mais, 61 ans après, grande est la désillusion de leurs enfants et petits-enfants car on est très loin du bond qualitatif escompté. En effet, l’agriculture, sur laquelle reposerait le succès de certains pays, n’a jamais été motorisée ; les travaux champêtres se font toujours avec la machette ou la daba ; ceux qui ont étudié à l’école occidentale n’ont jamais été capables de fabriquer un vélo ou une aiguille ; quand une machine tombe en panne, il faut payer le billet d’avion, aller-retour, du Blanc pour qu’il vienne la réparer ; dans l’administration comme à l’école, on n’utilise que les langues du Blanc. Certains Nègres sont fiers de faire leur thèse sur les penseurs occidentaux, oubliant que ces penseurs ont réfléchi et écrit sur les problèmes de leur temps et milieu. Ils sont heureux de citer Gérard Genette, Emmanuel Kant, Émile Durkheim, Kelsen Hans, John Maynard Keynes mais ils ont honte de parler des travaux de Tchundjang Pouemi, de Jean-Marie Adiaffi, de Mongo Beti, de Cheikh Anta Diop, de Ngugi Wa Thiong’o ou de Joseph Ki-Zerbo. Ces “peaux noires, masques blancs” ont oublié que s’ouvrir à l’extérieur ne signifie pas nécessairement se renier, que “rien n’est plus aliénant qu’une image de soi et de sa place dans le monde qui se nourrit des désirs et du discours des autres” (Aminata Traoré) et que “ce n’est qu’en enfonçant ses racines dans la terre nourricière que l’arbre s’élève vers le ciel” (Birago Diop). Dans d’autres domaines, les choses se sont carrément empirées : les hôpitaux, où il faut payer avant d’être consulté et soigné, sont devenus des mouroirs, les Houphouëtistes n’ont pas empêché que les grandes écoles et avenues de Yamoussoukro tombent en ruine ; les internats n’existent plus et peu de nouveaux collèges ont été ajoutés à ceux laissés par le colon.

    Celui-ci s’entend bien avec les nouveaux dirigeants dont les biens mal acquis (propriétés, voitures luxueuses, comptes bancaires) en France se chiffreraient en centaines de millions d’euros, si l’on en croit l’enquête de Fabrice Arfi de ‘Mediapart’. L’Algérie aurait déjà récupéré une bonne partie de ces biens mal acquis. “Nous te laissons déposer ici l’argent volé à ton peuple. Tu nous en donnes un peu pour nos campagnes électorales et nous ferons tout pour que tu conserves le pouvoir dans ton pays. Tant que tu sers nos intérêts, tant que tu es favorable au franc CFA et au maintien de nos bases militaires en Afrique, tu peux te soigner ici avec ta famille, tu peux même briguer un troisième mandat”, voilà comment raisonnent les successeurs du colon quand ils s’adressent à nos pantins de présidents et voilà qui montre que la France est toujours parmi nous, avec nous et contre nous.

    Pourquoi ne s’en alla-t-elle jamais ? Pourquoi s’agrippe-t-elle tant à nos pays ? Pourquoi refuse-t-elle de nous lâcher ? Parce qu’elle deviendrait rapidement plus pauvre que le Portugal dont les ressortissants sont désormais obligés d’aller chercher du travail à Luanda. Pour survivre, pour faire partie des grandes nations, la France a besoin de mettre à la tête de nos pays des hommes de paille, des béni-oui-oui, dont la mission première est de l’aider à piller nos richesses. Les insoumis comme Um Nyobè, Olympio, Sankara ou Modibo Keïta furent assassinés ou renversés avec l’aide de certains Africains indignes et stupides. Ainsi fonctionne la fameuse Françafrique dont le Togolais Kofi Yamgnane semble avoir donné la meilleure définition lorsqu’il parle de “relations bilatérales incestueuses entre certains chefs d’État africains et le chef de l’État français, relations qui présentent de multiples facettes : le soutien ou la tolérance vis-à-vis de régimes politiques dictatoriaux, parfois installés par le gouvernement français lui-même, malgré le rejet de la majorité des habitants ; les circuits mafieux d’argent ; le déni de l’Histoire; des politiques de solidarité qui s’effritent ; des interventions militaires improvisées et l’absence totale de respect des peuples africains et de leurs dirigeants” (cf. ‘Afrique. Introuvable démocratie’, Paris, Éditions Dialogue, 2013).

    Cette histoire de “Je pars mais je continue à agir dans vos pays à travers mes marionnettes” dure depuis 61 ans. Et aucun changement positif n’est intervenu dans la vie des populations. En revanche, les pseudo-indépendances ont enrichi la France et ses esclaves. Et cette richesse gagnée sur le dos du peuple donne à ces derniers l’illusion qu’ils sont importants et qu’ils ont réussi. Or peut-on fanfaronner, se pavaner dans de grosses cylindrées, se donner des titres, quand tout vous échappe et que ce sont d’autres, l’ancien colonisateur en l’occurence, qui contrôlent votre économie, votre monnaie, votre santé, votre éducation, votre armée et même votre politique ?

    Non, nos pays ne sont pas encore indépendants et seuls des inconscients peuvent danser et se réjouir le jour où un certain Charles de Gaulle nous octroya ces fausses indépendances car être indépendant, c’est avoir la liberté de nouer des relations avec qui on veut, disposer de sa propre monnaie, ne pas avoir une armée étrangère sur son sol, décider par soi-même et pour soi-même. Certains soutiennent que, en 1960, nous avons arraché l’indépendance politique. Ce n’est pas vrai pour tous les individus qu’on appelle abusivement “pères de la nation”. Hormis Ahmed Sékou Touré qui refusa que la France continue à contrôler la Guinée, les autres ne voulaient pas couper le cordon ombilical avec la France. Senghor, l’un d’entre eux, était ouvertement hostile à l’indépendance comme le montre bien son discours de 1950 au Parlement européen de Strasbourg : “Au siècle polytechnique de la bombe atomique, le nationalisme apparaît dépassé et l’indépendance n’est qu’une illusion.” En 1956, il récidive en affirmant que “parler d’indépendance, c’est raisonner la tête en bas et les pieds en l’air, ce n’est pas raisonner, c’est poser un faux débat” (cf. Marcien Towa, ‘Léopold Sédar Senghor : Négritude ou servitude ?’, Yaoundé, CLE, 1971).

    “Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir”, disait Frantz Fanon qui, avant Jacob Desvarieux et Kassav’, avait jeté un pont entre les Antilles et l’Afrique. Arracher la vraie indépendance, laquelle indépendance devrait rimer avec responsabilité et amour de la patrie, telle est peut-être la mission de notre génération. Pour réussir une telle mission, il est nécessaire que les souverainistes africains soient clairs, vrais et conséquents avec eux-mêmes. Cela veut dire rompre avec la duplicité, la naïveté et l’amusement sans fin, s’occuper vraiment du peuple en mettant à sa disposition les infrastructures les plus élémentaires, s’appuyer comme la Centrafrique sur un allié fort et craint pour se débarrasser de ceux qui nous pourrissent la vie depuis 1960. Le peuple n’accordera sa confiance qu’aux leaders qui auront compris que les discours sur l’indépendance réelle doivent être toujours en accord avec les actes.
    Jean-Claude DJEREKE

  • Côte d’Ivoire: les cinq exigences de la réconciliation

    Côte d’Ivoire: les cinq exigences de la réconciliation

    Féliciter publiquement les rebelles qui ont divisé et endeuillé le pays, les remercier d’avoir pris les armes pour «restaurer la démocratie et réparer l’injustice faite aux Nordistes», les promouvoir en les nommant ministres, généraux ou préfets de région, alors qu’on avait au départ nié tout lien avec eux est un vrai et grave mensonge. Un autre acteur a menti en se glorifiant d’avoir sauvé le pays de «la tyrannie». Il va sans dire qu’un pays ne peut se réconcilier avec les mensonges de ce genre

     

    Pour l’écrivain et sociologue ivoirien, la vérité, la justice, la sincérité, la reconnaissance des fautes et la réparation des torts constituent les cinq valeurs cardinales qui détermineront la solidité du processus de réconciliation en cours en Côte d’Ivoire.

    Jean-Claude Djereke

    Suffira-t-il que les acteurs politiques se rencontrent et se parlent pour que toute la Côte d’Ivoire soit réconciliée? Certains compatriotes le pensent sincèrement, mais c’est une vision que je trouve simpliste, naïve et erronée car la réconciliation est une affaire, non pas de quatre personnes (Bédié, Ouattara, Gbagbo et Soro), qui d’ailleurs ont des comptes à nous rendre à cause du rôle que chacun d’eux a joué, mais de toute une nation. Cette nation, pour espérer regarder de nouveau dans la même direction, doit impérativement honorer cinq exigences qui sont la vérité, la justice, la sincérité, la reconnaissance des fautes et la réparation des torts.

    La vérité
    Se réconcilier ne veut pas dire «ignorer ce qui a été fait ou coller une étiquette fausse sur un acte mauvais» (Martin Luther King, ‘La force d’aimer’, Casterman, 1965). Et Benoît XVI renchérit en affirmant: «C’est l’amour de la vérité qui trace le chemin que toute justice humaine doit emprunter pour aboutir à la restauration des liens de fraternité dans la famille humaine» (cf. Benoît XVI, ‘Africae munus’, Exhortation apostolique post-synodale, novembre 2011, n. 18). Il s’agit donc de connaître la vérité sur ce qui est arrivé dans notre pays entre le 24 décembre 1999 et 2021, de permettre à chacun de savoir qui a fait quoi au cours de cette période, si les personnes qui ont défendu la République attaquée sont aussi coupables que celles qui ont tué, violé et braqué des banques, si on peut mettre dans le même sac les souverainistes et ceux qui militaient pour la mise sous tutelle du pays. À propos de «qui a fait quoi?», on ne regardera pas uniquement l’intérieur; il faudra aussi s’intéresser aux gens qui sont à l’extérieur, aux parrains des seigneurs de guerre, aux manipulateurs, bref à «ceux qui ont commandité les crimes et qui se livrent à toutes sortes de trafics» (cf. ‘Africae munus’, n. 22).

    La justice
    On est juste quand on sanctionne toutes les fautes commises. Or la justice, qui nous a été servie jusqu’ici, tant à Abidjan qu’à la Haye, n’a rien d’une justice équitable et impartiale puisqu’elle n’a jugé qu’un camp, celui de Laurent Gbagbo. La vraie justice devrait aller sur les traces de l’autre camp afin que soient jugés et condamnés le cas échéant ceux qui, dans ce camp-là, se sont rendus coupables de graves violations des droits humains. Gbagbo n’est pas Jésus qui, «à la croix, a tout payé». Il n’est pas juste qu’il paie pour tous les crimes qu’a connus notre pays entre 1999 et 2021.

    La sincérité
    Être sincère, c’est vouloir la réconciliation pour elle-même, c’est y aller sans arrière-pensée ou sans calculs. Le calculateur peut promettre une chose et faire l’inverse. Il peut dire en son for intérieur: «je vais battre ma coulpe et demander pardon pour tout le mal que j’ai fait uniquement pour que les gens puissent me donner leurs voix à la prochaine élection». Un tel homme se servira de la réconciliation comme d’un moyen pour atteindre un objectif précis. Bedie, Ouattara, Gueï et Gbagbo s’étaient rencontrés à Yamoussoukro le 22 janvier 2002. Si tous les participants à cette rencontre avaient été sincères, le pays n’aurait pas été attaqué huit mois après la formation du gouvernement où étaient représentés tous les partis politiques.

    La justice, qui nous a été servie jusqu’ici, tant à Abidjan qu’à la Haye, n’a rien d’une justice équitable et impartiale puisqu’elle n’a jugé qu’un camp, celui de Laurent Gbagbo. La vraie justice devrait aller sur les traces de l’autre camp afin que soient jugés et condamnés le cas échéant ceux qui, dans ce camp-là, se sont rendus coupables de graves violations des droits humains. Gbagbo n’est pas Jésus qui, «à la croix, a tout payé». Il n’est pas juste qu’il paie pour tous les crimes qu’a connus notre pays entre 1999 et 2021.

    La reconnaissance des fautes
    Féliciter publiquement les rebelles qui ont divisé et endeuillé le pays, les remercier d’avoir pris les armes pour «restaurer la démocratie et réparer l’injustice faite aux Nordistes», les promouvoir en les nommant ministres, généraux ou préfets de région, alors qu’on avait au départ nié tout lien avec eux est un vrai et grave mensonge. Un autre acteur a menti en se glorifiant d’avoir sauvé le pays de «la tyrannie». Il va sans dire qu’un pays ne peut se réconcilier avec les mensonges de ce genre. Ce qu’il faut, ce n’est pas que chaque acteur se lance dans des justifications sans tête ni queue, mais qu’il puisse assumer ses actes en avouant le mal qu’il a fait aux autres acteurs (promesses non tenues, tentatives de coups d’État, coup d’État, tentative d’assassinat, etc.) et au pays. Pourquoi est-il important d’admettre sa responsabilité dans les différentes crises, de confesser ses fautes et de demander pardon? Cela apaise la colère des victimes, désamorce toute envie de vengeance et fait baisser la tension dans le pays.

    La réparation des torts
    La réconciliation est impossible aussi longtemps que les coupables sont gros et dodus, un leurre aussi longtemps qu’ils prospèrent et se la coulent douce, une utopie aussi longtemps qu’ils ne font rien pour les victimes qui ont tout perdu et sont désormais aux prises avec une misère déshumanisante. Elle est «une sinistre plaisanterie» et une vaste escroquerie si ceux qui ont fait du tort à autrui (confiscation de maisons, de terrains, de véhicules, etc.) et à l’État ne posent aucun acte de réparation. Je propose donc que les indemnisations ne viennent pas uniquement de l’État. Ceux qui se sont enrichis pendant les dix années de crise en cassant des banques, en accaparant les biens d’autrui ou en tirant profit de l’exploitation de l’or, du cacao, du café, du bois, du coton et des diamants doivent aussi mettre la main à la poche. Ils doivent agir comme le chef des publicains Zachée qui, transformé par sa rencontre avec Jésus, promit de donner aux pauvres la moitié de ses biens et de rendre le quadruple aux personnes qu’il avait lésées (Luc 19, 8).
    La reconnaissance des fautes et la réparation des torts peuvent faciliter le pardon et la réconciliation. Elles peuvent incliner telle ou telle victime à faire la paix avec son bourreau. Je dis bien «telle ou telle victime», car le pardon ne peut être imposé à tout le monde. Chacun y va à son rythme, l’accorde quand il sent qu’il est prêt à le faire car toutes les victimes n’ont pas connu les mêmes souffrances.

    Tous les crimes et atrocités seront-ils pardonnés? Ne subsistera-t-il pas ce que le philosophe Vladimir Jankélévitch (1903-1985) appelle «l’impardonnable» (cf. ‘L’imprescriptible’, Paris, Éditions le Pavillon, 1971)? Les problèmes de fond seront-ils réglés par le Dialogue national préconisé par l’ex-président Henri Konan Bédié, s’il a lieu? L’Américain Rick Warren fait une distinction entre réconciliation et résolution. Pour lui, «la réconciliation met l’accent sur la relation, tandis que la résolution se concentre sur le problème». Il ajoute: «lorsque nous nous concentrons sur la réconciliation, le problème perd de son importance et devient souvent inutile. Nous pouvons rétablir une relation, même lorsque nous ne sommes pas en mesure de résoudre nos différends. Cela ne signifie pas que vous renoncez à trouver une solution. Vous devrez peut-être continuer à discuter et même à débattre, mais vous le faites dans un esprit d’harmonie. La réconciliation signifie que vous enterrez la hache de guerre, pas nécessairement le problème».

    Nous avons commencé par dire que, si l’on parle de réconciliation nationale, c’est précisément parce que l’affaire concerne toute la nation et non quatre ou cinq personnes. Nous avons ensuite montré que cette réconciliation nationale, pour réussir, ne peut pas faire l’économie de la vérité, de la justice, de la sincérité, de la reconnaissance des fautes et de la réparation des torts. Quoique nécessaires, ces ingrédients ne suffisent pas pour que la vie soit comme elle était avant 1990, car la réconciliation, après plusieurs crises d’une violence inouïe, prendra du temps et prendra son temps. C’est un processus qui demande la patience et la persévérance de ceux qui croient que la patrie renaîtra plus forte et plus unie de ses blessures.

  • Deux cœurs dans la poitrine

    Deux cœurs dans la poitrine

    «Allah n’a pas placé deux cœurs à l’intérieur de l’homme.»

    Coran, sourate 33

    Timba Bema

    On entend souvent dire : « Si on t’explique le Cameroun et tu dis que tu as compris, c’est qu’on ne t’a pas bien expliqué. » Le Camerounais serait donc incompréhensible, y compris pour lui-même. Se placerait-il devant un miroir qu’il ne verrait qu’un épais nuage de fumée grise, où en vain il scruterait les traits d’un visage humain, l’expression de sentiments, d’émotions et pourquoi pas des signes qui le rattacheraient à telle ou telle aire de culture. Cette assertion signale aussi que le Camerounais échappe à tout regard extérieur, attentif, vigilant, incisif. Cette phrase annonce au curieux, à celui qui est avide de connaissance : « Passe ta route, le Camerounais est et demeurera un mystère. » Et si ce dernier insiste, on lui assènera alors : « Le Cameroun c’est le Cameroun. » Phrase sanction.

    Comme un couperet. Parole d’évangile qui ne se discute pas comme le goût de la bière ou la couleur du ciel. On est sommé de reculer, de fuir, de renoncer. On s’enfonce profondément la tête dans le sable ou dans les nuages et l’on y consume son existence sans avoir vraiment perçu que cette insaisissabilité du Camerounais n’est pas naturelle, mais voulue, et dans une certaine mesure organisée. Car, ceci est une bonne nouvelle, pour celui qui s’intéresse à cette humanité singulière, le Camerounais est en réalité très, très facile à comprendre. Pour ce faire, il faut commencer par admettre que dans sa poitrine battent à l’unisson deux cœurs.

     « Deux cœurs ? » J’entends déjà certains s’étonner. Comme pour toute énigme, il faut y regarder de plus près. Les détails parfois infimes révèlent bien souvent la chose. Cette approche est capitale pour appréhender le Camerounais, et donc agir efficacement avec et pour lui. Dans le sens de sa transformation. En fait, le Camerounais n’est pas un ancien colonisé ou encore moins un néo-colonisé, mais un rescapé, un homme, une femme ou un enfant qui a échappé par miracle à la destruction systématique de son monde.

    Il se projette ainsi dans le futur sans aucune sérieuse ambition, sans saisir l’appel urgent de l’histoire à constituer sa nation en puissance, afin que justement son corps lui appartienne et que son destin ne repose plus entre les mains des autres. Oui, un humain comme un pays a besoin de victoires autant qu’il a besoin de manger, de boire et de rêver, il a besoin de victoires sur les autres, mais surtout sur lui-même, pour se construire, pour repousser les champs du possible, pour redéfinir les dimensions du réel. Ces victoires sont encore à venir. En tout cas pas dans un futur immédiat. C’est le moins que l’on puisse dire. Ces victoires ne seront pas données par la providence, encore moins par les grandes puissances, mais seront arrachées des fers et du désespoir par des consciences et surtout des corps camerounais. Alors, que signifie avoir deux cœurs ?

    Bien entendu, le Camerounais n’a pas deux cœurs de chair dans la poitrine. Non. Cela est impossible. Naturellement. Les deux cœurs ici évoquent le double discours : celui du dehors et celui du dedans. Le dedans est l’espace intime, celui des amitiés et des amours, il est aussi celui de la famille, de la tribu. C’est le cadre dans lequel l’individu peut exprimer sans filet sa pensée profonde, ses préjugés. Car, pour lui, cet espace est sécurisé. Le dehors est, à l’opposé, l’espace public au sens large, incluant d’autres individualités issues d’autres terroirs, d’autres tribus ou formes d’appartenance. Mais, ce n’est pas encore l’espace commun. C’est plutôt le lieu d’une cohabitation plus ou moins heureuse.

    Puisque, dans les faits, le Camerounais est maintenu dans son enclos tribal, et c’est à partir de celui-ci qu’il se perçoit dans l’espace public. L’une des premières questions que le Camerounais vous posera est : « Tu es d’où ? » Le reste de la relation dépendra bien sûr de la réponse. Il circule donc constamment entre le dedans et le dehors. Par exemple, lorsqu’il se déclare opposé au tribalisme, il faut comprendre par là qu’il articule un discours pour le dehors, un discours qui à priori n’est pas sujet à contestation. Mais, cette seule affirmation ne suffit pas pour saisir sa position, sans un examen de son discours du dedans.

    Maintenant, on en arrive à la grande question : pourquoi le Camerounais a-t-il deux cœurs ? C’est bien beau de l’énoncer, encore faut-il l’expliquer. Cette question me taraude depuis des années. J’ai essayé de la résoudre par la littérature. Le résultat n’était pas toujours satisfaisant. La réponse, comme dans la plupart des cas, se trouvait sous mes yeux. Dans les pièces éparses collectées au fil de mes lectures, que je ne parvenais pas à assembler. Elle surgira lors de la consultation d’Afin que nul n’oublie de Gaston Donnat, notamment ces pages où il raconte son séjour au Cameroun sous mandat français. Cet enseignant a formé en 1944 un cercle d’études marxistes fréquenté par Jacques Ngom, Charles Assalé et Ruben Um Nyobé, quelques-uns des pionniers du syndicalisme et de la politique. Un passage a retenu toute mon attention. Celui où monsieur Zolo, un instituteur d’origine bulu, lui ouvre son cœur, se met à nu.

    L’auteur en fait le compte rendu en ces termes : « Il avait une conscience parfaite de l’aliénation, de l’injustice, de l’état d’infériorité dont il souffrait. Mais il était résigné ; il avait la certitude que les Camerounais ne pouvaient que subir. Ils avaient en face d’eux une force invincible alors qu’eux-mêmes étaient divisés en ethnies s’opposant les unes aux autres, à la merci des chefs vénaux usant de la délation et tout dévoués à l’administration coloniale. » Et là, ce fut l’illumination ! Une joyeuse illumination ! Je tenais la pensée des Camerounais en 1944, l’année à partir de laquelle ils entrèrent dans la politique moderne, c’est-à-dire hors de l’autorité du chef traditionnel. Les propos de monsieur Zolo illustrent cette défaite constitutive de la conscience camerounaise, qui est le produit de la violence coloniale.

    On en retrouve déjà des traces dans les massacres des Bakoko, des Bankon, des Bakweris et les nombreuses expéditions punitives lancées par les administrateurs coloniaux allemands. On la retrouve aussi dans l’écrasement des leaders politiques comme Lock Priso, Manga Bell, Mpondo Akwa, Um Nyobè, Moumié, Ouandié, pour ne citer que ceux-là. On la retrouve enfin dans l’écrasement de l’élite économique, alors composée des grands planteurs tels que Martin Bema Moulende ou Daniel Siliki Samè. Ce dernier subira les foudres de l’administration française pour son engagement en faveur de l’indépendance du Cameroun dans l’entre-deux-guerres. En 1930, il sera jugé et condamné sous le motif fallacieux d’escroquerie, car il fallait à tout prix cacher à la Société des Nations les vœux des Camerounais quant à leur avenir, puis enfermé à Ngaoundéré où il portera des chaînes sur toute la durée de sa peine. À sa sortie, Siliki Samè avait perdu une bonne partie de ses plantations. Surtout, il était devenu amer vis-à-vis de la politique, conseillant à qui voulait bien l’entendre de s’en éloigner pour sauver sa peau.

    Dans un contexte où il est impossible de changer son futur, où son corps est perpétuellement en danger, le Camerounais ne pense qu’à sa survie, le plus important pour lui étant de rester en vie. C’est donc poussé dans ses derniers retranchements qu’il fabrique un deuxième cœur, il adopte un double discours qui ne cessera d’exister tant que l’État camerounais fonctionnera selon les principes et les modalités d’un état colonial.

    Timba Bema

    Écrivain

  • Monsengwo, le cardinal qui parlait sans peur des souffrances du peuple congolais

    Monsengwo, le cardinal qui parlait sans peur des souffrances du peuple congolais

    Jean-Claude DjerekeLaurent Monsengwo n’était pas qu’un diseur de messes. Il n’était indifférent ni aux souffrances ni aux luttes du peuple congolais pour une société plus juste et plus humaine. S’il n’a jamais été attiré par un poste électif, il était toutefois convaincu que sacerdoce et prophétisme sont indissociables, que le prêtre et l’évêque «ont le droit et le devoir d’exprimer des principes moraux qui gouvernent la vie sociale», que leur bouche doit être «la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche».

    Pour le sociologue et écrivain ivoirien, le décès dans la capitale française du Cardinal Laurent Monsengwo laisse une République Démocratique du Congo orpheline d’un éminent homme d’église, d’un apôtre de la paix et de la réconciliation, et d’un fervent défenseur des faibles, des pauvres et des opprimés.

    Jean-Claude DJEREKE

    Le cardinal Laurent Monsengwo s’est éteint le dimanche 11 juillet 2021. Une semaine plus tôt, il avait été évacué en France, parce que la République démocratique du Congo (RDC), malgré ses immenses matières premières, manque cruellement d’hôpitaux et de centres de santé équipés en matériels médico-techniques. Ce paradoxe est une des choses qui choquaient l’ancien archevêque de Kisangani. Tel le tribun qui mettait son talent de magistrat, d’officier ou de poète au service de la plèbe (le peuple) dans la Rome antique, tel Amos, l’impitoyable pourfendeur des injustices sociales, Monsengwo n’eut jamais peur de parler pour les gens exploités, humiliés ou écrasés, s’inscrivant ainsi dans la continuité des Eugène Kabanga, archevêque de Lubumbashi à qui on doit la fameuse lettre pastorale de 1976 intitulée «Je suis un homme», Bakole Wa Ilunga, archevêque de Kananga et auteur des Chemins de libération ou Joseph-Albert Malula.

    Ce dernier eut en 1972 des démêlés avec Mobutu à cause d’un édito de l’hebdomadaire catholique Afrique chrétienne dans lequel on pouvait lire ceci : «Allons-nous exhumer de la nuit du passé une philosophie africaine originale, qui n’a pu être, si du moins elle a un jour existé, que l’expression d’une situation et d’une vie sociale, à jamais périmées? Notre monde n’étant plus celui de nos ancêtres, leur conception de la vie ne saurait non plus être la nôtre. Que nous ne perdions pas notre temps à bavarder d’une négritude un peu dépassée. Il faut que nous mobilisions toutes nos énergies pour corriger les faiblesses qui freinent notre marche vers l’avenir. Nous ne réussirons pas cela en déterrant les vieilles conceptions de la vie, qui ont fait la faiblesse de nos ancêtres devant la colonisation. Ce n’est pas en ressuscitant une philosophie, que nos déroutes passées ont condamnées, que nous gagnerons les batailles du monde moderne».

    C’était l’affront de trop aux yeux de Mobutu qui prit une série de sanctions contre Malula, ce qui émut de nombreuses personnes parmi lesquelles le cardinal Hyacinthe Thiandoum. Le premier archevêque noir de Dakar disait, entre autres, ceci : «Nous ne pouvons admettre que des fils de l’Afrique, une fois parvenus au pouvoir, commettent des actes que le colonisateur lui-même n’a pas osés. Nous, évêques de l’Afrique, nous ne voulons pas mettre de l’huile sur le feu. Nous faisons appel à Mobutu pour trouver une solution : elle est possible, nous le croyons». Basé dans la capitale sénégalaise, l’hebdomadaire catholique «Afrique nouvelle» estime, pour sa part, que le cardinal Malula est «victime d’une authenticité douteuse».
    Quand Mobutu et l’Église catholique étaient à couteaux tirés, Monsengwo n’était pas encore évêque. Il le deviendra en 1980. Après une année à Inongo, il sera transféré à Kisangani.

    Il y servira d’abord comme auxiliaire (1981-1988), puis comme archevêque (1988-2007). «Patron» de l’archidiocèse de Kisangani, il donne régulièrement son avis sur la gestion et la marche du pays. Sa pondération et son calme séduisent plusieurs Congolais. Toutes ces raisons ont probablement pesé pour que ses compatriotes lui confient en 1991 la présidence de la Conférence nationale souveraine (CNS). Il dirigera ensuite le Parlement de transition. Pour certains Congolais, si cette transition a échoué, c’est uniquement à cause de l’intransigeance du Premier ministre Étienne Tshisekedi. D’autres considèrent que le prélat commit une erreur majeure en voulant coûte que coûte impliquer dans la sortie de crise Mobutu, alors que ce dernier, affaibli et vomi par le peuple, s’était retiré dans son village. Sa mauvaise lecture de la situation, sa naïveté et son inexpérience en politique permirent au vieux renard de Gbadolite de reprendre la main, ajoutent-ils.

    Tel le tribun qui mettait son talent de magistrat, d’officier ou de poète au service de la plèbe (le peuple) dans la Rome antique, tel Amos, l’impitoyable pourfendeur des injustices sociales, Monsengwo n’eut jamais peur de parler pour les gens exploités, humiliés ou écrasés, s’inscrivant ainsi dans la continuité des Eugène Kabanga, archevêque de Lubumbashi à qui on doit la fameuse lettre pastorale de 1976 intitulée «Je suis un homme», Bakole Wa Ilunga, archevêque de Kananga et auteur des «Chemins de libération» ou Joseph-Albert Malula.

    Ce qui est certain, c’est que Laurent Monsengwo tombe en disgrâce après la CNS. C’est en 1997 qu’il sortira de son silence. Arrivé au pouvoir avec l’aide de l’Ouganda et du Rwanda, Laurent-Désiré Kabila ne tarde pas à se comporter comme Mobutu. Monsengwo monte au créneau pour fustiger ses excentricités. En 2011, il conteste l’élection de Kabila fils. 5 ans plus tard, Kabila, qui a achevé ses deux mandats à la tête du pays, veut rempiler. La réponse de Laurent Monsengwo ne se fait pas attendre. Au cours de la messe de minuit du 24 décembre 2016, il parle de «temps révolu où l’on cherchait à conserver le pouvoir par les armes, en tuant son peuple».

    Décembre 2017 : Joseph Kabila n’a pas abandonné son diabolique projet de se maintenir au pouvoir alors que la constitution congolaise le lui interdit. Fera-t-il un passage en force? Le pays retient son souffle, l’opposition est muette. Monsengwo profite de la messe du 2 janvier 2018 pour faire connaître son point de vue. «Il est temps que les médiocres dégagent et que règnent la paix et la justice en RDC», tonne-t-il avant d’ajouter : «comment ferons-nous confiance à des dirigeants incapables de protéger la population, de garantir la paix, la justice, l’amour du peuple? Comment ferons-nous confiance à des dirigeants qui bafouent la liberté religieuse du peuple, liberté religieuse qui est le fondement de toutes les libertés»? Le peuple congolais jubile. Les partisans de Kabila, eux, sont en colère contre ce cardinal qu’ils soupçonnent de vouloir diriger le pays.

    Conquête du pouvoir politique?
    Mais Monsengwo était-il vraiment intéressé par la conquête et l’exercice du pouvoir temporel? Lui qui était cultivé et informé, pouvait-il ignorer que l’Église «interdit aux clercs de remplir les charges publiques qui comportent une participation à l’exercice du pouvoir civil»? Pouvait-il ne pas savoir que «le prêtre, serviteur de l’Église, qui par son universalité et sa catholicité ne peut se lier à aucune contingence historique, se tiendra au-dessus de tout parti politique, ne peut pas prendre une part active dans des partis politiques ou dans la direction d’associations syndicales»? N’avait-il jamais appris que «ces fonctions, tout en étant bonnes en elles-mêmes, sont toutefois étrangères à l’état clérical, puisqu’elles peuvent constituer un grave danger de rupture de la communion ecclésiale»?

    Si «la construction politique et l’organisation de la vie sociale [incombent uniquement aux] fidèles laïcs, agissant de leur propre initiative avec leurs concitoyens», pourquoi Mgr Monsengwo dirigea-t-il la CNS et le Parlement de transition? Il le fit parce que, d’une part, c’était en réponse à l’appel de la Nation et, d’autre part, parce que le Vatican l’autorisa à le faire pour un temps limité. Mgr Isidore de Souza (Bénin), Mgr Ernest Kombo (Congo-Brazzaville), Mgr Basile Mvé (Gabon) et Mgr Philippe Fanoko Kpodzro (Togo) bénéficièrent de la même autorisation.

    Comme on peut le voir, Laurent Monsengwo n’était pas qu’un diseur de messes. Il n’était indifférent ni aux souffrances ni aux luttes du peuple congolais pour une société plus juste et plus humaine. S’il n’a jamais été attiré par un poste électif, il était toutefois convaincu que sacerdoce et prophétisme sont indissociables, que le prêtre et l’évêque «ont le droit et le devoir d’exprimer des principes moraux qui gouvernent la vie sociale», que leur bouche doit être «la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche», que leur rôle est de veiller sur la communauté, veiller à ce que celle-ci ne devienne pas une jungle et que la meilleure manière, pour les clercs, de contribuer à la bonne marche et à la stabilité de la Cité, c’est de combattre, par la dénonciation, les injustices sociales, économiques ou politiques.

  • Mme Minette Libom Li Likeng : Une page significative de l’intégration numérique sous- régionale vient de s’écrire

    Mme Minette Libom Li Likeng : Une page significative de l’intégration numérique sous- régionale vient de s’écrire

    La ministre camerounaise des postes et télécommunications a participé le 15 juillet dernier à Bitam à la cérémonie d’inauguration de l’interconnexion des réseaux de transmission numérique entre le Cameroun et le Gabon. Une initiative dans le cadre de la mise en oeuvre du projet Central Backbonne ( CAB), qui vise à doter les pays de la sous-region d’un réseau de fibre optique sécurisé et interconnecté, en vue de maximer la fluidifier des échanges de biens et services entre les pays de la sous région.  Lire l’intégralité de son discours prononcé en présence de ses homologues gabonais et equato- guinéen.

     

    Monsieur le Ministre d’Etat, Ministre de la Communication et de l’Economie Numérique de la République Gabonaise

    Monsieur le Ministre en charge des Télécommunications de la République de Guinée Équatoriale

     Monsieur le Représentant de Zone de l’UIT pour l’Afrique Centrale et Madagascar 

    Excellence Mme l’Ambassadeur du Cameroun en République Gabonaise

    Mesdames et Messieurs les Membres du Corps Diplomatique 

    Monsieur le Secrétaire Permanant de l’Association des Régulateurs des Télécommunications d’Afrique Centrale

     

    Excellences, Mesdames et Messieurs en vos Rangs, Grades et Qualités respectives.

     C’est un réel honneur pour moi de m’adresser à vous ce jour, à l’occasion de la cérémonie officielle d’inauguration de l’interconnexion des réseaux de transmission numérique entre la République du Cameroun et la République Gabonaise.

    Cette cérémonie mémorable, qui se tient ce 15 juillet 2021 à Meyo- Kyè (Bitam) au Gabon, est l’aboutissement d’un processus engagé depuis deux ans, pour l’interconnexion numérique et physique entre nos deux pays, à l’effet d’une mutualisation de l’accès à l’infrastructure haut débit, et par conséquent, de l’amélioration conséquente du partage d’informations et de données.

    C’est donc une avancée importante dans le processus d’intégration numérique entre le Cameroun et le Gabon.

    Aussi, je voudrais, avant de poursuivre mon propos, exprimer ma profonde gratitude à mon frère, Monsieur le Ministre d’Etat, Ministre de la Communication et de l’Economie numérique de la République Gabonaise, pour l’accueil chaleureux qui m’a été réservé, ainsi qu’à toute la délégation qui m’accompagne.

    Je voudrais ensuite dire combien je suis sensible aux paroles aimables prononcées à l’endroit du Gouvernement camerounais,  ainsi qu’à l’hospitalité offerte à la délégation camerounaise.

    Monsieur le Ministre et cher frère, grâce à votre hospitalité, nous nous sentons chez nous à Bitam, au Gabon.

    A toutes les personnalités ainsi qu’à vous tous ici présents, j’adresse mes très cordiales salutations.

     C’est un sentiment de fierté qui m’habite en ce moment même, où une page significative de l’intégration numérique sous régionale est en train de s’écrire, à la faveur de cette inauguration de l’interconnexion des réseaux de transmission numérique entre le Cameroun et le Gabon.

    Distinguées personnalités

    Mesdames et Messieurs.

    La cérémonie qui nous rassemble, rentre dans le cadre de la mise en œuvre du projet Central African Backbone (CAB). Et dans cette optique, les Chefs d’Etats d’Afrique Centrale avaient convenu de doter leurs pays d’un réseau de fibre optique sécurisé et interconnecté, en vue de maximiser la fluidité des échanges de biens et services entre les pays de la sous-région.

    Aussi, dans ce cadre, le Cameroun et le Gabon ont signé le 28 novembre 2019, à Libreville, un protocole d’accord pour l’interconnexion physique de nos deux réseaux à fibre optique.

    Cette cérémonie est d’autant plus importante, qu’elle vient concrétiser l’une des recommandations de la stratégie de l’interconnexion régionale pour l’Afrique, à savoir, mettre en place des systèmes intégrés d’infrastructures de télécommunications fiables, efficaces, et qui sont soutenues, par des politiques numériques d’inter-connectivité harmonisées.

    Ces politiques constituent en effet, des réponses aux enjeux économiques, et surtout aux enjeux sociétaux et écologiques, qui se posent en termes d’appropriation de l’évolution technologique, d’industrialisation, somme toute, en termes de développement harmonieux, intégré et maîtrisé de nos pays.

    Leur  mise en œuvre, j’en suis convaincue, exige la mutualisation et le partage de nos expériences.

    Car, c’est en avançant ensemble, dans un processus d’intégration sous régionale via le numérique, que nous allons y parvenir.

    Excellences, Mesdames et Messieurs,

    Les infrastructures de haut débit, qui permettent le transfert de données à grande vitesse, sont  inextricablement liées à l’apparition de l’Internet, comme outil de connaissance utile, pour traiter les problèmes de développement durable.

    Elles favorisent l’échange de contenus et sont de ce fait, étroitement liées au remodelage de l’économie de l’information, et à la transition vers une société du savoir dans nos régions.

    Les infrastructures de haut débit se sont révélées très efficaces dans la transmission d’informations.

    Leur déploiement s’est amplifié, en offrant de nouvelles opportunités dans les domaines liés à la santé, l’éducation, les services bancaires et l’administration en ligne, le réseautage social et la téléphonie par Internet.

    Dès lors, ces infrastructures constituent un lien essentiel entre les fournisseurs des services, à savoir les Petites et Moyennes Entreprises du numérique, les entreprises commerciales, les administrations publiques, et la créativité développée autour des sociétés du savoir interconnectées.

    Les États africains en construction sont confrontés en même temps aux défis de la mondialisation, caractérisée par l’affaiblissement des frontières et par l’intensification des mouvements transnationaux.

    Ces derniers, vus comme moteurs du développement, et grâce à l’infrastructure TIC, sont facilités par l’intégration régionale.

    Cependant, malgré les nouvelles perspectives numériques dégagées par la révolution des technologies de l’information et de la communication (TIC), notre sous-région reste confrontée à des faiblesses liées à l’accès à l’Internet haut débit, fixe et mobile, technologies à l’avant-garde même de la transition digitale de nos sociétés.

    Excellence Mesdames et Messieurs 

    Dans tous les pays du monde, l’accès au numérique favorise une croissance du PIB (Produit intérieur brut). Les technologies numériques font évoluer l’économie et influent sur le développement, grâce également à leur effet multiplicateur sur la création d’emplois, notamment pour les jeunes.

    Dans les pays développés, le secteur des T.I.C, parce qu’il est aujourd’hui au cœur de la croissance et de la compétitivité, est l’un des plus dynamiques de l’économie.

            Dans les pays du Sud, encore quelque peu sous le joug de la fracture numérique, l’appropriation et la maîtrise des TIC constituent un préalable indispensable, pour amorcer un saut qualitatif vers la voie du développement.

    Des initiatives nationales et régionales sont à cet effet prises, visant à faire de l’Afrique un continent mieux connecté. Des  grands chantiers sur les plans institutionnel, réglementaire et infrastructurel sont engagés pour la transformation digitale du continent.

    C’est dire que l’économie numérique évolue à un rythme rapide mais très variable.

    Pour qu’aucun pays ne soit laissé à l’écart, le renforcement de  la coopération sous-régionale est nécessaire, en vue d’une mutualisation des efforts de développement des infrastructures d’accès au numérique.

    Il est clair que nos économies, qui sont à bien des égards complémentaires, bénéficieront d’un rapprochement des pays de la sous-région.

    En ce qui concerne le Cameroun, Son Excellence Paul Biya, Président de la République du Cameroun, a fait de l’économie numérique la clé de voute de notre révolution économique.

    Et dans les messages présidentiels de ces  dernières années, une constance se dégage: l’appel à rattraper le retard du pays dans le développement de l’économie numérique.

    Dans ce contexte mondial marqué par la mutation vers le « tout numérique », le Cameroun a fait du développement de cette «nouvelle économie», celle dite numérique, une priorité de son programme, pour l’atteinte de son émergence.

    Deux discours successifs du Chef de l’Etat camerounais marquent le début de cette ambition numérique. Un Message à la Nation d’abord, le 31  décembre 2015 et un Message à la jeunesse, le 10 février 2016. Dans les deux adresses, une même constance : l’impérieuse nécessité pour la génération de jeunes camerounais d’aujourd’hui, d’embrasser pleinement ce secteur d’activités, véritable « défi historique pour le devenir de la nation ».

    Dans l’adresse du 10 février 2016, spécifiquement, le Président Paul BIYA définit clairement la feuille de route pour le développement de l’économie numérique (je cite) « le gouvernement devra poursuivre avec méthode et efficacité la mise en place d’une infrastructure adéquate mais aussi l’assainissement et la bonne régulation de ce secteur clé, dans l’intérêt de l’économie nationale et du développement de l’emploi-jeune ; les instituts de formation, publics ou privés, sont appelés à jouer leur rôle pleinement : ils doivent identifier les métiers nouveaux et adapter leurs programmes en conséquence ; les grandes entreprises et autres structures, publiques comme privées, sont appelées à donner l’exemple, en procédant progressivement à leur propre mutation numérique ; les institutions financières trouveront certainement leur intérêt à développer des programmes spécifiques, pour soutenir les projets portés par les jeunes dans cette nouvelle économie : c’est au prix d’un tel engagement collectif que nous allons gagner le pari d’une transition numérique réussie » 

    En droite ligne de cette Vision présidentielle, une Stratégie de développement de l’économie numérique  a été adoptée avec comme principaux piliers : le développement de l’offre de produits numériques, le renforcement de la demande, la promotion de la régulation et de la gouvernance.

    Pour ce qui est spécifiquement des infrastructures de Télécommunications et TIC, la Stratégie du Gouvernement camerounais vise à assurer l’accès pour tous, aux services de communications électroniques et, sur toute l’étendue du territoire national, à des coûts abordables, à travers la densification de l’infrastructure d’accès ; l’extension du réseau dorsal national en fibre optique (Backbone) ; et la multiplication des voies d’accès à l’international par le déploiement de câbles sous-marins.

    Dans le cadre de la mise en œuvre de cette Stratégie, de grands chantiers devant conduire le pays vers son émergence numérique ont été engagés.

    Aussi, le réseau de transmission du Cameroun qui s’interconnecte désormais avec celui du Gabon comprend t-il, un backbone national à fibres optiques d’un linéaire de près de 15 000 Km.

    Les câbles déployés comprennent : 18, 24, 48 et 96 brins.

    En termes de couverture, les dix Chefs-lieux de Régions, 51 sur 58 Départements, et 209 sur 360 Arrondissements sont aujourd’hui desservis.

    Nous ne le dirons jamais assez, le numérique joue un rôle de véritable catalyseur pour l’intégration sous-régionale dans les domaines économique et social. C’est pour cela que nos deux nos Gouvernements, doivent mettre en place des politiques et stratégies idoines favorisant la coordination des infrastructures communes d’intégration, afin de concrétiser  la volonté de coopération  de nos Chefs d’Etat respectifs.

    Monsieur le Ministre d’Etat, Ministre de la Communication et de l’Economie Numérique de la République Gabonaise

     Monsieur le Ministre en charge des Télécommunications de la République de Guinée Equatoriale

     Monsieur le Représentant de Zone de l’UIT pour l’Afrique Centrale et Madagascar 

    Excellence Mme l’Ambassadeur du Cameroun en République Gabonaise

    Mesdames et Messieurs les Membres du Corps Diplomatique 

    Monsieur le Secrétaire Permanant de l’Association des Régulateurs des Télécommunications d’Afrique Centrale

     Excellences, Mesdames et Messieurs en vos Rangs, Grades et Qualités respectives.

     La cérémonie qui nous rassemble ce jour est le signe de la volonté des gouvernements camerounais et gabonais de faire de l’interconnexion numérique, un levier de coopération pour le développement numérique dans nos deux pays.

     Il y a lieu de rappeler qu’à l’occasion de la Conférence Sous-Régionale sur le développement de l’économie numérique pour les pays d’Afrique centrale, qui s’est  tenue au Palais des Congrès de Yaoundé, du 23 au 25 mai 2018, il avait été recommandé entre autres les actions suivantes : L’adoption d’une vision intégrée des Etats sur le numérique ainsi que le développement d’une infrastructure d’interconnexion sous-régionale de qualité.

    En date du 24 juillet 2019 les Ministres des Télécommunications et de l’Economie numérique du Cameroun et du Gabon se sont  retrouvés à Yaoundé, pour adopter, de manière consensuelle, un projet de Mémorandum d’Entente, lequel a été signé de manière solennelle à Libreville le  28 novembre 2019.

    Cet important document, qui a fixé le cadre général d’une coopération entre nos deux Etats en matière d’interconnexion des réseaux de transmission numérique, portait sur quatre (04) principaux axes:

    • l’interconnexion physique et logique des réseaux à fibre optique du Gabon et du Cameroun ;
    • la coordination des circuits et de la bande passante pour l’acheminement du trafic entre les deux réseaux ;
    • l’offre mutuelle des voies de restauration pour la sécurisation des communications des deux réseaux ;
    • la mise en œuvre des projets d’intégration de la sous- région Afrique Centrale.

    Nous nous félicitons donc de l’aboutissement, au prix de nombreux efforts, de cette coopération numérique entre nos deux Etats, qui contribuera sans aucun doute à l’édification d’une intégration durable dans notre sous-région, à travers les TICs.

    Je ne saurai terminer, sans témoigner la reconnaissance du Gouvernement Camerounais au pays hôte, frère et ami, la République Gabonaise, qui a bien voulu accepter d’abriter cette cérémonie.

    Les mêmes sentiments de gratitude vont à l’endroit de Monsieur le Représentant de Zone de l’UIT pour l’Afrique Centrale et Madagascar, ainsi qu’à Monsieur le Secrétaire Permanant de l’Association des Régulateurs des Télécommunications d’Afrique Centrale, pour leur accompagnement constant en vue du développement du numérique en Afrique Centrale.

    L’interconnexion des réseaux que nous inaugurons ce jour, parce qu’elle permettra l’acheminement direct et fluide des communications électroniques entre les deux pays, et ce à des coûts compétitifs, contribuera à n’en point douter à accélérer la transformation digitale de nos pays.

    Je reste persuadée que, grâce à ces raccords de connexion, nos deux pays sont prêts à faire face aux mutations sociétales entrainées par le numérique.

    Il ne me reste plus qu’à lancer un appel, aux opérateurs en charge de l’exploitation et de la maintenance des réseaux fibres optiques, afin qu’ils garantissent un accès non discriminatoire à l’ensemble de tous les autres opérateurs, ainsi qu’une disponibilité continue des communications électroniques, bien entendu dans le respect des règlements en vigueur dans les deux pays.

    Pour que 

    Vive l’Economie numérique au Cameroun et au Gabon,

    Vive l’intégration numérique sous-régionale,

    Vive la coopération Cameroun-Gabon,

    Je vous remercie pour votre bienveillante attention !

  • Laurent et Simone, gardons-nous de les brûler !

    Laurent et Simone, gardons-nous de les brûler !

    Ces Camerounais souhaitaient voir, ce jour-là, Laurent et Simone célébrer ensemble leur victoire sur l’impérialisme français et ses agents locaux. Ils souhaitaient les voir, la main dans la main et entourés de leurs enfants. Ils souhaitaient les voir unis comme Winnie et Nelson Mandela l’étaient le 11 février 1990 après que le héros du combat contre l’apartheid eut quitté la prison de Victor Verster.

    En s’invitant au débat en cours en Côte d’Ivoire et au Cameroun sur le divorce entre l’ancien chef de l’État ivoirien et l’ex-Première Dame, le sociologue et écrivain ivoirien joue la carte de la raison et désigne l’impérialisme français en Afrique comme la seule et véritable cible.

    Jean-Claude Djereke

    Il y a quelques jours, un compatriote m’a appelé de Douala, la capitale économique du Cameroun. Ce pays et la Côte d’Ivoire étaient au centre de notre conversation, ce que l’on peut aisément comprendre au regard du soutien franc et massif apporté par les Camerounais aux Ivoiriens sitôt après que Laurent Gbagbo et son épouse furent bombardés avec parents, collaborateurs et amis dans la résidence présidentielle par les forces françaises.
    Au cas où certaines personnes ne le sauraient pas, le Cameroun fut, lui aussi, bombardé mais au napalm et les responsables de l’Union des populations du Cameroun (UPC) qui militaient pour une indépendance immédiate et réelle furent assassinés et humiliés par la même France entre 1956 et 1958 (cf. Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa, ‘La guerre du Cameroun’, Paris, La Découverte, 2016). Des crimes contre l’humanité aussi inexcusables que les massacres de Sétif et Guelma (Algérie) en 1945, aussi impardonnables que les tueries de l’hôtel Ivoire (2004), de Guitrozon, Nahibly, Duékoué, Adébem et Anonkoua Kouté (2010-2011). Il convient d’avoir cela à l’esprit pour comprendre pourquoi le Cameroun est le pays d’Afrique subsaharienne qui se sentit le plus proche des Ivoiriens pendant leur traversée du désert.

    Le compatriote me disait que les Camerounais étaient très déçus de Laurent et très remontés contre lui, non à cause de son désir de se séparer de Simone, car on ne peut obliger un homme à rester avec une femme pour qui il ne ressent plus rien. Mais parce qu’il avait raté un important rendez-vous avec l’Histoire, le 17 juin 2021. Ces Camerounais souhaitaient voir, ce jour-là, Laurent et Simone célébrer ensemble leur victoire sur l’impérialisme français et ses agents locaux. Ils souhaitaient les voir, la main dans la main et entourés de leurs enfants. Ils souhaitaient les voir unis comme Winnie et Nelson Mandela l’étaient le 11 février 1990 après que le héros du combat contre l’apartheid eut quitté la prison de Victor Verster. Ils souhaitaient qu’ils tiennent à la Côte d’Ivoire et à l’Afrique combattantes le discours suivant : «L’ennemi, qui s’est toujours acoquiné avec les larbins et pantins, a tenté de nous liquider.

    Il nous a humiliés et brutalisés en mondovision. Il nous a ensuite jetés en prison, mais Dieu a permis que nous revenions de cet enfer, parce que la cause que nous défendions était juste, parce qu’Il n’abandonne pas ceux qui se battent pour la justice et la liberté, parce que lutter pour que les Africains soient maîtres de leur destin et de leurs richesses n’est pas un crime. Vous avez prié et pleuré pour nous. Certains d’entre vous ont tout perdu à cause de nous. D’autres ne sont plus de ce monde à cause de nous. Vivants, libres et debout, nous sommes devant vous aujourd’hui pour fêter avec vous cette victoire sur l’impérialisme, victoire à laquelle chacun de vous a contribué. Nous sommes devant vous pour vous remercier pour votre soutien, pour les sacrifices que chacun a consentis, pour les souffrances endurées. Avec vous, nous voulons continuer le combat pour une Afrique libre et souveraine. Avec vous, nous voulons trouver les moyens et stratégies qui nous permettront de venir à bout de la Françafrique».

    Les supporteurs de Laurent et Simone croient dur comme fer qu’un tel discours aurait redonné espoir et confiance à tous les Africains qui ne tolèrent pas que l’Afrique dite francophone soit dans une situation peu reluisante malgré ses nombreuses ressources humaines, minières et énergétiques, que ce discours leur aurait fait du bien et qu’il les aurait galvanisés pour la suite de la lutte.

    Ils n’ont pas aimé la médiatisation de la demande de divorce, ni la célérité avec laquelle cette demande fut introduite. Pour eux, Laurent pouvait prendre son temps comme Nelson qui rompit avec Winnie deux ans après sa libération. Ce qu’ils désirent, c’est que Laurent et Simone puissent continuer à militer pour la même cause. Ce qu’ils déplorent, ces sympathisants camerounais de Laurent et Simone, c’est l’inélégance de Laurent, une inélégance que Laurent lui-même avait reprochée à Ouattara.

    Les médias français font des gorges chaudes de «la petite femme» de Laurent. Or les Africains n’ont pas oublié les frasques de Mitterrand, Chirac, Clinton, Sarkozy, Hollande. Ils se disent qu’ils n’ont pas de leçons à recevoir dans ce domaine, que jamais un peuple n’a suivi un leader parfait et que ce qui intéresse le peuple avant tout, c’est la vision du leader et comment ce dernier compte atteindre l’objectif qu’il s’est assigné.

    Ce qu’ils redoutent, c’est l’implosion du Front populaire ivoirien (FPI) car Simone a du monde derrière elle et nul ne sait quelle pourrait être la réaction de ses partisans si elle venait à être davantage humiliée. Certains ont beau dire que Simone est trop dure, qu’elle en fait à sa tête ou que c’est elle qui a mis son mari dans les problèmes, il est difficile de croire que la seconde vice-présidente du parti n’a pas joué un grand rôle dans le basculement du Sud-Est du pays au FPI en 2000 et 2010. Bref, nos amis camerounais préconisent que Laurent s’entoure de personnes sages et qu’il ne prenne aucune initiative à l’avenir sans avoir consulté ces personnes.

    Parole aux Camerounais
    Si les frères camerounais estiment que Laurent est allé trop vite en besogne et qu’il aurait dû y mettre la manière, ils s’abstiennent toutefois de déverser sur lui un tombereau d’injures. Et c’est une des choses qui les distinguent de certains Ivoiriens qui ne se privent pas de donner des noms d’oiseaux à celui dont ils ont embrassé le combat et pour qui ils se sont mobilisés et sacrifiés entre 2011 et 2021. Ces personnes, qui hier battaient le pavé ici ou là parce qu’elles trouvaient injuste que soit déporté et emprisonné un homme qui avait repris le combat des Um Nyobè, Félix Moumié, Modibo Keïta, Patrice Lumumba, Sékou Touré, Kwame Nkrumah, Sylvanus Olympio, Amilcar Cabral, Agostino Neto, Thomas Sankara et autres, ne tolèrent pas que Laurent traite injustement une femme qui depuis plusieurs décennies mène avec lui le combat pour une Afrique libre, respectée et souveraine.

    L’inélégance de Laurent et la rapidité avec laquelle il demanda le divorce les mettent en colère. Mais cette légitime colère ne peut-elle pas s’exprimer autrement que par des injures? Ma position est celle-ci : il est possible de s’indigner sans verser dans les invectives, on peut désapprouver tel geste ou tel discours de Laurent sans nier tout ce qu’il a fait et enduré pour la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui plus que jamais, nous devrions donc adhérer à l’expression «il faut savoir raison garder» qui aurait été forgée par le philosophe grec Aristote pour ne pas faire le jeu de l’ennemi sonné par l’acquittement du 31 mars 2021 et prêt à utiliser nos contradictions internes pour rebondir.

    Il n’y a pas pire attitude à l’égard d’un chef que de vouloir justifier tout ce qu’il dit et fait. Ce n’est ni l’aimer ni lui rendre service que de fermer les yeux sur ses fautes et maladresses. Pour moi, Laurent s’est lourdement trompé en nous offrant un spectacle pitoyable le 17 juin, en parlant de divorce 4 jours après son retour en Côte d’Ivoire et en mettant l’affaire sur la place publique. Simone a pu commettre, elle aussi, des fautes. Certaines personnes fustigent son autoritarisme, son entêtement et sa tendance à mélanger religion et politique.

    Si les deux méritent, pour cela, d’être convoqués sous l’arbre à palabre, convoquons-les et faisons-leur des remontrances le cas échéant, mais, de grâce, ne les brûlons pas, ne les jetons pas si vite dans la poubelle car rien ne prouve pour le moment qu’ils ont trahi la lutte ou qu’ils sont fatigués de combattre. La cible de cette lutte, ce n’est ni Simone ni Laurent mais la France qui a échoué à soumettre ces deux grands combattants et qui a profité de leur emprisonnement pour saigner et défigurer la Côte d’Ivoire.

    Les médias français font des gorges chaudes de «la petite femme» de Laurent. Or les Africains n’ont pas oublié les frasques de Mitterrand, Chirac, Clinton, Sarkozy, Hollande. Ils se disent qu’ils n’ont pas de leçons à recevoir dans ce domaine, que jamais un peuple n’a suivi un leader parfait et que ce qui intéresse le peuple avant tout, c’est la vision du leader et comment ce dernier compte atteindre l’objectif qu’il s’est assigné.

    Beaucoup espèrent que l’irréparable ne se produira pas. Si le divorce devait intervenir malgré les tentatives de conciliation, je préférerais que Laurent et Simone continuent de s’investir dans le parti qu’ils ont créé avec Émile Boga Doudou, Pascal Dago Kokora et Sangaré Abou Drahamane. Ils suivraient ainsi l’exemple de François Hollande et Ségolène Royal, de Nelson et Winnie Mandela qui, quoique ne vivant plus sous le même toit, ne partirent jamais du PS ou de l’ANC. Laurent et Simone ont encore des choses et de belles choses à donner à l’Afrique, à leur pays et à leur parti. Quel rôle doivent-ils jouer désormais? Eux seuls dans un FPI réconcilié peuvent le dire.

  • Appel n°2 de NGOG LITUBA : MOSES, Let my people go!

    Appel n°2 de NGOG LITUBA : MOSES, Let my people go!

    18 années après son tout premier Appel remontant au 03 septembre 2003, paru en page 15 du quotidien “Mutations”, qui conviait les Citoyen(ne)s à bien vouloir “sortir de la servitude imposée sur eux par le régime Biya”, Dr. Daniel Boo estime, dans ce second Appel, que le Président Biya qui, à l’instar de Moise, est arrivé au pouvoir en 1982, se trouve, en 2021, totalement à bout de ses ressources physico-intellectuelles!

    Aussi, devrait-il, par conséquent, logiquement laisser au peuple de son pays, l’opportunité de “négocier une autre piste de son processus du Développement”…  

    L’écrivain, ex-secrétaire du colloque historique ayant regroupé les plus éminents intellectuels anglophones et francophones, organisé du 13 au 14 septembre 1995 par le Forum Cameroun 2000 du Pr. Henri Hogbe Nlénd au Hilton Hôtel de Yao (Cmr237), sous le Thème: “la question anglophone et l’avenir constitutionnel du Cameroun”, regrette que les slogans de ce régime aient graduellement plongé le pays dans l’inertie, la corruption et bien d’autres vices…

    Et, avec les 5 années de crise anglophone, c’est le “berceau de nos ancêtres” qui fonce délibérément vers sa pire catastrophe, en effet, sous l’apathie collective, la désespérante, des Camerounais(e)s, dans leur indéfendable “sommeil mortuaire au premier banc”…

    (Un mot sur le style de cette livraison): «son de cloche» dissonant à certaine kyrielle, plus que récurrente, de «motions malodorantes» : la piètre monotonie des fameux «considérants»!, ridicules laïus, les insipides – que personne ne lit du tout!

    Rédigés sur commande, en bureaux climatisés, puis, théoriquement signés par telle liste constituée (et oblique)… d’idiots alimentaires : nos mendiants en col blanc, qui, tous, partagent à tout le moins le même ‘rêve ambulant’ de confisquer éternellement et le haut du pavé et les privilèges publics. (Mais, alors, franchement, jusques à quand, Seigneur?)…

    En ce moment précis où l’impunité prospère, froide et tranquille, sous l’inertie managériale, avouée chemin faisant, (en… craquant!), à l’occasion de tel inoubliable discours de fin d’année,

    Attendu que notre présente, l’éprouvante (et plus que longue) Mésaventure sociale du 06 novembre – de ces pestilentielles ur(i)nes d’Aladji sur tout un peuple, ressenties dans notre chair – relève, à proprement parler, de la Violation inconsciente, totalement stupide et d’autant plus réitérée, du délicat génome de notre Etat (1957) : nos Addhn (Armoiries, Devise, Drapeau, Hymne et Nationalité) sortis des fonts baptismaux le 10 mai 1957 (jeudi).

    Spoliation poursuivie, malgré le ‘jet d’éponge’, par tel exceptionnel ‘sursaut de lucidité’, effectif depuis 12 ans, lors du lancement solennel des festivités du Cinquantenaire de l’Enam, daté du 01 décembre 2009 :

    ‘Conversion de Saint Paul’ qui, en son chemin de Damas, s’est ravisé en prônant humblement (et enfin) la correction opportune, d’autant plus impérieuse, dudit errement, le grossier, déjà vieux de… 49 ans (1972), par Retour simple (et brave) à nos Addhn…

    Considérant le développement, effectif depuis 549 ans (1472)!, de nos instincts dévoromaniaques, reconnus à des crustacés, mentalité digestive de certaines… crevettes (en rivière), tendance encouragée, avec effronterie, depuis la recherche si «ardente» des «preuves», jusqu’à cet indéfendable, le refus si durable d’appliquer les dispositions de l’article 66 de la Constitution du 18 janvier 1996, fenêtre permissive, délibérément ouverte à autant de virulents  ‘microbes’!

    Fissure injustifiable, la fatale, qui nous mènera tout droit vers le présent (et suprême) Bouquet final, du grand scandale d’Etat, dénommé covidgate!;

    Attendu que ladite fourberie originelle – tardivement perçue, kai!, à en croire Aladji qui s’en mordit les doigts – en action au pied du mur, depuis sa toute première prestation de serment sous le signe de la ‘rigueur et la moralisation’, promptement transmuée en ‘Renouveau’; puis, en ‘libéralisme communautaire’ – le fort curieux «livre»-là de cet «auteur» spontané qui, auparavant, n’avait jamais ni ‘réfléchi haut’ quelque part en débat ouvert, ni signé, encore moins, rendu public de quelconque article(!); suivi des ‘ambitions’; puis, des ‘réalisations’, et enfin, des ‘opportunités’, les unes, apparemment, plus ‘grandes’ que les autres(!),

    Nomadisme idéologique, à objectif inavoué, consistant à «y durer, rien que pour y durer»!

    Y rester, quoiqu’il en coûte, à ladite mangeoire, quitte à y générer tant d’innombrables nuisances.

    Longévité démesurée, sous cooptation coquine, aux 4 bouts du territoire, de sa poignée de mêmes têtes, en poste, 4 décennies d’affilée.

    ‘Clientèle’ hédoniste constituée des mêmes individus, les gérontocrates, désespérément accrochés auxdits ‘avantages de toute nature’

    Nivellement social au plus bas de l’échelle de tant de générations d’hommes, de femmes et d’enfants du Triangle afro-portugais (1472) de Rudolf (1914); de Ruben (1958); et de Roland F. (1960), revêtus, chemin faisant, de tant de superlatifs (dévalorisants), en leurs rangs, les plus abjects, des plus endettés (et des plus mal gouvernés), et pis même, des plus pauvres (et des plus corrompus!) ;

    Considérant la multiplication des foyers de belligérance meurtrière, qui consomment, plus que bêtement, les précieuses ressources de nos budgets successifs d’investissement public, sous pillages sourds (et aveugles) desdits moyens financiers, allant même jusqu’à subtiliser la tornade entière précitée en dollars covid-19, destinés à protéger les pauvres populations, par ces temps de pandémie;

    Au regard du cynisme de ce pouvoir empesté, exercé sous telle justice qui, d’après un érudit, est «le stade suprême de la sécurité des biens et des personnes» et qui, sous nos tropiques, n’est que rendue en faveur exclusive du plus fort (et payant).

    Justice du «Loup et l’Agneau»…

    Pouvoir démoralisant qui, à l’envi, nous assène, par médias publics interposés, tant de décrets assommants!, instigateur insoupçonné d’autant de réseaux de corruption, pour des rentes viagères à «titres fonciers» établis sur la fortune publique,

    Compte tenu de l’absence de bilan, ni de succès réel sur aucun plan – politique, économique, social et/ou culturel – à l’exception de tel opium, l’anesthésiant, distillé sporadiquement par des résultats sportifs, individuels et/ou collectifs, engrangés en milieu jeune.

    Considérant l’engourdissement manifeste de cette politique des (illisibles) relations extérieures, scandaleusement plombées par la durée indéterminée des mandats de tant d’étranges «doyens» des corps diplomatiques, postés au bout du monde, à mission inavouée d’intendance des fortunes de la coterie au pouvoir, et ce, tandis que le Cameroun est totalement absent, depuis des décennies, des cénacles altiers où se prennent les grandes décisions de la Planète, pis de plus, et que le passeport camerounais ne suscite plus que de l’abjecte méfiance à l’extérieur..

    Dévoiement effectif, sous l’absence remarquée de stratégie prospective de diplomatie efficace…

    En relevant, pis en plus, une telle distance physique, l’inexplicable méfiance de ce Chef envers le peuple-là qu’il gouverne – hommes, femmes et enfants qui, en l’espace de 39 ans, n’ont pas aperçu leur Chef dans plus de 10 localités du Cameroun profond – avec pour conséquences, les résidences secondaires, exotiques, du Chef de l’Etat, disséminées en le pays profond, en décrépitude avancée!

    Considérant l’effondrement de nos locomotives – bancaire, agricole, industrielle, du transport, etc. – sociétés d’Etat hier prospères, pourvoyeuses de nombreux emplois, et des consistantes dividendes, dissoutes, sans la liquidation effective des droits des milliers d’employés ainsi jetés dans la rue, pauvres hères délaissés dans leur misère, et qui, pour la plupart vont mourir sans avoir perçu leur dû,

    Au regard du caractère totalement sinistré et accidentogène du sous-secteur transports, 1. du réseau terrestre, avec le délabrement avancé des chaussées, lorsqu’elles existent du tout, ce à quoi s’ajoute le mauvais état des véhicules, détenteurs, cependant, de fausses visites techniques ; 2. du réseau maritime, quasi-inexistant, alors même qu’abondent des tronçons navigables, cependant jamais explorés, à l’instar de Douala–Edéa-Kribi, et bien d’autres, fluviaux, qui pourraient bien, à diverses échelles, rabaisser nettement  les coûts de transfert des biens et des personnes ; 3. du réseau ferroviaire, en totale décrépitude, avec son bilan fort «éloquent» de zéro mètre de plus, en nouveau rail nullement construit depuis des décennies. Pis, pour autant de tronçons carrément abandonnés pour que des kilomètres de rails soient clandestinement démantelés, puis, vendus sous cape ; 4. du réseau aérien, domaine du bégaiement continu et têtu, avec des aéroports non classés, sinon, carrément menacés de fermeture. Véritable gouffre à sou qui peine tant à exister du tout!…

    A l’observation du sous-secteur eau et énergie qui est d’un autre âge, totalement déficitaire, et ce, en dépit de la densité impressionnante du réseau hydrographique de ce pays qui, aussi paradoxalement que cela soit, est sevré d’eau potable.

    Enfin, pour ce qui est de l’énergie, la base même de tout développement, en effet, de l’épanouissement culturel et/ou socio-économique, les récentes bretelles, publiquement  remontées par nos honorables députés à ce «figuier stérile», en disent exactement ce qu’il conviendrait de dire.

    Soit! Tout cela étant, vu la Démission tacite de ses missions régaliennes, reléguées à des incroyables ‘délégations de signatures’, sous gouvernement non remanié depuis 2018, quelque 3 ans après l’effective ‘redistribution des cartes’, inhérente à toute élection présidentielle, ayant donné sur ce ‘club de football égyptien’, la bien nommée ‘Union récréation’, qui navigue carrément à vue, sans la moindre impulsion initiale, ni aucune coordination en clé de voûte! Avec pour résultat patent, l’érection de chaque Département ministériel en enclave indépendante, autonome à souhait!

    Pour que la récente suppression des cérémonies de présentation des vœux, vienne, en comble de burlesque, retirer même la «poignée de main annuelle»-là qui, encore, faisait office d’unique «lien» formel avec la très haute hiérarchie…

    Au regard du dévoiement fatal de la fonction publique, et ce, depuis les réductions des salaires – opérées directement, tel dimanche soir, en salle machine et à main levée – aux fins de clochardiser, d’un côté, lesdits agents publics, en les obligeant, de l’autre, à se réfugier lâchement, massivement et à leur corps défendant, dans le parti Polichinelle, en tous lieux, si connu!

    Voire, pour les «placer en tas», par relégation, pure et simple, à leur statut (prédestiné) des… crevettes (1472) en rivière, dépourvues de la raison. (Bigre)!,

    Mendiants (non déguisés) des trébuchantes prébendes, confinés, dès l’instant, au service exclusif de ladite chapelle sans âme, dont le culte rituel se réduit à l’amassage inassouvi (et mesquin) des avantages précités de toute nature!

    Au regard, par ailleurs, des beuveries généralisées pour endormir les consciences; et des monceaux d’ordures pour ces mouches-là (qui s’invitent!); du dépotoir de la piteuse brocante-poubelle de l’Occident – antiéconomique; en plus de tant d’impudiques déviances sexuelles (et autres). Dépravation des mœurs, sous la fugue massive des jeunes vers l’extérieur; pis de plus, du ruisseau précité de sang de tant de Camerounais(e)s qui, sur ordre, continue à être délibérément versé par des… Camerounais, notamment, en nos régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, en l’occurrence, de la même manière (et avec les mêmes atrocités) qu’à la période péri-indépendance.

    Considérant la constante, la pontifiante condescendance du conquérant infatué – et non de patriote accessible,

    Fermeture orgueilleuse à tout véritable dialogue politique, susceptible d’apaiser durablement les esprits locaux, pour orienter le pays vers son quelconque (et tout nouveau) Contrat social.

    Compte tenu de tous ces crimes impunis, rituels ou non – assassinats des figures de proue sociales et/ou religieuses, par probable noyade (ou non) – opérés sans la moindre suite au niveau des tribunaux;

    Considérant précisément la non contradiction, ni le moindre démenti à tout ce est dit, pis encore, édité et publié il y a 9 ans, en 2012, aux éditions Khartala à Paris (France). Témoignage littéraire sereinement rédigé en détention par son ancien et très proche collaborateur, Pr. Titus Edzoa, préfacé par Odile Tobner Mongo Beti. Texte de référence qui nous aura révélé les orgies régulières sous macabres exercices à bureaux fermés, pratiques peu orthodoxes ci-après en ce Palais d’Etoudi, à l’effet d’envoûter le peuple, pour le maintenir, ad vitam aeternam, audit pouvoir temporel, à savoir :

    1. Boire tout frais du sang humain ; 2. Pratiquer l’homosexualité ; 3. Consommer la chair humaine faisandée à l’étouffée ; 4. Forniquer avec des cadavres féminins ; 5. Pratiquer des sacrifices humains et autres crimes rituels ; 6. S’abreuver des décoctions hallucinogènes ; etc.

    A la vue, empuantie, de tant de pertes en vies humaines, de tant d’horreurs au Noso que l’on n’ose même plus ni annoncer, ni signaler par voie médiatique, aussi bien parmi les pondérés civils, qu’en les naïfs rangs des dociles militaires, des personnels administratifs, en poste à leur propre… abattoir;

    Face à autant de décapitations, à couteaux saignants, aiguisés à dessein, enregistrées tout au long des 5 horribles années (2016) de l’odieuse guerre civile, stupidement déclenchée en ce Noso,

    Tant de sinistres nuages de brume amoncelés : nos cumulos nimbus-là qui, au fil des jours, progressent, annonçant clairement la catastrophe profilée – quoiqu’évitable encore – à l’horizon si proche de ce Triangle domanial?

    – Dieu!, mais, quel ‘sommeil au premier banc’, apathie collective de l’existence de nous autres, passagers à bord du présent Titanic tropical, prenant de l’eau de toutes parts?,

    Misérables, qui, à bouches cousues, subissons ledit «chaos lent» – pour emprunter l’expression de tel universitaire?

    – Sursautons!, ma foi, mais, franchement, sursautons patriotiquement, bon sang!,

    Pour constater que le maintien aussi têtu de la présence, aussi obstinée, de Monsieur Paul Biya en ce Palais de l’Etat, constitue, aujourd’hui plus qu’hier, la cause originelle de l’intenable Enfer qui ira en s’accentuant chaque jour un peu plus : le vecteur pernicieux de toutes ces regrettables calamités, vécues et/ou à venir. (Tenez)!…

    (Parlons, oui, à ce niveau, parlons un peu plus bas, si vous préférez vraiment!) :

    Albert Einstein, juif allemand, naturalisé américain, l’un des plus grands esprits scientifiques de tous les temps, avait exactement affirmé ce qui suit (cit.) : « faire la même chose tout le temps, en prônant le changement, ne relève que de la pure… folie! (f. de cit.)».

    (Juste Ciel!) : que le «Nnom Ngui» accepte, humblement (et enfin), après ses 4 décennies de voies de fait ininterrompues, de laisser sortir d’Egypte, le Peuple de son Pays, pour qu’il négocie une autre piste de son Développement. L’heure étant plus que propice pour la ‘Rencontre promise’ entre sa vie spirituelle et sa vie matérielle : la construction tant annoncée, si vivement attendue, de la Cathédrale/Mosquée/Temple (Cmt) où chacun des millions de Citoyen(ne)s – de cet Etat (1957) du Travail (1957) de la grande Histoire du Martyrium du Triumvirat pivotant R3: Rudolf (1914); Ruben (1958) et Roland F. (1960) – trouverait généreusement (et enfin) sa plus juste et bonne place./-

    * Fait à Ngog Lituba, ce jeudi 08 du mois de juillet 2021 de l’An 400 (1621-2021) de la naissance de Jean de la Fontaine (1621-1695), date des levées du corps, l’une, à Douala, de Jérôme Minlénd (1953-2021), Président général de Mbog Liaa; et l’autre, à Yao (Cmr237), du Pr.-poète Patrice Kayo (1935-2021), originaire de Bandjoun.

                                                                                                                                                © Daniel Boo, Dr.-Ing., Ex-Point focal

                                                                                                                                                  Science au Brm/Unesco Yaoundé

                                                                                                                                                  Président national du Club de Rome

                                                                                                                                                  Cameroun (Cdr-c)

                                                                                                                                                 Promoteur de la Demecis (Décennie

                                                                                                                                                 mondiale (2021-2031) de l’éducation civique

  • Le retour de Laurent Gbagbo chez les catholiques ne doit pas nous détourner des vraies batailles

    Le retour de Laurent Gbagbo chez les catholiques ne doit pas nous détourner des vraies batailles

    Ce qui est important, c’est ce que l’homme acquitté le 31 mars 2021 compte faire avec eux pour que la liberté, la justice et les fruits de la croissance profitent à tous dans le pays. Les souverainistes africains attendent de connaître ses propositions sur comment l’Afrique francophone peut s’affranchir de la France.

    Au moment où un débat sur le retour de Laurent Gbagbo au sein de l’Église catholique fait rage, le sociologue et écrivain ivoirien en relativise la portée et invite ses concitoyens à garder la foi en une Côte d’Ivoire souveraine et gouvernée suivant les principes de justice et de liberté.

    Jean-Claude Djereke

    «Le président Laurent Gbagbo a été baptisé catholique mais, dans son cheminement, il a quitté l’Église à un moment donné pour se faire évangélique. Après ce petit tour chez les Évangéliques, il s’est dit, je reviens dans la religion dans laquelle j’ai été baptisé». C’est par ces propos que le cardinal Jean-Pierre Kutwã, assisté de Mgr Boniface Ziri (Abengourou) et d’un évêque français, annonça, le dimanche 20 juin 2021, le retour de l’ex-numéro un ivoirien dans l’Église catholique.

    L’annonce fut bien accueillie par les chrétiens catholiques. Soit dit en passant, beaucoup parmi ces catholiques avaient peu apprécié le soutien apporté par Mgr Kutwã au régime Ouattara, depuis son investiture le 21 mai 2011 jusqu’à la déclaration le 31 août 2020 de sa candidature au 3e mandat jugée «pas nécessaire» par le même Kutwã. Les catholiques, qui étaient heureux de retrouver leur frère en Christ, ce jour-là, auraient toutefois souhaité que «l’enfant prodigue» fît une profession de foi publique pour montrer son adhésion à la foi catholique comme le font tous ceux qui reviennent dans l’Église en récitant le credo de Nicée-Constantinople au cours de la messe. Ils auraient aussi aimé qu’il ne fût point associé à la fête des pères parce qu’étant rentré trois jours plus tôt de Belgique avec une autre femme sans avoir divorcé de Simone Ehivet avec qui il est marié depuis 32 ans.

    Dans le camp des chrétiens évangéliques, en revanche, c’était l’incompréhension et la déception. Certains pasteurs qui avaient leurs entrées au Palais et mangeaient à la table du couple présidentiel n’hésitèrent pas à accuser Laurent Gbagbo de trahison, accusation qui fut aussitôt rejetée par d’autres pasteurs qui, eux, n’avaient pas accès à l’intimité de Laurent Gbagbo. Les derniers reprochaient aux premiers d’avoir «mal encadré» l’ancien chef de l’État, de l’avoir trompé en lui faisant croire qu’il triompherait au premier et au second tour de l’élection présidentielle de 2010. Camille Makosso, qui se fait appeler «Révérend général», est celui qui adressa les critiques les plus féroces aux «pasteurs de Gbagbo». Ceux-ci, d’après lui, refusaient qu’il quitte le pouvoir, recevaient de lui 2 milliards de francs CFA par an et l’avaient pris en otage.

    Pour lui, si Gbagbo est revenu dans la famille catholique, c’est parce que les écailles sont enfin tombées de ses yeux. À notre avis, Makosso juge trop sévèrement ses collègues, car il nous est difficile de croire que les pasteurs qui gravitaient autour de L. Gbagbo étaient tous pourris et adeptes du faux. Fulmine-t-il contre eux parce qu’il a découvert que Gbagbo est le vainqueur de l’élection présidentielle de 2010? Pourquoi fait-il assaut de tant d’amabilités à l’endroit de l’ancien président? À la suite des juges de la Cour pénale internationale, s’est-il rendu compte que Gbagbo n’était pas l’auteur des crimes contre l’humanité qui lui étaient imputés et qu’il faudrait chercher les vrais coupables ailleurs?

    Pour nous, il n’y a aucune sincérité dans les propos de Makosso. Ce soi-disant pasteur n’est qu’un opportuniste qui encense aujourd’hui Gbagbo uniquement pour être dans l’air du temps et s’en tirer à bon compte. Il est d’autant moins crédible qu’il est signataire d’un communiqué publié le 12 avril 2011 au nom d’un Directoire national des Églises évangéliques et protestantes de Côte d’Ivoire.

    Du communiqué
    Ce communiqué, que Makosso n’a pas encore publiquement désavoué, décrivait Laurent Gbagbo comme «un candidat malheureux entêté», le radiait avec son épouse «de la grande famille évangélique et protestante de Côte d’Ivoire pour crimes de sang et blasphème», mettait fin au Haut Conseil, «organe minutieusement mis en place par le couple Gbagbo aux fins de mettre les Églises évangéliques et protestantes sous son emprise et son autorité pour des intérêts électoraux et politiques». Dans la foulée, Makosso félicitait tour à tour «Monsieur Alassane Ouattara, président de la République de Côte d’Ivoire pour sa brillante élection confirmée par Dieu et par le monde entier, pour ses valeurs de paix, de travail, de réconciliation, de pardon, de justice et de vérité, surtout pour avoir eu la sagesse nécessaire en préservant l’intégrité physique de M Laurent Gbagbo lors de son arrestation, le Premier ministre Soro Guillaume, son gouvernement et les forces républicaines pour leur engagement au retour de la paix dans notre pays, M Choi, représentant du secrétaire général de l’ONU pour sa détermination à l’éclatement de la vérité et au respect des résultats des élections présidentielles, Nicolas Sarkozy et la Licorne pour leur engagement à la délivrance du peuple de Côte d’Ivoire».

    Pendant que certains pasteurs et fidèles évangéliques ne pardonnent pas à Laurent Gbagbo son retour dans la communauté catholique, d’autres, pour minimiser l’événement, font valoir qu’aucune religion ne sauve, ce qui n’est pas faux car, dans la parabole du jugement dernier (Mathieu 25, 31-46), Jésus ne parle ni de sacrement, ni de dénominations chrétiennes. Il ne parle même pas de religions, mais d’affamé, de prisonnier, de malade, d’étranger, de sans-abri, de sans-vêtement que nous avons aidé ou non. Il ajoute qu’il est cette personne que nous avons secourue ou ignorée. Par conséquent, je ne vois pas que des catholiques dans le royaume de Dieu. J’y vois aussi Gandhi, Martin Luther King et Rosa Parks qui combattirent la discrimination raciale aux États-Unis, Nelson Mandela et Che Guevara qui se dressèrent contre l’oppression et l’injustice, Émile Zola qui risqua sa vie pour Alfred Dreyfus, bref tous les hommes et femmes de nos villages et villes qui vécurent le message d’amour de Jésus sans qu’un prêtre ou un pasteur ne leur parle de lui.

    Si nous croyons que le salut ne dépend pas de l’appartenance à telle ou telle religion, alors nous devons non seulement éviter la pratique du débauchage, mais respecter ceux qui, sans croire au ciel ou à l’enfer, essaient de faire de la terre un endroit où «amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent» (Psaume 84, 11). Car, pour nous Africains, la vraie bataille, la seule qui vaille la peine d’être engagée, n’est pas de savoir quelle religion est vraie ou meilleure, combien de personnes seront sauvées, mais comment mettre fin à notre situation d’éternels méprisés, humiliés et marginalisés. Cette situation, je ne pense pas que des hommes et femmes dignes et normaux devraient s’en accommoder, ni qu’elles honorent Dieu qui a créé tous les hommes égaux et les veut libres et debout.

    Le retour de Gbagbo parmi les catholiques, l’aide que lui a apportée sa «petite femme» pendant son séjour à La Haye, s’il divorce ou non avec Simone, tout cela a peu d’importance pour les Ivoiriens qui, en plus de ployer sous une dictature broyeuse de vies et de destins, sont en train de devenir étrangers dans leur propre pays. Ce qui est important, c’est ce que l’homme acquitté le 31 mars 2021 compte faire avec eux pour que la liberté, la justice et les fruits de la croissance profitent à tous dans le pays. Les souverainistes africains attendent de connaître ses propositions sur comment l’Afrique francophone peut s’affranchir de la France.

     

     

  • Le bilan de Gbagbo et Ouattara pour la réconciliation des Ivoiriens

    Le bilan de Gbagbo et Ouattara pour la réconciliation des Ivoiriens

    Que fit Laurent Gbagbo pour réunifier celui-ci? Quelles actions mena-t-il pour la réconciliation du pays? Il permit à Konan Bédié et à Alassane Ouattara exilés en France de rentrer en Côte d’Ivoire, organisa un forum de réconciliation nationale (9 octobre-18 décembre 2001) au cours duquel chacun eut l’occasion de vider son sac.

    À la lumière des actes posés par chacun des protagonistes de la crise ivoirienne au cours des dernières années, le sociologue ivoirien interroge la sincérité et la capacité de Laurent Gbagbo et de l’actuel chef de l’État, Alassane Dramane Ouattara, à conduire et obtenir la réconciliation en Côte d’Ivoire.

    Jean-Claude Djereke

    Le 19 septembre 2002, des militaires originaires du Nord ivoirien et entraînés au Burkina Faso (Ibrahim Coulibaly dit IB, Chérif Ousmane, Koné Zakaria, Tuo Fozié, Touré Hervé, Issiaka Ouattara alias Wattao et d’autres) attaquaient la République ainsi que les personnes qui incarnaient ses institutions.

    Bilan de cette barbarie: environ 300 vies humaines fauchées par les balles, de nombreux blessés, des maisons et entreprises détruites, un pays coupé en deux, des individus et des familles obligés de marcher depuis Bouaké jusqu’à Abidjan, etc. Quelques jours plus tard, Soro Guillaume, colistier d’Henriette Dagri Diabaté dans la commune de Port-Bouët aux législatives du 10 décembre 2000, expliquera que lui et ses compagnons avaient agi de la sorte parce que leur région était exclue du «développement», parce que le Nordiste n’était pas suffisamment valorisé. En visite au Sénégal, le même Soro ne parlera plus d’exclusion des Nordistes pour justifier la prise des armes contre la mère patrie, mais du port du boubou qui serait interdit à un Koné ou à un Coulibaly.

    Pour nous, aucune de ces raisons ne tient la route. Pourquoi? Parce que tous les présidents d’institutions, présidents de conseils d’administration, ministres, directeurs de sociétés et chefs d’entreprises nommés par Houphouët, Bédié, Gueï et Gbagbo n’étaient pas du Sud, parce que, malgré les tristes événements de 1963 (jeunes cadres du PDCI arrêtés et jetés en prison à Assabou sur la base de complots imaginaires), du Sanwi (1969) et du Guébié (1970), il n’y avait pas d’exclusion dans notre pays comme en Afrique du Sud où les Noirs étaient victimes de discrimination raciale de la part des Blancs et jamais une ethnie ou une région ne se rebella contre la République pour corriger une injustice réelle ou supposée.

    La vérité est que beaucoup de Nordistes et de musulmans se laissèrent manipuler et instrumentaliser par un individu qui voulait coûte que coûte diriger la Côte d’Ivoire bien que sa nationalité douteuse ne le lui permît pas. Cet individu ne se contenta pas de faire croire aux musulmans et aux gens du Nord qu’ils étaient considérés par le Sud comme des Ivoiriens de seconde zone et que ce Sud refusait qu’un fils du Nord devienne président de la République. Il s’appuya sur une rébellion armée pour diviser physiquement le pays.

    Que fit Laurent Gbagbo pour réunifier celui-ci? Quelles actions mena-t-il pour la réconciliation du pays? Il permit à Konan Bédié et à Alassane Ouattara exilés en France de rentrer en Côte d’Ivoire, organisa un forum de réconciliation nationale (9 octobre-18 décembre 2001) au cours duquel chacun eut l’occasion de vider son sac, même si certaines des quatorze résolutions de ce forum ne furent pas suivies d’effets, participa directement ou indirectement à des pourparlers avec la rébellion (Lomé, Marcoussis, Accra, Pretoria, Ouagadougou), amnistia les infractions commises contre la sûreté de l’État sur le territoire ou par les Ivoiriens en exil, ouvrit son gouvernement aux rebelles et aux partis d’opposition, autorisa le 26 avril 2005 la candidature de Ouattara uniquement pour la présidentielle d’octobre 2005 contre la volonté de la majorité des Ivoiriens, nomma Guillaume Soro à la Primature, alla à l’élection présidentielle d’octobre 2010 sans le désarmement des rebelles, ce qui était une faute.

    Si je ne m’abuse, Laurent Gbagbo accepta même, pour la paix et la cohésion nationales, que des rebelles incultes soient enrôlés dans la police, la gendarmerie et les régies financières. Nous connaissons la suite : malgré tous ces sacrifices et concessions, l’ancien président sera bombardé en avril 2011 avec collaborateurs et parents, emprisonné à Korhogo avant d’être déporté à La Haye, certains de ses partisans prendront la route de l’exil pendant que d’autres seront incarcérés ici ou là dans le pays, etc.

    Ouattara installé au pouvoir par Sarkozy présente-t-il un meilleur bilan en matière de réconciliation? Qu’a-t-il fait pour que les enfants du pays se retrouvent et se remettent ensemble? Il est indéniable qu’il a élargi un certain nombre de prisonniers politiques parmi lesquels Assoa Adou, Danon Djédjé, Hubert Oulaye, Simone Ehivet Gbagbo, mais il est non moins vrai que plusieurs prisonniers ne sont pas sortis vivants de leur lieu de détention. En outre, Justin Koua, Dogbo Blé, Jean-Noël Abéhi, Anselme Séka Séka et d’autres militaires sont toujours privés de liberté.

    Le rattrapage ethnique, qui ne promeut que les gens du Nord, a porté un grand coup à l’unité du pays. De mémoire d’Ivoirien, aucun dirigeant avant Ouattara n’était allé aussi loin dans la discrimination et le favoritisme.

    La justice à deux vitesses, l’enterrement du rapport de la Commission Dialogue, vérité et réconciliation, la non-indemnisation de toutes les victimes de la crise post-électorale, l’impunité dont bénéficient les Microbes (enfants et adolescents drogués qui dépouillent, blessent et tuent les gens), le transfèrement de Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale (CPI) avant la signature par l’État ivoirien du traité de Rome instituant la CPI, ont contribué à l’affaiblissement de la cohésion sociale.

    Last but not least, les violences subies par les Ivoiriens présents à l’aéroport de Port-Bouët le 17 juin 2021, l’absence de Ouattara et du soi-disant ministre de la Réconciliation à ce grand moment de retrouvailles et de communion de la nation sont des actes qui ne vont pas dans le sens de la réconciliation.

    Tout ce qui précède montre clairement que monsieur Ouattara n’est point intéressé par la réconciliation des Ivoiriens. On peut même penser qu’il n’en veut pas car il ne prospère que dans la division comme ses maîtres français. A contrario, les actes posés par Laurent Gbagbo entre 2001 et 2010 pour que le Nord et le Sud ne se regardent plus en chiens de faïence le désignent indiscutablement comme celui qui non seulement veut la réconciliation, mais est à même de la réaliser aujourd’hui.

    Deux autres arguments plaident en sa faveur pour cette tâche : de tous les acteurs politiques, il est celui qui a souffert le plus, celui qui a payé un lourd tribut à cette crise ; en lui, il n’y a ni haine ni désir de vengeance. Parce qu’il a beaucoup souffert, il pourra comprendre et apaiser ceux qui ont souffert. Parce qu’il a fait du «asseyons-nous et discutons» une devise, il est mieux placé pour convoquer une concertation nationale où seraient représentées toutes les couches sociales et où aucun représentant ne devrait être empêché de dire tout ce qu’il a sur le cœur.
    Car, on ne se réconcilie pas en dissimulant les désaccords, en fuyant les conflits ou en éludant les sujets qui fâchent.

    Car, on ne se réconcilie pas en dissimulant les désaccords, en fuyant les conflits ou en éludant les sujets qui fâchent. Ces sujets sont, entre autres, la souveraineté du pays qui passe par le départ du 43e BIMA et notre droit d’avoir d’autres partenaires que la France, une monnaie créée et gérée par les Africains eux-mêmes, le taux d’immigration dans notre pays, l’occupation de la terre, l’octroi des marchés publics, l’immixtion intempestive de certains pays dans nos affaires intérieures.

    Ces sujets sont, entre autres, la souveraineté du pays qui passe par le départ du 43e BIMA et notre droit d’avoir d’autres partenaires que la France, une monnaie créée et gérée par les Africains eux-mêmes, le taux d’immigration dans notre pays, l’occupation de la terre, l’octroi des marchés publics, l’immixtion intempestive de certains pays dans nos affaires intérieures. Cette concertation devrait nommer, à la fin de ses travaux, une commission qui aurait pour mission de réparer les préjudices subis par les victimes entre 2002 et 2021. Une autre commission devrait veiller à ce que les crimes économiques et crimes de sang ne restent pas impunis. Ses membres devraient toujours se souvenir de la phrase de Rousseau : «Faute de sanction naturelle, les lois de la justice sont vaines parmi les hommes; elles ne font que le bien du méchant et le mal du juste»(cf. ‘Du contrat social’, livre II, chapitre VI)

    Mais avant de faciliter la réconciliation nationale, Laurent Gbagbo devra montrer en actes que lui-même est capable de se réconcilier avec les gens de sa maison et de sa famille politique, qu’il est capable de s’asseoir et de discuter avec eux. C’est cet exemple qui donnera à chaque Ivoirien blessé, humilié ou trahi, la force de se lever et d’aller vers les autres, mais aussi le courage de travailler chaque jour à la construction de la paix sociale qui est «une tâche sans répit qui exige l’engagement de tous» (Pape François, ‘Fratelli tutti’, lettre encyclique, 3 octobre 2020, n. 232).

    J’ai souvent entendu certains compatriotes appeler tout le monde à pardonner ici et maintenant pour que le pays soit réconcilié. Mon avis est que plusieurs années sont parfois nécessaires pour que certaines personnes accordent le pardon qui est un acte libre et individuel. Sur ce point, je suis en phase avec François quand il écrit: «On ne doit pas exiger une sorte de pardon social de la part de celui qui a beaucoup souffert injustement et cruellement. La réconciliation est un fait personnel, et personne ne peut l’imposer à l’ensemble d’une société, même si elle doit être promue.

    Dans le domaine strictement personnel, par une décision libre et généreuse, quelqu’un peut renoncer à exiger un châtiment (cf. Mt 5, 44-46), même si la société et sa justice le demandent légitimement. Mais il n’est pas possible de décréter une “réconciliation générale” en prétendant refermer par décret les blessures ou couvrir les injustices d’un manteau d’oubli. Qui peut s’arroger le droit de pardonner au nom des autres? Il est émouvant de voir la capacité de pardon de certaines personnes qui ont su aller au-delà du mal subi, mais il est aussi humain de comprendre ceux qui ne peuvent pas le faire. Dans tous les cas, ce qui ne doit jamais être proposé, c’est l’oubli». (‘Fratelli tutti’, n. 246).

     

  • Le retour de Laurent Gbagbo chez les catholiques ne doit pas nous détourner des vraies batailles

    Le retour de Laurent Gbagbo chez les catholiques ne doit pas nous détourner des vraies batailles

    « Le président Laurent Gbagbo a été baptisé catholique mais, dans son cheminement, il a quitté l’Église à un moment donné pour se faire évangélique. Après ce petit tour chez les Évangéliques, il s’est dit, je reviens dans la religion dans laquelle j’ai été baptisé. » C’est par ces propos que le cardinal Jean-Pierre Kutwã, assisté de Mgr Boniface Ziri (Abengourou) et d’un évêque français, annonça, le dimanche 20 juin 2021, le retour de l’ex-numéro un ivoirien dans l’Église catholique.

    Jean-Claude Djereke

    L’annonce fut bien accueillie par les chrétiens catholiques. Soit dit en passant, beaucoup parmi ces catholiques avaient peu apprécié le soutien apporté par Mgr Kutwã au régime Ouattara, depuis son investiture le 21 mai 2011 jusqu’à la déclaration le 31 août 2020 de sa candidature au 3e mandat jugée « pas nécessaire » par le même Kutwã. Les catholiques, qui étaient heureux de retrouver leur frère en Christ, ce jour-là, auraient toutefois souhaité que « l’enfant prodigue » fît une profession de foi publique pour montrer son adhésion à la foi catholique comme le font tous ceux qui reviennent dans l’Église en récitant le credo de Nicée-Constantinople au cours de la messe. Ils auraient aussi aimé qu’il ne fût point associé à la fête des pères parce qu’étant rentré trois jours plus tôt de Belgique avec une autre femme sans avoir divorcé de Simone Ehivet avec qui il est marié depuis 32 ans.

    Dans le camp des chrétiens évangéliques, en revanche, c’était l’incompréhension et la déception. Certains pasteurs qui avaient leurs entrées au palais et mangeaient à la table du couple présidentiel n’hésitèrent pas à accuser Laurent Gbagbo de trahison, accusation qui fut aussitôt rejetée par d’autres pasteurs qui, eux, n’avaient pas accès à l’intimité de Laurent Gbagbo. Les derniers reprochaient aux premiers d’avoir « mal encadré » l’ancien chef de l’État, de l’avoir trompé en lui faisant croire qu’il triompherait au premier et au second tour de l’élection présidentielle de 2010. Camille Makosso, qui se fait appeler « Révérend général », est celui qui adressa les critiques les plus féroces aux « pasteurs de Gbagbo ». Ceux-ci, d’après lui, refusaient qu’il quitte le pouvoir, recevaient de lui 2 milliards de francs CFA par an et l’avaient pris en otage. Pour lui, si Gbagbo est revenu dans la famille catholique, c’est parce que les écailles sont enfin tombées de ses yeux.

    À notre avis, Makosso juge trop sévèrement ses collègues car il nous est difficile de croire que les pasteurs qui gravitaient autour de L. Gbagbo étaient tous pourris et adeptes du faux. Fulmine-t-il contre eux parce qu’il a découvert que Gbagbo est le vainqueur de l’élection présidentielle de 2010 ? Pourquoi fait-il assaut de tant d’amabilités à l’endroit de l’ancien président ? À la suite des juges de la Cour pénale internationale, s’est-il rendu compte que Gbagbo n’était pas l’auteur des crimes contre l’humanité qui lui étaient imputés et qu’il faudrait chercher les vrais coupables ailleurs ? Pour nous, il n’y a aucune sincérité dans les propos de Makosso. Ce soi-disant pasteur n’est qu’un opportuniste qui encense aujourd’hui Gbagbo uniquement pour être dans l’air du temps et s’en tirer à bon compte. Il est d’autant moins crédible qu’il est signataire d’un communiqué publié le 12 avril 2011 au nom d’un Directoire national des Églises évangéliques et protestantes de Côte d’Ivoire.

    Ce communiqué, que Makosso n’a pas encore publiquement désavoué, décrivait Laurent Gbagbo comme « un candidat malheureux entêté », le radiait avec son épouse « de la grande famille évangélique et protestante de Côte d’Ivoire pour crimes de sang et blasphème », mettait fin au Haut Conseil, « organe minutieusement mis en place par le couple Gbagbo aux fins de mettre les Églises évangéliques et protestantes sous son emprise et son autorité pour des intérêts électoraux et politiques ». Dans la foulée, Makosso félicitait tour à tour « Monsieur Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire pour sa brillante élection confirmée par Dieu et par le monde entier, pour ses valeurs de paix, de travail, de réconciliation, de pardon, de justice et de vérité, surtout pour avoir eu la sagesse nécessaire en préservant l’intégrité physique de M Laurent Gbagbo lors de son arrestation , le Premier ministre Soro Guillaume, son gouvernement et les forces républicaines pour leur engagement au retour de la paix dans notre pays, M Choi, représentant du Secrétaire général de l’ONU pour sa détermination à l’éclatement de la vérité et au respect des résultats des élections présidentielles, Nicolas Sarkozy et la Licorne pour leur engagement à la délivrance du peuple de Côte d’Ivoire ».

    Pendant que certains pasteurs et fidèles évangéliques ne pardonnent pas à Laurent Gbagbo son retour dans la communauté catholique, d’autres, pour minimiser l’événement, font valoir qu’aucune religion ne sauve, ce qui n’est pas faux car, dans la parabole du jugement dernier (Mathieu 25, 31-46), Jésus ne parle ni de sacrement, ni de dénominations chrétiennes. Il ne parle même pas de religions, mais d’affamé, de prisonnier, de malade, d’étranger, de sans-abri, de sans-vêtement que nous avons aidé ou non. Il ajoute qu’il est cette personne que nous avons secourue ou ignorée. Par conséquent, je ne vois pas que des catholiques dans le royaume de Dieu. J’y vois aussi Gandhi, Martin Luther King et Rosa Parks qui combattirent la discrimination raciale aux États-Unis, Nelson Mandela et Che Guevara qui se dressèrent contre l’oppression et l’injustice, Émile Zola qui risqua sa vie pour Alfred Dreyfus, bref tous les hommes et femmes de nos villages et villes qui vécurent le message d’amour de Jésus sans qu’un prêtre ou un pasteur ne leur parle de lui.

    Si nous croyons que le salut ne dépend pas de l’appartenance à telle ou telle religion, alors nous devons non seulement éviter la pratique du débauchage mais respecter ceux qui, sans croire au ciel ni à l’enfer, essaient de faire de la terre un endroit où “amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent” (Psaume 84, 11). Car, pour nous Africains, la vraie battaille, la seule qui vaille la peine d’être engagée, n’est pas de savoir quelle religion est vraie ou meilleure, combien de personnes seront sauvées, mais comment mettre fin à notre situation d’éternels méprisés, humiliés et marginalisés. Cette situation, je ne pense pas que des hommes et femmes dignes et normaux devraient s’en accommoder, ni qu’elle honore Dieu qui a créé tous les hommes égaux et les veut libres et debout.

    Le retour de Gbagbo parmi les catholiques, l’aide que lui a apportée sa “petite femme” pendant son séjour à La Haye, s’il divorce ou non avec Simone, tout cela a peu d’importance pour les Ivoiriens qui, en plus de ployer sous une dictature broyeuse de vies et de destins, sont en train de devenir étrangers dans leur propre pays. Ce qui est important, c’est ce que l’homme acquitté le 31 mars 2021 compte faire avec eux pour que la liberté, la justice et les fruits de la croissance profitent à tous dans le pays. Les souverainistes africains attendent de connaître ses propositions sur comment l’Afrique francophone peut s’affranchir de la France.

    Jean-Claude DJEREKE

  • L’Afrique, les bandits et le bon Samaritain

    L’Afrique, les bandits et le bon Samaritain

    Au lieu de demander pardon et de réparer comme les Allemands le firent le 14 août 2004 pour les Héréros et Namas de Namibie massacrés entre 1904 et 1908, la France veut nous faire croire que tout cela est de notre faute, que nous refusons de reconnaître les «bienfaits» de la colonisation, que nous ne sommes pas assez entrés dans l’Histoire, et patati et patata.

    Dans sa nouvelle production intellectuelle, l’écrivain et sociologue d’origine ivoirienne revient sur les relations entre l’Afrique et les grandes puissances, et se prête volontiers à un jeu de rôles en se présentant tour à tour comme le procureur de d’une France «coupable» et l’avocat d’une Russie bienveillante.

     

    Jean-Claude Djereke

    Dans leur déclaration finale, les laïcs, prêtres, évêques, religieux et religieuses ayant pris part au premier synode sur l’Afrique (10 avril-8 mai 1994) avaient comparé l’Afrique à l’homme dépouillé, roué de coups et laissé à demi mort par des bandits sur la route entre Jérusalem et Jéricho (Luc 10, 29-37). Cette comparaison sera reprise par Jean-Paul II (‘Ecclesia in Africa’, exhortation apostolique, 14 septembre 1995, n. 41).

    Autant les pères synodaux peuvent se féliciter de cette trouvaille, autant on peut leur reprocher de n’avoir pas eu le courage de citer nommément les bandits qui ont mis l’Afrique en piteux état, courage qui «naît d’une lutte contre nos conditionnements et habitudes, d’une plongée dans nos zones d’ombre et surtout d’une confrontation avec nos culpabilités, avec la peur de décevoir, de ne pas être à la hauteur» (cf. Jacques Salomé, ‘Le courage d’être soi’, Paris, Éditions du Relié, 2005). Les participants au premier synode africain savaient tous quel pays occidental agresse l’Afrique dite francophone et fait main basse sur ses richesses depuis 6 décennies au moins. Ils connaissaient le sorcier mais n’avaient pas suffisamment de cran pour prononcer publiquement son nom. Pourquoi? Parce qu’ils avaient peur que l’Église de ce pays ne ferme le robinet des subsides pour lesquels le «bienfaiteur» n’hésite pas quelquefois à les insulter, à les humilier ou à les faire poireauter.

    Ici, nous ne tournerons pas autour du pot, ni ne prendrons de précautions oratoires, pour appeler un chat un chat. Les bandits, pour nous, c’est la France avec tous ses présidents de la Ve République et ses députés qui jamais ne condamnèrent les crimes de leur pays en Afrique, la France de droite, de gauche et du centre, la France catholique et protestante, la France des intellectuels. Cette France n’a eu de cesse de piller et de tuer sans pitié dans ses anciennes colonies. Et pourtant, les Africains avaient volé à son secours et sacrifié leurs vies au moment où elle était occupée et piétinée par l’Allemagne hitlérienne.

    Cette France ingrate et sans cœur était déjà présente dans la prière de paix du poète qui parlait alors de «ceux qui ont fait des Askia des maquisards, de mes princes des adjudants, de mes domestiques des boys et de mon peuple un peuple de prolétaires…, ceux qui ont donné la chasse à mes enfants comme à des éléphants sauvages et ils les ont dressés à coups de chicotte, et ils ont fait d’eux les mains noires de ceux dont les mains étaient blanches…, ceux qui ont exporté dix millions de mes fils dans les maladreries de leurs navires, qui en ont supprimé deux cents millions…,

    Ici, nous ne tournerons pas autour du pot, ni ne prendrons de précautions oratoires, pour appeler un chat un chat. Les bandits, pour nous, c’est la France avec tous ses présidents de la Ve République et ses députés qui jamais ne condamnèrent les crimes de leur pays en Afrique, la France de droite, de gauche et du centre, la France catholique et protestante, la France des intellectuels. Cette France n’a eu de cesse de piller et de tuer sans pitié dans ses anciennes colonies.

    cette France qui aussi a porté la mort et le canon dans mes villages bleus, qui a dressé les miens les uns contre les autres comme des chiens se disputant un os, qui a traité les résistants de bandits, et craché sur les têtes-aux-vastes-desseins…, cette France qui dit bien la voie droite et chemine par les sentiers obliques, qui m’invite à sa table et me dit d’apporter mon pain, qui me donne de la main droite et de la main gauche enlève la moitié…, cette France qui hait les occupants et m’impose l’occupation si gravement, qui ouvre des voies triomphales aux héros et traite ses Sénégalais en mercenaires, faisant d’eux les dogues noirs de l’Empire, qui est la République, et livre les pays aux Grands-Concessionnaires et de ma Mésopotamie, de mon Congo, ils ont fait un grand cimetière sous le soleil blanc» (Léopold Sédar Senghor, ‘Hosties noires’, Paris, Seuil, 1948).

    L’Afrique fut-elle traitée différemment après les indépendances nominales? Les bandits battirent-ils une seule fois leur coulpe et se gardèrent-ils d’y perpétrer d’autres crimes contre l’humanité? Non, puisqu’il y eut le génocide des Tutsis (1994) pour lequel la France porte des «responsabilités lourdes et accablantes», selon le rapport de 14 historiens français, les tueries de la force Licorne en Côte d’Ivoire (2004 et 2010-2011), les 19 civils maliens tués par Barkhane le 3 janvier 2021.

    Au lieu de demander pardon et de réparer comme les Allemands le firent le 14 août 2004 pour les Héréros et Namas de Namibie massacrés entre 1904 et 1908, la France veut nous faire croire que tout cela est de notre faute, que nous refusons de reconnaître les «bienfaits» de la colonisation, que nous ne sommes pas assez entrés dans l’Histoire, et patati et patata.

    Nous venons de voir le comportement des bandits. Qu’en est-il du bon Samaritain? «Le Samaritain voit le malheur de cet homme, sa misère, et ses entrailles en sont retournées. Il voit cet homme dans son dépouillement, dans sa faillite, il voit le fond de son être, il voit en lui la vie qui menace de se retirer, il veut la vie pour cet homme, pour tout homme… Il refuse la condamnation.

    Bien qu’il ne soit pas parfait, Poutine est intervenu aux côtés des Syriens et Centrafricains meurtris, il s’est fait proche d’eux, leur a apporté l’aide de son pays, parce qu’il les a reconnus comme des frères. Le président russe n’est pas dans les discours sur la fraternité, l’égalité, la liberté et la justice qui ne sont pas suivis d’actes. Il ne se contente pas d’avoir pitié des peuples que des bandits font souffrir et qu’ils prétendent aimer.

    Il ne voit pas d’impureté, car le regard du Christ ne voit que la pureté au fond de l’être, que son innocence lorsqu’un homme est à terre. À la différence du prêtre et du lévite qui ont peur d’être contaminés, le Samaritain, lui, rend pur ce qu’il touche. Il s’approche du blessé. Il vient près de lui», écrit Anne Lécu, religieuse dominicaine et médecin, dans ‘La Croix’ du 30 mars 2015. Le Samaritain, en plus d’avoir pitié pour l’homme blessé car «la pitié commence et finit avec notre propre moi…, ne produit pas de fruits dans l’action…, finit le plus souvent par un soupir ou un haussement d’épaules» (cardinal Paul Poupard), se montre compatissant en partageant la douleur et les angoisses du malheureux mais aussi et surtout en le conduisant dans une auberge pour qu’il soit soigné.

    Qui peut faire de même aujourd’hui à l’endroit de l’Afrique? Qui non seulement en a les moyens mais a déjà manifesté une telle compassion? Bref, qui est bien placé pour jouer le rôle du bon Samaritain vis-à-vis de cette Afrique continuellement violentée et humiliée? Pour moi, c’est la Russie. parce que, dans le passé, elle secourut des pays qui étaient occupés ou malmenés (la France en 1944-1945, le Mozambique, l’Angola, la Guinée-Bissau, le Cap-Vert, la Namibie, le Zimbabwe, l’Algérie entre 1950 et 1962, la Syrie à partir du 30 septembre 2015, la République Centrafricaine depuis 2017), parce qu’elle n’est ni moralisatrice ni désireuse de contrôler les pays qu’elle aide, parce qu’elle est un partenaire loyal et fidèle contrairement à d’autres qui refusent de respecter les accords militaires signés avec tel ou tel pays africain quand ce pays, attaqué par des voyous, fait appel à eux.
    Et, pour conclure, voici une histoire que j’emprunte à Paul Poupard: Un rabbin était avec ses disciples.

    Au cours de son enseignement, il leur posa la question suivante: «quand le jour commence-t-il ?» Un disciple répondit: «lorsque le soleil se lève et que ses doux rayons embrasent la terre et la revêtent d’or». Un autre déclara: «lorsque les oiseaux commencent à chanter en chœur leurs louanges et que la nature elle-même reprend vie après le sommeil de la nuit». Ces deux réponses ne donnèrent pas satisfaction au rabbin.

    Les autres disciples, ne sachant pas quoi ajouter, demandèrent au rabbin : «et toi, quelle est ta réponse? Selon toi, quand le jour commence-t-il»? Calmement, le rabbin leur dit : «lorsque vous voyez un étranger dans l’obscurité et que vous reconnaissez en lui votre frère, le jour est né. Si vous ne reconnaissez pas dans l’étranger votre frère ou votre sœur, le soleil peut se lever, les oiseaux peuvent bien chanter, la nature peut bien reprendre vie, mais il fait encore nuit, et les ténèbres sont dans ton cœur». Bien qu’il ne soit pas parfait, Poutine est intervenu aux côtés des Syriens et Centrafricains meurtris, il s’est fait proche d’eux, leur a apporté l’aide de son pays, parce qu’il les a reconnus comme des frères.

    Le président russe n’est pas dans les discours sur la fraternité, l’égalité, la liberté et la justice qui ne sont pas suivis d’actes. Il ne se contente pas d’avoir pitié des peuples que des bandits font souffrir et qu’ils prétendent aimer. On peut l’accuser ou le soupçonner de tout, sauf de passer son chemin comme le prêtre et le lévite de la parabole, quand des peuples sont opprimés et écrasés. Si j’étais le colonel Assimi Goïta, je m’empresserais d’ouvrir le Mali à cet homme à la fois humain, efficace et puissant.

     

  • Diplomatie française au Tchad : L’après-Idriss Deby en pointillés

    Diplomatie française au Tchad : L’après-Idriss Deby en pointillés

    La situation sociopolitique à Ndjamena fait craindre le chaos. Décryptage.

     

    « Idriss Deby était un grand guerrier, un grand chef militaire, mais on oublie souvent de dire que c’était un grand stratège, un très fin politique qui en réalité a mené une politique de l’arlésienne pendant des années en faisant miroiter le déploiement de ce fameux 8e bataillon tchadien qu’on a attendu vraiment très longtemps alors qu’Idriss Deby lui-même avait toujours tenu un discours extrêmement dur vis-à-vis de ses partenaires occidentaux en les rendant très clairement responsables de la déstabilisation du sahel en raison de l’intervention en Libye ». On l’a entendu de la bouche de Dr Niagalé Bagayoko dans sa sortie disponible dans « Triptyque » du 18 mai 2021. L’appréciation (celle d’un héros à la renommée solidement établie, selon le géostratège Pr Joseph Vincent Ntunda Ebode)  que porte la politologue sur la personne du défunt chef de l’Etat tchadien offre aussi de comprendre le contexte sociopolitique actuel au Tchad. « La préoccupation majeure, c’est la situation interne du Tchad. Il faut regarder de très près ce qui va se passer au Tchad  dans les mois à venir », prévient Michel Goya.

    Fragilités

    Pour permettre de comprendre sur la complexité de la situation à laquelle le Tchad fait face depuis la disparition du maréchal Idriss Deby Itno, l’auteur de « Une révolution militaire africaine : Lutter contre les organisations armées en Afrique subsaharienne » (Amazon, 2020) part de problématiques très particulières, marqueurs forts des fragilités que connait actuellement le Tchad. Michel Goya croit que « le risque majeur, c’est le risque de déstabilisation interne, c’est-à-dire si cette transition politique se fait relativement calme, il y a un processus qui se met en place, il est possible aussi d’avoir un basculement de la situation un peu plus chaotique et là, ça poserait beaucoup de problèmes concrets pour la France ». A l’évidence, l’ancien titulaire de la chaire d’histoire militaire à l’École de guerre fait le lien entre ce qui se passe aux marges de la gestion de la transition et les paradoxes qui peuvent obscurcir certains enjeux.

    Au rang de ceux-ci se trouve le morcellement politique  probablement préjudiciable pour Paris. Cela est d’autant plus à craindre que les scènes gênantes d’activistes du Wakit Tama (un collectif de partis d’opposition et d’associations de la société civile, qui a appelé à manifester contre le Conseil militaire de transition, dirigé par Mahamat Idriss Déby) constituent un indicateur que rien ne va en interne. « Loin de l’anticipation de continuité qui a généralement prévalu et que Paris a cru devoir parrainer, on parle aujourd’hui de ruptures, souhaitables ou à craindre », signale Joseph-Vincent Ntunda Ebode.

    D’autres commentateurs lient le « risque de chaos » à l’urgence de la formulation, par les autorités actuelles, d’un message pour la France dans un délai court. Concrètement, le tout est de choisir le processus décisionnel selon lequel ce message doit être défini, et avec quels instruments il pourra être défendu. « Paris attend cela ; l’actualité diplomatique entre Ndjamena et Paris impose de lever rapidement certaines hypothèques quant au message que la France attend. Et les caractéristiques présentes du système en place dans la capitale tchadienne ne permettent pas la mise sur pied rapide d’un outil permettant à la France d’exercer une puissance structurante, et non plus seulement de donner à voir une puissance de référence. Donc, il y a des craintes à ce niveau », avise Pr Belinga Zambo, politologue camerounais. De l’avis de ce dernier, l’agenda international dans lequel s’inscrit la France impose deux priorités : définir la posture de la diplomatie française à Ndjamena au Tchad, ainsi que sa nouvelle relation avec l’allié tchadien. D’où la pertinence de l’analyse de Michel Goya.

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Deuxième affaire Vamoulké :Le mea culpa de Jeune Afrique à l’Expert-comptable Isaac Joel Bela Belinga

    Deuxième affaire Vamoulké :Le mea culpa de Jeune Afrique à l’Expert-comptable Isaac Joel Bela Belinga

    Le 28 mai dernier à Yaoundé, un collectif d’avocats camerounais assisté pour la circonstance de deux avocats français (Fabrice Epstein et Benjamin Chouai) donne un point de presse sur l’affaire Vamoulké. Pour cette rencontre avec la presse, les conseils de l’ancien directeur général de la CRTV ont une nouvelle ligne d’attaque : dénoncer l’expert – comptable qui a conduit l’audit financier et comptable de la CRTV après le limogeage de Vamoulké, et partant questionner la crédibilité de son rapport d’audit dont se sert la justice camerounaise dans ce qu’on qualifie désormais de deuxième affaire Vamoulké. A la suite de ce point de presse, des articles au vitriol contre Isaac Joel Bela Belinga fleurissent dans la presse camerounaise, sur les réseaux sociaux et dans RFI. Le 11 juin dernier, les avocats français nouvellement intégrés dans le conseil d’Amadou Vamoulké remettent ça à Paris, en obtenant la publication par Jeune Afrique (JA) d’un article de presse à charge contre la justice camerounaise et Isaac Joel Bela Belinga. L’article est titré : Cameroun : avec Amadou Vamoulké, la justice marche sur la tête (11 juin 2021 à 17h55 par Franck Foute, avec Olivier Marbot). Mal leur en a pris, car cette fois-là, Isaac Joel Bela Belinga décide de servir le 14 juin 2021 un cinglant droit de réponse à JA. Un « camouflet » qui fait voler en éclats la nouvelle ligne d’attaque des conseils de Vamoulké. Lisez plutôt.

    Monsieur le directeur de la publication,
    J’ai lu avec une grande attention l’article publié le 11 juin 2021 en ligne par Messieurs Franck FOUTE avec Olivier MARBOT et intitulé « Cameroun : avec Amadou Vamoulké, la justice marche sur la tête ».

    Dans cet article, vos journalistes ont multiplié des approximations et parfois des contre-vérités dont la teneur est potentiellement diffamatoire contre ma personne et assez scandaleuse pour ma qualité d’expert-comptable et de commissaire aux comptes.

    Je vous prie de bien vouloir publier le droit de réponse que voici selon les termes des articles 52, 53 et 55 de la loi 90/052 du 19 décembre 1990 sur la communication sociale en République du Cameroun d’une part, et l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse en République française d’autre part.

    L’une des affirmations qui fonde votre article en faveur de M. Vamoulke est que « …le rapport qui l’inculpe a été réalisé en deux ou trois mois par un comptable non assermenté qui n’est pas compétent…Ce n’est ni raisonnable ni normal ».

    Permettez-moi d’apporter quelques éléments de rectification :
    1- Mon parcours professionnel est resté jusqu’ici exemplaire, contrairement à ce qu’écrivent vos journalistes, je ne suis pas « comptable ». Je suis Expert-comptable diplômé, inscrit au Tableau de l’Ordre des Experts-comptables de Paris, Commissaire aux Comptes inscrit à la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes de Paris et CPA auditeur, inscrit à l’Ordre des Comptables Professionnels Agréés du Québec au Canada. Je suis par ailleurs Président de la Société BBI Advisory & Audit, située au 4 place de l’Opéra, 75002 Paris, société également inscrite à l’Ordre des Experts-comptables de Paris. Cette société française s’occupe de plus 100 clients que nous avons en expertise comptable, audit et conseil en France, ainsi que la réalisation des audits comptables et financiers des projets de développement financés par les bailleurs de fonds internationaux, tel est le cas de l’audit du PIDMA, projet financé par la Banque Mondiale, dont notre société française a été attributaire, après une procédure compétitive.

    Le groupe BBI Advisory & Audit que je dirige est implanté dans plusieurs pays, à savoir : Yaoundé (Cameroun), Libreville (Gabon), Paris (France) et Montréal (Canada).

    Pour ce qui est de ma propre personne, vos journalistes ignorent volontairement et à dessein qu’en plus d’être membre de l’Ordre National des Experts-comptables du Cameroun, de l’Ordre National des Experts-comptables du Gabon, de l’Ordre des Experts-comptables de Paris, de la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes de Paris, de la Compagnie des Conseils et Experts Financiers de Paris, je suis également Membre de l’Ordre des Comptables Professionnels Agréés du Québec au Canada, détenant les titres de CPA et CPA auditeur, titre le plus élevé dans la pratique de profession d’auditeur au Canada.
    Au plan du parcours académique preuve d’une solide formation, en plus d’être titulaire du Diplôme d’Etat français d’Expertise Comptable (DEC), du Diplôme Supérieur de Comptabilité et de Gestion (DSCG), je suis diplômé des prestigieuses Universités et Ecoles Supérieures de Commerce françaises, titulaire des :

    – Master en Management et Stratégie des Organisations de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, parcours recherche en organisation appliquée avec HEC de Paris (Master co-habilité avec l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales de Paris) ;

    – Master Comptabilité Contrôle Audit de l’Institut d’Administration des Entreprises (IAE) de l’Université Montesquieu Bordeaux4 ;

    – Mastère Spécialisé en Ingénierie Financière et Fiscale de l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP-Business School).
    Je fais également partie du cercle restreint des membres du jury du diplôme français d’expertise comptable.

    Mes références et compétences expertables ne sont plus à démontrer. Je conduis depuis plusieurs années en qualité de signataire, des audits des entités d’intérêt public de grande envergure dans plusieurs pays, j’accompagne des filiales des groupes internationaux tels que FAYAT, ERAMET qui compte plus de 13 000 salariés à travers le monde, AUGENTIC (filiale camerounaise de la société allemande chargée de la production du nouveau système de passeports au Cameroun) etc., sans oublier que j’ai réalisé l’audit du modèle financier du Contrat de Partenariat portant financement, construction et exploitation des 14 postes de péages automatiques au Cameroun.

    Nous accompagnons régulièrement le Ministère camerounais des Finances sur les problématiques liées à la gestion des entreprises publiques, tout comme nous avons formé les responsables de la Direction Générale du Budget du Ministère des Finances sur la révision de l’Acte uniforme OHADA, de même que des consultations spontanées que nous sommes généralement appelés à formuler sur certaines questions juridiques, comptables et financières en lien avec les entités publiques telles que le Port Autonome de Kribi (PAK) et le Port Autonome de Douala (PAD).
    Nous avons diligenté plusieurs missions d’audit au Fonds Routier du Cameroun, la dernière mission étant l’audit du processus de décaissement au titre des exercices 2016 à 2018.

    Notre société camerounaise réalise actuellement un audit sur la politique des approvisionnements et de la gestion des stocks à la Cameroon Telecommunications (CAMTEL).

    En 2018, nous avions conduit l’audit de la privatisation du secteur public de l’électricité au Cameroun depuis 2001. Cette mission d’investigation à très forte valeur ajoutée, confiée par les Hautes Autorités de la République du Cameroun, portait sur les exercices 2001 à 2018, et elle nous a permis de cerner l’environnement et toutes les parties prenantes du secteur public de l’électricité du Cameroun.

    Je suis aussi Membre et Expert Indépendant du Comité d’audit du Crédit Foncier du Cameroun.
    Il n’y a dès lors aucun moment où mon travail manquerait de « crédibilité » comme l’écrivent vos journalistes dans l’article incriminé. Toutes nos missions sont régulièrement réceptionnées par nos clients, et avec la plus grande satisfaction.

    2- Pour enfoncer le clou de ma supposée incompétence, je lis que j’ai réalisé l’audit de la CRTV en deux ou trois mois et que cette mission était de nature à surveiller la gestion de l’entreprise sous l’ère Vamoulké (2005 – 2016).

    Je souhaite vous faire remarquer que j’ai conduit l’audit comptable et financier de la CRTV au titre des exercices 2014, 2015 et la situation intermédiaire au 30 juin 2016, ainsi que l’examen limité sur la situation de trésorerie au titre des exercices 2010 à 2013. Je n’ai jamais été mandaté pour réaliser un audit de la gestion de M. Vamoulké, ni surveiller sa gestion.

    Il convient tout de même d’attirer votre attention sur le fait qu’il existe une différence fondamentale entre un audit financier et une expertise judiciaire. Je n’ai jamais été Expert judiciaire sur le dossier Vamoulké, mais Expert-comptable ayant conduit un audit comptable et financier.

    Mes premières missions pour la CRTV Marketing & Communication Agency SARL, filiale de la CRTV, sous la direction de M. Valmoulké avaient été réalisées en 2014 et 2015.Toutes ces missions avaient été réceptionnées et les attestations de service-fait signées une nouvelle fois du Gérant Monsieur Vamoulke.

    Combien de temps faudrait – il consentir pour conduire un audit financier de 2, 5 exercices (2014, 2015 et 30 juin 2016) et un examen limité de la situation de trésorerie sur 4 exercices (2010 à 2013) à la CRTV ? Je vous confirme que trois mois sont largement suffisants pour conduire et conclure cette mission.

    Par ailleurs, lorsque vous qualifiez la CRTV de mastodonte, j’en ris, car nous conduisons des audits des firmes plus importantes que la CRTV, avec un total bilan évalué à plusieurs milliards de dollars des Etats Unis (USD), mais avec un budget de temps relativement inférieur à celui consenti à l’audit réalisé à la CRTV.

    En votre qualité de média basé à Paris, vous connaissez bien le fonctionnement de la République française, comment pouvez-vous imaginer que les institutions républicaines comme le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche acceptent de confier le destin des futurs experts-comptables à quelqu’un « d’incompétent », en l’admettant dans le jury du diplôme d’expertise comptable ?

    Y’aurait-il eu meilleur profil que le mien pour aboutir aux conclusions qui sanctionnent ce rapport d’audit ? La capacité d’un auditeur à détecter des anomalies dans les comptes étant liée à son background, l’argument selon lequel plusieurs auditeurs étaient passés avant ma mission et n’avaient rien identifié n’est pas substantiel.

    3- Je lis aussi qu’il existe « quatre arrêts de la justice française retenus contre Joël Bella Belinga, l’expert désigné par la Cameroon Radio Television (CRTV) pour surveiller la gestion de l’entreprise sous l’ère Vamoulké (2005-2016) ». Vos journalistes sont-ils sérieux en prenant sur eux de faire une telle déclaration?

    Je tiens à préciser à vos lecteurs qu’aucune décision de justice n’existe contre moi en France, mon casier judiciaire y est vide. La confusion entretenue autour des questions de la liquidation de deux de mes sociétés en France est extraordinaire et rend compte d’une volonté manifeste de nuire, comme une certaine presse à gage et le journalisme de caniveaux pratiqués par certains y compris dans les milieux les plus insoupçonnables.

    Qu’il soit clair que la liquidation n’est qu’une restructuration de sociétés, qui peut relever d’une volonté manifeste après avoir éludé d’autres procédures telles que les fusions-absorptions. La liquidation judiciaire, qui est un moyen de régulation, entraine des anicroches dès lors que cette dernière entraine contre des dirigeants, des sanctions telles que l’interdiction de gérer, des actions en comblement de passif etc. Les auteurs de l’article et leurs sources peuvent-ils brandir une interdiction de gérer ou une action en comblement de passif prononcée contre ma personne par un tribunal en France ? Sont-ils tant partiaux et missionnés au point d’ignorer la différence entre une société, qui est une personne morale, et le dirigeant qui n’est qu’une personne physique?

    Tout ce qu’ils racontent à ce sujet n’est que pure diversion.
    Vous devez savoir que si j’avais été condamné pour une éventuelle incurie, j’aurais automatiquement fait l’objet d’une procédure disciplinaire et soumis à des sanctions de l’Ordre des experts-comptables de Paris, de la Compagnie des commissaires aux comptes en France et de l’Ordre des Comptables Professionnels Agréés au Québec. Force est de constater que jusqu’ici il n’en est rien. Non seulement, je suis dirigeant de ma société parisienne comme je l’ai souligné plus haut, mais je siège dans les jurys d’expertise-comptable. Preuve s’il en est d’un sérieux incontesté parmi mes confrères et imminents professeurs.

    Je constate à ce stade, pour le regretter, qu’en plus du traitement partial de cette information, vos journalistes éludent sciemment le fait que la défense de M. Vamoulke n’a jamais pu remettre en cause mes déclarations lors de mes passages aux audiences à Yaoundé.

    Ce qui est d’autant plus trivial, comment est-ce que les avocats parisiens évoqués ont-ils pu méconnaitre qu’une décision de justice est soit une grosse, soit une expédition ? Vos collaborateurs qui écrivent que « les quatre jugements en question ont beau être soumis au président du tribunal de première instance du Mfoundi pour authentification depuis le 19 mai 2021, ils n’avaient toujours pas été acheminés au TCS le 28 mai » ignorent-ils que nos magistrats sont bien formés et qu’à ce titre, ils ne peuvent accepter comme preuves de mes prétendues condamnations, des photocopies des prétendues décisions de justice contre ma personne, en lieu et place d’une grosse ou d’une expédition ?

    Je souhaite conclure en attirant votre attention sur le fait que l’éthique et la déontologie qui gouvernent mes pratiques professionnelles m’empêchent de me mêler des « affaires politiques » supposées comme on le lit en filigrane de votre article. Je n’ai fait que mon travail. Il est attendu de M. Vamoulké d’apporter des preuves irréfutables à tous les points d’audit retranscrits dans l’ordonnance du Tribunal Criminel Spécial, au lieu de changer de cible en cherchant de porter atteinte à mon honneur et à ma probité morale. Hélas ! ils s’en sont attaqués à la mauvaise personne.

    Ces précisions faites, je me réserve le droit d’engager toute procédure que j’estimerai utile à la préservation de ma réputation et de mon honorabilité.

    Cordialement, Fait à Paris, le 14 juin 2021

    Isaac Joel Bela Belinga

    Post scriptum
    À la suite du droit de réponse de M. Isaac Joel Bela Belinga publié le 15 juin 2021, Jeune Afrique fait un mea culpa dans une réponse de la rédaction. Ce qui est écrit : «L’arrivée de nouveaux avocats français dans l’équipe chargée de la défense de M. Vamoulké est le nouvel épisode de cette très longue affaire judiciaire. Nous avons donc souhaité donner la parole à ces avocats dont la stratégie consiste à s’attaquer à la principale pièce utilisée par l’accusation : l’audit réalisé par M. Bela Belinga. Les quatre décisions de justice évoquées dans l’article ont été mises à notre disposition, nous en avons pris connaissance, mais elles ne mettent pas en cause M. Bela Belinga.

    À aucun moment nous ne laissons entendre qu’elles sont de nature à saper sa crédibilité, nous les mentionnons car la défense compte sur ces documents pour faire avancer sa cause. Nous ne nous prononçons pas non plus sur les compétences professionnelles ou les qualifications de M. Bela Belinga (il nous a par ailleurs fait parvenir ses attestations d’inscription aux ordres professionnels et ses diplômes évoqués dans son courrier) ce n’est en aucune façon l’objet de notre article.»

  • Stratégie  nationale de développement 2030 et nouveau programme économique triennal 2021-2024

    Stratégie nationale de développement 2030 et nouveau programme économique triennal 2021-2024

    Quelles capacités et compétences essentielles nécessaires pour réussir le mariage (des incompatibles) ?

    Barnabé Okouda

    Le Cameroun a donc adopté en novembre 2020 son nouveau plan décennal de développement, avec une dénomination qui ne se réfère plus à un support , sous l’appellation de la Stratégie Nationale de Développement à l’horizon 2030 (SND30). Elle intervient à la suite du DSCE (2010-2019). Beaucoup a été dit et écrit sur les résultats et le bilan de cette première stratégie (phase 1 de la Vision 2035). Nos analyses ont été largement diffusées et commentées à ce sujet. Soit!
    Pour ce faire, nous prenons acte des nouvelles orientations et des engagements du gouvernement du moment où les autorités politiques nationales ont endossé. Notre rôle désormais, est de les accompagner au mieux de nos capacités et compétences. Et c’est-ce que nous allons essayer de faire.

    Dans la foulée et à peine lancée, la SND30, sans avoir fait ses premiers pas, se retrouve en concurrence déloyale avec un nouveau programme économique et financier. En effet, aux dernières nouvelles officielles, après des semaines de négociations officielles par les plénipotentiaires du gouvernement camerounais, le Conseil d’administration du Fonds Monétaire International (FMI) devrait se prononcer ce mois de juin (le 25) pour approuver un énième programme économique et financier pour le Cameroun . En langage simple, le pays rentre à nouveau dans un programme d’ajustement structurel.
    Être pour ou contre n’est pas notre objectif encore moins la raison d’être de cette note. Notre préoccupation en guise de réflexion à cet instant, porte sur les capacités et compétences nécessaires pour concilier l’eau et le feu, organiser le mariage des incompatibles, faire cohabiter les 02 programmes.

    Essayons donc de réaliser la quadrature du cercle, conscient que c’est un exercice à hauts risques immanquablement ! Pour cela nous allons emprunter la méthodologie du Country Policy Institutions Assessment ( CPIA), une méthode d’évaluation des politiques et des institutions des pays , appliquée par la Banque mondiale ( BM) , la Banque africaine de développement ( BAD) et Fondation Africaine pour le renforcement des capacités (ACBF). Nous combinons au CPIA, l’approche des capacités et des compétences essentielles développée par ACBF.

    En effet, la philosophie ayant conduit à la création de l’ACBF et qui continue à sous-tendre son action et ses interventions (aujourd’hui comme organe spécialisé de l’Union Africaine en charge du capacity building) part du principe et du constat que : ce ne sont pas les ressources qui font défaut à l’Afrique pour son décollage, mais les capacités et les compétences. Pour cela, ces capacités peuvent être regroupées en 03 ou 04 catégories, et les politiques économiques en 05 axes. Notre exercice périlleux va donc consister à projeter les besoins essentiels selon ces 0 5 axes.

    Quant au CPIA, c’est une méthode d’évaluation des institutions et des politiques utilisée par partenaires au développement cités plus haut pour jauger les capacités à la base et analyser les résultats à moyen terme ( passé et futur) du fait de ces données d’entrée.

    I. Les politiques publiques 
    Cette partie va analyser les principaux domaines des politiques publiques que sont (A) la Gestion Économique, (B) les Politiques Structurelles, (C) les politiques d’inclusion et d’Équité sociale , (D) la Gouvernance et la Gestion et institutions du secteur public , et la politique des Infrastructures et d’Intégration régionale, dans le contexte et les projections de la SND30.

    A. La Gestion macroéconomique
    Nous allons nous intéresser aux questions macroéconomiques sur 02 aspects seulement, mais essentiels, sur les 04 (que propose la théorie économique) .

    A1. La politique monétaire
    L’appartenance du Cameroun et des autres pays de sous-région CEMAC à la zone CFA leur impose une politique monétaire supranationale, gérée «officiellement» par la BEAC. Les débats sur la souveraineté monétaire des états continuent de faire du chemin. Les évolutions certes contrastées dans la zone UEMOA intégrée dans la CEDEAO, même si elles n’ont pas totalement abouti indiquent la voie. L’avenir du Franc CFA est dans un cul de sac et sans lendemain.

    Que d’attendre que le sort soit scellé par d’autres sans nous, il est nécessaire d’anticiper et de prendre les mesures qui conviennent pour assurer et garantir une souveraineté monétaire des états de la sous-région et dont du Cameroun. Le temps est désormais favorable pour le Cameroun de faire un choix et de l’assumer. Cette vision avait déjà été évoquée dans le DSCE, mais n’a pas prospéré au cours de la dernière décennie. La SND30 ne devrait plus rater cette opportunité.

    Les incertitudes et les atermoiements sur la question monétaire, qui inclut la gestion et l’avenir immédiat du FCFA ne sont pas compatibles avec les objectifs de développement à long terme de la SND30.

    À titre d’illustration et pour le citoyen ordinaire, la rareté actuelle des pièces de monnaie et des petites coupures de billet de banque au Cameroun, crée et maintient une inflation artificielle qui n’encourage pas la consommation et par ricochet la production. Cela dure bientôt dix ans et le phénomène s’accentue malgré les déclarations de la BEAC d’y remédier.
    Oui, les chinois exportent les pièces de monnaie de la zone CFA/CEMAC, mais pourquoi ces chinois ne sont pas friands de CENTS américains ou des CENTIMES d’Euros? La Banque centrale du Burundi met en circulation des billets pour des montants équivalents à moins de 5FCFA […] . De même, la Banque centrale éthiopienne fait circuler un billet de 5 ETB (Ethiopian Birr) valant moins de 100F CFA. Pourquoi la solution serait-elle si difficile pour la zone CEMAC et le Cameroun ? Cherchons l’erreur.

    A2. Sur la politique budgétaire et de la dette
    Les enjeux et les défis de la SND30 sont hautement cruciaux sur le plan budgétaire. Les résultats non accomplis du DCSE n’ont pas donné de marges de manœuvre au gouvernement. Achever et rendre opérationnels les grands projets de la décennie 2010-2020 afin de retrouver le sentier de croissance vers l’émergence, exige une mobilisation importante des ressources budgétaires (1). Par ailleurs, les progrès ou les nouveaux engagements de la SND30 pour la transformation structurelle de l’économie, notamment à travers la mise en œuvre du PDI (Plan Directeur d’Industrialisation actualisé) requièrent également des ressources budgétaires colossales (2).

    De manière linéaire donc la combinaison des 02 orientations ci-dessus (1) +(2) recommande une politique budgétaire plus ambitieuse et innovante, associée à une stratégie d’endettement souple et ajustable en quasi temps réel.

    Or, le pays s’engage de nouveau (juin 2021) dans un programme économique avec le FMI (et les autres PTFS certainement), ce qui impose fatalement une obligation de consolidation budgétaire , de surveillance rapprochée et doublée d’une extrême prudence sur le plan budgétaire. Les 02 options sont manifestement incompatibles ! Bien qu’il soit déclaré que le nouveau programme va s’appuyer sur la SND30, nul n’est besoin d’être expert des programmes du FMI pour comprendre que c’est de l’habillage diplomatique, techniquement, cela veut simplement dire que l’on va désormais choisir des priorités dans les priorités de la SND30 qui sont compatibles avec le programme.

    L’entrée sous-programme avec le FMI contredit et hypothèque les objectifs de développement de la SND30 qui prévoit pour ses 2 premières années, d’importantes réformes pour mettre en branle la transformation structurelle et l’industrialisation envisagées.

    Cela fera un an à peine que la SND30 a été lancée et qu’elle n’a véritablement pas démarré son premier plan d’action triennal, sa course ressemble désormais à celle d’un athlète, qui au départ d’une course de 100 mètres (par ce qu’il s’agit d’aller vite et bien), se voit surchargé d’un chronomètre de 10 kg sur son pied droit, sous le prétexte de contrôler sa course. Atout ou handicap ? Cherchons l’erreur.

    À notre humble avis, le débat lancé et suscité dans les media et l’opinion publique sur l’endettement du Cameroun est inopportun sur le volume et le rythme d’endettement. La bonne problématique à adresser devrait porter sur la qualité et la gestion de la dette. Ce que l’on en fait et les résultats obtenus. Si à chaque fois que le pays s’endette pour 1000 F CFA, la bonne utilisation de cette ressource additionnelle permet d’obtenir 1300 FCFA qui lui permette de rembourser 1100, et créer une richesse de +200, sa crédibilité reste intacte malgré le volume de sa dette. C’est le cas de tous les pays comme les USA, le Japon, etc.

    Une fois de plus, comme le DSCE, la SND30 n’aura pas de vie tout comme ce fut le cas du 5è plan quinquennal (1986-1990). Les objectifs devraient donc être révisés en intégrant cette contrainte du Programme Économique pour les 03 prochaines années avec lucidité et réalisme. À cet effet, peut-être une lueur d’espoir viendrait en ce qui concerne les recettes de (1) réaliser enfin le potentiel fiscal correspondant à notre économie, et (2) relever avec efficacité le challenge de la maîtrise des recettes non fiscales , qui offrent encore des marges importantes.

    B. Les Politiques structurelles
    Le pays a fait le choix théorique et «intellectuel» de la transformation structurelle de son modèle économique; et le vecteur principal sur le plan opérationnel est le Plan Directeur d’industrialisation actualisé pour être en cohérence avec la SND30 (et les autres engagements Agenda 2030 des ODD et Agenda 2063 de l’Union Africaine). Pour le citoyen ordinaire, cette transformation structurelle devrait être visible et perceptible à travers une offre abondante des produits de consommation courante «made in Cameroun» tels que les matériaux de construction, les produits pharmaceutiques et cosmétiques, les produits textiles et d’habillement et surtout les produits alimentaires. Et c’est l’excédent qui serait le motif d’écoulement sur les marchés de la sous-région et du continent.

    Voilà de quelle manière le pays peut promouvoir l’intégration régionale, parce qu’il a des produits à offrir, à écouler sur les marchés de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). La conséquence fatale étant le redressement de la balance commerciale et le rétablissement des équilibres extérieurs, avec un apport substantiel de devises. Les infrastructures (routières, portuaires, aéroportuaires, électriques et télécommunications) n’étant pas des fins en soit, mais des moyens, des supports de la transformation structurelle.

    En juin 2021, le signal de départ pour cette option ne semble pas encore être donné. Or, le PDI a besoin d’un modèle de gouvernance ambitieux dans son ancrage institutionnel, sa structure organisationnel qui identifiera les compétences nécessaires et requises, et surtout un dispositif de suivi évaluation autonome doté de réels pouvoirs de sanctions.
    Pour ce faire, l’autorité politique devrait accepter pour une fois de céder son pouvoir (ego) à une autorité technocratique et scientifique. L’équation d’une combinaison optimale des ressources humaines compétentes est essentielle à résoudre. Nous pensons pour cela, à une lettre de mission individuelle pour chaque intervenant qui devrait être de mise obligatoire. C’est un engagement précisant les résultats à délivrer à échéance, assortis des sanctions après évaluation rigoureuse, objective et partagée.

    Le choix fait dans la SND30 d’opter pour l’import-substitution devrait s’accompagner sur le plan légal et réglementaire, des mesures visibles incitation à la préférence nationale. Des compétences adéquates sont nécessaires à cet effet pour poser des actes qui concrétisent cette volonté affichée.

    C. Les Politiques d’inclusion et d’équité sociale
    Les dégâts causés par les premiers programmes d’ajustement structurel (1986-2000) sur le plan social ont imposé un nouveau paradigme à savoir la Dimension Sociale de l’Ajustement (DSA), qui oblige dans l’année 2000, à intégrer la notion de réduction de la pauvreté en mettant l’accent sur les secteurs dits sociaux : Éducation, Santé, Justice. Cette nouvelle approche se traduit dans les déclinaisons des sigles FRPC, DSRP/CSLP, puis la dimension emploi (DSCE). Ce bref rappel voudrait relever que la volonté politique a toujours été affichée, depuis les deux dernières décennies pour la réduction des inégalités entre les couches sociales au Cameroun. Cependant, dans la pratique, les résultats semblent s’écarter et s’aggraver au fil des temps, malgré parfois les efforts importants visiblement consentis. Peut-être qu’il faille interroger les approches et les méthodes de mise en œuvre des politiques pro-pauvres.

    Dans le contexte courant de la SND30 loin d’être une panacée, l’effectivité de la décentralisation désormais actée, pourrait représenter un réel espoir. Le transfert des compétences de la plupart des actions relevant de ce domaine aux CTDs, devrait créer un avantage de proximité des bénéficiaires d’avec les centres de décision.

    Le plaidoyer est donc de voir ces CTDs renforcer leurs capacités et compétences essentielles sur la chaîne PPBS, de la gestion et du leadership, pour créer et offrir des solutions endogènes et de proximité au bénéfice des populations. Car, il parait plus rapide et moins coûteux de concevoir, développer, et mettre en œuvre des solutions endogènes avec la participation des populations bénéficiaires pour les besoins identifiés.

    Pour cela, une adaptation de la contextualisation des ODD nous semble un excellent vecteur au niveau local. Le langage des cibles et indicateur des ODD (qui se traduisent en terme d’impact) est plus acceptable et digeste au niveau des CTDs. L’alignement de la SND30 sur l’Agenda 2030 assurant la cohérence ascendante non conflictuelle. L’élaboration d’une monographie socio-économique pour chaque CTD est un préalable.

    Dans ce sens, il est plus que nécessaire dans la mise en œuvre des objectifs de la SND30 de développer des compétences et non plus les savoirs pour répondre aux problématiques essentielles qu’ imposent l’environnement immédiat des populations.

    D. La Gouvernance, la Paix et la sécurité
    L’ODD16 de l’Agenda 2030 a condensé l’essentiel du contenu de ce triptyque selon les Nations Unies. Il vise à Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous.

    En effet, cet ODD repose sur l’acception que les conflits, l’insécurité, la faiblesse des institutions et l’accès limité à la justice demeurent des menaces pour le développement durable.

    Au Cameroun, depuis bientôt 05 années, la crise du NOSO, les menaces de Boko Haram dans les régions septentrionales et les conflits en RCA et RDC créent et constituent des entraves à la paix et à la sécurité intérieures. Avec des conséquences énormes sur le budget de l’État et des financements pouvant être alloués aux projets de développement. De nombreuses personnes déplacées internes (PDI) et un afflux des réfugiés venant des pays voisins fuyant la guerre, les persécutions et les conflits est estimées à près d’un million de PDI et environ 500 mille réfugiés nigérians et centrafricains , selon le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) en 2020.

    Sur un autre plan, la pandémie du COVID-19 menace d’amplifier les fragilités à travers le monde, et de manière singulière au Cameroun. Car au-delà de la dimension sanitaire, des questions de gestion des ressources se sont invitées à table avec ce qui est désigné aujourd’hui comme le Covidgate. En effet, un rapport de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême en circulation fait état de malversations et dysfonctionnements aggravés dans la gestion des fonds alloués à la lutte contre la Covid-19 au Cameroun.

    Au demeurant, toutes les évaluations (internes ou externes) par les agences de notations souveraines ou des structures habilitées, le secteur Gouvernance est toujours apparu comme le maillon le plus faible du système de gestion des affaires publiques au Cameroun. Beaucoup a été dit et diverses actions proposées, initiées et certaines mises en œuvres, mais en vain…
    Nous n’avons pas l’intention de ressasser plus sur les constats. Notre engagement pour les solutions pérennes nous inspire de tester une approche différente – celle qui a fini par s’imposer comme un objectif de Développement Durable (ODD16), retenu en tant que condition de réalisation des autres objectifs liés à la Prospérité(1) des Peuples(2) préservant la Planète (3) dans la Paix(4) par des Partenaires (5) : les cinq « P » de l’Agenda 2030.

    Notre analyse démontre que les conditions de succès de la SND30 peuvent être réunies si de manière engagée, les autorités du pays et des populations Camerounaises s’investissent avec foi et ardeur à assurer la réalisation des 10 cibles de l’ODD16. L’axe Gouvernance de la SND30 peut se décliner ainsi de manière contextualisée autour de ces cibles plus tangibles (Annexe 1). Les capacités et les compétences nationales nécessaires devraient par conséquent être mobilisées pour cela. Elles existent. Elles sont même identifiées. Il convient de les organiser et les convier à la tâche. L’humilité des dirigeants et la reconnaissance du mérite en lieu et place de la cooptation via les réseaux opaques sont nécessaires pour cela.

    Enfin, sur le plan institutionnel et politique, il est fort opportun de procéder à une adaptation / ajustement de l’architecture gouvernementale et des cadres organiques des ministères sectoriels au contexte ambiant de la décentralisation. C’est un impératif pour éliminer les chevauchements et doublon de compétences, sources de déperdition de ressources.

    En effet, la mise en route des exécutifs régionaux et municipaux devrait fatalement induire un ajustement des missions, du fait des transferts de certaines fonctions et compétences du niveau central vers le niveau périphérique. À titre d’illustration, il semble indispensable de créer des passerelles afin de clarifier les rôles entre les délégations régionales, départementales ou d’arrondissement dans le sens de la déconcentration des ministères d’une part, et les services régionaux et communaux des CTDs d’autre part en charge de la gestion desdites compétences. Ainsi et par ces faits, les organigrammes ministériels devraient être ajustés et l’architecture gouvernementale en conséquence. La réussite de la SND30 en dépend.

    Dans ce cadre, on peut convoquer les compétences en leadership et management du processus décisionnel. Savoir faire montre de réactivité pour prendre les bonnes décisions à temps, est une compétence à développer.

    E. Les Infrastructures et l’Intégration Régionale
    La mise à disposition des infrastructures de bonne qualité est indispensable pour la réalisation de l’objectif de transformation structurelle, qui est un des critères majeurs pour être un pays classé ou considéré comme un émergent. Ces infrastructures constituent également un vecteur essentiel pour l’intégration sous régionale et régionale.

    Le Cameroun l’a compris et a posé les bases depuis le DSCE (2010-2019). Les résultats à l’échéance sont connus. Beaucoup de chantiers engagés sont inachevés (à date) et ceux qui sont arrivés à terme, sont plus ou moins opérationnels.

    Au cœur de tous ces dysfonctionnements se trouve, la question de la maturation des projets et le choix des managers desdits projets dont le mandat n’est pas indexé ou lié au résultat (en terme d’efficacité et efficience), mais à l’entregent et aux manœuvres politiques. Cette question devrait être adressée avec courage et audace au cours de la décade de la SND30.

    Comme principales recommandations relatives aux compétences dans le domaine, il conviendrait de renforcer la rationalité dans le choix des projets et des dirigeants, ainsi que le suivi-évaluation rigoureux et systématique pour achever les projets de la première phase et les rendre opérationnels; assurer une intégration la gestion patrimoniale des infrastructures (GPI) dans le design des projets dès la conception.

    Mais de manière urgente et prioritaires, que les autorités publiques se hâtent pour lancer enfin le Plan Directeur d’Industrialisation (PDI), avec des mécanismes innovants et modernes selon les standards internationaux en matière, dans sa mise en œuvre et un dispositif de suivi évaluation fondé sur l’assurance qualité. Ce qui pourrait par exemple obliger à garantir la cohérence des interventions gouvernementales dans la gestion des projets d’infrastructures (trop d’intervenants et peu d’efficacité).

    Enfin, en ce qui concerne les projets intégrateurs à dimension transfrontalière, il est urgent de mettre sur pied une législation adaptée sur les Partenariat Public Privé (PPP) pour explorer cette option de financement. Ce qui n’est pas le cas actuellement.

    II. La lettre de mission ou le mandat 
    Dans la pratique courante au sein des institutions (Administrations Publiques et Privées, nationales/ internationales ou Organisations de la société civile), la lettre de mission est un document qui précise le mandat donné à un personnel à qui une tâche est confiée. Elle précise : (i) l’objet de la mission ;(ii) la durée et le lieu de la mission ; (iii) les résultats attendus auxquels sont assortis les ressources nécessaires et convenables pour ramener lesdits résultats convenus avec sa hiérarchie ;(iv) dans certains cas, on peut y mentionner les risques, les alternatives voire les conséquences (en terme de sanctions divers ou négatives peuvent être précisées).

    Qu’en est-il de la SND 2030 ? Comment traduire la lettre de mission?
    Si on convient et on admet que la SND30 est un projet qui a un objectif à atteindre à une échéance déterminée, ce qui est déjà le cas, notre emphase vise à cibler et à déterminer qui fait quoi ? À qui le mandat est confié et qui doit rendre compte à qui? Cela l’est moins dans le document rendu public.

    (i) L’objet de la mission (Qui répond à question du QUOI)
    Le document a été élaboré, finalisé et adopté et rendu public par le gouvernement. Il existe. Par loyalisme et par loyauté, tous les acteurs et parties prenantes doivent s’aligner. C’est désormais la référence officielle en matière de politiques publiques en ce qui concerne le développement économique et social du Cameroun pour les 10 prochaines années (sauf indications contraires) des voix autorisées.

    Il y est clairement dit que (…) le Gouvernement va s’appuyer sur quatre (04) principaux piliers à savoir : la transformation structurelle de l’économie nationale ;le développement du Capital Humain et du bien-être ; la promotion de l’emploi et de l’insertion économique ; La gouvernance, la décentralisation et la gestion stratégique de l’Etat. Les résultats escomptés ont été esquissés. Soit !

    (ii) Le mandataire ? Pour répondre à la question de qui est comptable des résultats ? Qui doit faire quoi pour que ce qui est arrivé au DSRP et au DSCE n’arrive pas à la SND30. A qui doit être adressée la lettre de mission ?

    a) Naturellement et logiquement, on répondrait que c’est le Gouvernement. Et c’est le début du problème du mandat.
    Le Gouvernement a certes un Chef, le Premier Ministre Chef du Gouvernement, mais il reste une personne morale, une construction politique, pas forcément opérationnelle pour des missions à résultats mesurables. Et selon la constitution et le modèle de régime politique en vigueur au Cameroun, le PMCG n’est pas responsable devant le peuple (représenté par le Parlement) et ne peut par conséquent, engager sa responsabilité. Le Premier Ministre Chef du Gouvernement reste donc un «Animateur» et un superviseur des acteurs de l’équipe des opérationnels, que sont les ministères sectoriels et les autres institutions publiques. Et c’est le second niveau des problèmes du mandat.

    En effet, assurer la coordination optimale de cette équipe des opérationnels dont l’effectif actuel tutoie la centaine (ministères, entreprises publiques et établissements publics) n’est pas une sinécure, encore moins une partie de golf ou de pétanque.
    Les objectifs de la SND30 pour être réalisés requièrent des capacités et des compétences essentielles diverses et multiformes. Des rôles et des actions à mener pouvant parfois se mettre en conflit l’un l’autre ou créer des incohérences du système. Il est donc nécessaire, voire préalable d’en faire une analyse de cohérence et d’optimisation selon une logique bien connue en programmation informatique . Une approche holistique (Top -Down) qui recherche la performance de l’équipe et non l’exploit individuel ou élémentaire de chacun des acteurs est donc à privilégier.

    Dans ce cas de la SND 2030, le mandat correspondrait donc à une procédure élémentaire optimisée contribuant sans conflit à l’atteinte du résultat global attendu, tel que décrit dans le document.

    b) Une autre réponse plausible et politiquement connecté ou correct serait de dire : Le Peuple ou NOUS TOUS. En répondant ainsi, le corollaire sera alors de savoir si le peuple en est conscient. Le peuple connaît-il la SND30 ? De quoi parle-t-on ? Le peuple a-t-il une perception partagée des résultats attendus ? Sinon que faut-il faire ? On aboutit à la solution élémentaire de la lettre de mission individuelle. Ce que chaque citoyen doit faire pour réussir la SND en 2030 et l’émergence en 2035.
    Des compétences en communication sont requises. Ici, on devrait même pouvoir parler de vulgarisation, i.e. une communication ouverte, permanente, à la limite agressive via divers canaux et supports, en toutes les langues de communication (véhiculaires) du pays. Ce qui ne semble pas encore le cas.

    (iii) La compréhension commune de la mission à réaliser et le consensus sur les résultats attendus.
    Depuis le DSRP et le DSCE, les mécanismes de suivi évaluation ont été formalisés et semblent avoir déjà pris corps. Il est souhaitable de les réactiver et d’y accorder la plus grande attention et surtout de faire bon un usage des résultats produits. En clair, si le pays veut réussir la mise en œuvre de la SND30, nous devons apprendre à appliquer le principe élémentaire de management qui stipule que « à échéance due, un résultat non atteint est un échec ». Et par conséquent, que l’on tire les leçons pour rectifier le tir afin de se remettre sur les rails, rattraper la trajectoire perdue.

    On ne justifie pas les échecs. On les corrige !
    Sur la base des faits et des chiffres, que le dispositif institutionnel puisse enclencher le processus décisionnel d’action corrective sans délai. Le temps sera extrêmement compté pour cette décennie, et notamment dès les premières années qui doivent donner l’impulsion et donner le signal de rupture, que les choses ne sont pas comme avant (no more as usual !). Et ce d’autant plus que la SND30 démarre avec un handicap d’être supplanté par la FEC-II / MEDC.

    Évidemment, les OSC devront continuer à veiller et à sonner l’alerte en cas de besoin, non pas comme des adversaires des gouvernants, mais bien comme des partenaires pour un mieux-être collectif.

    Dans ces conditions, l’impulsion nécessaire pour créer la rupture est-elle encore possible ?
    La culture de l’évaluation continue et permanente, couplée au principe de la sanction devront être les vecteurs sans complaisance pour la recherche de la performance. Récompenser le mérite, encourager les efforts et saluer les succès. Non pas que l’échec soit interdit, mais que l’on ne s’en prévale pas. Un échec doit permettre de repartir pour un succès et ne pas s’enliser.

    Pour le suivi statistique par exemple, le cadre institutionnel en vigueur au Cameroun donne mandat à au Système Statistique National (SSN) sous la coordination de l’Institut national de la statistique (INS) d’assumer ce rôle . Et cela semble être établi depuis la période du DSRP jusqu’à date avec une certaine satisfaction, même s’il y a toujours des choses à améliorer. Et parmi les améliorations d’urgence, il y a la réalisation des grandes opérations de base que sont le RGPH-4 et le RGAE. Nous pouvons également y inclure la signature et la publication des textes relatifs au code géographique de unités administratives et des CTDs, afin d’affiner la cartographie numérique des territoires pour un Système d’information géographique (SIG) optimal, un outil d’accompagnement essentiel pour la décentralisation.

    Les travaux en cours par le MINEPAT, le MINEFI et l’INS pour disposer des indicateurs de performances de programmes rentrent dans cette logique. Il reste à les sortir de la phase de conception pour la réalisation à travers le financement sécurisé de la Stratégie Nationale de Développement de la Statistique.2030 alignée à la SND30.

    En conclusion, après 30 années d’ajustement économique, jusqu’où devrait-on continuer ?
    En rappel historique, le Cameroun rentre en crise en 1986, et engage le cycle sans fin des programmes d’ajustement structurel, mettant sous le boisseau le cinquième plan quinquennal (prévu sur la période 1986-1990). Après avoir atteint le point de décision en 2000 et le point d’achèvement de l’IPPTE en 2006, le pays met en route le DSRP jusqu’en 2009. Le DSCE (2010- 2019) est censé poser les bases d’un développement à long terme vers l’émergence en tant que première phase de la Vision 2035. Ce plan décennal est malheureusement plombé par d’autres priorités sur son cours : le PLANUT, le Programme Spécial Jeunes, le Programme spécial CHAN/CAN et dès la fin 2016 par la FEC (2018-2020). Et voici la SND30 qui est conçu et naît sous cette coiffe. Ses premiers pas sont désormais limités dans leurs ambitions, pour ne pas dire étouffées, voire interdits (théoriquement jusqu’en 2024).

    N’est-il pas temps de changer de modèle ? Même par simple orgueil ? Eeekiééé,
    Sur un plan purement politique et stratégique, la volonté d’un État stratège annoncé dans la SND30 semble incompatible avec une assistance au pilotage d’une économie nationale par le FMI. On peut s’endetter tant que l’État reste crédible, et on peut l’être sans programme d’ajustement structurel. Pour preuve, après 30 ans on n’est pas sorti de l’ornière.
    Nos précédentes travaux ont prôné d’adopter une approche de RUPTURE d’avec le modèle actuel fondé sur une approche différente en 03 temps :

    a) La transformation structurelle du secteur productif (diversification horizontale et verticale soutenues par le patriotisme économique) : la SND30 l’a adopté en attendant la mise en œuvre et les résultats tangibles ;

    b) La transformation conceptuelle du secteur Éducation/ Formation basée sur les Sciences-Technologies-Innovation/ Ingénierie-Mathématiques (STI/ STEM) pour développer l’esprit de créativité et d’innovation chez l’enfant, avec pour finalité de transformer son environnement en apportant des solutions aux problèmes quotidiens des populations : cette question n’est pas encore véritablement adressée dans les faits au-delà des discours.

    c) La dimension de la gouvernance qu’il faut aborder avec courage et détermination
    Pour tout cela, il importe de RÊVER que c’est possible, OSER les actions justes pour y arriver et INNOVER pour que demain soit meilleure.

     

  • Bruno Le Maire et l’arnaque du métro d’Abidjan

    Bruno Le Maire et l’arnaque du métro d’Abidjan

    En novembre 2016, Bruno le Maire disait n’avoir “rien trouvé de très surprenant ou novateur dans les idées de Macron”. Après que ce dernier eut présenté la colonisation comme un crime contre l’humanité, il exigeait que Macron s’excuse devant les Français parce que “son geste est une faute politique contre la France et contre les Français”.

    Dans l’émission ‘les 4 vérités’ du 17 mai 2017, il qualifiait Macron de “coquille vide” et de “candidat qui change de discours suivant l’auditoire et qui avance masqué”. Quelques jours plus tard, toute honte bue, Le Maire rejoignait le nouveau président français et acceptait de lui le ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance. François Bayrou, Philippe Édouard et Gérarld Darmanin, avant d’aller à la soupe, avaient, eux aussi, attaqué Emmanuel Macron, avaient moqué le “tribun adepte d’un populisme désinvolte qui n’assume rien mais promet tout, avec la fougue d’un conquérant juvénile et le cynisme d’un vieux routier” (E. Philippe).

    Ce petit flash-back (retour en arrière) n’a pas d’autre but que de montrer que, hormis Jacques Delors qui avait toutes les chances d’être élu en 1995 mais refusa d’être président de la République parce qu’il n’était pas certain de faire triompher ses idées et de mener à bien ses réformes, parce qu’il ne voulait pas compromettre son programme dans une cohabitation avec la droite, parce que, pour lui, “une politique n’est pas un discours, ni l’occupation d’un pouvoir, mais une volonté, c’est-à-dire la visée en actes d’une fin” (Jean-Luc Nancy, “Jacques Delors, un candidat perdu” dans ‘Libération’ du 22 décembre 1994), les politiques francais sont des hommes sans principes ou des hommes ayant fait de la duplicité une vertu. Tout ce qui les intéresse, c’est le pouvoir et l’argent qu’il permet d’amasser facilement. Pour gagner cet argent, pas toujours propre, ils sont capables de retourner leur veste et de tourner le dos à celui qu’ils soutenaient hier.

    En 1981, Chirac n’abandonna-t-il pas Giscard au profit de Mitterrand ? Lui-même ne fut-il pas lâché par Balladur en 1995 ? Fillon et Macron ne se retournèrent-ils pas en 2017 contre Sarkozy et Hollande ? Ces retournements de veste et trahisons ne sont point le fruit du hasard, tant s’en faut, mais un héritage. Faire aujourd’hui le contraire de ce qu’on disait hier, Bruno Le Maire et Compagnie le tiennent de la France qui célèbre les résistants sur son sol tout en les vouant aux gémonies en Afrique, de cette France qui condamne les assassins du préfet Claude Érignac tout en déroulant le tapis rouge aux voyous qui ôtèrent la vie à Émile Boga Doudou.

    Bruno Le Maire était en Côte d’Ivoire du 29 au 30 avril 2021 au nom de “la patrie des droits de l’homme” capable de tirer à balles réelles sur des jeunes manifestant pacifiquement devant l’hôtel Ivoire en novembre 2004, non pas pour demander la libération des prisonniers politiques, mais pour arnaquer une fois de plus les Ivoiriens. En effet, comment peut-on prétendre offrir à la Côte d’Ivoire 1, 4 milliard d’euros pour un métro qui sera construit par des entreprises françaises (Bouygues TP, Keolis, Colas Rail et Alstom) ? Et qui peut croire que 37 km de trajet sur des rails existants puissent coûter 918 milliards de F CFA alors que les 51 kilomètres de  métro reliant Dakar au nouvel aéroport Blaise Diagne ont été réalisés avec de nouveaux rails à 400 milliards de F CFA ? Qu’y a-t-il eu pour que le montant du projet passe de 300 milliards à 900 milliards de F CFA ? Pourtant, avec seulement 200 milliards de F CFA, l’on pourrait construire 571 usines, ce qui créerait 45 000 nouveaux emplois directs et 200 000 emplois indirects, selon les calculs faits le 1er décembre 2017 par Philippe Attey.

    Dix-sept jours plus tard, parce qu’il avait donné son avis sur le futur métro d’Abidjan, l’ex-directeur général de la Société des transports abidjanais (SOTRA) apprenait que sa résidence d’Abidjan avait été saisie pour impôts impayés. Ce métro qui coûte excessivement cher et qui aurait dû entrer en service en 2019, toute personne sensée comprendra qu’il n’est ni utile, ni prioritaire. Ce qui est urgent, aujourd’hui, c’est d’offrir l’eau et l’électricité aux populations ivoiriennes.

    Que ceux que la France a placés à la tête de notre pays en soient incapables, alors qu’ils avaient annoncé l’émergence du pays pour 2020, est tout simplement honteux. Il y a quelques années, les mêmes personnes avaient confié la direction de notre équipe nationale de football à un célèbre inconnu, uniquement parce que ce dernier avait la peau blanche, lui versaient un gros salaire. La suite est connue : les Éléphants ne purent prendre part à la Coupe d’Afrique des nations (CAN).

    Quand on regarde d’autres pays africains, on s’aperçoit que c’est toute l’Afrique francophone qui souffre de ce complexe d’infériorité qui fait que n’importe quel va-nu-pieds français est reçu en grande pompe ou traité comme un roi par nos dirigeants. Même ceux dont on pouvait penser qu’ils étaient éclairés et pouvaient éclairer les autres semblent avoir attrapé le virus de l’agenouillement devant le Blanc. Je veux parler de certains diplômés africains qui se prennent pour des intellectuels et qui croient que l’ancien colonisateur cessera, après le sommet de Montpellier, les 9 et 10 juillet 2021, d’être ce qu’il a toujours été : voyou, voleur et assassin.

    Le Sénégalais Boubacar Boris Diop a raison d’écrire à ce sujet : “C’est à la fois choquant et pathétique. La Françafrique nous a habitués à adapter le système colonialiste en fonction des circonstances de chaque époque. C’est dans son ADN. C’est ainsi qu’au sortir de la 2e Guerre mondiale, les gens se sont rendu compte que ce n’était plus possible de faire les choses comme avant. Ils nous ont alors amené des élites qui leur étaient favorables pour continuer à faire la même chose. Le discours de La Baule, dans les années 1990, et les conférences nationales qui ont suivi se sont aussi inscrits dans le même sillage, avec la fin de la Guerre froide.

    Aujourd’hui, la France se rend compte qu’il y a une grande colère des populations africaines, particulièrement la jeunesse… Ils se rendent compte que c’est une lame de fond à laquelle il faut faire face. Comment ? On coopte des intellectuels que je ne veux pas mentionner. On se dit que les jeunes n’écoutant plus les chefs d’État qui sont leurs hommes liges, il faut parler avec les intellectuels et les sociétés civiles. Au fond, il y a tant de mépris dans la démarche. C’est l’image d’un pouvoir dominant qui se rend compte que son système est en train de s’effriter et qui trouve des gens pour voir comment arranger ça.”

    Pour ma part, je reste comvaincu que la rencontre de Montpellier ne dira rien sur le franc CFA, la présence des bases militaires françaises en Afrique, l’ingérence de la France dans nos affaires, son soutien à des rébellions meurtrières, la déportation injuste et illégale de Laurent Gbagbo à la Haye, etc. Et puis, n’est-ce pas un manque de respect à tout un continent lorsqu’un petit pays le convoque chez lui ? Tout Africain digne et sérieux devrait donc boycotter ce sommet auquel Macron est obligé de s’accrocher comme un naufragé à une bouée. Les intellectuels de l’Afrique du Nord auraient été invités par Macron qu’ils auraient répondu “non” parce qu’ils ne sont pas dans ce genre de plaisanterie et de “foutaise”, parce qu’ils sont contre toute forme d’infantilisation, parce que, depuis longtemps, ils ont dit adieu à l’inconscience et à la naïveté, parce qu’ils croient avec Césaire que, “dans notre conscience, nous avons pris possession de tout le champ de notre singularité et que nous sommes prêts à assumer sur tous les plans et dans tous les domaines les responsabilités qui découlent de cette prise de conscience, singularité de notre « situation dans le monde » qui ne se confond avec nulle autre, singularité de nos problèmes qui ne se ramènent à nul autre problème, singularité de notre histoire coupée de terribles avatars qui n’appartiennent qu’à elle, singularité de notre culture que nous voulons vivre de manière de plus en plus réelle” (‘Lettre à Maurice Thorez’, 24 octobre 1956).

    Jean-Claude DJEREKE

  • Formation, socialisme et démocratie

    Formation, socialisme et démocratie

    Un des reproches adressés aujourd’hui aux partis politiques africains, c’est d’avoir abandonné la formation de leurs militants, de ne plus leur enseigner ce qu’est la politique, l’État de droit, le socialisme, le capitalisme ou la démocratie.

    Dans le texte qu’on va lire, je montrerai, dans un premier temps, pourquoi la formation est importante pour toute personne. J’essaierai ensuite de répondre à trois questions : que faut-il entendre par socialisme et démocratie ? Y a-t-il un lien entre les deux vocables ? Si oui, qu’est-ce qui les unit ?

    I/ Pourquoi est-il important de se former ?

    Prenons un exemple simple : celui qui veut enseigner dans un collège ou dans un lycée bénéficie au préalable d’une formation théorique et pratique. Il apprend non seulement comment dispenser des connaissances mais aussi comment réagir dans telle ou telle situation. Sans cette formation théorico-pratique, il lui sera difficile d’accomplir correctement la tâche qui lui a été assignée. On peut donc affirmer, primo, qu’on se forme pour être efficace, pour bien faire le travail qui vous sera confié.

    Secundo, celui qui est formé connaît ses obligations et droits. Connaître ses droits, c’est en quelque sorte se blinder contre toute forme d’arbitraire.

    Tertio, la personne formée se blinde contre toute manipulation et contre toute intoxication. Elle n’est plus à la merci de ceux qui interprètent mal les textes régissant les communautés religieuses ou les partis politiques. Cette personne ne fait plus partie de ce peuple qui non seulement «périt, faute de connaissance» (Osée 4, 6) mais qui, par ignorance, tremble et s’agenouille inutilement et indignement devant n’importe qui.

    Quarto, le monde évolue très vite. La science et la technique aussi. Les solutions aux problèmes d’hier ne conviennent pas nécessairement à ceux que nous devons affronter aujourd’hui. D’où la nécessité d’effectuer un aggiornamento ou mise à jour. C’est en se formant continuellement qu’on peut mettre à jour ses connaissances.

    II/ Socialisme et Démocratie

    Karl Marx définissait le socialisme comme «une société transitoire entre le capitalisme et le communisme» (cf. ‘Le Manifeste du parti communiste’, 1848). La question qui se pose alors est celle de savoir ce qui distingue le socialisme du capitalisme. Grosso modo, je dirais que le capitalisme s’accommode des injustices et des inégalités sociales, qu’il promeut l’intérêt particulier et que l’existence d’une classe trop riche à côté d’une classe trop pauvre ne lui pose aucun problème. Autant de choses qui poussent Marx à soutenir que le capitalisme «génère pauvreté et détresse sociale».

    Le socialisme conçoit-il les choses différemment ? Du mot latin «socius», que l’on peut traduire par «compagnon, allié ou celui avec qui on a un lien», le socialisme est une doctrine qui est en faveur de la justice sociale, de l’égalité, de l’intérêt général et de l’intervention de l’État pour une répartition équitable des richesses. Deux autres traits du socialisme sont l’attention aux pauvres, d’une part, et, d’autre part, la solidarité et la camaraderie qui devraient exister entre ouvriers, paysans et ceux qui ont fait des études supérieures.

    L’historien Albert Samuel assimile le socialisme à «un ordre politique qui partage le pouvoir». Il ne s’agit pas ici de partager des postes politiques comme on partagerait un gâteau ou un butin mais de délibérer ensemble afin de parvenir à la construction d’une cité qui offre la liberté, la sécurité et la prospérité à tous les citoyens, ce qui me conduit à aborder la question de la démocratie : comment je comprends cette dernière et qu’est-ce que je pense de son fonctionnement actuel ?

    Le mot «démocratie» vient du grec. Il est composé de «démos» (peuple) et de «kratos» (pouvoir). Par conséquent, la démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple. Certains ajoutent «pour le peuple» et ils n’ont pas tort car un président africain est élu, non pour enrichir la France, l’Angleterre ou les États-Unis, mais pour améliorer les conditions de vie et de travail de ses électeurs. C’est un régime politique dans lequel le pouvoir est détenu par le peuple (principe de souveraineté) sans qu’il y ait de distinctions basées sur l’âge, la richesse, la compétence ou la naissance (principe d’égalité).

    III/ Ce que socialisme et démocratie ont en commun

    L’égalité est ainsi ce que la démocratie a en partage avec le socialisme. Elle s’oppose ipso facto à l’aristocratie (pouvoir aux mains d’une élite intellectuelle ou technocratique), à la gérontocratie (pouvoir exercé par les vieux), à l’oligarchie (pouvoir détenu par un petit nombre de personnes), à la ploutocratie (pouvoir détenu par les individus les plus riches), à la théocratie (pouvoir détenu par la caste sacerdotale). Dans une vraie démocratie, le peuple est souverain, c’est-à-dire que ni l’autorité ni l’initiative ne lui sont ôtées. Car, au cœur de la démocratie, il y a l’autonomie, souligne Cornelius Castoriadis qui ajoute : «quand le peuple est dépouillé de sa capacité d’auto-institution et de son autonomie, quand les lois s’imposent de l’extérieur, c’est l’hétéronomie qui prévaut» (cf ‘Quelle démocratie ?’, tome 2, 2013).

    C’est dire que, même si cela est important, le fait d’organiser des élections tous les cinq ans, d’avoir une pluralité de partis politiques et de journaux ne suffit pas pour que l’on parle de démocratie dans un pays. En d’autres termes, n’est pas démocratique un pays qui reçoit des ordres de Berlin, de Londres, de Paris ou de Washington, un pays dont la monnaie est contrôlée par un pays étranger, un pays qui n’est pas en mesure d’assurer lui-même la sécurité de son territoire et de ses frontières. Ce qui manque à un tel pays, c’est la souveraineté.

    Si la démocratie est «un système qui assure la participation des citoyens aux choix politiques et garantit aux gouvernés la possibilité de choisir et de contrôler leurs gouvernants ou de les remplacer de manière pacifique lorsque cela s’avère opportun» (Jean-Paul II, ‘Centesimus annus, lettre encyclique, 1991), si la loi y est la même pour tous, si elle garantit les libertés individuelles, si elle permet au pouvoir d’arrêter le pouvoir grâce à la séparation des trois pouvoirs  ̶ exécutif, législatif et judiciaire  ̶ (cf. Montesquieu, ‘De l’esprit des lois’), est-elle pour autant irréprochable ? Fonctionne-t-elle aujourd’hui d’une manière satisfaisante ? La réponse de Castoriadis est «non». Pour lui, la démocratie occidentale a été vidée de sa substance parce que «la souveraineté est remise à quelques représentants difficilement révocables».

    À mon avis, l’opinion du philosophe français sur le système démocratique dans les pays européens peut aisément s’appliquer à certains de nos partis politiques qui n’ont de démocratie que le nom, parce que la délibération n’y est pas collective, parce que, quand arrivent les élections, certains candidats sont parachutés ici ou là contre l’avis des militants de base, parce que les textes y sont rarement respectés.

    J’ai déjà dit que le socialisme visait à obtenir l’égalité sociale. Cette égalité doit commencer dans les partis politiques qui se réclament du socialisme. Car on ne peut pas être pour l’égalité et verser dans le culte de la personnalité, dans l’idolâtrie du chef, etc. Se revendiquer du socialisme qui prône la simplicité et mener une vie de petit-bourgeois comme certains socialistes français (cf. Laurent Joffrin, ‘Histoire de la gauche caviar’, Paris, Robert Laffont, 2006), c’est manquer de cohérence, tout comme il est inconséquent de prétendre se battre pour le petit peuple et de ne fréquenter que ceux qui exploitent, méprisent et écrasent ce petit peuple.

    La démocratie n’est pas vécue de la même manière aux États-Unis, en France ou en Angleterre. Il revient donc à l’Afrique de trouver sa propre voie, d’inventer un système qui permette à la fois aux citoyens de participer aux décisions politiques, de choisir et de contrôler leurs dirigeants.

    Jean-Claude Djereke

  • Achille Mbembe au secours de l’impérialisme français

    Achille Mbembe au secours de l’impérialisme français

    Au-delà de la curiosité intellectuelle qui anime Mbembe, il y a lieu de questionner la raison d’être et la légitimité d’un tel dialogue ainsi que sa nécessité. Un pays qui vit dans le déni permanent de l’humanité africaine peut-il s’arroger le droit d’inviter la jeunesse africaine à un dialogue ? Quelles sont les raisons morales qui lui donnent ce droit ? Pour mémoire, la France fut le premier pays à codifier dans le cadre du Code Noir, le génocide utilitariste le plus glacé de l’humanité.

    Le membre du Bureau politique de l’Alliance patriotique jette son regard sur le Sommet Afrique-France en préparation sous la houlette du duo Émmanuel Macron-Achille Mbembe et pose des préalables à la tenue de telles assises avec la jeunesse africaine.

    Pouhè Pouhè

    Du 9 au 10 juillet prochain se tiendra le Sommet Afrique–France. Il faudrait plutôt parler du Sommet entre la France et ses anciennes colonies africaines. En prélude à ce Sommet et dans son cadre, la France d’Émmanuel Macron entend, selon la formule officielle, «dialoguer avec la jeunesse africaine». Elle a à cet effet choisi de se faire aider par un certain nombre d’intellectuels africains dont Achille Mbembe.

    Au-delà de la curiosité intellectuelle qui anime Mbembe, il y a lieu de questionner la raison d’être et la légitimité d’un tel dialogue ainsi que sa nécessité. Un pays qui vit dans le déni permanent de l’humanité africaine peut-il s’arroger le droit d’inviter la jeunesse africaine à un dialogue ? Quelles sont les raisons morales qui lui donnent ce droit ? Pour mémoire, la France fut le premier pays à codifier dans le cadre du Code Noir, le génocide utilitariste le plus glacé de l’humanité. De plus, malgré l’apport colossal des Africains à sa libération des chaines nazies, la France a jusqu’à ce jour toujours brillé par l’ingratitude à l’endroit de l’Afrique.

    Le choix des participants
    Le dialogue auquel le président français Emmanuel Macron invite la jeunesse africaine se veut franc, ouvert et sans tabou. Mais qui en a fixé l’agenda ? Quels seront les différents thèmes de ces échanges ? Quels en seront les intervenants, puisqu’il suffit de citer leurs noms pour que l’on ait la certitude que certains sujets qui fâchent ne seront jamais évoqués.

    Au-delà de ce qui précède, un dialogue franc, ouvert et sans tabous est-il possible avec la France ? Si oui, quels sont les préalables pour un tel dialogue à un moment où l’omniprésence française dans les affaires africaines est de plus en plus décriée par une jeunesse qui n’en veut plus ? La France prétend parler pour l’Afrique dans les instances internationales ; à quel titre ?
    Quels sont les critères de représentation de cette jeunesse ? Qui est censé parler en son nom lorsque l’on sait que la jeunesse constitue 70% de la population africaine ? Celle des villes et campagnes africaines dont les régimes à la solde de Paris ont hypothéqué l’avenir ? Celle de la forêt tropicale profonde qui berça ma tendre enfance ou celle des savanes et steppes africaines ? Celle égarée dans le désert de la Libye, à la recherche de la route vers un hypothétique eldorado européen, ou celle traitée comme esclave dans ce même pays par les groupes armés qui y ont pignon sur rue depuis sa destruction par la France de Sarkozy et sa coalition anglo-saxonne ? Celle des camps d’asile de Lampedusa ou celle qui dort à la belle étoile sur les rives du bassin de la Villette à Paris ? Celle des amphithéâtres des universités de Yaoundé, Douala, Abidjan, Dakar, Libreville, Ndjamena, Niamey, Cotonou, etc… ou de Paris, Berlin, New York et Londres ? Les participants aux débats qu’entend organiser Paris seront-ils taillés sur mesure pour donner l’illusion d’une Afrique acquise à la France comme ce fut le cas il y a trois ans à Ouagadougou ? Sortiront-ils de la jeunesse militante africaine dont le panafricanisme de Kwame Nkrumah est le creuset et qui veut en finir avec le système de domination coloniale d’une France qui a du mal à se décoloniser ou de cette partie de la jeunesse africaine opportuniste, instrumentalisée dans le cadre des différentes organisations que la France met sur pieds ici et là à travers le continent pour vendre l’illusion d’une France philanthropique au chevet d’une «Afrique malade» ? On le voit bien, cette jeunesse est diverse et ne peut être mise sous la même coupe.

    Achille Mbembe dont la doctrine de l’heure est celle de la délégitimation et la répudiation des philosophies de l’émancipation, du nationalisme, des luttes de libération nationales et du panafricanisme pourra-t-il réunir autour d’une même table les différents courants de cette jeunesse ? N’y-a-t-il pas lieu de craindre qu’à travers le choix des participants, la nouvelle mouvance panafricaniste soit diluée dans le nomadisme hybride pour donner satisfaction aux mandataires ?

    Les préalables pour un dialogue franc et honnête.
    Le choix de ses participants et des thèmes nécessitent des préalables, faute de quoi, ce serait placer la charrue avant les bœufs. Ce d’autant plus qu’Émmanuel Macron a placé son dialogue avec la jeunesse africaine sous le signe de la redéfinition des «fondamentaux de la relation entre l’Afrique et la France». Ces préalables sont entre autres :

    – La décolonisation de la France : La France doit se décoloniser en commençant par sa classe politique. Le regard des Français à l’endroit de l’Afrique et des Africains est paternaliste, condescendant et infantilisant. Nombreux sont encore les français, surtout dans la classe politique et intellectuelle de la 5e République, qui ne s’imaginent pas une Afrique qui s’appartient. Il est grand temps qu’ils décolonisent leur conscience et admettent une relation avec l’Afrique et les Africains sur un même pied d’égalité. Il est grand temps qu’ils acceptent que l’Afrique peut, veut et doit s’appartenir. Oui l’Afrique peut s’assumer et n’a pas besoin de tutelle de quiconque que ce soit.

    – La France doit se réconcilier avec son passé colonial : La France vit dans le déni permanent de son triste et honteux passé colonial. Une réconciliation avec son passé esclavagiste et colonial passe par la reconnaissance de la colonisation comme étant un crime contre l’humanité et une repentance. Poser une telle exigence ne signifie point entretenir une économie de la souffrance qui se nourrirait d’un sentiment de victimisation et de «colonisabilité» des esprits. L’homme africain est suffisamment ancré dans l’Histoire pour entretenir un tel sentiment. Il s’agit pour nous de reprendre de façon libre et souveraine l’initiative historique dont parle Aimé Césaire en exigeant de la France la reconnaissance de ses différents crimes et génocides (humains, culturels et économiques) à travers le continent africain depuis l’esclavage jusqu’à nos jours.

    – Evacuer le contentieux historique franco-africain : Un audit des relations franco-africaines depuis l’esclavage en passant par la colonisation jusqu’à ce jour est un impératif catégorique pour une redéfinition des relations nouvelles franco-africaines. J’insiste sur le terme «nouvelles» car il s’agit de mettre fin à la nature esclavagiste des relations actuelles et d’en définir d’autres. Sans un tel audit, tout dialogue avec la France en l’état actuel est faussé dès le départ et ses fondements sans objet.

    Voilà brièvement présenter les grandes lignes des préalables sans lesquels le dialogue auquel le président français invite la jeunesse africaine n’est qu’une ruse politicienne afin de redorer l’image d’une France en mal de puissance et de légitimité auprès d’une jeunesse qui la considère comme une sangsue aux pieds des Africains. Les récents évènements à Bamako, Bangui et Dakar sont là pour en témoigner. Oui, ces préalables sont la condition sine et qua non pour un dialogue franc et sincère. Sinon, ce dialogue ne sera qu’une nième rencontre infructueuse dont l’efficacité n’aura d’égale que la cérémonie. N’en déplaise aux chantres de la civilisation de l’universelle et du nomadisme hybride qui prétendent autre chose.

    Les thèmes
    Les thèmes d’un éventuel dialogue jailliront des préalables notamment de l’audit sur les relations franco-africaines évoqué précédemment. Néanmoins, nous nous permettons ci-dessous de sélectionner quelques lignes de force qui pourront constituer la trame de la procédure et de l’action.
    – L’histoire des relations franco-africaines et leur nature : suite à l’audit, il sera particulièrement important d’écrire, mieux de réécrire, l’histoire des relations entre la France et l’Afrique. Telle qu’elle est présentée en ce moment, elle reflète singulièrement le point de vue du vainqueur. Il s’agira ici de rétablir la vérité historique en sortant des cartons ethnographiques et idéologiques des officines du bassin de la Seine. Dans cet optique, les historiens africains devront s’y atteler mais aussi leurs collègues français honnêtes et de bonne foi. L’histoire africaine réécrite telle qu’elle est, devra figurer dans les manuels scolaires.

    – Les accords d’assujettissements pudiquement appeler accords de coopération. Signés au lendemain des petites indépendances et dans certains cas peu avant, avec des gouvernants acquis à la France, le décryptage de ces accords fera également partie de l’audit. Nettement défavorable aux Africains et faisant toujours des anciennes colonies françaises la chasse gardée de la France, ces accords doivent être abolis et, dans la mesure du possible, remplacer par de nouveaux accords. Tout dépendra des Africains s’ils le veulent. En raison des énormes souffrances infligées par la France aux Africains pendant la traite négrière et la colonisation, à cause du soutien des gouvernants français depuis De Gaulle jusqu’à Macron aux régimes qui leurs sont dociles dans le pré-carré français, la jeunesse africaine est dans la logique de la rupture et se représente difficilement une continuité avec une France qui éprouve du mal à arriver au 21e siècle.

    – Les bases militaires françaises en Afrique et les accords de défense : Bras séculier de l’impérialisme français en Afrique, les bases militaires sont la pierre angulaire de la présence néocoloniale française sur le continent. Les soldats français, partout où ils sont présents en Afrique, se sentent en terre conquise et se comportent comme si l’Afrique était leur « terrain de souveraineté ». Paris saisie tout prétexte pour renforcer la présence militaire française sur le continent qui est devenu le terrain de rivalités par excellence des forces étrangères.

    Après avoir fait un bilan de la coopération militaire avec la France, les Africains doivent sortir des accords de défense et exiger le démantèlement des bases militaires françaises sans débat autour du départ des soldats français. À la limite, seul le calendrier de leur fermeture et le départ des militaires français peuvent être sujet de quelques échanges entre les experts militaires du continent et de la France.

    L’armée étant un des instruments de souveraineté, les Africains doivent construire leurs propres forces de frappe et refuser toute présence militaire étrangère sur leur sol. Aucun prétexte ne doit être accepté pour justifier la présence des armées étrangères ni en terres africaines, encore moins sur les côtes. Un milliard d’habitants ne peut continuer à livrer sa sécurité entre les mains des autres. Cette approche demande les moyens mais aussi et surtout l’engagement, le courage politique et la détermination. Quant-aux moyens, l’Afrique est assez riche pour se doter des moyens de sa politique. Bien géré, le continent africain peut être transformé en un grand chantier et les nations africaines placer parmi les plus respectables du monde. Nous avons tous les atouts pour cela : des réserves en matières premières innombrables, une population jeune qui ne demande qu’à être bien canalisée, des terres arables, des cadres formés dans tous les domaines de la science, etc.

    – Le FCFA : Beaucoup d’études d’experts africains existent à ce sujet. Nous n’y reviendrons pas et renvoyons plutôt le lecteur à ces dernières ; notamment à celles de Joseph Tchuindjan Pouémi et Nicolas Agbohou. Ce que les pays africains concernés doivent faire, c’est soit envisager la sortie immédiate du FCFA, soit sa récupération totale et immédiate. Le nazisme monétaire français a déjà trop duré pour lui accorder encore un temps de répit. L’heure est à l’urgence et il faut agir maintenant. La récente cosmétique autour de cette monnaie de singe avec la naissance de l’éco version Macron-Ouattara n’y change rien.

    Comme dans les cas précédents des accords de défense et d’assujettissement, cela demande tout simplement la volonté, le courage, la détermination politique et l’unité dans la démarche pour imposer à la France une autre grille des rapports. Sur ce point, la jeunesse militante africaine a bien des atouts et rien ne peut l’arrêter. Ce sont ses assauts contre l’impérialisme français en Afrique qui sont à l’origine du projet Macron-Mbembe dont le but est de court-circuiter ce combat afin de retarder le plus longtemps possible la fin de ce qui reste de l’empire. N’en déplaise aux avatars de la «mission civilisatrice» de l’Occident, ces ONG et leurs alliés qui fleurissent telles les tulipes au printemps et qui feront probablement la part belle des participants de la parodie de dialogue des 9 et 10 juillet prochain. N’en déplaise aux intellectuels africains qui se prêtent à ce jeu et qui entendent user de leur autorité pour venir au secours d’une France en chute libre dans l’opinion africaine.

    – La culture : À côté du débat sur le retour des objets d’art volés à l’Afrique pendant la colonisation et qui doivent être restituer sans délai aux Africains, le génocide culturel savamment pensé et organisé à travers l’imposition de la langue française et du modèle français d’éducation aux Africains devront être sur la table des discussions. C’est dire que la stratégie culturelle de la France en Afrique devra être remise en cause. Certes, ce point incombe beaucoup plus aux Africains dans l’exercice de leur souveraineté (quoique restreinte) et la raison d’en faire un thème de débat en terre française est sans fondement. Mais puisque le projet de Macron-Mbembe se veut sans tabou (ce qui est louable) et compte tenu de l’influence dont jouit encore (pour combien temps encore ?) auprès de ses anciennes colonies, il est judicieux de passer en revue l’approche culturelle de la France en Afrique lors des assises de Montpelier.

    Les nomades hybrides et chantres de la culture de l’universelle ne manqueront pas de crier «attention au nombrilisme culturel» puisqu’ils sont prêt à se déshabiller et à porter le vêtement de l’autre en renonçant à leur culture et en assumant avec fierté l’héritage colonial. Mais ont-ils vu la même attitude auprès de ceux qui sont leurs modèles ?
    Certes nous n’avons pas choisi en toute liberté les langues des autres comme moyen d’expression officielle, mais au lieu de remuer davantage nos méninges et développer nos propres langues et un système scolaire adapté à nos réalités, nous semblons avoir choisi le confort intellectuel. Les autres ont pensé à notre place, alignons-nous. Tel semble être la devise dans nos enclos néocoloniaux. Si nous ne voulons pas catapulter dans l’insignifiance culturelle, nous devons nous ressaisir en reprenant l’initiative culturelle. C’est un impératif.

    – La Françafrique : Cette relique du gaullisme est un monstre politico-mafieux. Il faut s’en débarrasser le plus rapidement possible.
    Loin d’être exhaustifs, les quelques points ci-dessus retenus ne sont que des propositions d’orientation qui peuvent être revues. La recherche et la réflexion collectives détermineront le contenu.

  • «Les cambistes privilégient la devise américaine»

    «Les cambistes privilégient la devise américaine»

    Nombreux sont les entrepreneurs compétents, avec des business qui pourraient profiter aux pays et à la zone Cemac entière, si seulement ils avaient un interlocuteur, autre que les banques, capable de les accompagner dans leurs projets. Où serait, Facebook, Amazon, Google, Mercedes, Netflix… Sans l’effet de levier que représente la bourse ? nulle part !

    William Hans

    L’expert du Cabinet Jure-Entrepreneur jette son regard sur les performances de la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC) et propose des solutions pour que cette place financière serve encore plus que par le passé, de levier à l’économie sous-régionale.

    Au vu des éléments d’appréciation à votre disposition, considérez-vous la BVMAC comme une place financière forte ?
    Je ne voudrais pas que ma réponse soit mal interprétée, mais pour répondre simplement à votre question, je dis non. Quelques KPI le prouvent. Quel est le volume de transactions effectué ? Quel est le nombre d’entreprises cotées au moment où nous parlons ? Quel est l’apport quantitatif de la bourse dans l’économie de la zone ? Ça c’est pour le coté place financière.

    Pour le côté «forte» de votre question je dirais qu’elle possède le potentiel, mais les arguments sont les mêmes malheureusement.
    Pour me résumer, la BVMAC a le potentiel, mais n’est pas encore une place financière forte.

    Avec l’unification des deux bourses intervenues en juin 2020, qu’est-ce qui peut encore plomber l’essor de la nouvelle BVMAC aujourd’hui ? Que manque-t-il ?
    Ce qui manque… Je dirais, en premier lieu, un écosystème composé d’une multitude de partenaires, les institutions, les banques, pour le marché primaire, plus un effort collectif de la part des acteurs déjà présents, mais aussi des nouveaux acteurs. Ils sont nombreux, qui sont prêts à relever les défis intrinsèques de ce monde ultra compétitif afin de créer et développer un marché secondaire respectueux des règles, attractif et dynamique.
    En second lieu, une réelle possibilité de rencontre entre la demande et l’offre. Nombreux sont les entrepreneurs compétents, avec des business qui pourraient profiter aux pays et à la zone Cemac entière, si seulement ils avaient un interlocuteur, autre que les banques, capable de les accompagner dans leurs projets. Où serait, Facebook, Amazon, Google, Mercedes, Netflix… Sans l’effet de levier que représente la bourse ? Nulle part !

    Et pour finir, il est important de laisser se construire et d’accompagner la création de synergies internes capables d’apporter des solutions aux problèmes rencontrés. Pour le cas du Cameroun, la SNI ne peut porter seul cette lourde et stratégique activité. Des acteurs privés, soucieux de sortir le pays de l’immobilisme (en ce qui concerne les marchés financiers) dans laquelle il se trouve, sont capitaux. Pour exemple, les USA, plusieurs fonds d’investissements privé (ex : le fond Carlyle) participent au renfort de la politique américaine sur les marchés financiers. Pourquoi pas ici ?

    Faisons œuvre de pédagogie. Dites-nous de quelle façon une bourse de valeurs dynamique peut contribuer de façon décisive au financement du développement dans un espace communautaire donné ?
    Je commencerais par parler du rôle qu’elle peut jouer sur les marchés mondiaux et puis au sein même de la zone.
    Sur les marchés mondiaux, à travers la création d’indices sectoriels, elle peut représenter la porte d’entrée de capitaux privés internationaux. En particuliers durant cette période de reprise de l’économie post-confinement, et non post-Covid-19, les marchés financiers mondiaux sont à la recherche de marchés et surtout d’investissent sur des valeurs plus cycliques, c’est à dire corrélée à la conjoncture et aux cycles économiques, ce qui est une des qualités internes de la région. Exemple non exhaustif, les matières premières.

    Au sein même de la zone maintenant, la bourse joue un rôle de sélectionneur d’opportunités. C’est un peu comme la sélection naturelle. Les projets les plus compétitifs sont épaulés au détriment des autres. Une bourse dynamique permet aussi aux nations d’être présente, à travers leurs différents partenaires, aussi dans les secteurs qui leurs sont stratégiques.

    Enfin, comment se sont portées cette semaine, les principales places financières dans le monde?
    L’optimisme des investisseurs sur la reprise économique alimente à nouveau la rotation sectorielle cette semaine. Cependant, les valeurs défensives sont celles qui en ont le plus profité ces derniers jours. Il semble que la chute des actions technologiques, parfois surévaluées, inquiète durablement les opérateurs.

    Ballotés entre les espoirs «d’ultime» vague de Covid-19, l’attente des résultats du T1 et les possibles risques de bulle boursière sur certains secteurs, les intervenants se concentrent plus que jamais sur des dossiers de qualité.

    S’agissant des indices, en Asie, le Hang Seng et le Nikkei enregistrent des pertes hebdomadaires de 2.1% alors que le Shanghai composite s’adjuge 0.4%. En Europe, le CAC40 perd 0.3% sur les cinq dernières séances, tandis que DAX grimpe de 0.8% et le Footsie de 0.3%. Pour les pays périphériques de la zone euro, l’Espagne cède 0.15%, le Portugal 0.3% mais l’Italie gagne 0.7%. Outre-Atlantique, à l’heure de la rédaction de ce point hebdomadaire, les performances sont proches de l’équilibre. Le Dow Jones réalise une avancée de 0.5% sur la semaine, tout comme le S&P500 et le Nasdaq-100 recule de 0.25%.

    Pour ce qui est des matières premières, les cours pétroliers ont littéralement fait du yoyo cette semaine, évoluant soit en forte hausse, soit en forte baisse. Le blocage du stratégique canal du Suez perturbe l’approvisionnement en pétrole de l’Europe, de quoi inciter certains opérateurs à spéculer sur une hausse de l’or noir. Malgré cette volatilité, le baril s’échange sur ses niveaux de vendredi dernier, à 64 USD pour le Brent et 60 USD pour la référence américaine.

    La volatilité est en revanche totalement absente sur l’or, dont le cours glisse lentement mais sûrement vers 1700 USD. Le métal doré reste boudé par les investisseurs, qui ne jurent que par l’orientation des taux d’intérêt réels des grandes signatures des marchés obligataires. L’argent quant à lui se négocie à 25 USD.

    Du côté des métaux de base, le cuivre poursuit sa phase de respiration à 8700 USD, tandis que l’aluminium se stabilise à 2200 USD.

    Qu’en est-il du marché obligataire ?
    La présidente de la FED de San Francisco, Mary Daly, a exprimé la nécessité pour l’institut de continuer à supporter une économie qui est loin des objectifs fixés. Elle a ajouté n’avoir observé aucune tension sur les salaires et prône la patience, avant de retrouver des taux d’intérêts plus élevés. Dans cette ambiance, le Tbond arrive à se stabiliser autour des 1.65%.

    En Europe, le calme prédomine avec un bund qui a reculé jusqu’à un niveau légèrement inférieur à -0,35%, ce qui le place dans la partie inférieure de sa fourchette de négociation pour le mois en cours. Les autres références obligataires ont évolué sans direction sur la semaine, sans que les haussiers ou les baissiers ne gagnent de terrain. L’OAT française garde ses niveaux à -0.10%, tout comme l’Italie (0.60%) ou encore la Suisse (-0.32%).
    De son côté, la Banque de Russie a remonté son taux directeur de 25 points de base à 4.5 %, une première depuis 2018, prenant ainsi par surprise les économistes. Elle a justifié sa décision par une augmentation de l’inflation au premier trimestre plus élevée qu’attendu.

    Et que nous a réservé le marché des changes cette semaine ?
    Les préoccupations liées à l’inflation augmentent dans le monde entier alors que les gouvernements dépensent pour lutter contre la pandémie et adoptent des mesures de circulation plus strictes. Ce contexte déplace les intérêts vers les devises refuges, comme le yen et le franc suisse.
    La séquence hebdomadaire qui se termine aura également permis de confirmer la progression du dollar. Le différentiel de perspectives entre les Etats-Unis et l’Europe avantage le billet vert, qui en profite pour revenir tester la zone support des 1.1780/1.18 USD. Les cambistes privilégient la devise américaine dans un contexte d’inquiétudes concernant la crise sanitaire sur le «vieux continent».

    De l’autre côté de la Manche, les prises de bénéfices caractérisent le parcours de la livre sterling, qui se négocie à 1.16 contre l’euro (-100 points de base) et à 1.37 (-300 points de base) face au dollar. En Turquie, la monnaie locale s’échange avec une volatilité extrême, pour finir la semaine à 7.90, après avoir cotée 8.2 TRY pour un dollar. La décision du président turc, Erdogan, de remplacer le responsable de la Banque centrale a considérablement agité le marché monétaire local. (Sources: zone bourse)

    Propos recueillis
    par Théodore Ayissi Ayissi

  • L’essence du poème par Michel Chevalier

    L’essence du poème par Michel Chevalier

    La poésie peut être certes embellie de maintes façons, par la métrique, la rime, les figures de style plus ou moins savantes… Des traités ont été rédigés à ce sujet, et étant moi-même un amoureux de la poésie classique, je suis loin de cracher sur la beauté des œuvres rédigées en respectant toutes ces règles forgées par des générations de poètes.

    Mais, quand on enlève tout cela, que reste-t-il ? Le résultat est-il moins poétique ? Bien au contraire, c’est l’essence même du poème qui surgit, brute et immaculée…

    C’est comme en cuisine, on peut adorer une recette sophistiquée, avec de multiples ingrédients chers, utilisant un savoir-faire compliqué pour les mettre en valeur en un feu d’artifice de saveurs et de textures… Mais, pour certains, rien ne vaut la pureté d’un sashimi, un simple morceau de poisson cru d’une fraîcheur exquise, dont la saveur explose en bouche sans que l’attention soit distraite par les multiples ingrédients qu’on y rajoute.

    C’est cela qu’a tenté Timba Bema, par ailleurs Grand Prix Littéraire d’Afrique Noire pour une œuvre tout aussi poétique, mais presque à l’opposé de celle-ci, Les seins de l’amante, puisque c’est un poème long, d’une soixantaine de pages, utilisant à merveille toutes les techniques de la narration, de la métaphore, de l’analogue, de l’art de varier le rythme pour tenir constamment le lecteur en haleine sans jamais le lasser et susciter en lui une profonde réflexion…

    L’exercice ici est inverse et réussi tout aussi magnifiquement ! Je n’ai jamais lu, résumé en aussi peu de mots ni avec autant de force des sujets aussi variés que l’essence de la poésie.

     

    Un poème

    Sera toujours

    La rencontre de l’œil

    Avec l’esprit de l’œil

     

    La solitude de celui dont le regard va au-delà des apparences

    Tu es étrangement seul

    Toi qui oses

    Visiter

    Les profondeurs du monde

     

    La puissance corruptrice de l’argent

    Or

    Métal des dieux

    À peine montrais-tu ton visage aux hommes

    Que tu les convertissais à la folie

     

    Le risque totalitaire

    Est à craindre

    Toute

    Société

    Fière de ses lois

     

    La pureté d’une joie qui éclate

    Joie !

    Dans la demeure

    Tu as déposé ton fardeau

    Joie !

     

    La beauté de la nature

    L’estuaire

    Est comme un coquillage

    Enroulé sur lui-même

    Mystère d’une terre accouchée par les eaux

     

    Les drames de l’identité déchirée par immigration, un thème également omniprésent dans Les seins de l’amante et dans son autre recueil, Les bateaux sombrent-ils en silence ?

    Immigré

    Tu es

    La défaite

    Du souvenir

     

    L’ennui d’un travail répétitif

    Je vivais

    Entre les morts

    Du lundi matin

    Au vendredi soir

     

    Les ambiguïtés de certaines relations amoureuses

    Après

    Une nuit d’amour avec son bien-aimé

    Après

    Elle lui découpa le cœur en morceaux

    Et tant d’autres thèmes…

     

    Michel Chevalier, éditeur

  • La France a peur d’affronter son passé colonial

    La France a peur d’affronter son passé colonial

    Le Mois de l’histoire des Noirs (Black History Month en anglais) commémore une fois par an la contribution des Noirs à la construction et au développement des États-Unis. C’est en 1926 que tout commença.

    Jean-Claude DJEREKE

    La manifestation, prévue au départ pour durer une semaine (Negro History week), avait été initiée par l’historien afro-américain Carter G. Woodson et le pasteur Jesse E. Moorland. Ce sont eux qui choisissent la deuxième semaine de février 1926. Pourquoi la deuxième semaine ? Pour ne pas gêner les anniversaires d’Abraham Lincoln (le 12 février) et de Frederick Douglass (le 14 février), anniversaires que les communautés noires américaines avaient coutume de célébrer depuis la fin du XIXe siècle. Kent State University (dans l’État d’Ohio) accueille en février 1970 la première célébration du Mois de l’histoire des Noirs.

    6 ans plus tard, à la faveur du bicentenaire des États-Unis, le Mois de l’histoire des Noirs est officiellement reconnu par le gouvernement américain. Gerarld Ford, son président, invite toute l’Amérique à “saisir l’opportunité d’honorer les réussites trop souvent ignorées des Noirs américains dans tous les domaines à travers notre histoire”. L’exemple des États-Unis sera suivi par le Royaume-Uni en 1987, puis par le Canada en 1995.

    En France, il faudra attendre 2018 pour voir l’association ‘Mémoires & Partages’ organiser à Bordeaux le premier Mois de l’histoire des Noirs. Pourquoi les Français ont-ils mis trop de temps à emboîter le pas aux Américains, aux Anglais et aux Canadiens ? Pour certains, la France a du mal à regarder en face son passé colonial. C’est le cas de l’historienne française Christelle Taraud qui explique que l’État français a choisi la glorification de la colonisation, le déni des crimes et massacres, le récit officiel selon lequel la France s’est libérée toute seule de l’occupation nazie entre 1940 et 1944.

    Or, poursuit-elle, “des tirailleurs sénégalais et algériens, des goumiers marocains, des soldats indochinois, malgaches, antillais, avaient été au cœur de la libération de la France”. L’on sait aussi que la 2e Division Blindée du général Philippe Leclerc commença en Afrique, que Brazzaville fut la capitale de la France libre et que le gouverneur guyanais Félix Éboué fut parmi les premiers à se rallier à Charles De gaulle qui avait appelé à la résistance. Enfin, il est de notoriété publique qu’Africains et Antillais participèrent à la construction des “Trente Glorieuses”.

    Créée par Jean Fourastier, cette expression désigne “une période exceptionnelle de croissance qui profite à quasiment tous les pays industrialisés, durant une trentaine d’années, de la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’au premier choc pétrolier, soit de 1945 à 1973” (cf. ‘Les Trente Glorieuses ou la révolution invisible’, Fayard, Paris, 1979). Hégésippe Jean Légitimus, élu député de la Guadeloupe en 1898 à 28 ans, le boxeur sénégalais Battling Siki, qui devint champion du monde en battant Georges Carpentier en 1922, le Guyanais Gaston Monnerville, qui dirigea le Sénat français de 1958 à 1968, le chanteur guyanais à succès Henri Salvador, le grand poète martiniquais Aimé Césaire, le joueur de tennis camerounais Yannick Noah qui remporta le tournoi de Roland-Garros de 1983 à l’âge de 23 ans, le Guadeloupéen Lilian Thuram dont les deux seuls buts permirent aux Bleus d’être sacrés vainqueurs de la Coupe du monde le 8 juillet 1998, Rama Yade ou la députée guyanaise ChristianeTaubira qui porta le projet de loi légalisant le mariage gay en 2013 font partie de ces Africains et Antillais qui jouèrent un rôle majeur en France.

    Ce n’est ni en gardant le silence sur ces hommes et femmes, ni en diabolisant la repentance, ni en refusant d’assumer un pan peu glorieux de son histoire, ni en faisant l’apologie de la colonisation qui ne fut pas civilisation mais“barbarie et chosification [parce qu’elle] arracha des millions d’Africains à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse, à la sagesse” (Aimé Césaire, ‘Discours sur le colonialisme’, Paris, Présence Africaine, 1950) que la France aura des relations apaisées avec les descendants des colonisés. 

    Emmanuel Macron, en qualifiant en 2017 la colonisation de crime contre l’humanité et en confiant, le 24 juillet 2020, à l’historien Benjamin Stora une mission sur la mémoire de la colonisation et la guerre d’Algérie, voulait-il signifier qu’il en avait pris conscience ?  Ma réponse est “non” car, à regarder les choses de près, on s’aperçoit tout de suite que rien ne distingue la politique africaine de Macron de celle de ses prédécesseurs et que tous les présidents de la Ve République ont en commun les tares suivantes : maintien des bases militaires françaises en Afrique, éloge du franc CFA, vol des matières premières, soutien aux dirigeants incompétents et autoritaires qui servent les intérêts de la France, renversement ou assassinat des présidents africains qui refusent de se soumettre à l’ancienne puissance colonisatrice, immixtion dans les affaires internes des pays africains, etc.

    Bref, l’histoire et l’apport des Noirs au progrès et au rayonnement de la France sont volontairement occultés parce que, dans le subconscient des Francais, les Afro-Antillais restent “des Français entièrement à part et non des Français à part entière” selon la belle formule d’Aimé Césaire, parce que la France a “décolonisé sans s’auto-décoloniser (Achille Mbembe), parce qu’elle “a écrit son histoire de façon monochrome” (Pascal Blanchard dans ‘Noirs de France’, le documentaire réalisé en 2012 avec Juan Gélas).

    Ce n’est pas tenir un discours victimaire que d’affirmer que, même si “aucune institution, aucun organisme, aucune loi [ne] prône la ségrégation raciale, quand les Africains arrivent en France, la République les met dans des départements, des quartiers où ils se regroupent, nous n’agissons pas bien avec eux” (Kofi Yamgnane dans ‘Le Point’ du 13 juin 2020). À notre avis, la France peut encore rectifier le tir, c’est-à-dire faire en sorte que les Français d’origine africaine et antillaise ne soient plus perçus et traités comme des citoyens de seconde zone.

    Comme le résume bien l’universitaire Séverine Labat, “faute de donner une place à ces nouveaux Français dans notre récit national, la situation ne peut que perdurer et alimenter violences urbaines et tensions communautaires”. Il est vrai que les Noirs continuent d’être victimes du racisme au Canada et aux États-Unis, comme on l’a vu le 25 mai 2020 avec l’assassinat de l’Afro-Américain George Floyd par le policier blanc Derek Chauvin. N’empêche que célébrer l’histoire et la contribution des Noirs en février a conduit toute la société vers plus de reconnaissance de l’apport des Afro-Antillais dans l’Histoire de ces deux pays et vers plus de considération à leur égard. Autant dire qu’il ne suffit pas d’appeler à tourner la page car, avant de le faire, il faut prendre le temps de bien étudier cette page et d’en célébrer les héros jusque-là oubliés. 

    Jean-Claude DJEREKE